III. LE PROBLEME D'ACTEURS
Bien que la main-d'oeuvre ait toujours été
considérée comme le facteur pléthorique en agriculture
parce qu'elle n'a jamais semblé être rare quel que soit le stade
de développement, il est évident de nos jours qu'elle n'est plus
disponible en qualité et en quantité suffisantes. Il est à
noter que la main-d'oeuvre existante est vieillissante (70% des cultivateurs de
la commune d'AYOS ont en moyenne plus de 40 ans36). L'insuffisance
accrue de main-d'oeuvre agricole peut être expliquée par plusieurs
éléments dont nous pouvons résumer ici en deux: l'exode
rural d'un côté et ce que nous avons appelé la rupture
socio-culturelle.
A. L'EXODE RURAL
Un exode peut être considéré comme toute
sortie en masse, soit des hommes, soit des richesses. Dans ce sens, l'exode est
dit «rural» lorsque ce mouvement se fait des milieux ruraux,
c'est-à-dire des villages ou des campagnes vers les zones urbaines
c'est-à-dire des villes et grandes métropoles. Il est
généralement dans le contexte camerounais, la résultante
de la recherche d'un cadre de vie meilleur. La faiblesse des infrastructures de
base en milieu rural, la poursuite des études supérieures
poussent en grande partie les jeunes qui représentent plus de la
moitié de la population totale active37, à quitter la
campagne pour la ville, vidant ainsi les villages de leur potentiel agricole au
moins à court et à moyen termes.
36Résultats d'enquêtes de l'auteur sur le
terrain.
37 ECAM 3.
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Mémoire du Diplôme Professionnel
d'Expert-Consultant en Développement
Avril 2011
«Promotion des activités agropastorales et
activation de l'économie locale en situation
de décentralisation. L'exemple de l'agriculture familiale dans la
commune d'Ayos» par Emile Baudouin
MVOGO SOUGA.
Dans la commune d'AYOS, l'existence d'un niveau
élevé de « sous-occupation de la main-d'oeuvre dans
l'agriculture familiale » a comme conséquence
que ceux qui émigrent ne sont pas toujours ceux qui ont le plus de
chances de trouver du travail en ville. Et c'est dans des conditions
précaires que ces populations, surtout les plus jeunes se retrouvent
donc dans les grandes villes (Yaoundé, Douala...). C'est une situation
assez proche de celle décrite par Jerzy Tepicht en 1973 pour la Pologne,
quand il parlait des «forces marginales et non
transférables» à l'intérieur de l'agriculture
familiale, celles dont le travail ne trouvait pas de valorisation mercantile en
dehors de l'unité familiale. Dans la commune d'AYOS, l'activité
agricole a été de tous temps une activité qui occupait
généralement moins de 70% du temps de vie des
individus38.
En effet, cette zone mal reliée depuis toujours aux
marchés des grandes métropoles et disposant de ressources
naturelles (bois, produits de cueillette), cynégétiques (produits
de la chasse) et fluviales (produits de la pêche) importantes, a
longtemps été coupée du reste du territoire national. Cet
isolement a conduit ses habitants à migrer, dès le début
du XXème siècle vers les zones urbaines pour trouver d'autres
activités rémunérées (manoeuvres au port de Douala
ou sur de nombreux chantiers...). Le tableau 4 suivant (construction de
l'auteur) représente les données synthétisées par
un tri croisé «exode rural» par «raison du sens de la
mobilité» d'un échantillon de 2.000 jeunes pris au hasard
à travers la zone d'étude et segmenté en deux tranches
d'âge mais de sexe confondu.
|
Principales raisons de la mobilité des jeunes
des villages de la commune d'Ayos vers les villes
|
Total
|
Poursuite des études
|
Recherche d'AGR39
non agricoles
|
Recherche d'un cadre de vie extra rural
|
|
Entre 10 - 18 ans Entre 19 - 35 ans
|
100 (5%)
800 (40%)
|
20 (1%)
1000 (50%)
|
0 (0%)
80 (4%)
|
120 (6%)
1880 (94%)
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38 Archives de la commune, 2010.
39 Activités Génératrices de Revenus.
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Mémoire du Diplôme Professionnel
d'Expert-Consultant en Développement
Avril 2011
«Promotion des activités agropastorales et
activation de l'économie locale en situation
de décentralisation. L'exemple de l'agriculture familiale dans la
commune d'Ayos» par Emile Baudouin
MVOGO SOUGA.
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