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Droit international de l'environnement et aires marines protégées en République du Congo


par Gavinet Duclair MAKAYA BAKU-BUMB
Université de Limoges - Master 2 2022
  

Disponible en mode multipage

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    MASTER 2 DROIT INTERNATIONAL ET COMPARÉ DE L'ENVIRONNEMENT
    Formation à distance, Campus Numérique « ENVIDROIT »

    Droit international de l'environnement

    et aires marines protégées en

    République du Congo

    Mémoire présenté par :

    Gavinet Duclair MAKAYA BAKU-BUMB

    Sous la direction de :

    Monsieur Denis Roger SOH FOGNO Enseignant associé au programme DICE de la Faculté de Droit et de Sciences Economiques de l'Université de Limoges Enseignant-chercheur permanent à la Faculté de Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang

    Année universitaire 2021/2022

    ~ I ~

    SOMMAIRE

    SOMMAIRE I

    DEDICACE II

    REMERCIEMENTS III

    LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS IV

    INTRODUCTION 1

    PREMIERE PARTIE : LE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT COMME FONDEMENT JURIDIQUE DE LA CREATION DES AIRES MARINES PROTEGEES

    EN REPUBLIQUE DU CONGO 6

    CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE PORTEE UNIVERSELLE 7

    Section 1 : La création des AMP sur la base des principes de la Convention de

    Montego Bay 7

    Section 2 : Les autres conventions pertinentes de protection de la biodiversité 12
    CHAPITRE 2 : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE PORTEE REGIONALE ET

    SOUS-REGIONALE 16

    Section 1 : La prise en compte du régime des AMP par les instruments juridiques

    régionaux africains 16

    Section 2 : La consolidation des AMP par les instruments juridiques d'Afrique

    centrale 22

    Conclusion première partie 28

    SECONDE PARTIE : LA REGLEMENTATION DES AIRES MARINES PROTEGEES DE LA REPUBLIQUE DU CONGO PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE

    L'ENVIRONNEMENT 29
    CHAPITRE 1 : LA MISE EN PLACE DES AIRES MARINES PROTEGEES EN REPUBLIQUE DU CONGO PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE

    L'ENVIRONNEMENT 30

    Section 1 : La création des AMP en tant qu'espaces sécurisés 30

    Section 2 : La création d'une AMP en tant qu'institution dotée de pouvoirs de

    police 36
    CHAPITRE 2 : LA VALORISATION DES AIRES MARINES PROTEGEES EN REPUBLIQUE DU CONGO PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE

    L'ENVIRONNEMENT 47

    Section 1 : La gestion des aires marines protégées 47

    Section 2 : La sanction de la violation des règles de protection des aires marines

    protégées 59

    Section 3 : Les AMP : des espaces nécessitant des financements stables et

    conséquents 65

    Conclusion deuxième partie 71

    CONCLUSION GENERALE 72

    BIBLIOGRAPHIE 73

    TABLE DES MATIERES 82

    DEDICACE

    ~ II ~

    Je dédie ce travail à mon épouse, mes enfants, mes parents - Evelyne NDEMBI MAKAYA et Roland Bonaventure MAKAYA - ainsi qu'à toute ma famille.

    ~ III ~

    REMERCIEMENTS

    La réalisation de ce travail n'aurait jamais été possible sans les conseils, encouragements et soutien de diverses personnes.

    En tout premier lieu, mes remerciements vont à l'endroit de Monsieur Denis Roger SOH FOGNO pour avoir eu la bienveillance d'accepter de diriger ce mémoire en dépit de ses multiples occupations. Ses précieux conseils ont éclairé les chemins empruntés et irrigué notre réflexion d'idées qui ont permis d'accoucher des développements contenus dans ce document.

    Ensuite, à l'équipe pédagogique tout entière, et notamment à Monsieur François PELISSON, j'exprime ma profonde reconnaissance et ma gratitude pour les conseils pratiques, encouragements et l'accompagnement tout au long de la formation.

    De même, à mon épouse Guybertia Gilbert MAKAYA, je tiens à exprimer ma gratitude pour la compréhension dont elle a fait preuve et le soutien multiforme qu'elle m'a apporté.

    De même encore, à l'endroit de mes amis, Benny Prescilia MBOUNGOU MAYOUMA et Ulrich BANZOUZI NGOMA, j'exprime mes vifs remerciements pour la relecture de ce document.

    Enfin, j'exprime ma reconnaissance à l'endroit de mon collègue et frère, Terrence Friedrich MOUSSAVOU, dont l'immense apport a permis à ce rêve de rattraper la réalité.

    ~ IV ~

    LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

    ACFAP : Agence Congolaise de la Faune et des Aires Protégées

    APN : African Parks Network

    CDB : Convention sur la Diversité Biologique

    CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

    CIB : Congolaise Industrielle des Bois

    CIJ : Cour Internationale de Justice

    CLIP : Consentement Libre, Informé et Préalable

    CMAP : Commission Mondiale des Aires Protégées

    CMS : Convention relative à la conservation des espèces migratrices

    COMIFAC : Commission des Forêts d'Afrique Centrale

    DEGEF : Direction Générale de l'Economie Forestière

    ECOFAC : Ecosystèmes Forestiers d'Afrique Centrale

    FAO : Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

    FEM : Fonds pour l'Environnement Mondial

    MEF : Ministère de l'Economie Forestière

    PNCD : Parc National de Conkouati-Douli

    PNOK : Parc National d'Odzala-Kokoua

    PNNN : Parc National de Nouabalé-Ndoki

    PNUE : Programme des Nations Unies pour l'Environnement

    PROGEPP : Projet de Gestion des Ecosystèmes Périphériques au Parc

    RAPAC : Réseau des Aires Protégées d'Afrique Centrale

    TIDM : Tribunal International du Droit de la Mer

    USLAB : Unité de Surveillance et de Lutte Anti-Braconnage

    UFA : Unité Forestière d'Aménagement

    UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature

    USAID : United States Agency for International Developpement

    USFWS : United States for Fish and Wildlife Service

    WCS : Wildlife Conservation Society

    " 1 "

    INTRODUCTION GENERALE

    La problématique liée à l'utilisation du milieu marin et de ses ressources constitue l'une des préoccupations majeures de l'humanité depuis plusieurs décennies. La communauté internationale n'en est pas restée indifférente. De Stockholm à Glasgow, en passant par Rio, Rio+201, Durban et bien d'autres Conférences2, l'Organisation des Nations Unies n'a pas ménagé ses efforts pour amener les Etats à prendre, aussi bien au niveau global qu'aux échelles régionales, sous-régionales et nationales, des mesures courageuses et responsables pour préserver et sauver la planète. Indépendant depuis 1960, la République du Congo a longtemps fait l'impasse sur la question environnementale dans les textes juridiques les plus importants du pays. C'est à l'issue de la Conférence Nationale Souveraine de 1991 que ce dernier s'intéressera à cette question en l'inscrivant dans l'Acte fondamental portant organisation des pouvoirs publics durant la période de transition du 4 juin 19913. Les Constitutions du 15 mars 1992 et du 20 janvier 2002 ainsi que l'Acte fondamental du 24 octobre 1997 maintiendront la disposition en dépit des changements de régimes4. La Constitution du 25 octobre 2015 n'a pas non plus abandonné le principe de préservation de l'environnement. Depuis trente-et-un ans, celle-ci est inscrite dans les différentes lois fondamentales congolaises comme sur du marbre. Selon l'article 41 de la Constitution actuellement en vigueur, tout citoyen a droit à un « environnement sain, satisfaisant et durable ». Sur cette base, l'Etat a le devoir de conserver et d'utiliser de manière durable la biodiversité, composante de l'environnement, pour le bénéfice des générations présentes et futures. Pour faire écho à cet objectif, l'Etat a la possibilité de créer et de gérer des aires protégées, tel que le dispose la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées. Ces dernières sont au coeur des stratégies de la conservation, à long

    1 DIEMER (A) MARQUAT (C.) et al., Regards croisés Nord-Sud sur le développement durable. De Stockholm à Rio+20 ou quand le développement soutenable atteint des sommets, édition De Boeck Supérieur, 2015, 376 pp., p. 41-58.

    2 MALJEAN-DUBOIS (S.) et WEMAËRE (M.), Après Durban, quelle structuration juridique pour un nouvel accord international sur le climat ?, Revue juridique de l'environnement, 2012/2 (Volume 37), pp. 269-282.

    3 Article 21 : « Chaque citoyen a droit à un environnement sain que l'Etat a l'obligation de protéger ».

    4 Il s'agit de régimes politique, celui du Président Pascal LISSOUBA succédant à celui du Général Denis SASSOU-NGUESSO en 1992, puis celui de ce dernier revenant au pouvoir cinq ans plus tard à l'issue de la guerre civile de juin à octobre 1997.

    " 2 "

    terme, du patrimoine naturel et des ressources biologiques qui constituent les fondements économiques du pays.

    Il n'y a pas de définition conventionnelle du concept d'aire protégée en droit international de l'environnement. Néanmoins, selon celle proposée aux Etats à titre de « guide » par la Commission mondiale des aires protégées (CMAP) de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)5 en 2008, une aire protégée est « Un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associées »6. S'il n'est pas exclu que les premières formes d'aires protégées soient apparues près de 2700 ans avant Jésus-Christ7, elles sont en revanche connues sous leur forme actuelle à partir du XIXème siècle avec « la « réserve artistique » de la forêt de Fontainebleau, créée en France en 1861, le parc régional du Yosemite, en 1864, et le parc national du Yellowstone, en 1872, tous deux aux États-Unis »8. En République du Congo, elles ont fait leur apparition sous la colonisation avec le Parc National d'Odzala-Kokoua (PNOK), créé le 27 juillet 19409. D'autres parcs ont certes vu le jour à la suite du PNOK10, mais les aires protégées n'ont véritablement été inscrites dans la politique nationale assurant la protection des ressources naturelles et de la biodiversité qu'au début des années 199011. Le réseau national compte

    5 Principale Organisation Non Gouvernementale oeuvrant dans la conservation et la protection de la biodiversité à travers le monde.

    6 LAUSCHE (B.), Lignes directrices pour la législation des aires protégées. Gland, Suisse : UICN, xxviii + 406 p., p. 14.

    7 DOUMENGUE (C.), Protection de la biodiversité : retour sur l'évolution des « aires protégées » dans le monde, septembre 2021, https://theconversation.com/protection-de-la-biodiversite-retour-sur-levolution-des-aires-protegees-dans-le-monde-167495

    8 Idem.

    9 Selon Norbert GAMI, « Le parc national d'Odzala-Kokoua (PNOK) est parmi les premiers à être créés en République du Congo selon les informations venant de la mission scientifique menée de juillet à décembre 1885 par Jacques de Brazza, frère de l'explorateur français Pierre Savorgnan de Brazza, et par Attilion Pecile de nationalité italienne. C'est en effet le 13 avril 1935 qu'il fut créé et validé dans ses limites par l'arrêté n°2243 du 27 juillet 1940 [...] ».

    10 Arrêté n°3671 du 26 novembre 1951 créant une réserve de chasse dite « de La Léfini » ; Arrêté du 7 janvier 1963 prononçant protection absolue de la totalité de la faune dans une région du territoire de la République du Congo (Préfecture du Djoué).

    11 Loi n°003-91 du 23 avril 1991 sur la protection de l'environnement, article 11 : « Pour la conservation et la gestion rationnelle de la faune et de la flore, les Ministères chargés respectivement de l'environnement et de l'économie forestière, établissent des aires protégées selon les procédures en vigueur » et article 21 Acte fondamental des pouvoirs de la transition de 1991 supra cité.

    ~ 3 ~

    aujourd'hui 17 aires protégées qui couvrent une superficie d'environ 11, 7%12 du territoire national. A l'exception du Parc National de Conkouati-Douli qui a une extension marine, tous ces espaces sont terrestres et aucune aire marine protégée, à proprement parler, n'a encore été créée au Congo. Pourtant, le rôle et les services écosystémiques rendus par les océans et les mers sont essentiels pour la régulation du climat, la préservation des ressources marines et des moyens de subsistance (emploi, revenu, nourriture) d'une large partie de la population mondiale. Les océans et la vie marine sont essentiels au bon fonctionnement de la planète, fournissant la moitié de l'oxygène que nous respirons et absorbant environ 26 % des émissions de dioxyde de carbone anthropique dans l'atmosphère par an13. Dès lors, le maintien des écosystèmes marins et côtiers est devenu un enjeu capital pour l'avenir de notre espèce et de notre planète.

    Si le programme « Congo Marin », lancé en 2017 par le gouvernement congolais, constitue le fer de lance de la stratégie de gestion, de protection et d'aménagement durable de son espace maritime, l'Etat est en réalité engagé depuis longtemps en faveur de la conservation de l'environnement et du milieu marin, et participe activement aux efforts internationaux visant à faire face à ces enjeux. Les plus emblématiques conventions, accords et protocoles ont effectivement été ratifiés par le Congo, notamment la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles (1968), la Convention de Ramsar sur les zones humides (1971), la Convention d'Abidjan relative à la coopération en matière de protection et de mise en valeur du milieu marin (1981), la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1992), la Convention sur la diversité biologique (1992) avec ses protocoles et accords associés, etc. A cela il convient d'ajouter les Objectifs d'Aïchi, notamment l'objectif n°11 qui stipule : « D'ici à 2020, au moins 17% des eaux terrestres et intérieures et 10% des zones côtières et marines, en particulier les zones particulièrement importantes pour la biodiversité et les services écosystémiques, seront conservées grâce à des systèmes de zones protégées et d'autres mesures de conservation efficaces, gérés efficacement et équitablement,

    12 Doumenge C., Palla F., Scholte P., Hiol Hiol F. & Larzillière A. (Eds.), 2015. Aires protégées d'Afrique centrale - État 2015. OFAC, Kinshasa, République Démocratique du Congo et Yaoundé, Cameroun : 256 p., p.96. D'autres font même état d'un taux de couverture de 12%, c'est le cas du Journal Mayom', édition spéciale 2021, p. 12.

    13 Corinne Le Quéré et al, (2015) : Global carbon budget 2015, Earth System Science Data, 7, 349-396 ; Rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable -- Automne 2012, p. 4.

    ~ 4 ~

    écologiquement représentatifs et bien connectés, et intégrés dans les paysages terrestres et marins plus vastes »14.

    Dans ce cadre, les pays du Bassin du Congo en général, et la République du Congo en particulier, ont engagé une série d'actions, à l'instar de l'initiative « Gabon Bleu » pour la République Gabonaise, ou « Congo Marin » et « Fonds Bleu » pour la République du Congo. Dans le même élan, la République du Congo a signé, le 25 avril 2017, un Accord de coopération avec le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), visant à financer un complexe d'aires marines protégées que le Gouvernement ambitionne de créer, à savoir : « Conkouati - Tchimpounga - Dimonika » et « Baie de Loango ». L'objectif global recherché est d'améliorer la protection de la biodiversité marine par la création d'aires marines protégées et/ou l'identification de nouvelles autres aires marines protégées.

    L'absence de gestion rationnelle des ressources naturelles marines, cumulée à une faible régulation, notamment face aux pratiques de pêche industrielle non conformes15 à la législation en vigueur, font craindre un accroissement de difficultés socio-économiques que rencontrent les communautés locales, mais aussi une perte de biodiversité et une dégradation du milieu marin irréversibles. Face à ces menaces et enjeux, la promotion du développement durable, à travers la création d'aires marines protégées, constitue un atout et une solution adaptée pour contribuer efficacement à la conservation de la structure, au fonctionnement et à la diversité des écosystèmes, à leur reconstruction en cas de dégradation, à l'amélioration des retombées sociales et économiques ainsi qu'aux rendements de la pêche pour les populations locales16. Une telle approche comportera également des avantages liés à la promotion de pêcheries durables, du tourisme et de l'éducation à l'environnement.

    C'est dans le contexte décrit précédemment que nous nous sommes proposé de mener, sous le prisme du droit international, une réflexion portant sur la problématique de la protection de l'environnement et de la biodiversité marins en

    14 Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020 et les Objectifs d'Aichi, https://www.cbd.int/doc/strategic-plan/2011-2020/Aichi-Targets-FR.pdf

    15 Notamment la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INNN).

    16 CHABOUD (C.) et GALLETTI (F.), « Les aires marines protégées, catégories particulières pour le droit et l'économie ? », Mondes en Développement Vol.35-2007/2-n° 138.

    ~ 5 ~

    République du Congo via la création d'espaces sécurisés de type `'aires marines protégées». Dès lors, dans cette perspective, l'on pourrait se demander dans quelle mesure les aires marines protégées permettent de protéger l'environnement marin et ses écosystèmes en réponse aux exigences internationales souscrites par la République du Congo. Aussi, il serait judicieux d'apprécier l'influence du droit international de l'environnement dans la protection de ces aires marines protégées en République du Congo.

    Pour ce faire, il nous parait loisible d'étudier dans un premier temps les fondements juridiques internationaux de protection de la biodiversité marine dans les eaux sous juridiction nationale congolaise à travers les aires marines protégées (première partie), et dans un second mouvement, la réglementation de celles-ci au regard des exigences internationales en matière environnementale auxquelles ce pays est lié (seconde partie).

    PREMIERE PARTIE : LE DROIT INTERNATIONAL DE
    L'ENVIRONNEMENT COMME
    FONDEMENT JURIDIQUE DE LA CREATION DES AIRES
    MARINES PROTEGEES EN REPUBLIQUE DU CONGO

    La création des aires marines protégées (AMP) en République du Congo prend appui sur le « corpus juridique impressionnant » offert par la Communauté internationale17 et sur celui mis en place aux niveaux continental africain et sous-régional d'Afrique centrale.

    17 DOUMBE-BILLE (S.), « Doit international de la faune et des aires protégées : importance et implication pour l'Afrique », Etude juridique de la FAO en ligne, septembre 2001, p. 4.

    ~ 7 ~

    CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE PORTEE UNIVERSELLE

    Les principes juridiques qui concourent à la création des aires marines protégées sont issus de plusieurs instruments juridiques internationaux de portée universelle. En raison de son caractère général, la Convention de Montego Bay peut être considérée comme étant le premier d'entre eux. D'autres, plus spécifiques, retiendront également notre attention, à l'instar de la Convention sur la diversité biologique et de la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage.

    Section 1 : La création des AMP sur la base des principes de la Convention de Montego Bay

    Les règles qui prévalent à la définition de l'espace maritime d'un Etat ainsi que celles qui permettent à ce dernier d'exploiter souverainement les ressources (paragraphe 1) présentes dans ses fonds marins découlent, pour l'essentiel, de la Convention de Monte Bay. Ce droit d'exploitation des ressources est toutefois assorti de certaines obligations à la charge de l'Etat côtier (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Les droits souverains de l'Etat côtier sur les « ressources vivantes »

    L'Etat côtier bénéficie de certains droits dits souverains sur ses « ressources vivantes ». Une meilleure compréhension de ces droits ne peut avoir lieu en dehors de l'analyse préalable de la notion de « ressources vivantes » (A). Aussi, la souveraineté exercée par l'Etat sur celles-ci doit l'être dans le cadre d'une utilisation durable (B).

    A- Notion de « ressources vivantes »

    L'un des principaux objectifs qui justifie la création des aires marines protégées est la conservation des ressources dites vivantes ainsi que de tous les écosystèmes qui les entourent18. La Convention de Montego Bay n'offre pas de définition de la notion de « ressources vivantes ». Les autres textes internationaux contraignants pertinents en matière d'environnement n'en fournissent pas plus d'informations. Mais par analogie avec le concept de « ressources biologiques » évoqué à l'article 56, 1 a) de la Convention de Montego Bay, nous appréhendons

    18 Lignes directrices pour la législation des aires marines protégées, UICN, Droit et politique de l'environnement, n°81 ; Les catégories de gestion des aires marines protégées de l'UICN.

    " 8 "

    cette notion comme recouvrant les espèces halieutiques pouvant emporter ou non une valeur économique. Dès lors, les ressources vivantes sont celles qui sont susceptibles d'appropriation, et donc d'exploitation par l'Etat côtier ou sa population. Le droit international de la mer accorde à l'Etat côtier le droit d'exploiter en toute souveraineté les ressources vivantes se trouvant dans les eaux sous juridiction nationale. Néanmoins, cette utilisation doit se faire de manière durable (B).

    B- Une souveraineté exercée aux fins de l'utilisation durable des

    « ressources vivantes »

    La souveraineté dont jouit l'Etat côtier sur son espace maritime lui confère le droit d'exploiter les ressources vivantes que renferme celui-ci. La Convention de Montego Bay (art. 56, 1 a ; art. 193) reconnaît à l'Etat côtier « des droits souverains [...] d'exploitation [...] et de gestion des ressources naturelles, biologiques [...] des eaux surjacentes aux fonds marins [...] ». Il convient de rappeler que ce droit lui avait été reconnu par les Nations Unies deux décennies avant la mise en place de la Convention de Montego Bay. En effet, par sa Résolution 1803 du 14 décembre 1962, l'Assemblée générale des Nations Unies consacrait « Le droit de souveraineté permanent des peuples sur leurs richesses et ressources naturelles [...] », lequel droit « doit s'exercer dans l'intérêt du développement national et du bien-être de la population de l'Etat intéressé ». L'article 56, 1 a) de la Convention constitue ainsi une `'codification» de cette souveraineté de l'Etat côtier sur ses ressources vivantes. Mais l'encadrement de cette liberté dans l'utilisation des ressources oblige l'Etat côtier à faire usage de celles-ci sans mettre en péril les stocks halieutiques. Cette responsabilité, qui s'exerce dans les limites de sa zone économique exclusive (ZEE) appelle, conformément à l'article 61, 1 et 2 de la Convention de Montego Bay, la détermination du « volume admissible des captures » afin d'« éviter que le maintien des ressources biologiques [...] » de cette zone « ne soit compromis par une surexploitation [...] »19.

    Le principe de souveraineté de l'Etat côtier sur ses ressources biologiques a été réaffirmé par le Tribunal arbitral à l'occasion d'une décision rendue le 17 juillet 1986 dans une affaire opposant la France et le Canada. Selon le Tribunal, « La troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer et la pratique suivie

    19 RIGALDIES (F.), « L'entrée en vigueur de la Convention de 1982 sur le droit de la mer : enfin le consensus », Revue Juridique Thémis, volume 29, numéro 1, p. 11.

    ~ 9 ~

    par les Etats en matière de pêches maritimes pendant le déroulement de cette conférence ont cristallisé et consacré une nouvelle règle internationale, selon laquelle dans la zone économique exclusive, l'Etat côtier dispose des droits souverains aux fins de l'exploration et de l'exploitation, de la conservation et de la gestion des ressources naturelles »20.

    Aussi, la gestion et l'exploitation de certaines espèces peuvent conduire l'Etat côtier à la signature d'un accord avec un Etat côtier voisin intéressé. C'est le sens de l'article 67 paragraphe 3 de la Convention aux termes duquel lorsque « les poissons catadromes, qu'ils soient parvenus ou non au stade de la maturation, migrent à travers la zone économique exclusive d'un autre Etat, la gestion de ces poissons, y compris leur exploitation, est réglementée par voie d'accord [...] » entre l'Etat côtier d'origine et l'autre Etat concerné. Dans ce sens, André de Paiva Toledo indique que « [...] les Etats riverains doivent coopérer à l'établissement du régime d'utilisation nationale fondé sur la délimitation de quotas nationaux et durables qui doivent être répartis entre les Etats concernés ». Il ajoute que « La coopération par voie des accords internationaux est l'esprit même de l'utilisation équitable des ressources. Les accords conventionnels pour fixer le régime spécifique d'utilisation d'une ressource biologique concernant deux ou plusieurs Etats sont le moyen prévu dans le droit international pour garantir l'utilisation équitable de la nature »21. Ainsi, le Canada et les Etats-Unis ont-ils signé l'Accord de pêche au thon germon22. Le Japon en a également signé plusieurs avec ses voisins23 en vue de réglementer la gestion et l'exploitation des stocks de poissons.

    Malgré l'existence de droits souverains au profit de l'Etat côtier sur ses ressources vivantes, celui-ci voit en contrepartie peser sur lui des obligations.

    20 Affaire de « La Bretagne », Tribunal arbitral, Décision du 17 juillet 1986, 90 R.G.D.I.P. 713, Section 89.

    21 TOLEDO (A.P.), « Les grands enjeux contemporains du droit international des espaces maritimes et fluviaux et du droit de l'environnement : de la conservation de la nature à la lutte contre la biopiraterie », Thèse de Doctorat en droit international, Université Panthéon-Assas Paris II, 25 octobre 2012, p. 638.

    22 Examen des pêcheries dans les pays de l'OCDE, politiques et statistiques de base, Editions OCDE 2005, p. 206 et s. : « En avril 2002, le Canada et les Etats-Unis ont décidé de modifier le traité qu'ils avaient signé en 1981 sur les pêches au thon germon du Pacifique afin de limiter l'accès de leurs flottes respectives à leurs Zones économiques exclusives respectives. » Le nouvel accord vise à modifier le régime d'accès des dans la Zone économique exclusive de chaque Etat.

    23 Dans le même sens, le Japon a signé plusieurs (environ 32) accords de pêches au thon avec la Chine, la Corée et la Russie portant sur un accès réciproque des Etats parties à leurs Zones économiques exclusives respectives.

    ~ 10 ~

    Paragraphe 2 : Les obligations de l'Etat côtier sur les « ressources vivantes »

    Aux termes de l'article 192 de la Convention de Montego Bay, « Les Etats ont l'obligation de protéger et de préserver le milieu marin ». Ainsi, l'Etat côtier doit assurer la protection du milieu marin (A) puis la préservation des ressources qui s'y trouvent (B).

    A. Une obligation de protection du milieu marin

    La protection du milieu marin contre la pollution relève de prime à bord de la responsabilité de l'Etat côtier dans la mesure où l'article 194 de la Convention met à sa charge l'obligation de prendre des mesures nécessaires pour « prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin ». Selon la Convention, la pollution du milieu marin consiste en « l'introduction directe ou indirecte, par l'homme, de substances ou d'énergies dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu'elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques et à la faune et la flore marines, risques pour la santé de l'homme, entrave aux activités maritimes, y compris la pêche et les autres utilisations légitimes de la mer, altération de la qualité de l'eau de mer du point de vue de son utilisation et dégradation des valeurs d'agrément ».

    Le développement d'activités économiques sur l'espace maritime ou à proximité de celui-ci expose l'environnement marin à des risques de pollution que l'Etat côtier est tenu de prévenir par la prise de mesures spécifiques pour ne pas détruire les écosystèmes de son espace maritime ou ceux présents sur le territoire d'un Etat voisin. La méconnaissance de cette obligation engage la responsabilité de l'Etat côtier et peut, par voie de conséquence, entrainer la saisine des juridictions internationales compétentes. C'est ainsi que le Tribunal international du droit de la mer fut sollicité par la Malaisie afin de se prononcer sur l'affaire relative aux travaux de poldérisation par Singapour à l'intérieur et à proximité du détroit de Johor. Le projet de réalisation de ces travaux avait, en effet, suscité d'importantes inquiétudes du Gouvernement malaisien qui craignait qu'ils ne causent des dommages environnementaux importants pouvant déborder sur le territoire de la Malaisie. Dans son Ordonnance du 8 octobre 2003, le Tribunal « enjoint à Singapour de ne pas mener ses travaux de poldérisation d'une manière qui pourrait porter un préjudice

    ~ 11 ~

    irréparable aux droits de la Malaisie »24. Sans l'avoir exprimé clairement, le juge du Tribunal international du droit de la mer a bien voulu, à travers cette décision, attirer l'attention des Etats côtiers quant à leur responsabilité vis-à-vis de l'environnement en général, marin en particulier, au regard du principe de précaution. En effet, ce principe que Pierre-Marie DUPUY qualifie « d'avatar le plus contemporain du `'principe de prévention» »25, oblige les Etats à « protéger l'environnement » en prenant « des mesures de précaution »26. Malgré les pouvoirs que lui confère la Convention (art. 292), le Tribunal n'a pas daigné surseoir le projet de Singapour, choisissant, en revanche, de se contenter d'adresser une `'mise en garde». C'est le sens de l'extrait « [...] ne pas mener ses travaux de poldérisation d'une manière qui pourrait porter un préjudice irréparable [...] ».

    A l'obligation de protection du milieu marin se greffe celle, consubstantielle, de préservation et de conservation des ressources vivantes (B).

    B. Une obligation de préservation et de conservation des « ressources

    vivantes »

    L'Etat côtier doit préserver et conserver les ressources vivantes dont disposent les eaux sous sa juridiction de la pollution et de la surexploitation. En effet, lorsque l'Etat côtier se livre à la surexploitation de ses ressources halieutiques, cela peut conduire à la naissance d'un différend entre cet Etat et un Etat côtier voisin dans la mesure où les intérêts économiques de l'un divergent avec ceux de l'autre27. Ce fut par exemple le cas entre le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande dans l'affaire du «Thon à Nageoire Bleue» dont l'Ordonnance aux fins de mesures conservatoires fut rendue en août 1999 par le Tribunal international du droit de la mer28. Dans sa décision, ce dernier fait de « la conservation des ressources

    24 Ordonnance du 8 décembre 2003, Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances du Tribunal international du droit de la mer, 2003.

    25 DUPUY (P.-M.), « Où en est le droit international de l'environnement à la fin du siècle ? », Revue générale de droit international public. - 101(1997), n°4, p. 873-903, 1997.

    26 Déclaration de Rio du 16 juin 1992, principe 15 : « Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement ».

    27 NOUZHA (C.), « Le rôle du Tribunal international du droit de la mer dans la protection du milieu marin », Revue québécoise de droit international, 2005, 18 (2), p. 76.

    28 Ordonnance du 27 Août 1999, Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances du Tribunal international du droit de la mer, 1999 ; CAZALA (J.), Le principe de précaution en droit international, L.G.DJ., p. 212, 497 pp.

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    biologiques de la mer [...] un élément essentiel de la protection et de la préservation du milieu marin »29.

    Section 2 : Les autres conventions pertinentes de protection de la biodiversité

    La création des aires marines protégées est encouragée par plusieurs instruments juridiques plus spécifiques. Nous n'en retiendrons que deux dans le cadre de cette étude, à savoir la Convention sur la diversité biologique (paragraphe 1) et la Convention relative à la conservation des espèces migratrices (paragraphe2).

    Paragraphe 1 : L'appel à la création des AMP de la CDB

    En signant et ratifiant la Convention sur la diversité biologique, les Etas parties ont pris l'engagement de classer une partie de leurs espaces maritimes en aires marines protégées (A). A travers celles-ci, ils se donnaient pour ambition d'améliorer considérablement la protection de la biodiversité (B) dans les limites de leurs eaux territoriales.

    A. Un engagement des Etats à classer le dixième de leurs territoires

    maritimes en AMP

    Dans son préambule, la CDB reconnaît que « la conservation de la diversité biologique exige essentiellement la conservation in situ des écosystèmes et des habitats naturels ainsi que le maintien et la reconstitution de populations viables dans leur milieu naturel ». Sur la base de cette stipulation, les Etats parties, réunis dans la préfecture d'Aichi au Japon en 2010, avaient adopté un Plan Stratégique pour la diversité biologique 2011-2020. Selon l'engagement pris à l'objectif d'Aichi 11, les Etats parties s'emploieraient à conserver « au moins 10% des zones marines et côtières » « au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d'aires protégées gérées efficacement et équitablement et d'autres mesures de conservation efficaces par zone, et intégrées dans l'ensemble du paysage terrestre et marin ». Plus de dix ans après cet engagement, plus de 5000 aires marines protégées ont été créées dans le monde30. Pourtant, en dépit de leur nombre élevé,

    29 Idm, paragraphe 70.

    30 MOECK (F.), « Cinq mille aires marines protégées », Le Monde diplomatique, novembre 2001,

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    force est de constater que seulement 2% des zones marines mondiales ont été érigées en aires marines protégées31.

    B. Une amélioration de l'efficacité des AMP dans la protection de la

    biodiversité

    Dans la Décision adoptée au cours de sa réunion du 17 au 29 novembre 2018 à Charm el-Cheikh en Egypte (CBD/CQP/DEC/14/8), la CDB reconnaît que la création d'une « aire encourage la préservation des valeurs existantes de la biodiversité et l'amélioration des résultats de sa conservation ». C'est à juste titre que, bien que timide, la mise en place des aires marines protégées dans le monde a permis de protéger environ 2% de la superficie marine totale32. Aussi, lorsqu'elles sont gérées efficacement, les aires marines protégées permettent un accroissement des populations « de poissons dans les aires entièrement ou fortement protégées »33. L'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAQ) reconnaît d'ailleurs que « la seule réglementation de la pêche ne suffit pas à instaurer la durabilité », et plaide en faveur d'une combinaison des « mesures de gestion et zones entièrement protégées »34.

    Dans le souci de rendre les aires marines protégées plus efficaces, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) a réalisé, via son Plan d'Action pour la Méditerranée, et sur la base de l'objectif d'Aichi 11, une évaluation de « la mise en oeuvre de la Feuille de route pour un réseau complet et cohérent d'AMP bien gérées afin d'atteindre l'Objectif 11 d'Aichi en Méditerranée ». Au terme de ce travail, il a été établi que les Etats devraient, entre autres, considérer l'efficacité de la gestion des aires marines protégées comme « une priorité absolue (...) en termes de capacités, de mesures de gestion et de réglementation » d'une part, « Définir des lignes directrices pour mesurer la gestion équitable » et « Évaluer et

    31 Mesurer les progrès : Objectifs et lacunes dans le domaine de l'environnement., Programme des Nations Unies pour l'Environnement, 2012, p. 16.

    32 Idem.

    33 RAND (M.), « Arguments en faveur des aires marines protégées : Un moyen de préserver la biodiversité, de renforcer la pêche et de protéger les habitats marins », The Pew Charitable Trusts, pewtrusts.org/oceanlegacy.

    34 GRAHAM (J.), TREVOR (J.), WARD et RICK (D.) STUART-SMITH, « Rapid Declines Across Australian Fishery Stocks Indicate Global Sustainability Targets Will Not Be Achieved Without an Expanded Network of `No-Fishing' Reserves », Aquatic Conservation: Marine and Freshwater Ecosystems (2018), https://doi.org/10.1002/aqc.2934.

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    renforcer la capacité des administrations nationales à contrôler et à améliorer l'efficacité de la gestion », d'autre part35.

    Paragraphe 2 : Les principes de la Convention relative à la conservation des espèces migratrices (CMS)

    Même si elle vise des espèces en migration, la Convention sur les espèces migratrices ne méconnaît pas pour autant les aires marines protégées (A) qui constituent une contribution au développement des réseaux écologiques (B).

    A. Reconnaissance des AMP par la CMS

    A l'occasion de la première réunion de son Comité de session du Conseil scientifique tenue à Bonn en Allemagne du 18 au 21 avril 2016, le Secrétariat de la CMS s'est intéressé explicitement à la question des aires marines protégées. Dans le document préparé par le Groupe de Travail sur les mammifères aquatiques, il est « recommandé à la CMS d'entériner les critères relatifs aux AIMM36 » mis en place « par l'Equipe de travail conjointe CSE/CMAP de l'UICN sur les aires protégées pour les mammifères marins et de les intégrer directement au Programme de travail sur les réseaux écologiques »37. Dans sa Résolution 11.25. : « Promouvoir les réseaux écologiques pour répondre aux besoins des espèces migratrices », la CMS a entériné la proposition de création des Aires importantes pour les mammifères marins (AIMM) faite par son Groupe de Travail sur les mammifères aquatiques.

    La raison d'être des réseaux écologiques c'est de, entre autres, permettre le déplacement des espèces migratrices dans une aire de répartition intéressant plusieurs Etats (B).

    B. Une contribution au développement des réseaux écologiques

    Dans le contexte marin, il est difficile de protéger et conserver des espèces qui par nature doivent migrer à un moment donné de leur cycle de vie. Cette situation explique et justifie la mise en place d'aires marines protégées constituées en réseaux écologiques. La question des réseaux écologiques est abordée à l'Article I.1(c) de la Convention sur les espèces migratrices. Dans ce cadre, deux Plans stratégiques ont été tour à tour mis en place par la CMS entre 2006-2014 et 2015-2023. L'objectif 2.7. du premier Plan prévoit que « Les habitats/sites les plus importants pour les espèces

    35 Réunion des points focaux du PAM, Athènes, Grèce, 10 - 13 septembre 2019, UNEP/MED WG.468/Inf.12, p. 37.

    36 AIMM : Aires importantes pour les mammifères marins.

    37 UNEP/CMS/ScC-SC1/Doc. 10.4.2.1.

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    migratrices dans chaque État de l'aire de répartition sont protégés et connectés, selon qu'il convient, par des réseaux d'aires protégées et de corridors ». Pour ce qui est du second plan, il crée un concept de « systèmes de migration », lesquels constituent des « ensembles interdépendants de lieux, d'itinéraires entre les lieux, de populations, de facteurs écologiques et de cycles temporels concernés »38. Son objectif 10 évoque des « mesures de conservation fondées sur les aires » en rapport avec l'objectif d'Aichi 11 de la Convention sur la diversité biologique.

    La CMS a réaffirmé son intérêt pour les aires marines protégées à travers sa Résolution 10.3. portant sur « Le rôle des réseaux écologiques pour la conservation des espèces migratrices », adoptée à la CoP10 de la CMS en 2011. Cette Résolution lui a permis d'apporter sa contribution à la mise en place de réseaux écologiques permettant la connectivité entre espaces protégés c'est-à-dire, dans le domaine qui nous occupe, les habitats des espèces marines migrant entre plusieurs parties du monde. Dans un rapport commandé par le PNUE, Dave Pritchard définit les réseaux écologiques comme un ensemble de « stratégies destinées à relier au niveau conceptuel et opérationnel des sites entre eux et avec des systèmes plus vastes »39. Analysant leur importance par rapport aux écosystèmes, il épingle « les relations fonctionnelles » comme élément central de cet ensemble constitué particulièrement de la connectivité, des zones tampons, de l'intégration des variations, du maintien des aires, du rôle des goulets d'étranglement, de la conservation d'une capacité de réserve, de la répartition des risques et de la résilience40. A ce jour, on dénombre plus de 250 réseaux écologiques répartis à travers le monde selon une étude menée par PRITCHARD41.

    38 https://www.cms.int/sites/default/files/document/COP11Doc23412F.pdf

    39 Idem.

    40 Ibid.

    41 PRITCHARD (D.), Réseaux écologiques - examen stratégique des aspects liés aux espèces migratrices, Rapport d'un consultant, 31 juillet 2014, PNUE/CMS/COP11/Doc.23.4.1.2/Annexe

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    CHAPITRE 2 : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE PORTEE REGIONALE ET SOUS-REGIONALE

    Dans le sillage de la Communauté internationale, le continent africain a jeté les bases d'une définition du régime de protection des écosystèmes marins à travers plusieurs instruments juridiques. Emboitant le pas aux initiatives continentales, la sous-région Afrique centrale s'est également lancée dans une entreprise de consolidation des initiatives régionales en matière d'aires marines protégées.

    Section 1 : La prise en compte du régime des AMP par les instruments juridiques régionaux africains

    « La mondialisation des problèmes d'environnement »42 n'a pas « invalidé de fait la protection régionale »43, car celle-ci reste indispensable à cause, comme le dit Stéphane DOUMBE-BILLE, du « facteur « proximité » »44. Partant, deux instruments majeurs s'intéressent à la problématique de la protection des écosystèmes marins à l'échelle africaine. Le premier, la Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles, évoque la question de manière assez timorée (paragraphe 1). Le second, en revanche, à savoir la Convention d'Abidjan, aborde la thématique en des termes relativement clairs (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Une prise en compte timidement actée par la Convention

    africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles

    La prise en compte de la protection des écosystèmes marins dans la Convention africaine pour la conservation de la nature, encore appelée Convention de Maputo, se traduit principalement par un engagement à procéder à l'aménagement des milieux aquatiques (A), d'une part, et par la prise de mesures spécifiques au profit d'espèces menacées ou de leurs habitats (B), d'autre part.

    A. Un engagement à procéder à l'aménagement des milieux aquatiques Dans la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles révisée, dite Convention de Maputo, qui a été conclue le 11

    42 KISS (A.), « La protection de l'atmosphère un exemple de mondialisation des problèmes », AFDI, 1988, p. 701 et s.

    43 DOUMBE-BILLE (S.), « La nouvelle Convention africaine de Maputo sur la conservation de la nature et des ressources naturelles », In : Revue Juridique de l'Environnement, n°1, 2005. pp. 5-17

    44 Idem.

    ~ 17 ~

    juillet 2003 dans la capitale mozambicaine après un processus long et laborieux45, les Etats africains se sont engagés, dans une terminologie qui cache mal l'influence de la doctrine de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)46, à procéder à « l'aménagement et à la protection des milieux aquatiques, qu'ils soient d'eau douce, d'eau saumâtre ou d'eau marine [...]47 », sous juridiction nationale. Le texte de la Convention ne fait pas explicitement référence aux aires marines protégées, mais on ne peut pas ne pas, in fine, le déceler lorsque le but recherché par cet aménagement et cette protection est de réduire de manière considérable « les effets néfastes des pratiques d'utilisation des eaux et des terres pouvant avoir une incidence sur les habitats aquatiques »48. En effet, comme l'indique Christophe Lefebvre, « Plus de 60 % de la population mondiale vit aujourd'hui en zone côtière [...]49 ». Cette proximité a accru le risque de destruction voire de dégradation des habitats aquatiques, notamment d'eau marine, par l'homme.

    Avec une population appelée à augmenter considérablement à l'horizon 205050, l'aménagement des milieux aquatiques, particulièrement ceux ayant trait aux

    45 « Les gouvernements du Nigeria et du Cameroun ont demandé à l'OUA de procéder à la révision et à l'actualisation de la Convention d'Alger. En 1981, à la demande de l'OUA, l'UICN soumit un projet de révision de la Convention. Des réunions et consultations eurent lieu jusqu'en 1986, mais sans que le processus de révision puisse aboutir.

    En 1986, le gouvernement du Burkina Faso demanda à l'OUA de reprendre le processus de révision. En 1999, l'OUA sollicita la collaboration de l'UICN, du Programme des Nations Unies pour l'environnement(PNUE) et de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique pour la préparation d'un nouveau texte qui soit adapté à l'état actuel du droit international de l'environnement ainsi qu'aux concepts et approches scientifiques et politiques contemporains. En 2000, un processus inter-agences fut initié. L'année suivante, un projet de révision fut élaboré. Une consultation des ministres africains de l'Environnement et des Affaires étrangères eut ensuite lieu, puis ses résultats furent considérés lors d'une réunion d'experts gouvernementaux organisée par l'OUA à Nairobi en 2002. A cette occasion, le projet fut débattu, commenté et amendé.

    Le projet ainsi révisé fut ensuite transmis par l'OUA à la Conférence ministérielle africaine sur l'environnement (CMAE) en 2002. La CMAE recommanda l'achèvement du processus de révision dans les plus brefs délais possibles. Dès lors, la Convention africaine révisée sur la conservation de la nature et des ressources naturelles fut adoptée une année plus tard à Maputo, le 11 juillet 2003, par les Chefs d'Etats et de gouvernement lors du second Sommet de l'Union africaine. », Note Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernements de l'Union Africaine, AMCEN/17/REF/3, Août 2019, p. 3.

    46 MEKOUAR (M.A.), « Le texte révisé de la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles : petite histoire d'une grande rénovation », Études juridiques de la FAO en ligne Avril 2006, http://www.fao.org/legal/prs-ol/paper-e.htm

    47 Article IX, 1 (d) de la Convention.

    48 Idem.

    49 LEFEBVRE (C.), « La gestion intégrée côtière et marine : nouvelles perspectives », Vertigo (La revue électronique en science de l'environnement), Hors-série 9, Juillet 2011, https://doi.org/10.4000/vertigo.10985; selon cet auteur, cela « représente environ 3,8 milliards d'individus vivant dans une bande terrestre qui n'excède pas 100 kilomètres par rapport à la ligne de rivage. ».

    50 « Plus de 70 % de cette augmentation aura lieu dans les vingt pays les moins développés du monde, là où la conservation et l'utilisation des ressources naturelles côtières et marines permettent d'assurer une économie

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    mers et océans, devient plus que nécessaire afin de réduire la pression anthropique sur la biodiversité marine et les écosystèmes marins.

    Les Etats sont également appelés à prendre des mesures précises et adaptées au bénéfice d'espèces menacées (B).

    B. Un engagement à prendre des mesures spécifiques au profit d'espèces menacées

    Aux termes de l»article IX (1) de la Convention de Maputo, les Etats s'engagent à « accorder une protection spéciale » aux espèces, « qu'elles soient terrestres, d'eau douce ou marines, ainsi qu'à l'habitat nécessaire à leur survie ». Au nombre des menaces qui pèsent sur les ressources vivantes, figure la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN)51, l'exploration et l'exploitation des ressources non vivantes comme les hydrocarbures, le transport maritime, la pollution tellurique, etc.52.

    En matière de pêche, le Plan d'action sur la pêche INN reconnaît que celle-ci « compromet les efforts de conservation et de gestion des stocks de poissons dans toutes les pêches de capture »53. La pêche INN - comme d'autres types de pollution54 - contribue donc assez significativement à l'érosion des populations de

    de subsistance. La population de l'Afrique subsaharienne qui représente environ 380 millions d'habitants et dont 86 % vivent sur la côte va doubler d'ici cette date. »

    51 « Cette expression fut employée officiellement pour la première fois en 1997, à la 16ème réunion de la CCAMLR (Convention on the Conservation of Antarctic Marine Living Resources), qui est la Commission instituée par la convention adoptée pour la gestion des ressources de pêche en Antarctique. ». La pêche INN est définie dans la partie II, point 3 du Plan d'Action international.

    52 AMARA (R.), « Impact de l'anthropisation sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes marins. Exemple de la Manche-mer du nord », Vertigo, Hors-série 8, octobre 2010 : selon cet auteur, « La pollution de la mer, dont 80 % provient des activités humaines d'origine tellurique, la navigation, l'introduction d'espèces invasives, la surexploitation des ressources halieutiques, la dégradation, la fragmentation et les pertes d'habitats sont autant de facteurs responsables de l'érosion de la biodiversité marine. Exacerbée par le changement climatique, cette anthropisation menace de détruire l'équilibre fragile des écosystèmes marins et de la biodiversité qu'ils renferment ».

    53 Plan d'Action international visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, FAO 2001, p.1.

    54 AMARA (R.), « Impact de l'anthropisation sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes marins. Exemple de la Manche-mer du nord », Vertigo, Hors-série 8, octobre 2010, selon cet auteur : « Plusieurs causes ont une incidence sur la biodiversité marine, aux niveaux génétique, spécifique et écosystémique ; il est admis d'en reconnaître cinq principales :

    ? la pêche

    ? la pollution chimique et l'eutrophisation

    ? la dégradation physique des habitats

    ? l'invasion d'espèces exotiques

    ? le changement climatique »

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    certaines espèces halieutiques55. C'est pourquoi, dans la définition qu'elle propose du concept `'espèces menacées», la Convention de Maputo indique qu'il s'agit d'une espèce qui est soit en danger critique d'extinction, soit en danger, soit encore en situation de vulnérabilité56. Sur la base de cette catégorisation qui - on l'a bien remarqué - s'aligne sur celle proposée par l'UICN à travers sa liste rouge57, les Etats prennent des mesures législatives et réglementaires allant dans le sens de la protection des espèces halieutiques menacées, à la lumière des données scientifiques et techniques les plus récentes58. Le degré de protection varie en fonction du statut attribué à chaque espèce, celui-ci procédant lui-même du degré de menace pesant sur celle-ci.

    Dans un contexte où les moyens des Etats africains en matière de surveillance de leurs espaces maritimes sont souvent limités, la création des aires marines protégées s'avère être, à défaut d'une panacée, une solution. En effet, elle permet de réduire l'espace dans lequel l'Etat côtier doit effectuer une surveillance, et partant, lui permet d'y concentrer ses efforts en termes d'application de la loi. Les aires marines protégées de petite taille, à l'instar de celles en cours de création au Congo (AMP de la Baie de Loango59 et AMP de M'vassa60), s'inscrivent dans ce registre.

    55 « La pêche INN, qu'elle soit côtière ou hauturière, a un impact considérable sur la durabilité des réserves halieutiques et la conservation des écosystèmes côtiers. Dans un cas comme dans l'autre, elle remet en question les plans et les stratégies conçus pour gérer les stocks halieutiques commerciaux de manière durable et préserver et les principaux écosystèmes côtiers. On estime que 15 à 40% des prises mondiales de poissons sont effectuées par des exploitants de la pêche INN, et 90% sont effectuées dans les eaux qui relève de la compétence d'un Etat côtier (...). La pêche INN fragilise les efforts de conservation et de gestion des stocks halieutiques, de même qu'elle constitue un gros handicap pour les pêcheurs qui respectent les lois et les directives en matière de pêche. Les chalutiers industriels attrapent également un grand nombre d'espèces protégées », Etude des interactions entre la sécurité et la conservation des espèces sauvages en Afrique subsaharienne : partie II (études de cas), Commission européenne, Coopération internationale et développement, Juillet 2019, pp. 32-33.

    56 Convention de Maputo, Annexe I.

    57 La liste rouge est un outil qui « attire l'attention sur les taxons qui courent le risque le plus élevé » et permet « d'établir des priorités dans les mesures de conservation visant leur protection », UICN. (2012). Catégories et Critères de la Liste rouge de l'UICN : Version 3.1. Deuxième édition. Gland, Suisse et Cambridge, Royaume-Uni : UICN. vi + 32pp. Originalement publié en tant que IUCN Red List Categories and Criteria: Version 3.1. Second edition. (Gland, Switzerland and Cambridge, UK: IUCN, 2012).

    58 Directives Techniques pour une Pêche Responsable - Pêches continentales, article 7.4.1 : « Lorsque l'adoption de mesures de conservation et d'aménagement est envisagée, il faudrait tenir compte des données scientifiques disponibles les plus fiables pour évaluer l'état actuel des ressources halieutiques et les effets potentiels des mesures proposées sur les ressources ».

    59 La superficie de cette AMP, qui part de la Pointe-indienne à l'embouchure du Bas-Kouilou, est de 49.994 hectares. Elle est constituée d'une zone marine de 45.486 hectares et d'une zone terrestre de 4458 hectares.

    60 Le processus de création de cette AMP étant à ses débuts, ses limites n'ont pas encore été définies avec précisions. Toutefois, la zone devant l'accueillir a été identifiée et se situerait entre le village M'vassa, à

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    Aussi, une mutualisation des moyens avec ses voisins dotés d'une façade maritime peut permettre à l'Etat côtier d'assurer une meilleure protection de son espace maritime. L'ambition de la Stratégie Africaine Intégrée pour les Mers et les Océans-Horizons 2050 dite « Stratégie AIM 2050 », adoptée à Addis-Abeba (Ethiopie) le 06 décembre 2012, est justement de « tenter d'endiguer le phénomène de pêche INN » en préconisant, « entre autres, une mutualisation des opérations de surveillance des côtes ainsi que la création d'une base de données sur toute la flotte présente dans les eaux africaines »61.

    Paragraphe 2 : Une prise en compte clairement inscrite dans la Convention d'Abidjan

    A l'image de la Convention de Maputo étudiée précédemment, la Convention d'Abidjan - qui est une Convention-cadre62 - met également à la charge des Etats côtiers l'obligation d'assurer la protection du milieu marin par l'adoption de mesures appropriées (A) tout en interdisant les activités néfastes pour ce milieu (B).

    A. Une protection du milieu marin assurée par l'adoption de mesures

    appropriées

    Adoptée le 23 mars 1981 sous l'égide du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE)63 et entrée en vigueur trois ans plus tard64, la Convention d'Abidjan relative à la coopération en matière de protection et de mise en valeur du milieu marin et des zones côtières de la région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre65 a pour objectifs, entre autres, de « faciliter la protection des habitats côtiers essentiels et des ressources aquatiques vivantes et promouvoir les zones marines protégées66». Son article 11 précise, à cet effet, que « [...] les parties s'efforcent

    quelques encablures de la Pointe de Djeno (Terminal pétrolier situé au sud de Pointe-Noire et géré par la société Total E&P Congo) au sud, et le Port Autonome de Pointe-Noire, au nord. La superficie globale ne devrait pas atteindre 30 km2.

    61 NDJAMBOU (L.E.), LEMBE épouse BEKALE (A.J.) et NYINGUEMA NDONG (L.C.) « Gestion des espaces maritimes et enjeux halieutiques en Afrique centrale : le cas du Gabon », Revue en ligne de géographie politique et de géopolitique, n°39, 2019-3, https://doi.org/10.4000/espacepolitique.7668

    62 Selon le Lexique des termes juridiques (26ème éditions, 2018-2019), « Traité international qui énonce de grands principes et les lignes générales d'un régime destiné à être précisé par les traités ultérieurs ».

    63 KAMTO (M.) : Le « PNUE avait élaboré au début des années 70 une stratégie de protection à travers son programme des mers régionales », Droit de l'environnement en Afrique, Paris, Edicef/Aupelf, 1996, p. 266, 413 pp, https://bibliotheque.auf.org/docnum.php?explnumid=311

    64 05 mai 1984.

    65 Il convient de préciser que cette Convention « a été renommée Convention pour la Coopération dans la Protection, la Gestion et la Mise en valeur de l'environnement marin et côtier de la Côte Atlantique de la région de l'Afrique de l'Ouest, du Centre et du Sud ».

    66 https://www.bonobosworld.org/fr/glossaire/convention-d-abidjan

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    d'établir des zones protégées, notamment des parcs et réserves [...] ». La responsabilité de la mise en place de ces derniers est confiée aux Etats, la Convention se contentant, malgré son volontarisme tout de suite perceptible à la lecture de son libellé, d'en poser les bases. Ceci pourrait s'expliquer par son caractère général puisque, en tant que convention-cadre, la Convention d'Abidjan devrait être complétée par d'autres textes conventionnels de type `'protocole additionnel67» pour en assurer la mise en oeuvre68. Si Maurice KAMTO constatait à juste titre, il y a plus de 25 ans, que l'article 11 de la Convention d'Abidjan n'avait pas « été suivi d'un protocole » à l'exception de celui « adopté le même jour et en même temps que la convention »69, à ce jour, c'est chose faite. En effet, à côté du protocole additionnel qui porte sur la coopération en matière de lutte contre la pollution en cas de situation critique existe, depuis le 22 juin 2012, celui relatif à la pollution due aux sources et activités terrestres.

    Conformément à son article 22 aux termes duquel « Les Parties contractantes adressent à l'Organisation des rapports sur les mesures adoptées en application de la [...] Convention et des protocoles auxquels elles sont parties », il est requis des Etats la transmission d'information faisant état des mesures prises, textuelles ou institutionnelles, en lien avec la mise en oeuvre de la Convention. Pour ce faire, le Secrétariat avait, à la demande des Parties70, élaboré un modèle de présentation qu'il proposa à ces dernières. Ce modèle a été approuvé par le Comité ad hoc sur la science et la technologie et les Parties Contractantes de la Convention à l'occasion de la Onzième réunion de la Conférence des Parties qu'avait abritée la ville du Cap en Afrique du Sud du 17 au 21 mars 2014. Ainsi, c'est suivant ce modèle que les points focaux nationaux communiquent au Secrétariat de la Convention les progrès réalisés par leurs pays respectifs en lien avec la protection du milieu marin.

    Protéger le milieu marin ainsi que ses écosystèmes oblige l'Etat à prohiber les activités qui lui sont nuisibles (B).

    67 Article 4 (2) Convention d'Abidjan.

    68 KAMTO (M.) : « En tant que convention-cadre, les principales dispositions de cette convention devraient être assorties de protocoles relatifs à leur application », Droit de l'environnement en Afrique, Paris, Edicef/Aupelf, 1996, p. 266, 413 pp, https://bibliotheque.auf.org/docnum.php?explnumid=311

    69 KAMTO (M.), Droit de l'environnement en Afrique, Paris, Edicef/Aupelf, 1996, 413 p, p. 266.

    70 Guide de présentation des rapports nationaux : « Conformément aux décisions CP10/6 et CP 10/16, les Parties contractantes ont demandé au secrétariat d'élaborer un guide de compilation des rapports nationaux comme moyen de présentation de rapports de mise en oeuvre de la Convention », UNEP(DEPI)/WACAF/COP.11/8, p. 2.

    ~ 22 ~

    B. Une interdiction d'activités néfastes pour le milieu marin

    L'article 11 de la Convention aborde un deuxième aspect qui n'a pas manqué de retenir notre attention. En effet, il y est aussi requis des Etats Parties qu'ils « s'efforcent d'établir des zones protégées [...] et d'interdire ou de réglementer toute activité de nature à avoir des effets néfastes sur les espèces, les écosystèmes ou les processus biologiques de ces zones ». Ainsi, la mise en place d'aires marines protégées ne sera d'aucune utilité pour un Etat côtier si elle n'a pas pour corollaire de restreindre certains usages à impacts négatifs incompatibles avec les objectifs principaux de ces aires.

    Au Gabon par exemple, la mise en place d'un réseau de plus de 9 aires marines protégées a permis d'assurer la protection d'espèces marines menacées à travers la lutte contre la pêche INN qui entraine, entre autres, « l'épuisement des stocks et la dégradation des écosystèmes [...]71 ». Aussi, la surveillance de l'espace maritime classé a-t-elle permis de dissuader, non seulement les chalutiers et autres navires de pêche étrangers pêchant illicitement dans les eaux sous juridiction nationale de la République gabonaise, mais aussi la piraterie maritime72 qui sévit dans le Golfe de Guinée depuis plusieurs années73.

    Section 2 : La consolidation des AMP par les instruments juridiques

    d'Afrique centrale

    Les initiatives amorcées aux niveaux international et continental africain en matière de protection et de conservation du milieu marin ont été consolidées à l'échelle sous-régionale d'Afrique centrale à travers, entre autres, la mise en place d'un Plan Stratégique qui prône un modèle de conservation de type aires marines protégées (paragraphe 1). Si la conservation de la biodiversité marine reste le principal objectif recherché via l'adoption de ce Plan, celui-ci pourrait également servir au-delà de la biodiversité (paragraphe 2).

    71 Etude des interactions entre la sécurité et la conservation des espèces sauvages en Afrique subsaharienne : partie II (études de cas), Commission européenne, Coopération internationale et développement, Juillet 2019, p. 31.

    72 Idem, p. 32.

    73 NDJAMBOU (L.E.), LEMBE épouse BEKALE (A.J.) et NYINGUEMA NDONG (L.C.), op.cit.

    ~ 23 ~

    Paragraphe 1 : Un modèle de conservation prôné par le Plan Stratégique pour les AMP d'Afrique centrale

    A la suite de la mise en place des Objectifs d'Aichi en 2010 à Nagoya au Japon, dont l'objectif 11, comme rappelé plus haut, recommandait aux Etats de prendre des mesures assurant la protection d'au moins 10% des mers et océans du monde à l'horizon 2020, les Etats d'Afrique centrale ont lancé, via le Réseau des Aires Protégées d'Afrique Centrale (RAPAC), un processus devant aboutir à la mise en place d'un Plan Stratégique (A) définissant les objectifs de cette partie du continent africain relatifs aux aires marines protégées (B).

    A. Le contexte de la mise en place du Plan Stratégique

    Après avoir concentré ses efforts dans la conservation de la biodiversité et des écosystèmes terrestres pendant plusieurs décennies, l'Afrique centrale a commencé à avoir également un regard particulier sur la protection et la conservation du milieu marin il y a une dizaine d'années74. Dans cette perspective, la mise en place d'un Plan Stratégique pour les aires marines protégées d'Afrique centrale a été actée. Lancés en 2012 par le Réseau des Aires Protégées d'Afrique Centrale (RAPAC), les travaux de l'élaboration de ce Plan ont, en fait, vu le jour à la suite de l'adoption des objectifs d'Aichi en 2010 où il avait été décidé d'augmenter la surface des mers et océans protégés et gérés durablement à 10%. Le `'Plan Stratégique Régional Horizon 2020» traduit donc la vision politique des décideurs publics des Etats d'Afrique centrale.

    Dès lors, le moins que l'on puisse dire c'est que le Plan Stratégique d'Afrique centrale vise des objectifs ambitieux pour les aires marines protégées (B).

    B. Un Plan aux objectifs ambitieux pour les AMP

    Au travers du Plan Stratégique pour les aires protégées d'Afrique centrale, les Etats côtiers de cette sous-région se sont assignés plusieurs objectifs. Ceux-ci vont de la contribution des AMP à l'aménagement des territoires côtier et spatial maritimes (1), au renforcement des capacités institutionnelles et de gestion des aires marines protégées (3) en passant par la contribution de ces dernières au développement économique (2).

    74 « Le RAPAC et ses partenaires, en soutien aux Etats côtiers d'Afrique centrale, ont lancé en 2012 un programme de travail stratégique sur les aires marines protégées. », DOUMENGE (C.), PALLA (F.), SCHOLTE (P.), HIOL HIOL (F.) & LARZILLIERE (A.) (Eds.), 2015. Aires protégées d'Afrique centrale - État 2015. OFAC, Kinshasa, République Démocratique du Congo et Yaoundé, Cameroun : 256 p., p. 256.

    1.

    " 24 "

    Une contribution des AMP à l'aménagement des territoires côtier et spatial maritimes

    Ce premier axe stratégique du Plan vise plusieurs objectifs, parmi lesquels :

    - l'accroissement de la taille du réseau régional d'aires marines protégées en vue d'accroître sa représentativité et d'atteindre la cible 11 d'Aichi (objectif 1.1.) ;

    - le développement des collaborations inter-Etat en vue d'harmoniser et

    coordonner la gestion des espaces côtiers transfrontaliers (objectif 1.2.) ; - le renforcement des dispositifs de surveillance maritime au service de la

    sécurité des Etats côtiers (objectif 1.3.) ;

    - le renforcement de l'intégration des AMP dans les processus de planification et d'aménagement des territoires côtiers (objectif 1.4.).

    2. Une contribution des aires marines protégées au développement

    économique

    S'agissant du deuxième axe, le Plan lui confère une finalité économique au regard du potentiel économique que revêtent les aires marines protégées. Cela s'apprécie au travers des objectifs ci-après, assignés à cet axe :

    - le développement d'une vision partagée de la conservation marine et côtière en partenariat avec le secteur des pêches (objectif 2.1.) ;

    - le développement des partenariats avec les opérateurs privés de l'industrie pétrolière (objectif 2.2.) ;

    - l'appui de l'internationalisation, dans les cadres législatifs nationaux, des dispositions internationales relatives à la réduction des impacts des activités économiques et leur mise en oeuvre (objectif 2.3.) ;

    - le développement des partenariats avec des opérateurs touristiques en vue de contribuer à l'émergence de modèles touristiques innovants et valorisant les patrimoines naturel et culturel côtiers (objectif 2.4.).

    3. Un renforcement des capacités institutionnelles et de gestion des aires marines protégées

    Pour ce qui est du troisième axe stratégique, son ambition est de renforcer les institutions des aires marines protégées ainsi que leurs animateurs. Il se décline en plusieurs objectifs, à savoir :

    ~ 25 ~

    - le renforcement des capacités des gestionnaires des aires marines protégées (objectif 3.1.) ;

    - l'implication des usagers de la mer dans la gestion des aires marines protégées (objectif 3.2.) ;

    - l'accroissement des connaissances sur les écosystèmes côtiers et marins en vue de renforcer la pertinence des décisions de gestion (objectif 3.3.).

    Paragraphe 2 : Un modèle de conservation pouvant servir au-delà de la faune aquatique

    Les aires marines protégées constituent un modèle de conservation innovant qui peut être mis à profit pour favoriser l'intégration des systèmes naturels dans les territoires aménagés (A) et l'amélioration des connaissances sur les écosystèmes marins (B).

    A. Une intégration des systèmes naturels dans les territoires aménagés L'intégration des systèmes naturels dans les territoires aménagés peut s'apprécier à plusieurs niveaux. Tout d'abord, une aire marine protégée, lorsqu'elle est bien gérée, peut produire des services écologiques à même de contribuer à l'équilibre des territoires (1). Son rôle ne se limite pas là puisqu'elle permet aussi d'assurer la prévention des risques côtiers (2) et contribue à la reconquête de l'espace national côtier et marin (3).

    1. Une production des services écologiques contribuant à l'équilibre des territoires

    Né au début des années 1970 et vulgarisé à compter des années 2000, le concept de `'services écologiques», encore appelé `'services écosystémiques», « exprime les multiples avantages que les sociétés humaines, pour leur bien-être, retirent de tout écosystème »75. Au nombre de ces avantages figurent en bonne place les services d'approvisionnement, les services de régulation, les services de support et les services culturels76. L'utilisation non durable des ressources naturelles entraine « des dégâts occasionnés par l'homme aux écosystèmes de la planète [...],

    75 SERPANTIE (G.), MERAL (P.) & BIDAUD (C.) (2012), « Des bienfaits de la nature aux services écosystémiques : éléments pour l'histoire et l'interprétation d'une idée écologique. » VertigO, 12 (3).

    76 Millennium Ecosystem Assessment (MEA, 2005).

    ~ 26 ~

    l'eutrophisation des eaux douces et marines côtières, la surpêche dans tous les océans du globe, y compris en eaux profondes77 ».

    Or, il est admis qu'une protection de certaines parties de l'espace maritime en aires protégées permet, par exemple, aux espèces halieutiques de se reproduire78, ce qui augmente leurs quantités et réduit, à terme, le risque de famine, garantissant ainsi le droit à l'alimentation des populations à travers un accès aux ressources abondantes de poissons79.

    2. Une prévention des risques côtiers

    Les risques inhérents à une utilisation non durable du milieu marin et des zones côtières, d'une part, et la forte concentration des populations des pays à proximité des côtes - avec tous les problèmes de pollution que cela entraine80 - d'autre part, les exposent à des risques multiples81. La littérature montre que les aires marines protégées, au-delà, par exemple, de leur fonction régulatrice des pêcheries, protègent et favorisent l'apparition d'herbiers sous-marins82, lesquels séquestrent plus de carbone que les forêts tropicales83. Dans un contexte de changement climatique, le rôle joué par les herbiers sous-marins est vital pour l'homme. THIAW, MBENGUE et al. nous apprennent d'ailleurs que « L'instauration d'AMP est une stratégie pour renforcer les services écosystémiques tels que l'approvisionnement en eau, la production de nourriture, la santé publique, la réduction des impacts des catastrophes naturelles (inondation, cyclones, tsunamis) et du changement climatique »84. Le phénomène d'érosion côtière qui ne cesse de

    77 https://www.universalis.fr/encyclopedie/evaluation-des-ecosystemes-pour-le-millenaire-millennium-

    ecosystem-assessment/

    78 https://www.fao.org/3/ml100f/ml100f.pdf

    79 Idem.

    80 « L'écosystème marin et côtier congolais est soumis à une érosion côtière et à une forte pollution provenant particulièrement du fleuve Congo, des activités humaines et industrielles de la ville de Pointe-Noire (DGDD, 2014) ».

    81 BONIN (M.), LAË (R.), BEHNASSI (M.), Aires marines protégées Ouest-africaine : défis scientifiques et enjeux sociétaux, IRD éditions, 2015, 226 p., p. 84.

    82 BONNIN (M.), OULD ZEIN (A.), QUEFFELEC (B.), LE TIXERANT (M.), Droit de l'environnement marin et côtier en Mauritanie, CSRP, 2014, 978-2-7099-1895-4. ffhal-02552161f, p. 70.

    83 « Outre de nombreux services écosystémiques, les herbiers marins stockeraient de 3 à 5 fois plus de carbone qu'une forêt tropicale et de 7 à 10 fois plus qu'une forêt française de feuillus, selon EcoAct », https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/le-label-bas-carbone-pour-preserver-les-herbiers-marins-des-calanques-91524/.

    84 THIAW (M.), MBENGUE (B.A.), MBAYE (A.), DIADHIOU (H.D.), KANTOUSSAN (J.), SOW (B.A.), GOUDIABY (K.D.), BREHMER (P.) « Synthèse des informations sur les Aires Marines Protégées (AMP) : cas des AMPs en Afrique de l'Ouest », Décembre 2016, Vol. 10, N°3 - Série Etudes et documents ISRA - ISSN 0850-9933, p. 3.

    ~ 27 ~

    gagner du terrain dans la plupart des Etats du Golfe de Guinée dont le Congo85, pourrait également être atténué grâce à une gestion maitrisée de l'espace maritime via la création d'aires marines protégées.

    3. Une contribution à la reconquête de l'espace national côtier et marin

    En République du Congo, « La politique d'aménagement et de développement du territoire met en évidence la stratégie de reconquête du territoire à travers les axes fondamentaux [...] » tels que l'unification et le zonage du territoire, l'armature urbaine et villageoise, les services publics et le développement local86. A cet effet, des mesures spécifiques sont prises par l'Etat en ce qui concerne « le littoral, [...] les zones de mines solides et liquides, [...] les aires protégées [...] »87. De plus, la loi du 10 octobre 2014 portant orientation pour l'aménagement et le développement du territoire indique de manière claire et ferme que « Les opérations d'aménagement du territoire et l'exploitation des ressources naturelles tiennent compte de la préservation indispensable de l'environnement, de manière à répondre aux besoins des générations présentes et futures »88. La création des aires marines protégées participe de cet objectif de reconquête de l'espace côtier et marin. Toutefois, la seule création de ces espaces ne suffit pas à redonner à l'Etat de l'ascendance sur les délinquants opérant en mer. En effet, à la suite de la mise en place d'une aire marine protégée, il est nécessaire de procéder également à la dotation des équipes de gestion ainsi que celles assurant la sécurité en matériel adéquat en termes, par exemple, de mobilité, de communication, etc.

    85 KAMDOUM NGUEUKO (J.), ADEWUMI (I.J.) : « Des observations régionales ont montré que les zones côtières de l'Afrique centrale, comme dans d'autres régions du continent et notamment l'Afrique occidentale, sont et restent l'une des zones les plus vulnérables aux risques climatiques et anthropiques, dont les répercussions se font sentir dans de nombreux secteurs dans toute la région. Divers écosystèmes et infrastructures physiques, outre ceux détruits ou dégradés ou qui ont disparu, continuent d'être menacés par les pressions climatiques, telle l'élévation du niveau de la mer, ainsi que par les activités humaines, parmi lesquelles le dragage. Cumulés, ces phénomènes aggravent l'érosion côtière, les inondations, l'intrusion saline les dans les systèmes d'eau douce et la perte d'habitats et de services écosystémiques, ce qui pourrait bien contribuer à accentuer les effets induits dans des secteurs plus rarement pris en compte, comme la santé, l'administration, la paix et la sécurité, etc. », Rapport technique sur l'état de vulnérabilité côtière des pays d'Afrique centrale, dossier de l'ICAM n°10, série technique 152, UNESCO 2020, p.4.

    86 Art. 6 Loi n° 43 - 2014 du 10 Octobre 2014 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

    87 Art. 34 Loi précitée.

    88 Article 36 même Loi.

    ~ 28 ~

    B. Une amélioration des connaissances sur les écosystèmes marins

    Les aires marines protégées sont, en général, principalement consacrées à la conservation, « mais il n'est pas exclu d'y faire de la recherche, [...] de la formation/éducation »89. D'ailleurs THIAW, MBENGUE et al. nous rappellent fort bien qu'au nombre des objectifs d'une aire marine protégée figure « l'amélioration des connaissances du fonctionnement de l'écosystème marin [...] », et que cela permet de renforcer « les compétences des gestionnaires des AMP »90. C'est justement dans ce dernier sens que s'oriente la mesure 3.3.2. de l'objectif 3.3.91 de l'axe stratégique 392 du Plan Stratégique Horizon 2020. Cette mesure préconise de « Favoriser le montage de campagnes océanographiques internationales en vue de renforcer les connaissances sur les écosystèmes marins ».

