5.4 La relativation
Dans cette section, il sera question pour nous de parler de la
relativation en Shupamem, pour cela, il importe tout d'abord de définir
ce qu'on entend par relativation. Selon Ondoua (2004 :66), la relativation est
la formation des propositions relatives. Il s'agit d'une opération de
fusion de deux phrases pour en former une seule ; un enchâssement dans
une phrase de base d'une phrase dite relative grâce à
l'utilisation d'un pronom relatif.
Dubois et al (2001) quant à eux pensent qu'en grammaire
générative, la relativation est la formation d'une relative par
une transformation qui enchâsse une phrase (phrase constituante) dans le
syntagme nominal d'une autre phrase (phrase matrice) au moyen d'un relatif.
Ondoua (2004 :66), parlant de la relativation en Shupamem
s'appuie sur la notion de la hiérarchie d'accessibilité à
la position de sujet. Nous entendons par hiérarchie
d'accessibilité à la position de sujet l'idée selon
laquelle si on peut former les propositions relatives à un niveau
précis sur la hiérarchie, il est possible de former des
propositions à toutes les positions supérieures (à la
gauche sur la hiérarchie).
Ceci dit, nous allons parler de la relativation du sujet, du
complément d'objet direct, du complément d'objet indirect et du
complément circonstanciel.
5.4.1 Relativation du sujet
Observons les phrases suivantes :
(41) m?Ìn juoì ù ø-
mbiÌ??Ì n?ì pî -twoÌ ?aìiÌ.
enfant qui 2sg PRS-voir Comp P3 -venir ici « L'enfant
que tu demandes était venu ici. »
(42)
120
na? juoì iì ø- ?gwoÌn maÌ
ndaÌp n?ì paÌ Alima. Enfant qui 3sg PRS- aller à
maison comp être Alima « La mère qui part à la maison
est Alima. »
(43) ndaÌp juoì I fù tùm n?ì
paÌ jiì Ali. Maison qui 3sg habiter dans comp être pour
Ali « La maison dans laquelle il habite appartient à Ali. »
Les phrases (41), (42) et (43) contiennent toutes des
constituants relativés. Dans chacune de ces phrases, le sujet du verbe a
été relativé. Ce qui nous permet de relativiser les
constituants en Shupamem est le pronom relatif juô (qui) qui
vient juste après le constituant relativé et n?ì
qui se trouve en fin de phrase. En effet, comme le dit Biloa (2014) en
étudiant le Muyang, n?ì est un complémenteur
final (final complementiser), son rôle est de marquer la fin des
propositions ou des constituants relativés. En (41), (42) et (43),
n?ì indique la fin des propositions relatives. Ce qui nous
amené à déduire qu'en Shupamem, n?ì marque
la fin des propositions relatives et la fin des phrases qui comporte un
constituant focalisé (voir la section consacrée à la
focalisation).
La relativation du sujet est marquée par « le
constituant relativé + juoì ..... n?ì ».
L'arbre suivant est la représentation arborescente de
(42).
SAccor
(44) SForce
Spéc Force'
Force° SRel
Spéc Rel'
Rel° SAccor
Spéc Accor'
Accor° ST
ì
n?
na? juoì I ?gwoÌn maÌ ndaÌp
mère qui 3sg aller à maison
paÌ Alima être Alima
121
Spéc T' Accor'
T° SV Accor° ST
Spéc
|
V'
V° SP
|
Spéc
|
T'
T° SV
|
|
Spéc
|
P'
|
|
V' SN
|
|
P°
|
|
SN
|
|
V° N'
|
|
|
Spéc
|
N'
|
|
N°
|
|
|
|
N°
|
|
|
122
L'arbre (44) ci-dessus nous permet d'observer le mouvement qui
s'est opéré en (42). En fait, en (44), le sujet nâ
(la mère) s'est déplacé de sa position de base pour
la périphérie gauche en laissant une trace. Sa trace est
occupée par le pronom résomptif iì (elle). Car
comme nous l'avons dit plus haut, le Shupamem ne permet pas que la position
sujet soit vide. Par ailleurs, nous notons aussi que le site d'atterrissage du
constituant relativé est le spécifieur du syntagme de la
relativation [Spéc, SRel]. Et juô (qui) occupe la
tête du syntagme de la relativation.
Relativation du complément d'objet
direct
Nous allons parler de la relativation du complément
d'objet direct. Pour cela,
examinons les phrases suivantes :
(45) ù nà zû màtwà. 2sg
Accs laver voiture « Tu laves la voiture de Ali. »
(46) mâtwà pà jiì Ali. voiture
être pour Ali
« La voiture est pour Ali. »
En combinant (45) et (46), nous avons la phrase suivante :
(47) mâtwà juô ù zù n6
pà jiÌ Ali. voiture que 2sg laver Comp être pour Ali
« La voiture que tu laves est pour Ali. »
En (45), màtwà (voiture) est le
complément d'objet direct de zû (lave), en (47),
mâtwà (voiture) a été relativé et
ceci par le biais du pronom relatif juô (que). L'arbre suivant
représente la phrase (47).
SAccor
pa` ji` Ali
être pour Ali
'
n?
Spéc N'
N°
ma'twa` juo' ù zù ma'twa`
voiture que 2sg laver
Spéc P' P° SN
Spéc SN
N' N°
123
(48) SForce
Spéc Force'
Force° SRel
Spéc Rel'
Rel° SAccor
Spéc Accor' Accor'
Accor° ST Accor° ST
Spéc T' Spéc T'
T° SV T° SV
Spéc V' Spéc V'
V° SN V° SP
124
Comme nous pouvons le constater, le complément d'objet
direct ma'twa` (voiture) a été relativé ; c'est pour cela
qu'il se retrouve en initial de phrase. En conclusion, nous constatons qu'en
Shupamem, le COD peut être relativé.
5.4.1.1 Le complémenteur n?ì
Le complémenteur n?ì est utilisé
dans le processus de la relativation et de la focalisation en Shupamem. Il
marque la relativation et la focalisation. Observons les phrases suivantes:
(49) nda'p juo' u twó -ju`n n?ì
pa' ji` Njoya. Maison que 2sg F1 acheter comp être pour
Njoya « La maison que tu achètera est pour Njoya. »
(50) ma'twa' juo' Njikam ø -ta'? n?ì
pa' ji` Nji. Voiture que Njikam PRS-chercher comp être
pour Nji « La voiture que tu cherche est pour Nji. »
(51) a' m?Ìn juo' i ø - swo` l?ìrwa`
t?Ì pa`m n?ì. C'est enfant qui 3sg
PRS-mettre cahier dans sac comp « C'est l'enfant qui met le cahier dans le
sac. »
(52) a' polo juo' i' ø -faa'? pa'ju`
n?ì. C'est Paul qui 3sg PRS-donner
nourriture comp « C'est Paul qui donne la nourriture. »
En (49), nous avons relativé nda'p (maison)
alors qu'en (50), ma'twa' (voiture) a été
relativé. Le constat que nous faisons en observant ces deux phrases
c'est qu'elles contiennent toutes le complémenteur n?ì.
En fait, ici, n?ì marque la fin des propositions
relatives. En (51), m?Ìn (enfant), a été
focalisé. Et En (52), polo (Paul), a été
focalisé. (51) et (52) se terminent par le complémenteur
n?ì. Donc dans ce cas précis, n?ì marque
la fin d'une phrase avec un constituant focalisé. Ce qui nous permet de
conclure en disant qu'en Shupamem, le complémenteur n?ì
a un double rôle : celui de marquer la fin des propositions
relatives et celui de marquer la fin d'une phrase avec un constituant
focalisé. Comme nous l'avons dit un peu plus haut en nous
référant sur l'étude menée par Biloa op.cit., en
étudiant le Muyang, n?ì est un complémenteur
final (final complementiser), son rôle est de marquer la fin des
propositions ou des constituants relativés.
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