Les conditions de
fonctionnement d'une économie de troc
La notion de troc désigne l'échange de
marchandises contre les marchandises. Cette modalité d'échange ne
fonctionne qu'à certaines conditions et se caractérise par des
coûts élevés.
À l'origine, les échanges entre individus
s'effectuent par le troc. Autrement dit, si une personne veut se procurer un
bien, elle doit offrir en contrepartie un autre bien. L'économie de troc
est un système dans lequel la monnaie, c'est-à-dire un
étalon de référence accepté par l'ensemble des
individus appartenant à une même communauté, est
absente. Le fonctionnement d'une économie de troc nécessite la
réunion d'au moins quatre conditions.
ü une communauté réduite d'individus.
L'économie de troc suppose une communauté très
réduite d'individus, vivant à proximité les uns des
autres. Cela est possible dans un village où chaque famille exerce une
activité précise et échange des biens connus.
ü une offre restreinte de produits. L'économie de
troc ne fonctionne que si l'offre de produits est très restreinte, ce
qui facilite les échanges. Une économie avec des produits
multiples, différenciés ou similaires comme nous la connaissons
aujourd'hui, ne pourrait fonctionner sous un régime de troc, car il
faudrait calculer la valeur de chaque bien en un autre bien, ce qui est
pratiquement impossible.
ü une volonté commune d'échanger.
L'économie de troc suppose une volonté commune d'échanger
les produits au même moment à intervalles réguliers,
ce qui permet à chaque corps de métiers de calculer
approximativement la production et les stocks nécessaires. Les besoins
de la communauté sont pratiquement connus à l'avance, car la
demande varie très peu.
ü des prix d'échanges faciles
à établir pour les marchandises Dans une
économie de troc, les prix des biens entre eux doivent être
faciles à établir et doivent être également
incontestables. Le prix de chaque produit en un autre produit doit être
lisible pour chaque individu et accepté.
Ces quatre conditions sont difficiles
à réaliser et les sociétés humaines ont
très tôt ressenti le besoin d'adopter un étalon commun
d'échange, c'est-à-dire une monnaie. Dès qu'une
collectivité s'agrandit, le troc génère des coûts
prohibitifs et finalement finit par bloquer les échanges.
b) Les coûts d'une
économie de troc
Le troc génère toute une série de
coûts qui sont difficilement supportables lorsqu'une économie
devient complexe. L'augmentation de l'offre de produits dans une
économie de troc multiplie les relations potentielles d'échange
et freine leur développement. Les coûts d'une économie de
troc proviennent des obstacles à l'échange. Il est à
noter ici que le cout ici n'est pas pris dans son sens restreint des
dépenses en argent mais plutôt en tout effort compensable en
argent à l'instar du temps, l'énergie, stress, etc. On peut en
dénombrer trois à travers un exemple.
On suppose qu'un individu veuille acheter un canard et qu'il
est lui-même vendeur de poulets.
Son premier obstacle est le temps de recherche. Le vendeur de
poulets doit trouver quelqu'un désirant lui vendre un canard. Tous les
propriétaires de canards ne sont pas nécessairement vendeurs. Il
doit donc faire une recherche d'informations, ce qui suscite des coûts de
recherche.
Son deuxième obstacle est la double coïncidence
des désirs. Un vendeur de canards est enfin trouvé. Cependant, il
doit accepter en échange des poulets. Apparaît donc la
nécessité d'une double coïncidence des désirs. Si
elle ne se réalise pas, l'échange est impossible.
Et son troisième obstacle est le calcul de la valeur
relative des biens. Les deux parties sont désormais d'accord pour
échanger un canard contre un poulet. Se pose alors la question du prix :
combien de canard(s) pour un poulet ou combien de poulet(s) pour un canard ?
Le prix dépend alors de plusieurs facteurs: du temps
passé à produire la marchandise, de sa rareté
relative, de l'intensité de la demande. Le calcul des prix est possible
lorsque l'offre de produits est limitée. Dans le cas contraire, il est
impossible à effectuer. Le nombre de relations potentielles
d'échanges aboutit à bloquer l'échange.
Les coûts de transaction. Comme le montre cet exemple,
l'économie de troc génère toute une série de
coûts. Ces coûts sont en réalité ce que les
économistes appellent les coûts de transaction. En l'occurrence,
dans l'exemple qui est pris ci-dessus, les trois obstacles
énumérés ne permettent pas de développer les
échanges.
En effet, on peut identifier trois coûts de transaction
associés à chacun de ces obstacles:
ü le coût de recherche d'un partenaire (temps de
recherche),
ü les coûts de négociation (double
coïncidence des désirs),
ü le coût d'évaluation des biens (calcul de
la valeur relative des biens ou coût de découverte des prix
adéquats).
La littérature économique a parfois
tendance à s'intéresser de manière
privilégiée aux coûts de transaction qui émergent
dans certaines formes d'organisation, notamment dans les firmes ou les contrats
hybrides de long terme signés par exemple entre des fournisseurs et des
clients. Or, l'exemple ci-dessus montre que ces coûts peuvent
également exister sur différents marchés, dont celui des
échanges non monétarisés.
c) Les relations
potentielles d'échange dans une économie de troc
Prenons le cas d'une économie produisant cinq biens: le
sucre, le riz, le maïs, la manioc et l'huile. Il n'y a pas, comme on
pourrait l'imaginer, vingt-cinq relations potentielles d'échange.
Deux types de relations sont en effet à exclure :
- L'échange d'un produit contre lui-même : sucre
contre sucre, riz contre riz, etc. En excluant les échanges de biens
identiques, il n'y a pas 25 relations potentielles d'échange
mais seulement 20 (soit 5 × 4). Avec n biens, le nombre de relations
potentielles est de n (n - 1).
- Les relations redondantes: échanger du riz contre du
blé revient à échanger du blé contre du riz et
ainsi de suite. Si on exclut les relations redondantes, dix au total, il ne
reste en réalité que 10 relations potentielles
d'échange, soit (5 × 4) / 2.
Tableau 1. Les relations potentielles d'échange:
l'exemple d'une économie à cinq biens Produits : sucre,
riz, maïs, manioc et huile.
PRODUITS
|
Sucre
|
Riz
|
Maïs
|
manioc
|
Huile
|
Sucre
|
X
|
(1)
|
(2)
|
(3)
|
(4)
|
Riz
|
(1)
|
X
|
(5)
|
(6)
|
(7)
|
Maïs
|
(2)
|
(5)
|
X
|
(8)
|
(9)
|
Manioc
|
(3)
|
(6)
|
(8)
|
X
|
(10)
|
Huile
|
(4)
|
(7)
|
(9)
|
(10)
|
X
|
|
|
|
|
|
|
Le tableau précédent permet très
facilement de visualiser le nombre de relations d'échange possibles dans
notre économie à 5 biens. Une fois enlevées les cases
représentant les échanges de biens identiques (cases remplies
d'un X), le tableau comptabilise les combinaisons de biens pouvant faire
l'objet d'un troc. Par exemple, la combinaison (1) consiste
à échanger du sucre (en ligne) contre du riz (en colonne).
Il s'agit de la même relation d'échange que celle qui consiste
à échanger du riz (en colonne) contre du sucre (en ligne),
les relations redondantes ne pouvant faire l'objet d'une double
comptabilisation. Au total, on vérifie facilement qu'il ne peut
y avoir que 10 relations potentielles d'échange dans cette
économie. En généralisant cet exemple à n
biens, il y a donc dans une économie de troc n (n - 1)/2 relations
potentielles d'échange. Ainsi, pour 1 000 biens, le nombre de
relations potentielles d'échange s'élève à : 1 000
× (1 000 - 1) / 2 = 499 500 relations potentielles
d'échange.
Taurand, F. (1986). Le troc en économie
monétaire. L'Actualité économique, 62(2), 236-256.
https://doi.org/10.7202/601370ar.
i.2.1.3. LES FORMES DE LA
MONNAIE
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