    Conclusion première partie

    Cette première partie nous a permis de comprendre que bien qu'elles soient de création récente dans la sous-région Afrique centrale et au Congo notamment, les aires marines protégées trouvent bien leurs racines dans divers instruments juridiques de droit international et de droit africain. La différence de concepts utilisés dans ces derniers textes avec l'appellation `'d'aire marine protégée» communément admise aujourd'hui ne rompt en rien les liens qui existent entre les espaces de protection de la biodiversité marine et le cadre juridique supra-étatique qui les sous-tend.

    89 BONNIN (M.), OULD ZEIN (A.), QUEFFELEC (B.), LE TIXERANT (M.), Droit de l'environnement marin et côtier en Mauritanie, CSRP, 2014, 978-2-7099-1895-4. ffhal-02552161f, p.81.

    90 THIAW (M.), MBENGUE (B.A.), MBAYE (A.), DIADHIOU (H.D.), KANTOUSSAN (J.), SOW (B.A.), GOUDIABY (K.D.), BREHMER (P.) « Synthèse des informations sur les Aires Marines Protégées (AMP) : cas des AMPs en Afrique de l'Ouest », Décembre 2016, Vol. 10, N°3 - Série Etudes et documents ISRA - ISSN 0850-9933, p. 3.

    91 Cet objectif vise à « Accroitre les connaissances sur les écosystèmes côtiers et marins en vue de renforcer la pertinence des décisions de gestion ».

    92 Cet axe stratégique porte sur le « Renforcement des capacités institutionnelles et de gestion des aires marines protégées ».

    SECONDE PARTIE : LA REGLEMENTATION DES
    AIRES MARINES PROTEGEES DE LA REPUBLIQUE
    DU CONGO PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE
    L'ENVIRONNEMENT

    Les règles internationales du droit de l'environnement sont la base sur laquelle le processus de mise en place des aires marines protégées ainsi que leur valorisation en République du Congo ont été lancés.

    " 30 "

    CHAPITRE 1 : LA MISE EN PLACE DES AIRES MARINES PROTEGEES EN REPUBLIQUE DU CONGO PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT

    Les aires marines protégées sont des circonscriptions administratives d'exception. A ce titre, elles se voient doter de pouvoirs de police permettant l'application de la loi dans ces espaces sécurisés.

    Section 1 : La création des AMP en tant qu'espaces sécurisés

    Les aires protégées, terrestres comme marines, sont de prime à bord des espaces conservés93, mieux des espaces de conservation. A ce titre, elles sont soit terrestres, soit marines. Aux termes de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées, « Il peut être créé, par décret en Conseil des ministres, des aires protégées sous forme de parcs nationaux, de réserves naturelles intégrales, de réserves de faune, de réserves spéciales ou sanctuaires [...] ou de toutes autres catégories d'aires protégées »94. C'est au titre de cette disposition que les aires marines protégées, qui recouvrent presque des caractéristiques similaires à celles des aires protégées terrestres, sont créées. Leur création obéit à une procédure participative (paragraphe 1) qui, cependant, débouche sur une restriction consentie des droits des populations riveraines (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Une création soumise à une procédure participative

    Le classement d'un espace maritime en vue de l'ériger en aire marine protégée est subordonné à la consultation préalable des populations par le mécanisme du consentement libre, informé et préalable (A) et du résultat de cette consultation (B).

    A. Le recours au Consentement Libre Informé et préalable (CLIP)

    Le consentement libre, informé et préalable (CLIP) est apparu, en tant que principe, dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones suite à un processus long et fastidieux95. Aux termes de son article 32 (2), « Les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue

    93 Chapitre I Loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées.

    94 Art. 2 et 4.

    95 « Un groupe de spécialistes appelé Groupe de travail sur les populations autochtones en a commencé la rédaction en 1985, mais il a fallu attendre 20 ans, soit le 13 septembre 2007, avant que la Déclaration ne soit adoptée - ou officiellement approuvée - par l'Assemblée générale des Nations unies », https://www.cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/DNUDPA version simplifiee web.pdf

    ~ 31 ~

    d'obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l'approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l'utilisation ou l'exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres ». Depuis lors, le CLIP a pris une telle importance que d'aucun l'ont assimilé à un « droit de veto96 » accordé aux populations97.

    Cette initiative de la communauté internationale a été suivie, quatre ans plus tard, par des initiatives régionales et sous-régionales98 en Afrique. Dans la foulée, et après avoir adopté, ensemble avec les 142 autres Etats membres des Nations Unies ayant voté en faveur de la Déclaration de 2007 relative aux peuples autochtones, la République du Congo a procédé, en février 2011, c'est-à-dire un mois seulement après l'adoption des Directives de la COMIFAC sur l'implication des populations locales, autochtones et ONG dans la gestion forestière en Afrique centrale, à la mise en place d'un arsenal juridique relatif aux droits des populations autochtones. Aux termes de l'article 3 de la loi n°5-2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones, « L'Etat s'assure que les populations autochtones sont consultées d'une manière convenable, et met en place des mécanismes culturellement appropriés pour ces consultations avant toute considération, formulation ou mise en oeuvre des mesures législatives ou administratives, ou des programmes et / ou projets de développement susceptibles de les affecter directement ou indirectement ». Bien qu'élaboré à l'origine pour les populations autochtones, le CLIP intéresse également de plus en plus les communautés locales.

    Ainsi, la consultation des communautés locales et populations autochtones dans le processus de création d'une aire protégée en générale, et marine en particulier, est une étape préalable cruciale. On notera que si la loi sur la faune et les aires protégées ne l'évoque pas explicitement, la loi n°33-2020 du 8 juillet 2020 portant Code forestier en République du Congo dispose que « [...] le classement

    96 En Droit constitutionnel, le veto est une technique juridique qui s'analyse en une contestation de la loi, en vue d'empêcher son application. Ce terme signifie en latin « Je m'oppose », Lexique droit constitutionnel, 5è édition, PUF, 1994, p. 132.

    97 LEBUIS (V.) et KING-RUEl (G.), « Le consentement libre, préalable et informé : une norme internationale en émergence pour la protection des populations locales autochtones ». Recherches amérindiennes au Québec, 2010, 40(3), 85-99. https://doi.org/10.7202/1009371ar, p. 91.

    98 Décision n°001/COMIFAC/Pr/CM/CO.ORD./VI/11 portant adoption des Directives sous-régionales sur l'implication des populations locales, autochtones et ONG dans la gestion forestière en Afrique centrale.

    ~ 32 ~

    d'une forêt obéit au principe du consentement libre, informé et préalable des populations affectées99 par le projet de classement [...] ». Cette disposition, qui complète l'article 8 alinéa 4 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 supra citée, subordonne le classement d'un espace - donc la création d'une aire marine protégée - à la mise en oeuvre du CLIP.

    Celui-ci peut en effet être réalisé en plusieurs étapes100. Dans le cadre de la création de l'aire marine protégée de la baie de Loango au Congo, par exemple, les promoteurs du projet ont recouru au CLIP tour à tour lors de la première détermination des limites géographiques dites « réunion de concertation approfondie des parties prenantes sur la délimitation cartographique101 », de la deuxième « consultation des parties prenantes sur la délimitation géographique de l'AMP et superposition d'usages102 », et de la « consultation publique sur le cadre juridique et statut de l'aire marine protégée de la baie de Loango103 ».

    Le processus décrit ci-dessus débouche sur un résultat qu'il convient nécessairement de prendre en compte (B).

    B. Le résultat du Consentement Libre Informé et Préalable (CLIP)

    Le Consentement Libre, Informé et Préalable a pour objectif principal de recueillir les avis des communautés locales et populations autochtones sur un projet quelconque que le Gouvernement et ses partenaires techniques et financiers souhaitent implémenter dans leurs terroirs. Ces avis peuvent être favorables ou défavorables104. Lorsqu'ils sont favorables, cela signifie que les populations ont

    99 Le terme `'populations affectées» recouvrent, dans le contexte des aires protégées et des forêts, les communautés locales (bantous) et les populations autochtones.

    100 Dans un ouvrage intitulé `'Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Un droit des peuples autochtones et une bonne pratique pour les communautés locales. Manuel des praticiens de projets, 2017, p. 19, la FAO le résume en six principales étapes, à savoir :

    1. Déterminer les peuples autochtones en cause et leurs représentants ;

    2. Enregistrer les informations géographiques et démographiques par cartographie participative ;

    3. Établir un plan de communication participative et mener des concertations par itération permettant de divulguer les informations du projet en toute transparence ;

    4. Parvenir au consentement, enregistrer les besoins des peuples autochtones à inclure dans le projet, convenir d'un mécanisme de retours d'information et de réclamations ;

    5. Assurer le suivi et l'évaluation participatifs de l'accord ;

    6. Enregistrer les enseignements tirés et divulguer l'information sur les réalisations du projet.

    101 https://n3k6.wordpress.com/2021/06/03/congo-baie-de-loango-la-nouvelle-delimitation-de-la-future-aire-maritime-protegee-adoptee/

    102 https://renatura.org/wp-content/uploads/2021/07/NaturInfo-N51-Juillet21.pdf

    103 https://renatura.org/wp-content/uploads/2022/04/NaturInfo-n%%B054.pdf

    104 « (...) il importe de souligner que la procédure de CPLCC ne garantit pas que le résultat en sera le consentement », https://www.fao.org/3/i6190f/I6190f.pdf , p. 13.

    ~ 33 ~

    accordé leur consentement, c'est-à-dire exprimé leur adhésion au projet. A contrario, des réponses défavorables signifient le rejet de ce dernier par les populations. Le résultat du CLIP constitue donc la clé du succès du projet ou de son échec.

    A l'évidence, le CLIP est un droit important qui bénéficie d'une protection internationale grâce à de nombreux textes mais également nationale, comme analysé plus haut, à tel point que l'inobservation de cette étape cruciale de la mise en oeuvre de tout projet pouvant entrainer des incidences négatives sur les droits et la vie des populations locales et autochtones expose ledit projet à l'invalidation ou l'annulation du juge. En Afrique, la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples n'a pas manqué de réaffirmer l'importance du CLIP105 dans une affaire opposant l'Etat du Kenya à la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, agissant au nom de la communauté autochtone Ogiek du Kenya. En l'espèce, le Service des forêts du Kenya avait émis un avis d'expulsion en octobre 2009 à l'encontre des Ogiek, les enjoignant de quitter la forêt de Mau dans un délai maximal de 30 jours. Cet avis d'expulsion violait plusieurs droits de cette communauté parmi lesquels le droit de propriété. La Cour avait alors estimé que « [...] les Ogiek avaient un droit communal sur leurs terres ancestrales et que leur expulsion de ces terres contre leur gré et sans consultation préalable portait atteinte à leurs droits de propriété garantis par la Charte, et interprétés dans l'esprit de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones »106.

    105 NDAYAMBAJE (O. D.), « La contribution de la reconnaissance des droits des peuples autochtones à la protection de l'environnement à la lumière de l'affaire Endorois c Kenya », Revue québécoise de droit international, Volume 29, numéro 2, 2016, 29(2), 173-190. https://doi.org/10.7202/1046512ar

    106 https://www.escr-net.org/fr/caselaw/2017/commission-africaine-droits-lhomme-et-peuples-c-republique-du-kenya-cafdhp-requete-no, consultée le 20 août 2022 à 5h, https://africanlii.org/fr/afu/judgment/african-court/2017/9, consultée le même jour à 6h. Dans une décision rendue le 23 juin 2022, la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a condamné l'Etat du Kenya à réparer les préjudices causés à la communauté Ogiek. Selon cette décision, l'Etat du Kenya doit prendre toutes les mesures nécessaires « pour identifier, en consultation avec les Ogiek et/ou leurs représentants, délimiter, démarquer la terre ancestrale des Ogiek ainsi qu'émettre et octroyer de jure un titre foncier collectif sur ces terres afin de garantir l'utilisation, l'occupation et la jouissance permanentes de celles-ci par les Ogiek au moyen d'une certitude juridique ». A contrario, s'il n'est pas, « pour des motifs objectifs et raisonnables », en capacité de réinstaller les Ogiek sur leurs terres, « il se doit d'entamer des négociations avec les Ogiek par le biais de leurs représentants, à l'effet, soit d'offrir une compensation adéquate, soit d'identifier des terres de remplacement de superficie et de qualité égales à céder aux Ogiek pour leur utilisation et leur occupation », https://www.africancourt.org/cpmt/storage/app/uploads/public/62b/abb/639/62babb6392902318124060.pdf , consultée le 20 août 2022 à 7h.

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    Paragraphe 2 : Une création débouchant sur une restriction consentie des droits des populations riveraines

    La création des aires protégées, en général, et des aires marines protégées, en particulier, induit inéluctablement des restrictions dans l'exercice de certaines activités jugées incompatibles avec les objectifs de conservation (A) tout en maintenant une certaine tolérance dans l'exercice des droits d'usage des populations locales et autochtones (B) riveraines.

    A. Une restriction de certaines activités incompatibles avec les objectifs de conservation

    [...]107 ».

    Au Congo - comme dans la plupart des pays du Bassin du Congo - certaines activités comme l'exploitation des ressources naturelles et la pêche sont interdites dans les parcs nationaux, les réserves naturelles intégrales, les réserves de faune et les réserves spéciales aux termes des articles 12, 13, 14 et 15 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées. Dans ce sens, parlant des aires protégées terrestres, Patrick TRIPELT et Cédric VERMEULEN indiquent que « Les prélèvements de flore ou de faune sont réglementairement interdits dans la plupart des aires protégées, et plus particulièrement dans les parcs nationaux, ce qui interdit le pâturage, l'utilisation des végétaux pour la pharmacopée, mais également le ramassage du bois mort, la collecte de miel, de racines, de fruits

    Dès lors, nous conviendrons avec Bertrand CAZALET qu'« À l'intérieur d'une zone protégée, la réglementation des usages résulte d'une approche [...] restrictive des libertés individuelles [...] »108. Les aires marines protégées ne dérogent guère au principe puisque la raison principale justifiant leur création, en tout cas pour la grande majorité d'entre elles, c'est la conservation de la faune et de la flore marines, mieux des écosystèmes marins en proie à une forte pression anthropique.

    Si elles visent à mettre les ressources naturelles, notamment la faune et la flore sauvages, à l'abri de la `'prédation» des populations, cette approche restrictive des droits des communautés locales et des populations autochtones prive toutefois les aires protégées d'importants alliés et d'une infinie sources d'information pouvant

    107 TRIPLET (P.), VERMEULEN (C.), Manuel de gestion des aires protégées d'Afrique francophone. Améliorer la participation des populations locales à la gestion des aires protégées, janvier 2009, 276 p, p. 256.

    108 CAZALET (B.), Les droits d'usage territoriaux, de la reconnaissance formelle à la garantie juridique : le cas des aires marines protégées ouest-africaines, Mondes en Développement Vol.35-2007/2-n° 138, p 63.

    [...]109 ».

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    contribuer à mieux gérer les aires marines protégées. Grazia BORRINI-FEYERABEND illustre cela parfaitement en ces termes : « Parfois, les conflits sont `'résolus» par la violence : les habitants sont forcés d'aller s'installer ailleurs, en dehors du territoire, ou sont maintenus à l'extérieur de la zone par des gardes armés, quand ce n'est pas une guerre d'usure qui s'installe pendant des années. Dans ce dernier cas, l'organisme responsable finit par dépenser des ressources considérables pour arpenter l'aire protégée et pour faire respecter ses règlements, afin de freiner le flux de personnes qui empiètent sur la zone et qui se livrent au braconnage. Il arrive également qu'aucune relation n'existe entre l'organisme et les autres parties prenantes : des connaissances et des compétences précieuses restent ainsi inutilisées et les problèmes sont nés jusqu'au moment où il est trop tard pour les empêcher de provoquer de sérieux dommages

    En dépit de cette logique restrictive, les gestionnaires des aires marines protégées sont obligés de faire preuve de tolérance quand il s'agit des droits d'usage (B).

    B. Une tolérance des droits d'usage des populations local et autochtones reconnue

    Précédemment, nous avons certes convenu avec Bertrand CAZALET qu'« À l'intérieur d'une zone protégée, la réglementation des usages résulte d'une approche

    [...] restrictive des libertés individuelles [...] » ; néanmoins, une
    approche « dérogatoire au bénéfice des populations du site »110 est tolérée sous certaines conditions. L'article 11 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 prévoit, à cet effet, que « Dans les cas où les circonstances le permettent, l'acte portant création d'une aire protégée détermine une zone tampon ou une zone périphérique à l'intérieur de laquelle les populations riveraines peuvent mener leurs activités socio-économiques compatibles avec les finalités de l'aire protégée »111.

    Ainsi, il se dégage que la notion de « zone tampon » ou « zone périphérique » - qui peut être définie, à la lumière des dispositions de l'article 11 ci-dessus, comme

    109 BORRINI-FEYERABEND (G.), Gestion participative des aires protégées : l'adaptation au contexte, UICN, Gland, Suisse, 1997, 79 p., p. 13.

    110 CAZALET (B.), cité supra.

    111 « Au Congo, par contre, la prise en compte des droits d'usage est spécifique à chaque type d'aire protégée : dans les réserves naturelles intégrales, toutes les activités de chasse, de pêche ou encore de pâturage sont interdites, alors que ces droits sont aménagés dans des sanctuaires de faune ou des zones d'intérêt cynégétique », MAYEN NDIONG (B.), BIGOMBE LOGO (P.), BOBO (K.S.) et SCHOLTE (P.), « Gouvernance des aires protégées en Afrique centrale » : un processus en mutation, p. 67.

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    un espace situé immédiatement en dehors d'une aire protégée et qui s'étend sur une certaine distance, à l'intérieur duquel les populations riveraines peuvent entreprendre ou exercer des activités socio-économiques qui ne portent pas atteinte à l'objectif de conservation ou n'y sont pas contraires -est pertinente en l'espèce, notamment pour les aires protégées terrestres. L'exercice d'une variété d'activités, définies dans un plan d'aménagement par l'autorité de gestion avec la participation des populations, y est plus facile. Cependant, il n'en va pas de même pour les aires marines protégées. Celles-ci sont, en effet, pour la plupart, sinon totalement, en grande partie situées en mer. Dans le contexte africain, et dans celui du Congo singulièrement, caractérisé par le sous-développement112, l'exercice de la pêche artisanale est une activité qui occupe les communautés villageoises riveraines et permet de faire vivre des familles entières.

    Section 2 : La création d'une AMP en tant qu'institution dotée de pouvoirs de police

    Dans une étude parue en 2007, FERAL et CAZALET qualifient une aire protégée de « circonscription originale »113. Cette assertion est d'autant plus vraie qu'on y retrouve des caractéristiques que l'on observe dans les circonscriptions administratives classiques114. On y exerce des pouvoirs de police pour appliquer la loi. Cette compétence, qui était autrefois exclusivement exercée par l'Etat (paragraphe 1), est de toute évidence aujourd'hui partagée (Paragraphe 2) avec d'autres acteurs.

    112 CAZALET (B.), Idem : « Le continent africain reste marqué encore aujourd'hui par une ruralité3 dominante et par une imbrication originale entre différentes formes d'autorités et de sources de droit. Dans ce contexte, les droits d'usage perdurent, mais leur nature sui generis est le fruit d'un véritable syncrétisme juridique4. Ce paramètre transparaît avec évidence au sein des aires marines protégées ouest-africaines5, dont le droit constitutif "moderne", doit s'accommoder des droits traditionnels, des pratiques et des stratégies économiques des divers groupes humains présents à l'intérieur ou en périphérie », CAZALET (B.), Les droits d'usage territoriaux, de la reconnaissance formelle à la garantie juridique : le cas des aires marines protégées ouest-africaines, Mondes en Développement Vol.35-2007/2-n° 138, p 62.

    113 Source : http://intranet.isra.sn/aurifere/opaccss/docnum/OC1702514.pdf , p.2.

    114 « Une circonscription administrative est, en France, une zone géographique résultant d'une division du territoire national à des fins de gestion administrative »,

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Circonscription administrative (France).

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    Paragraphe 1 : L'exercice des pouvoirs de police : une compétence autrefois exclusive de l'Etat

    L'Etat, qui est dans certaines législations nationales115 propriétaire de la faune et de la flore sauvages, est tout naturellement le premier responsable de leur protection. Norbert GAMI nous apprend, à cet effet, que « La gestion des aires protégées en Afrique centrale, tout comme leur création, a d'abord été le monopole de l'Etat. La lutte anti-braconnage paraissait alors comme l'unique moyen de sauvegarder les ressources naturelles, la participation des autres acteurs n'étant pas d'actualité »116. C'est ainsi que diverses structures qui lui appartiennent se voient confier l'exercice de cette mission. Il y a en premier lieu les structures centrales (A), lesquelles sont relayées au niveau local par des structures déconcentrées (B).

    A. A travers les structures centrales

    Il n'est pas inutile de noter, d'entrée de jeu, que la République du Congo est un Etat unitaire. C'est ce que l'on peut lire à l'article 1er de la Constitution du 25 octobre 2015 en ces termes : « La République du Congo est un Etat de droit, souverain, unitaire et indivisible, décentralisé, laïc et démocratique ». Le régime politique pour lequel ce pays a opté est celui « au sein duquel une seule volonté s'exprime, tant du point de son agencement politique que de son ordonnancement juridique »117. Dans son Vocabulaire juridique, Gérard CORNU le « distingue de l'Etat composé du fait qu'il ne possède qu'un seul centre d'impulsion politique »118. Commentant la Constitution congolaise en vigueur, Lovane LHAKHY-TSAMBY nous rappelle à juste titre que « L'Etat unitaire et indivisible est un Etat qui ne peut être divisé, où des collectivités territoriales ne peuvent posséder des compétences réservées à l'Etat [...] »119.

    Ainsi, au Congo, la compétence pour appliquer les lois en matière d'aires protégées est confiée à l'administration en charge de la faune et des aires protégées. L'article 95 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires

    115 Cas du Congo dont l'article 5 fait de la faune « un patrimoine commun de la nation » dont « l'Etat garantit la gestion durable ».

    116 GAMI (N.), « Le partenariat public-privé (PPP) dans les aires protégées du Bassin du Congo : l'exemple du parc national d'Odzala-Kokoua en République du Congo », file:///C:/Users/WCS/Downloads/FAO-CIFORBook-31GAMIPPP%20(7).pdf.

    117 AVRIL (P.), GICQUEL (J.), Lexique droit constitutionnel, PUF, 5ème édition, février 1994, p. 51.

    118 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Quadrige/Presse Universitaire de France, 2ème édition, janvier 2001, p. 352.

    119 LHAKHY-TSAMBY (L.), La constitution congolaise commentée article par article, L'Harmattan Congo-Brazzaville, 2017, p. 17.

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    protégées indique dans ce sens que « Sans préjudice des pouvoirs de police, la police de la faune et de la chasse est assurée par les services compétents du ministère chargé des eaux et forêts [...] ».

    En matière d'aires protégées, deux services sont principalement compétents au regard de la loi, à savoir la direction générale de l'économie forestière (DGEF), d'une part, et l'agence congolaise de la faune et des aires protégées (ACFAP), d'autre part. La première, plus ancienne, est une structure technique de conception de la politique ayant trait à la faune et aux aires protégées (1) tandis que la seconde, plus récente, est une structure technique de mise en oeuvre de cette politique (2).

    1. La Direction Générale de l'Economie Forestière (DGEF) : une structure technique de conception

    Le décret n°98-175 du 12 mai 1998 portant attributions et organisation de la direction générale de l'économie forestière confie à cette dernière, entre autres, la mission de « concevoir, proposer et faire appliquer la politique du développement du secteur forestier », d'un côté, et de « concevoir et suivre, au plan technique, la mise en oeuvre des plans, des programmes et des projets en matière de forêts, de faune et d'aires protégées, de conservation des sols, bassins versants, de sources, de cours d'eau et de plans d'eau »120, de l'autre. Mais avant d'aller loin, il est bon de préciser un élément qui semble nécessaire. La DGEF est un organe dépourvu de personnalité morale. En réalité, « elle ne constitue qu'un des rouages d'une personne morale »121, en l'occurrence le ministère chargé de la faune et des aires protégées. Ainsi, à la simple lecture de cette disposition, on pourrait penser que la DGEF n'est pas compétente en matière d'aires protégées en général, et particulièrement sur celle qui concerne les aires marines protégées. Or, la compréhension de la lettre ne suffit pas, il faut en comprendre également l'esprit. Mais pour mieux saisir celui-ci, il est indispensable d'analyser au préalable le contexte dans lequel le texte créant la DGEF a été élaboré.

    120 Article 1er ; BONGUI (A.S.L.) et MOKOKO IKONGA (J.), Aires protégées d'Afrique centrale état 2015 : République du Congo, p. 94-95 : « Selon les dispositions du décret 98-175 du 12 mai 1998, la Direction Générale de l'Economie Forestière (DGEF) est l'organe technique qui assiste le ministre dans l'exercice de ses attributions en matière de faune et de forêt, au sein duquel la Direction de la Faune et des Aires Protégées (DFAP) est plus spécifiquement en charge de l'application des politiques gouvernementales en matière de gestion durable de la faune et des aires protégées. Elle propose des programmes d'inventaires de la faune et de la flore, contrôle l'application des plans d'aménagement et de l'activité cynégétique, et entretient les relations de coopé- 95 ration avec les organismes nationaux, régionaux et internationaux concernés (MEFDD, 2015) ».

    121 CHAPUS (R.), Droit administratif général, tome 1, 15ème édition Montchrestien, 2001, p. 184.

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    En effet, en mai 1998 le Congo sort à peine d'une guerre civile qui a permis le retour au pouvoir de l'ancien président, battu dans les urnes cinq ans plus tôt122. A cette époque, les institutions sont fragiles et les aires protégées ne sont pas très à la mode, même si le pays en compte quelques-unes123. Aussi, la Convention sur la diversité biologique, dont la réunion de 2010 a permis de remettre en avant la question de la protection des mers et océans à travers l'Objectif d'Aichi 11, n'a été ratifiée qu'en 1996 par le Congo124. A cette époque, la DGEF était la seule structure, au sein du ministère chargé de la faune et des aires protégées, compétente en cette matière. La protection des aires protégées relevait donc de la seule DGEF via ses agents affectés sur toute l'étendue du territoire national. Ces derniers sont notamment chargés d'« assurer la gestion, le contrôle et la conservation des forêts, de la faune, de la flore et des eaux et veiller à l'utilisation durable de leurs ressources biologiques »125. Pour y parvenir, la loi leur donne le droit de porter et de faire usage des « armes de chasse et de guerre à l'occasion des missions d'inspection, de contrôle et de répression »126. Mais, depuis la création de l'ACFAP, il semble y avoir, de facto, deux catégories d'agents des eaux et forêts : ceux qui sont rattachés à la DGEF exerçant leurs contrôles essentiellement sur le bois dans les chantiers forestiers et en dehors, et ceux qui relèvent de l'ACFAP, veillant sur la faune sauvage dans les chantiers forestiers, les aires protégées et dans leurs périphéries.

    Sur ces entrefaites, quinze ans après la création de la DGEF, l'Etat a résolu de mettre en place un autre service technique permettant la mise en oeuvre de la politique de conservation de la faune et de la flore sauvages, à savoir l'Agence congolaise de la faune et des aires protégées (2).

    122 Après 13 années de pouvoir ininterrompues, Monsieur Denis SASSOU-NGUESSO et son régime sont balayés par le vent de la perestroïka venu de l'Est de l'Europe et ayant entrainé la chute du mur de Berlin. Cette situation nouvelle et inattendue va entrainer dans les Etats africains, en proie aux dictatures, un vent de démocratie grâce auquel des Conférences nationales, parfois souveraines, seront organisées un peu partout en Afrique subsaharienne d'expression française. Au Congo, la Conférence Nationale Souveraine, qui avait duré 4 mois, se soldera par la tenue d'élections générales qui emporteront le régime socialiste du Général Denis SASSOU-NGUESSO, battu par le Pr Pascal LISSOUBA.

    123 Réserve de chasse de La Léfini (1951), Lessio-Louna (1963), Réserve de biosphère de Dimonika (1988), Par

    National de Nouabalé-Ndoki (1993).

    124 Loi n°29-96 du 25 juin 1996 autorisant l'adhésion à la Convention sur la biodiversité.

    125 Article 5 du décret n°2002-433 du 31 décembre 2002 portant organisation et fonctionnement du corps des agents des eaux et forêts.

    126 Article 17 décret supra cité.

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    2 L'Agence Congolaise de la Faune et des Aires Protégées (ACFAP) : une structure technique de mise en oeuvre

    Aux termes des articles 1er et 4 de la loi n°34-2012 du 31 octobre 2012 portant création de l'agence congolaise de la faune et des aires protégées, celle-ci « est un établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière »127 qui assure « la mise en oeuvre de la politique nationale en matière de gestion de la faune, des aires protégées et des unités de surveillance et de lutte anti-braconnage »128.

    L'ACFAP est ainsi une structure technique spécialisée du ministère en charge de la faune et des aires protégées qui assure ce que d'aucuns appellent « le service public environnemental »129 dans un but d' « intérêt général »130. A ce titre, elle est responsable, non pas de la conception de la politique de conservation de la faune, mais plutôt de la mise en oeuvre de celle-ci. Elle assure en fait, soit en régie, c'est-à-dire directement, soit en concession, suivant le modèle de partenariat public-privé devenu à la mode - dont nous parlerons dans le chapitre suivant - la gestion des aires protégées. Il est important de faire observer que dans certaines aires protégées mises en concession au Congo, l'ACFAP joue, via les conservateurs, placés sous son autorité, davantage les seconds rôles en matière administrative et financière, même si les textes qui les créent mettent le conservateur, représentant l'Etat concédant, et le conseiller technique principal (souvent désigné par le terme de `'directeur»), représentant la structure privée concessionnaire, sur un pied d'égalité131. Il en sera ainsi par exemple en matière de gestion budgétaire et de matériel, matières dans lesquelles le représentant du concessionnaire, généralement

    127 Articles 1er de la Loi et 2 des Statuts de l'ACFAP adoptés par décret n°2013-178 du 10 mai 2013.

    128 Article 4 de la Loi et 3 des Statuts supra cités.

    129 RADIGUET (R.), Le service public environnemental, Droit, Université Toulouse 1 Capitole (UT1 Capitole), 2016. Français. fftel-02266379f.

    130 CHAPUS (R.), op.cit. p. 184.

    131 Article 40 Protocole d'accord sur l'appui à la gestion du Parc National de Nouabalé-Ndoki (30 janvier 2008) : « Le Coordonnateur (conservateur) et le Conseiller Technique Principal WCS sont cosignataires de tout document relatif à la planification, au décaissement des fonds et à l'exécution des dépenses dans le cadre du projet. Ils doivent toujours se concerter pour décider sur la nature des dépenses à effectuer dans le cadre du projet ».

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    propulsé au rang de directeur, assimilable à celui de chef de projet132, décide quasiment seul133.

    Les structures centrales de l'Etat sont relayées au niveau local par des structures dites déconcentrées classiques (B).

    B. A travers les structures déconcentrées classiques

    Il est bon de rappeler dans un premier temps les règles générales qui fondent la diffusion du pouvoir de décision sur le territoire national (1) avant d'aborder par la suite, à proprement parler, les structures qui, à l'échelon local, assurent la protection de la faune et de la flore sauvages (2).

    1. Rappel des règles générales de diffusion du pouvoir de décision à travers le territoire national

    Selon l'article 6 de la loi n°3-2003 du 17 janvier 2003 fixant l'organisation administrative territoriale, la déconcentration consiste en un « transfert de responsabilités à l'intérieur d'une même collectivité publique. La relation entre l'autorité centrale et l'autorité déconcentrée est hiérarchique ». Partant, la déconcentration est une technique de « redistribution du pouvoir de décision » de l'échelle centrale vers une échelle inférieure, celle-ci vaquant à ses occupations sous l'oeil vigilant de celle-là. Evoquant la question, René CHAPUS remet au goût du jour la célébrissime assertion d'Odilon BARROT, à savoir : « C'est le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche »134.

    Ainsi en est-il par exemple en matière de transaction où le ministre, le directeur général et les directeurs départementaux de l'économie forestière ainsi que les conservateurs se partagent, à des degrés différents, la compétence pour transiger en cas d'infraction et préalablement au prononcé du jugement135.

    2. Des structures assurant la protection de la faune et la flore sauvages à l'échelon local

    En vertu du décret créant la DGEF susmentionné, celle-ci se dote de directions départementales (anciennement désignées sous le vocable de `'directions

    132 La plupart des chefs de projets des aires protégées ont ainsi le grade de Conseiller Technique Principal (CTP), qui correspond au grade le plus élevé dans cet univers.

    133 Pourtant, dans les textes (ex. Art. 18 Protocole WCS-MEF supra cité) : « La coordination du projet est assurée par un Conservateur qui est assisté dans ses fonctions par une Conseiller Technique Principal WCS ».

    134 CHAPUS (R.), supra cité, p. 391.

    135 Article 106 Loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées.

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    régionales»)136. Ces dernières sont chargées, entre autres, d'« exécuter les lois et règlements et les décisions du Gouvernement en matière de faune, de forêts, et d'aires protégées » dans le ressort départemental137.

    En vertu de leur pouvoir de police de la faune et de la chasse conféré par l'article 95 de la loi sur la faune et les aires protégées, les agents affectés dans les directions départementales et les brigades de l'économie forestière (DDEF) sont habilités à rechercher et constater des infractions par procès-verbaux138. Ceux-ci sont dressés par des agents dûment assermentés139 ayant la qualité d'auxiliaire de police judiciaire (APJ). Dans ce cadre, ils peuvent dresser « des barrages aux environs des agglomérations urbaines, des villages, des aires protégées, et le long des routes, afin de renforcer la lutte contre la chasse illégale »140. Ils peuvent également procéder à « des perquisitions [...] afin de rechercher des animaux ou des trophées irrégulièrement chassés ou détenus »141.

    Un autre élément parait important à préciser, c'est qu'à l'occasion des instances judiciaires ouvertes d'office par le procureur suite aux infractions visées par la loi sur la faune et les aires protégées commises dans leur zone de compétence, les directions départementales de l'économie forestière peuvent se constituer partie civile. Ceci est très important, notamment en cas de condamnation du prévenu à payer des dommages-intérêts.

    Paragraphe 2 : L'exercice des pouvoirs de police : une compétence aujourd'hui partagée ?

    L'observation que l'on fait de l'exercice des attributions de protection de la faune et la flore sauvages par certains organes inspire des interrogations. La compétence de rechercher et réprimer les infractions sur la faune et les aires protégées naguère reconnue à l'Etat seulement serait-elle aujourd'hui partagée ? La création des Unités de Surveillance et de Lutte Anti-braconnage au niveau des aires protégées (A), des Projet de Gestion des Ecosystèmes Périphériques au Parc (PROGEPP) et des chantiers forestiers en constituent de parfaits exemples. Du

    136 Article 2 : « La direction générale de l'économie forestière [...] comprend [...] les directions régionales de l'économie forestière [...] ».

    137 Article 16 décret n°98-175 du 12 mai 1998 portant attributions et organisation de la direction générale de l'économie forestière.

    138 Articles 97 et 98 Loi sur la faune et les aires protégées.

    139 Article 98 Loi susmentionnée.

    140 Article 99 Loi supra citée.

    141 Article 100 même Loi.

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    reste, les PROGEPP sont-ils un modèle à reproduire en matière d'aires marines protégées ? (B).

    A. Entre les USLAB des aires protégées

    Chaque aire protégée met en place une Unité de Surveillance et de Lutte Anti-Braconnage (USLAB) constituée majoritairement d'agents commissionnés des eaux et forêts. L'article 93 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées indique que « Les agents commissionnés des eaux forêts sont recrutés par contrat, par les exploitant forestiers, les projets de conservation, les aires protégées, les chantiers d'exploitation et/ou de réexploitation minière et pétrolière, dans les zones d'aménagement et de conservation, les zones périphériques aux aires protégées ». Le concept d'« agents commissionnés des eaux et forêts » recouvre plusieurs significations : éco-gardes, éco-guides, pisteurs, soigneurs, aménagistes et paysagistes142. Dans le cadre de notre étude, seule la première catégorie retiendra notre attention. Nous verrons notamment comment sont recrutés, formés et gérés les éco-gardes.

    Sur le premier aspect, la loi précise que « Les agents commissionnés des eaux et forêts sont recrutés par contrat, par [...] les projets de conservation, les aires protégées [...] dans les zones d'aménagement et de conservation, les zones périphériques aux aires protégées »143. L'article 94 apporte une précision importante, « Le contrat constatant ou reconnaissant le recrutement des agents commissionnés des eaux et forêts doit être soumis à l'appréciation du ministre chargé des eaux et forêts avant l'entrée en fonctions des intéressés ». Si les gestionnaires des aires protégées sont libres d'organiser les recrutements à leur niveau, en partant des appels à candidature jusqu'à la formation des nouvelles recrues, il reste que l'Etat s'est octroyé, par cet article, un pouvoir de `'validation». Néanmoins, à ce jour, il n'est pas de cas dans lesquels l'Etat a fait usage de ce pouvoir. Mieux, les contrats constatant le recrutement des éco-gardes ne sont pas transmis au ministre en charge de la faune et des aires protégées en vue de son appréciation. Pourtant, il s'agit d'une obligation.

    En ce qui concerne le deuxième aspect, il faut aller chercher dans les protocoles d'accord liant l'Etat aux Organisations Non-Gouvernementales (ONG)

    142 Article 92 Loi sur faune et aires protégées du 28 novembre 2008.

    143 Article 93 Loi sur la faune et les aires protégées.

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    internationales à qui la gestion de certaines aires protégées a été confiée pour espérer trouver des éléments juridiques allant dans ce sens. Il en est ainsi, par exemple, du Protocole d'accord sur l'appui à la gestion du Parc National de Nouabalé-Ndok conclu le 30 janvier 2008 entre la République du Congo, représentée par le Ministère de l'Economie Forestière (MEF), et l'ONG internationale Wildlife Conservation Society (WCS). Aux termes de l'article 43 de ce protocole d'accord, « Le MEF s'engage à [...] Faciliter l'organisation des formations des écogardes en collaboration avec les zones militaires concernées [...] ». Pour ce faire, les gestionnaires des aires protégées font appel à d'anciens militaires, généralement de nationalité étrangère et en qualité de consultant, pour assurer la partie militaire de la formation aux côtés de militaires des Forces Armées Congolaises (FAC).

    S'agissant de la gestion de leur carrière, les éco-gardes non fonctionnaires dépendent entièrement du projet qui les engage car, comme il a été dit plus haut, ils « sont recrutés par contrat ». A ce titre, le projet est leur employeur, et en tant que tel, il peut mettre fin à leur contrat de travail dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur au Congo en matière de travail. Ainsi, il arrive que des personnes formées au maniement des armes et à certaines techniques militaires se retrouvent sans emploi lorsque les financements tarissent ou quand l'ONG internationale partenaire privé de l'Etat se retire du partenariat qui les liait. Or, l'abandon de ces éco-gardes peut pousser certains d'entre eux à se transformer en braconniers puisqu'ils connaissent très bien la forêt pour l'avoir arpentée durant leur service pour le compte de l'aire protégée.

    B. Et les USLAB des PROGEPP : un modèle à reproduire en matière d'aires marines protégées ?

    Il y a plus de deux décennies en arrière, le braconnage était exacerbé, de manière indirecte et involontaire, par les concessionnaires forestiers144. Cette

    144 « (i) Dans le passé, les compagnies forestières d'Afrique Centrale se sont souvent contentées d'exploiter les forêts, sans les gérer en tant qu'écosystèmes complexes. Du fait du manque de préoccupation quant à la gestion de la faune, les infrastructures de nombreuses compagnies forestières ont été utilisées pour le trafic de la viande de brousse et les activités de chasse illégale sur des espèces protégées. Les concessions forestières du bassin du Congo ont favorisé l'établissement d'un commerce de viande de brousse et d'un réseau de trafic d'ivoire utilisant les infrastructures des compagnies pour accéder à des zones reculées de forêt et en faire sortir les produits (Ape Alliance, 1999). Les campements forestiers sont souvent à l'origine de la création d'un marché et du développement d'un commerce de viande de brousse dans des zones jusque-là intactes. Les revenus des populations travaillant pour les compagnies, dans les campements et dans les villes attirent les commerçants, les trafiquants de viande de brousse, les personnes à la recherche d'emploi [...] L'ensemble mène à une croissance démographique rapide et importante. La facilitation des accès, la croissance démographique, l'influx

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    situation a poussé le Gouvernement congolais à imaginer, ensemble avec ses partenaires à l'instar de la Wildlife Conservation Society Congo, la Congolaise Industrielle des Bois (CIB) Olam et Congo Safari145, un dispositif qui devait appuyer les efforts de conservation de la faune et la flore sauvages consentis par l'Etat et WCS dans le Parc National Nouabalé-Ndoki, adjacent à l'Unité Forestière d'Aménagement (UFA) Kabo exploitée par la CIB. Ainsi ces quatre acteurs ont-ils procédé, le 2 juin 1990, à la signature d'un protocole d'accord mettant en place le Projet de Gestion des Ecosystèmes Périphériques au Parc (PROGEPP). Suite aux résultats encourageants qu'il avait donnés, ce Protocole d'accord a été renouvelé une première fois en janvier 2008146, puis une deuxième fois en août 2021 par trois des quatre partenaires de départ, à savoir l'Etat congolais, la CIB Olam et WCS Congo.

    Les aires marines protégées, qui sont encore, faut-il le rappeler, à une étape embryonnaire au Congo, auront besoin d'être sécurisées par des équipes de surveillance à l'image des aires protégées terrestres. Le modèle des PROGEPP, déjà expérimenté depuis plus de 20 ans et ayant enregistré des résultats encourageants147, pourrait être utilisé et répliqué en ce sens. A cet effet, on pourrait mettre à contribution les sociétés - on pense essentiellement à celles qui exploitent les hydrocarbures - ayant des activités dans des zones périphériques à une aire marine protégée pour soutenir les efforts de conservation de la biodiversité marine.

    Toutefois, la mise en place éventuelle d'Unités de Surveillance et de Lutte Anti-Braconnage (USLAB) ou de leur équivalent dans le contexte marin rend la tâche

    de capitaux et l'augmentation consécutive de la demande en viande de brousse ont mené à l'augmentation rapide des activités de chasse commerciale avec pour résultat la disparition de la faune dans les forêts. La disparition de la faune et l'hégémonie culturelle associée au pic démographique a un effet majeur sur les populations autochtones qui dépendent directement des ressources forestières. » ; Rapport d'Achèvement du projet Gestion et Préservation de la Biodiversité dans une Concession Forestière Adjacente à Une Zone de Protection Intégrale (Parc National de Nouabalé-Ndoki) Nord Congo (Phase II), Août 2011, p. 6.

    145 Premier Protocole signé le 2 juin 1999, renouvelé pour une première fois le 30 janvier 2008. La dernière modification connue de ce protocole est intervenue en Août 2021.

    146 https://carpe.umd.edu/sites/default/files/documents/carpe guidance/Protocole daccord Signe sur lappui a la gestion du parc National de Nouabale Ndoki ROC 2008.pdf

    147 « ii) Les résultats présentés ici suggèrent que le modèle est efficace et que sa reproduction à d'autres sites et/ou d'autres industries est un gage inéluctable pour non seulement aider à conserver les habitats tropicaux, leur biodiversité et leur faune, mais aussi et surtout d'accroitre les aires de conservation. Car, au moment où la portée de l'industrie se développe à grand pas, la forme de conservation la plus importante pourrait se faire en dehors des aires protégées et va vraisemblablement inclure des partenariats avec l'industrie que l'on croyait improbable jusque-là. », Rapport d'Achèvement du projet Gestion et Préservation de la Biodiversité dans une Concession Forestière Adjacente à Une Zone de Protection Intégrale (Parc National de Nouabalé-Ndoki) Nord Congo (Phase II), Août 2011, p. 6.

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    hardie en raison de l'importance des moyens à mobiliser pour, par exemple, faciliter la mobilité des éco-gardes en mer, assurer leur formation qui devra, en plus de la partie militaire, être adaptée au milieu marin, etc.

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    CHAPITRE 2 : LA VALORISATION DES AIRES MARINES PROTEGEES EN REPUBLIQUE DU CONGO PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT

    Les aires marines protégées sont gérées suivant des modes divers et variés. La plupart d'entre elles sont régies par plusieurs textes internationaux, mais aussi législatifs et réglementaires dont la violation est sanctionnée. De plus, la gestion d'une aire marine protégée nécessite des financements importants qu'il n'est pas toujours aisé d'obtenir.

    Section 1 : La gestion des aires marines protégées

    Plusieurs modes de gestion s'offrent au Gouvernement148 (paragraphe 1) lorsque celui-ci décide de mettre en place une aire marine protégée. Nonobstant cette faculté de choisir entre plusieurs modes, on remarque que l'Etat a de plus en plus recours au partenariat public-privé (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Les divers modes de gestion possibles

    Les aires protégées créées au Congo sont gérées soit en régie (A), soit en partenariat (B).

    A. Une gestion traditionnellement en régie

    Au Congo, toutes les aires protégées appartiennent à l'Etat149. Lorsque ce dernier ne choisit pas de confier la gestion d'une aire protégée - qui est du point de vue matériel un service public - à un organe public ou privé150, il en assure directement la gestion lui-même151. Ce type de gestion correspond à la « régie

    148 « En ce qui concerne leur gestion, on note quatre modèles :

    ? Gestion en régie, au travers d'une direction du Ministère en charge de la conservation de la
    nature dans ses attributions ;

    ? Gestion par une Agence (organe technique spécialisé du Ministère de tutelle avec une
    certaine autonomie administrative et financière) ;

    ? Gestion en Partenariat Public Privé ;

    ? Gestion communautaire. », [file:///C:/Users/WCS/Downloads/EDAP2020CHAPITREIII.pdf, p. 104

    https://www.comifac.org/actualites/nouvelles/gestion-des-aires-protegees-d-afrique-centrale-un-guide-regional-des-bonnes-pratiques-pour-les-partenariats-public-prive-ppp

    149 « Six types d'aires protégées sont identifiés, tous sous contrôle de l'État : les parcs nationaux, les réserves naturelles intégrales, les réserves de faune, les réserves spéciales ou sanctuaires de faune et les zones d'intérêt cynégétique (art. 6 et 9). », BONGUI (A.S.L.) et MOKOKO IKONGA (J.), Aires protégées d'Afrique centrale état 2015 : République du Congo, p. 92 ; Art. 9 Loi sur la faune : Les aires protégées sont placées sous le contrôle de l'Etat, quel que soit leur statut. ; NAPA (Nouvelles des Aires Protégées d'Afrique), n°88, Juillet 2015, p.8.

    150 Article 9 Loi supra-citée.

    151 « La gestion des aires protégées relève historiquement en Afrique centrale du domaine régalien : c'est l'État qui créé les parcs et réserves et c'est l'État qui en assure la gestion », SCHOLTE (P.), BRUGIERE (D.) et

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    directe, le service n'étant d'aucune façon distingué des autres dont l'Etat [...] à la charge »152. Selon le Lexique des termes juridiques, la régie désigne « l'exécution d'une activité par les services propres de la personne publique considérée »153. Près d'une dizaine d'aire protégées sont ainsi gérées sous ce mode au Congo154. Le recours à ce type de gestion appelle plusieurs considérations.

    En premier lieu, la gestion en régie directe suppose, sur le plan juridique, que l'aire protégée n'a pas de personnalité morale propre si ce n'est celle de la personne publique à laquelle elle est rattachée. Toutes les actions judiciaires concernant cette aire protégée seront dirigées vers la personne publique dont dépend l'aire protégée.

    En deuxième lieu, la régie directe signifie que les activités de l'aire protégée seront financées essentiellement par le budget de l'Etat155, même si certaines aires protégées gérées par des agences peuvent obtenir des financements internationaux156. Cela peut paraitre intéressant au premier à bord de savoir que l'aire protégée va bénéficier de financements stables. Mais, quand on sait les difficultés budgétaires auxquelles sont confrontés les Etats africains dont les budgets sont, dans la plupart des cas, constitués en grande partie par des fonds générés par les activités extractives des matières premières dont les prix sont par ailleurs fluctuants sur les marchés internationaux, il y a lieu de s'interroger sur la viabilité d'un tel système157.

    AGNANGOYE (J.-P.), Partenariats public-privé dans la gestion des aires protégées en Afrique centrale : Leçons actuelles et perspectives, Aire protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p.115.

    152 CHAPUS (R.), Droit administratif général, tome 1, 15ème édition Montchrestien, 2001, p. 637.

    153 Lexique des termes juridiques, Dalloz 26ème édition, 2018-2019, p. 908.

    154 « Pour les 9 aires protégées sous gestion purement étatique, comme indiqué dans la loi 37/2008, les aires protégées sont administrées par des directeurs ou conservateurs, assistés par des agents commissionnés des eaux et forêts non fonctionnaires, tels que les écogardes, pisteurs, aménagistes, [...] », BONGUI (A.S.L.) et MOKOKO IKONGA (J.), Aires protégées d'Afrique centrale état 2015 : République du Congo, p.

    155 « Ces budgets publics proviennent généralement de différentes sources et sont composés d'investissements, de frais de personnel et de frais de fonctionnement, chacun par le biais de différentes lignes budgétaires et ministérielles. Les investissements passent par exemple via le ministère des travaux publics, les frais de personnel par le ministère de la fonction publique et le budget de fonctionnement par le ministère en charge des aires protégées. Seul ce dernier est directement accessible aux gestionnaires des aires protégées. Les quelques données dont nous disposons suggèrent que les budgets sont généralement inférieurs à 50 dollars $US/km2. », SCHOLTE (P.), BRUGIERE (D.) et AGNANGOYE (J.-P.), Partenariats public-privé dans la gestion des aires protégées en Afrique centrale : Leçons actuelles et perspectives, Aire protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p.109. En effet, en tant que structure rattachée à personne publique, elle n'a pas de budget autonome ; voir Lexique des termes juridiques, Dalloz 26ème édition 2018-2019, p 146.

    156 « La création d'agences indépendantes est supposée apporter plus d'efficacité dans la gestion des aires protégées, en particulier budgétaire [...] », MAYENG DIONG (B.), BIGOMBE LOGO (P.), BOBO (K.S.), SCHOLTE (P.), Des aires protégées en Afrique centrale : un processus en mutation, Aires protégées d'Afrique centrale, Etat 2020, p. 74.

    157 Aussi, « [...] les aires protégées sont des biens publics très différents des infrastructures publiques [...]. Une des caractéristiques particulières de ce bien est le fait que dans la sous-région, les aires

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    La régie directe suppose, en troisième lieu, sur le plan administratif, que le personnel mis à contribution dans l'aire protégée relève exclusivement de la personne publique dont elle dépend, celle-ci les affectant à celle-là comme c'est le cas avec d'autres services relevant de cette personne publique. La difficulté, c'est que l'administration ne dispose pas de toutes les compétences que nécessite une gestion optimale et efficace d'une aire protégée. Pour contourner cette difficulté, elle se voit obliger de faire appel à des personnes ressources.

    En République Démocratique du Congo (RDC) et au Gabon, la gestion de la plupart des aires protégées se fait en régie directe158. Aussi, la RDC ne compte pas, à ce jour, d'aire marine protégée dans son réseau national d'aires protégées à l'exception du parc marin de mangroves, situé entre l'embouchure du fleuve Congo et la rivière Lukunga dans l'ex Bas-Zaïre159, créé en 1992 et ayant une extension marine de 2 km. Le Gabon en compte une vingtaine160, créées dans le cadre de l'initiative « Gabon bleu » lancée en 2013161 par le Gouvernement gabonais. Les aires marines protégées du Gabon sont toutes gérées par l'Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN).

    Au Congo, ainsi qu'il a été indiqué en introduction de cette étude, en dehors du Parc National de Conkouati-Douli, qui est situé dans le Sud-Ouest du Congo, et qui a une extension marine162, toutes les autres aires protégées existantes sont terrestres. Aucune aire marine protégée, à proprement parler, n'a encore été créée dans ce pays. Le processus de création de deux aires marines protégées lancé par

    protégées sont perçues avant tout comme des charges pour les Etats, sans contrepartie financière significative. Pour ce fait, elles ne constituent pas un secteur prioritaire [...] », Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p. 4.

    158 En effet, depuis 1990, « la plupart des pays géraient les aires protégées par le biais d'un service ministériel. A la suite de la RDC, pionnière en la matière (1934), plusieurs pays ont créé une institution étatique disposant d'une indépendance de gestion (institut, agence, office) : Rwanda (1973), Burundi (1980), Gabon (2002) et Congo (2012). Actuellement, les aires protégées gérées par une agence sont largement majoritaires », MAYENG DIONG (B.), BIGOMBE LOGO (P.), BOBO (K.S.), SCHOLTE (P.), Des aires protégées en Afrique centrale : un processus en mutation, Aires protégées d'Afrique centrale, Etat 2020, p. 71.

    159 « Le parc marin des Mangroves - une réserve naturelle intégrale créée en 1992 en République Démocratique du Congo et située à l'embouchure du fleuve Congo - couvre 76 000 hectares jusqu'à la rivière Lukunga près de la ville de Boma (...) », Rapport technique sur l'état de vulnérabilité côtière des pays d'Afrique centrale Dossier de l'ICAM n° 10. Série technique 152.

    160 « Le Président de la République, Son Excellence Ali Bongo Ondimba, a annoncé lundi, dans une allocution prononcée au siège des Nations unies, que le Gouvernement gabonais venait de créer un réseau de 20 aires marines protégées au Gabon, soit 9 parcs marins et 11 réserves aquatiques couvrant 26% de l'espace marin gabonais. », https://archive.pfbc-cbfp.org/actualites/items/blogs-mediapart.html

    162 La superficie de cette extension marine est d'environ 121,600 hectares, https://noe.org/media/missions/pl-congo-fr-compressed.pdf

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    le Gouvernement congolais avec l'appui de ses partenaires internationaux publics (le PNUE)163 et privés (l'ONG WCS-Congo), d'une part, et avec un partenaire national privé (l'association Renatura), se poursuit encore, les deux projets concernés (l'AMP de M'vassa avec l'ONG WCS-Congo et l'AMP de la Baie de Loango avec l'association Renatura) se trouvant à l'étape des réunions de classement prévues pour le second semestre de l'année 2022 à Pointe-Noire et à Loango.

    Pour diverses raisons, entre autres celles évoquées dans la section précédente, l'Etat opte pour un mode de gestion partenariale de type public-privé (B)164.

    B. Une gestion de plus en plus basée sur le partenariat public-privé

    A en croire David BRUGIERE, diverses situations poussent de plus en plus les Etats à se tourner vers les partenariats public-privé pour assurer la conservation de la faune et la flore sauvages. Tout d'abord, le contexte économique peu reluisant dans la plupart des Etats africains en général, et d'Afrique centrale en particulier, ne permet pas à ces derniers d'avoir des budgets importants à même de supporter les coûts inhérents à la conservation165. Ensuite, le développement d'une aire protégée nouvelle nécessitant d'importants moyens, pas seulement en termes d'argent, mais aussi et surtout en termes de compétences et d'expertise - dont l'Etat ne dispose pas souvent - justifie également le recours à ce mode de gestion. Enfin, face à l'augmentation exponentielle du niveau de pression anthropique, notamment due au « braconnage militarisé », l'Etat a besoin de mutualiser ses efforts avec des partenaires privés, susceptibles de lui apporter « une expertise particulière et des ressources considérables »166.

    163 Accord de coopération conclu le 25 avril 2017 avec le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), visant à financer un complexe d'aires marines protégées.

    164 « À l'exception du parc national de l'Akagera (Rwanda), toutes les autres aires protégées d'Afrique centrale dépendent du financement international pour plus de 90% de leur budget. », SCHOLTE (P.), BRUGIERE (D.) et AGNANGOYE (J.-P.), Partenariats public-privé dans la gestion des aires protégées en Afrique centrale : Leçons actuelles et perspectives, Aire protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p.109.

    165 « Le recours à ce mode de gestion se justifie selon Agnangoye (2015) par :
    · l'absence ou la très faible prise en compte des aires protégées dans les budgets des États ;
    · la faible capacité des aires protégées à mobiliser les financements d'origines diverses ;
    · l'aggravation des menaces sur le potentiel écologique des sites ;
    · la faible attraction et valorisation économique des aires protégées ;
    · les limites des financements extérieurs liés aux cycles des programmes », GAMI (N.), « Le partenariat public-privé (PPP) dans les aires protégées du Bassin du Congo : l'exemple du parc national d'Odzala-Kokoua en République du Congo », p.38, file:///C:/Users/WCS/Downloads/FAO-CIFOR Book-31 GAMI PPP%20(7).pdf

    166 BRUGIERE (D.), L'Afrique change : ses aires protégées doivent-elles évoluer ? partenariat public-privé pour les aires protégées : état des lieux et prospectives en Afrique francophone, Papaco, 31 pages, p. iv.

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    La loi congolaise sur la faune et les aires protégées n'évoque pas de manière explicite les contrats de partenariat public-privé, et donc n'en fournit pas de définition.

    Face à un usage un peu `'abusif»167 de ce concept par certains spécialistes des aires protégées, il y a lieu de rappeler sa définition en droit et voir, dans la mesure du possible, comment ce mode de gestion partenariale est appliqué en matière de conservation de la biodiversité au Congo.

    Juridiquement, le partenariat public-privé sous-entend une « Catégorie de contrats administratifs soumise à un régime propre, conçue pour permettre essentiellement à l'Etat et à ses établissements publics, en vue de projets complexes ou urgents répondant à des conditions précises, et en pratique de grande envergure [...], de confier à des partenaires privés une mission globale comprenant principalement le financement d'investissements matériels ou immatériels nécessaires à l'exécution du service public par la personne public elle-même [...], la réalisation de ceux-ci, et leur maintenance. La rémunération des partenaires privés [...] fait l'objet de paiements échelonnés sur la durée du contrat [...] »168. Analysant la question des partenariats public-privé en Afrique subsaharienne, Pascal MUNKONDE MUSULAY les définit comme étant des « contrats administratifs par lesquels une personne publique confie à un tiers, une personne privée, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale relative au financement d'investissements immatériels, d'infrastructures ou d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou à la transformation d'infrastructures ou d'équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée ». Dès lors, le partenariat public-privé apparait, pour reprendre les propos de Pascal MUNKONDE MUSULAY, comme un « véhicule de financement »169. Selon le Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode

    167 En effet, « on parle en général de Partenariat Public et Privé lorsque le secteur public et le secteur privé collaborent dans le cadre d'un contrat pour réaliser des projets d'infrastructures publiques comme par exemple des routes, des chemins de fer, des hôpitaux, des écoles (...) », Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p. 6.

    168 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 26ème éditions, 2018-2019, p. 290.

    169 MUNKONDEMUSULAY (P.), Contrats de partenariat public privé : Options innovantes de financement des infrastructures publiques en Afrique subsaharienne., Globethics.net, African Law No. 5, 2018.

    .

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    Partenariat Public-Privé (PPP) en Afrique centrale, et en des termes un peu plus simples, « Les partenariats public-privé constituent un mode de commande et de passation de marché qui diffère des pratiques classiques en manière de planification, d'exécution des travaux et de prestation des services publics, avec une forte implication des établissements ou organisations diverses relevant du secteur privé. Cette implication se fait par délégation partielle ou totale de la responsabilité du gouvernement en tant que maître d'ouvrage, à une entité privée (...) »170

    En effet, il se dégage de ces définitions qu'un partenariat public-privé est d'abord un contrat administratif impliquant une personne publique et une ou plusieurs personnes privées (ex. groupements), qui vise à assurer le service public grâce `'aux apports»171 de la partie privée. Ceux-ci peuvent être matériels (ex. construction d'infrastructures et leur entretien) ou immatériels (ex. recherche/développement, formation, communication, publicité, etc.)172. Ensuite, le partenaire privé se voit confier, sur la base de ce même contrat, l'exploitation du service public pendant une période, généralement avoisinant ou dépassant trois décennies, sa rémunération s'effectuant sur les recettes générées par cette exploitation173.

    On peut considérer que la République du Congo s'est engagée sur la voie du partenariat public-privé en matière de conservation des ressources de faune et de flore sauvages au début des années 2000, les premières aires protégées gérées sous cette forme étant Lésio-Louna et Lossi174. Mais il convient de reconnaître que c'est avec African Parks Network (APN)175 que l'Etat congolais a conclu son premier

    170Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC juin 2018, p. 5.

    171 En doits des sociétés, bien mis en commun par les associés lors de la constitution d'une société, ou lors d'une augmentation de capital ultérieure. Ils peuvent être en numéraire (somme d'argent), en nature (apport d'un bien autre qu'une somme d'argent : immeuble, élément de propriété intellectuelle, etc.), ou en industrie (en travail, service, compétence ou savoir-faire)., Lexique des termes juridiques, Dalloz, 26ème édition, 20182019, p. 77. Il convient toutefois de préciser que ce concept ne s'applique pas en l'espèce.

    172 Selon Jean Marie ALBERTINI, de nos jours, « pour faire, il faut de plus en plus de savoir, de savoir-faire, et de

    faire-savoir », Science et Vie Economie - sept 1986.

    173 En l'occurrence « les revenus du partenaire privé sont assurés via les tarifs et permis », Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p. 10.

    174 Selon BONGUI et MOKOKO IKONGA, « La gestion des aires protégées au Congo relève, depuis plus de deux décennies d'un partenariat public privé (PPP). Sur les 15 aires protégées connues, 4 font l'objet d'une gestion partenariale (Conkouati-Douli, Nouabalé-Ndoki, Lésio-Louna et Lossi), dont le dernier avec une association d'ayants droit des communautés locales (tableau 4) », Aires protégées d'Afrique centrale État 2015 : République du Congo, p.101.

    175 « African Parks est une organisation de conservation à but non lucratif qui assume l'entière responsabilité de la réhabilitation et de la gestion à long terme des parcs nationaux en partenariat avec les gouvernements et les communautés locales.

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    `'véritable» partenariat public-privé ayant permis d'attribuer à cette ONG internationale la gestion du Parc National d'Odzala-Kokoua (PNOK) le 14 novembre 2010176. La Wildlife Conservation Society (WCS)177 et Noé lui ont emboité le pas avec la signature, par chacune, d'un contrat de partenariat public-privé avec l'Etat congolais, respectivement pour la gestion du Parc National de Nouabalé-Ndoki (PNNN) en 2013178, et celle du Parc National de Conkouati-Douli en 2021179.

    L'organisation gère actuellement 11 parcs nationaux et zones protégées dans huit pays, couvrant six millions et demi d'hectares : Bénin, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Malawi, République du Congo, Rwanda, Tchad et Zambie.

    Fondée en 2000 en réponse au déclin dramatique des zones protégées dû à une mauvaise gestion et à un manque de financement, African Parks utilise une approche commerciale claire pour conserver la faune et la flore sauvages d'Afrique et les zones sauvages restantes. Tout en sécurisant de vastes paysages et en menant toutes les activités nécessaires à la protection des parcs et de leur faune, l'organisation se concentre sur le développement économique et la réduction de la pauvreté des communautés environnantes afin de garantir que chaque parc est écologiquement, socialement et financièrement viable à long terme.

    L'objectif est de gérer 20 parcs d'ici 2020, protégeant ainsi plus de 10 millions d'hectares. En raison de la répartition géographique et de la représentation de différents écosystèmes, il s'agira du portefeuille de parcs le

    plus diversifié sur le plan écologique et géré par une seule entité en Afrique. »,
    https://www.devex.com/organizations/african-parks-african-parks-network-89824

    176 « Le gouvernement de la République du Congo développe depuis l'année 2010 l'expérience pilote de gestion en partenariat public-privé (PPP) du parc national d'Odzala-Kokoua pour la conservation et la valorisation touristique des ressources naturelles, en particulier fauniques, du parc, afin de générer des bénéfices susceptibles de contribuer à la réduction de la pauvreté des communautés riveraines du parc (...) » ; GAMI (N.), « Le partenariat public-privé (PPP) dans les aires protégées du Bassin du Congo : l'exemple du parc national d'Odzala-Kokoua en République du Congo », p.39, file:///C:/Users/WCS/Downloads/FAO-CIFOR Book-31 GAMI PPP%20(7).pdf;

    « African Parks Network est l'organisation pionnière dans la mise en oeuvre des partenariats de gestion déléguée en Afrique et elle bénéficie du plus grand nombre de contrats avec les gouvernements de la sous-région (6/13 contrats actuellement et bientôt 7/14 avec Nyungwe ; voir figure 1). Cette organisation a noué des partenariats de durée moyenne en RDC et au Tchad, ou de longue durée en RCA, au Rwanda et au Congo », SCHOLTE (P.), BRUGIERE (D.) et AGNANGOYE (J.-P.), Partenariats public-privé dans la gestion des aires protégées en Afrique centrale : Leçons actuelles et perspectives, Aire protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p.107.

    177 « La WCS ou Wildlife Conservation Society (en français, La Société pour la Conservation de la Vie sauvage), est une organisation non gouvernementale (ONG) américaine dont l'objectif est la préservation de la nature (zones de la flore et de la faune) dans le monde et particulièrement en Afrique.

    Cette organisation est basée à New York au parc zoologique du Bronx. Elle gère également trois autres zoos new yorkais (celui de Central Park, celui du Queens et celui de Prospect Park), ainsi que l'aquarium de New York.

    Sur son site web, la WCS définit sa mission par la phrase suivante : « Les humains aspirent à se relier à la faune, et la société de conservation de la faune fournit ce raccordement d'une manière significative. » -- David Schiff », https://fr.wikipedia.org/wiki/WildlifeConservationSociety

    178 « La WCS est une ONG internationale active dans la gestion des aires protégées en Afrique centrale depuis la fin des années 80. Elle a commencé à oeuvrer sous forme de PPP en 2013, à Nouabalé-Ndoki (Congo), parc dans lequel elle intervenait sous forme d'assistance technique depuis 1993 », idem.

    179 « Deux autres organisations sont impliquées dans la gestion en partenariat public-privé. Ce sont : Forgotten Parks en RDC (depuis 2017) et Noé, au parc national de Conkouati-Douli, au Congo (négociations en voie de finalisation en 2020) », ibidem.

    ~ 54 ~

    Même si le modèle de partenariat public-privé reste `'poussif»180 et en attendant une évaluation exhaustive de leur mise en oeuvre en Afrique centrale, et au Congo particulièrement, il reste à ce jour le meilleur moyen de poursuivre la conservation de la biodiversité181, notamment marine avec la perspective de la création, dans un avenir très proche, de deux aires marines protégées au Congo. Pour ce faire, l'Etat devra veiller à ce que les clauses des contrats de partenariat public-privé qu'il signera éventuellement pour la gestion de nouvelles aires protégées intègrent les éléments suivants, tels que proposés par SCHOLTE (P.) et al. :

    «
    · une mise en oeuvre, par une contractualisation à long terme, visant en premier lieu la prestation de services ;

    · une obligation pour le partenaire privé de résultats et non pas de moyens ;

    · un transfert au partenaire privé de certains risques associés au projet, notamment en ce qui concerne sa conception, sa construction, sa gestion ou son exploitation, sa maintenance et son financement ;

    · un recours aux financements privés qui suppose un transfert de certains risques financiers au secteur privé »182.

    Paragraphe 2 : Le choix du partenariat public-privé

    Une considération peut justifier le recours, par l'Etat, au partenariat public-privé, à savoir la complexité de la conservation en milieu marin (A). Dans cette hypothèse, la recherche du partenaire n'est pas toujours une entreprise aisée (B).

    180 Selon SCHOLTE (P.), et al., « Il est apparu, qu'au cours des premières années de fonctionnement de nouveaux PPP en Afrique centrale, certains partenaires privés pouvaient considérer l'aire protégée dont ils avaient la gestion comme un territoire privé. Leur obligation de redevabilité se limitait à la remise de rapports d'activités contractuels. Ces derniers sont importants mais largement insuffisants en matière de redevabilité [...].

    La délégation de gestion à une entité privée, même si celle-ci est pourvue d'un statut d'utilité publique ou à but non lucratif, est très récente. Elle se heurte quelque peu à une culture politique qui demeure encore très interventionniste. Ainsi, l'État a voulu influencer, dans certains PPP, les décisions prises par le partenaire privé pour la gestion opérationnelle de l'aire protégée (par exemple le processus d'élaboration du plan de gestion ou la mise en oeuvre de la lutte anti-braconnage). Cette situation crée des incompréhensions et des tensions des deux côtés », Partenariats public-privé dans la gestion des aires protégées en Afrique centrale : Leçons actuelles et perspectives, Aire protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p.115-117.

    181 En effet, « [...] d'une manière générale, il ressort que toutes les expériences en cours [...] au Congo avec APN, CCC et WCS, [...] donnent à ce jour des résultats globalement satisfaisants. On note qu'aucune expérience n'a été arrêtée à ce jour et que la tendance est plutôt favorable au renforcement du statut de protection et à l'amélioration de l'état de la biodiversité dans les sites bénéficiaires de ce mode de gestion », Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p.16.

    182 Idem.

    ~ 55 ~

    A. Un choix justifié par la complexité de la conservation en milieu marin

    La conservation de la biodiversité dans les aires protégées terrestres n'est pas chose aisée183, le faire dans un milieu aquatique est encore davantage difficile au regard du contexte caractérisé par la fragilité des écosystèmes marins, voire de leur dégradation184, et de l'importance des moyens à mobiliser. En réponse à cette complexité, le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique a mis en place l'« approche par écosystème », laquelle est « une excellente stratégie de gestion intégrée des sols, des eaux et des ressources vivantes - une stratégie qui favorise la conservation et l'utilisation durable d'une manière équitable »185.

    Dans une étude, GOUSSARD, PALLA et SIONNEAU analysent cette approche et la mette en relation avec la gestion des aires marines protégées tout en résumant les finalités de celles-ci dans la sous-région Afrique centrale en quelques points ci-après :

    «
    · protection et/ou restauration d'un ensemble d'habitats remarquables, rares ou menacés et des communautés biologiques associées,

    · préservation d'espèces emblématiques à forte valeur patrimoniale,

    · gestion durable des ressources halieutiques et maintien de la capacité des écosystèmes côtiers et marins à assurer le renouvellement de ces ressources et des populations,

    · préservation de la capacité des écosystèmes naturels à fournir les biens et services écologiques nécessaire au développement des sociétés côtières, notamment en matière de réduction des risques marins et côtiers,

    · gestion multifonctionnelle des espaces côtiers et marins basée sur une gouvernance partagée et anticipative,

    183 « Les processus qui lient écosystèmes et espèces sont complexes : une intervention effectuée dans un lieu géographique donné peut avoir des répercussions imprévues ailleurs, plusieurs années plus tard », Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (2004) Approche Par Écosystème (Lignes Directrices de la CDB) Montréal : Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique 51 p.

    184 « Les prochaines décennies seront très certainement marquées par la menace de l'extinction d'une grande partie des espèces terrestres, côtières et marines à cause de la dégradation, de la perte, de la surexploitation, de la modification ou de la pollution de leur habitat. Il paraît difficile d'affirmer que certaines espèces résisteraient et s'adapteraient à de nouvelles conditions et à un nouveau milieu, alors que la raréfaction ou l'extinction de nombre d'entre elles semblent inéluctables, dans tout ou partie de leurs aires de répartition. Cela signera alors la disparition de nombreux services écosystémiques, auxquels s'ajouteront par exemple les graves conséquences sur le tourisme et la santé. Les actions de gestion écosystémique qui prévoient la restauration et la protection des habitats et des espèces favoriseraient l'adaptation dans ce secteur », Rapport technique sur l'état de vulnérabilité côtière des pays d'Afrique centrale. Dossier de l'ICAM n° 10. Série technique 152, p. 51.

    185 Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (2004) Approche Par Écosystème (Lignes Directrices de la CDB) Montréal : Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique 51 p., p.1.

    ·

    " 56 "

    préservation de systèmes naturels servant de références scientifiques,

    · préservation du patrimoine historique et culturel des sociétés côtières,

    ·

    »186.

    préservation d'opportunités économiques actuelles et/ou futures (valeurs esthétiques et récréatives, tourisme par exemple, éducatives, et scientifiques)

    Certains Etats d'Afrique centrale, à l'instar du Gabon, ont créé plusieurs aires marines protégées tandis que d'autres sont en voie de suivre l'exemple gabonais, c'est le cas du Congo. Cela traduit une forte volonté politique de la part des Etats de la sous-région à sécuriser leurs écosystèmes marins. Même quand cela est fait pour préserver une espèce, en l'occurrence la tortue Luth au Congo avec la future aire marine protégée de la baie de Loango, c'est en réalité plusieurs espèces ainsi que leurs habitas qui seront en conséquence préservés. Néanmoins, il convient de s'interroger sur les capacités institutionnelles de ces Etats à mener à bien les missions de conservation de ces écosystèmes et de protection du milieu marin pour atteindre les finalités poursuivies à travers la création des aires marines protégées dans leur zone économique exclusive. A cet effet, une mutualisation des efforts via des partenariats entre acteurs étatiques et privés permettrait une meilleure gestion de ces espaces même si « Le fait que les États du Sud affrontent une pénurie flagrante de moyens financiers et logistiques ne modifie pas leurs velléités de contrôle des zones »187 maritimes.

    B. La cherche du partenaire : une entreprise pas toujours aisée

    Le choix du partenaire est un moment décisif qui, s'il est bien géré, peut entrainer la réussite du projet ; à l'inverse, sa mauvaise gestion peut impacter ce dernier négativement188. C'est dans cette perspective que la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC), la Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC) et le Réseau des Aires Protégées d'Afrique Centrale (RAPAC) ont, à la demande des Etats, élaboré et mis à la disposition de ceux-ci un

    186 GOUSSARD (J.-J.), PALLA (F.) et SIONNEAU (J.-M.), Plan stratégique des aires marines protégées d'Afrique centrale. Aires protégées d'Afrique centrales. Etat 2015, p. 252.

    187 BERTIN (C.), RODARY (E.) et al., Aires protégées, espaces durables ? IRD Éditions, décembre 2013, p. 55-88 (§ 28).

    188 « La mise en oeuvre satisfaisante d'un projet de gestion d'une aire protégée en mode PPP dépend, de manière fondamentale, de la bonne conduite de la phase initiale d'identification et de préparation de ce projet », SCHOLTE (P.), BRUGIERE (D.) et AGNANGOYE (J.-P.), Partenariats public-privé dans la gestion des aires protégées en Afrique centrale : Leçons actuelles et perspectives, Aire protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p.118.

    ~ 57 ~

    Guide189 destiné à les aider à mieux aborder et conduire les processus de partenariats public-privé. Selon ce document, ceux-ci doivent passer par quatre étapes principales, à savoir :

    1.- l'identification et la préparation du projet ;

    2.- la contractualisation (formalisation du contrat) ;

    3.- la mise en oeuvre du contrat PPP-AP ;

    4.- le suivi et évaluation du contrat.

    1. L'identification et la préparation du projet

    Cette phase ouvre le processus devant aboutir à la conclusion du partenariat public-privé souhaité par l'Etat. Elle consiste en la définition d'un cahier de charges renfermant non seulement les critères et la procédure de sélection du partenaire privé, mais aussi la définition des motivations, des moyens requis, et des modalités relatives à la réalisation des objectifs et résultats escomptés.

    Au Congo, le décret n°2009-156 du 20 mai 2009 portant code des marchés publics définit les règles régissant la passation, le contrôle et la régulation des conventions de délégation de service public190. Mais ce texte n'est pas adapté au contexte des aires protégées car il a été élaboré pour ne prendre en compte que les grands projets de construction des infrastructures publiques et de prestation de services relevant du domaine public, comme l'assainissement, l'eau, l'électricité, etc. Dans ces conditions, la passation de contrats de partenariats public-privé ne bénéficie pas d'un cadre juridique spécifique comme c'est par exemple le cas au Rwanda191. Cette situation explique, entre autres, les difficultés et faiblesses rencontrées dans la mise en oeuvre des contrats de ce type actuellement en cours au Congo.

    189 « Depuis plusieurs années, les institutions nationales en charge de la gestion des aires protégées ont interpellé les organisations sous-régionales (RAPAC, COMIFAC) afin de solliciter leur appui pour une meilleure connaissance et appropriation des partenariats public-privé [...].

    Un « Guide sous-régional des bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public-Privé » (COMIFAC, 2018) a ainsi été élaboré sous l'initiative de la COMIFAC et du 118 RAPAC, avec l'appui de la Coopération technique allemande (GIZ) », Idem, 117-118.

    190 Article 1er.

    191 « Le Rwanda par exemple dispose d'une loi sur les PPP (Loi N° 2016- 14 du 2 mai 2016 régissant les Partenariats Public Privé au Rwanda), qui constitue un cadre juridique de référence, prenant aussi en compte les aires protégées. », Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p. 20.

    ~ 58 ~

    En attendant la mise en place d'un cadre juridique spécifique192, la COMIFAC et le RAPAC recommandent aux Etats de la sous-région Afrique centrale d'avoir « à l'esprit et présenter au Pp193 de manière claire et conséquente » les « questions et autres aspects importants »194 de nature administrative, financière et technique des partenariats public-privé résumés en huit points195. Ceux-ci devront constituer la trame du « cahier de charges que le PP doit élaborer et soumettre aux potentiels Pp par appel d'offres ou par consultation restreinte »196.

    2. La « contractualisation » ou formalisation du contrat

    Cette deuxième étape suppose que le partenaire privé a été identifié et que doit s'ensuivre à présent la formalisation du contrat entre l'Etat et l'attributaire. Ce contrat sera notamment constitué du dossier d'appel d'offres, du décret de création de l'aire protégée concernée, de tout autre éventuel texte s'y rapportant, et de l'offre technique et financière de l'attributaire197. Pour la conclusion des marchés publics classiques198, il existe un modèle standard élaboré et ventilé par l'Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) du Congo. Mais, comme indiqué précédemment, la réglementation actuelle sur les délégations de service public n'est pas adaptée aux aires protégées terrestre, a fortiori aux aires marines protégées, et par voie de conséquence, les modèles qui en sont issus ne le sont pas non plus.

    192 Un avant-projet de loi sur les partenariats public-privé aurait été élaboré par le Gouvernement congolais, mais il n'a pas encore été mis à la disposition des parties prenantes intéressées généralement mis à contribution par les autorités publiques congolaises dans les processus d'élaboration des textes importants.

    193 Partenaire privé.

    194 Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p. 21.

    195 « 1. le statut juridique, la catégorie et l'état de conservation de l'aire protégée concernée ;

    2. l'existence ou non d'un plan d'aménagement/de gestion et d'un plan d'affaires ;

    3. les compétences et exigences requises du Pp recherché ou identifié ;

    4. les résultats et performances à requérir du Pp, assortis d'indicateurs simples, objectivement vérifiables, à présenter dans un cadre logique préalablement établi et adopté de commun accord ;

    5. le caractère du partenariat envisagé (partenariat à but lucratif ou non lucratif) ;

    6. la détermination des pouvoirs et risques que le PP s'engage à assumer et ceux qu'il souhaite transférer au Pp qui l'accepte ou rejette ;

    7. le mode de gouvernance envisagé et les arrangements institutionnels correspondants (gouvernance partagée ou entièrement déléguée), ainsi que les procédures techniques, administratives et financières à observer dans la gouvernance opérationnelle ;

    8. les modes et mécanismes de financement envisagés, ainsi que les questions de rémunération des prestations du Pp ou de la couverture des différents frais liés à la mise en oeuvre du projet. », Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p. 21.

    196 Idem, p. 22.

    197 Ibidem, p. 26.

    198 Par marchés publics classiques nous faisons allusion aux marchés qui sont régis par le Code des marchés publics en vigueur au Congo.

    ~ 59 ~

    3. La mise en oeuvre du contrat de partenariat public-privé

    Une fois le contrat formalisé et conclu, celui-ci engage les deux parties dans la mesure où il crée des droits et obligations bénéficiant et pesant sur l'Etat et son partenaire privé. C'est dans ce cadre qu'a lieu l'exécution du contrat de partenariat public-privé ainsi conclu, c'est-à-dire la « mise en oeuvre opérationnelle » dudit contrat.

    Il a été affirmé plus haut que l'exploitation de l'aire protégée - donc du service public - est confiée par l'Etat à son partenaire privé pour une durée avoisinant ou dépassant trois décennies, ce qui correspond à une mise en oeuvre très longue du contrat. De ce point de vue, nous rejoignons les rédacteurs du `'Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public-Privé (PPP) en Afrique centrale» qui pensent que « la bonne ou mauvaise formulation, compréhension, interprétation et observation des clauses du contrat [...] détermine(ra) les bonnes ou mauvaises pratiques susceptibles de favoriser ou de compromettre le projet ».

    4. Le suivi-évaluation

    Dans le cadre des projets, plus particulièrement ceux relatifs aux aires protégées, qu'elles soient terrestres ou marines, gérées sous mode partenariat public-privé, le suivi-évaluation est un processus très important en ce qu'il permet de « mesurer l'atteinte des objectifs et l'obtention des résultats attendus »199 par les deux parties. Si ces derniers ne sont pas concluants, il permet aux cocontractants de `'rectifier le tir».

    Section 2 : La sanction de la violation des règles de protection des aires marines protégées

    Les règles internationales faisant le lit de la répression de la violation de la législation sur la faune marine et ses écosystèmes sont à rechercher à article 11 de la Convention relative à la coopération en matière de protection et de mise en valeur

    199 STRAUSS (M.), Réflexion sur le processus de suivi-évaluation de projets de développement international : le cas de Ailes de l'Espérance au Pérou, Centre universitaire de formation en environnement et développement durable en vue de l'obtention du grade de maître en environnement (M. Env.), Août 2014, p. 9 ; « Le processus d'évaluation permet à l'équipe de travail d'observer objectivement les résultats finaux du projet et de juger dans quelle limite ses objectifs ont été atteints. Le processus d'évaluation mesure le succès du projet et étudie les raisons du succès, ainsi que les raisons de la non-réalisation de façon objective. Bien qu'il soit nécessaire de reconnaître le succès d'un projet, le plus important est d'identifier les raisons pour lesquelles ce succès se répètera à l'avenir ou alors ce qui a empêché le projet d'atteindre ses résultats afin d'éviter des obstacles à l'avenir », FRIEDRICH-EBERT-STIFTUNG - SUIVI ET ÉVALUATION, 2014, p.8.

    ~ 60 ~

    du milieu marin et des zones côtières de la région d'Afrique de l'ouest, du centre et du sud qui confie aux Etats la responsabilité d'assurer la protection et la préservation des « écosystèmes singuliers ou fragiles ainsi que l'habitat des espèces et autres formes de vie marine appauvries, menacées ou en voie de disparition ». Dans ce cadre, ils sont habilités « d'interdire ou de réglementer toute activité de nature à avoir des effets néfastes sur les espèces, les écosystèmes, ou les processus biologiques de ces zones ». La protection des écosystèmes marins via les mesures de conservation qui sont initiées par l'Etat à travers l'arsenal juridique existant a lieu suivant les procédures devant les organes de sanction (paragraphe 1) ; le contenu des sanctions prononcées étant variable (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Les procédures devant les organes de sanction

    Deux types d'organes sont chargés de réprimer les atteintes à la législation sur la faune et les aires protégées : les organes administratifs (A) et les organes juridictionnels (B).

    A. Les organes administratifs

    La loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées prévoit que la police de la faune relève des services compétents du ministère en charge de la faune et des aires protégées200. La même loi confie également la gestion des aires protégées à ce même ministère201.

    Selon cette loi, la police de la faune et de la chasse - on devrait dire, en lieu et place `'de la chasse», `'des aires protégées» car ce dernier terme traduit mieux le fait que les attributions des agents des eaux et forêts en matière de faune s'exercent essentiellement dans les aires protégées, même si elles peuvent se prolonger en dehors de ces espaces, notamment en périphérie des aires protégées et dans les chantiers forestiers202 - consiste en la recherche et la constatation des infractions. Dans ce cadre, lorsqu'ils sont assermentés, les agents des eaux et forêts ou les éco-gardes dressent des procès-verbaux au même titre que les officiers de police judiciaire qui sont également compétents en la matière. Ces procès-verbaux font foi

    200 Article 95.

    201 Article 89.

    202 A l'époque où la loi du 28 novembre 2008 est rédigée, la problématique de la protection des écosystèmes marins ne se pose pas encore au Congo, ce qui justifie amplement que ce texte n'évoque pas de manière explicite tout ce qui concerne les aires marines protégées. En effet, pour parvenir à faire le lien entre celles-ci et la législation actuellement en vigueur, il faut lire entre les lignes.

    ~ 61 ~

    jusqu'à preuve du contraire203. Ils peuvent aussi, lorsqu'une aire marine protégée s'étend jusqu'aux zones côtières, dresser des barrages sur les principales voies donnant accès aux côtes pour, par exemple, lutter contre la récupération de matériaux comme le sable et le gravier, laquelle contribue à accentuer l'érosion côtière et la dégradation des paysages naturels devant accueillir certaines espèces comme la tortue Luth (Dermochelys coriacea)204 pour y pondre ses oeufs205.

    Aussi, la conduite de leurs missions par les agents des eaux et forêts assermentés ne saurait avoir lieu sans certains pouvoirs. C'est ainsi qu'en vertu de l'article 100 de la loi sur la faune et les aires protégées, ils peuvent procéder à des perquisitions, c'est-à-dire effectuer des investigations en des lieux comme les domiciles, véhicules, embarcations ou bateaux des personnes soupçonnées d'avoir violé la législation sur la faune et les aires protégées.

    Les constatations menées et les preuves qui en découlent sont communiquées aux organes juridictionnels (B) compétents pour poursuivre et juger les personnes soupçonnées.

    B. Les organes juridictionnels

    Sur la base des dispositions croisées de la loi n°22-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire, modifiée et complétée par la loi n°19-99 du 15 août 1999, et celles de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées, la compétence en premier ressort en matière de faune et d'aires protégées relève du Tribunal de Grande Instance en ce qui concerne les délits tandis que les crimes sont du ressort de la Cour d'appel. De plus, celle-ci est naturellement

    203 Article 98 loi sur la faune et les aires protégées.

    204 « Les eaux congolaises sont utilisées par différentes populations de tortues marines :

    · celles qui viennent pour nidifier et se reproduire, à savoir les tortues luths (Dermochelys coriacea) et les tortues olivâtres (Lepidochelys olivacea). Quelques pontes de tortues vertes (Chelonia mydas) et de tortues caouannes (Caretta caretta) sont également enregistrées mais de façon très sporadique.

    · celles qui viennent s'alimenter sur les zones rocheuses, à savoir les tortues vertes (Chelonia mydas) et les tortues imbriquées (Eretmochelys imbricata) principalement.

    Le suivi des plages du Congo et du Gabon durant ces dernières années a prouvé qu'elles sont parmi les plus fréquentées dans le monde par les tortues luths (Dermochelys coriacea) et que la présence des tortues olivâtres (Lepidochelys olivacea), espèce très menacée dans l'Atlantique, y est également remarquable », Rapport préliminaire projet de création d'une aire marine protégée dans la Baie de Loango en vue de la conservation des tortues marines en République du Congo, Ministère de l'Economie Forestière et du Développement Durable, décembre 2014 p. 16-17.

    205 « La côte congolaise accueille de septembre à mars des pontes de tortues marines. Ces espèces passent 99% de leur vie en mer. Les mâles ne sortent d'ailleurs jamais de l'eau. Seules les femelles doivent se hisser pour venir déposer leurs oeufs sur les plages et repartir en mer au plus vite. En moyenne une femelle sort entre 3 et 7 à 10 fois par saison de pontes, en fonction des espèces. Elles ne pondent en revanche pas systématiquement chaque année », idem, p. 17.

    ~ 62 ~

    compétente en matière de recours de droit commun contre les décisions rendues par les Tribunaux en vertu du principe du double degré de juridiction. Dans les deux cas, la mise en oeuvre de l'action publique a lieu à l'initiative du procureur de la République206 à qui la loi confère le droit de saisir les juridictions compétentes.

    Le déclenchement de l'action publique donne lieu, sur la base du réquisitoire introductif207, à l'ouverture d'une information judiciaire quand l'infraction dont il s'agit est un crime208.

    Paragraphe 2 : Le contenu des sanctions prononcées

    Les sanctions encourues par les délinquants poursuivis sont, en fonction de l'organe qui les prononce, administratives (A) ou judiciaires (B).

    A. Les sanctions administratives

    Au plan administratif, les sanctions prennent la forme des transactions ou des saisies et confiscations. La volonté de spécialisation de la matière a poussé le législateur à inclure à l'article 106 de la loi sur la faune et les aires protégées la possibilité pour « Le ministre chargé des eaux et forêts, le directeur général et les directeurs départementaux chargés des eaux et forêts » de « transiger au nom de l'Etat pour les infractions en matière de faune et de chasse »209. A ces autorités, on peut ajouter les conservateurs dont les transactions peuvent aller jusqu'à 5.000.000 de francs CFA210.

    Si la transaction est un mode d'extinction de l'action publique découlant du pouvoir que la loi confère à certaines autorités administratives, comme celles susmentionnées, de renoncer à l'exercice de poursuites contre un délinquant, en le contraignant à verser une somme d'argent destinée à tenir lieu de pénalité211, elle n'est pas sans poser de question quant à son opportunité dans le contexte de la protection de la biodiversité marine. Il est vrai, comme le pensent certains, que « la transaction est l'archétype des modes alternatifs de règlement des litiges »212, mais il

    206 Au Congo, comme dans la plupart des Etats d'Afrique subsaharienne, le procureur de la République « a une compétence de droit commun en matière de procédure pénale », Ly (I.), Tendances d'évolution du droit de la faune et des aires protégées en Afrique occidentale, Etudes juridiques de la FAO en ligne (FAO Legal Papers Online), janvier 2001, p.12.

    207 Article 64 Loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant code de procédure pénale.

    208 Article 114 Loi sur la faune et les aires protégées.

    209 Article 106.

    210 Alinéa 3 du même article.

    211 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 2ème édition Quadrige/PUF, 2001, p. 871.

    212 PERRIER (J.-B.), « La transaction pénale et la protection des milieux aquatiques », Le Dossier : Justice pour l'eau, Actes du colloque de Clermont-Ferrand du 6 juin 2018, textes réunis par Ph. Boucheix, La Revue du

    ~ 63 ~

    s'agit d'un mode qui privilégie davantage la sanction pécuniaire à la sanction répressive punitive qui a une fonction dissuasive et de `'rectification du comportement» en vue d'une réadaptation à la vie en société respectueuse des lois.

    Toutefois, la transaction est exclue dans deux cas : lorsque l'auteur de l'acte est un récidiviste213, et lorsque le jugement portant sur les faits objet de la transaction a déjà été rendu. A ces deux cas nous pouvons ajouter un troisième, à savoir quand l'infraction porte sur les espèces intégralement protégées. En effet, la pratique démontre que les situations d'atteinte à ces espèces sont systématiquement communiquées à la justice, l'autorité administrative excluant toute possibilité de transaction en la matière. Précisons que le législateur congolais a fait le choix de laisser subsister la possibilité de transiger en dépit de la mise en mouvement de l'action publique, à condition que le jugement ne soit pas encore intervenu. Par ailleurs, aussi longtemps que le délinquant n'a pas versé le montant de la transaction, les poursuites judiciaires suspendues entre-temps pour cause transactionnelle peuvent de nouveau être réactivées par le procureur de la République.

    Les saisies et confiscations constituent la seconde catégorie de sanctions que les autorités administratives peuvent prononcer. L'article 110 de la loi sur la faune et les aires protégées indique dans ce sens que « Les armes, munitions et moyens ayant servi à commettre une infraction de chasse sont saisis par l'agent verbalisateur et remis à l'autorité compétente ». Si elle préconise la destruction de ces moyens utilisés illicitement, la loi reste curieusement silencieuse sur le moment où cette destruction doit intervenir dans la perspective d'un procès puisqu'ils peuvent servir de preuve au cours d'une instance.

    Un autre type de moyen peut être saisi, il s'agit des véhicules de transport ayant servi à commettre l'infraction objet de la sanction. Mais, cette possibilité n'est offerte à l'administration des eaux et forêts que si le moyen est utilisé par un délinquant récidiviste. Là encore, la loi se contente de prévoir la possibilité pour l'administration des eaux et forêts de remettre le véhicule à son propriétaire, son

    Centre Michel de l'Hospital [édition électronique], 2019, n° 18, pp. 43-48. La Revue du Centre Michel de l'Hospital - édition électronique, Centre Michel de l'Hospital CMH EA 4232, 2019, pp. 43-48. ffhal-02172089 213 Article 106, alinéa 3.

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    mandataire ou ses ayants-droit, en contrepartie d'une caution égale à la valeur du moyen au moment de sa saisie214.

    En dehors des sanctions administratives que nous venons d'analyser, les délinquants s'exposent aussi à des sanctions judiciaires (B).

    B. Les sanctions judiciaires

    Au départ timide, l'action du juge congolais en matière de répression des infractions relatives à la faune et aux aires protégées va désormais crescendo. PONGUI et TONI KOUMBA reconnaissent du reste que « Le contentieux juridictionnel en matière d'environnement au Congo est dominé par les affaires relatives à la protection de la faune et de la flore sauvages et le commerce associé », tout en précisant que « c'est le juge pénal qui est le plus souvent sollicité par l'Etat, avec le concours des organisations non gouvernementales »215. Cette analyse est corroborée par une étude commandée par WCS-Congo faisant état de plus de 652 personnes déférées devant les juridictions nationales entre 2008 et 2017 pour des faits liés aux espèces sauvages, dont 512 jugements prononcés216.

    Il convient toutefois de nuancer cet enthousiasme car les infractions poursuivies ne concernent souvent, sinon exclusivement que des espèces sauvages appartenant à la faune terrestre217. Pourtant, la loi attribue également à certaines espèces marines le statut d'espèces intégralement protégées218. C'est notamment le cas des tortues caouannes (Careta careta), Imbriquée (Eretmochelys imbricata), Luth (Dermochelys coriacea), Olivâtre (Lepidochelys olivacea) et Verte (Chelonia mydas) souvent retrouvées dans les filets des pêcheurs, ou encore dont les oeufs sont braconnés sur les plages de la Pointe indienne et de Matombi au nord-ouest de

    214 Article 111.

    215 PONGUI (B.S.), TONI KOUMBA (E.W.), Les règles communautaires de protection de l'environnement et l'office du juge national : l'exemple de la République du Congo, Revue Africaine de Droit de l'Environnement n°5-2020, p.171-180, p. 179.

    216 Selon cette étude, les affaires jugées dans la période considérée représentaient plus de 73% de taux d'affaires menées jusqu'à leur terme. Source : BATCHY (J.D.) et al., Analyse des poursuites judiciaires relatives aux infractions sur la faune traitées par les tribunaux de la République du Congo (2008-2017), mai 2018.

    217 « La plupart des infractions traitées par les tribunaux se concentrent sur des espèces intégralement protégées, dont les éléphants 70% des cas. Les autres espèces clés comprennent les primates, (9%), le léopard (6%), le pangolin (2%) et le perroquet gris d'Afrique (4%) », idem, p. 6.

    218 Article 2 Arrêté 6075 du 9 avril 2011 déterminant les espèces animales intégralement et partiellement protégées.

    ~ 65 ~

    Pointe-Noire219. Ces actes sont constitutifs d'infractions, mais la justice tarde à s'en saisir. D'ailleurs, la création dans les mois à venir, de l'aire marine protégée de la baie de Loango est justifiée par la protection de ces espèces particulièrement menacées.

    Section 3 : Les AMP : des espaces nécessitant des financements stables et conséquents

    « L'argent est le nerf de la guerre ». Cet aphorisme que l'on attribue à Cicéron qui l'aurait lui-même repris à un autre penseur220, décrit à souhait la problématique du financement dans la gestion des aires protégées d'Afrique. Célestine MENGUE-MEDOU soutient d'ailleurs que « Le manque chronique d'argent pour couvrir le coût des mesures requises pour la conservation représente un des principaux facteurs qui limitent l'efficacité de la conservation de la biodiversité dans la plupart des pays africains »221. Il y a d'un côté les financements traditionnels (paragraphe 1), et de l'autre, la nécessité de diversifier les sources de financement (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Le financement des AMP par des modes traditionnels

    De manière classique, les financements qui permettent aux aires protégées, en général, et aux aires marines protégées, en particulier, de fonctionner et d'assurer leurs missions sont issus, en grande partie, d'organismes publics internationaux et étrangers (A). Frileux vis-à-vis des Etats du sud dont la gestion est souvent critiquée à cause des détournements et de la corruption, ces organismes exigent que leurs financements soient gérés par des ONG internationales (B) établies dans les pays bénéficiaires.

    219 Selon un rapport rendu public par le Ministère en charge des eaux et forêts, plus de 4421 tortues ont ainsi été capturées entre 2008 et 2011, dont environs 4237 dans la zone de la Pointe-Noire. Rapport préliminaire projet de création d'une aire marine protégée dans la Baie de Loango en vue de la conservation des tortues marines en République du Congo, Ministère de l'Economie Forestière et du Développement Durable, décembre 2014, p. 16-17.

    Un autre document, publié les Nations Unies, affirme que « Plusieurs espèces de faune, de flore et de ressources marines (animaux et plantes) sont [...] des marchandises de grande valeur et intéressent donc les groupes criminels organisés », Faire reculer la corruption. Guide sur la lutte contre la corruption à l'usage des organes de gestion des espèces sauvages, Nations Unies, Vienne 2020, p. x.

    220 Voir à cet effet la controverse sur l'auteur et l'origine véritables de la phrase sur le site suivant : https://www.linternaute.fr/proverbe/101/l-argent-est-le-nerf-de-la-guerre/

    221 MENGUE-MEDOU (C.), « Les aires protégées en Afrique : perspectives pour leur conservation », Revue électronique en science de l'environnement », Volume 3, n°1, avril 2002, § 25.

    " 66 "

    A. Un financement issu des organismes publics internationaux et étrangers Les préoccupations environnementales nées lors de la Conférence de Stockholm en 1972 avaient posé, implicitement, la question du financement de la protection de l'environnement, de manière générale, et de la biodiversité singulièrement. Deux décennies après, le Fonds mondial pour l'environnement (FEM) verra le jour en vertu de la résolution n°91-5 portant création du Fonds d'affectation spéciale pour l'environnement mondial, adoptée par le Conseil d'administration de la Banque mondiale en juillet 1991222. Trois ans après son adoption, ce mécanisme multilatéral connaîtra une restructuration en juillet 1994. Depuis lors, le FEM assure le financement de la conservation dans plusieurs pays dont ceux de la Sous-région Afrique centrale.

    Ayant souscrit à ce mécanisme, le Congo fait partie des bénéficiaires des fonds du FEM. Cela étant, il a pu obtenir de ce dernier un appui financier via le PNUE dans le cadre de la création de l'aire marine protégée de la baie de Loango223.

    Malgré l'engagement du FEM à soutenir les projets de conservation dans le monde, son action parait insuffisante car il ne peut couvrir à lui seul tous les frais inhérents à la protection de l'environnement. Ce constat a conduit à la création de plusieurs autres mécanismes, à l'instar du REDD224. C'est ainsi que certains ont clairement appelé les grandes puissances à mettre la main à la poche pour financer la conservation de la biodiversité en Afrique. C'est le cas de David WILKIE et al. qui affirment qu'« Etant donnée la réalité du "il-faut-manger-aujourd'hui" des systèmes économiques du bassin du Congo, la communauté internationale doit décider de supporter la majorité des coûts de la conservation d'une biodiversité globalement importante »225.

    A cet effet, les organismes publics des grandes puissances soutenant le développement dans les pays pauvres ont intégré les thématiques environnementales dans leurs portefeuilles. GUILLET et LEMENAGER affirment

    222 BOISSON DE CHAZOURNES (L.), Le Fonds pour l'environnement mondial : recherche et conquête de son identité, Annuaire français de droit international XLI - 1995 - Editions du CNRS, Paris, 1995, vol. 41, p. 612-632.

    223 Rapport préliminaire projet de création d'une aire marine protégée dans la Baie de Loango en vue de la conservation des tortues marines en République du Congo, Ministère de l'Economie Forestière et du Développement Durable, décembre 2014, file:///C:/Users/WCS/Downloads/142.pdf

    224 ITSOUA-MADZOU (G.-L.) et al., « Les aires protégées : un atout majeur pour la lutte contre les changement climatiques », Aires protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p. 335.

    225 WILKIE (D.), CARPENTER (J.F.), Financement des aires protégées dans le bassin du Congo, Biological Conservation, Septembre 1998, p. 3.

    ~ 67 ~

    dans ce sens que « Les bailleurs de développement dont la mission centrale est de participer à l'amélioration des conditions de vie des pays dits du Sud se targuent à présent de participer à la préservation de la planète, de la biodiversité et à la lutte contre le réchauffement climatique [...] »226. Au nombre de ces organismes on compte la United States Agency for International Développent (USAID)227, le United States Fish and Wildlife Service (USFWS)228, le Central African Forest Initiative (CAFI)229 - mécanisme regroupant plusieurs Etats d'Europe et d'Asie et des institutions financières internationales comme la Banque mondiale - l'Union Européenne via le programme ECOFAC, etc. Ce dernier programme a d'ailleurs permis de financer pendant environ trente ans plusieurs projets dans les aires protégées du Congo et dans leur périphérie. Parmi les derniers projets ayant bénéficié d'un financement ECOFAC il y a, par exemple, le projet « Approche intégrée pour la conservation de la biodiversité du Parc National de Nouabalé-Ndoki et sa périphérie », mis en oeuvre par WCS-Congo230. Dans le domaine de la conservation de la biodiversité marine, le projet UE-Renatura 2015-2017 dénommé « Protection et Etude des Tortues marines et de leur habitat en République du Congo » a bénéficié d'un soutien financier de l'UE dans la période considérée. En dehors de l'UE, le projet de création d'une aire marine protégée dans la baie de Loango bénéficie du soutien financier de bien d'autres bailleurs internationaux et étrangers231.

    Les financements accordés aux Etats sont généralement gérés par les ONG internationales (B).

    B. Un financement géré par des Organisation Non Gouvernementales de conservation (ONG)

    De plus en plus d'ONG internationales, ou locales tenues par des ressortissants des pays développés établis dans les pays en développement, se voient confier la gestion des financements accordés aux Etats en vue de la mise en oeuvre de projets d'environnement et de conservation dans les pays bénéficiaires.

    226 GUILLET (F.) et LEMENAGER (T.), ONG d'environnement et bailleurs de l'aide publique au développement :

    un partenariat environnemental en débat, mai 2013, p.4.

    227 USAID : Agence des Etats-Unis pour le développement international.

    228 USFWS : Service halieutique et de la faune des Etats-Unis.

    229 CAFI : Initiative pour les forêts d'Afrique centrale.

    230 https://www.coordinationsud.org/wp-content/uploads/TdR Evaluation ECOFAC6 11112021vf.pdf

    231 https://renatura.org/wp-content/uploads/2022/04/NaturInfo-n%%B054.pdf , p. 54.

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    GUILLET et LEMENAGER nous apprennent qu'elles constituent, pour les organismes de développement, « des acteurs importants du secteur environnemental, notamment dans les pays en développement »232. Le rôle joué par ces ONG dans leurs relations avec les bailleurs de fonds publics internationaux a pris une telle ampleur qu'elle a fait l'objet d'une typologie. En effet, toujours selon GUILLET et LEMENAGER, « quatre postures relationnelles » résument cette entente : « (i) le plaidoyer externe ; (ii) la collaboration critique ; (iii) la coopération environnementale ; (iv) la prestation de service »233.

    A en croire le tableau réalisé par les auteurs sur la question, les financements accordés relèvent plus des deux dernières postures. Dans la position de prestataire de service, l'ONG répond aux appels d'offres publiés par les organismes publics internationaux et étrangers en vue de la mise en oeuvre des activités commandées par les bailleurs, tandis que dans celle de coopération environnementale, l'ONG recherche le soutien du bailleur au profit de ses propres activités. Cela part de la sensibilisation aux thématiques environnementales à sa soumission à l'évaluation en passant par la mise en oeuvre de certaines activités sur le terrain, l'ONG jouant ainsi le rôle d'intermédiaire entre les acteurs de terrain et les bailleurs234.

    L'observation de la situation de la conservation marine au Congo nous permet de classer dans ce registre deux ONG, à savoir WCS-Congo et Renatura235. En effet, les projets de création de deux aires marines protégées en cours au Congo sont principalement menés par ces deux ONG.

    Paragraphe 2 : La nécessité de diversifier les sources de financement des AMP

    Des événements comme l'élection de Donald TRUMP à la tête des Etats-Unis en novembre 2016 et la crise à coronavirus COVID-19 qui a sévi dans le monde entier entre 2019 et 2022 sont venus rappeler aux Etats la nécessité de diversifier les

    232 GUILLET (F.) et LEMENAGER (T.), Idem.

    233 GUILLET (F.) et LEMENAGER (T.), Organisations non gouvernementales d'environnement et bailleurs du développement : quelles interactions pour quelle efficacité environnementale ?, Mondes en développement 2016/3 (n° 175), pages 131 à 148, p. 136, https://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2016-3-page-131.htm

    234 Il est intéressant de relever ici le fait que c'est sous ce registre que l'association de droit congolais Renatura, créée par une ressortissante française basée au Congo, a mis en place un petit organe dénommé `'écocentre», destiné à former, encadrer et accompagner les organisations de la société civile de Pointe-Noire et du Kouilou dans le montage, la mise en oeuvre et le suivi des petits projets dédiés à l'environnement.

    235 https://www.adiac-congo.com/content/conservation-de-la-biodiversite-lassociation-renatura-lance-un-
    vaste-projet-de-protection-de

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    sources de financement de la conservation, plus particulièrement des écosystèmes marins. En effet, dès son arrivée à la Maison-Blanche, Donald TRUMP a marqué les esprits en sortant son pays de l'Accord de Paris signé en 2015 par son prédécesseur Barack OBAMA236. Ensuite, il a interrompu la contribution américaine au Fonds Vert pour le climat mis en place par les Nations Unies, et a ordonné des réductions budgétaires aux principales institutions américaines qui gèrent les questions de financement du développement et de l'environnement dans les pays en développement237. Cette dernière décision avait eu pour, entre autres, conséquences de stopper prématurément des projets qui étaient mis en oeuvre dans les pays africains, notamment le projet KIBRA238 dans les deux Congo. Dès lors, les Etats africains devraient se servir de cette expérience amère pour explorer d'autres sources de financement telle que la valorisation du patrimoine historique et culturel (A). Lorsque le contexte s'y prête, les Etats devraient également créer les conditions nécessaires à la mise en place d'accords de partenariat avec les entreprises privées (B) ayant des activités dans la périphérie de l'aire marine protégée.

    A. Une diversification de financement possible par la valorisation du

    patrimoine historique et culturel

    Les aires protégées du Congo peinent encore à drainer du monde, à l'exception du Parc National d'Odzala-Kokoua (PNOK) - dont une partie des recettes touristiques a permis de financer des micro-projets communautaires de l'ordre de 33116$US (soit environ 20.000.000 de Francs CFA) en 2019239 - et du Parc National de Nouabalé-Ndoki qui tente de s'inscrire également dans ce registre240. Ailleurs en Afrique, le potentiel touristique des aires protégées est exploité au point où une partie des recettes permet de financer la réalisation de certains projets sociaux importants comme l'électrification rurale, la construction d'écoles, de centres de santé, etc.241.

    236 https://www.strategie.gouv.fr/point-de-vue/consequences-retrait-etats-unis-de-laccord-de-paris

    237 https://www.lesechos.fr/2017/06/etats-unis-les-aides-aux-pays-vulnerables-sont-menacees-172349

    238 KIBRA (Kinshasa-Brazza).

    239 ITSOUA-MADZOU (G.-L.) et al., « Les aires protégées : un atout majeur pour la lutte contre les changement climatiques », Aires protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p. 339.

    240 D'importants travaux de construction des lodges et d'aménagement ont, en effet, été lancés dans le PNNN. Un conseiller Technique en matière de tourisme y a même été recruté.

    241 ITSOU-MADZOU (G.-L.) et al. rendent compte de ce qu'en RDC et au Rwanda, l'éco-tourisme profite aux communautés locales et populations autochtones.

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    Les aires marines protégées en cours de création au Congo, dont celle de la baie de Loango, ne manquent pas d'attraits touristiques. Le patrimoine historique et culturel que renferme cette dernière plaide en ce sens. En effet, selon une étude, le site devant accueillir la partie terrestre de l'aire marine protégée de la baie de Loango avait accueilli à partir du XVIIIème siècle des comptoirs consacrés au commerce du « bétail humain [...] destiné à peupler la Caraïbe et l'Amérique du Nord britannique »242.

    Pour parvenir jusqu'au lieu de leur embarquement, les esclaves empruntaient un chemin dit « route des esclaves » longé par des arbres - dont quelques-uns ont résisté à l'épreuve du temps - avant de partir pour un `'voyage sans retour''243. On peut ajouter à ces vestiges « l'arbre pour le rituel de l'oubli et celui pour le retour » ainsi que le débarcadère244.

    Cela étant, la valeur historique et culturelle de l'aire marine protégée de la baie de Loango n'est plus à démontrer, d'autant que l'UNESCO a reconnu l'authenticité des vestiges présents sur ce site245.

    Ce potentiel touristique peut être transformé en produit touristique à même de générer des recettes à long terme pour le fonctionnement de l'aire protégée et le développement des populations locales à travers la création d'emplois246. Pour ce faire, l'Etat devra au préalable investir dans les infrastructures qui pourront permettre de booster le tourisme dans cette partie du Congo.

    242 NGANGA (A.F.), La Compagnie royale d'Afrique et les commerçants négriers anglais sur la baie de Loango (entre 1650 et 1838), Etudes caribéennes, n°42, avril 2019, §1.

    Cette étude souligne que « La baie de Loango avait plusieurs sites portuaires d'embarquement et de débarquement. Sur la base de la description des établissements de traite des noirs du Commandant Edouard Bouet Willaumez en 1845, nous avons : Cap Lopez, Sangantane, FernanVaz, Sette Cama, Mayumba, Kilonga, Pointe Banda, Bas Kouilou, Loango (non loin de la capitale Bwali), Pointe indienne, Punta negra (aujourd'hui Pointe-Noire), Cabinda, Malemba et Boma. », Idem.

    Par ailleurs, la même étude « situe la frontière nord de la baie de Loango à partir du Cap Lopez-Gonzalvo (actuel Gabon), notamment à la pointe de l'actuelle île Mandji, dans le delta de l'Ogooué à 0° 37' 46' Sud, 8° 42' 28' Est. La baie de Loango s'étendait jusqu'au sud, à l'embouchure du fleuve Congo à 6° 03' Sud, 12° 22' Est, localisée à Moanda (actuelle République démocratique du Congo). », Ibidem.

    243 NGANGA (A.F.), Routes des captifs pour la traite négrière transatlantique en Afrique centrale : du XVe au XIXe siècle, Etudes Caribéennes, n°49, Août 2021, § 5-8.

    244 Pour en savoir davantage, lire la suite à l'adresse suivante : https://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/5373/

    245 A lire l'adresse ci-dessus.

    246 Selon le rapport préliminaire du projet de création de l'AMP de la baie de Loango, « La troisième possibilité de mobilisation de ressources peut provenir de la valeur touristique de la baie de Loango. En effet, la valorisation des sites touristiques de la baie de Loango pourrait aussi contribuer au financement des activités de l'aire marine protégée », p. 5.

    ~ 71 ~

    La diversification de financement peut également découler des accords de partenariat avec les entreprises ayant des activités dans la périphérie de l'aire marine protégée (B).

    B. Une diversification de financement possible par les accords de

    partenariat avec les entreprises

    Dans le rapport préliminaire de l'aire marine protégée de la baie de Loango, les auteurs s'accordent à reconnaitre que « L'autre source de financement pourrait provenir des entreprises évoluant dans la ZES247, mitoyenne à l'AMP »248. Nous souscrivons à cette analyse. Mais à celles-ci, l'on pourrait ajouter les entreprises ayant des activités en périphérie de l'aire marine protégée, notamment celles qui exploitent les hydrocarbures en Offshore. Un tel partenariat pourrait s'appuyer sur le modèle des PROGEPP développé par l'Etat congolais, WCS-Congo et la CIB Olam en périphérie du Parc National de Nouabalé-Ndoki dans le nord du Congo dont il a été question plus haut. Au lieu de ne s'intéresser qu'à la lutte anti-braconnage (LAB), ces accords pourraient aussi inclure d'autres volets comme le financement de micro-projets communautaires, des programmes de bourses scolaires et universitaires orientés en direction des jeunes, etc. Cela pourrait être fait dans le cadre de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises intéressées249.

    Conclusion deuxième partie

    L'analyse de la seconde partie a été l'occasion de comprendre que les aires marines protégées ne sont pas que des espaces favorisés par le droit international, mais également que dans leurs limites intérieures, tout comme en périphérie, a lieu une activité administrative importante. Au travers de celle-ci, l'Etat applique un certain nombre de mesures qui ont pour effet de restreindre les droits des communautés, et qui en même temps a le mérite d'assurer à celles-ci des lendemains meilleurs. Cala a lieu grâce à la préservation des écosystèmes et la disponibilisation des produits écosystémiques à travers diverses activités qui s'inscrivent dans la logique du développement durable.

    247 Zone Economique Spéciale.

    248 Rapport préliminaire projet de création d'une aire marine protégée dans la Baie de Loango en vue de la conservation des tortues marines en République du Congo, Ministère de l'Economie Forestière et du Développement Durable, décembre 2014, p. 65, file:///C:/Users/WCS/Downloads/142.pdf

    249 Voire dans ce sens la présentation du Vice-président de la Fédération des mines solides du Congo, slides 14 et 15, https://unctad.org/system/files/non-official-document/Congo 30092016 R8 Florent Lager.pdf

    ~ 72 ~

    CONCLUSION GENERALE

    Notre étude apporte une modeste contribution à la thématique portant sur les aires marines protégées. Les développements qui ont été faits au cours de l'analyse ont permis de montrer que les aires marines protégées sont tout autant importantes que les aires protégées terrestres ; celles-là ont très tôt retenu l'attention du législateur international et celle de son homologue continental africain en jetant les bases d'un cadre juridique favorable à leur mise en place. Nous avons constaté que leur développement est certes récent en Afrique centrale et au Congo, mais que leur inscription dans les principales conventions internationales et régionales sur l'environnement dès les années 1980 atteste de la place qui leur était réservée et du rôle qui devait être le leur, à savoir réguler le climat et offrir des services écosystémiques à l'instar de la garantie de sécurité alimentaire dans le cadre d'une utilisation durable des ressources halieutiques.

    Aussi avons-nous pu établir, que de manière générale, les aires marines protégées ne sont pas que des espaces dont la création est prévue et donc compatible avec le droit international, elles sont également des `'circonscriptions administratives» dont la gestion fait parfois l'objet d'accords ou de partenariats entre l'Etat et des partenaires privés intéressés. Dans leurs limites intérieures, tout comme en périphérie des aires marines protégées, peut avoir lieu une activité administrative importante au travers de laquelle l'Etat applique un certain nombre de mesures qui ont pour effet de restreindre les droits des communautés locales riveraines, et qui en même temps ont le mérite d'assurer à celles-ci des lendemains meilleurs via la préservation des écosystèmes marins.

    Par ailleurs, l'ampleur des enjeux de la conservation de la biodiversité marine, longtemps oubliée au profit de la conservation de la biodiversité terrestre - qui a longtemps cristallisé les préoccupations environnementales et englouti l'essentiel des financements - appelle les Etats et les gestionnaires de ces espaces à se tourner vers des modes de financements innovants en vue de pérenniser la protection des espèces et de leurs habitats pour le grand bonheur de la planète.

    ~ 73 ~

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    " 82 "

    TABLE DES MATIERS

    SOMMAIRE I

    DEDICACE II

    REMERCIEMENTS III

    LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS IV

    INTRODUCTION 1

    PREMIERE PARTIE : LE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT COMME FONDEMENT JURIDIQUE DE LA CREATION DES AIRES MARINES PROTEGEES

    EN REPUBLIQUE DU CONGO 6

    CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE PORTEE UNIVERSELLE . 7

    Section 1 : La création des AMP sur la base des principes de la Convention de

    Montego Bay 7

    Paragraphe 1 : Les droits souverains de l'Etat côtier sur les « ressources

    vivantes » 7

    Paragraphe 2 : Les obligations de l'Etat côtier sur les « ressources vivantes » 10

    Section 2 : Les autres conventions pertinentes de protection de la biodiversité 12

    Paragraphe 1 : L'appel à la création des AMP de la CDB 12

    Paragraphe 2 : Les principes de la Convention relative à la conservation des

    espèces migratrices 14

    CHAPITRE 2 : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE PORTEE REGIONALE ET

    SOUS-REGIONALE 16

    Section 1 : La prise en compte du régime des AMP par les instruments juridiques

    régionaux africains 16

    Paragraphe 1 : Une prise en compte timidement actée par la Convention

    africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles 16

    Paragraphe 2 : Une prise en compte clairement inscrite dans la Convention

    d'Abidjan 20

    Section 2 : La consolidation des AMP par les instruments juridiques d'Afrique

    centrale 22

    Paragraphe 1 : Un modèle de conservation prôné par le Plan Stratégique pour

    les AMP d'Afrique centrale 23

    Paragraphe 2 : Un modèle de conservation pouvant servir au-delà de la faune

    aquatique 25

    Conclusion première partie 28

    SECONDE PARTIE : LA REGLEMENTATION DES AIRES MARINES PROTEGEES

    DE LA REPUBLIQUE DU CONGO PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE 29

    " 83 "

    L'ENVIRONNEMENT

    CHAPITRE 1 : LA MISE EN PLACE DES AIRES MARINES PROTEGEES EN REPUBLIQUE DU CONGO PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE

    L'ENVIRONNEMENT 30

    Section 1 : La création des AMP en tant qu'espaces sécurisés 30

    Paragraphe 1 : Une création soumise à une procédure participative 30

    Paragraphe 2 : Une création débouchant sur une restriction consentie des droits

    des populations riveraines 34

    Section 2 : La création d'une AMP en tant qu'institution dotée de pouvoirs de

    police 36

    Paragraphe 1 : L'exercice des pouvoirs de police : une compétence autrefois

    exclusive de l'Etat 37

    Paragraphe 2 : L'exercice des pouvoirs de police : une compétence aujourd'hui

    partagée ? 42

    CHAPITRE 2 : LA VALORISATION DES AIRES MARINES PROTEGEES EN REPUBLIQUE DU CONGO PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE

    L'ENVIRONNEMENT 47

    Section 1 : La gestion des aires marines protégées 47

    Paragraphe 1 : Les divers modes de gestion possibles 47

    Paragraphe 2 : Le choix du partenariat public-privé 54

    Section 2 : La sanction de la violation des règles de protection des aires marines

    protégées 59

    Paragraphe 1 : Les procédures devant les organes de sanction 60

    Paragraphe 2 : Le contenu des sanctions prononcées 62

    Section 3 : Les AMP : des espaces nécessitant des financements stables et

    conséquents 65

    Paragraphe 1 : Le financement des AMP par des modes traditionnels 65

    Paragraphe 2 : La nécessité de diversifier les sources de financement des AMP. 68

    Conclusion deuxième partie 71

    CONCLUSION GENERALE 72

    BIBLIOGRAPHIE 73

    TABLE DES MATIERES 82






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld