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Etudes des principaux déterminants du non enregistrements des actes de naissance en Haïti : cas de la juridiction de Miragoàne de 1990 à  2000


par Benoit CLEMENT
Cornerstone Christian University - Maitrise 2021
  

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Conclusion de la première partie

Au terme de cette première partie de notre étude, elle nous montre que l'acte de naissance en son essence ne cesse d'être au centre des préoccupations de l'individu pris isolement et de l'Etat lui-même en tant que puissance régulatrice. L'éventail des regards posés sur lui est fait qu'il devient un élément précieux et même vital. Quelles que soient les prises de positions en la matière, elles visent à influencer in fine les logiques qui sous tendent son rattachement au fonctionnement de tous les jours dans toutes les grandes décisions sociales et politiques de l'individu.

Toutefois, le diagnostic de la situation de l'état civil fait ressortir un certain nombre de difficultés, de contraintes et d'écarts qui ne facilitent pas l'enregistrement des enfants dès leur naissance, comme en témoignent des études ou recherche-action menées par des organisations internationales comme l'Unicef par exemple. Le fait d'être enregistré confère selon la revue Innocenti Digest de l'UNICEF, des droits et des privilèges aux enfants dans les domaines de l'alimentation, de la santé, de l'éducation. Selon la même source, il ouvre la porte aux droits que de nombreux adultes considèrent comme acquis : le droit de posséder un bien, de voter et de se présenter à une élection, d'obtenir un passeport, etc. Les enfants non enregistrés sont extrêmement vulnérables aux abus de toutes sortes et sont des proies faciles pour les trafiquants, les esclavagistes, les employeurs peu scrupuleux et d'autres individus de mauvaise foi. Pire, informe le document, les enfants sans papiers peuvent être pris pour des adultes qu'ils soient victimes ou coupables de crimes alors qu'en tant qu'enfant ils auraient eu droit à une protection spéciale. L'acte de naissance révèle non seulement le destin de l'individu et des familles, mais également celle d'une société toute entière. Conscient de son importance, les pouvoirs publics se livrent à une quête perpétuelle en vue d'améliorer les conditions de conservation des données de l'état civil. En tant que mode de preuve de l'état de personnes, il peut toutefois paraitre surprenant que l'acte de naissance présente encore certaines imperfections en ce qui concerne notamment au niveau de son enregistrement. C'est sans doute pour cette raison qu'un diagnostic approfondi sera faite dans la juridiction de Miragoâne afin de mieux scruter le problème. Une analyse approfondie sera faite des données provenant des bureaux d'état civil avec une attention particulière aux officiers de l'état civil. Acteur original en droit de la personne et de la famille, l'officier de l'état civil pourrait être considéré comme chef de file du système de l'état civil. De la naissance au décès, en passant par la célébration d'un mariage, la reconnaissance d'un enfant naturel, les actes qu'il dresse sont autant de preuves de la situation des personnes et des citoyens. L'entretien et la conservation des registres qu'il exerce dans sa fonction font de lui un maillon essentiel dans l'histoire de la famille en particulier et celle de la societe en générale.

Deuxième partie

Analyse du phénomène de non enregistrement des actes de naissance en Haïti plus particulièrement dans la juridiction de Miragoâne et des pistes de solutions vers son amélioration

La loi sur l'état civil en l'occurrence le Code Civil, distingue quatre types d'actes de l'état civil lesquels correspondent aux grandes étapes de la vie des individus et des familles. Compétence exclusive est donc donnée à l'officier de l'état civil pour marquer du sceau de la souveraineté les événements les plus marquants et non moins importants de la vie des individus à l'occasion de l'établissement des actes de naissance, de mariage de reconnaissance et de décès. Il ne fait dès lors aucun doute, au vu de ces attributions, que l'officier de l'état civil contribue tant à l'identification des citoyens qu'à l'individualisation des personnes. En enregistrant puis en consignant les données fournies par les déclarants dans les registres, l'acte est le plus strict reflet des dires des comparants ou parties. Les attributions de l'officier de l'état civil ont un rôle essentiel dans la détermination du but originel et de la fin naturelle de la vie, à une époque ou l'intervention humaine n'a de cesse de repousser les limites de l'existence. Le Code Civil donne les dispositions générales relatives à l'enregistrement des actes de naissance, toutefois certains décrets et arrêtés fixent des conditions particulières. L'application rigoureuse de ces règles est importante en ce qu'elles conditionnent les effets de l'acte de naissance à compter de son enregistrement à l'état civil. L'enregistrement de l'acte de

naissance constitue le point de départ d'un fichage qui doit durer toute la vie. Car c'est Isabelle Dauriac qui disait que l'état civil est irréversible. Quelle que soit sa politique, l'État a besoin pour la mener à bien, d'être en mesure d'identifier les personnes à qui elle s'adresse. Ainsi, l'invention des moyens nécessaires et la connexion entre les différents acteurs pour facilité le fonctionnement des techniques sont de l'apanage de chaque État. C'est pourquoi dans cette partie du travail nous allons investiguer le mode de fonctionnement des bureaux de l'état civil dans la juridiction de Miragoâne (chapitre I) pour pouvoir faire des propositions relatives à leur fonctionnement(chapitre 2).

Chapitre I : Enquête sur le fonctionnement des bureaux de l'état civil dans la juridiction de Miragoâne

Ce chapitre présente les résultats de la deuxième phase de notre recherche, comme il a été clairement expliqué dans la partie traitant de la méthodologie utilisée. Pour y parvenir il est question d'une part, de faire une présentation de la juridiction de Miragoâne. Cette présentation portera sur deux (2) aspects essentiels : l'aspect physique et l'aspect administratif (section1). D'autre part, présenter et analyser les résultats des données de l'enquête menée dans les bureaux de l'état civil de cette juridiction (section 2).

Section1 : Présentation de la juridiction de Miragoâne

Dans le cadre de cette section de notre travail de recherche, nous tentons de présenter la juridiction de Miragoâne qui comporte quatre (4) communes : Miragoâne, Petite-Rivière de Nippes, Paillant et Fond des Nègres. Pour éviter l'alourdissement des données sur la zone d'étude, nous ne retenons que certaines données sur les aspects physico-légal et administratif.

a. Aspect physico-légal

Cette partie prend en compte seulement les aspects légaux (loi portant création du département) ainsi que certains aspects relatifs à la démographie de la population à travers les différentes communes de l'arrondissement. Aussi, une présentation sommaire et sélective de certains éléments relatifs aux activités économiques retrouvées dans les communes sera faite.

§ Aspect légal

La juridiction de Miragoâne, comme dit précédemment, avec ses quatre communes forme également l'arrondissement de Miragoâne. A côté de cet arrondissement, on trouve deux autres, l'arrondissement de l'Anse-à-veau et celui des Barradères. Ce sont ces trois (3) arrondissements qui composent le département des Nippes. Ce dernier est crée grâce à un projet de loi déposé au parlement par le pouvoir exécutif d'alors. Ce dit projet a été voté à la chambre basse (chambre des députés), le 18 juin 2003 et par le Sénat, le 4 septembre 2003. L'exécutif a publié cette loi dans le journal officiel de la République, Le Moniteur, le 30 octobre de la même année. D'après cette loi, ce département compte onze (11) communes ; onze (11) quartiers et trente-sept (37) sections communales (Moniteur#82, 2003).

§ Aspect démographique

Selon les données de l'Institut Haïtien des Statistiques Internationales (IHSI), l'arrondissement de Miragoâne à une population estimée à plus de 141 826 habitants dont 85 924 habitants vivant dans les sections rurales, soit environ 61 % de la population. Cependant, la dernière estimation de la population totale, par sexe et population de 18 ans et plus estimées en 2009, au niveau des différentes unités géographiques réalisée par l'Institut haïtien de statistique et d'informatique (IHSI) a évalué cette population à 128 979 habitants. En six (6) ans, de 2009 à 2015, la population des communes et sections communales qui composent l'arrondissement de Miragoâne a augmenté de 12,847 habitants environ, ce qui donne une augmentation de 10% par rapport à la population recensée en 2009. A ce rythme, la population risquera d'atteindre les 180.000 à l'horizon de 2030. Cet arrondissement couvre un espace de terre pouvant être estimé à 435 km2 (IHSI, 2015).

Si l'on veut présenter la répartition des populations de cet arrondissement à travers ces quatre communes, on aura :

Tableau de répartition des populations par commune

Commune

Superficie (Km2)

Population

Densité

Miragoâne

185.87

62 528

336

Fond des Nègres

92.23

33 413

362

Petite-Rivière

93.70

28 553

305

Paillant

63.27

7 332

274

§ Aspect économique

Sur le plan économique, selon une enquête menée par le Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) le secteur primaire au niveau de l'arrondissement de Miragoâne occupe une place très importante dans l'économie. Toutes les activités du secteur primaires confondues mobilisent environ 75% de la population active de l'arrondissement, l'agriculture représente quand à elle plus 65% de la population active. Bien qu'elle soit l'activité la plus importante du secteur primaire, sa tendance n'est pas trop différente de celle qui prédomine à l'échelle nationale où plus de 60% de la population active dans les milieux ruraux se trouvent concentré dans l'agriculture (MARNDR, 2008).

Toujours d'après les résultats de cette enquête, la seconde activité ou catégorie importante est le commerce qui mobilise 18% de la population active. Il contribue à donner un nombre non négligeable d'emplois à une bonne partie de la population active, notamment les femmes. Les deux plus grands pôles d'activités commerciales sont, d'abord, la commune de Miragoâne qui est le chef lieu du département et possède l'un des principaux ports de commerce haïtien. Ce port reçoit généralement des cargaisons d'objets manufacturés en provenance des États-Unis d'Amérique. Il n'est pas inutile de mentionner que les installations portuaires étaient également utilisées par la compagnie américaine Reynolds Metals Company spécialisée dans l'aluminium et l'exportation de la bauxite en provenance notamment d'Haïti, notamment dans la commune de Paillant. Cette compagnie a quitté le territoire haïtien laissant derrière elle de grosses infrastructures, notamment un port en eaux profondes. Ce port a remplacé en 2010 l'ancien port civil de la commune qui a été endommagé avec le séisme du 12 janvier 2010. Ensuite la commune de Fond des Nègres qui, grâce a son marché, mobilise une part importante de semi détaillants et de petits marchandes de la région grand sud, en particulier du département des Nippes. Les produits vendus sont essentiellement constitués des produits agricoles de première nécessité, de certains produits manufacturés, et d'autres produits en provenance de l'étranger. Ce marché existe certes, mais n'est généralement doté d'aucune infrastructure de base. Il est représenté essentiellement par des espaces physiques aménagés en plein air, au bord de la route nationale #2 conduisant vers les Cayes. L'essentiel des échanges est réalisé dans le secteur informel, entre les agents des différentes communes du département et ceux venant de l'extérieur, c'est-à-dire des communes qui se trouvant dans des départements voisins, comme l'Ouest et le Sud en particuliers.

Toutefois, tenant compte du caractère informel des échanges au niveau de l'arrondissement, il parait assez difficile de disposer de données suffisantes permettant en quelque sorte de chiffrer les flux commerciaux. Quant aux activités du secteur secondaire, elles sont marginales et englobent la transformation artisanale des ressources naturelles.

§ Aspect administratif

Sur le plan administratif, c'est la juridiction de Miragoâne qui détiendrait la majorité des institutions publiques du département. On pourrait se demander pourquoi une telle organisation. Peut-être parce qu'il est plus proche géographiquement de la capitale du pays. Peut-être parce qu'il est administrativement le chef lieu du département des Nippes également chef lieu de l'arrondissement de Miragoâne. On n'a aucune évidence. Sauf nous constatons que presque toutes les institutions publiques sont représentées, sauf qu'elles sont présentes uniquement au niveau des villes de Miragoâne et de Fond des Nègres. On y retrouve : les directions départementales du Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (DDNi/MARNDR), du Ministère de l'Education Nationale et de la Formation Professionnelle (DDNi/MENFP), du Ministère de la Santé Publique et de la Population (DDNi/MSPP), du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (DDNi/MPCE), du Ministère des Travaux Publics du Transport et de la Communication (DDNi/MTPTC), du Ministère de l'Economie et des Finances (DDNi/MEF), du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (DDNi/MAST) et du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique via la PNH (DDNi/PNH) et le Parquet près le tribunal de première Instance de Miragoâne. Parallèlement, le Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT) est représenté dans l'arrondissement par la délégation, les Mairies et les autres Collectivités Territoriales locales. Les membres des Collectivités Territoriales locales sont les plus présents au niveau de l'arrondissement, car on retrouve les CASECS et ASECS au niveau de toutes les sections communales.

Il faut souligner qu'en passant que depuis 2020, plusieurs institutions publiques sont en cohabitations. C'est le cas du Tribunal de Première Instance de Miragoâne et du Parquet près de ce dit tribunal ; de la DDNi/MENFP ; de la DDNi/MAST ; du Bureau Electoral Départemental des Nippes (BED-Nippes) et de la Direction de l'immigration et de l'émigration, pour ne citer que celles-là qui sont toutes logées au local du complexe administratif public qui se situe dans la ville de Miragoâne.

Pour ce qui concerne la Police Nationale d'Haïti (PNH), on rencontre au niveau de cette juridiction le commissariat départemental qui se situe à Miragoâne avec également la présence d'une unité spécialisée: Unité Départementale de Maintien de l'Ordre (UDMO). Il y a également un sous-commissariat dans chacune des communes y compris un sous-commissariat du quartier de Saint-Michel du Sud.

Sur le plan judiciaire, on y trouve un Tribunal de Première Instance (TPI). Ce tribunal qui se situe dans la commune de Miragoâne a été instauré par la loi du 11 juillet 2002. Cependant, celui-ci ne commence à fonctionner que le 3 octobre 2007, après maintes démarches et mouvements de revendications faites par la population de cette juridiction, notamment celle de la commune de Miragoâne. Siégeant à Miragoâne, la juridiction de ce dit tribunal s'étend sur cinq (5) tribunaux de Paix dont deux d'entre eux se trouvent dans la commune de Miragoâne : l'un est situé au centre ville de Miragoâne et l'autre est placé au niveau du quartier de Saint-Michel du Sud. Ce dernier a été crée par le décret du 30 octobre 1986 (Moniteur#90, 6 novembre 1986). Pour les autres tribunaux de paix, ils se situent respectivement dans les communes de Fond des Nègres, paillant et de Petite-Rivière des Nippes. Il faut noter que le Parquet près du tribunal de première instance de la juridiction de Miragoâne ouvre ses portes au même moment que le dit tribunal.

En matière de l'état civil, la juridiction de Miragoâne renferme également cinq (5) bureaux. Un (1) bureau dans chacune des communes sauf la commune de Miragoâne qui en a deux. A l'instar des tribunaux de paix, l'un des bureaux de l'état civil est situé dans la ville et est censé là, pour desservir la population centre ville et celle de la première section en raison de sa proximité. L'autre qui se trouve dans le quartier de Saint Michel du Sud est, depuis son installation en 2004, cohabité avec le tribunal de paix de ce dit quartier. Il est censé là pour recevoir non seulement la population de Saint Michel, à la fois quartier et 4ème section de la commune de Miragoâne mais également les gens venant des localités de Belle-Rivière et Dessources, respectivement deuxième et troisième section communale de Miragoâne.

Il faut noter qu'actuellement dans la juridiction de Miragoâne les bureaux de l'état civil sont logés dans les mêmes locaux que les tribunaux de paix. Cette situation est du en vertu de la loi du 23 juillet 1958 qui, dans ses dispositions, exige que dans chaque localité ou fonctionne un Tribunal de Paix, les locaux de ce dit tribunal doit servir également pour loger les Services de l'office de l'état civil (Moniteur#94, 1958).

Section 2 : Présentation et analyse des résultats de l'enquête sur les bureaux de l'état civil

Dans cette section, nous tâchons de présenter et du coup d'analyser les résultats de l'enquête que nous avons menée dans les bureaux d'état civil de la juridiction de Miragoâne. Cette démarche consiste à mettre à l'épreuve l'hypothèse et l'objectif de la recherche à partir des données empiriques récoltées sur le terrain pour ensuite livrer leurs sens dans le contexte théorique de la recherche. C'est dans cette perspective que nous menons notre enquête au cours de la période allant du 2 au 12 mai 2021. Les résultats de notre enquête se présentent sous forme de propositions catégoriques accompagnées d`explications, afin de vérifier si notre compréhension est conforme à la réalité et permettre de montrer que notre traitement des entretiens a été fait avec objectivité. Car ils vont nous permettre d'examiner en profondeur les principaux facteurs qui entravent l'enregistrement des actes de naissance. Pour une meilleure compréhension de cette section, nous présentons d'abord les démarches méthodologiques adoptées, ensuite les limites de notre recherche et enfin l'analyse proprement dite des résultats de l'enquête.

Méthodologie de l'enquête

Dans un souci de clarté et pour permettre une meilleure compréhension de notre étude, nous avons effectué notre enquête sur un secteur géographique bien défini, il s'agit de la juridiction de Miragoâne. Comme nous l'avons déjà dit, notre recherche a été menée dans les trois (3) communes abritant les bureaux d'état civil de la juridiction à savoir les communes de Miragoâne, Petite-Rivière de Nippes et Fond-des-Nègres. Les bureaux de l'état civil constituent notre principale population de recherche. Pour recueillir les données, nous avons utilisé la méthode qualitative.

Limites de notre recherche

Aucun chercheur ne saurait prétendre conduire une recherche sans se heurter à des embuches et des limites de toutes catégories ralentissant certaines fois ses élans et compliquant son travail. Cette recherche est réalisée à partir de la combinaison de trois techniques de recherches différentes: l'analyse documentaire, l'observation directe et l'enquête de terrain. Les limites de chacune de ces techniques étant déjà présentées, il s'agit ici de s'attarder sur les limites liées à la passation des guides d'entretien et celles de l'observation. Dans le cadre de ce travail, nous avons rencontré des contraintes ayant constitué des freins à notre démarche. La première limite est liée au désistement spontané ou à l'absence de certains personnels comme les clercs ayant préalablement accepté de répondre aux questions. Cette situation nous a imposé d'effectuer notre enquête seulement auprès des officiers d'état civil. Une deuxième limite est inhérente à l'observation directe. Tous les employés des bureaux d'états civils observés étaient bien informés à l'avance de notre présence, ils pourraient éventuellement prendre toutes les dispositions nécessaires pour que l'espace soit nettoyé et/ou arrangé, avant notre arrivée. Une troisième limite concerne la réponse des sujets par rapport aux guides d'entretien, les officiers ne jugent pas important de nous fournir certaines explications relatives au mode de rémunération des clercs et nous ont refusé l'accès à leur registre ce qui nous permettra de vérifier si effectivement les normes relatives à la transcription des actes de naissance sont plus ou moins respectées.

Analyse des résultats

Pour pouvoir analyser les données recueillies dans le cadre de la présente recherche, nous les regroupons autour de 3 thèmes.

D'abord, nous présentons le thème, puis l'objectif poursuivi par le dit thème. Ensuite, nous exposons et analysons les résultats qui sont des propositions d'ordre général sur les pratiques des officiers d'état civil sur la question.

1) Thème 1 : Vérification de l'existence du personnel attaché au bureau de l'état civil

Par ce premier thème, nous entendons poursuivre un objectif bien précis. Il s'agit de vérifier le personnel attaché au bureau de l'état civil. Cependant, il convient de noter que cette vérification se fait à deux niveaux. Dans un premier temps, nous prenons en compte l'effectif des employés attachés au bureau. Cela nous permet de voir si le personnel est suffisant pour exécuter les tâches essentielles liées au fonctionnement régulier des bureaux d'état civil. Dans un second temps, connaitre la formation du personnel, notamment celle liée directement à leur fonction. Nous faisons référence leur participation aux ateliers de formation, colloques et séminaires. Ce qui nous offre l'opportunité de mieux comprendre le lien existant entre le niveau de formation des employés et la persistance du phénomène de non enregistrement.

Les opinions des interviewés sont convergées par rapport à la quantité du personnel attaché au bureau de l'état civil. Chaque bureau a pratiquement comme personnel un officier de l'état civil. Ce dernier est un fonctionnaire nommé par le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique. Pour faire fonctionner les bureaux d'état civil, selon le dit des officiers, la présence des clercs est nécessaire. Dans chaque bureau d'état civil, le constat montre qu'il existe un clerc. A l'exception du bureau d'état civil de Miragoâne où l'on en trouve deux. Si pour les autres bureaux d'état civil le clerc est pris en charge par l'Etat, ceux de Miragoâne ne sont pas nommés par l'Etat. Par conséquent, ils ne reçoivent pas un salaire provenant de la caisse publique. Ils sont considérés comme des clercs bénévoles. Etant bénévoles, ils n'ont pas un salaire fixe. En compensation à leur travail, ils reçoivent de l'officier de l'état civil, chaque semaine, une gratification. Interrogé sur les sources de provenance et le montant de cette gratification, l'interviewé nous a déclaré qu'il exige au comparant, pour chaque acte d'état civil délivré par le bureau, un frais de service. Quand nous lui questionnons sur le montant des frais de service versés par les déclarants, aucune réponse exacte ne nous est donnée. Selon lui, ce montant forfaitaire ne doit pas être déclaré mais restera à sa discrétion. Toutefois, pour ce qui concerne la rémunération qu'il attribue à ses clercs, selon l'officier de l'état civil, il ne s'agit pas d'un montant fixe et n'est non plus déterminé à l'avance. Donc, il varie selon la réalité. C'est-à-dire de la quantité des déclarants qui fréquente le bureau au cours de la semaine en question. Voulant savoir s'il existe de tâches spécifiques réservées à chaque clerc, l'officier nous répond qu'il n'y a pas de tâches spécifiques réservées à une personne bien déterminée. Les clercs reçoivent les déclarations dépendamment du service que réclame le comparant. Si la loi du 20 août 1974 reconnait que l'officier de l'état civil peut choisir un ou plusieurs secrétaires ou clercs qualifiés uniquement pour la transcription des actes dans les registres, en principe, la rédaction des actes de l'état civil devrait être faite par les clercs, et, la signature seule devrait appartenir à l'officier de l'état civil. Pourtant dans la réalité ce n'est pas toujours le cas. Dans le cadre de notre enquête, nous observons, dans certains bureau de l'état civil, des officiers qui eux-mêmes se chargent de la rédaction et de l'enregistrement des actes. Selon l'un des officiers interviewé, il nous a déclaré que certains actes de l'état civil comme le mariage civil, le divorce par exemple, il se charge lui-même de la transcription des dits actes. Il est à noter que les bureaux de l'état civil délivrent différents types d'actes comme : l'acte de naissance, l'acte de reconnaissance, l'adoption, l'acte de mariage civil ou religieux, l'acte de divorce, l'acte de décès, etc.

Quant au petit personnel comme gardien, ménagère et messager, leur présence n'était pas remarquée lors de notre enquête. Interrogé sur l'existence de ces employés, les officiers d'état civil interviewés ont unanimement reconnu que leurs bureaux fonctionnent sans leur présence. Toutefois, ils reconnaissent, bien que ces types de personnel ne soient pas directement concernés par la question de l'enregistrement des actes de l'état civil délivrés par les bureaux, les officiers savent cependant que leur absence constituerait un vide, un manquement pour le fonctionnement normal des bureaux. Pour eux, leur absence pose certains problèmes dans le fonctionnement régulier du bureau. En règle générale, ce personnel est là pour s'occuper de la propreté dans les bâtiments ; la sécurisation des personnes et la préservation des biens ; le contrôle du fonctionnement des matériels de bureau et leur maintenance ; la distribution des courriers, etc. Toutes ces tâches trainent à être exécutées. Pour exécuter certaines d'entre elles, dès fois, selon les officiers de l'état civil, le recours à la bonne volonté des clercs s'impose. Toutefois, pour réduire la poussière, la boue et toutes autres formes d'insalubrité dans les bureaux d'état civil leur intervention ne se fait sans peine.

L'analyse des données, relatives à la quantité du personnel attaché au bureau d'état civil, montre qu'il y a certainement un manque en terme quantitatif. Donc, la quantité de personnel attaché aux dits bureaux est loin d'être suffisante pour effectuer toutes les tâches relatives au fonctionnement réel des bureaux.

Concernant le niveau de qualification des officiers d'état civil, 3 deux interviewés sont des universitaires de niveau licence notamment en science juridique. Quant à l'autre, il a fait la 9e Année Fondamentale. Pour les clercs ou secrétaires, leur niveau d'instruction est en générale la classe de philosophie.

Le personnel attaché au bureau de l'état civil de la juridiction de Miragoâne possède un niveau académique acceptable. Car selon les exigences de la loi dans ce domaine, pour exercer la profession d'officier d'état civil, le niveau de qualification minimale est la 9e Année Fondamentale.

Pour ce qui concerne la formation relative à l'exercice de leurs tâches, à date, selon les interviewés, le Ministère de la Justice n'a mis en place aucun programme destiné à la formation du personnel attaché au bureau d'état civil. Certaines fois, selon les interviewés, des rencontres d'information sont organisées par le Ministère de la Justice, c'est uniquement pour les informer des dispositions relatives aux arrêtés sur les actes l'état civil. En ce qui à trait à la fréquence de ces rencontres, aucune réponse certaine pour la fréquence. La plus récente remonte en février 2014. Voulant savoir si les clercs ont reçu une formation relative à leurs taches, les officiers de l'état civil ont tous reconnu que la question de la formation des clercs ne fait pas partie du programme du Ministère de la Justice. Pour exécuter leurs tâches, ils se sont formés par la routine et la pratique de tous les jours.

Pour assurer un bon fonctionnement, un personnel formé et en nombre suffisant est nécessaire à chaque bureau d'enregistrement des faits d'état civil. N'ayant reçu aucune formation théorique dans le domaine relatif à la fonction qu'ils remplissent, n'ayant pas bénéficié d'une rémunération mensuelle fixe afin de leur enlever toute tentation de commettre des fraudes, ou de falsifier des documents, on pourrait se demander si les clercs bénévoles sont motiver pour exécuter leurs tâches avec de la joie et s'ils ont du souci pour leur travail. Cette attitude ne devient-elle pas pire quand ils n'ont aucune certitude s'ils seront effectivement recrutés dans le poste qu'ils occupent depuis plusieurs années ?

2) Thème 2 : Vérification du matériel des bureaux de l'état civil

Dans ce thème, les différentes questions développées nous amèneront à vérifier si les bureaux de l'état civil disposent de matériels suffisants et adéquats pour la réalisation de leur tâche.

Pour que les systèmes d'enregistrement des faits d'état civil fonctionnent correctement et sans heurt, il est nécessaire de disposer de ressources suffisantes, notamment en matière d'infrastructures, de fournitures et d'équipement de bureaux, notamment et surtout des formulaires d'enregistrement. Au cours de notre enquête, nous avons constaté que certains bureaux logent des locaux délabrés. Bien que certains bureaux d'état civil se trouvent dans des locaux présentant un aspect physique plus ou moins représentatif, n'empêchent qu'ils se sont généralement placés au fond des bâtiments dans des petites pièces. Il faut mentionner qu'en passant, au regard de la loi du 23 juillet 1958, que tous les bureaux de l'état civil de la juridiction de Miragoâne sont logés dans les locaux des tribunaux de paix. Ces dits bureaux possèdent des meubles poussiéreux et rapiécés, de tables bancales et même des registres rongés par les rats ce qui a attiré notre attention.

La fourniture en temps voulu, les matériels de bureaux disponibles et en quantité suffisante de formulaires d'enregistrement et matériels connexes aux bureaux d'état civil au niveau local est très importante pour assurer l'enregistrement universel, continu et ponctuel des faits d'état civil. La conservation des registres est aussi très importante pour éviter toute perte ou détérioration au fil du temps. Les registres doivent être stockés et conservés de manière appropriée sur une longue période pour faciliter la délivrance de documents juridiques sur demande de toute personne ou institution. Selon les résultats de l'enquête menée auprès des officiers de l'état civil nous pouvons remarquer que l'une des principales difficultés rencontrées par tous les bureaux de l'état civil de la juridiction est la dotation irrégulière en matériel et fourniture de bureau pouvant assurer le fonctionnement des dits bureaux. En effet, d'après l'officier de l'état civil de Miragoâne, s'agissant des infrastructures de stockage des registres de l'état civil, il se pourvoit lui-même en certains équipements comme : bureaux, chaises, armoires où stocker le double des registres. Quant aux fournitures de bureau comme : plume, règles, encre, tampon, enveloppes, ruban à encre, papier blanc, etc. les officiers sont unanimes à le dire que leurs bureaux possèdent ces fournitures grâce à leur diligence. Ils se les procurent sur le marché local. Dans ce domaine-ci, pour reprendre une phrase de l'un des officiers interviewés : le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) qui devrait être notre fournisseur, est absent.

Pour ce qui concerne les registres, principaux outils de base de l'enregistrement des actes de l'état civil, la carence est encore plus marquante. D'après l'un des officiers de l'état civil, l'approvisionnement des bureaux en registres fait partie des attributions du service national de contrôle et d'inspection de l'état civil. C'est lui qui est d'ailleurs chargé d'en faire les commandes afin d'alimenter les bureaux de l'état civil en temps utile. Or, selon ce même officier depuis l'année 2012, il n'a pas reçu du Ministère de la Justice une seule paire de registres. Il se débrouille lui-même dans des imprimeries qui se trouvent dans la capitale à Port-au-Prince, pour s'approvisionner. Quand il place des commandes ça prend toujours du temps pour l'exécution. Dans cet espace de temps, le bureau compile les différentes déclarations et donne des rendez-vous aux déclarants.

Toujours selon ce même officier de l'état civil, le coût relativement élevé d'une paire de registre varie entre 1500 à 2500 gourdes, dépendamment du nombre de pages. Ne disposant pas toujours de ces sommes au début de l'année, cela explique en partie qu'il lui parait quasiment impossible pour l'officier d'avoir des registres à temps et en quantité suffisante.

Pour l'un des officiers de l'état civil, quand il n'a pas de registres, il reçoit les déclarations de naissance dans des petits cahiers en attendant d'être ravitaillé par le Ministère de la Justice ou par d'autres fournisseurs externes qui sont généralement des imprimeries de la capitale. Dans pareille condition, les déclarants peuvent-ils avoir confiance que les documents délivrés par ce bureau d'état civil soient effectivement enregistrés ?

· Thème 3 : Transmission des données au bureau des Archives Nationales

Dans ce thème notre objectif est clairement défini. Nous cherchons à découvrir si les registres provenant des bureaux de l'état civil sont transférés à temps d'abord au Parquet de la juridiction pour être acheminé au Ministère de la Justice qui lui-même doit les transférer au niveau des Archives Nationales.

La totalité des officiers de l'état civil avec qui nous avons entretenu affirme qu'ils connaissent très bien le voeu de la loi sur la question du délai pour la transmission des registres aux Archives Nationales. D'après l'article 45 du Code Civil haïtien, il est fait injonction aux officiers de l'état civil de transmettre le double de tous les registres au Parquet de leur juridiction au plus tard le 10 février pour l'année écoulée. Toutefois, ils n'arrivent pas à appliquer scrupuleusement le voeu de la loi. Ils tentent d'expliquer le non respect du délai de transmission des données par plusieurs raisons. D'un coté, ils avancent la question de l'indisponibilité des matériels de bureaux, notamment des registres dans les bureaux d'état civil. Selon les interviewés, cette question représente la cause fondamentale du non respect du délai fixé par la loi. Car, les déclarations enregistrées dans les petits cahiers seront reportés par la suite sur les registres lorsque les commandes arrivent. De l'autre, les officiers évoquent le problème de l'insuffisance du nombre de clercs attaché au service des bureaux de l'état civil. Etant donné que le nombre est, selon eux, insuffisant exécuter les différentes taches du bureau, généralement, les clercs n'arrivent pas à produire, avant la fin de l'année en cours, le double de tous les registres disponibles. C'est également, selon les officiers, l'une des causes du non respect des délais.

Les officiers de l'état civil se plaignent enfin à l'égard du comportement des autorités du Parquet. Selon eux, dès fois ils transmettent à temps les registres, pourtant le Parquet garde ces registres durant plusieurs mois sans les transférer au Service National de Contrôle et d'Inspection de l'Etat Civil du Ministère de la Justice, aux fins de les acheminer aux Archives Nationales. Ne voulant pas rester immobile face à ce problème, certains officiers de l'état civil tentent d'agir. C'est une situation qui, selon l'un d'ente eux, peut souiller leur image en tant que notable. Pour palier ce retard, selon l'officier de l'état civil de Miragoâne, une fois les registres sont clos et arrêtés par le Commissaire du Gouvernement et par le Doyen du Tribunal de Première Instance, il se charge lui-même de transporter les registres qui proviennent de son bureau au Ministre de la Justice.

A la lumière de ce diagnostic, il ressort que la problématique du non enregistrement des actes de naissance est complexe et présente de multiples facettes. Elle est d'abord d'ordre structurel. Car elle embrasse des problèmes liés à l'organisation du système de l'état civil. Elle est ensuite infrastructurelle. Elle touche des problèmes d'accessibilité des lieux d'enregistrement, des matériels non disponibles pour l'enregistrement. Enfin, elle est donc aussi un problème communicationnel. La démarche adoptée au cours de notre recherche aurait pu nous conduire à limiter notre étude aux effets de l'enregistrement de l'acte de naissance en droit des personnes et de la famille. Il est vrai que par le biais de l'enregistrement des actes de naissance les actions de l'officier de l'état civil doivent s'étendre comme l'expression de la reconnaissance officielle non seulement de l'individu, en tant que membre individualisé et intégré dans la société mais aussi de la famille, en tant que composante incontournable et indispensable à la vie en société. C'est peut-être beaucoup trop restreint une telle vision. Sachant que l'acte de naissance intéresse également l'Etat et tend à satisfaire des besoins nationaux. L'intérêt présenté par notre système d'état civil mérite en effet que l'on ouvre notre réflexion sur d'autres branches du droit notamment le droit public afin de comprendre, ou d'identifier d'avantage le fonctionnement des bureaux de l'état civil qui se rapprochent beaucoup plus d'un service judicaire que d'un service public. C'est sur la base de nos entretiens avec le personnel des bureaux de l'état civil et des analyses en profondeurs des différentes théories et pratiques liées à la gestion efficace des institutions , qu'il convient d'admettre que nous présentions, au prochain chapitre de notre travail, certaines propositions stratégiques de renforcement qui nous espérons pourront être utile. Cette utilité concerne, d'un côté, à l'organisation pour une amélioration du problème de non enregistrement des actes de naissance, et de l'autre, pour la promotion des déclarations de naissances dans la juridiction de Miragoâne d'une façon particulière et de façon générale dans l'ensemble du pays.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo