4. CONCLUSION
4.1. CONTRIBUTION THEORIQUE
Si la revue de littérature a fait émerger la
contribution de l'encombrement perçu et de l'intrusion perçue au
sentiment de « saturation publicitaire » (concept
générique et inédit, qui rassemblait ce que l'état
de l'art avait synthétisé) chez le consommateur, ces deux
concepts n'avaient jusque-là été étudiés que
de façon « isolée », autrement dit jamais ces deux
concepts n'avaient été directement associés et
étudiés à l'occasion d'une étude commune.
La recherche présentée ici avait pour vocation
d'établir l'existence (ou non) d'un lien entre ces deux
phénomènes et de définir si oui ou non le concept de
saturation publicitaire, instinctivement défini à l'issue de
l'état de l'art comme la combinaison de l'encombrement et de l'intrusion
(modèle n°2 - les conséquences de ces deux concepts
étant similaires, nous avions synthétisé sous forme
schématique le concept
global de « saturation publicitaire » , qui est en
fait inédit dans la littérature, avec l'encombrement et
l'intrusion comme préalable).
Les résultats ont permis de confirmer un lien
significatif entre intrusion et encombrement perçus (h1), ainsi qu'une
corrélation avec l'attitude générale envers la
publicité (h2) - la formation d'une attitude négative envers la
publicité peut être à la fois considérée
comme une conséquence (réaction affective) et comme un
préalable lié au consommateur, à son vécu, et comme
toujours à sa perception. La figure ci-dessous représente donc le
modèle du concept de saturation publicitaire enrichi des apports
théoriques statistiquement validés grâce à cette
recherche.
Les deux hypothèses (h1) et (h2) confirmées,
viennent renforcer les théories de Louisa Ha qui évoquait en 2008
les diverses variables qui influençaient potentiellement l'encombrement
perçu : elle évoquait alors l'intrusion perçue, les
variables individuelles et les attitudes. Ha et Litman (1998) avaient
étudié et développé le concept d'intrusion
publicitaire indépendamment de celui d'encombrement publicitaire.
Conformément à l'intuition que cette recherche avait alors
évoquée, l'intrusion est bel et bien liée à
l'encombrement et gagne à être étudiée en même
temps que celui-ci.
56
4.2. CONTRIBUTION MANAGERIALE
En termes d'apport managérial, si l'étude n'a
pas permis d'établir une corrélation nette entre l'intrusion
perçue et la typologie de consommation, on note tout de même des
différences chez certains groupes au niveau empirique (perception
moyenne plus ou moins élevée).
4.2.1. ADAPTER LA COMMUNICATION AU
CONSOMMATEUR
La première préconisation managériale
consistera donc en l'application de stratégies différentes entre
ces différents clusters - même s'il ne s'agit pas de variables
significativement explicatives.
L'encombrement perçu (graphique ci-dessous) a un niveau
moyen différent (bien que plutôt proche) selon la typologie
client. L'encombrement perçu est évalué au niveau global
à 3,63; soit un score plutôt élevé.
Les Vegan/Bio (3,85) présentent le plus haut niveau
d'encombrement perçu pour chaque item, notamment pour les e-mails
promotionnels (4,15) et la publicité online. Les
Naturel/Simplicité (3,79) perçoivent un fort encombrement pub,
toutefois moins hostiles aux e-mails promotionnels (3,94). Les Tendance (3,44)
sont moins hostiles à la publicité sur les différents
canaux - notamment en ligne (3,67) et par email (3,80). Même constat pour
les Prestige (3,51). Les Experte (3,60) perçoivent un environnement
moins encombré que la moyenne, sauf sur internet (3,91) ; en revanche,
les pubs TV leur semblent moins nombreuses (3,65). Pour les Economes,
l'encombrement perçu (3,62) est proche de la moyenne.
57
Graphique 4 : Perception de l'encombrement publicitaire
par typologie
L'attitude envers les contenus intrusifs est
évaluée à 2,19; soit une intrusion perçue moyenne
à élevée.
Les Vegan/Bio (2,28) ont une attitude envers les contenus
intrusifs meilleure que la moyenne, excepté concernant les emails
anniversaire (3,09). Les Naturel/Simplicité (2,15) ont une attitude plus
négative, en revanche ils sont friands d'e-mails anniversaire (3,61)
mais sont très hostiles aux publicités obligatoires (1,28). Les
Tendance (2,13) ont une attitude plus négative encore - mais cela se
concentre principalement sur les emails ciblés (2,12). Les Prestige
(2,32) ont une attitude plus positive envers les contenus intrusifs; ils sont
plus tolérants aux contenus obligatoires (1,75) et aux pop-up (1,62);
même constat pour les contenus ciblés (2,42 et 2,43). Les Experte
(2,31) ont une attitude moins négative également, toutefois moins
friands d'e-mails anniversaire (3,26) que la moyenne. Pour les Economes,
l'intrusion est très mal perçue (1,96) ; à l'exception des
e-mails anniversaires, qu'ils apprécient particulièrement (3,48),
leur attitude envers les contenus obligatoires et les contenus ciblés
est bien plus négative que pour toute autre typo.
58
Graphique 5 : attitude envers l'intrusion publicitaire
selon la typologie
59
4.2.2. COMMUNIQUER DES CONTENUS ADAPTES, UTILISER LES
BONS FORMATS, EXPLOITER CORRECTEMENT LES CANAUX
La seconde préconisation managériale s'applique
davantage aux équipes communication et media-planning. Elle correspond
notamment aux formats, aux canaux et aux contenus qu'il est nécessaire
de valoriser, au détriment de ceux qui suscitent les attitudes les plus
négatives.
Au niveau des canaux, Nocibé ne fait que peu de
publicité sur les médias traditionnels - principalement aux
moments-clés de l'année, comme les fêtes de fin
d'année ou encore la fête des mères. Ce plan média
vise en général à améliorer notre position en
termes de Top Of Mind et faire de nous le leader - temporaire - du
marché. Une stratégie qui semble porter ses fruits puisque nous
gagnons des parts de marché lors de ces périodes-clé.
La partie opérationnelle de cette étude a permis
d'identifier les canaux les plus généralement
appréciés. Pour près de la moitié des
répondants, les catalogues (papier ou en ligne) sont la voie
d'information préférée, suivi des e-mails. Les SMS ne
sont
préférés que par 1 répondant sur
3. Les pubs TV ne sont un canal de choix que pour 26% des répondants.
Graphique 6 : perception des canaux de
communication
60
Notre stratégie de communication fait en revanche part
belle à la communication directe : l'e-mailing (bien qu'à ce jour
encore non personnalisé) et les SMS. Il se trouve que l'appétence
à chaque canal diffère effectivement en fonction des profils de
consommation. La significativité n'a pas été
prouvée sur cet élément en particulier (qui faisait
l'objet d'un questionnement purement opérationnel et non d'une
démonstration scientifique à l'occasion de ce mémoire),
toutefois des disparités émergent entre les groupes de
répondants.
En termes de contenus, l'attitude envers les contenus
intrusifs étant extrêmement négative, il convient de
limiter ce type de contenus. Pourtant, on note que les contenus induisant une
perte de contrôle du consommateur (pop-up, publicité difficile
à fermer, etc.) concentrent une attitude bien plus négative que
ceux qui pourraient potentiellement inclure des données liées
à la vie privée (publicité ciblée, produits
déjà recherchés ou achetés, etc.). Un constat
d'autant plus vrai lorsque le ciblage est source de reconnaissance (messages
d'anniversaires) ou de rétribution (type bon de réduction).
Parmi les contenus intrusifs, ce sont ceux qui
échappent au contrôle des répondants qui cristallisent le
plus d'attitudes négatives (plus de 70%). L'attitude envers les
publicités immobiles est moins hostile (46% d'attitudes
négatives). Le ciblage semble moins problématique (28%
d'attitudes négatives seulement et même 21% d'attitudes
positives)
61
Graphique 7 : attitude envers les contenus
intrusifs
62
Ce sont donc les dimensions liées à la perte de
contrôle et à l'invasion de l'espace personnel que les
équipes de communication devront s'évertuer à
éviter. La publicité en displays reste néanmoins une
possibilité, à condition de ne pas mettre le consommateur dans
une situation d'agacement en empiétant sur sa propre activité.
Des contenus automatiques et « envoyés dans la masse »
risquent pourtant de créer ce genre de situations et de se trouver moins
efficace. Dans ces conditions, la personnalisation et un ciblage efficace
semblent particulièrement adaptés au contexte. La question de la
programmatique (publicité ciblée en temps réel,
basé sur le Marketing Automation et la personnalisation) semble alors
pertinente.
4.2.3. DIFFERENCIER LA FREQUENCE DE
SOLLICITATION
Si des campagnes de masse semblent pertinentes à
certains moments-clés de l'année (les fêtes, la
St-Valentin...), les clients semblent néanmoins apprécier les
communications les valorisant spécifiquement - on a pu le remarquer en
particulier pour leur anniversaire. La communication directe est dès
lors la stratégie la plus adaptée. Et s'il est admis qu'ils
acceptent qu'on communique avec eux au moment de leur inscription au programme
de fidélité, il est donc intéressant de noter que tous les
consommateurs ne supportent pas la même fréquence de
sollicitation.
63
La fréquence la plus communément
préférée pour les envois d'e-mails est comprise entre 1 et
3 envois par semaine. Encore une fois néanmoins, des différences
dans la fréquence tolérée selon la typo (fréquence
plus faible chez les Vegan/Bio; plus élevée chez les
Tendance).
Graphique 8 : Fréquence de sollicitation
préférée
D'une part, il serait utile d'inclure une question aux
informations fournies par le client au moment de son adhésion au
programme, et de lui demander directement quels types de contenus il souhaite
voir (des tutoriels ? des promos ? etc.), à quelle fréquence et
via quel canal (SMS ? E-mail ?).
Evidemment, ces questions complémentaires auraient
l'avantage de nous permettre de communiquer plus efficacement, d'éviter
les risques d'être « spamés » - voire blacklistés
par certains opérateurs - et évidemment de limiter les situations
de déplaisir dans lesquelles le client en vient à acter son
mécontentement par un désabonnement de nos communications. Ces
clients deviennent alors très difficilement
atteignables et présentent le risque de
développer une attitude négative envers l'enseigne.
D'autre part, qualifier la base de données clients,
selon leur typologie de consommation, et utiliser cette base de données
enrichie des informations issues du panel Nocibé Vous Ecoute pour chaque
cluster apparait comme la solution la plus évidente pour régler
la question de nos clients actuels.
Le tableau suivant synthétise les différents
éléments qui seront communiqués aux équipes CRM
afin d'animer leurs campagnes efficacement et de façon adaptée
à chaque cluster de consommateurs, et poser les premières pierres
de la personnalisation des communications. Elles seront également
potentiellement intégrées à notre BDD clients par la
Direction des Systèmes d'Informations (DSI) à long terme afin
d'automatiser les données CRM et leur suivi.
Tableau 13 : synthèse des recommandations
managériales
|
Végan/bio
|
Naturel/simplicité
|
Tendance
|
Prestige
|
Experte
|
|
|
|
|
|
|
|
Econome
|
Niveau
|
3,85
|
3,79
|
3,44
|
3,51
|
3,6
|
3,62
|
Encombrement perçu
Niveau Intrusion
|
|
|
|
|
|
|
perçue
Attitude
générale
|
2,72
|
2,85
|
2,87
|
2,68
|
2,69
|
3,04
|
envers la pub
Canal
préféré
|
2,15
presse
prospectus
|
2,19
prospectus
e-mail
|
2,45
e-mail
site web
offres perso
|
2,52
site web
prospectus
offres perso
|
2,27
e-mail
prospectus
|
2,13
prospectus
|
|
offres perso
|
offres perso
|
promo
|
promo
|
|
|
avt-premières
nouveautés
6 / semaine
64
65
4.3. LIMITES ET VOIES DE RECHERCHE
Si ce mémoire a permis de faire émerger un
concept générique combinant l'encombrement publicitaire
perçu et l'intrusion publicitaire perçue, celui de la saturation
publicitaire, il a également eu l'avantage de faire apparaitre certaines
limites.
Au cours de l'analyse des résultats, et après
avoir prouvé l'existence d'une corrélation entre encombrement et
intrusion (h1), une nouvelle interrogation est immédiatement apparue :
quelle importance, quel poids représentent ces deux items dans la
saturation publicitaire du consommateur ? S'agit-il d'un modèle
positiviste ou encore une fois, lié à la personnalité,
à la perception du consommateur ? A d'autres facteurs ?
L'évaluation du poids de l'encombrement et de l'intrusion publicitaire
permettrait d'établir correctement un niveau de saturation publicitaire,
combinant efficacement ces deux items. Cela représenterait une
première opportunité de recherche complémentaire à
celle-ci.
La seconde limite ou en tout cas voie de recherche possible
qui a été identifiée, est liée au fait que la
troisième hypothèse (h3) n'ait pu se vérifier ;
manifestement d'autres variables vont influencer les attitudes et les
perceptions de l'encombrement et de l'intrusion publicitaire. D'une part, la
clusterisation des typologies clients pourrait être peu pertinente - mais
ce n'est manifestement pas le cas. D'autre part, et en supposant que les
segments sont effectivement homogènes et pertinents, s'agit-il de
variables socio-démographiques, et donc potentiellement extrapolables ?
Ou encore, puisque l'âge par exemple ne l'explique pas, de facteurs
intimement liés au consommateur lui-même (aspects
émotionnels, voire habitus, personnalité...) ? Autant de
données complémentaires qui pourraient enrichir la
compréhension que ce mémoire a posé du concept de «
saturation publicitaire ».
D'autres limites ont été surtout liées
à la temporalité ; si cela avait été possible au
cours de cette étude, il aurait été appréciable de
réaliser des études qualitatives complémentaires à
visée exploratoire pour avoir la certitude d'évaluer l'ensemble
des items potentiellement liés à ces concepts ; notamment, des
expérimentations seraient judicieuses pour évaluer
précisément les émotions et les perceptions devant divers
types de contenus ou encore des entretiens semi-directifs pour éclairer
complètement
66
l'ensemble des items évaluables - et actualisés
- pour chacun des concepts que sont l'encombrement publicitaire perçu et
l'intrusion publicitaire perçue.
Ce sujet gagne à être exploré en
profondeur afin de gagner en compréhension et potentiellement faire
évoluer le paradigme traditionnel de la publicité qui tendait
plutôt à considérer qu'en augmentant le nombre de contacts,
on améliore la notoriété et l'affection envers une marque
; un paradigme clairement remis en cause par l'émergence des
théories de la saturation publicitaire.
67
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