Conclusion de la première partie
Au terme de cette première partie de notre étude,
elle nous montre que l'acte de naissance en son essence ne cesse d'être
au centre des préoccupations de l'individu pris isolement et de l'Etat
lui-même en tant que puissance régulatrice. L'éventail des
regards posés sur lui est fait qu'il devient un élément
précieux et même vital. Quelles que soient les prises de positions
en la matière, elles visent à influencer in fine les logiques qui
sous tendent son rattachement au fonctionnement de tous les jours dans toutes
les grandes décisions sociales et politiques de l'individu.
Toutefois, le diagnostic de la situation de l'état civil
fait ressortir un certain nombre de difficultés, de contraintes et
d'écarts qui ne facilitent pas l'enregistrement des enfants dès
leur naissance, comme en témoignent des études ou
recherche-action menées par des organisations internationales comme
l'Unicef par exemple. Le fait d'être enregistré confère
selon la revue Innocenti Digest de l'UNICEF, des droits et des
privilèges aux enfants dans les domaines de l'alimentation, de la
santé, de l'éducation. Selon la même source, il ouvre la
porte aux droits que de nombreux adultes considèrent comme acquis : le
droit de posséder un bien, de voter et de se présenter à
une élection, d'obtenir un passeport, etc. Les enfants non
enregistrés sont extrêmement vulnérables aux abus de toutes
sortes et sont des proies faciles pour les trafiquants, les esclavagistes, les
employeurs peu scrupuleux et d'autres individus de mauvaise foi. Pire, informe
le document, les enfants sans papiers peuvent être pris pour des adultes
qu'ils soient victimes ou coupables de crimes alors qu'en tant qu'enfant ils
auraient eu droit à une protection spéciale. L'acte de naissance
révèle non seulement le destin de l'individu et des familles,
mais également celle d'une société toute entière.
Conscient de son importance, les pouvoirs publics se livrent à une
quête perpétuelle en vue d'améliorer les conditions de
conservation des données de l'état civil. En tant que mode de
preuve de l'état de personnes, il peut toutefois paraitre surprenant que
l'acte de naissance présente encore certaines imperfections en ce qui
concerne notamment au niveau de son enregistrement. C'est sans doute pour cette
raison qu'un diagnostic approfondi sera faite dans la juridiction de
Miragoâne afin de mieux scruter le problème. Une analyse
approfondie sera faite des données provenant des bureaux d'état
civil avec une attention particulière aux officiers de l'état
civil. Acteur original en droit de la personne et de la famille, l'officier de
l'état civil pourrait être considéré comme chef de
file du système de l'état civil. De la naissance au
décès, en passant par la célébration d'un mariage,
la reconnaissance d'un enfant naturel, les actes qu'il dresse sont autant de
preuves de la situation des personnes et des citoyens. L'entretien et la
conservation des registres qu'il exerce dans sa fonction font de lui un maillon
essentiel dans l'histoire de la famille en particulier et celle de la societe
en générale.
Deuxième partie
Analyse du phénomène de non
enregistrement des actes de naissance en Haïti plus
particulièrement dans la juridiction de Miragoâne et des pistes de
solutions vers son amélioration
La loi sur l'état civil en l'occurrence le Code Civil,
distingue quatre types d'actes de l'état civil lesquels correspondent
aux grandes étapes de la vie des individus et des familles.
Compétence exclusive est donc donnée à l'officier de
l'état civil pour marquer du sceau de la souveraineté les
événements les plus marquants et non moins importants de la vie
des individus à l'occasion de l'établissement des actes de
naissance, de mariage de reconnaissance et de décès. Il ne fait
dès lors aucun doute, au vu de ces attributions, que l'officier de
l'état civil contribue tant à l'identification des citoyens
qu'à l'individualisation des personnes. En enregistrant puis en
consignant les données fournies par les déclarants dans les
registres, l'acte est le plus strict reflet des dires des comparants ou
parties. Les attributions de l'officier de l'état civil ont un
rôle essentiel dans la détermination du but originel et de la fin
naturelle de la vie, à une époque ou l'intervention humaine n'a
de cesse de repousser les limites de l'existence. Le Code Civil donne les
dispositions générales relatives à l'enregistrement des
actes de naissance, toutefois certains décrets et arrêtés
fixent des conditions particulières. L'application rigoureuse de ces
règles est importante en ce qu'elles conditionnent les effets de l'acte
de naissance à compter de son enregistrement à l'état
civil. L'enregistrement de l'acte de
naissance constitue le point de départ d'un fichage qui
doit durer toute la vie. Car c'est Isabelle Dauriac qui disait que
l'état civil est irréversible. Quelle que soit sa politique,
l'État a besoin pour la mener à bien, d'être en mesure
d'identifier les personnes à qui elle s'adresse. Ainsi, l'invention des
moyens nécessaires et la connexion entre les différents acteurs
pour facilité le fonctionnement des techniques sont de l'apanage de
chaque État. C'est pourquoi dans cette partie du travail nous allons
investiguer le mode de fonctionnement des bureaux de l'état civil dans
la juridiction de Miragoâne (chapitre I) pour pouvoir faire des
propositions relatives à leur fonctionnement(chapitre 2).
Chapitre I : Enquête sur le fonctionnement des
bureaux de l'état civil dans la juridiction de
Miragoâne
Ce chapitre présente les résultats de la
deuxième phase de notre recherche, comme il a été
clairement expliqué dans la partie traitant de la méthodologie
utilisée. Pour y parvenir il est question d'une part, de faire une
présentation de la juridiction de Miragoâne. Cette
présentation portera sur deux (2) aspects essentiels : l'aspect
physique et l'aspect administratif (section1). D'autre part, présenter
et analyser les résultats des données de l'enquête
menée dans les bureaux de l'état civil de cette juridiction
(section 2).
Section1 : Présentation de la juridiction de
Miragoâne
Dans le cadre de cette section de notre travail de recherche,
nous tentons de présenter la juridiction de Miragoâne qui comporte
quatre (4) communes : Miragoâne, Petite-Rivière de Nippes,
Paillant et Fond des Nègres. Pour éviter l'alourdissement des
données sur la zone d'étude, nous ne retenons que certaines
données sur les aspects physico-légal et administratif.
a. Aspect physico-légal
Cette partie prend en compte seulement les aspects légaux
(loi portant création du département) ainsi que certains aspects
relatifs à la démographie de la population à travers les
différentes communes de l'arrondissement. Aussi, une présentation
sommaire et sélective de certains éléments relatifs aux
activités économiques retrouvées dans les communes sera
faite.
§ Aspect légal
La juridiction de Miragoâne, comme dit
précédemment, avec ses quatre communes forme également
l'arrondissement de Miragoâne. A côté de cet arrondissement,
on trouve deux autres, l'arrondissement de l'Anse-à-veau et celui des
Barradères. Ce sont ces trois (3) arrondissements qui composent le
département des Nippes. Ce dernier est crée grâce à
un projet de loi déposé au parlement par le pouvoir
exécutif d'alors. Ce dit projet a été voté à
la chambre basse (chambre des députés), le 18 juin 2003 et par le
Sénat, le 4 septembre 2003. L'exécutif a publié cette loi
dans le journal officiel de la République, Le Moniteur, le 30 octobre de
la même année. D'après cette loi, ce département
compte onze (11) communes ; onze (11) quartiers et trente-sept (37)
sections communales (Moniteur#82, 2003).
§ Aspect démographique
Selon les données de l'Institut Haïtien des
Statistiques Internationales (IHSI), l'arrondissement de Miragoâne
à une population estimée à plus de 141 826 habitants dont
85 924 habitants vivant dans les sections rurales, soit environ 61 % de la
population. Cependant, la dernière estimation de la population totale,
par sexe et population de 18 ans et plus estimées en 2009, au niveau des
différentes unités
géographiques réalisée par l'Institut haïtien
de statistique et d'informatique (IHSI) a évalué cette population
à 128 979 habitants. En six (6) ans, de 2009 à 2015, la
population des communes et sections communales qui composent l'arrondissement
de Miragoâne a augmenté de 12,847 habitants environ, ce qui donne
une augmentation de 10% par rapport à la population recensée en
2009. A ce rythme, la population risquera d'atteindre les 180.000 à
l'horizon de 2030. Cet arrondissement couvre un espace de terre pouvant
être estimé à 435 km2 (IHSI, 2015).
Si l'on veut présenter la répartition des
populations de cet arrondissement à travers ces quatre communes, on
aura :
Tableau de répartition des populations par commune
|
Commune
|
Superficie (Km2)
|
Population
|
Densité
|
Miragoâne
|
185.87
|
62 528
|
336
|
Fond des Nègres
|
92.23
|
33 413
|
362
|
Petite-Rivière
|
93.70
|
28 553
|
305
|
Paillant
|
63.27
|
7 332
|
274
|
§ Aspect économique
Sur le plan économique, selon une enquête
menée par le Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles
et du Développement Rural (MARNDR) le secteur primaire au niveau de
l'arrondissement de Miragoâne occupe une place très importante
dans l'économie. Toutes les activités du secteur primaires
confondues mobilisent environ 75% de la population active de l'arrondissement,
l'agriculture représente quand à elle plus 65% de la population
active. Bien qu'elle soit l'activité la plus importante du secteur
primaire, sa tendance n'est pas trop différente de celle qui
prédomine à l'échelle nationale où plus de 60% de
la population active dans les milieux ruraux se trouvent concentré dans
l'agriculture (MARNDR, 2008).
Toujours d'après les résultats de cette
enquête, la seconde activité ou catégorie importante est le
commerce qui mobilise 18% de la population active. Il contribue à donner
un nombre non négligeable d'emplois à une bonne partie de la
population active, notamment les femmes. Les deux plus grands pôles
d'activités commerciales sont, d'abord, la commune de Miragoâne
qui est le chef lieu du département et possède l'un des
principaux ports de commerce haïtien. Ce port reçoit
généralement des cargaisons d'objets manufacturés en
provenance des États-Unis d'Amérique. Il n'est pas inutile
de mentionner que les installations portuaires étaient également
utilisées par la compagnie américaine Reynolds Metals
Company spécialisée dans l'aluminium et l'exportation
de la bauxite en provenance notamment d'Haïti, notamment dans la
commune de Paillant. Cette compagnie a quitté le territoire haïtien
laissant derrière elle de grosses infrastructures, notamment un port en
eaux profondes. Ce port a remplacé en 2010 l'ancien port civil de la
commune qui a été endommagé avec le séisme du 12
janvier 2010. Ensuite la commune de Fond des Nègres qui, grâce a
son marché, mobilise une part importante de semi détaillants et
de petits marchandes de la région grand sud, en particulier du
département des Nippes. Les produits vendus sont essentiellement
constitués des produits agricoles de première
nécessité, de certains produits manufacturés, et d'autres
produits en provenance de l'étranger. Ce marché existe certes,
mais n'est généralement doté d'aucune infrastructure de
base. Il est représenté essentiellement par des espaces
physiques aménagés en plein air, au bord de la route nationale #2
conduisant vers les Cayes. L'essentiel des échanges est
réalisé dans le secteur informel, entre les agents des
différentes communes du département et ceux venant de
l'extérieur, c'est-à-dire des communes qui se trouvant dans des
départements voisins, comme l'Ouest et le Sud en particuliers.
Toutefois, tenant compte du caractère informel des
échanges au niveau de l'arrondissement, il parait assez difficile de
disposer de données suffisantes permettant en quelque sorte de chiffrer
les flux commerciaux. Quant aux activités du secteur secondaire, elles
sont marginales et englobent la transformation artisanale des ressources
naturelles.
§ Aspect administratif
Sur le plan administratif, c'est la juridiction de
Miragoâne qui détiendrait la majorité des institutions
publiques du département. On pourrait se demander pourquoi une telle
organisation. Peut-être parce qu'il est plus proche
géographiquement de la capitale du pays. Peut-être parce qu'il est
administrativement le chef lieu du département des Nippes
également chef lieu de l'arrondissement de Miragoâne. On n'a
aucune évidence. Sauf nous constatons que presque toutes les
institutions publiques sont représentées, sauf qu'elles sont
présentes uniquement au niveau des villes de Miragoâne et de Fond
des Nègres. On y retrouve : les directions départementales du
Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du
Développement Rural (DDNi/MARNDR), du Ministère de l'Education
Nationale et de la Formation Professionnelle (DDNi/MENFP), du Ministère
de la Santé Publique et de la Population (DDNi/MSPP), du
Ministère de la Planification et de la Coopération Externe
(DDNi/MPCE), du Ministère des Travaux Publics du Transport et de la
Communication (DDNi/MTPTC), du Ministère de l'Economie et des Finances
(DDNi/MEF), du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (DDNi/MAST)
et du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique
via la PNH (DDNi/PNH) et le Parquet près le tribunal de première
Instance de Miragoâne. Parallèlement, le Ministère de
l'Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT) est
représenté dans l'arrondissement par la
délégation, les Mairies et les autres Collectivités
Territoriales locales. Les membres des Collectivités Territoriales
locales sont les plus présents au niveau de l'arrondissement, car on
retrouve les CASECS et ASECS au niveau de toutes les sections communales.
Il faut souligner qu'en passant que depuis 2020, plusieurs
institutions publiques sont en cohabitations. C'est le cas du Tribunal de
Première Instance de Miragoâne et du Parquet près de ce dit
tribunal ; de la DDNi/MENFP ; de la DDNi/MAST ; du Bureau
Electoral Départemental des Nippes (BED-Nippes) et de la Direction de
l'immigration et de l'émigration, pour ne citer que celles-là qui
sont toutes logées au local du complexe administratif public qui se
situe dans la ville de Miragoâne.
Pour ce qui concerne la Police Nationale d'Haïti (PNH), on
rencontre au niveau de cette juridiction le commissariat départemental
qui se situe à Miragoâne avec également la présence
d'une unité spécialisée: Unité
Départementale de Maintien de l'Ordre (UDMO). Il y a également un
sous-commissariat dans chacune des communes y compris un sous-commissariat du
quartier de Saint-Michel du Sud.
Sur le plan judiciaire, on y trouve un Tribunal de
Première Instance (TPI). Ce tribunal qui se situe dans la commune de
Miragoâne a été instauré par la loi du 11 juillet
2002. Cependant, celui-ci ne commence à fonctionner que le 3 octobre
2007, après maintes démarches et mouvements de revendications
faites par la population de cette juridiction, notamment celle de la commune de
Miragoâne. Siégeant à Miragoâne, la juridiction de ce
dit tribunal s'étend sur cinq (5) tribunaux de Paix dont deux d'entre
eux se trouvent dans la commune de Miragoâne : l'un est
situé au centre ville de Miragoâne et l'autre est placé au
niveau du quartier de Saint-Michel du Sud. Ce dernier a été
crée par le décret du 30 octobre 1986 (Moniteur#90, 6 novembre
1986). Pour les autres tribunaux de paix, ils se situent respectivement dans
les communes de Fond des Nègres, paillant et de Petite-Rivière
des Nippes. Il faut noter que le Parquet près du tribunal de
première instance de la juridiction de Miragoâne ouvre ses portes
au même moment que le dit tribunal.
En matière de l'état civil, la juridiction de
Miragoâne renferme également cinq (5) bureaux. Un (1) bureau dans
chacune des communes sauf la commune de Miragoâne qui en a deux. A
l'instar des tribunaux de paix, l'un des bureaux de l'état civil est
situé dans la ville et est censé là, pour desservir la
population centre ville et celle de la première section en raison de sa
proximité. L'autre qui se trouve dans le quartier de Saint Michel du Sud
est, depuis son installation en 2004, cohabité avec le tribunal de paix
de ce dit quartier. Il est censé là pour recevoir non seulement
la population de Saint Michel, à la fois quartier et
4ème section de la commune de Miragoâne mais
également les gens venant des localités de Belle-Rivière
et Dessources, respectivement deuxième et troisième section
communale de Miragoâne.
Il faut noter qu'actuellement dans la juridiction de
Miragoâne les bureaux de l'état civil sont logés dans les
mêmes locaux que les tribunaux de paix. Cette situation est du en vertu
de la loi du 23 juillet 1958 qui, dans ses dispositions, exige que dans chaque
localité ou fonctionne un Tribunal de Paix, les locaux de ce dit
tribunal doit servir également pour loger les Services de l'office de
l'état civil (Moniteur#94, 1958).
Section 2 : Présentation et analyse des
résultats de l'enquête sur les bureaux de l'état
civil
Dans cette section, nous tâchons de présenter et du
coup d'analyser les résultats de l'enquête que nous avons
menée dans les bureaux d'état civil de la juridiction de
Miragoâne. Cette démarche consiste à mettre à
l'épreuve l'hypothèse et l'objectif de la recherche à
partir des données empiriques récoltées sur le terrain
pour ensuite livrer leurs sens dans le contexte théorique de la
recherche. C'est dans cette perspective que nous menons notre enquête au
cours de la période allant du 2 au 12 mai 2021. Les résultats de
notre enquête se présentent sous forme de propositions
catégoriques accompagnées d`explications, afin de vérifier
si notre compréhension est conforme à la réalité et
permettre de montrer que notre traitement des entretiens a été
fait avec objectivité. Car ils vont nous permettre d'examiner en
profondeur les principaux facteurs qui entravent l'enregistrement des actes de
naissance. Pour une meilleure compréhension de cette section, nous
présentons d'abord les démarches méthodologiques
adoptées, ensuite les limites de notre recherche et enfin l'analyse
proprement dite des résultats de l'enquête.
Méthodologie de l'enquête
Dans un souci de clarté et pour permettre une meilleure
compréhension de notre étude, nous avons effectué notre
enquête sur un secteur géographique bien défini, il s'agit
de la juridiction de Miragoâne. Comme nous l'avons déjà
dit, notre recherche a été menée dans les trois (3)
communes abritant les bureaux d'état civil de la juridiction à
savoir les communes de Miragoâne, Petite-Rivière de Nippes et
Fond-des-Nègres. Les bureaux de l'état civil constituent notre
principale population de recherche. Pour recueillir les données, nous
avons utilisé la méthode qualitative.
Limites de notre recherche
Aucun chercheur ne saurait prétendre conduire une
recherche sans se heurter à des embuches et des limites de toutes
catégories ralentissant certaines fois ses élans et compliquant
son travail. Cette recherche est réalisée à partir de la
combinaison de trois techniques de recherches différentes: l'analyse
documentaire, l'observation directe et l'enquête de terrain. Les limites
de chacune de ces techniques étant déjà
présentées, il s'agit ici de s'attarder sur les limites
liées à la passation des guides d'entretien et celles de
l'observation. Dans le cadre de ce travail, nous avons rencontré des
contraintes ayant constitué des freins à notre démarche.
La première limite est liée au désistement spontané
ou à l'absence de certains personnels comme les clercs ayant
préalablement accepté de répondre aux questions. Cette
situation nous a imposé d'effectuer notre enquête seulement
auprès des officiers d'état civil. Une deuxième limite est
inhérente à l'observation directe. Tous les employés des
bureaux d'états civils observés étaient bien
informés à l'avance de notre présence, ils pourraient
éventuellement prendre toutes les dispositions nécessaires pour
que l'espace soit nettoyé et/ou arrangé, avant notre
arrivée. Une troisième limite concerne la réponse des
sujets par rapport aux guides d'entretien, les officiers ne jugent pas
important de nous fournir certaines explications relatives au mode de
rémunération des clercs et nous ont refusé l'accès
à leur registre ce qui nous permettra de vérifier si
effectivement les normes relatives à la transcription des actes de
naissance sont plus ou moins respectées.
Analyse des résultats
Pour pouvoir analyser les données recueillies dans le
cadre de la présente recherche, nous les regroupons autour de 3
thèmes.
D'abord, nous présentons le thème, puis l'objectif
poursuivi par le dit thème. Ensuite, nous exposons et analysons les
résultats qui sont des propositions d'ordre général sur
les pratiques des officiers d'état civil sur la question.
1) Thème 1 : Vérification de l'existence du
personnel attaché au bureau de l'état civil
Par ce premier thème, nous entendons poursuivre un
objectif bien précis. Il s'agit de vérifier le personnel
attaché au bureau de l'état civil. Cependant, il convient de
noter que cette vérification se fait à deux niveaux. Dans un
premier temps, nous prenons en compte l'effectif des employés
attachés au bureau. Cela nous permet de voir si le personnel est
suffisant pour exécuter les tâches essentielles liées au
fonctionnement régulier des bureaux d'état civil. Dans un second
temps, connaitre la formation du personnel, notamment celle liée
directement à leur fonction. Nous faisons référence leur
participation aux ateliers de formation, colloques et séminaires. Ce qui
nous offre l'opportunité de mieux comprendre le lien existant entre le
niveau de formation des employés et la persistance du
phénomène de non enregistrement.
Les opinions des interviewés sont convergées par
rapport à la quantité du personnel attaché au bureau de
l'état civil. Chaque bureau a pratiquement comme personnel un officier
de l'état civil. Ce dernier est un fonctionnaire nommé par le
Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique. Pour
faire fonctionner les bureaux d'état civil, selon le dit des officiers,
la présence des clercs est nécessaire. Dans chaque bureau
d'état civil, le constat montre qu'il existe un clerc. A l'exception du
bureau d'état civil de Miragoâne où l'on en trouve deux. Si
pour les autres bureaux d'état civil le clerc est pris en charge par
l'Etat, ceux de Miragoâne ne sont pas nommés par l'Etat. Par
conséquent, ils ne reçoivent pas un salaire provenant de la
caisse publique. Ils sont considérés comme des clercs
bénévoles. Etant bénévoles, ils n'ont pas un
salaire fixe. En compensation à leur travail, ils reçoivent de
l'officier de l'état civil, chaque semaine, une gratification.
Interrogé sur les sources de provenance et le montant de cette
gratification, l'interviewé nous a déclaré qu'il exige au
comparant, pour chaque acte d'état civil délivré par le
bureau, un frais de service. Quand nous lui questionnons sur le montant des
frais de service versés par les déclarants, aucune réponse
exacte ne nous est donnée. Selon lui, ce montant forfaitaire ne doit pas
être déclaré mais restera à sa discrétion.
Toutefois, pour ce qui concerne la rémunération qu'il attribue
à ses clercs, selon l'officier de l'état civil, il ne s'agit pas
d'un montant fixe et n'est non plus déterminé à l'avance.
Donc, il varie selon la réalité. C'est-à-dire de la
quantité des déclarants qui fréquente le bureau au cours
de la semaine en question. Voulant savoir s'il existe de tâches
spécifiques réservées à chaque clerc, l'officier
nous répond qu'il n'y a pas de tâches spécifiques
réservées à une personne bien déterminée.
Les clercs reçoivent les déclarations dépendamment du
service que réclame le comparant. Si la loi du 20 août 1974
reconnait que l'officier de l'état civil peut choisir un ou plusieurs
secrétaires ou clercs qualifiés uniquement pour la transcription
des actes dans les registres, en principe, la rédaction des actes de
l'état civil devrait être faite par les clercs, et, la signature
seule devrait appartenir à l'officier de l'état civil. Pourtant
dans la réalité ce n'est pas toujours le cas. Dans le cadre de
notre enquête, nous observons, dans certains bureau de l'état
civil, des officiers qui eux-mêmes se chargent de la rédaction et
de l'enregistrement des actes. Selon l'un des officiers interviewé, il
nous a déclaré que certains actes de l'état civil comme le
mariage civil, le divorce par exemple, il se charge lui-même de la
transcription des dits actes. Il est à noter que les bureaux de
l'état civil délivrent différents types d'actes
comme : l'acte de naissance, l'acte de reconnaissance, l'adoption, l'acte
de mariage civil ou religieux, l'acte de divorce, l'acte de
décès, etc.
Quant au petit personnel comme gardien, ménagère et
messager, leur présence n'était pas remarquée lors de
notre enquête. Interrogé sur l'existence de ces employés,
les officiers d'état civil interviewés ont unanimement reconnu
que leurs bureaux fonctionnent sans leur présence. Toutefois, ils
reconnaissent, bien que ces types de personnel ne soient pas directement
concernés par la question de l'enregistrement des actes de l'état
civil délivrés par les bureaux, les officiers savent cependant
que leur absence constituerait un vide, un manquement pour le fonctionnement
normal des bureaux. Pour eux, leur absence pose certains problèmes dans
le fonctionnement régulier du bureau. En règle
générale, ce personnel est là pour s'occuper de la
propreté dans les bâtiments ; la sécurisation des
personnes et la préservation des biens ; le contrôle du
fonctionnement des matériels de bureau et leur maintenance ; la
distribution des courriers, etc. Toutes ces tâches trainent
à être exécutées. Pour exécuter certaines
d'entre elles, dès fois, selon les officiers de l'état civil, le
recours à la bonne volonté des clercs s'impose. Toutefois, pour
réduire la poussière, la boue et toutes autres formes
d'insalubrité dans les bureaux d'état civil leur intervention ne
se fait sans peine.
L'analyse des données, relatives à la
quantité du personnel attaché au bureau d'état civil,
montre qu'il y a certainement un manque en terme quantitatif. Donc, la
quantité de personnel attaché aux dits bureaux est loin
d'être suffisante pour effectuer toutes les tâches relatives au
fonctionnement réel des bureaux.
Concernant le niveau de qualification des officiers d'état
civil, 3 deux interviewés sont des universitaires de niveau licence
notamment en science juridique. Quant à l'autre, il a fait la
9e Année Fondamentale. Pour les clercs ou secrétaires,
leur niveau d'instruction est en générale la classe de
philosophie.
Le personnel attaché au bureau de l'état civil de
la juridiction de Miragoâne possède un niveau académique
acceptable. Car selon les exigences de la loi dans ce domaine, pour exercer la
profession d'officier d'état civil, le niveau de qualification minimale
est la 9e Année Fondamentale.
Pour ce qui concerne la formation relative à l'exercice de
leurs tâches, à date, selon les interviewés, le
Ministère de la Justice n'a mis en place aucun programme destiné
à la formation du personnel attaché au bureau d'état
civil. Certaines fois, selon les interviewés, des rencontres
d'information sont organisées par le Ministère de la Justice,
c'est uniquement pour les informer des dispositions relatives aux
arrêtés sur les actes l'état civil. En ce qui à
trait à la fréquence de ces rencontres, aucune réponse
certaine pour la fréquence. La plus récente remonte en
février 2014. Voulant savoir si les clercs ont reçu une
formation relative à leurs taches, les officiers de l'état civil
ont tous reconnu que la question de la formation des clercs ne fait pas partie
du programme du Ministère de la Justice. Pour exécuter leurs
tâches, ils se sont formés par la routine et la pratique de tous
les jours.
Pour assurer un bon fonctionnement, un personnel formé et
en nombre suffisant est nécessaire à chaque bureau
d'enregistrement des faits d'état civil. N'ayant reçu aucune
formation théorique dans le domaine relatif à la fonction qu'ils
remplissent, n'ayant pas bénéficié d'une
rémunération mensuelle fixe afin de leur enlever toute tentation
de commettre des fraudes, ou de falsifier des documents, on pourrait se
demander si les clercs bénévoles sont motiver pour
exécuter leurs tâches avec de la joie et s'ils ont du souci pour
leur travail. Cette attitude ne devient-elle pas pire quand ils n'ont aucune
certitude s'ils seront effectivement recrutés dans le poste qu'ils
occupent depuis plusieurs années ?
2) Thème 2 : Vérification du matériel
des bureaux de l'état civil
Dans ce thème, les différentes
questions développées nous amèneront à
vérifier si les bureaux de l'état civil disposent de
matériels suffisants et adéquats pour la réalisation de
leur tâche.
Pour que les systèmes d'enregistrement des faits
d'état civil fonctionnent correctement et sans heurt, il est
nécessaire de disposer de ressources suffisantes, notamment en
matière d'infrastructures, de fournitures et d'équipement de
bureaux, notamment et surtout des formulaires d'enregistrement. Au cours de
notre enquête, nous avons constaté que certains bureaux logent des
locaux délabrés. Bien que certains bureaux d'état civil se
trouvent dans des locaux présentant un aspect physique plus ou moins
représentatif, n'empêchent qu'ils se sont
généralement placés au fond des bâtiments dans des
petites pièces. Il faut mentionner qu'en passant, au regard de la loi du
23 juillet 1958, que tous les bureaux de l'état civil de la juridiction
de Miragoâne sont logés dans les locaux des tribunaux de paix.
Ces dits bureaux possèdent des meubles poussiéreux et
rapiécés, de tables bancales et même des registres
rongés par les rats ce qui a attiré notre attention.
La fourniture en temps voulu, les matériels de bureaux
disponibles et en quantité suffisante de formulaires d'enregistrement et
matériels connexes aux bureaux d'état civil au niveau local est
très importante pour assurer l'enregistrement universel, continu et
ponctuel des faits d'état civil. La conservation des registres est aussi
très importante pour éviter toute perte ou
détérioration au fil du temps. Les registres doivent être
stockés et conservés de manière appropriée sur une
longue période pour faciliter la délivrance de documents
juridiques sur demande de toute personne ou institution. Selon les
résultats de l'enquête menée auprès des officiers de
l'état civil nous pouvons remarquer que l'une des principales
difficultés rencontrées par tous les bureaux de l'état
civil de la juridiction est la dotation irrégulière en
matériel et fourniture de bureau pouvant assurer le fonctionnement des
dits bureaux. En effet, d'après l'officier de l'état civil de
Miragoâne, s'agissant des infrastructures de stockage des registres de
l'état civil, il se pourvoit lui-même en certains
équipements comme : bureaux, chaises, armoires où stocker le
double des registres. Quant aux fournitures de bureau comme : plume,
règles, encre, tampon, enveloppes, ruban à encre, papier blanc,
etc. les officiers sont unanimes à le dire que leurs bureaux
possèdent ces fournitures grâce à leur diligence. Ils se
les procurent sur le marché local. Dans ce domaine-ci, pour reprendre
une phrase de l'un des officiers interviewés : le Ministère
de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) qui devrait
être notre fournisseur, est absent.
Pour ce qui concerne les registres, principaux outils de base de
l'enregistrement des actes de l'état civil, la carence est encore plus
marquante. D'après l'un des officiers de l'état civil,
l'approvisionnement des bureaux en registres fait partie des attributions du
service national de contrôle et d'inspection de l'état civil.
C'est lui qui est d'ailleurs chargé d'en faire les commandes afin
d'alimenter les bureaux de l'état civil en temps utile. Or, selon ce
même officier depuis l'année 2012, il n'a pas reçu du
Ministère de la Justice une seule paire de registres. Il se
débrouille lui-même dans des imprimeries qui se trouvent dans la
capitale à Port-au-Prince, pour s'approvisionner. Quand il place des
commandes ça prend toujours du temps pour l'exécution. Dans cet
espace de temps, le bureau compile les différentes déclarations
et donne des rendez-vous aux déclarants.
Toujours selon ce même officier de l'état civil, le
coût relativement élevé d'une paire de registre varie entre
1500 à 2500 gourdes, dépendamment du nombre de pages. Ne
disposant pas toujours de ces sommes au début de l'année, cela
explique en partie qu'il lui parait quasiment impossible pour l'officier
d'avoir des registres à temps et en quantité suffisante.
Pour l'un des officiers de l'état civil, quand il n'a pas
de registres, il reçoit les déclarations de naissance dans des
petits cahiers en attendant d'être ravitaillé par le
Ministère de la Justice ou par d'autres fournisseurs externes qui sont
généralement des imprimeries de la capitale. Dans pareille
condition, les déclarants peuvent-ils avoir confiance que les documents
délivrés par ce bureau d'état civil soient effectivement
enregistrés ?
· Thème 3 : Transmission des données au
bureau des Archives Nationales
Dans ce thème notre objectif est clairement défini.
Nous cherchons à découvrir si les registres provenant des bureaux
de l'état civil sont transférés à temps d'abord au
Parquet de la juridiction pour être acheminé au Ministère
de la Justice qui lui-même doit les transférer au niveau des
Archives Nationales.
La totalité des officiers de l'état civil avec qui
nous avons entretenu affirme qu'ils connaissent très bien le voeu de la
loi sur la question du délai pour la transmission des registres aux
Archives Nationales. D'après l'article 45 du Code Civil haïtien, il
est fait injonction aux officiers de l'état civil de transmettre le
double de tous les registres au Parquet de leur juridiction au plus tard le 10
février pour l'année écoulée. Toutefois, ils
n'arrivent pas à appliquer scrupuleusement le voeu de la loi. Ils
tentent d'expliquer le non respect du délai de transmission des
données par plusieurs raisons. D'un coté, ils avancent la
question de l'indisponibilité des matériels de bureaux,
notamment des registres dans les bureaux d'état civil. Selon les
interviewés, cette question représente la cause fondamentale du
non respect du délai fixé par la loi. Car, les
déclarations enregistrées dans les petits cahiers seront
reportés par la suite sur les registres lorsque les commandes arrivent.
De l'autre, les officiers évoquent le problème de l'insuffisance
du nombre de clercs attaché au service des bureaux de l'état
civil. Etant donné que le nombre est, selon eux, insuffisant
exécuter les différentes taches du bureau,
généralement, les clercs n'arrivent pas à produire, avant
la fin de l'année en cours, le double de tous les registres disponibles.
C'est également, selon les officiers, l'une des causes du non respect
des délais.
Les officiers de l'état civil se plaignent enfin à
l'égard du comportement des autorités du Parquet. Selon eux,
dès fois ils transmettent à temps les registres, pourtant le
Parquet garde ces registres durant plusieurs mois sans les transférer
au Service National de Contrôle et d'Inspection de l'Etat Civil du
Ministère de la Justice, aux fins de les acheminer aux Archives
Nationales. Ne voulant pas rester immobile face à ce problème,
certains officiers de l'état civil tentent d'agir. C'est une situation
qui, selon l'un d'ente eux, peut souiller leur image en tant que notable. Pour
palier ce retard, selon l'officier de l'état civil de Miragoâne,
une fois les registres sont clos et arrêtés par le Commissaire du
Gouvernement et par le Doyen du Tribunal de Première Instance, il se
charge lui-même de transporter les registres qui proviennent de son
bureau au Ministre de la Justice.
A la lumière de ce diagnostic, il ressort que la
problématique du non enregistrement des actes de naissance est complexe
et présente de multiples facettes. Elle est d'abord d'ordre structurel.
Car elle embrasse des problèmes liés à l'organisation du
système de l'état civil. Elle est ensuite infrastructurelle. Elle
touche des problèmes d'accessibilité des lieux d'enregistrement,
des matériels non disponibles pour l'enregistrement. Enfin, elle est
donc aussi un problème communicationnel. La démarche
adoptée au cours de notre recherche aurait pu nous conduire à
limiter notre étude aux effets de l'enregistrement de l'acte de
naissance en droit des personnes et de la famille. Il est vrai que par le biais
de l'enregistrement des actes de naissance les actions de l'officier de
l'état civil doivent s'étendre comme l'expression de la
reconnaissance officielle non seulement de l'individu, en tant que membre
individualisé et intégré dans la société
mais aussi de la famille, en tant que composante incontournable et
indispensable à la vie en société. C'est peut-être
beaucoup trop restreint une telle vision. Sachant que l'acte de naissance
intéresse également l'Etat et tend à satisfaire des
besoins nationaux. L'intérêt présenté par notre
système d'état civil mérite en effet que l'on ouvre notre
réflexion sur d'autres branches du droit notamment le droit public afin
de comprendre, ou d'identifier d'avantage le fonctionnement des bureaux de
l'état civil qui se rapprochent beaucoup plus d'un service judicaire que
d'un service public. C'est sur la base de nos entretiens avec le personnel des
bureaux de l'état civil et des analyses en profondeurs des
différentes théories et pratiques liées à la
gestion efficace des institutions , qu'il convient d'admettre que nous
présentions, au prochain chapitre de notre travail, certaines
propositions stratégiques de renforcement qui nous espérons
pourront être utile. Cette utilité concerne, d'un
côté, à l'organisation pour une amélioration du
problème de non enregistrement des actes de naissance, et de l'autre,
pour la promotion des déclarations de naissances dans la juridiction de
Miragoâne d'une façon particulière et de façon
générale dans l'ensemble du pays.
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