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Sécurité et liberté chez Thomas Hobbes


par Jacob Koara
Université Joseph Ki Zerbo  - Master 2022
  

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2. De la liberté naturelle à la liberté civile

La liberté demeure l'une des caractéristiques essentielles de l'homme. Mieux, elle constitue son essence étant donné que le mot lui-même n'a de sens qu'appliqué à l'homme165(*). Elle le détermine à agir ou non. La liberté est ce qui guide les actes des hommes. Plus, elle est l'unité de mesure de la responsabilité humaine. Imputer un acte à quelqu'un présuppose que ce dernier soit un agent libre. Aussi sans elle, serait-il difficile, de parler de responsabilité humaine. Cependant, parler de liberté dans la sphère de l'humain, c'est reconnaître tacitement ou explicitement que celui-ci n'est pas toujours en mesure d'exercer cette liberté. Aussi, tous ceux qui ont abordé ce terme cherchent à établir les conditions de son exercice. D'ailleurs, la plupart des critiques contre Thomas Hobbes se sont faites au nom de la liberté humaine.Il serait un penseur liberticide.

Contrairement à ce que pensent ses détracteurs avec leurs critiques aux allures hâtives, Hobbes s'impose une démarche scientifique irréprochable d'autant qu'il recherche lui aussi les conditions qui vont permettre de rendre la liberté humaine effective. Vu sous ce prisme objectif, il ne serait pas excessif d'alléguer qu'il est le penseur par excellence de la liberté humaine. Pour preuve, dans toute son oeuvre politique, et ce au fil de son argumentation, il ne cesse de marteler que les hommes, sont à tout instant libres, qu'ils sont des êtres naturellement libres. Nous avons, par exemple, affaire à des individus libres à l'état de nature. Ce sont des sujets libres qui se retrouvent pour passer le contrat qui donne naissance au corps politique. Après le contrat social, ces derniers continuent d'être libres au sein de la société civile. Mais, il existe une différence entre la liberté dont ils jouissent à l'état de nature et celle qu'ils ont une fois le corps politique constitué. La liberté naturelle est différente de la liberté civile.

À l'état de nature hobbesien, les hommes jouissent d'une liberté totale. Cette liberté est illimitée et sans commune mesure. Elle n'a aucune borne, aucune barrière. Chaque individu agit, selon son bon vouloir. Tout y est permis. En effet, l'individu peut faire tout ce qui concourt à la réalisation de son intérêt. La liberté des individus dans cet état se mesure à l'aune de leurs aptitudes. La liberté naturelle est tout ce que nous permettent nos forces. Elle s'identifie à notre capacité à persévérer dans notre être. À l'état présocial hobbesien, l'homme est libre jusqu'à ce qu'il rencontre un obstacle qu'il ne peut surmonter. D'ailleurs, c'est en substance ce qui ressort de la définition qu'il donne lui-même de la liberté :

Les mots de LIBERTY ou de FREEDOM désignent proprement l'absence d'opposition (j'entends par opposition : les obstacles extérieures au mouvement), et peuvent être appliqués à des créatures sans raison, ou inanimées, aussi bien qu'aux créatures raisonnables166(*).

Et Jean Terrel d'expliciter davantage cette conception hobbesienne de la liberté en ces termes : « C'est pour un corps quelconque l'absence d'obstacles externes à son mouvement »167(*).

La limite de la liberté humaine à l'état de nature, c'est la rencontre avec une autre liberté : le prochain. L'égalité naturelle des hommes est ce qui justifie cet état de fait. En effet, de cette égalité naturelle découle une égalité de droit. Le droit naturel confère aux hommes les mêmes droits. Par conséquent, chacun jouit de la même liberté que son prochain. La liberté naturelle s'identifie au droit naturel ; j'ai les mêmes aspirations que mon prochain. Les moyens que je déploie pour atteindre cette fin, autrui est aussi en droit de déployer les mêmes moyens. Cet état de fait a pour corolaire que quand deux sujets libres se rencontrent, c'est le plus fort qui l'emporte. Aussi ces droits et ces libertés finissent-ils par s'annihiler. Cette situation conduit à l'insécurité et à une existence misérable. Nous n'avons alors affaire qu'à une liberté éphémère à l'état de nature.

En conséquence, le philosophe anglais soutient que la véritable liberté, c'est celle qui est prise en charge par le corps politique, c'est-à-dire la liberté civile. La liberté, pour lui, trouve son expression la plus complète dans le cadre sociétal. Il en est ainsi, parce que la société est régie par des lois. Le corps politique est à même de garantir la liberté humaine, le droit à la liberté par le biais des lois qui la régissent. Pour Thomas Hobbes,

le droit de nature, c'est-à-dire la liberté naturelle de l'homme, peut être amoindri et restreint par la loi civile : et même, la fin de l'activité législatrice n'est autre que cette restriction sans laquelle ne pourrait exister aucune espèce de paix168(*).

Les lois civiles ont pour visée de fixer des limites, des bornes au droit naturel des hommes. Ce qu'elles interdisent, elles l'interdisent pour tous. Il en est de même pour ce qu'elles autorisent. Il y a un rapport d'égalité devant la loi. Les lois civiles déterminent le droit des sujets ainsi que les peines et sanctions encourues. Elles confèrent ainsi aux citoyens la liberté et les encadre dans leur agir.

Pour Thomas Hobbes, la liberté civile ne s'apparente aucunement au libertinage en ce sens qu'elle n'est pas synonyme de licence. Être libre, ce n'est pas s'émanciper de la tutelle des normes sociales pour laisser libre cours à ses désirs ou encore faire tout ce que l'on veut comme bon nous semble169(*) à l'exemple de ce qui se passait à l'état de nature. En vérité, c'est là une fausse conception de la liberté. La véritable liberté des sujets réside plutôt dans l'acquittement de leurs devoirs civiques, ainsi que le respect strict des lois de la république. Certes, les lois civiles sont contraignantes, mais les limites qu'elles fixent n'ont pas pour but d'oppresser, de persécuter. Elles ont pour finalité de nous libérer du diktat des autres. Les hommes ne sont obligés que par les lois. Notre liberté ne dépend plus du bon vouloir d'un autre ni de nos aptitudes. Elle se trouve déterminée par les lois civiles. De cela, on peut affirmer que la contrainte peut être conciliée avec la liberté170(*).

Si la liberté civile se trouve encadrée par les lois civiles ; signalons toutefois que celles-ci ne peuvent tout baliser. La loi ne peut tout régenter. Il y a certaines actions qui ne sont pas réglementées par celles-ci. Là où la loi ne se prononce pas, selon Hobbes, l'homme est libre d'agir, selon sa conscience. Il s'en remet à elle pour décider ce qu'il convient de faire. C'est ici que sa capacité à agir par lui-même, à se déterminer lui-même se manifeste. Il exprime cette idée en ces termes : « Dans tous les domaines d'activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que leur propre raison leur indique comme étant le plus profitable »171(*). Le disant, sa conviction, c'est que l'homme n'est pas un robot, dont on pourrait prévoir ou encadrer au détail près toutes les actions par les lois civiles.

* 165 Thomas Hobbes, Op. Cit., p. 222.

* 166 Thomas Hobbes, Op. Cit., p. 221.

* 167 Jean Terrel, LeVocabulaire de Hobbes, Paris, Ellipses, 2003, p. 24.

* 168Thomas Hobbes, Léviathan, trad. François Tricaud, Paris, Sirey, 1971,p. 285.

* 169 Thomas Hobbes, Le Citoyen, trad. Samuel Sorbière, Paris, GF Flammarion, 1982, p. 189.

* 170 Thomas Hobbes, Léviathan, trad. François Tricaud, Paris, Sirey, 1971,p. 222.

* 171Thomas Hobbes, Op. cit., p. 224.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry