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La structure de la phrase interrogative en shupamem


par Ernest NJIFON NGOUPAYOU
Université de Yaoundé I - Master 2 en Linguistique Graduat 2017
  

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Chapitre II :

 

CADRE THEORIQUE

Introduction

Le chapitre I, qui vient de s'achever, nous a permis de parler des éléments importants qui constituent la grammaire du Shupamem à savoir le système consonantique et vocalique, de classes nominales, du temps de l'aspect et mode ainsi que de la négation dans cette langue. Le chapitre II sera consacré à la théorie sur laquelle nous allons nous appuyer pour mener notre étude à savoir le Programme Minimaliste.

2.1 Le Programme Minimaliste

Pour comprendre la portée et élucider la raison d'être d'émergence du Programme Minimaliste, il importe de retracer l'histoire de ce programme de recherche. Apparue dans les années 1950 avec les premiers travaux de Chomsky, la grammaire générative7 marque un changement majeur et radical en linguistique. Les deux questions principales auxquelles la théorie minimaliste cherche à trouver une réponse sont :

i) Comment peut-on caractériser le savoir linguistique des locuteurs adultes d'une langue donnée ?

ii) Comment le savoir linguistique se développe-t-il chez les locuteurs ?

Dans le cadre du Programme Minimaliste, le langage est considéré comme un don biologique. C'est-à-dire que le langage est inné et appartient au patrimoine génétique de l'espèce humaine. Ce qui voudrait dire que chaque être humain est équipé d'une `faculté de langage' innée que l'on peut caractériser comme un module dans le cerveau contenant un ensemble de contraintes ou lois constituant la Grammaire Universelle8. Avant de continuer, il convient de noter que les contraintes sont paramétriques car elles varient d'une langue à une autre. Construire la grammaire d'une langue revient à décrire comment sont appliquées les contraintes dans cette langue. La théorie des Principes et Paramètres permet de rendre compte simultanément des ressemblances et des distinctions entre les différentes langues. Le savoir linguistique de chaque locuteur est appelé `langue interne' (Chomsky 1986 :22) ou `grammaire interne' ou encore (`I-language'). La langue interne est un système de règles

7 Selon Bailleul (2013 :5), «la grammaire générative prend pour principes de base l'existence d'une grammaire universelle».

8 Ensemble d'instructions assez abstraites pouvant se décliner de manières différentes selon les langues ou les groupes de langues. On ne peut pas parler de grammaire universelle sans faire allusion aux universaux linguistiques qui sont en fait des éléments linguistiques (phonétiques, phonologiques, syntaxiques sémantiques ou lexicaux).

intériorisées qui constitue la grammaire mentale d'un locuteur et qui lui permet de porter des jugements d'acceptabilité dans sa langue maternelle. La langue interne s'oppose à la `langue externe' (`E-language') qui est l'ensemble des données attestées dans une langue donnée ou le savoir linguistique partagé par une communauté linguistique. Contrairement à la langue interne, la langue externe n'est pas un ensemble cohérent, mais hétérogène.

Le Programme Minimaliste a pour but de rendre compte de la créativité du langage qui permet à un être humain de comprendre et de produire des phrases qu'il n'a jamais entendues par le passé. Dans le cadre du Programme Minimaliste, Chomsky distingue deux concepts importants à savoir : la compétence et la performance. La compétence est la connaissance innée, tacite, implicite voir même inconsciente qui permet aux individus de produire et de comprendre des phrases qu'ils n'ont jamais entendues par le passé. La performance est l'utilisation réelle de la langue par le sujet parlant. La grammaire générative s'évertue à décrire et à expliquer la compétence linguistique c'est-à-dire cet ensemble fini des règles qui permet au sujet parlant d'engendrer un nombre infini de phrases. Ce qui caractérise le Programme Minimaliste c'est que les règles et les opérations syntaxiques sont guidées par divers principes. De plus, la manière de représenter la grammaire et les opérations syntaxiques est devenue plus simple ou `minimale'. Ainsi, la distinction entre une structure profonde et une structure de surface a disparu. Il ne reste plus qu'un seul niveau de représentation, relié à deux niveaux d'interface : la Forme Phonétique (FP9) et la Forme Logique (FL10).

Le Programme Minimaliste (Chomsky, 1993, 1995), Biloa & Nchare (2004) garde des propriétés importantes de la théorie des Principes et des Paramètres comme la présence de paramètres de variation. Le schéma suivant est le modèle de la faculté de langage dans le Programme Minimaliste proposé par Strik (2008 :5).

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9 Le FP concerne les propriétés sensori-motrices du langage à savoir le son.

10 Le FL renvoie aux propriétés sémantiques et conceptuelles, donc l'interprétation d'un énoncé.

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(1)

Lexique

- traits lexicaux

- traits non interprétables, déclenchant des opérations

Numération

Système Computationnel Opérations :

- Fusion externe (`External Merge') - Fusion Interne (`Internal Merge') - Accord (`Agree')

Epel

Interfaces : Forme Phonétique Forme Logique

Il convient de noter que dans le Programme Minimaliste deux opérations conduisent à la dérivation d'une phrase : la fusion ou assemblage et le déplacement ou délocalisation.

2.1.1 La fusion

Notons tout d'abord que la dérivation d'une phrase commence toujours par la sélection dans le lexique des items nécessaires à la construction de la phrase. L'ensemble des items sélectionnés est appelé numération. Généralement, on distingue deux types de fusions : la fusion externe et la fusion interne.

2.1.1.1 La fusion externe

Selon Chomsky (1995), la fusion externe est une opération binaire qui explique la constitution d'une troisième entité C à partir du fusionnement de deux entités A et B. C'est donc une dérivation syntagmatique (Pollock (1997), Chomsky (2004, 2007, Laenzlinger (2011)). L'opération de fusion est récursive c'est-à-dire qu'elle est répétée tant qu'il y a encore des éléments non pris en compte dans la numération. Observons les exemples suivants :

(2) a. pájù (nourriture)

b. jà (ma / mon)

c. pájù 3à (ma nourriture)

(3) a. rjgbôm (maïs)

b.

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iì (sa/ son)

c. rjgbôm iì (son maïs)

(4) a. màtwâ (voiture)

b. wâ (père)

c. màtwâ wâ (la voiture du père)

Nous avons fusionné (2a) et (2b) pour avoir (2c). En fait, en (2a), nous avons paìjù « nourriture » et en (2b) nous avons l'adjectif possessif jà « ma / mon », c'est après la fusion de (2a) et (2b) que nous avons eu (2c) paìjù 3à (ma nourriture) qui est « ma nourriture » qui représente la troisième entité. De même, pour obtenir (3c) qui est rjgbôm iì (son maïs), nous avons fusionné (3a) rjgbôm (maïs) et (3b) (sa/ son). Pour obtenir (4c) màtwâ wâ (la voiture du père) nous avons fusionné (4a) màtwâ (voiture) et (4b) (père). Il s'agit ici de la fusion externe.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard