Année universitaire : 2020-2021
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la
Recherche Scientifique de la République Tunisienne Université de
Carthage Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de
Tunis
Wafa ZLITNI
La collecte
des données marines
et le Droit de la mer
Mémoire soutenu en juin 2021 devant le jury
composé de : Président : Mr Mounir SNOUSSI Directrice : Mme
Kaouthar DEBBECHE Membre : Mr Monstassar BEN SALEM
La faculté n'entend donner aucune approbation
ou improbation aux opinions émises dans le présent
mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteure.
II
A cet Astre dont nous attendons la
réapparition avec impatience dans l'obscurité de cette Nuit,
à ma mère qui vient de nous quitter, à mon père qui
m'a tellement aidée, et à ma professeure qui m'a si bien
encadrée, je dédie ce mémoire.
III
A chaque personne qui a rendu ce travail possible,
surtout madame Hafidha Boughdiri, madame Awatef Neji et monsieur Abbdelmajid
Zarrouki qui m'ont tendue la main sur le plan personnel et académique,
le colonel Ala Eddine Frikha qui m'a donnée accès à toutes
ses recherches, Ghada Ezzine qui m'a offert de bonnes conditions de travail
après le décès de ma mère, et Hend Jerbi qui m'a
accompagnée dans ces nombreuses nuits blanches à étudier,
merci.
Je suis bien consciente que rédiger un
mémoire de master est un réel privilège qui demande du
temps et des ressources. Tout le monde n'a pas cette chance. Merci mon Dieu.
J'espère avoir été à la hauteur...
IV
Principaux sigles et abréviations
ABE-LOS: Organe consultatif d'experts sur le
Droit de la mer de la Commission océanographique intergouvernementale
ACCOBAMS: Accord sur la conservation des
cétacés de la mer Noire, de la Méditerranée et de
la zone Atlantique adjacente
AGNU: Assemblée générale
des Nations Unies
AFDI: Annuaire français de Droit
international
AIFM: Autorité internationale des fonds
marins
CIJ : Cour internationale de justice
CMB: Convention de Montego Bay
CNUDM III: Troisième Conférence
des Nations unies sur le Droit de la mer
COI: Commission océanographique
intergouvernementale
DOALOS: Division des affaires maritimes et du
Droit de la mer
EUROGOOS: Composante européenne du
Système mondial d'observation de l'océan
FAO: Organisation des Nations unies pour
l'alimentation et l'agriculture GOOS: Système mondial
d'observation de l'océan
Ifremer: Institut français de recherche
pour l'exploitation de la mer
JCOMM: Commission technique mixte
d'océanographie et de météorologie maritime entre
l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et la Commission
océanographique intergouvernementale (COI)
OHI: Organisation hydrographique internationale
OMI: Organisation maritime mondiale
V
OMM: Organisation météorologique
mondiale
ONU: Organisation des Nations Unies
OTAN: Organisation du Traité de
l'Atlantique Nord
PESC: Politique étrangère et de
sécurité commune de l'Union européenne
PNUE/PAM: Programme de Nations Unies pour
l'environnement relevant du Plan d'action pour la Méditerranée
SADO: Système d'acquisition des
données océanographiques
SHOM: Service hydrographique et
océanographique de la marine française UE: Union
européenne
UIT: Union internationale de
télécommunication
UNESCO: Organisation des Nations unies pour
l'éducation, la science et la culture
USA: Etats-Unis d'Amérique
ZEE: Zone économique exclusive
VI
Sommaire
Première partie : Le Droit de la mer ne
favorise pas le développement des activités de collecte des
données marines
Chapitre premier : Un encadrement lacunaire des
activités de collecte des données marines
Section I : La définition de la recherche scientifique
marine absente de la Convention de Montego Bay
Section II : Une catégorisation incertaine des
activités de collecte des données marines
Chapitre deuxième : Un encadrement astreignant de la
recherche scientifique marine
Section I : Les pouvoirs de l'Etat côtier en
matière de recherche scientifique marine
Section II. La tentative d'équilibre entre les droits
de l'Etat côtier et les libertés des chercheurs
Deuxième partie : Le Droit de la mer ne
favorise pas le développement des techniques marines
Chapitre premier : Un encadrement juridique qui ne facilite
pas l'emploi des systèmes d'acquisition des données marines
Section I : Une qualification incertaine des systèmes
d'acquisition des données marines
Section II : L'inapplicabilité du régime de la
recherche scientifique marine aux nouveaux systèmes d'acquisition des
données marines
Chapitre deuxième : Un encadrement juridique qui ne
facilite pas le transfert des techniques marines
Section I : Le cadre du transfert des techniques marines
Section II : La mise en oeuvre du transfert des techniques
marines
1
Introduction
2
La mer reste un mystère. Tous les lourds secrets de
«ce milieu naturel immense, abyssal, longtemps inaccessible à
l'Homme, caché en grande partie à sa vue»1 n'ont
toujours pas été percés par les instruments de collecte
des données marines pourtant de plus en plus sophistiqués. La
collecte des données marines désigne «la mesure des
variables et [des] paramètres [... évaluant] avec
précision les caractéristiques de l'océan dans le temps et
l'espace»2. Ces paramètres peuvent être physiques,
chimiques, biologiques, géophysiques ou
géologiques3.
Qu'il s'agisse de la concentration d'oxygène, de la
pression partielle de dioxyde de carbone4, de la vitesse des
courants ou du comptage des poissons, toute donnée passe par trois
phases principales : la collecte, le traitement et la diffusion. Une fois
mesurés au moyen de différentes techniques, les paramètres
sont standardisés selon des normes internationales. Une
température codifiée par un chercheur en Chine peut dès
lors être comprise par un utilisateur en Tunisie. Ces données
dès lors homogènes sont diffusées à la fois au
grand public et aux professionnels de la mer5.
1 PANCRACIO (J.), Droit de la mer, Paris,
Dalloz, 2010, p.366.
2 Organe consultatif d'experts sur le Droit de la
mer de la Commission océanographique intergouvernementale
(ci-après ABE-LOS), Septième session, 2007.
3 Les paramètres physiques de la mer sont
par exemple: la pression, le niveau de la mer, la pression du niveau de la mer,
les courants, la vitesse et la direction du vent, la température, la
conductivité.
Les paramètres chimiques sont par exemple: la
salinité, le gaz dissous, les sels nutritifs, les contaminants.
Les observations géophysiques et géologiques
sont par exemple: la profondeur, la sismique, le magnétisme, la
gravimétrie, la nature du fond et du sous-sol.
Les paramètres biologiques des espèces
végétales sont par exemple: le comptage des algues et des
phytoplanctons.
Les paramètres biologiques des espèces animales
sont par exemple: le comptage des poissons, des crustacés, des
zooplanctons et des autres micro-organismes, disponible sur le portail officiel
de l'Ifremer au lien suivant:
http://data.ifremer.fr/Tout-savoir-sur-les-donnees
(consulté le 21-02-2021).
4 ABE-LOS, Septième session
précitée.
5 Portail officiel de l'Ifremer:
https://wwz.ifremer.fr
3
La collecte des données marines est
réglementée par le Droit international de la mer qui
désigne l'ensemble des règles juridiques régissant le
partage et l'utilisation de la mer6. Selon ces deux critères,
l'un territorial et l'autre fonctionnel, il est défini comme un Droit
des espaces et des fonctions7. Avant de s'étendre à
des compétences telles que la recherche scientifique marine et la
protection de l'environnement marin, le Droit de la mer s'est pendant longtemps
limité aux fonctions liées à la souveraineté de
l'Etat telles que les conflits armés sur mer ou l'octroi de la
nationalité aux navires8. Branche du Droit public, celui-ci
s'applique aux sujets du Droit international, notamment les
Etats9.
Le Droit de la mer se distingue du Droit maritime qui
désigne quant à lui la branche du Droit privé10
dont l'objet s'applique à l'activité de l'Homme en mer, notamment
la navigation, et le transport professionnel des personnes et des
marchandises11. Cependant, il faut nuancer cette distinction entre
ces deux branches du Droit qui régissent toutes deux un seul et
même milieu12, qui repose sur un postulat qui sépare la
société politique de la société civile de la mer,
«un postulat démenti par la
réalité»13. C'est pour cette raison que la
classification de certaines dispositions relatives à la
sécurité de la navigation ou encore à l'obligation
d'assistance dans l'un ou l'autre de ces deux compartiments
académiques14 reste difficile15.
6 MARFFY (A. de), «La Convention de Montego
Bay», in FORTEAU (M.) (dir.) et THOUVENIN (J.) (dir.),
Traité de Droit international de la mer, Paris, Pedone, 2017,
p. 54.
7 LUCCHINI (L.), VOELCKEL (M.), Droit de la
mer, Tome I: La mer et son Droit, Paris, Pedone, 1990, p.V.
8 Ibid., pp.7-9.
9 GINCHARD (S.) et DEBARD (T.), Lexique des
termes juridiques, 20ème édition, Paris, Dalloz, 2013, p.
349.
10 LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome I,
Cadre institutionnel et milieu marin, Paris, éditions Cujas, 1979,
p.10.
11 GINCHARD (S.) et DEBARD (T.), op. cit., p.
349.
12 LUCCHINI L. et VOELCKEL M., LUCCHINI (L.),
VOELCKEL (M.), Droit de la mer, Tome I: La mer et son Droit, op. cit.,
pp.7-9.
13 Ibidem.
14 FORTEAU (M.) et THOUVENIN (J.), op. cit.,
p.30.
15 LUCCHINI L. et VOELCKEL M., LUCCHINI (L.),
VOELCKEL (M.), Droit de la mer, Tome I: La mer et son Droit, op. cit.,
pp.7-9.
4
Le Droit de la mer a donc pour objet la mer. Le juriste
définit cette dernière comme «l'ensemble des espaces d'eau
[...] en communication libre et naturelle sur toute la surface du
globe»16. «Il y a [donc] continuité de la masse
océanique mondiale»17. Ainsi, «quelles que soient
les subdivisions académiques, l'Océan est un»18,
l'Océan mondial, «une nappe d'eau de plus de 360 millions de
km2 sans discontinuité»19.
Le juriste rejoint ainsi le géographe sur le
critère de la communication libre et naturelle pour distinguer la mer du
lac. En effet, la mer est en continuité directe entre toutes ses
parties20 tandis que le lac est un bassin isolé, «une
île d'eau au milieu d'un continent terrestre»21. Nous
remarquons ainsi que tous les précis de limnologie22
définissent la mer Morte, la mer Caspienne et de la mer d'Aral comme des
lacs. En effet, contrairement à ce que leur nom indique, ces trois
espaces d'eau ne correspondent pas à la définition de la mer mais
bel et bien à celle du lac qui constitue «un plan d'eau continental
(séparé de la mer, dominé par son bassin d'alimentation et
développant une personnalité propre), dont la profondeur, la
superficie ou le volume sont suffisants pour provoquer un étagement, une
zonation ou une régionalisation des processus
limniques»23.
16 PANCRACIO (J.), op. cit., pp.1-5.
17 GEISTDOERFER (P.),
«Océanographie», Encyclopædia Universalis, [en
ligne]:
https://www.universalis.fr/encyclopedie/oceanographie/
(consulté le 16-02-2021).
18 ROYER (P.), « Un Océan, cinq
océans. L'Océan mondial et ses subdivisions », in
Géopolitique des mers et des océans, 2012, pp. 13-24, [en
ligne]:
https://www.cairn.info/geopolitique-des-mers-et-des-oceans--9782130633891-page-13.htm
(consulté le 15-02-2021).
19 Ibidem.
20 TOUCHART (L.), «Qu'est-ce qu'un lac ?»,
in Bulletin de l'Association de géographes
français, volume 77, numéro 4,
décembre 2000, pp. 314-317, [en ligne]:
https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2000_num_77_4_2179
(consulté le 16-02-2021).
21 Ibidem.
22 La limnologie est la science «des lacs et des
eaux lacustres», Encyclopédie LAROUSSE, 2020, [en ligne]:
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/limnologie/47201#:~:text=%C3%89tude%20s
cientifique%20des%20lacs%20et%20des%20eaux%20lacustres. (consulté le
21-02-2021).
23 TOUCHART (L.), op. cit., pp. 314-317.
5
Cette distinction est d'une grande importance dans la mesure
où la définition de la mer revêt un enjeu
géopolitique. En atteste le cas de la mer Caspienne qui fit l'objet d'un
différend entre ses Etats riverains. Le régime juridique de
celle-ci était en effet fixé par des accords conclus entre l'Iran
et l'Union des Républiques socialistes soviétiques qui
considéraient la mer Caspienne comme un lac (illustration n° 1).
illustration n°1: La mer Noire, la mer Caspienne et la
mer d'Aral,
https://www.museum.toulouse.fr/-/les-larmes-seches-de-l-aral
(consulté le 21-02-2021).
Or, l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan et le
Turkménistan, les trois nouveaux Etats riverains qui apparurent suite
à la dislocation de l'URSS considérèrent celle-ci comme
une mer et firent pression sur les deux riverains traditionnels pour lui
appliquer le régime juridique prévu par le Droit international de
la mer24,
24 TAVERNIER (P.), «Le statut juridique de la
mer Caspienne : mer ou lac? La pratique des Etats vue à travers les
documents publiés par les Nations Unies», Actualité et
Droit
International, octobre 1999, [en ligne]:
http://www.ridi.org/adi/199910a1.htm#:~:text=Le%20r%C3%A9gime%20juridique%20est
%20bien,se%20rapprocher%20des%20autres%20parties (consulté le
15-02-2021).
6
notamment à ses fonds marins, dont l'importance
stratégique est aussi grande que la richesse des ressources
pétrolières et gazières25 qu'ils renferment.
A cet égard, GIDEL affirme que « l'espace d'eau
salée dénommé mer Caspienne [...] n'est pas régie
d'office par les règles du droit international [de la mer] bien qu'elle
soit l'objet de rapports internationaux [...] car elle est privée de
communication avec le reste des océans »26. Les cinq
Etats riverains s'accordèrent finalement pour considérer cette
étendue d'eau ni comme une mer, ni comme un lac, et partagèrent
dès lors ses richesses naturelles selon un régime juridique
fixé par la Convention sur le statut de la mer Caspienne signée
au Kazakhstan le 12 août 2018.
Revenons à présent à la définition
de la mer. Pour le cartographe, cette dernière constitue un espace
naturel qui fait l'objet d'une représentation conventionnelle, notamment
la carte27. Bathymétrique, sédimentologique,
météorologique, hydrographique ou
géophysique28, cette dernière est dite
«marine» lorsqu'elle est «conçue spécialement pour
répondre aux besoins de la navigation maritime, indiquant les
profondeurs, la nature des fonds, la topographie côtière, les
altitudes des points remarquables, les dangers et les aides à la
navigation29. Les cartes marines ne sont donc pas topographiques,
à la différence des cartes terrestres, elles constituent
«des instruments de travail à l'usage des
navigateurs»30.
25 OKSANA (K.), «La mer Caspienne un avenir
incertain», La chronique de l'ONU, édition
en ligne, volume XLI, numéro 3, 2004, [en
ligne]:
https://www.un.org/french/pubs/chronique/2004/numero3/0304p44.html
(consulté le 15-022021).
26 Ibidem.
27 LUCCHINI (L.), VOELCKEL (M.), op. cit.,
p.12.
28 OHI, Dictionnaire hydrographique (S-32),
1998, pp. 39-42.
29 Idem., p.41.
30 LUCCHINI (L.), VOELCKEL (M.), Droit de la
mer, Tome II: Délimitation, navigation et pêche, volume I:
délimitation, Paris, Pedone, 1990, pp.346-347.
7
L'océanographe quant à lui, définit la
mer comme «un constituant hydrodynamique, un liquide salé
incompressible de densité voisine de un, qui obéit à un
certain nombre de lois»31. Le Droit de la mer a donc pour objet
un milieu physique. C'est pourquoi le développement des connaissances
scientifiques marines entraina à maintes reprises l'évolution de
ce Droit. C'est ainsi qu'après la Seconde Guerre mondiale, le
développement des techniques océanographiques permit de plonger
dans les grandes profondeurs32. Ces progrès scientifiques
permirent de commencer l'exploitation les immenses richesses qui y furent
découvertes33. Ceci attisa les convoitises des Etats sur la
mer34 et «chaque Etat maritime déjà puissant, ou
se croyant en mesure de le devenir, [chercha] à tirer à soi le
plus possible de ces éléments inespérés de
richesse»35.
C'est ainsi que les Etats-Unis d'Amérique
(ci-après USA) décidèrent d'étendre leur emprise
maritime et proclamèrent en 1945 «les ressources du sous-sol et du
lit de la mer du plateau continental recouvert par la haute mer mais contigu
à [leur] côte [...] comme appartenant aux USA et soumis à
[leur] juridiction et à [leur] contrôle»36, ainsi
que les ressources piscicoles dans la haute mer adjacente à [leur]
côte comme «soumises à [leur] réglementation et
à [leur] contrôle»37.
31 LUCCHINI (L.), VOELCKEL (M.), LUCCHINI (L.),
VOELCKEL (M.), Droit de la mer, Tome I: La mer et son Droit, op. cit.,
p.10.
32 GEISTDOERFER (P.),
«Océanographie», précité.
33 FREYMOND (O.), Le statut de la recherche
scientifique marine en Droit international, Genève, Librairie de
l'université Georg & cie S.A, 1978, pp. 26-28.
34 PANCRACIO (J.), op. cit., pp. 1-5.
35 CAUCHY (E.), "Sur la question de la
liberté des mers telle qu'on la posait au commencement du XVIIe
siècle, Mare liberum de Grotius - Mare clausum de Selden",
La
revue maritime, volume 470, 2004, p.1, [en ligne]:
http://www.ifmer.org/assets/documents/files/documents_ifm/SeldenversusGrotius.PDF
(consulté le 15-02-2021).
36 La proclamation présidentielle
numéro 2667 concernant la politique des Etats-Unis au sujet des
ressources naturelles du sous-sol et du lit de la mer du plateau continental
(Déclaration Truman) du 28 septembre 1945 prévoit: «Le
gouvernement des Etats-Unis considère les ressources du sous-sol et du
lit de la mer du plateau continental recouvert par la haute mer mais contigu
à la côte des Etats-Unis, comme appartenant aux Etats-Unis et
soumis à sa juridiction et à son contrôle»,
Mémoire déposé par le gouvernement du Pérou,
l'affaire du différend maritime (Pérou contre Chili),
volume I, pp. 1-59, le 20 mars 2009, [en ligne]:
https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/137/17187.pdf
(consulté le 21-02-2021).
37 La Déclaration Truman
précitée prévoit: «Les Etats-Unis considèrent
qu'il convient de créer des zones de conservation clairement
délimitées dans lesquelles les activités de pêche
seront
8
Cette «voie ouverte par les USA à l'appropriation
unilatérale»38 fut suivie par le Chili, l'Equateur et le
Pérou qui déclarèrent leur souveraineté et leur
juridiction exclusives39 sur une zone s'étendant
jusqu'à 200 milles marins de leurs côtes40. Nous devons
souligner ici que ce sont les connaissances issues de la recherche scientifique
qui furent prises en compte pour la fixation des limites de cette
zone41. En effet le courant de Humboldt42, qui permet
d'augmenter les ressources piscicoles dont ces Etats veulent jouir
exclusivement, en refroidissant la température de l'eau de la mer dans
cette zone, baigne les côtes de ces trois Etats riverains de
l'Océan Pacifique jusqu'à une distance de 200 milles
marins43.
Les vieilles puissances maritimes désirant
freiner44 ce mouvement d'appropriations par les Etats du
Tiers-monde45 réunirent en 1958 à Genève la
première Conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer46. Furent signées
soumises à leur réglementation et à leur
contrôle», Ibidem.
38 SOUISSI (S.), Les aspects économiques
du nouveau Droit de la mer, Mémoire en Droit maritime et
aérien, Université de Nantes, 1980, p.11.
39 La Déclaration sur la «zone
maritime» de Santiago du 18 août 1952 prévoit: «Les
Gouvernements du Chili, de l'Equateur et du Pérou fondent leur politique
internationale maritime sur la souveraineté et la juridiction exclusives
qu'a chacun d'eux sur la mer qui baigne les côtes de son pays
jusqu'à 200 milles marins au moins à partir desdites côtes.
La juridiction et la souveraineté exclusives sur la zone maritime
indiquée entraînent également souveraineté et
juridiction exclusives sur le sol et le sous-sol de ladite zone»,
Mémoire déposé par le gouvernement du Pérou,
l'affaire du différend maritime (Pérou contre Chili)
précité.
40 SOUISSI (S.), op. cit., pp.11-13.
41 LUCCHINI (L.), VOELCKEL (M.), Droit de la
mer, Tome I: La mer et son Droit, op. cit., pp.10-11.
42 Le courant de Humboldt est un courant de
l'Océan Pacifique Sud qui vient de l'Océan Austral et monte vers
l'équateur le long de la côte occidentale de l'Amérique du
Sud, le long des côtes du Chili, du Pérou et de l'Équateur.
«Il rafraîchit la température de l'eau en surface de 5
à 10 degrés celsius, même près de l'équateur.
L'eau froide entraîne avec elle des nitrates et des phosphates provenant
des fonds marins. Ceux-ci nourrissent le phytoplancton (plancton
végétal), qui se multiplie rapidement, favorisant le
développement du zooplancton, qui se nourrit de végétaux.
À leur tour, les poissons, qui se nourrissent de zooplancton, se
développent et se multiplient, ce qui profite aux pêcheurs et aux
oiseaux marins», site de
l'association franco-équatorienne Nuca-LLacta, [en
ligne]:
http://nucayagta.free.fr/couranhumboldt.htm
(consulté le 21-02-2021).
43 LUCCHINI (L.), VOELCKEL (M.), Droit de la
mer, Tome I: La mer et son Droit, op. cit., pp.10-11.
44 YAHYAOUI (M.), La Tunisie et le Droit de la
mer, Thèse en Droit, Université Panthéon-Sorbonne
Paris I, 1994, p.10.
45 SOUISSI (S.), Les aspects économiques du
nouveau Droit de la mer, op. cit., pp.11-13.
46 La première conférence des Nations
Unies sur le droit de la mer est convoquée par l'assemblée
générale de l'organisation des Nations Unies (ci-après
ONU) par la Résolution portant conférence internationale de
plénipotentiaires chargée d'examiner le droit de la mer,
A/RES/1105(XI), du 21 février 1957.
9
à cette occasion la Convention sur la mer territoriale
et la zone contigüe47, la Convention sur le plateau
continental48, la Convention sur la pêche et la conservation
des ressources biologiques de la haute mer49 ainsi que la Convention
sur la haute mer50. Le traité devint dès lors, aux
côtés de la coutume, une source principale du Droit international
de la mer51 qui ne comptait jusqu'alors que de rares
conventions52. Une seconde conférence fut convoquée
dans la hâte, en 1960, afin de combler certaines lacunes de ces
conventions, mais se solda par un échec53.
Signée à Montego Bay le 10 décembre
198254 à l'issue de la troisième conférence des
Nations Unies sur le Droit de la mer55 (ci-après CNUDM III),
la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer (ci-après CMB)
codifia et précisa à son tour de nombreuses règles
coutumières, affirma ou actualisa les principes des conventions qui la
précédaient56, et en consacra de nouveaux57
pour constituer «le nouveau Droit de la mer»58.
«Aspirant à couvrir toutes les activités
maritimes»59, la «Constitution des océans»
«définit aujourd'hui «le cadre juridique dans lequel doivent
s'inscrire toutes les activités intéressant [la
47 Convention de Genève sur la mer territoriale
et la zone contiguë, Genève, le 29 avril 1958.
48 Convention de Genève sur le plateau
continental, Genève, le 29 avril 1958.
49 Convention de Genève sur la pêche
et la conservation des ressources biologiques de la haute mer, Genève,
le 29 avril 1958.
50 Convention de Genève sur la haute mer,
Genève, le 29 avril 1958.
51 Droit de la mer, Tome I: La mer et son Droit,
op. cit., p.57.
52 L'un des rares exemples de convention sur le
Droit de la mer avant 1958 est la Convention de Genève sur le
régime international des ports maritimes signée à
Genève le 9 décembre 1923.
53 LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome I,
Cadre institutionnel et milieu marin, op. cit., p.13.
54 Convention des Nations Unies sur le Droit de la
mer, Montego Bay, le 10 décembre 1982.
55 La troisième conférence des
Nations Unies sur le Droit de la mer fut convoquée par la
résolution 3067(XXVIII) du 16 novembre 1973 de l'AGNU portant
affectation à des fins exclusivement pacifiques du fond des mers et des
océans ainsi que de leur sous-sol, en haute-mer, au delà des
limites de la juridiction nationale actuelle et exploitation de leurs
ressources dans l'intérêt de l'humanité, et convocation de
la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer,
.
56 MARFFY (A. de), «La Convention de Montego
Bay», op. cit., pp. 59-60.
57 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 26-28.
58 MARFFY (A. de), «La Convention de Montego
Bay», op. cit., pp. 54-55.
59 Ibidem.
10
mer]»60 selon l'Assemblée
générale de l'organisation des Nations Unies (ci-après
ONU).
Les Etats parties à cette Convention
déclarèrent en effet être «animés du
désir de régler [...] tous les problèmes concernant le
Droit de la mer»61. La CMB constitue donc le cadre juridique
régissant la collecte des données marines. Elle énonce en
effet selon la zone et l'activité de collecte des données marine,
les droits et les obligations juridiques des chercheurs d'une part, et de
l'Etat côtier ou de l'organisation internationale compétente
d'autre part.
Toutefois, la CMB ne peut couvrir à elle seule tous les
détails d'une activité aussi technique que la collecte des
données marines. Des conventions sectorielles62 telles que la
Convention de l'organisation météorologique mondiale
signée à Washington le 11 octobre 194763, viennent
alors en complément de la CMB qui reste cependant «le centre de ce
dispositif normatif»64.
60 Résolution 74/19 de l'AGNU, Les
océans et le Droit de la mer, A/RES/74/19 (10 décembre
2019).
61 Selon le préambule de la CMB
précité: «Les Etats Parties à la Convention [sont]
animés du désir de régler, dans un esprit de
compréhension et de coopération mutuelles, tous les
problèmes concernant le droit de la mer et conscients de la
portée historique de la Convention qui constitue une contribution
importante au maintien de la paix, à la justice et au progrès
pour
tous les peuples du monde», disponible en ligne sur
https://www.un.org/Depts/los/convention_agreements/texts/unclos/unclos_f.pdf
62 La Convention internationale pour la sauvegarde
de la vie humaine en mer, signée à Londres le 17 juin 1960, est
un exemple de convention sectorielle en matière de
sécurité maritime. Nous pouvons également citer en
matière de protection du milieu marin la Convention sur la
prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de
déchets signée à Londres le 29 décembre 1972, en
matière de protection d'espèces en péril, l'accord sur la
Conservation des Cétacés de la Mer Noire, de la
Méditerranée et de la zone Atlantique adjacente (ci-après
ACCOBAMS) signé à Monaco le 24 novembre 1996, et en
matière de délimitation maritime entre Etats voisins, l'accord de
délimitation du plateau continental entre la Tunisie et l'Italie,
signé à Tunis le 20 août 1971.
63 OMM, Convention de l'organisation
météorologique mondiale, Washington, le 11 octobre 1947.
64 PANCRACIO (J.), op. cit., p.480.
11
Aux côtés de ces conventions, d'autres
instruments d'une nature juridique différente du traité
énoncent des dispositions spécifiques à la collecte des
données marines. Ceux-ci peuvent prendre la forme de recommandations, de
règlements, de résolutions, de guides techniques, ou encore de
critères et principes directeurs. Citons à titre d'exemples les
recommandations de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la
science et la culture (ci-après UNESCO) définissant les principes
internationaux à appliquer en matière de fouilles
archéologiques65, le règlement de l'Autorité
internationale des fonds marins (ci-après AIFM) relatif à la
prospection et à l'exploration des nodules polymétalliques dans
la Zone66, la résolution de l'Organisation maritime mondiale
(ci-après OMI) relative aux zones de sécurité de la
navigation autour des installations et des ouvrages offshore67, le
guide pratique climatologique de l'Organisation météorologique
mondiale (ci-après OMM)68, ou encore les critères et
principes directeurs de la Commission océanographique
intergouvernementale (ci-après COI) concernant le transfert de
techniques marines69.
Ces instruments sont adoptés sous les auspices des
organisations internationales compétentes et doivent être
interprétés et appliqués dans le contexte de la CMB.
Ainsi, ceux-ci ne sont aucunement conçus pour combler les lacunes de
cette dernière mais s'inscrivent expressément dans son
cadre70.
65 UNESCO, Recommandation de l'UNESCO
définissant les principes internationaux à appliquer en
matière de fouilles archéologiques, New Delhi, le 5 novembre
1956.
66 AIFM, Règlement relatif à la
prospection et à l'exploration des nodules polymétalliques dans
la Zone, 2000.
67 OMI, Résolution A.671 (16),
Résolution relative aux zones de sécurité de la
navigation autour des installations et des ouvrages offshore, 1989.
68 OMM, Guide pratique climatologique,
2011.
69 COI, Résolution XXII-12, Principes
directeurs concernant le transfert des techniques marines, 2003.
70 ABE-LOS, Sixième session, 2006.
12
L'on peut alors s'interroger sur l'intérêt d'un
mémoire de recherche sur le cadre juridique de la collecte des
données marines. Rappelons que ces données provenant de la mer,
«l'espace géographique et géomorphologique le plus mal
connu»71 mais «représentant
paradoxalement»72 les trois quarts de la surface de notre
planète73, sont déterminantes aussi bien dans
l'adoption des politiques publiques de l'Etat que dans la planification de nos
activités personnelles selon le bulletin météorologique.
Ce sujet requiert donc des intérêts aussi nombreux que divers,
tant théoriques que pratiques.
D'un point de vue juridique, il existe une influence mutuelle
entre la collecte des données marines et le Droit. D'une part, le Droit
influence la conduite des projets de collecte des données marines. En
fixant des régimes juridiques différents selon les zones
maritimes, il oriente les chercheurs vers certains espaces plutôt que
d'autres74, ceux-ci se dirigeant vers les zones où il a le
plus libertés et le moins de contraintes possible pour mener leur
activité. D'autre part, la collecte des données marines influence
le Droit. Les données acquises orientent les Etats dans
l'élaboration des règles de Droit, à l'échelle
nationale dans l'adoption de leur législation en matière
d'aménagement du territoire, de défense, de sûreté
et de santé publiques75, à l'échelle
régionale dans la gestion des ressources ou la protection de
l'environnement, et à l'échelle internationale en matière
de recherche scientifique et de transfert des techniques marines.
71 PANCRACIO (J.), op. cit., p.366.
72 Ibidem.
73 Résolution 74/19 de l'AGNU
précitée.
74 MONTJOIE (M.), «Les activités
scientifiques», in FORTEAU (M.) et THOUVENIN (J.), op.
cit., p.849.
75 Ibidem.
13
La compréhension de la circulation
thermohaline76 a ainsi permis aux Etats de réaliser le
caractère indivisible de l'océan mondial. En effet, toutes les
zones de la mer aux quatre coins du globe sont interdépendantes, le
partage des données collectées dans le territoire maritime de
l'un permet donc d'améliorer la précision des prévisions
météorologiques dans le territoire de l'autre et permet à
son tour l'amélioration de la sécurité de la navigation au
niveau international. Cet échange est alors érigé en
obligation juridique s'imposant à tous les Etats signataires de la
Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer
(ci-après Convention SOLAS)77.
D'un point de vue scientifique, la collecte des données
marines permet d'accroître notre connaissance de la mer, ou plutôt,
de diminuer notre ignorance à son sujet, dans les domaines de la
physique, la biologie, la biochimie, la géologie, la géophysique
et l'halieutique78. Ces données acquises par observation
servent à connaître, décrire, comprendre et
expliquer79 les phénomènes naturels qui ont lieu en
mer, ce domaine de l'inconnu80.
76 Il faut relever que «les eaux des
océans ne sont pas homogènes : elles sont plus ou moins chaudes
selon les zones géographiques. Les eaux chaudes de l'équateur
remontent vers les pôles où elles arrivent refroidies.
Par convection, ces eaux froides et salées, plus denses
et donc plus lourdes, vont alors couler sous les eaux plus chaudes ou peu
salées, pour repartir ensuite dans la direction inverse, vers
l'équateur. Ces mouvements de masses d'eau, créés par les
contrastes de densité, représentent ce qu'on appelle la
circulation thermohaline (des mots grecs thermos qui veut dire chaud
et halinos, salé). On parle également du
phénomène « tapis roulant » : les eaux chaudes de
surface se déplacent vers les pôles tandis que les eaux froides
des fonds se déplacent vers l'équateur», disponible sur
https://wwz.ifremer.fr/L-ocean-pour-tous/Nos-ressources-pedagogiques/Comprendre-les-oceans/Ocean-et-climat/Les-oceans.-reservoirs-et-
redistributeurs-de-chaleur#:~:text=L%27oc%C3%A9an%2
(consulté le 21-02-2021).
77 Convention SOLAS précitée.
78 Portail officiel de l'Ifremer:
http://data.ifremer.fr/pdmi/portalssearch/main
79 TALBOT (L.), « Intérêts et
limites des apports de la recherche aux pratiques de l'enseignement »,
Éduquer, édition en ligne, numéro 8, 2004, le 15
octobre 2008, [en ligne]:
http://journals.openedition.org/rechercheseducations/354
(consulté le 16-02-2021)
80 LUCCHINI (L.), VOELCKEL (M.), Droit de la
mer, Tome I: La mer et son Droit, op. cit., p.11.
14
La science devrait servir le progrès de
l'Humanité. Toutefois, entendu au sens de l'augmentation du
bien-être de l'individu par une amélioration des
possibilités techniques et industrielles81, celui-ci n'est
pas nécessairement favorisé par le développement des
connaissances sur le milieu marin. Une utilisation immorale de ces
connaissances va même à l'encontre de ce progrès
matériel. Nous pouvons dans ce cadre prendre l'exemple de la
surpêche qui met également en lumière
l'intérêt écologique de notre sujet.
La surpêche, définie comme l'exploitation des
stocks à des niveaux d'abondance inférieurs au seuil de rendement
maximal durable, entraîne une baisse de la production de poisson et a
finalement des conséquences sociales et économiques
néfastes82. Celle-ci se sert en effet des données
marines collectées par les scientifiques qui étudient les zones
et les périodes de reproduction et de migration des différentes
espèces de thon par exemple. L'industrie de la pêche a ainsi
concentré ses efforts suivant ces informations d'une manière si
irresponsable que les stocks de thon sont aujourd'hui surexploités et
doivent être reconstitués83.
Le problème réside donc dans l'utilisation
immorale des connaissances acquises par la collecte des données marines
puisque la solution au problème de la surpêche réside dans
ces mêmes connaissances selon l'Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture (ci-après FAO) qui appelle les Etats
à renforcer la préparation, les compétences et les
qualifications professionnelles des pêcheurs par des programmes
d'éducation et de formation84. Ainsi, la
81 TALBOT (L.), précité.
82 Ibidem.
83 FAO, Rapport sur la situation mondiale des
pêches et de l'aquaculture, contribuer à la sécurité
alimentaire et à la nutrition de tous, 2016.
84 L'article 8.1.7 du code de conduite pour une
pêche responsable de la FAO du 31 octobre 1995 prévoit: «Les
Etats devraient, par des programmes d'éducation et de formation
renforcer la préparation et les compétences des pêcheurs
et, le cas échéant, leur qualifications professionnelles. Ces
programmes devraient tenir compte des normes et directives
15
collecte des données marines peut à la fois
nuire à l'environnement marin et contribuer à sa protection.
D'un point de vue sécuritaire, la collecte des
données marines permet de limiter les pertes humaines et
matérielles causées par les phénomènes
météorologiques extrêmes tels que les vagues
scélérates et les ondes de tempête, ou par les catastrophes
naturelles telles que les tsunamis et les cyclones, et ce, au moyen de
prévisions météorologiques précises.
Détecter précocement les dangers maritimes au moyen de la
collecte des données marines permet d'émettre une alerte assez
tôt pour que les marins et la population anticipent85 le
danger et se protègent au mieux86. Elles permettent ainsi la
protection des personnes et des biens aussi bien en mer que sur le littoral. En
effet, cette activité ne permet pas seulement de prévoir le temps
qu'il fera en mer, mais aussi sur les littoraux et de vastes zones
continentales87, car la mer régule le climat de l'ensemble de
la planète, participant à «l'alimentation et l'entretien de
l'atmosphère qui est une couverture isolante et chauffante, d'une part,
et au refroidissement des couches solides enveloppant le moteur
lithosphérique de la Terre» d'autre part88.
L'efficacité des politiques de protection
étatiques dépendant de la qualité des données
scientifiques qui éclairent leurs décisions, une meilleure
compréhension des changements environnementaux de préoccupation
mondiale89 tels que le réchauffement climatique90
et l'acidification de la mer91 ainsi qu'une observation continue de
l'océan permettent une meilleure réponse de la part des Etats
au
internationales convenues», disponible sur le site de la
FAO au lien suivant:
http://www.fao.org/3/a-v9878f.pdf
(consulté le 21-02-2021).
85 FAURY (M.), «La science fait progresser
l'humanité», l'Infusoir, le 20 avril 2011, [en ligne]:
https://infusoir.hypotheses.org/783
(consulté le 16-02-2021).
86 Site officiel de l'OMM:
https://public.wmo.int/fr/oc%C3%A9ans
(consulté le 26-06-2020).
87 PANCRACIO (J.), op. cit., pp.1-5.
88 Ibidem.
89 Site officiel de l'OMM:
https://public.wmo.int/fr/oc%C3%A9ans
(consulté le 26-06-2020).
90 OMM, Guide pratique climatologique,
2011.
91 Résolution 74/19 de l'AGNU
précitée.
16
moment où ces phénomènes
météorologiques extrêmes surviennent92. Nous
comprenons ainsi l'importance de programmes internationaux tels que le
système mondial intégré de services océaniques
(ci-après SMISO) coordonné conjointement par la COI et l'OMM,
conçu pour assurer l'acquisition et l'échange de données
océaniques et la diffusion d'observations, d'analyses et de
prévisions de phénomènes océaniques
importants93. La collecte des données marines permet donc de
protéger la mer de l'activité de l'Homme, mais aussi de
protéger l'Homme des dangers de la mer.
D'un point de vue économique, la collecte des
données marines contribue à «améliorer la
sécurité alimentaire [et] préserver les ressources
marines»94 lorsqu'elle est mise au service de la gestion de la
pêche, de l'exploitation des minéraux et de l'extraction des
produits énergétiques95 de ce grand
«réservoir de ressources biologiques, minérales et
énergétiques»96 qu'est la mer. La collecte des
données marines peut même contribuer à l'élimination
de la pauvreté97 à travers le développement du
commerce et du transport maritimes, la mer assurant la quasi-totalité
des échanges intercontinentaux de marchandises98, ainsi que
d'autres activités d'une grande importance économique pour les
Etats côtiers telles que la plaisance et le tourisme
maritime99.
92Site web officiel de l'UNESCO:
http://www.unesco.org/new/fr/natural-sciences/ioc-oceans/focus-areas/rio-20-ocean/blueprint-for-the-future-we-want/marine-pollution/
(consulté le 26/06/2020).
93 OMM, Plan général et programme
de mise en oeuvre du système mondial intégré de services
océaniques pour 1982-1985, 1982.
94 Résolution 67/78 de l'AGNU, Les
océans et le Droit de la mer A/RES/67/78 (11 décembre
2012.
95 SHOM, Programme national d'hydrographie
2017_2020, 2017.
96 PANCRACIO (J.), op. cit., pp. 1-5.
97 Résolution 67/78 de l'AGNU,
précitée.
98 PANCRACIO (J.), op. cit., pp. 1-5.
99 SHOM, Programme national d'hydrographie
2017_2020, précité.
17
D'un point de vue politique100, la collecte des
données marines peut "susciter des réactions de
souveraineté»101. En attestent les tensions
helléno-turques qui furent récemment
ravivées102 par une campagne de prospection sismique
entreprise par la Turquie au début du mois d'août 2020 au large de
l'île grecque de Kastellorizo103, dans une zone que la
Grèce considère sous sa juridiction. Les navires des deux Etats
effectuèrent même des manoeuvres militaires rivales104
lorsque la Turquie entreprit des activités de forage.
La prospection sismique105, activité de
collecte des données marines peut être à l'origine de
telles tensions entre Etats voisins parce que l'enjeu de ces données
n'est rien de moins que l'exploitation des gisements de pétrole et de
gaz, d'autant plus que l'Institut d'études géologiques des USA
évalue le potentiel de cette zone objet de litige à 122 trillions
de pieds cube, «la consommation annuelle de
100 Site de la chaîne d'informations Al Mayadeen,
https://www.almayadeen.net/episodes/1421219/%D8%A7%D9%84%D9%85%D8%B4%D9
%87%D8%AF%D9%8A%D8%A9_%D8%AA%D9%88%D8%AA%D8%B1-%D9%85%D8%AA%D8%B2%D8%A7%D9%8A%D8%AF-%D8%A8%D9%8A%D9%86-%D8%AA%D8%B1%D9%83%D9%8A%D8%A7-%D9%88%D8%A7%D9%84%D9%8A%D9%88%D9%86%D8%A7%D9%86
(consulté le 04-03-2021).
101 VOELCKEL (M.), «Le statut juridique des
«systèmes d'acquisition des données océaniques»
(S.A.D.O.)», Annuaire français de droit international,
volume 17, 1971. p. 835, [en ligne]:
https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1971_num_17_1_1673
(consulté le 15-02-2021).
102 En 1976, la Grèce introduit une instance contre la
Turquie dans un différend concernant le plateau continental de la mer
Egée auprès de la Cour internationale de justice (ci-après
CIJ) qui se déclara finalement sans compétence, CIJ, arrêt
du 19 décembre 1978, Affaire du plateau continental de la mer
Egée, (Grèce contre Turquie), Recueil 1978.
En 1996, la souveraineté de la Grèce sur les
îlots Imia et Kardak fut remise en cause à l'occasion d'un
incident maritime civil. Ce qui est aujourd'hui connu sous le nom de la
«crise
d'Imia-Kardak» faillit déboucher sur un
affrontement militaire entre les Etats deux voisins, BERTRAND (G.),
«L'européanisation du conflit helléno-turc», Les
Champs de Mars, numéro 16, 2004, pp. 115_131, [en ligne]:
https://www.cairn.info/revue-les-champs-de-mars-ldm-2004-2-page-115.htm#no9
(consulté le 16-02-2021).
Le 18 décembre 2020, la Grèce arrêta
Sebahattin Bayram, secrétaire au consulat de Turquie à Rhodes, en
l'accusant d'espionnage pour le compte de la Turquie pour avoir pris des
photographies de navires grecs, Site internet officiel de
l'Etablissement de la Radio et Télévision de Turquie:
https://www.trt.net.tr/francais/turquie/2020/12/18/ankara-condamne-l-arrestation-d-un-employe-du-consulat-turc-a-rhodes-par-les-autorites-grecques-1548040
(consulté le 18-12-2020).
103 Site d'information de la chaîne Almanar:
https://french.almanar.com.lb/1857176
(consulté le 16-02-2021).
104 Ibidem.
105 Site officiel de l'Ifremer:
https://wwz.ifremer.fr
(consulté le 26-06-2020).
108.
18
l'Europe [étant] de 20 trillions de pieds
cube»106. Au Conseil européen, les 24 et 25 septembre
2020, la France appela l'Union européenne (ci-après UE) à
sanctionner ce qu'elle appelle «les provocations» de la
Turquie107. Cette prise de position de la France fut motivée
par les contrats d'une valeur de milliards d'euros que la Grèce avait
signé avec des entreprises françaises d'exploitation de gaz ainsi
que son achat d'avions rafales, de missiles et de torpilles françaises,
et non pas par un élan de solidarité au sein de l'UE
Tout comme la France, le reste des Etats de l'UE firent
prévaloir leurs intérêts nationaux sur la politique
étrangère et de sécurité commune (ci-après
PESC) de l'UE109 lors des réunions du Conseil européen
du premier octobre 2020 et du 11 décembre 2020. Faute d'un vote unanime,
les sanctions économiques et l'embargo européen sur les armes
à la Turquie demandés par la Grèce ne furent pas
imposés110. L'Allemagne notamment, dont les échanges
commerciaux avec la Turquie s'élèvent à des milliards
d'euros111 et vend des sous-marins à cette
dernière112, ne soutint pas cette demande de sanctions.
106 BARBAUX (A.) et CHODORGE (S.), «Pourquoi la situation
est explosive en Méditerranée
orientale», l'Usine nouvelle, le 2 septembre 2020,
[en ligne]:
https://www.usinenouvelle.com/article/pourquoi-la-situation-est-explosive-en-mediterranee-orientale.N998194
(consulté le 16-02-2021).
107 AMIR-ASLANI (A.), «La Turquie, un enjeu existentiel pour
l'Europe et pour le monde
arabo-musulman», Atlantico, le 27 septembre 2020,
[en ligne]:
https://www.atlantico.fr/decryptage/3592594/la-turquie-un-enjeu-existentiel-pour-l-europe-et-pour-le-monde-arabo-musulman-ardavan-amir-aslani
(consulté le 16-02-2021).
108 Site de la chaîne d'informations Al mayadeen,
https://www.almayadeen.net/episodes/1421219/%D8%A7%D9%84%D9%85%D8%B4%D9
%87%D8%AF%D9%8A%D8%A9_%D8%AA%D9%88%D8%AA%D8%B1-%D9%85%D8%AA%D8%B2%D8%A7%D9%8A%D8%AF-%D8%A8%D9%8A%D9%86-%D8%AA%D8%B1%D9%83%D9%8A%D8%A7-%D9%88%D8%A7%D9%84%D9%8A%D9%88%D9%86%D8%A7%D9%86
(consulté le 04-03-2021).
109 DREVET (J.), «Les dangers du veto dans l'Union
européenne», Telos, le 23 décembre
2020, [en ligne]:
https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/les- dangers-du-veto-dans-lunion-europeenne.html
(consulté le 16-02-2021).
110Ibidem.
111 «En 2018, les exportations de la Turquie vers
l'Allemagne pesaient 13,5 milliards d'euros tandis que les importations
allemandes représentaient plus de 17 milliards d'euros», site
d'information Ouest France: https://www.ouest-france.fr/ (consulté le
21-02-2021).
112 DREVET (J.), précité.
19
Enfin et surtout, du point de vue de l'actualité, les
activités de collecte des données marines ont une importance dans
le cadre de l'enquête sur l'explosion de Beyrouth du 4 août
2020113. Ainsi, le système d'observation mondial des
tremblements de terre nommé IRIS a enregistré six explosions en
Méditerranée à exactement onze secondes d'intervalle avant
l'explosion du port de Beyrouth114. Ce système utilisant des
capteurs dans les profondeurs de la mer diffuse en direct les données
collectées sur le site Web «IRIS»115 ouvert au
public. Or, l'enregistrement de ces six explosions a été
supprimé du site moins de vingt-quatre heures après sa
diffusion116 (illustration n°2).
illustration n°2: La surveillance des tremblements de
terre en mer Méditerranée
par le système d'observation mondial IRIS,
http://ds.iris.edu/seismon/zoom/?view=eveday&lon=7&lat=41
(consulté le 2802-2021).
113 Site de la chaîne d'information Almanar:
https://french.almanar.com.lb/1951688
(consulté le 02-03-2021).
114 Site d'information Israel Defence:
https://www.israeldefense.co.il/en/node/44662
(consulté le 02-03-2021).
115 Site officiel du système IRIS:
http://ds.iris.edu/seismon/index.phtml
(consulté le 17-022020).
116 Site de la chaîne d'information Almanar:
https://french.almanar.com.lb/1951688
(consulté le 02-03-2021).
20
L'étude d'une question qui présente autant
d'enjeux que la collecte des données marines et le Droit de la mer ne
peut donc pas être négligée. La CMB, cadre juridique de
cette activité, est le fruit de négociations acharnées
entre deux groupes d'Etats aux intérêts opposés dans un
contexte international particulier : les Etats en voie de développement
et les Etats industrialisés.
A la lecture des travaux préparatoires de la CMB, nous
sommes marqués par l'absence d'esprit de solidarité
internationale117. Chacun des deux groupes eut en effet comme
priorité de défendre ses intérêts avant ceux de
l'Humanité tout entière, qui seraient de favoriser le
progrès de la science et la connaissance de la mer. Le texte issu des
débats de la CNUDM III constitua une tentative de compromis qui ne
servit finalement les intérêts ni des Etats en voie de
développement, ni des Etats industrialisés. C'est à la
confluence de ces idées que la problématique choisie pour traiter
notre sujet prend forme : Le Droit de la mer favorise-t-il le
progrès de la collecte des données marines ?
117 La solidarité internationale désigne
«l'expression d'un esprit d'unité entre les individus, les peuples,
les États et les organisations internationales, englobant la
communauté d'intérêts, d'objectifs et d'actions et la
reconnaissance de droits et besoins différents pour atteindre des
objectifs communs», disponible sur le site Haut-Commissariat des Nations
Unies aux droits de
l'homme (ci-après HCDH) au lien suivant:
https://www.ohchr.org/FR/Issues/Solidarity/Pages/Mandate.aspx
(consulté le 21-02-2021).
Pour faciliter et encourager le développement des
connaissances et des techniques118 dans le domaine de la collecte
des données marines, le Droit de la mer devrait «créer les
conditions qui permettent le succès»119 de cette
activité. Or, le compromis ambigu obtenu à l'issue de la CNUDM
III ne facilite pas le progrès de cette activité et lui porte
même préjudice. La condition principale dont cette science a
besoin pour progresser est de pouvoir collecter des données dans la
totalité de cet océan mondial unique dont toutes les zones sont
interdépendantes comme nous l'avons expliqué plus haut. Il ne
faudrait laisser aucune zone d'ombre. Or, la collecte des données
marines qui est déjà difficile sur le plan pratique est en plus
entravée par un barrage juridique.
La collecte des données marines dans l'océan
mondial dans sa totalité n'est pas facilitée par le Droit de la
mer issu de la CNUDM III. Le progrès de cette science n'est donc pas
favorisé par le Droit de la mer tel qu'il régit les
activités de collecte des données marines (première
partie) et les techniques au moyen desquelles cette collecte est
effectuée (deuxième partie).
21
118 Le terme «progrès» signifie
«Amélioration de quelqu'un dans le domaine des connaissances, des
compétences, etc.», Encyclopédie LAROUSSE, 2020, [en ligne]:
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/progr%C3%A8s/64212#:~:text=Fait%20d'ava
ncer%2C%20mouvement%20en,Les%20progr%C3%A8s%20de%20l'incendie.
&text=Am%C3%A9lioration%20de%20quelqu'un%20dans,les%20progr%C3%A8s%20d'un
%20%C3%A9l%C3%A8ve. (consulté le 21-02-2021).
119 Le terme favoriser signifie «Créer les
conditions qui permettent le succès d'une action, le
développement d'une activité ; faciliter, encourager : Mesures
qui favorisent le commerce»,
Encyclopédie LAROUSSE précitée, [en
ligne]:
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/favoriser/33092#:~:text=Placer%20quelqu'un
%20dans%20une,Mesures%20qui%20favorisent%20le%20commerce. (consulté le
21-022021).
22
Première partie:
Le Droit de la mer ne favorise pas
le développement des activités de
collecte des données marines
23
En vertu de la CMB, l'Etat côtier jouit de droits
souverains et de juridictions qui affectent toutes les activités de
collecte des données marines: hydrographie, recherche scientifique
marine, mais aussi exploration des ressources naturelles,
archéologie sous-marine, levés militaires,
météorologie marine et océanographie
opérationnelle. De toutes ces activités de collecte des
données marines, la CMB ne détaille le régime que d'une
seule : la recherche scientifique marine. Elle consacre à l'une une
partie entière et aux autres seulement quelques articles, mais n'en
définit aucune. Il est alors malaisé de procéder à
la qualification juridique de ces diverses activités pour savoir avec
certitude si elles sont soumises ou non au régime prévu pour la
recherche scientifique marine, régime très astreignant qui ne
facilite pas cette dernière. Le progrès de la collecte des
données marine n'est donc pas favorisé par les dispositions de la
CMB qui sont lacunaires (chapitre premier) et astreignantes (chapitre
deuxième).
Chapitre premier: Un encadrement lacunaire des
activités de collecte des données marines
La question de la recherche scientifique marine fut l'objet de
l'une des négociations les plus délicates de la CNUDM III
opposant les Etats en voie de développement aux Etats
industrialisés120. En effet, cette question revêt non
seulement des enjeux techniques mais aussi politiques et économiques,
tels que le statut de la ZEE ou de la Zone internationale des fonds marins
(ci-après la Zone)121. Ceci explique l'absence d'une
définition de la recherche scientifique marine sur laquelle ces deux
groupes d'Etats se seraient finalement accordés (section I). La
frontière qui sépare cette activité de collecte des
données marines de toutes les autres est par conséquent floue
(section II).
Section I. La définition de la recherche
scientifique marine absente de la Convention de Montego Bay
L'absence de définition de la recherche scientifique
marine dans la CMB est «le reflet des conflits qui ont
présidé aux négociations»122.
Penchons-nous alors sur les différentes définitions
proposées pour ce concept (paragraphe I) avant de revenir sur les
raisons de cette absence (paragraphe II).
24
120 MARFFY (A. de), «La Convention de Montego Bay»,
p.63.
121 Ibidem.
122 MARFFY (A. de), «Les difficultés posées
par la mise en application du nouveau régime de la recherche
scientifique marine avant l'entrée en vigueur de la Convention des
Nations Unies sur le Droit de la mer», Annuaire français de
droit international, volume 35, 1989, p. 742, [en ligne]:
www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1989_num_35_1_2930
(consulté le 15-02-2021).
25
Paragraphe I. Les tentatives de définition de la
recherche scientifique marine
Ne pouvant trouver aucun article de la CMB qui proposerait une
définition explicite de la recherche scientifique marine, revenons au
sens ordinaire attribué à ce terme (A) puis aux autres
conventions, législations nationales et propositions de la CNUDM III qui
distinguent entre la recherche scientifique marine pure et industrielle (B).
A. Le sens ordinaire du terme «recherche
scientifique marine»
Un projet d'article sur la définition et l'objectif de
la recherche scientifique marine fut négocié au cours de la CNUDM
III puis abandonné. Il fut proposé de définir la recherche
scientifique marine comme "toute étude ou investigation du milieu marin
et les expériences y relatives123", ou encore, "toute
étude et tout travail expérimental connexe destinés
à accroître les connaissances de l'Humanité sur le milieu
marin"124. Les Etats industrialisés125 ainsi que
les Etats en voie de développement126 semblèrent
d'accord127 pour que "la recherche scientifique marine signifie
toute étude et tout travail expérimental connexe menés
dans le milieu marin"128. Mais aucune de ces propositions ne fut
retenue et la définition de la recherche scientifique marine est ainsi
absente du texte final de la CMB. Nous devons dès lors
interpréter ce terme suivant le sens ordinaire qui lui est
attribué.
123 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.9, Documents officiels
de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume III, p.252
124ONU, Document A/CONF.62/WP.8/Rev.1/PartIII,
Documents officiels de la troisième conférence des Nations
Unies sur le Droit de la mer, volume V, pp.173-184.
125 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.26, Documents officiels
de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume IV, pp.213-215.
126 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.29, Documents officiels
de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume IV, pp.216-218.
127 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.19, Documents officiels
de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume III, pp. 266-267.
128ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.17, Documents
officiels de la troisième conférence des Nations Unies sur le
Droit de la mer, volume III, pp. 263-266.
26
Suivant le contexte de la CMB, à la lumière de
son objectif et de son but129, sur la base de ses travaux
préparatoires et des circonstances dans lesquelles elle a
été conclue130, et en l'absence d'un accord
ultérieur intervenu entre les parties au sujet de son
interprétation ou de l'application de ses dispositions131, le
terme recherche scientifique marine désigne toute recherche scientifique
menée dans le milieu marin.
Nous pouvons définir la recherche scientifique comme
toute étude et travail expérimental connexe132 de
l'espace, sa nature, ses ressources, et ses
caractéristiques133, au moyen de méthodes
scientifiques134, d'investigations135 et d'observations
détaillées, afin d'en obtenir une meilleure compréhension.
La recherche scientifique constitue ainsi l'ensemble des études et des
travaux «menés méthodiquement par un spécialiste et
ayant pour objet de faire progresser la connaissance»136. Il
fut convenu au cours de la CNUDM III d'abandonner l'article proposant de
définir le terme "recherche scientifique"137 comme une
«observation détaillée, une activité analytique ayant
pour seul objectif une meilleure compréhension de la nature et des
caractéristiques de
129 L'article 31.1 de la Convention de Vienne sur le Droit des
traités du 23 mai 1969 prévoit: "Un traité doit être
interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à
attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but», disponible sur
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19690099/index.html
130 L'article 32 de la Convention de Vienne sur le Droit des
traités précitée prévoit: "Il peut être fait
appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et
notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles
le traité a été conclu (...)".
131 L'article 31.3.a de la Convention de Vienne sur le Droit
des traités précitée prévoit: "Il sera tenu compte,
en même temps que du contexte de tout accord ultérieur intervenu
entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de
l'application de ses dispositions (...)".
132 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.17, op. cit., pp.
263-266.
133 ONU, Document A/CONF.62/C.1/SR.2, Documents officiels
de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume II, pp. 5-10.
134 BORK (K.), «The Legal Regulation of Floats and
Gliders. In Quest of a New Regime?», Ocean development &
international law, volume 39, numéro 3, 2008, p. 303, [en ligne]
https://www.researchgate.net/publication/232914703_The_Legal_Regulation_of_Floats_and
_Gliders-In_Quest_of_a_New_Regime (consulté le 15-02-2021).
135 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.19, op. cit., pp.
266-267.
136 Le terme «recherche» désigne
«l'ensemble d'études et de travaux menés
méthodiquement par un spécialiste et ayant pour objet de faire
progresser la connaissance», Encyclopédie LAROUSSE, 2020,
[en ligne] http://www.larousse.fr/ (consulté le 14/09/2020).
137 ONU, Document A/CONF.62/C.1/SR.11, Documents officiels
de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume II, pp.53-59.
27
l'espace, de ses ressources ainsi que des facteurs
environnementaux physiques»138.
La recherche scientifique dite marine a pour objet
d'étude le milieu marin, "la nature des phénomènes et
processus dont il est le lieu et leurs interactions"139. Celui-ci
est définit par l'AIFM comme l'ensemble des "éléments et
facteurs physiques, chimiques, géologiques et biologiques, entre autres,
qui agissent les uns sur les autres et déterminent la
productivité, l'état, la condition et la qualité de
l'écosystème marin, les eaux des mers et des océans et
l'espace aérien surjacent ainsi que les fonds marins et leur
sous-sol"140. En d'autres termes, le milieu marin constitue le fond
des mers, leur sous-sol, la colonne d'eau et l'espace atmosphérique
directement au-dessus141.
Nous pouvons ainsi interpréter la «recherche
scientifique marine» suivant le sens ordinaire à attribuer à
ce terme comme nous pouvons établir une distinction entre la recherche
pure et la recherche industrielle.
B. La distinction entre la recherche pure et la
recherche industrielle
Au cours de la CNUDM III, les Etats industrialisés
défendirent la distinction entre la recherche pure et la recherche
industrielle que nous retrouvons dans l'article 5 de la Convention de
Genève sur le plateau continental qui oppose les
138 ONU, Document A/CONF.62/C.1/SR.2, op. cit., p. 6.
139 L'article 243 de la CMB précitée
prévoit: "Les Etats [...] coopèrent [...] pour créer des
conditions favorables à la conduite de la recherche scientifique marine
dans le milieu marin et unir les efforts des chercheurs qui étudient la
nature des phénomènes et processus dont il est le lieu et leurs
interactions».
140L'article premier du règlement relatif
à la prospection et à l'exploration des nodules
polymétalliques dans la Zone, adopté le 13 juillet 2000 par
l'Autorité internationale des fonds marins définit le milieu
marin comme "les éléments et facteurs physiques, chimiques,
géologiques et biologiques, entre autres, qui agissent les uns sur les
autres et déterminent la productivité, l'état, la
condition et la qualité de l'écosystème marin, les eaux
des mers et des océans et l'espace aérien surjacent ainsi que les
fonds marins et leur sous-
sol ", disponible sur
http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&table_name=loi&c
n=2000071352
141BORK (K.), op.cit., p.304.
28
«recherches océanographiques fondamentales [et]
autres recherches scientifiques effectuées avec l'intention d'en publier
les résultats»142, dites aussi «recherches de
nature purement scientifiques»143, aux recherches de nature
industrielle, ou recherches océanographiques appliquées.
Les Pays-Bas proposèrent ainsi l'exploitation directe
des ressources marines comme critère de distinction. La recherche
scientifique pure, dite aussi fondamentale144, désignerait
«toute étude ou travail expérimental connexe dans
l'environnement marin excluant l'exploration industrielle et les autres
activités visant l'exploitation directe des ressources marines,
conçus pour augmenter les connaissances de l'Humanité et
conduites à des fins pacifiques»145. En d'autres termes,
la recherche pure constituerait toute étude scientifique dans le milieu
marin qui «ne poursuit pas directement un but économique», qui
ne procure aucun revenu immédiat146.
La recherche industrielle, dite aussi appliquée,
désignerait quant à elle toute étude scientifique visant
directement l'exploitation des ressources marines147 telles que les
travaux de prospection et d'exploration entrepris à des fins
142 L'article 5.1 de la Convention de Genève sur le
plateau continental précitée prévoit: «L'exploration
du plateau continental et l'exploitation de ses ressources naturelles ne
doivent pas avoir pour effet de gêner d'une manière injustifiable
la navigation, la pêche ou la conservation des ressources biologiques de
la mer, ni de gêner les recherches océanographiques fondamentales
ou les autres recherches scientifiques effectuées avec l'intention d'en
publier les résultats», disponible au lien suivant:
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19580063/index.html
(consulté le 21-022021).
143 L'article 5.8 de la Convention de Genève sur le
plateau continental précitée prévoit: «Le
consentement de l'Etat riverain doit être obtenu pour toutes recherches
touchant le plateau continental entreprises sur place. Toutefois, l'Etat
riverain ne refusera normalement pas son consentement lorsque la demande sera
présentée par une institution qualifiée, en vue de
recherches de nature purement scientifique concernant les
caractéristiques physiques ou biologiques du plateau continental,
à condition que l'Etat riverain puisse, s'il le souhaite, participer
à ces recherches ou s'y faire représenter, et qu'en tout cas les
résultats en soient publiés».
144 MONTJOIE (M.), op. cit., pp.841-842.
145 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.17, op.cit., pp.
263-266.
146 FREYMOND (O.), Le statut de la recherche scientifique
marine en Droit international, op. cit., pp. 37-44.
147 Ibidem.
économiques immédiates148. Ces
recherches ont en effet pour objectif de localiser des gisements
minéraux, gaziers ou pétroliers pouvant faire l'objet d'une
exploitation industrielle149. Les données collectées
par la recherche appliquée sont ainsi affectées à des fins
pratiques150.
Si la distinction entre la recherche scientifique marine et la
recherche sur les ressources marines ne fut pas adoptée par la CMB,
certaines législations nationales telles que la législation russe
établissent aujourd'hui cette distinction. Cette dernière
prévoit que la recherche scientifique marine fondamentale «vise
à obtenir des connaissances au sujet des phénomènes
naturels sur les fonds marins, les sous-sols, la colonne d'eau et
l'atmosphère surjacente»151 tandis que «la
recherche sur les ressources marines, ou recherche scientifique
appliquée, a pour objectif l'étude, l'exploration et
l'exploitation commerciale des ressources vivantes et
non-vivantes»152.
La définition de la recherche scientifique marine est
ainsi absente de la version finale de la CMB, et ce, pour plusieurs raisons.
29
148 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le Droit de
la mer, 2011, pp.14-16.
149 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 37-44.
150 FRIKHA (A.), La collecte des données
océanographiques: singularité ou diversité du
régime juridique?, Mémoire en affaires maritimes,
Académie navale Menzel Bourguiba, 2019, pp.11-12.
151 Statut de la ZEE de la Fédération de Russie
du 2 décembre 1998, disponible sur
https://www.un.org/depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/RUS_1998_Act_
EZ.pdf
152 Ibidem.
Paragraphe II. Les raisons de l'absence de
définition de la recherche scientifique marine
L'absence de la définition de la recherche scientifique
marine est due à un débat au cours des négociations de la
CNUDM III qui ne déboucha sur aucun compromis153. Celui-ci
opposa les Etats industrialisés aux Etats en voie de
développement. Les premiers étaient favorables à la
distinction entre la recherche scientifique pure et la recherche industrielle
tandis que les seconds y étaient farouchement hostiles. Et pour cause,
l'enjeu n'était pas une simple distinction terminologique mais
l'adoption d'un régime juridique unique (A) qui protège les
intérêts économiques et militaires de l'Etat côtier
(B).
A. Un régime juridique unique
Le Texte unique de négociation officieux
révisé dont l'article 48 prévoyait qu'aux fins «de la
présente Convention, par recherche scientifique marine, on entend toute
étude et tout travail expérimental connexe destiné
à accroître les connaissances de l'Humanité sur le milieu
marin»154 semblait avoir adopté la distinction entre la
recherche scientifique pure et la recherche industrielle. Mais le texte final
de la CMB abandonna cet article de définition. Il en découle par
conséquent un régime juridique identique pour la recherche
scientifique marine pure et la recherche industrielle.
30
153 FRIKHA (A.), op. cit., pp.11-12.
154 ONU, Document A/CONF.62/WP.8/Rev.1/PartIII, op.
cit., pp.173-184.
31
Adopter cette distinction aurait en effet conduit à
établir deux régimes juridiques distincts155 pour les
deux types de recherches. La recherche pure aurait été soumise
à un régime de liberté, plus souple156 que le
régime du consentement auquel aurait été soumise la
recherche industrielle157. Ainsi, seule cette dernière aurait
nécessité le consentement préalable de l'Etat côtier
et aurait fait l'objet de son contrôle. Le véritable enjeu de
cette distinction terminologique juridique158 était donc de
savoir si la recherche scientifique marine était soumise à la
souveraineté de l'Etat côtier ou si elle y
échappait159.
Cette distinction entre la recherche pure et la recherche
industrielle se trouva ainsi au centre des intérêts divergents des
Etats industrialisés et des Etats en voie de
développement160. Les Etats industrialisés tels que la
France, la Finlande et la Suède161 revendiquèrent une
liberté de recherche maximale pour la recherche pure. Les Etats en voie
de développement tels que le Soudan et le Kenya162
revendiquèrent quant à eux un régime de contrôle
strict de l'Etat côtier sur les deux types de recherche scientifique
marine. La Libye déclara à cet égard qu'une telle
activité menée dans les zones soumises à la
souveraineté de l'Etat côtier relève du droit exclusif de
cet Etat163.
155 FRIKHA (A.), op. cit., pp.11-12.
156 MOUSSA (F.), La Tunisie et le Droit de la mer,
Tunis, Imprimerie officielle de la république tunisienne, 1981,
p.107.
157 GUILLOUX (B.), «Le régime de Droit
international public de la recherche scientifique marine: dualité
juridique et pratique», Annuaire de Droit maritime et
océanique, tome XXII, 2004, pp.24-25, [en ligne]:
https://docplayer.fr/65049723-Le-regime-de-droit-international-public-de-la-recherche-scientifique-marine-dualite-juridique-et-pratique-1.html
(consulté le 15-02-2021).
158 MONTJOIE (M.), op. cit., pp.840-842.
159 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 37-44.
160 MONTJOIE (M.), op. cit., pp.840-842.
161 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 37-44.
162 Ibidem.
163 ONU, Document A /CONF.62/ SR.32, op. cit., pp.
127-133.
Les Etats en voie de développement voulaient
étendre leur contrôle sur la recherche scientifique marine dans
les zones sous leur souveraineté et les zones sous leur juridiction afin
de protéger leurs ressources naturelles contre les Etats
industrialisés. Les premiers accusèrent en effet les seconds de
ne pas défendre la liberté de la science par principe, mais
plutôt pour limiter le contrôle des Etats côtiers en voie de
développement sur ces zones afin de pouvoir explorer et exploiter les
ressources qui s'y trouvent au nom de la prospérité de la
science164.
Les Etats en voie de développement
déclarèrent alors à la CNUDM III qu'ils «n'avaient
aucune intention d'entraver la recherche, mais qu'ils n'étaient pas non
plus préparés à permettre l'exploitation de leurs
ressources et la pollution de leurs eaux sous le prétexte que ceci est
dans l'intérêt de la science. C'était quasiment une
insulte, un vestige de la mentalité paternaliste de certaines
puissances, de supposer que [les Etats en voie de développement]
désiraient entraver le progrès de la recherche par
caprice»165.
La définition de la recherche scientifique marine est
ainsi absente de la version finale de la CMB parce que les Etats en voie de
développement voulurent éviter de distinguer entre la recherche
pure et la recherche industrielle et appliquer par conséquent un
régime unique qui protège les intérêts de l'Etat
côtier.
32
164 FRIKHA (A.), op. cit., pp.2-86.
165 ONU, Document A/CONF.62/C.2/SR.29, op. cit.,
pp.224-226.
33
B. La protection des intérêts de l'Etat
côtier
Les Etats en voie de développement virent dans cette
distinction entre la recherche industrielle soumise au contrôle de l'Etat
côtier et la recherche pure échappant à ce contrôle
«une brèche par laquelle les Etats industrialisés
[tentaient] d'accéder»166 aux ressources de leurs zones
de juridiction et un moyen de limiter leur emprise maritime. La
République de Trinité-et-Tobago déclara en effet que
«la nature de la recherche scientifique marine s'oppose à toute
distinction précise entre la recherche pure et la recherche industrielle
conduite dans le but d'une exploitation commerciale ou d'une utilisation
militaire»167.
La science fondamentale servant souvent de base pour une
activité économique ou militaire ultérieure, cette
distinction est injustifiée168. En effet, les
résultats des recherches fondamentales géologiques permettent de
localiser les ressources minérales et peuvent être
exploités par les compagnies pétrolières, les
résultats de la recherche biologique pure permettent de localiser les
ressources halieutiques et peuvent être exploités par les
entreprises de pêche, et les résultats de la recherche
fondamentale en océanographie physique peuvent être
exploités par les inventeurs des nouvelles armes
militaires169.
Les Etats en voie de développement avaient plusieurs
raisons d'être méfiants à l'égard des Etats
industrialisés qui avaient déjà exploité leurs
ressources pendant la période coloniale. Appauvris par cette
colonisation et par conséquent techniquement moins avancés,
ceux-ci n'avaient pas les moyens de savoir si les projets de recherche que les
Etats industrialisés se seraient proposé d'effectuer dans leurs
eaux relevaient de la recherche pure ou de la recherche
industrielle170.
166 MOUSSA (F.), op. cit., p.107.
167 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.9, op. cit., p.252.
168 MONTJOIE (M.), op. cit., pp.841.
169 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 37-44.
170 MOUSSA (F.), op. cit., p.107.
34
De plus, ils «préfèrent garder secret ce
qu'ils considèrent [alors] faire partie de leur
patrimoine171. Enfin, ils risquent d'être dans une position
défavorable dans la négociation de contrats d'exploitation des
ressources que les Etats industrialisés pourraient découvrir dans
les zones qu'ils se sont (ré)appropriées172.
C'est ainsi que la définition de la recherche
scientifique marine est absente de la version finale de la CMB. Sa distinction
des autres activités de collecte de données marines est
dès lors difficile, et la catégorisation de ces dernières,
incertaine.
Section II. Une catégorisation incertaine des
activités de collecte des
données marines
La CMB ne propose la définition d'aucune
activité de collecte des données marines. L'enjeu de telles
définitions étant la conception de catégories juridiques
aux frontières nettes173 qui ne laissent planer aucune
incertitude. Nous proposons alors une catégorisation de ces
activités sur la base du critère de l'affectation des
données marines collectées. Celles-ci peuvent en effet être
affectées à des fins commerciales (paragraphe I) ou à des
fins sécuritaires (paragraphe II).
171 MARFFY (A. de), «Les difficultés posées
par la mise en application du nouveau régime de la recherche
scientifique marine avant l'entrée en vigueur de la Convention des
Nations Unies sur le Droit de la mer», op. cit., p. 747.
172 Ibibem.
173 Une frontière nette est une frontière «qui
ne laisse pas de doute, qui est sans équivoque,
Encyclopédie LAROUSSE, 2020, [en ligne]
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/net/54328?q=net#53966
(consulté le 15-022021).
35
Paragraphe I. Le critère de l'affectation des
données marines collectées à des fins commerciales
L'exploration des ressources halieutiques et
l'archéologie sous-marine étudient des objets matériels
tandis que la recherche scientifique marine étudie le plus souvent des
phénomènes naturels. L'affectation de ces objets à des
fins commerciales ou l'interdiction de leur commercialisation nous permet de
distinguer la recherche scientifique marine de l'exploration des ressources
naturelles (A) et l'exploration des ressources archéologiques (B).
A. L'exploration des ressources naturelles
L'exploration constitue la collecte de
données174 affectées à la recherche de
gisements de pétrole, de gaz ou de nodules
polymétalliques175 ainsi que la collecte de données
concernant certaines espèces animales visées par la pêche,
l'analyse de ces ressources, et l'étude «des facteurs
environnementaux, techniques, économiques, commerciaux et autres
à prendre en considération dans [leur]
exploitation»176.
L'exploitation consiste quant à elle à la mise
en valeur de ces ressources177. Elle se définit comme
«la collecte à des fins commerciales [de ressources naturelles
marines telles que les poissons ou le corail] dans la Zone et l'extraction des
minéraux qu'ils contiennent, notamment la construction et l'exploitation
de systèmes d'extraction minière, de traitement et de transport
pour la production
174 BORK (K.), op. cit., pp. 304.
175 L'article 1.3.b. du règlement relatif à la
prospection et à l'exploration de nodules polymétalliques dans la
Zone précité prévoit: «Aux fins du présent
règlement, on entend par exploration la recherche, faisant l'objet de
droits exclusifs, de gisements de nodules polymétalliques dans la Zone,
l'analyse de ces gisements, l'utilisation et l'essai des procédés
et du matériel d'extraction, des installations de traitement et des
systèmes de transport, et l'établissement d'études des
facteurs environnementaux, techniques, économiques, commerciaux et
autres à prendre en considération dans l'exploitation».
176 Ibidem.
177GUILLOUX (B.), op. cit., p.4.
36
et la vente de minéraux»178. Les termes
exploration et exploitation sont quasiment toujours mentionnées
conjointement dans la CMB179. Seul l'article 62 est consacré
exclusivement à l'exploitation des ressources biologiques tandis que
l'article 277 mentionne «l'extraction minière» aux
côtés de «l'exploration géologique des fonds
marins»180.
Cette exploration a pour objet les ressources naturelles, que
la CMB définit différemment selon la zone maritime
concernée181. Ainsi, le régime de la ZEE s'applique
aux «ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux
surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur
sous-sol»182. L'article 77.4 de la CMB reprend ensuite la
définition de la Convention de Genève sur le
178 L'article 1.3.a du règlement relatif à la
prospection et à l'exploration de nodules polymétalliques dans la
Zone précité prévoit: «Aux fins du présent
règlement, on entend par exploitation la collecte à des fins
commerciales de nodules polymétalliques dans la Zone et l'extraction des
minéraux qu'ils contiennent, notamment la construction et l'exploitation
de systèmes d'extraction minière, de traitement et de transport
pour la production et la vente de minéraux».
179 La CMB consacre les articles 56, 73, 77 et 79 à
l'exploration et l'exploitation marines dans la zone économique
exclusive et sur le plateau continental de l'Etat côtier, l'article 123
à cette activité dans les mers fermées et
semi-fermées, la partie XI intitulée "La Zone" dans cet espace,
les articles 266 et 269 au transfert des techniques dans ce domaine, l'annexe
III intitulée «Dispositions de base régissant la
prospection», mais surtout les articles 246 et 249 à cette
activité en relation avec la recherche scientifique marine.
180 L'article 277 de la CMB précitée
prévoit: «Les centres régionaux, entre autres fonctions,
sont chargés d'assurer : a) des programmes de formation et
d'enseignement à tous les niveaux dans divers domaines de la recherche
scientifique et technique marine, en particulier la biologie marine, portant
notamment sur la conservation et la gestion des ressources biologiques,
l'océanographie, l'hydrographie, l'ingénierie, l'exploration
géologique des fonds marins, l'extraction minière et les
techniques de dessalement de l'eau ; b) des études de gestion ; c) des
programmes d'études ayant trait à la protection et à la
préservation du milieu marin et à la prévention, la
réduction et la maîtrise de la pollution ; d) l'organisation de
conférences, séminaires et colloques régionaux ; e) le
rassemblement et le traitement de données et d'informations dans le
domaine des sciences et techniques marines ; f) la diffusion rapide des
résultats de la recherche scientifique et technique marine dans des
publications facilement accessibles ; g) la diffusion d'informations sur les
politiques nationales concernant le transfert des techniques marines, et
l'étude comparative systématique de ces politiques ; h) la
compilation et la systématisation des informations relatives à la
commercialisation des techniques ainsi qu'aux contrats et aux autres
arrangements relatifs aux brevets ; i) la coopération technique avec
d'autres États et la région».
181 ROACH (A.), «Marine Data Collection: US
Perspectives», in LEE (S.), (ed.), LEE (H.) (ed.), BAUSTITA (L.)
(ed.) et ZOU (K.) (ed.), Asian Yearbook of International Law,
volume
22, Brill, 2016, pp. 188-189, [en ligne]:
https://www.jstor.org/stable/pdf/10.1163/j.ctvrxk3zz.13.pdf?refreqid=excelsior%3A6c2882d
ddf79def6f48793174ae55591 (consulté le 15-02-2021).
182 Article 56.1.a de la CMB précitée.
37
plateau continental183 pour définir les
ressources naturelles de ladite zone comme «les ressources
minérales et autres ressources non biologiques des fonds marins et de
leur sous-sol, ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux
espèces sédentaires, c'est-à-dire les organismes qui, au
stade où ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles
sur le fond ou au-dessous du fond, soit incapables de se déplacer
autrement qu'en restant constamment en contact avec le fond ou le
sous-sol»184.
Aux fins de la partie de la CMB consacrée à la
Zone internationale des fonds marins (ci-après la Zone), on entend par
ressources naturelles «toutes les ressources minérales solides,
liquides ou gazeuses in situ qui, dans la Zone, se trouvent sur les
fonds marins ou dans leur sous-sol, y compris les nodules
polymétalliques [...]. Une fois extraites de la Zone, [celles-ci] sont
dénommées « minéraux »»185.
Enfin, le régime de la haute mer s'applique aux ressources biologiques
comprenant les poissons et les mammifères marins186.
En vertu du principe de la souveraineté des peuples sur
les ressources naturelles187 qui englobe les ressources
marines188, et en vertu de l'article 2 de la
183 L'article 2.4 de la Convention de Genève sur le
plateau continental précitée prévoit: «Les ressources
naturelles visées dans les présents articles comprennent les
ressources minérales et autres ressources non vivantes du lit de la mer
et du sous-sol, ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux
espèces sédentaires, c'est-à-dire les organismes qui, au
stade où ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles
sur le lit de la mer ou au-dessous de ce lit, soit incapables de se
déplacer si ce n'est en restant constamment en contact physique avec le
lit de la mer ou le sous-sol».
184 L'article 77.4 de la CMB précitée
prévoit: «Les ressources naturelles visées dans la
présente partie comprennent les ressources minérales et autres
ressources non biologiques des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi que les
organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires,
c'est-à-dire les organismes qui, au stade où ils peuvent
être pêchés, sont soit immobiles sur le fond ou au-dessous
du fond, soit incapables de se déplacer autrement qu'en restant
constamment en contact avec le fond ou le sous-sol».
185 Article 133 de la CMB précitée.
186 ROACH (A.), op. cit., pp. 188-189.
187 Résolution sur souveraineté permanente
sur les ressources naturelles, A/RES/1803 (14 décembre 1962).
188 FISCHER (G.), «La souveraineté sur les
ressources naturelles», Annuaire français de droit
international, volume 8, 1962, pp. 520, [en ligne]:
www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1962_num_8_1_985
(consulté le 15-02-2021).
38
CMB, l'Etat côtier exerce sa
souveraineté189 sur les ressources naturelles se trouvant
dans sa mer territoriale. Celui-ci a également «des droits
souverains aux fins d'exploration et d'exploitation [...] des ressources
naturelles»190 dans sa ZEE «située au-delà
de la mer territoriale et adjacente à celle-ci»191 mais
aussi sur son plateau continental192 qui «comprend les fonds
marins et leur sous-sol au-delà de sa mer
territoriale»193. L'activité d'exploration des
ressources marines dans ces zones dépend donc des moyens de l'Etat
côtier. La collecte des données marines dans les zones sous
l'emprise d'Etats côtiers ne disposant pas de techniques
développées est donc difficile et ces parties de l'océan
mondial risquent de rester méconnues.
Par contre, «aucun Etat ne peut revendiquer ou exercer de
souveraineté ou de droits souverains»194 sur les
ressources de la Zone qui sont «le patrimoine
189 L'article 2.1 de la CMB précitée
prévoit: «La souveraineté de l'État côtier
s'étend, au-delà de son territoire et de ses eaux
intérieures et, dans le cas d'un État archipel, de ses eaux
archipélagiques, à une zone de mer adjacente
désignée sous le nom de mer territoriale».
190L'article 56.1.a de la CMB précitée prévoit:
"Dans la zone économique exclusive, l'Etat côtier a des droits
souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de
gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux
surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sols ainsi qu'en
ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et
à l'exploitation de la zone à des fins économiques, telles
que la production d'énergie à partir de l'eau, des courants et
des vents».
191 L'article 55 de la CMB précitée
prévoit: «La zone économique exclusive est une zone
située au-delà de la mer territoriale et adjacente à
celle-ci, soumise au régime juridique particulier établi par la
présente partie, en vertu duquel les droits et la juridiction de l'Etat
côtier et les droits et libertés des autres Etats sont
gouvernés par les dispositions pertinentes de la Convention».
192 L'article 77.1 de la CMB précitée
prévoit: «L'Etat côtier exerce des droits souverains sur le
plateau continental aux fins de son exploration et de l'exploitation de ses
ressources naturelles».
193 L'article 76.1 de la CMB précitée
prévoit: «Le plateau continental d'un Etat côtier comprend
les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur
toute l'étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet
Etat jusqu'au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200
milles marins des lignes de base à partir desquelles Est mesurée
la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge
continentale se trouve à une distance inférieure».
194 L'article 137 de la CMB précitée
prévoit: «1. Aucun État ne peut revendiquer ou exercer de
souveraineté ou de droits souverains sur une partie quelconque de la
Zone ou de ses ressources ; aucun État ni aucune personne physique ou
morale ne peut s'approprier une partie quelconque de la Zone ou de ses
ressources. Aucune revendication, aucun exercice de souveraineté ou de
droits souverains ni aucun acte d'appropriation n'est reconnu.
2. L'humanité tout entière, pour le compte de
laquelle agit l'Autorité, est investie de tous les droits sur les
ressources de la Zone. Ces ressources sont inaliénables. Les
minéraux extraits de la Zone ne peuvent, quant à eux, être
aliénés que conformément à la présente
partie et aux règles, règlements et procédures de
l'Autorité.
39
commun de l'Humanité»195. L'article 137
de la CMB investit alors l'AIFM «de tous les droits sur les ressources de
la Zone» pour organiser, mener et contrôler l'exploration de ces
ressources «pour le compte de l'Humanité tout
entière»196. Ces dispositions semblent favoriser cette
activité de collecte des données marines dans cette partie de
l'océan mondial, et par conséquent le progrès de cette
science.
Les données collectées dans le cadre d'un projet
de recherche scientifique marine peuvent avoir également pour objet les
ressources naturelles, mais l'affectation de ces mêmes données
diffère d'une activité à l'autre197. Alors que
la recherche scientifique vise à accroître les connaissances sur
les ressources halieutiques, l'activité d'exploration vise
l'exploitation commerciale de ces ressources. Cette activité a donc un
caractère exclusivement économique198.
Pour cette raison, il fut proposé durant les
négociations de la CNUDM III que les conditions d'exploitation ne
devraient s'appliquer qu'aux activités commerciales et non à la
recherche scientifique199. Mais la distinction entre la recherche
scientifique marine ayant pour objet les ressources naturelles et les
activités d'exploration et d'exploitation de celles-ci est plus complexe
que ce que nous venons de présenter. En effet, la collecte de
différentes variétés de riz pour mettre au point une
nouvelle variété plus adaptée à tel insecte
ravageur ou encore l'utilisation des molécules chimiques d'une plante
pour développer un
3. Un État ou une personne physique ou morale ne
revendique, n'acquiert ou n'exerce de droits sur les minéraux extraits
de la Zone que conformément à la présente partie. Les
droits autrement revendiqués, acquis ou exercés ne sont pas
reconnus».
195 L'article 136 de la CMB précitée
prévoit: «La Zone et ses ressources sont le patrimoine commun de
l'Humanité».
196 L'article 153.1 de la CMB précitée
prévoit: « Les activités, dans la Zone, sont
organisées, menées et contrôlées par
l'Autorité pour le compte de l'humanité tout entière
conformément au présent article, et aux autres dispositions
pertinentes de la présente partie et des annexes qui s'y rapportent
ainsi qu'aux règles, règlements et procédures de
l'Autorité».
197 BORK (K.), op. cit., pp. 304-305.
198 MONTJOIE (M.), op. cit., pp.842.
199 ONU, Document A/CONF.62/C.1/SR.14, Documents officiels
de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume II, pp. 69-76.
40
médicament peuvent être qualifiées de
recherche scientifique appliquée ou de «valorisation indirecte et
différée»200 des ressources naturelles puisque
celles-ci sont exploitées «pour leur potentialité chimique
ou génétique à mener à un nouveau
produit»201.
Ainsi, les activités d'exploration peuvent avoir pour
objet les ressources naturelles en vue de leur commercialisation, mais aussi
les ressources archéologiques dont la commercialisation est
interdite.
B. L'exploration des ressources
archéologiques
Contrairement à l'activité d'exploration des
ressources naturelles, l'archéologie sous-marine ne saurait constituer
une activité économique. En vertu de la règle de non
exploitation commerciale du patrimoine culturel subaquatique, les vestiges
culturels sous-marins sont non commercialisables. En d'autres termes, ils ne
peuvent faire l'objet de transactions ni d'opérations de vente, d'achat
ou de troc. Ainsi, leur affectation à des fins de spéculation
commerciale est interdite en vertu de l'article 2.7 de la Convention de
l'UNESCO sur la protection du patrimoine culturel subaquatique202 et
la règle 2 de son annexe qui prévoit que «l'exploitation
commerciale du patrimoine culturel subaquatique à des fins de
transaction ou de spéculation [...] est foncièrement incompatible
avec la protection et la bonne gestion de ce patrimoine»203. La
protection du patrimoine
200 NOIVILLE (C.), «Aspect juridique: droit
d'accès aux ressources biologiques et partage des avantages»,
in GUEZENNEC (J.), (dir.) MORETTI (C.) (dir.) et SIMON (J.) (dir.),
Substances naturelles en Polynésie française, Marseille,
Institut de Recherche pour le Développement, 2006, pp.178-209, [en
ligne]:
https://books.openedition.org/irdeditions/831
(consulté le 15-022021).
201 Ibidem.
202 L'article 2.7 de la Convention de l'UNESCO sur la
protection du patrimoine culturel subaquatique signée à Paris le
2 novembre 2001 prévoit: «Le patrimoine culturel subaquatique ne
doit faire l'objet d'aucune exploitation commerciale», disponible sur le
site de l'UNESCO
au lien suivant:
http://portal.unesco.org/fr/ev.php- URL_ID=13520&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
(consulté le 21-022021).
203 La règle 2 de l'annexe de la Convention de l'UNESCO
sur la protection du patrimoine culturel subaquatique prévoit:
«L'exploitation commerciale du patrimoine culturel subaquatique à
des fins de transaction ou de spéculation ou sa dispersion
irrémédiable est
41
culturel subaquatique qui nous apprend des informations
essentielles sur l'Histoire de l'Humanité nécessite en effet
d'interdire son exploitation commerciale afin d'éviter «sa
dispersion irrémédiable»204.
L'archéologie sous-marine consiste à effectuer
des fouilles archéologiques, des «recherches tendant à la
découverte d'objets à caractère
archéologique»205 dans le milieu marin. L'objet
d'étude de cette activité de collecte des données marines
est le patrimoine culturel subaquatique qui est composé de «toutes
les traces d'existence humaine présentant un caractère culturel,
historique ou archéologique, [...] immergés, partiellement ou
totalement, périodiquement ou en permanence, depuis cent ans au
moins»206.
foncièrement incompatible avec la protection et la
bonne gestion de ce patrimoine. Les éléments du patrimoine
culturel subaquatique ne peuvent faire l'objet de transactions ni
d'opérations de vente, d'achat ou de troc en tant qu'articles de nature
commerciale.
La présente règle ne peut être
interprétée comme empêchant: (a) la fourniture de services
archéologiques professionnels ou de services connexes nécessaires
dont la nature et le but sont pleinement conformes à la présente
Convention, sous réserve de l'autorisation des services
compétents ; (b) le dépôt d'éléments du
patrimoine culturel subaquatique, récupérés dans le cadre
d'un projet de recherche conduit en conformité avec la présente
Convention, pourvu que ce dépôt ne porte pas atteinte à
l'intérêt scientifique ou culturel ou à
l'intégrité des éléments
récupérés ni n'entraîne leur dispersion
irrémédiable, qu'il soit conforme aux dispositions des
règles 33 et 34 et qu'il soit soumis à l'autorisation des
services compétents».
204 Résolution 74/19 de l'AGNU précitée.
205 La règle I.1 de la recommandation de l'UNESCO
définissant les principes internationaux à appliquer en
matière de fouilles archéologiques signée à New
Delhi le 5 novembre 1956 prévoit: «A l'effet de la présente
recommandation on entend par fouilles archéologiques toutes recherches
tendant à la découverte d'objets de caractère
archéologique, que ces recherches comportent un creusement du ' sol ou
une exploration systématique de sa surface ou qu'elles soient
effectuées sur le lit ou dans le sous-sol des eaux intérieures ou
territoriales d'un Etat membre», disponible sur le site de l'UNESCO au
lien suivant:
http://portal.unesco.org/fr/ev.php-
URL_ID=13062&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
206 L'article 1.1.a. de la Convention de l'UNESCO sur la
protection du patrimoine culturel subaquatique précitée
prévoit: «On entend par "patrimoine culturel subaquatique" toutes
les traces d'existence humaine présentant un caractère culturel,
historique ou archéologique qui sont immergées, partiellement ou
totalement, périodiquement ou en permanence, depuis 100 ans au moins, et
notamment : (i) les sites, structures, bâtiments, objets et restes
humains, ainsi que leur contexte archéologique et naturel ; (ii) les
navires, aéronefs, autres véhicules ou toute partie de ceux-ci,
avec leur cargaison ou autre contenu, ainsi que leur contexte
archéologique et naturel ; et (iii) les objets de caractère
préhistorique.
(b) Les pipelines et les câbles, posés sur les
fonds marins, ne sont pas considérés comme faisant partie du
patrimoine culturel subaquatique.
(c) Les installations autres que les pipelines ou
câbles, placées sur les fonds marins et encore en usage, ne sont
pas considérées comme faisant partie du patrimoine culturel
subaquatique».
42
Les données de base du travail de l'archéologue
peuvent prendre diverses formes. Les vestiges culturels sous-marins peuvent en
effet être des «monuments meubles ou immeubles [présentant]
un intérêt du point de vue de
l'archéologie»207, c'est-à-dire qui a
été plus ou moins façonné ou aménagé
par l'Homme: mégalithes, grottes sous-marines ornées ou non
recelant les preuves d'une occupation humaine passée, ruines de villages
ou de constructions portuaires submergées par la modification des
rivages ou la montée des eaux208, épaves de navires ou
objets s'y trouvant... Ces biens peuvent aussi être des objets ordinaires
devenus exceptionnels du fait de l'histoire et du sinistre209.
L'archéologie sous-marine collectant des données
relatives aux vestiges culturels subaquatiques et la recherche scientifique
marine étudiant les phénomènes naturels, faire une
distinction210 nette entre ces deux activités reste tout de
même difficile. En effet, les résultats des travaux
archéologiques peuvent révéler des données sur les
caractéristiques des fonds marins et leurs sous-sols. Ainsi, des
fouilles archéologiques menées le long des côtes de
l'Afrique du Sud ont permis d'étudier l'évolution de la
distribution de certaines espèces de mollusques sur une période
de dix mille ans211 grâce à des fossiles
découverts
207 La règle I.2 de la recommandation de l'UNESCO
définissant les principes internationaux à appliquer en
matière de fouilles archéologiques précitée
prévoit: «Les dispositions de la présente recommandation
s'appliquent à tout vestige dont la conservation présente un
intérêt public du point de vue de l'histoire ou de l'art, chaque
État membre pouvant adopter le critère le plus propre à
déterminer l'intérêt public des vestiges se trouvant sur
son territoire. Devraient notamment être soumis au régime
prévu par la présente recommandation les monuments, meubles ou
immeubles, qui présentent un intérêt du point de vue de
l'archéologie au sens le plus large».
208 Ibidem.
209 GOY (R.), «L'épave du Titanic et le droit des
épaves en haute mer», Annuaire français de droit
international, volume 35, 1989, pp. 758, [en ligne]
www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1989_num_35_1_2931
(consulté le 15-02-2021)
210 COTRELL (A.), «The Law of the Sea and Marine
Archeology: Abandoning Admiralty Law to Protect Historic Shipwrecks»,
Fordham International Law Journal, volume 17, numéro 3,
1993, p.719, [en ligne]:
https://ir.lawnet.fordham.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1384&context=ilj
(consulté le 1502-2021).
211 JERARDINO (A.), «What Archaeology Can Tell us about
Sustainability and Climate Change: A South African West Coast
Perspective», Journal of Marine Science: Research &
Development, volume 2, numéro 1, 2012, [en ligne]
https://www.omicsonline.org/what-
43
par les archéologues puis analysés par les
océanologues. Cependant, le régime de l'archéologie
sous-marine n'est pas assimilé à celui de la recherche
scientifique marine.
Dans la mer territoriale, l'Etat côtier a le droit
exclusif d'autoriser l'ensemble des «interventions»212 sur
les ressources archéologiques qui s'y trouvent213 en vertu de
l'article 7 de la Convention de l'UNESCO sur la protection du patrimoine
culturel subaquatique. L'Etat côtier réglemente ainsi
exclusivement cette activité de manière à protéger
ces biens culturels214. A cet égard, la CMB fait de la zone
contigüe «une zone de protection des ressources
archéologiques»215. En effet, l'article 33.1 de ladite
Convention prévoit que dans cette zone, l'Etat côtier peut
«prévenir [et réprimer] les infractions à ses lois et
règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou d'immigration sur son
territoire ou dans sa mer territoriale»216. L'article 303.2 de
la CMB fait référence à cet article 33 pour assigner
à l'Etat côtier «l'obligation de protéger les objets
de caractère archéologique ou historique découverts en
mer»217. Celui-ci prévoit que «pour
archaeology-can-tell-us-about-sustainability-and-climate-change-a-south-african-west-coast-perspective-2155-9910.1000105.pdf
(consultéle 15-02-2021)
212 L'article 1.6 de la Convention de l'UNESCO sur la
protection du patrimoine culturel subaquatique précitée
prévoit: «On entend par "intervention sur le patrimoine culturel
subaquatique" une activité ayant principalement pour objet le patrimoine
culturel subaquatique et qui est susceptible de porter matériellement
atteinte à ce patrimoine ou de lui causer tout autre dommage,
directement ou indirectement».
213 CASSAN (H.) «Le patrimoine culturel subaquatique ou
la dialectique de l'objet et du lieu», in Mélanges offerts
à Laurent LUCCHINI et Jean-Pierre QUENEUDEC, La mer et son Droit,
Paris, Pedone, 2003, p.142.
214L'article 7.2 de la Convention de l'UNESCO sur
la protection du patrimoine culturel subaquatique précitée
prévoit: «Sans préjudice des autres accords internationaux
et règles du droit international applicables à la protection du
patrimoine culturel subaquatique, les États parties prescrivent
l'application des Règles aux interventions sur le patrimoine culturel
subaquatique présent dans leurs eaux intérieures, leurs eaux
archipélagiques et leur mer territoriale».
215 Ibidem.
216 L'article 33.1 de la CMB précitée
prévoit: «dans une zone contigüe à sa mer territoriale,
désignée sous le nom de zone contigüe, l'Etat côtier
peut exercer le contrôle nécessaire en vue de a) prévenir
les infractions à ses lois et règlements douaniers, fiscaux,
sanitaires ou d'immigration sur son territoire ou dans sa mer territoriale,
b) réprimer les infractions à ses lois et
règlements commises sur son territoire ou dans sa mer
territoriale».
217 L'article 303.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats ont l'obligation de protéger les objets
de caractère archéologique ou historique découverts en mer
et coopèrent à cette fin».
44
contrôler le commerce de ces objets, l'Etat côtier
peut [...] considérer que leur enlèvement du fond de la mer dans
la zone [contigüe] sans son approbation, serait cause d'une infraction sur
son territoire ou dans sa mer territoriale, [à ses] lois et
règlements»218.
L'Etat côtier doit également protéger le
patrimoine culturel subaquatique dans sa ZEE et sur son plateau
continental219, au moyen d'une procédure de
déclaration, de notification220 et de
consultation221 prévue par les articles 9 et 10
218 L'article 303.2 de la CMB prévoit: «Pour
contrôler le commerce de ces objets, l'Etat côtier peut, en faisant
application de l'article 33, considérer que leur enlèvement du
fond de la mer dans la zone visée à cet article, sans son
approbation, serait cause d'une infraction sur son territoire ou dans sa mer
territoriale, aux lois et règlements de l'Etat côtier visés
à ce même article».
219 L'article 9.1 de la Convention de l'UNESCO sur la
protection du patrimoine culturel subaquatique précitée
prévoit: «Il incombe à tous les États parties de
protéger le patrimoine culturel subaquatique dans la zone
économique exclusive et sur le plateau continental conformément
à la présente Convention».
220 L'article 9 de la Convention de l'UNESCO sur la protection
du patrimoine culturel subaquatique précitée prévoit :
«Il incombe à tous les États parties de protéger le
patrimoine culturel subaquatique dans la zone économique exclusive et
sur le plateau continental
conformément à la présente Convention. En
conséquence :
(a) un État partie exige, lorsqu'un de ses nationaux
ou un navire battant son pavillon fait une découverte ou envisage une
intervention sur le patrimoine culturel subaquatique situé dans sa zone
économique exclusive ou sur son plateau continental, que le national ou
le capitaine du
navire lui déclare cette découverte ou
intervention.
(b) dans la zone économique exclusive ou sur le plateau
continental d'un autre État partie :
(i) les États parties exigent que le national ou le
capitaine du navire leur déclare cette
découverte ou intervention ainsi qu'à l'autre
État partie ;
(ii) ou le cas échéant, un État partie
exige que le national ou le capitaine du navire lui déclare cette
découverte ou intervention et assure la transmission rapide et efficace
de ces déclarations
à tous les autres États parties.
2. En déposant son instrument de ratification,
d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, un État partie
précise la manière dont il transmettra les déclarations au
titre du paragraphe 1(b) du
présent article.
3. Un État partie notifie au Directeur
général les découvertes ou interventions sur le patrimoine
culturel subaquatique qui lui sont notifiées au titre du paragraphe 1 du
présent article.
4. Le Directeur général met sans délai
à la disposition de tous les États parties les informations qui
lui sont notifiées en vertu du paragraphe 3 du présent
article.
5. Tout État partie peut faire savoir à
l'État partie dans la zone économique exclusive ou sur le plateau
continental duquel se trouve le patrimoine culturel subaquatique qu'il souhaite
être consulté sur la manière d'assurer la protection
effective de ce patrimoine. Cette déclaration doit être
fondée sur un lien vérifiable, en particulier un lien culturel,
historique ou archéologique, avec le patrimoine culturel subaquatique
considéré».
221 L'article 10 de la Convention de l'UNESCO sur la
protection du patrimoine culturel subaquatique précitée
prévoit : « 1. Une autorisation ne peut être
délivrée pour une intervention sur le patrimoine culturel
subaquatique situé dans la zone économique exclusive ou sur le
plateau continental que conformément aux dispositions du présent
article.
45
de la Convention de l'UNESCO précitée. Dans sa
ZEE, afin de prévenir toute atteinte à ses droits souverains et
à sa juridiction222, l'Etat côtier a en effet le droit
d'autoriser et d'interdire toute intervention sur le patrimoine culturel
subaquatique.
2. Un État partie dans la zone économique
exclusive ou sur le plateau continental duquel se trouve le patrimoine culturel
subaquatique a le droit d'interdire ou d'autoriser toute intervention sur ce
patrimoine pour empêcher toute atteinte à ses droits souverains ou
à sa juridiction tels qu'ils sont reconnus par le droit international, y
compris la Convention des Nations Unies sur
le droit de la mer.
3. Lorsqu'une découverte de patrimoine culturel
subaquatique est effectuée ou qu'une intervention sur le patrimoine
culturel subaquatique est envisagée dans la zone économique
exclusive ou sur le plateau continental d'un État partie, cet
État partie:
(a) consulte tous les autres États parties qui ont
manifesté leur intérêt au titre de l'article 9, paragraphe
5, sur la meilleure façon de protéger le patrimoine culturel
subaquatique ;
(b) coordonne ces consultations en qualité
d'"État coordonnateur" sauf s'il déclare expressément
qu'il ne souhaite pas le faire, auquel cas les États parties qui ont
manifesté un intérêt en vertu de l'article 9, paragraphe 5,
désignent un État coordonnateur.
4. Sans préjudice des obligations de tous les
États parties de protéger le patrimoine culturel subaquatique par
l'adoption de toutes mesures opportunes conformes au droit international visant
à empêcher tout danger immédiat pour le patrimoine culturel
subaquatique, notamment le pillage, l'État coordonnateur peut prendre
toutes mesures opportunes et/ou accorder toutes autorisations
nécessaires conformément à la présente Convention,
et, au besoin, avant toute consultation, afin d'empêcher tout danger
immédiat pour le patrimoine culturel subaquatique, du fait de
l'activité humaine, ou de toute autre cause, notamment le pillage. Lors
de l'adoption de ces mesures, l'assistance d'autres États parties peut
être sollicitée.
5. L'État coordonnateur : (a) met en oeuvre les mesures
de protection qui ont été convenues par les États
participant à la consultation, y compris l'État coordonnateur,
à moins que les États participant à la consultation, y
compris l'État coordonnateur, ne conviennent que ces mesures
seront mises en oeuvre par un autre État partie
; (b) délivre toutes les autorisations nécessaires à
l'égard des mesures ainsi convenues conformément aux
Règles, à moins que les États participant à la
consultation, y compris l'État coordonnateur, ne conviennent que ces
autorisations seront délivrées par un autre État partie
;
(c) peut conduire toute recherche préliminaire
nécessaire sur le patrimoine culturel subaquatique et délivre
toutes les autorisations nécessaires en conséquence, et transmet
sans retard les résultats de cette recherche au Directeur
général, lequel met sans retard ces
informations à la disposition des autres États
parties.
6. En coordonnant les consultations, adoptant des mesures,
menant toute recherche préliminaire et/ou en délivrant des
autorisations en vertu du présent article, l'État coordonnateur
agit au nom des États parties dans leur ensemble et non dans son propre
intérêt. Une telle action ne peut en soi être
invoquée pour revendiquer un quelconque droit préférentiel
ou juridictionnel non consacré par le droit international, en
particulier par la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer.
7. Sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 4
du présent article, aucune intervention n'est menée sur un navire
ou aéronef d'État sans l'accord de l'État du pavillon et
la collaboration de l'État coordonnateur».
222CASSAN (H.) , op. cit., pp.144-145.
46
Afin d'assurer une meilleure protection du patrimoine culturel
subaquatique, la Convention de l'UNESCO précitée apporte un
remède aux inconvénients causés par l'article 303.3 de la
CMB qui consacre les intérêts privés à
l'exploitation commerciale des objets archéologiques trouvés en
mer223. Celui-ci prévoit en effet qu'il ne porte pas atteinte
au «droit de récupérer des épaves et aux autres
règles du droit maritime»224. Cette expression constitue
la traduction de «the law of salvage and other rules of
admiralty», une règle appliquée dans certains
systèmes nationaux de common law et qui ne correspond à
aucune notion juridique précise équivalente dans les autres
systèmes nationaux et qui signifie que «toute personne qui prend
possession d'un objet retrouvé en mer dont on ne connaît pas le
propriétaire a titre pour devenir son
propriétaire»225.
Ainsi, entre 1988 et 1997, dans le cadre d'un projet de
recherche américain financé par la United States National
Geographic Society, par l'Office of Naval Research et par le
J.M. Kaplan Fund, plus de cent cinquante objets archéologiques
relevant des civilisations phénicienne, grecque et romaine furent
enlevés d'une zone de la Méditerranée centrale
située au-delà de la limite de la mer territoriale de l'Italie et
de la Tunisie sans même prévenir ces
derniers226.
L'article 303.4 de la CMB qui prévoit que «sans
préjudice des autres accords internationaux et règles du droit
international concernant la protection des objets
223SCOVAZZI (T.), «La convention de l'UNESCO
sur la protection du patrimoine culturel subaquatique», in MOUSSA
(F.) (dir.) et LAGHMANI (S.) (dir), La mer Méditerranée entre
territorialisation et coopération, colloque organisé du 18 au 20
février 2010 à Tunis, Faculté des sciences juridiques
politiques et sociales de Tunis, 2013, pp. 76-77.
224 L'article 303.3 de la CMB précitée
prévoit: «Le présent article ne porte atteinte ni aux droits
des propriétaires identifiables, au droit de récupérer des
épaves et aux autres règles du droit maritime, ni aux lois et
pratiques en matière d'échanges culturels.»
225 SCOVAZZI (T.), «La convention de l'UNESCO sur la
protection du patrimoine culturel subaquatique», op. cit., pp.
73-74.
226 SCOVAZZI (T.), «L'approche régionale à
la protection du patrimoine culturel sous-marin: le cas de la
Méditerranée,» Annuaire français de droit
international, volume 55, 2009, pp. 579580, [en ligne]:
https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_2009_num_55_1_4084
(consulté le 15-02-2021).
47
de caractère archéologique ou
historique»227 celui-ci permet à l'article 4 de la
Convention sur la protection du patrimoine subaquatique
précitée d'éliminer les effets indésirables de
l'article 303.3 de la CMB. Ce dernier prévoit qu'aucune
«activité concernant le patrimoine culturel subaquatique à
laquelle [ladite] Convention s'applique n'est soumise au droit de l'assistance
ni au droit des trésors»228, une traduction de la
version anglaise «the law of salvage and law of
finds».
Enfin, l'article 12 de la Convention sur la protection du
patrimoine subaquatique précitée soumet toute «intervention
sur le patrimoine culturel subaquatique situé dans la
Zone»229 à une autorisation du directeur
général de l'UNESCO. De plus,
l'article 149 de la CMB érige tous les objets de
caractère archéologique ou historique trouvés dans
[ladite] Zone en patrimoine commun de l'Humanité. Ceux-ci sont
conservés ou cédés dans l'intérêt de
l'Humanité tout entière»230. Ils
doivent alors faire l'objet d'une gestion
désintéressée et être destinés à des
fins d'intérêt général, telles que la recherche
scientifique, le partage des informations dans le milieu des
archéologues et des historiens, ou encore la sensibilisation du
public231.
227 L'article 303.4 de la CMB précitée
prévoit: «Le présent article est sans préjudice des
autres accords internationaux et règles du droit international
concernant la protection des objets de caractère archéologique ou
historique».
228 L'article 4 de la Convention de l'UNESCO sur la protection
du patrimoine culturel subaquatique précitée prévoit:
«Aucune activité concernant le patrimoine culturel subaquatique
à laquelle la présente Convention s'applique n'est soumise au
droit de l'assistance ni au droit des trésors, sauf si: (a) elle est
autorisée par les services compétents, et (b) elle est pleinement
conforme à la présente Convention, et (c) elle assure que la
protection maximale du patrimoine culturel subaquatique lors de toute
opération de récupération soit garantie».
229 L'article 12.1 de la Convention de l'UNESCO sur la
protection du patrimoine culturel subaquatique précitée
prévoit: «Une autorisation ne peut être
délivrée pour une intervention sur le patrimoine culturel
subaquatique situé dans la Zone que conformément aux dispositions
du présent article».
230 L'article 149 de la CMB précitée
prévoit: «Tous les objets de caractère archéologique
ou historique trouvés dans la Zone sont conservés ou
cédés dans l'intérêt de l'humanité tout
entière, compte tenu en particulier des droits
préférentiels de l'Etat ou du pays d'origine, ou de l'Etat
d'origine culturelle, ou encore de l'Etat d'origine historique ou
archéologique».
231SCOVAZZI (T.), «La Convention sur la
protection du patrimoine culturel subaquatique», op. cit.,
p.72.
48
Paragraphe II. Le critère de l'affectation des
données marines collectées à la sécurité de
la navigation
Essentielles pour la réalisation de «cartes
marines et de documents nautiques»232, les données
collectées dans le cadre des levés hydrographiques sont
«d'une importance vitale pour la sécurité de la navigation
et la sûreté des personnes en mer»233. La
Convention SOLAS incombe en effet aux navires effectuant des traversées
internationales l'obligation d'emporter un système de visualisation de
cartes électroniques234. Ces données contribuent
à sauver des vies235, tout comme les données
météorologiques marines et les données
opérationnelles qui permettent de réduire les dommages
causés par les catastrophes naturelles236. Il fut ainsi
affirmé au cours des négociations de la CNUDM III que ces
activités «ont sans aucun doute une portée universelle»
et qu'elles «présentent un intérêt commun pour tous
les Etats»237. Pour cette raison, ainsi que pour favoriser le
progrès de la science, le Droit de la mer devrait faciliter la collecte
de ces données.
Or, les dispositions ambiguës et lacunaires de la CMB ne
remplissent pas cette fonction. La frontière entre la recherche
scientifique marine et ces activités de collecte des données
marines affectées à la sécurité de la navigation
est si floue que la collecte de ces données vitales peut être
entravée par la procédure d'autorisation prévue pour la
première. Nous proposons dès lors de tenter de distinguer entre
la recherche scientifique marine et les activités d'observation
océanographiques collectant des données de manière
continue (A) d'une part,
232 La Convention relative à l'organisation
hydrographique internationale signée à Monaco le 3 mai 1967
prévoit: "Considérant que le Bureau hydrographique international
a été établi en juin 1921, pour contribuer à rendre
la navigation plus facile et plus sûre dans le monde en perfectionnant
les cartes marines et les documents nautiques».
233 Résolution 74/19 de l'AGNU précitée.
234 Convention SOLAS précitée.
235 Résolution 74/19 de l'AGNU précitée.
236 Convention de l'organisation météorologique
mondiale, Washington, le 11 octobre 1947.
237 ONU, Document: A/CONF.62/C.3/SR.46, Documents
officiels de la troisième conférence des Nations Unies sur le
Droit de la mer, volume XIV, pp.102-104.
49
puis entre la recherche scientifique marine et les
levés effectuées à un moment bien déterminé
d'autre part (B).
A. Les activités d'observation
océanographique
Dans une lettre qu'elle adressa au président de la
Troisième Commission de la CNUDM III chargée de la protection de
l'environnement marin, de la recherche scientifique marine et du transfert de
technologies, l'OMM exprima sa crainte que les dispositions finales de la CMB
relatives à la recherche scientifique marine puissent constituer des
«restrictions» à ses activités de collecte de
données marines. L'organisation internationale compétente insista
sur la «nécessité vitale» de ces
données238 collectées dans le cadre de ses
activités de météorologie opérationnelle et autres
activités d'observation océanographiques
connexes239.
L'OMM rappela surtout qu'elle s'était engagée
à alerter des dangers météorologiques aussi bien en haute
mer que dans les eaux qui bordent les côtes des Etats240. Tout
comme les autres activités de collecte des données marines
analysées plus haut, entre la mer territoriale soumise à la
souveraineté de l'Etat côtier et la haute mer soumise au
régime de la liberté, le problème réside dans la
ZEE. L'OMM déclare qu'une collecte adéquate des données
météorologiques dans cette zone en particulier «est
indispensable à la diffusion des avis de tempête à temps et
avec exactitude»241.
Le président de la Troisième Commission de la
CNUDM III répondit à l'OMM que «les dispositions relatives
à la recherche scientifique marine ne
238 ONU, Document A/CONF.62/80, Documents officiels de la
troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume XII, p.56.
239 Ibidem.
240 Ibidem.
241 Ibidem.
50
constitueraient aucun obstacle à une couverture
météorologique adéquate de toutes les zones
océaniques, y compris la ZEE»242. Il justifia sa
réponse en rappelant que les activités de
météorologie marine et d'océanographie
opérationnelle «avaient déjà été
reconnues comme» des activités d'observation et de collecte de
données de routine n'entrant pas dans le champ d'application du
régime prévu pour la recherche scientifique marine par le texte
de négociation de la CMB243. Elles sont donc exemptées
du régime du consentement244.
Mais l'absence de définition de ces activités du
texte de la CMB qui ne leur consacre aucune disposition permet l'application du
régime de la recherche scientifique marine à celles-ci par
certains Etats tels que la Russie, dans le cadre du projet
d'océanographie opérationnelle Argo245 par exemple
(illustration n°3).
illustration n°3: Le réseau mondial des
flotteurs Argo,
https://www.umr-lops.fr/SNO-Argo
(consulté le 26-02-2021).
242 Ibidem.
243 ONU, Document: A/CONF.62/C.3/SR.46, op. cit.,
pp.102-104.
244 MONTJOIE (M.), op. cit., p.841.
245 «Lancé en 2000 par la COI et l'OMM, le
programme international Argo est un élément essentiel du
système global d'observation des océans GOOS mis en place pour
suivre, comprendre et prévoir le rôle de l'océan sur le
climat de la planète. Fin 2007, le projet a atteint son objectif initial
avec 3000 flotteurs opérationnels. Avec les observations des satellites,
les données des flotteurs Argo sont la principale source d'information
pour les chercheurs s'intéressant au climat et à l'océan,
pour la prévision saisonnière et climatique ainsi que pour les
centres d'analyse et de prévision océanique», disponible sur
le site officiel de l'Ifremer au lien suivant:
https://wwz.ifremer.fr/Recherche/Infrastructures-de-recherche/Infrastructures-d-observation-des-oceans/Euro-Argo
(consulté le 21-02-2021).
51
Pourtant, celles-ci se distinguent bien de celle-là.
Tandis que la recherche scientifique marine vise à affirmer ou infirmer
une certaine thèse246, la météorologie marine a
pour objectif de collecter et d'analyser des données
météorologiques et océanographiques, produire des
bulletins météorologiques et fournir des services
océaniques pour d'autres activités marines telles que la
navigation247. L'OMM et la COI affirment à cet égard
le principe de l'échange libre et gratuit des données
météorologiques248 ainsi que la diffusion
libre249 et gratuite250 des bulletins
océaniques251 produits dans le cadre de
l'océanographie opérationnelle.
L'océanographie opérationnelle a pour objectif
le «mesurage routinier, systématique et à long terme des
mers, des océans et de l'atmosphère, ainsi que
l'interprétation et la diffusion rapide»252 des
données collectées. «Opérationnel est un terme
utilisé pour qualifier des activités destinées à
améliorer la prévision de l'état futur de
l'océan»253, mais aussi les rétrospectives
représentant les changements qui se sont produits. Ces activités
sont donc bien distinctes de la recherche scientifique marine, mais les lacunes
de la CMB ne facilitent pas leur développement dans toutes les zones de
l'océan mondial.
La sécurité de la navigation est ainsi
assurée grâce aux données collectées dans le cadre
des activités d'observation océanographiques mais aussi des
levés.
246 BORK (K.), op. cit., p. 306.
247XIE (L.) et LIU (B.), «Weather forecasting,
Marine Meteorology», Encyclopedia of Atmospheric Sciences,
seconde édition, Elsevier, 2015, p.287, [en ligne]:
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780123822253002127
(consulté le 1502-2021).
248 OMM, Résolution 40 (Cg-XII), résolution
portant politique et pratique adoptées par l'OMM pour l'échange
de données et de produits météorologiques et connexes et
principes directeurs applicables aux relations entre partenaires en
matière de commercialisation des services
météorologiques, 1995.
249 ABELOS, Première session, 2001.
250 ABELOS, Sixième session
précitée.
251 ABELOS, Première session
précitée.
252 Site officiel de l'EuroGOOS:
http://eurogoos.eu
253 COI, Rapport technique sur la portée de
l'océanographie opérationnelle, 2012, pp.1-5.
52
B. Les levés
En 1998, l'OHI définit le levé hydrographique
comme «un levé ayant pour objet principal la détermination
des données destinées à figurer sur les cartes
marines»254. En 2009, cette organisation internationale
compétente ne limite plus l'hydrographie à la réalisation
des cartes marines nécessaires à la navigation mais
l'élargit à la pose des câbles sous-marins, aux
études préliminaires pour la construction des ports, à la
mise en place d'émissaires d'eaux usées en mer et plusieurs
autres activités255 ... Elle définit alors le
levé hydrographique comme synonyme de l'hydrographie qui est «la
branche des sciences appliquées traitant du mesurage et de la
description des éléments physiques des [mers] ainsi que de la
prédiction de leur évolution, essentiellement dans
l'intérêt de la sécurité de la navigation et de
toutes les autres activités maritimes, incluant le développement
économique, la sécurité et la défense, la recherche
scientifique [...] la protection de l'environnement, les activités
relatives aux renseignements et la gestion des
catastrophes»256.
Les données acquises dans le cadre des levés ne
servent donc plus exclusivement la sécurité de la navigation.
Celles-ci peuvent dès lors être affectées à des
objectifs militaires tels que «les opérations d'interdiction
maritimes, la guerre des mines, les contre-mesures contre les mines, les
opérations d'interdictions sous-marines et les opérations
amphibies»257. A cet égard, les levés sont de
deux types, hydrographiques et militaires. Nous remarquons que la CMB consacre
les articles 19.2.j, 21.1.g, 40 et 54 aux levés mais ne propose aucune
définition de cette activité. Ladite Convention emploie
tantôt le terme «levé» seul dans les deux premiers
articles cités, et accompagné du terme «hydrographique»
dans les deux autres, mais jamais du terme «militaire».
254 OHI, Dictionnaire hydrographique (S-32), op. cit.,
p.124.
255 FRIKHA (A.), op. cit., pp.12-14.
256 OHI, Quatrième conférence hydrographique
internationale extraordinaire, 2009.
257 FRIKHA (A.), op. cit., pp.22-23.
53
La frontière entre les levés hydrographiques et
les levés militaires est en effet trouble, les uns et les autres
étant souvent menés par des militaires. Ces derniers utilisent
les navires d'Etat appartenant aux services hydrographiques nationaux pour
effectuer des levés militaires puisque les instruments
nécessaires aux deux types de levés sont les
même258.
La CMB est lacunaire quant à la définition de
l'activité de levé mais aussi quant au régime juridique de
celle-ci. Ainsi, ladite Convention ne consacre pas de dispositions pour cette
activité de collecte des données marines pour chaque zone
maritime. Elle se contente d'indiquer qu'effectuer des levés durant le
passage dans la mer territoriale de l'Etat côtier «porte atteinte
à la paix, au bon ordre ou à la
sécurité»259 de ce dernier en vertu de son
article 19, et que l'Etat côtier peut adopter «des lois et
règlements [portant sur les levés durant le] passage inoffensif
dans sa mer territoriale»260 en vertu de son article 21. La
Convention ne précise pas s'il s'agit des levés hydrographiques
ou militaires, mais indique à ses articles 40 et 54 que les navires
[...] hydrographiques ne peuvent être utilisés pour [...] des
levés sans l'autorisation préalable des Etats
riverains»261 pendant le passage en transit et le passage
archipélagique262.
258 Sondeurs, courantomètres et échantillonneurs
de fond sont nécessaires tant pour les levés hydrographiques que
pour les levés militaires.
259 L'article 19.1 de la CMB précitée
prévoit: «Le passage est inoffensif aussi longtemps qu'il ne porte
pas atteinte à la paix, au bon ordre ou à la
sécurité de l'État côtier. Il doit s'effectuer en
conformité avec les dispositions de la Convention et les autres
règles du droit international».
260 L'article 21.1.g de la CMB précitée
prévoit: «L'Etat côtier peut adopter, en conformité
avec les dispositions de la Convention et les autres règles du droit
international, des lois et règlements relatifs au passage inoffensif
dans sa mer territoriale, qui peuvent porter sur [...] les levés
hydrographiques».
261 L'article 40 de la CMB précitée
prévoit: «Pendant le passage en transit, les navires
étrangers, y compris ceux qui sont affectés à la recherche
scientifique marine ou à des levés hydrographiques, ne peuvent
être utilisés pour des recherches ou des levés sans
l'autorisation préalable des États riverains».
262 L'article 54 de la CMB précitée
prévoit: «Les articles 39, 40, 42 et 44 s'appliquent mutatis
mutandis au passage archipélagique».
54
La CMB soumet ainsi les levés à l'autorisation
préalable de l'Etat côtier dans la mer territoriale mais garde le
silence quant à la ZEE et au plateau continental de l'Etat côtier,
un silence qui «pave l'enfer interprétatif»263. Le
Canada par
exemple propose alors comme interprétation que cette
activité de collecte des données marines menée dans ces
zones est liée à la liberté de la navigation en haute
mer264. Les dispositions de la CMB distinguant
systématiquement les
termes «levés» ou «levés
hydrographiques» du terme «recherches», nous comprenons que
ladite Convention établit une distinction entre le régime de la
recherche scientifique marine et celui des levés265. Le
régime du consentement
prévu pour la première activité ne
s'applique donc pas à la seconde.
Une partie de la doctrine menée par SOONS et ROACH
soutient cette distinction266 entre ces deux activités sur la
base du critère de l'affectation des
données collectées. Et pour cause, les
données collectées dans le cadre de la recherche scientifique
marine sont affectées au développement des connaissances sur le
milieu marin tandis que les données collectées dans le cadre des
levés hydrographiques visent à «rendre la navigation plus
facile et plus sûre»267.
Les levés militaires se distinguent également de
la recherche scientifique marine puisque les données collectées
dans le cadre de la première activité sont affectées
à des objectifs militaires268 et ne sont pas destinées
à être publiées269 tandis que
263 JARMACHE (E.), op. cit., p.308.
264 Service hydrographique du Canada, Guide d'étude
pour l'examen d'arpenteur fédéral, 1989.
265 OXMAN (B.), «Le régime des navires de guerre
dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer»,
Annuaire français de Droit international, volume 28, 1982, p.
837, [en ligne]:
https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1982_num_28_1_2519
266 ROACH (A.), op. cit., p. 184.
267 Préambule de la Convention relative à
l'Organisation hydrographique internationale précitée.
268 BORK (K.), op. cit., pp. 304-305.
269 BOURTZIS (T.) et GERASIMO (R.), «Marine scientific
research in modern law of the sea LOSC and reality», International
hydrographic review, numéro 8, novembre 2012, p. 44, [en
55
les données collectées dans le cadre de la
seconde sont diffusées dans le but d'accroître les connaissances
scientifiques270 et sont accessibles au public.
Pourtant, plusieurs Etats parties à la
CMB271 soumettent les levés au régime du consentement
de la recherche scientifique marine, avançant pour motif que cette
activité ne sert plus exclusivement à l'élaboration des
cartes destinées à la navigation. En effet, les données
collectées dans le cadre des levés peuvent aujourd'hui toucher
à des questions de défense nationale272. La
Tunisie273 applique par exemple le régime de la recherche
scientifique marine aux levés, au même titre que la Chine qui
soumet les levés effectuées dans sa mer territoriale, dans sa ZEE
et sur son plateau continental non seulement à l'approbation du Conseil
des affaires d'Etat, mais aussi à l'autorisation des forces
armées depuis l'amendement de 2002 de la loi chinoise sur l'arpentage et
la cartographie de 1992274.
Les levés menés sans cette autorisation sont
passibles d'amende et les données acquises ainsi que l'équipement
utilisé risquent d'être confisqués275. C'est
ainsi que les forces armées chinoises s'opposèrent aux
activités du navire américain USNS Impeccable qui effectuait des
levés hydrographiques sans autorisation dans la ZEE de l'Etat chinois en
mars 2009276. Cet incident attisa les tensions
ligne]:
https://journals.lib.unb.ca/index.php/ihr/article/view/20961/24136
(consulté le 15-022021).
270 JARMACHE (E.), op. cit., p.310.
271 «Le Bangladesh, le Brésil, le Cap Vert, la
Corée du Nord, l'Inde, l'Indonésie, l'Iran, le Kenya, la
Malaisie, les Maldives, Maurice, le Myanmar, le Pakistan et l'Uruguay [...]
n'autorisent pas certaines activités militaires dans leur ZEE sans leur
consentement», COLIN (S.), op. cit., p.63.
272 Ibidem.
273 Décret n° 97-1836 du 15 septembre 1997 relatif
à l'exercice des activités de recherche scientifique,
d'exploration, de levé et de forage par des navires dans les eaux et le
plateau continental tunisiens, JORT n°77 du 26 septembre 1997,
pp. 1803-1807, tel que modifié par le décret gouvernemental
n°2019-144 du 18 février 2019, portant création d'une
commission ministérielle et d'un secrétariat
général des affaires maritimes, JORT n° 16 du 22
février 2019, pp. 421-425.
274 COLIN (S.), op. cit., p.63.
275 FRIKHA (A.), op. cit., pp.62-68.
276 COLIN (S.), op. cit., p.63.
56
entre les deux voisins en désaccord quant aux
délimitations maritimes dans la mer de Chine méridionale mais
aussi quant au régime applicable aux levés et à la
recherche scientifique marine.
Les USA, non partie à la CMB, font la promotion d'un
maximum de liberté277 pour la conduite des deux
activités de collecte des données marines. Ceux-ci
considèrent en effet que les levés dans la ZEE sont du domaine de
la liberté de navigation278 et choisirent de ne pas faire
valoir leur droit d'exercer leur juridiction sur la recherche scientifique
marine dans leur ZEE279. Par contre, en haute mer, tous les Etats
sont d'accord pour considérer les levés, liés à la
liberté de navigation consacrée par l'article 87.1.a de la
CMB280, comme libres.
Pour la plupart des activités de collecte des
données marines, la CMB ne consacre que deux ou trois, voire aucune
disposition. Mais pour la recherche scientifique marine, ladite Convention
consacre une partie entière pour finalement mettre en place un
régime astreignant qui freine le progrès de cette activité
plus qu'il ne la favorise.
277 QUENEUDEC (J.), «La proclamation Reagan sur la zone
économique exclusive des Etats-Unis», Annuaire français
de droit international, volume 29, 1983, p. 712, [en ligne]:
www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1983_num_29_1_2577
(consulté le 15-02-2021).
278 COLIN (S.), op. cit., p.63.
279 La proclamation présidentielle numéro 5030
concernant la ZEE des Etats-Unis du 10 mars 1983 prévoit: « Le
droit international a reconnu à l'État côtier un droit
d'exercer sa juridiction sur les RSM effectuées dans une telle zone
(ZEE), la proclamation ne revendique pas ce droit. J'ai choisi de ne pas le
faire parce qu'il est de l'intérêt des États-Unis
d'encourager la RSM et d'éviter les contraintes inutiles. Toutefois, les
États-Unis reconnaîtront le droit des autres États
côtiers d'exercer leur juridiction sur les RSM menées
jusqu'à une distance de 200 milles marins de leurs côtes, si cette
juridiction s'exerce d'une manière conforme au droit international...,
je proclame aujourd'hui une zone économique exclusive dans laquelle les
États-Unis exerceront des droits souverains sur les ressources
biologiques et non vivantes situées à moins de 200
milles marins de leurs côtes», disponible sur
https://www.un.org/depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/USA_1983_State
ment.pdf (consulté le 02-03-2021).
280 L'article 87.1.a de la CMB précitée
prévoit: «La haute mer est ouverte à tous les États,
qu'ils soient côtiers ou sans littoral. La liberté de la haute mer
s'exerce dans les conditions prévues par les dispositions de la
Convention et les autres règles du droit international. Elle comporte
notamment pour les États, qu'ils soient côtiers ou sans littoral
la liberté de navigation».
57
Chapitre deuxième : Le régime
astreignant de la recherche scientifique marine
La partie XIII de la CMB qui s'intitule "recherche
scientifique marine"281 constitue un compromis ambigu obtenu
à l'issue des négociations de la CNUDM III. Des
négociations «à la tonalité vive sinon
âpre»282 opposant les Etats en voie de
développement, défenseurs de la souveraineté maritime, aux
Etats industrialisés défenseurs de la liberté des
mers283. Le régime complexe284 finalement
instauré pour cette activité de collecte des données
marines porte préjudice à la bonne marche des travaux de
recherches scientifiques marines285 même dans les zones de
liberté. La CMB octroie en effet de larges pouvoirs à l'Etat
côtier (section I) et peu de libertés aux chercheurs (section
II).
Section I. Les pouvoirs de l'Etat côtier en
matière de recherche scientifique marine
La recherche scientifique marine «n'a pas
échappé à la tendance de
l'appropriation»286. En effet, l'appropriation des espaces et
l'emprise sur les ressources a conduit à une mise sous tutelle de cette
activité de collecte des données marines soumise au principe du
consentement de l'Etat côtier à la recherche scientifique marine
dans ses zones d'emprise. Les Etats chercheurs ou les organisations
internationales qui se proposent d'effectuer ce type de collecte des
données marines dans ces zones ont dès lors l'obligation de
demander le consentement de l'Etat côtier (paragraphe I) qui a un large
pouvoir discrétionnaire quant à l'octroi ou le refus de celui-ci
(paragraphe II).
281 Les articles 238 à 265 constituent la partie XIII
de la CMB précitée intitulée «Recherche scientifique
marine».
282 JARMACHE (E.), op. cit., p. 304.
283 LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome I, Cadre
institutionnel et milieu marin, op. cit., pp.16-19.
284 Ibidem.
285 MARFFY (A. de), «La Convention de Montego Bay»,
op. cit., p. 63.
286 Idem., p.303.
58
Paragraphe I: Le principe du consentement de l'Etat
côtier à la recherche scientifique
Le principe du consentement constitue la «clef de
voûte du système»287 institué par la partie
XIII de la CMB pour la recherche scientifique marine. Le régime
juridique prévu par ladite Convention pour cette activité de
collecte des données marines varie selon la zone où doit
être entrepris le projet de recherche288, mais le consentement
exprès de l'Etat côtier reste la condition nécessaire sans
laquelle ces projets de recherche ne peuvent être menés, qu'ils
visent des zones sous souveraineté (A) ou des zones sous juridiction de
l'Etat côtier (B).
A. Le consentement nécessaire de l'Etat
côtier dans les zones sous souveraineté
Le principe du consentement de l'Etat côtier est
consacré par l'article 245 de la CMB qui prévoit que «la
recherche scientifique marine dans la mer territoriale n'est menée
qu'avec le consentement exprès de l'Etat côtier et dans les
conditions fixées par lui»289. Durant les
négociations de la CNUDM III, les Etats industrialisés
proposèrent que la recherche scientifique marine fondamentale dans la
mer territoriale soit soumise à un régime de liberté, ce
qui fut farouchement combattu par les Etats en voie de développement.
Ainsi, l'Irak290, la Colombie291 et la République
de Trinité-et-Tobago revendiquèrent que «la recherche
scientifique marine dans la mer territoriale [doive] être conduite
287JARMACHE (E.), «Sur quelques
difficultés de la recherche scientifique marine», in
Mélanges offerts à Laurent LUCCHINI et Jean-Pierre QUENEUDEC, La
mer et son Droit, op. cit., p. 305.
288 MONTJOIE (M.), op. cit., p.843
289 L'article 245 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats côtiers, dans l'exercice de leur
souveraineté, ont le droit exclusif de réglementer, d'autoriser
et de mener des recherches scientifiques marines dans leur mer territoriale. La
recherche scientifique marine dans la mer territoriale n'est menée
qu'avec le consentement exprès de l'État côtier et dans les
conditions fixées par lui».
290 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.13/Rev.2, Documents
officiels de la troisième conférence des Nations Unies sur le
Droit de la mer, volume III, pp. 199-200.
291 ONU, document A/CONF.62/C.3/L.13, Documents officiels
de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume III, p. 254.
59
qu'avec l'autorisation préalable de l'Etat
côtier»292, ce qui fut finalement consacré par le
texte final de la CMB.
L'article 245 finit même par prévoir que
«[l'Etat] côtier, dans l'exercice de [sa] souveraineté, [a]
le droit exclusif de réglementer, d'autoriser et de mener des recherches
scientifiques marines dans [sa] mer territoriale»293 alors que
l'article 57 du Texte unique de négociation révisé ne lui
octroyait qu'un «droit souverain sur la conduite et la
règlementation de la recherche scientifique marine dans [sa] mer
territoriale»294. L'Etat côtier détient un
contrôle absolu295 sur la recherche scientifique marine non
seulement dans sa mer territoriale, mais dans toutes les zones sur lesquelles
il exerce «sa pleine souveraineté»296, bien que
l'article 245 ne les mentionne pas explicitement297. Ainsi, en vertu
de l'article 2 de la CMB, «la souveraineté de l'Etat côtier
s'étend, au-delà de son territoire et de ses eaux
intérieures et, dans le cas d'un Etat archipel, de ses eaux
archipélagiques298, à une zone de mer adjacente
désignée sous le nom de mer territoriale»299.
292 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.19, op. cit., pp.
266-267.
293 Article 245 de la CMB précitée.
294 ONU, Document A/CONF.62/WP.8/Rev.1/PartIII, op. cit.,
pp.173-184.
295 BEN SALEM (M.), «La recherche scientifique marine en
Méditerranée», in MOUSSA (F.) (dir.) et LAGHMANI
(S.) (dir), La mer Méditerranée entre territorialisation et
coopération, colloque organisé du 18 au 20 février 2010
à Tunis, Faculté des sciences juridiques politiques et
sociales de Tunis, 2013, p. 55.
296 MARFFY (A. de), «La Convention de Montego Bay»,
op. cit., p. 63.
297 MONTJOIE (M.), op. cit., p.843.
298 L'article 47.1 de la CMB précitée
prévoit: «L'Etat archipel peut tracer des lignes de base
archipélagiques droites reliant les points extrêmes des îles
les plus éloignées et des récifs découvrants de
l'archipel».
«Les eaux comprises à l'intérieur des
lignes de base archipélagiques sont désignées sous le nom
d'eaux archipélagiques» sur lesquelles l'Etat côtier exerce
sa souveraineté, MARFFY (A. de), «La Convention de Montego
Bay», op. cit., p. 62.
299 L'article 2.1 de la CMB prévoit: «La
souveraineté de l'État côtier s'étend,
au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures et, dans le
cas d'un État archipel, de ses eaux archipélagiques, à une
zone de mer adjacente désignée sous le nom de mer
territoriale».
60
L'Etat côtier règlemente par conséquent le
passage inoffensif relativement à la recherche scientifique marine dans
sa mer territoriale300 en vertu de l'article 21 de la CMB. Ces
dispositions consacrent la proposition de l'Irak au cours des
négociations de la CNUDM III qui selon laquelle «l'exercice du
droit de passage inoffensif et de navigation ne confère pas aux Etats
[...] le droit d'entreprendre des recherches scientifiques»301
ainsi que celle des Fidji selon laquelle «l'Etat côtier peut
adopter, [...] des lois et règlements relatifs au passage inoffensif
dans sa mer territoriale, qui peuvent porter sur les [...] recherches dans
l'environnement marin»302. L'Etat côtier peut ainsi
exiger des navires de recherche étrangers que ses autorités
compétentes soient préalablement notifiées du passage, ou
les appeler à emprunter des couloirs de navigation qu'il désigne
spécifiquement303.
L'Etat côtier règlemente aussi le passage
inoffensif relativement à la recherche scientifique marine dans les eaux
archipélagiques en vertu de l'article 40 auquel renvoie l'article 54 de
ladite Convention304, et le droit de passage en transit dans les
détroits internationaux305. Ainsi, pendant l'exercice du
droit de passage inoffensif reconnu aux «navires de tous les Etats,
côtiers ou sans littoral»306 dans
300 L'article 21.1.g de la CMB précitée
prévoit: «L'Etat côtier peut adopter, en conformité
avec les dispositions de la Convention et les autres règles du droit
international, des lois et règlements relatifs au passage inoffensif
dans sa mer territoriale, qui peuvent porter sur les questions suivantes:
recherche scientifique marine (...)».
301 ONU, document A/CONF.62/C.3/L.13, op. cit., p.
254.
302 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.19, op. cit., pp.
266-267
303 BEN SALEM (M.), «La recherche scientifique marine en
Méditerranée», op. cit., pp. 5556.
304 L'article 54 de la CMB précitée
prévoit: «Les articles 39, 40, 42 et 44 s'appliquent mutatis
mutandis au passage archipélagique».
305 L'article 38 de la CMB précitée
prévoit: «1. Dans les détroits visés à
l'article 37, tous les navires et aéronefs jouissent du droit de passage
en transit sans entrave (...)
2. On entend par ·passage en transit- l'exercice,
conformément à la présent' partie, de la liberté de
navigation et de survol à seule fin d'un transit continu et rapide par
le détroit entre une partie de la haute mer ou une zone
économique exclusive et une autre partie de la haute mer ou une zone
économique exclusive (...)».
306 L'article 17 de la CMB précitée
prévoit: «Sous réserve de la Convention, les navires de tous
les Etats, côtiers ou sans littoral, jouissent du droit de passage
inoffensif dans la mer territoriale».
61
la mer territoriale ainsi que dans les eaux
archipélagiques307, ou du droit de passage
archipélagique dans les couloirs de navigation établis par l'Etat
archipel308, ou du droit de passage en transit, «les navires
[...] affectés à la recherche scientifique marine [...] ne
peuvent être utilisés pour des recherches [...] sans
l'autorisation préalable» de l'Etat côtier309. Le
passage d'un navire étranger qui se livre à des recherches
scientifiques marines est alors «considéré comme portant
atteinte à la paix, au bon ordre [et] à la sécurité
de l'Etat côtier»310.
Le consentement de l'Etat côtier est ainsi
nécessaire pour entreprendre des recherches scientifiques marines dans
les zones sous la souveraineté de l'Etat côtier mais aussi dans
les zones sous sa juridiction.
B. La persistance du consentement dans les zones sous
la juridiction de l'Etat côtier
L'article 246 de la CMB prévoit que «la recherche
scientifique marine dans la ZEE et sur le plateau continental est menée
avec le consentement de l'Etat côtier»311. Le
consentement de l'Etat côtier reste donc nécessaire même
au-delà de sa mer territoriale312. Cette question fut l'objet
de la divergence la plus sérieuse entre les Etats industrialisés
et les Etats en voie de développement au
307 L'article 52.1 de la CMB précitée
prévoit: «(...) Les navires de tous les Etats jouissent dans les
eaux archipélagiques du droit de passage inoffensif (...)».
308 FREYMOND (O.), op. cit., pp.53-54.
309 L'article 40 de la CMB précitée
prévoit: «Pendant le passage en transit, les navires
étrangers, y compris ceux qui sont affectés à la recherche
scientifique marine [...], ne peuvent être utilisés pour des
recherches ou des levés sans l'autorisation préalable des Etats
riverains».
310 L'article 19.2.j de la CMB précitée
prévoit: « Le passage d'un navire étranger est
considéré comme portant atteinte à la paix, au bon ordre
ou à la sécurité de l'Etat côtier si, dans la mer
territoriale, ce navire se livre à l'une quelconque des activités
suivantes: recherches ou levés».
311 L'article 246.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats côtiers, dans l'exercice de leur
juridiction, ont le droit de réglementer, d'autoriser et de mener des
recherches scientifiques marines dans leur zone économique exclusive et
sur leur plateau continental conformément aux dispositions pertinentes
de la Convention».
312 JARMACHE (E.), op. cit., p. 305.
62
cours de la CNUDM III313, et cette disposition
finale est le «résultat d'une longue bataille gagnée»
par le second groupe314.
Au nom du groupe des 77315, l'Irak proposa que
«les activités de recherche scientifique marine dans la [ZEE] de
l'Etat côtier ne [puissent] être menées sans le consentement
exprès dudit Etat»316. Ceci se justifie par le fait que
les données collectées dans le cadre de la recherche scientifique
marine peuvent ensuite être affectées à des
activités d'exploitation économiques des ressources naturelles.
Ceci s'explique par le fait que dans sa ZEE317 ainsi que sur son
plateau continental318, l'Etat côtier jouit de droits
souverains aux fins d'exploration et d'exploitation de ces ressources. Il a
été relevé durant les négociations de la CNUDM III
que la recherche scientifique marine dans ces zones doit par conséquent
être conduite «de manière à ce que ces droits soient
respectés»319.
Les Etats industrialisés, craignant de voir
l'accès à ces zones précédemment ouvertes à
la recherche entravé par l'Etat côtier, proposèrent un
régime de notification320 et des obligations internationales
aux chercheurs321 pour éviter le régime du
consentement nécessaire de l'Etat côtier. Partisans de la
liberté de la recherche, ils considèrent que le consentement
nécessaire de l'Etat côtier pour la recherche risque de freiner le
développement des connaissances sur l'océan322. Mais
l'article 60 du Texte unique de négociation révisé
consacra les revendications des Etats en voie de développement et
prévoit que «la recherche scientifique marine dans la ZEE et le
plateau continental doit être menée avec le
313 MOUSSA (F.), op. cit., p. 107.
314 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 78-82.
315 MOUSSA (F.), op. cit., pp. 102-103.
316 Ibidem.
317 Article 56.1.a de la CMB précitée.
318 Article 77.1 de la CMB précitée.
319 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.19, op. cit., pp.
266-267.
320 Ibidem.
321 MOUSSA (F.), op. cit., pp. 108-111.
322 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 78-82.
63
consentement de l'Etat côtier»323, et
cette disposition fut reprise dans le texte final de la CMB. L'article 56 de la
CMB consacre ainsi la juridiction de l'Etat côtier «en ce qui
concerne la recherche scientifique marine»324 dans sa ZEE et
sur son plateau continental.
L'article 246 de ladite Convention prévoit
également que «les États côtiers, dans l'exercice de
leur juridiction, ont le droit de réglementer, d'autoriser et de mener
des recherches scientifiques marines dans leur ZEE et sur leur plateau
continental»325, répondant à la demande des Etats
en voie de développement qui proposèrent que «dans leurs
[ZEE], les Etats côtiers [aient] le droit exclusif de se livrer à
des activités de recherche scientifique marine et de les
règlementer, ainsi que de les autoriser»326.
Aujourd'hui, c'est avec stupeur que nous remarquons que les Etats
industrialisés tels que la France327, les
Pays-Bas328 et la Belgique329 qui ont farouchement
combattu le principe du consentement dans
323 ONU, Document A/CONF.62/WP.8/Rev.1/PartIII, op. cit.,
pp.173-184.
324 L'article 56.1.b.ii de la CMB précitée
prévoit: «Dans la zone économique exclusive, l'Etat
côtier a juridiction, conformément aux dispositions pertinentes de
la Convention, en ce qui concerne la recherche scientifique marine».
325 L'article 246.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats côtiers, dans l'exercice de leur
juridiction, ont le droit de réglementer, d'autoriser et de mener des
recherches scientifiques marines dans leur zone économique exclusive et
sur leur plateau continental conformément aux dispositions pertinentes
de la Convention».
326 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.13/Rev.2, op. cit.,
pp. 199_200.
327 L'article 8 du décret français n°
2017-956 du 10 mai 2017 fixant les conditions d'application des articles L.
251-1 et suivants du code de la recherche relatifs à la recherche
scientifique marine prévoit: «Tout Etat étranger ou toute
organisation internationale compétente qui souhaite mener une
activité de recherche scientifique marine dans les espaces relevant de
la souveraineté ou de la juridiction de la République
française présente une demande d'autorisation six mois au plus
tard avant la date prévue pour le début de la campagne»,
disponible sur
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000034803217/2021-02-28
(consulté le 03-03-2021).
328 La section 3.b de la loi du Royaume des Pays-Bas du 27 mai
1999 portant création d'une ZEE prévoit: «Dans la ZEE,
conformément aux restrictions posées par le Droit international,
le royaume a juridiction concernant la recherche scientifique marine»,
disponible sur
https://www.un.org/depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/NLD_1999_Act.
pdf (consulté le 03-03-2021).
329 L'article 40 de la loi belge du 22 avril 1999 concernant
la ZEE de la Belgique en mer du Nord prévoit que «toute recherche
scientifique marine, de quelque nature que ce soit, menée dans la mer
territoriale et la ZEE par un navire, aéronef, engin submersible ou
instrument dérivant étranger, est soumise au consentement du
ministre qui a les Affaires étrangères dans ses attributions,
lequel consulte à cette fin les ministres concernés»,
disponible sur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=199
9042247&table_name=loi#:~:text=CHAPITRE%20I.-
64
les zones de juridiction finirent par exiger ce consentement
dans leur législation nationale.
C'est ainsi que les projets de recherche scientifique marine
ne peuvent être entrepris dans les eaux dans lesquelles l'Etat
côtier exerce sa souveraineté ou des droits souverains sans le
consentement de ce dernier. Celui-ci a un large pouvoir discrétionnaire
dans l'octroi dudit consentement.
Paragraphe II. Le pouvoir discrétionnaire de l'Etat
côtier dans l'octroi de son consentement
Le pouvoir discrétionnaire de l'Etat côtier dans
l'octroi de son consentement aux projets de recherche scientifique marine dans
ses eaux est très important. La CMB permet ainsi à l'Etat
côtier de subordonner l'octroi de son consentement aux conditions qu'il
désire (A), de refuser son consentement et même de le reprendre
après l'avoir octroyé (B).
A. Un consentement subordonné à des
conditions excessives
«Les Etats et les organisations internationales
compétentes qui ont l'intention d'entreprendre des recherches
scientifiques marines dans la zone [d'emprise] d'un Etat côtier
fournissent à ce dernier», en vertu de l'article 248 de la CMB,
certains renseignements au sujet de ces recherches, six mois au plus tard avant
la date prévue pour le début du projet330 (annexe I).
L'Etat côtier n'accorde son
,%2D%20La%20zone%20%C3%A9conomique%20exclusive.,marins%20et%20leur%20sou
s%2Dsol.
330L'article 248 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats et les organisations internationales
compétentes qui ont l'intention d'entreprendre des recherches
scientifiques marines dans la zone économique exclusive ou sur le
plateau continental d'un Etat côtier fournissent à ce dernier, six
mois au plus tard avant la date prévue pour le début du projet de
recherche scientifique marine, un descriptif complet indiquant al la nature et
les objectifs du projet, b) la méthode et les moyens qui seront
utilisés, en précisant le nom, le tonnage, le type et la
catégorie des navires, et un descriptif du matériel scientifique,
c) les zones géographiques précises où le projet sera
exécuté, d) les dates prévues de la première
arrivée et du dernier départ des navires de recherche ou celles
de l'installation et du retrait du matériel de recherche, selon le cas,
et le nom de l'institution qui patronne le projet de recherche, du directeur de
cette institution et du
65
consentement qu'aux «conditions fixées par
lui»331 en vertu de l'article 245 de la CMB. Mais ces
conditions sont souvent jugées excessives332. La France, qui
était favorable à une liberté maximale de la recherche
scientifique marine exige par exemple une demande d'autorisation «six mois
au plus tard avant la date prévue pour le début de la
campagne»333. La Belgique, plus souple, ne requiert que trois
mois334.
Les renseignements à fournir pour obtenir le
consentement de l'Etat côtier concernent l'affectation des données
collectées, les moyens que les chercheurs prévoient d'utiliser,
«les dates prévues de la première arrivée et du
dernier départ des navires de recherche [et] celles de l'installation et
du retrait du matériel de recherche»335 ainsi que les
zones géographiques visées. L'Allemagne proposa par exemple au
cours des négociations de la CNUDM III que les chercheurs doivent
fournir à l'Etat côtier «une description
détaillée du projet de recherche, incluant les objectifs, les
méthodes et les instruments de collecte des données marines, les
zones visées et le calendrier prévu, des informations sur
l'institut de recherche concerné et l'équipe de chercheurs
employée»336.
L'Etat côtier peut exiger des renseignements
supplémentaires337 non précisés par la liste
proposée par l'article 248 de la CMB. Nous comprenons que cette liste
est ouverte puisque l'article en question s'intitule «obligation de
fournir des renseignements à l'Etat côtier et non «les
renseignements à fournir à l'Etat
responsable du projet f) la mesure dans laquelle on estime que
l'Etat côtier peut participer au projet ou se faire
représenter».
331 Article 246 de la CMB précitée.
332 ABE-LOS, Première session, 2001.
333 Article 8 du décret français n° 2017-956
précité.
334 L'article 41.1 de la loi belge concernant la ZEE de la
Belgique en mer du Nord précitée prévoit: «En vue de
l'obtention du consentement visé à l'article 40, une demande est
transmise par la voie diplomatique, au plus tard trois mois avant le
début du projet envisagé. Le Roi détermine les
informations qui doivent être jointes à cette demande».
335 Ibidem.
336 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.19, op. cit., pp.
266-267.
337DOALOS, Guide révisé pour
l'application des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer, op. cit., pp. 31-34.
66
côtier». Un intitulé qui laisse aussi
perplexe338 que celui de l'article suivant : «obligations de
satisfaire à certaines conditions». Ainsi, l'entrepreneur des
recherches a l'obligation de satisfaire aux conditions fixées par l'Etat
côtier en vertu de l'article 249 de la CMB dont l'intitulé
suggère que l'Etat côtier a la possibilité d'ajouter des
conditions non expressément prévues dans la liste
proposée. Ceci pose un problème en termes de
prévisibilité juridique339 puisque l'Etat côtier
peut exiger n'importe quelle condition tant qu'elle est compatible avec la
CMB.
L'article 249 de ladite Convention prévoit alors
à titre indicatif que l'entrepreneur du projet de recherche doit
s'engager à garantir à l'Etat côtier, «si celui-ci le
désire, le droit de participer au projet de recherche scientifique
marine ou de se faire représenter, en particulier, lorsque cela est
possible, à bord des navires et autres embarcations de recherche ou sur
les installations de recherche scientifique». Il s'engage également
à fournir à l'Etat côtier, «sur sa demande, des
rapports préliminaires [...] les résultats et conclusions finales
[ainsi que] les échantillons et données» (annexe III) et
à «l'aider à les évaluer ou à les
interpréter»340 (annexe II).
338 JARMACHE (E.), op. cit., p.307.
339 Ibidem.
340 L'article 249.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats et les organisations internationales
compétentes qui effectuent des recherches scientifiques marines dans la
zone économique exclusive ou sur le plateau continental d'un Etat
côtier doivent satisfaire aux conditions suivantes: a) garantir à
l'Etat côtier, si celui-ci le désire, le droit de participer au
projet de recherche scientifique marine ou de se faire représenter, en
particulier, lorsque cela est possible, à bord des navires et autres
embarcations de recherche ou sur les installations de recherche scientifique,
mais sans qu'il y ait paiement d'aucune rémunération aux
chercheurs de cet Etat et sans que ce dernier soit obligé de participer
aux frais du projet
b) fournir à l'Etat côtier, sur sa demande, des
rapports préliminaires, aussitôt que possible, ainsi que les
résultats et conclusions finales, une fois les recherches
terminées,
c) s'engager à donner à l'Etat côtier,
sur sa demande, accès à tous les échantillons et
données obtenus dans le cadre du projet de recherche scientifique
marine, ainsi qu'à lui fournir des données pouvant être
reproduites et des échantillons pouvant être fractionnés
sans que cela nuise à leur valeur scientifique,
d) fournir à l'Etat côtier, sur sa demande, une
évaluation de ces données, échantillons et
résultats de recherche, ou l'aider à les évaluer ou
à les interpréter, et faire en sorte, sous réserve du
paragraphe 2, que les résultats des recherches soient rendus disponibles
aussitôt que possible sur le plan international par les voies nationales
ou internationales appropriées,
f) informer immédiatement l'Etat côtier de toute
modification majeure apportée au projet de
67
Cet article est le résultat des revendications du
groupe des 77 au cours des négociations de la CNUDM III. L'Irak, en tant
que représentant de ce groupe, demanda en effet que les ressources
humaines des Etats en voie de développement soient mises en valeur au
moyen de la formation, de l'éducation et de la participation active de
leurs ressortissants au projet de recherche341. Il demanda
également que l'accès aux données collectées au
cours de ce projet soit facilité et que l'entrepreneur des recherches
s'engage à fournir «les données acquises, brutes et
traitées, les évaluations finales, les conclusions et les
échantillons»342 et à aider l'Etat côtier
à les traiter s'il le demande. A cet égard, la division des
affaires maritimes et du Droit de la mer des Nations Unies (ci-après
DOALOS) conseille que toutes ces données soient transmises à
l'Etat côtier dès que disponibles, même si celui-ci n'en a
pas fait la demande343.
Dans l'application des dispositions finales de la
CMB344, certains Etat côtiers se sont montrés
capricieux, exigeant la présence de plus d'un observateur à bord
du navire de recherches ou le détour par des ports ne figurant pas sur
l'itinéraire prévu pour embarquer ses ressortissants, ou encore
la fourniture des données immédiatement avant le départ du
dernier port d'escale et non à la fin de la campagne. Certains ont pu
réclamer des données recueillies dans les eaux internationales ou
dans le territoire d'autres Etats côtiers, d'autres ont exigé que
les rapports de recherche soient rédigés dans une autre langue
que l'anglais345.
recherche,
g) enlever les installations ou le matériel de
recherche scientifique, une fois les recherches terminées, à
moins qu'il n'en soit convenu autrement».
341 YAHYAOUI (M.), op. cit., p.298.
342 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.13/Rev.2, op. cit.,
pp. 199-200.
343 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, op. cit., pp. 41-48.
344ABELOS, Première session
précitée.
345 Ibidem.
68
Les chercheurs se plaignent des Etats côtiers qui ne
leur facilitent pas la collecte des données marines dans leurs zones
d'emprise, se permettant d'exiger la présentation de la demande
d'autorisation de recherche et d'escale par d'autres canaux que le
ministère des affaires étrangères, de répondre
tardivement à cette demande d'autorisation et même de refuser son
consentement à la dernière minute346.
L'octroi du consentement de l'Etat côtier peut ainsi
être subordonné à des conditions excessives, si bien que ce
consentement peut être repris ou même refusé aux
chercheurs.
B. La décision de l'Etat côtier de ne pas
octroyer son consentement
Dans l'octroi ou le refus de son consentement aux
organisations internationales compétentes et aux Etats désireux
de se livrer à des activités de recherche scientifique marine
dans les eaux relevant de la souveraineté de l'Etat côtier, le
pouvoir discrétionnaire de ce dernier est total347 (annexe
II). Il peut ainsi refuser son consentement sans se justifier348. La
Birmanie refusa ainsi son consentement en 1967 aux USA désireux de mener
des recherches scientifiques marines dans sa mer territoriale, sans avancer
aucun motif. L'ambassade américaine à Rangoon fût
simplement informée que «le gouvernement birman regrettait de ne
pouvoir donner son accord»349.
Dans les eaux relevant de la juridiction de l'Etat
côtier en matière de recherche scientifique marine, celui-ci a le
pouvoir discrétionnaire de refuser son consentement à
l'exécution d'un projet de recherche dans sa ZEE ou sur son
346 Ibidem.
347 BEN SALEM (M.), «La recherche scientifique marine en
Méditerranée», op. cit., pp. 5556.
348 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 65-67.
349 Ibidem.
69
plateau continental dans cinq cas. Premièrement,
«si le projet prévoit des forages dans le plateau continental,
l'utilisation d'explosifs ou l'introduction de substances nocives dans le
milieu marin»350.
Deuxièmement, «si le projet prévoit la
construction, l'exploitation ou l'utilisation des îles artificielles,
installations et ouvrages351. Ceci se justifie par le fait que
l'Etat côtier «a le droit exclusif de procéder à la
construction et d'autoriser et réglementer la construction,
l'exploitation et l'utilisation»352 de ces îles
artificielles, installations et ouvrages dans sa ZEE en vertu de l'article 60
de la CMB et sur son plateau continental en vertu de l'article 80353
de ladite Convention, qu'ils émergent de la surface de la mer ou qu'ils
soient totalement submergés354.
Troisièmement, l'Etat côtier a le pouvoir
discrétionnaire de refuser son consentement à l'exécution
d'un projet de recherche dans sa ZEE ou sur son plateau continental si le
projet vise des zones spécifiques désignées par l'Etat
côtier comme faisant (ou devant faire) l'objet de travaux d'exploration
ou
350 L'article 246.5.b de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats côtiers peuvent cependant, à leur
discrétion, refuser leur consentement à l'exécution d'un
projet de recherche scientifique marine par un autre Etat ou par une
organisation internationale compétente dans leur zone économique
exclusive ou sur leur plateau continental [...] si le projet prévoit des
forages dans le plateau continental, l'utilisation d'explosifs ou
l'introduction de substances nocives dans le milieu marin».
351 L'article 246.5.c de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats côtiers peuvent cependant, à leur
discrétion, refuser leur consentement à l'exécution d'un
projet de recherche scientifique marine par un autre Etat ou par une
organisation internationale compétente dans leur zone économique
exclusive ou sur leur plateau continental [...] si le projet prévoit la
construction, l'exploitation ou l'utilisation des îles artificielles,
installations et ouvrages visés aux articles 60 et 80».
352 L'article 60.1 de la CMB précitée
prévoit: «1. Dans la zone économique exclusive. l'Etat
côtier a le droit exclusif de procéder à la construction et
d'autoriser et réglementer la construction, l'exploitation et
l'utilisation: a) d'îles artificielles b) d'installations et d'ouvrages
affectés aux fins prévues à l'article 56 ou à
d'autres fins économiques, c) d'installations et d'ouvrages pouvant
entraver l'exercice des droits de l'Etat côtier dans la zone».
353 L'article 80 de la CMB précitée
prévoit: «L'article 60 s'applique, mutatis mutandis, aux îles
artificielles, installations et ouvrages situés sur le plateau
continental».
354 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le Droit de
la mer, op. cit., pp.10-12.
70
d'exploitation355, et quatrièmement,
«si le projet a une incidence directe sur l'exploration et l'exploitation
des ressources naturelles, biologiques ou non
biologiques»356.
Ceci s'explique par le fait que l'Etat côtier jouit de
droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation de ces ressources
dans sa ZEE et sur son plateau continental. L'Etat côtier a donc le
pouvoir de refuser son consentement aux recherches qui risquent de porter
préjudice à ses droits souverains sur ses ressources
naturelles357 dans sa ZEE et sur son plateau continental, zones dont
l'institution est motivée par les avantages économiques que
peuvent lui apporter ces droits358.
Les recherches qui risquent de porter préjudice aux
droits souverains de l'Etat côtier sur ses ressources naturelles sont
celles qui constituent une exploration des ressources vivantes359,
celles dont les résultats permettent de localiser et d'évaluer
les ressources «du point de vue de leur exploitation
commerciale»360. Les données acquises au cours de telles
recherches indiquent en effet les zones
355 L'article 246.6 de la CMB précitée
prévoit: «Nonobstant le paragraphe 5, les Etats côtiers ne
peuvent pas exercer leur pouvoir discrétionnaire de refuser leur
consentement en vertu de la lettre a de ce paragraphe, en ce qui concerne les
projets de recherche scientifique marine devant être entrepris,
conformément à la présente partie, sur le plateau
continental, à plus de 200 milles marins des lignes de base à
partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, en
dehors de zones spécifiques qu'ils peuvent à tout moment,
désigner officiellement comme faisant l'objet, ou devant faire l'objet
dans un délai raisonnable, de travaux d'exploitation ou de travaux
d'exploration poussés. Les Etats côtiers notifient dans des
délais raisonnables les zones qu'il désigne ainsi que toutes
modifications s'y rapportant, mais ne sont pas tenus de fournir des
détails sur les travaux dont elles font l'objet».
356 L'article 246.5.a de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats côtiers peuvent cependant, à leur
discrétion, refuser leur consentement à l'exécution d'un
projet de recherche scientifique marine par un autre Etat ou par une
organisation internationale compétente dans leur zone économique
exclusive ou sur leur plateau continental [...] si le projet a une incidence
directe sur l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles,
biologiques ou non biologiques».
357 JARMACHE (E.), op. cit., p. 304.
358BEN SALEM (M.), La recherche scientifique
marine à l'épreuve du Droit de la mer: développement et
entrave, Thèse en Droit, Faculté des sciences juridiques
politiques et sociales de Tunis, 2016, p.355.
359 FRIKHA (A.), op. cit., pp. 44-47.
360 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le Droit de
la mer, op. cit., p.21.
71
de migration et de reproduction de certaines espèces
marines riches pour l'exploitation361. La diffusion de ces
données ainsi que leur utilisation à des fins commerciales
peuvent avoir des répercussions défavorables sur les accords de
pêche par exemple362. L'Etat côtier peut d'ailleurs
refuser son accord «pour diffuser sur le plan international les
résultats des recherches relevant d'un projet intéressant
directement l'exploration et l'exploitation de ressources
naturelles»363 en vertu de l'article 249 de la CMB, même
après qu'il ait accordé son consentement à ces recherches,
parce que l'on touche ici à «la raison
d'être»364 de la ZEE et du plateau continental.
Cinquièmement, l'Etat côtier a le pouvoir
discrétionnaire de refuser son consentement à l'exécution
d'un projet de recherche dans sa ZEE ou sur son plateau continental «si
les renseignements communiqués quant à la nature et aux objectifs
du projet [...] sont inexacts ou si l'Etat ou l'organisation internationale
compétente auteur du projet ne s'est pas acquitté d'obligations
contractées vis-à-vis de l'Etat côtier concerné au
titre d'un projet de recherche antérieur»365. Tout ceci
rend l'entreprise de travaux de collecte de données marines dans les
zones sous l'emprise de l'Etat côtier bien difficile. Et même si
l'Etat côtier octroie finalement son consentement si compliqué
à obtenir, il peut le reprendre après l'avoir octroyé.
361 FRIKHA (A.), op. cit., pp. 44-47.
362BEN SALEM (M.), La recherche scientifique
marine à l'épreuve du Droit de la mer: développement et
entrave, op.cit., p. 355.
363 L'article 249.2 de la CMB précitée
prévoit: «Le présent article s'applique sans
préjudice des conditions fixées par les lois et règlements
de l'Etat côtier en ce qui concerne l'exercice de son pouvoir
discrétionnaire d'accorder ou de refuser son consentement en application
de l'article 246, paragraphe 5, y compris l'obligation d'obtenir son accord
préalable pour diffuser sur le plan international les résultats
des recherches relevant d'un projet intéressant directement
l'exploration et l'exploitation de ressources naturelles».
364 JARMACHE (E.), op. cit., p. 304.
365L'article 246.5.d de la CMB
précitée prévoit: «Les Etats côtiers peuvent
cependant, à leur discrétion, refuser leur consentement à
l'exécution d'un projet de recherche scientifique marine par un autre
Etat ou par une organisation internationale compétente dans leur zone
économique exclusive ou sur leur plateau continental [...] si les
renseignements communiqués quant à la nature et aux objectifs du
projet en vertu de l'article 248 sont inexacts ou si l'Etat ou l'organisation
internationale compétente auteur du projet ne s'est pas acquitté
d'obligations contractées vis-à-vis de l'Etat côtier
concerné au titre d'un projet de recherche antérieur».
72
L'Etat côtier a non seulement le pouvoir
discrétionnaire d'accorder ou non son consentement, mais il a en plus le
pouvoir de le suspendre ou de l'annuler après son octroi. Ce
consentement octroyé ne constituant pas un droit acquis, il peut
être retiré à son titulaire366. Ainsi,
«l'Etat côtier a le droit d'exiger la suspension des travaux de
recherche scientifique marine en cours dans sa ZEE ou sur son plateau
continental» en vertu de l'article 253 de la CMB, et ce, pour deux
raisons. D'une part, si les travaux de recherche ne sont pas menés
conformément aux conditions que l'entrepreneur des recherches s'est
engagé à respecter367, le consentement est suspendu
jusqu'à ce que l'entrepreneur des recherches se conforme aux
renseignements et aux conditions sur lesquels l'Etat côtier «s'est
fondé pour donner [ledit] consentement»368.
D'autre part, le consentement de l'Etat côtier est
également suspendu si les travaux de recherche «ne sont pas
menés conformément aux renseignements
communiqués»369 par l'Etat chercheur ou l'organisation
internationale compétente lors de la fourniture de la demande
d'autorisation et si le projet n'est pas mené dans le but
déclaré370. L'entrepreneur du projet de recherche peut
en effet déclarer un objectif scientifique alors qu'il a l'intention
d'affecter les données collectées à l'espionnage militaire
ou la prospection géologique. Ainsi,
366 SANHAJI (S.), Le Droit des fouilles
archéologiques, Mémoire en Droit, Université
Panthéon-Sorbonne Paris I, 1998, pp. 1-20.
367 L'article 253.1.b de la CMB précitée
prévoit: «L'Etat côtier a le droit d'exiger la suspension des
travaux de recherche scientifique marine en cours dans sa zone
économique exclusive ou sur son plateau continental si l'Etat ou
l'organisation internationale compétente qui les mènent ne
respecte pas les dispositions de l'article 249 relatives aux droits de l'Etat
côtier en ce qui concerne le projet de recherche scientifique
marine».
368 L'article 253.5 de la CMB précitée
prévoit: «L'ordre de suspension donné en vertu du paragraphe
1 est levé par l'Etat côtier et le projet de recherche
scientifique marine peut se poursuivre dès que l'Etat ou l'organisation
internationale compétente qui effectue ces travaux de recherche
scientifique marine s'est conformé aux conditions prévues aux
articles 248 et 249».
369 L'article 253.1.a de la CMB précitée
prévoit: «L'Etat côtier a le droit d'exiger la suspension des
travaux de recherche scientifique marine en cours dans sa zone
économique exclusive ou sur son plateau continental si ces travaux ne
sont pas menés conformément aux renseignements communiqués
en vertu de l'article 248, sur lesquels l'Etat côtier s'est fondé
pour donner son consentement».
370 MOUSSA (F.), op. cit., p. 110.
73
l'Union soviétique refusa son consentement aux USA en
1967 en avançant pour motif que le navire utilisé était un
navire de guerre. De même, les Bahamas refusèrent leur
consentement aux USA en 1970, soupçonnant ces derniers d'avoir
l'intention de collecter des données utilisables
industriellement371. L'Argentine refusa quant à elle son
consentement à la Grande Bretagne en 1976, suspectant que l'étude
de la théorie de la dérive des continents déclarée
couvrait en réalité des activités de prospection
d'hydrocarbures372.
Si l'inexactitude des renseignements communiqués au
sujet de la nature et des objectifs du projet373
«équivaut à modifier de façon
importante»374 les travaux de recherches, ou si l'entrepreneur
de ce projet ne remédie pas «dans un délai raisonnable»
aux motifs de suspension du consentement375, l'Etat côtier a
le pouvoir de retirer définitivement ledit consentement. Ce dernier
envoie alors une notification «de sa décision d'exiger [...] la
cessation [des] travaux de recherche scientifique marine» à
l'organisation internationale compétente ou à l'Etat qui a
été autorisé à mener ces travaux pour y mettre
fin376. Le consentement octroyé est alors annulé.
Ayant octroyé de larges pouvoirs à l'Etat
côtier en matière de recherche scientifique marine dans les eaux
relevant de sa souveraineté, la CMB tenta de donner plus de
libertés aux chercheurs au-delà de celles-ci.
371 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 65-67.
372 Ibidem.
373 FREYMOND (O.), op. cit., p. 83.
374 L'article 253.2 de la CMB précitée
prévoit: «L'Etat côtier a le droit d'exiger la cessation de
tous travaux de recherche scientifique marine dans tous les cas où
l'inobservation de l'article 248 équivaut à modifier de
façon importante le projet ou les travaux de recherche».
375 L'article 253.3 de la CMB précitée
prévoit: «L'Etat côtier peut également exiger la
cessation des travaux de recherche scientifique marine s'il n'est pas
remédié dans un délai raisonnable à l'une
quelconque des situations visées au paragraphe 1».
376 L'article 253.4. de la CMB précitée
prévoit: «Après avoir reçu notification par l'Etat de
sa décision d'exiger la suspension ou la cessation de travaux de
recherche scientifique marine, les Etats ou les organisations internationales
compétentes autorisés à mener ces travaux mettent fin
à ceux qui font l'objet de la notification».
74
Section II. La tentative d'équilibre entre les
droits de l'Etat côtier et les libertés des chercheurs
Bien qu'au-delà des zones sous souveraineté, la
CMB tente d'établir un équilibre entre les droits de l'Etat
côtier d'une part et les libertés des chercheurs d'autre part, le
régime qu'elle instaure pour la recherche scientifique marine penche
largement en faveur de la protection des intérêts
économiques du premier377. Le compromis obtenu se rapproche
finalement du déséquilibre en faveur de l'Etat côtier dans
ses zones de juridiction (paragraphe I), zones au-delà desquelles la
liberté de recherche est aussi restreinte (paragraphe II).
Paragraphe I. Les garanties des chercheurs en
matière de recherche scientifique marine dans les zones sous
juridiction
Les dispositions concernant la recherche scientifique marine
dans les zones sous la juridiction de l'Etat côtier apparaissent sous le
titre de «Conduite de la recherche scientifique marine et action visant
à la favoriser»378, ce qui semble annoncer un
accès facilité à ces zones379 pour ce type de
collecte de données marines. La CMB promet alors de faciliter la
recherche scientifique marine dans les zones sous la juridiction de l'Etat
côtier par un recours juridictionnel en cas de refus abusif du
consentement (A) et des atténuations du principe du consentement (B).
A. Le recours juridictionnel en cas de refus abusif du
consentement
Le principe du consentement persiste au-delà des zones
sous la souveraineté de l'Etat côtier. Mais celui-ci «baigne
[à présent] dans un contexte de Droit
international»380. L'Etat côtier a alors l'obligation d'y
faciliter la coopération
377 JARMACHE (E.), op. cit., p. 306.
378 Les articles 245 à 257 de la CMB
précitée constituent la section 3 de la partie XIII
«Recherche scientifique marine», qui s'intitule «Conduite de la
recherche scientifique marine et action visant à la favoriser».
379 GUILLOUX (B.), op. cit., p.12.
380 Ibidem.
75
internationale en adoptant «des règles,
règlements et procédures raisonnables [et en facilitant] aux
navires de recherche scientifique marine [...] l'accès à leurs
ports»381. La version de cet article présente dans le
Texte de négociation composite officieux ajoutait «dans un esprit
de coopération internationale»382.
De plus, l'Etat côtier a l'obligation d'adopter
«des règles et des procédures garantissant que [son
consentement sera accordé dans des délais raisonnables et ne sera
pas refusé abusivement»383 aux projets ne
répondant à aucune des caractéristiques
précitées en vertu de l'article 246.5 de la CMB. Il a enfin
l'obligation de consentir «à la réalisation des projets de
recherche scientifique marine que d'autres Etats ou les organisations
internationales compétentes se proposent d'entreprendre dans [sa] ZEE ou
sur [son] plateau continental [...] à des fins exclusivement pacifiques
et en vue d'accroître les connaissances scientifiques sur le milieu marin
dans l'intérêt de l'Humanité tout
entière»384, et ce, «dans des circonstances
normales»385.
«Les circonstances peuvent être
considérées comme normales même en l'absence de relations
diplomatiques entre l'Etat côtier et l'Etat qui se propose
381 L'article 255 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats s'efforcent d'adopter des règles,
règlements et procédures raisonnables en vue d'encourager et de
faciliter la recherche scientifique marine menée conformément
à la Convention au-delà de leur mer territoriale et, si besoin
est, de faciliter aux navires de recherche scientifique marine qui se
conforment aux dispositions pertinentes de la présente partie
l'accès à leurs ports, sous réserve de leurs lois et
règlements, et de promouvoir l'assistance à ces navires».
382 ONU, Document A/CONF.62/WP.10, Documents officiels de
la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume VIII, pp.1-64.
383 L'article 246.3 de la CMB précitée
prévoit: «Dans des circonstances normales, les Etats côtiers
consentent à la réalisation des projets de recherche scientifique
marine que d'autres Etats ou les organisations internationales
compétentes se proposent d'entreprendre dans leur zone économique
exclusive ou sur leur plateau continental conformément à la
Convention, à des fins exclusivement pacifiques et en vue
d'accroître les connaissances scientifiques sur le milieu marin dans
l'intérêt de l'humanité tout entière. A cette fin,
les Etats côtiers adoptent des règles et des procédures
garantissant que leur consentement sera accordé dans des délais
raisonnables et ne sera pas refusé abusivement».
384 Ibidem.
385 Ibidem.
76
d'effectuer des recherches»386 et s'il n'y a
pas de risque imminent de conflit armé ni de différend
juridictionnel concernant l'espace marin visé par les
recherches387.
Ainsi, un recours juridictionnel est possible388
afin d'éviter que l'Etat côtier manque de se conformer à
son obligation de faciliter la recherche scientifique marine dans les eaux sous
sa juridiction et qu'il exerce le pouvoir discrétionnaire que lui
confère l'article 246 de la CMB de manière incompatible avec la
Convention, en d'autres termes, qu'il refuse abusivement son consentement en
vertu dudit article.
Ainsi, en vertu dudit article 264389, tout
différend relatif à la question de savoir si l'Etat côtier
a refusé son consentement de manière abusive est soumis, à
la demande de l'organisation internationale ou de l'Etat chercheur d'une part,
ou de l'Etat côtier lui-même d'autre part, à la CIJ, au
tribunal international de Droit de la mer, à un tribunal
arbitral390, ou à un tribunal arbitral
spécial391 compétents en vertu de la
CMB392. La décision rendue est alors dotée de
l'autorité de la chose jugée.
386 L'article 246.4 de la CMB précitée
prévoit: «Aux fins de l'application du paragraphe 3, les
circonstances peuvent être considérées comme normales
même en l'absence de relations diplomatiques entre l'Etat côtier et
l'Etat qui se propose d'effectuer des recherches».
387 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, op. cit., pp. 41-48.
388 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, op. cit., pp. 25-27.
389 L'article 264 de la CMB précitée
prévoit: «Les différends relatifs à
l'interprétation ou à l'application des dispositions de la
Convention visant la recherche scientifique marine sont réglés
conformément aux sections 2 et 3 de la partie XV».
390 Ce tribunal arbitral est constitué
conformément à l'annexe VII de la CMB précitée
intitulée «arbitrage».
391 Ce tribunal arbitral spécial est constitué
conformément à l'annexe VIII de la CMB précitée
intitulée «arbitrage spécial».
392 Les articles 286 à 296 de la section 2
«Procédures obligatoires aboutissant à des décisions
obligatoires» de la partie XV «Règlement des
différends» de la CMB précitée.
77
Les différends pouvant faire l'objet d'une
décision obligatoire concernent deux devoirs de l'Etat côtier :
celui de garantir son consentement aux projets de recherche scientifique marine
dans sa ZEE et sur son plateau continental dans les circonstances normales
d'une part, et celui d'adopter des règles et des procédures
garantissant que son consentement ne sera ni refusé ni retardé
d'une manière qui ne soit pas raisonnable d'autre part393.
Toutefois, les différends «découlant de
l'exercice par [l'Etat côtier] d'un droit ou d'un pouvoir
discrétionnaire conformément à l'article 246 ou de la
décision de cet Etat d'ordonner la suspension ou la cessation d'un
projet de recherche conformément à l'article
253»394 ne peuvent pas faire l'objet d'un tel recours. L'Etat
côtier n'est donc pas tenu d'accepter le régime des
procédures obligatoires pour ces deux différends qui sont alors
soumis à une commission de conciliation395 non
habilitée à remettre en cause l'exercice par l'Etat côtier
de son pouvoir discrétionnaire.
Cette garantie que constitue la possibilité de recours
à une procédure obligatoire de règlement des
différends se trouve alors amoindrie non seulement par ces exceptions,
mais aussi par les mesures conservatoires prévues à l'article 265
en vertu desquelles «l'Etat ou l'organisation internationale
compétente autorisé à exécuter le projet de
recherche scientifique marine ne [peut pas entreprendre ou poursuivre] les
recherches sans le consentement exprès de l'Etat côtier
393 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, op. cit., p. 15.
394 L'article 297.2.a de la CMB précitée
prévoit: «Les différends relatifs à
l'interprétation ou à l'application des dispositions de la
Convention concernant la recherche scientifique marine sont
réglés conformément à la section 2, sauf que l'Etat
côtier n'est pas tenu d'accepter que soit soumis à un tel
règlement d'un différend découlant
i) de l'exercice par cet Etat d'un droit ou d'un pouvoir
discrétionnaire conformément à l'article 246, ou
ii) de la décision de cet Etat d'ordonner la
suspension ou la cessation d'un projet de recherche conformément
à l'article 253».
395 La soumission obligatoire à la procédure de
conciliation est régie par les articles 11 à 14 de la section 2
«Soumission obligatoire à la procédure de conciliation
conformément à la section 3 de la partie XV» de l'annexe V
intitulée «Conciliation» de la CMB.
78
concerné»396 tant que le
différend n'est pas réglé397
|
.
|
Aux côtés de ce recours juridictionnel, la CMB
octroie aux chercheurs deux atténuations au principe du consentement
explicite de l'Etat côtier en tant que seconde garantie.
B. Les atténuations du principe du consentement
dans les zones sous la juridiction de l'Etat côtier
La CMB prévoit deux atténuations au principe du
consentement explicite nécessaire dans la ZEE et le plateau continental
de l'Etat côtier consacré par son article 246. Il s'agit
d'assouplissements à la lourde procédure de demande de
consentement qui viennent «contrebalancer»398 les droits
reconnus à l'Etat côtier en matière de recherche
scientifique marine dans ces zones. Les organisations internationales
compétentes peuvent dès lors bénéficier du
consentement tacite au même titre que les Etats chercheurs alors que le
consentement présumé leur est exclusivement
réservé.
D'une part, le consentement tacite ou consentement implicite
de l'Etat côtier dans ses zones de juridiction, «la concession la
plus importante faite aux partisans de la liberté de la
recherche»399, est institué par l'article 252 de la CMB.
Ce dernier prévoit que «les Etats ou les organisations
internationales compétentes peuvent mettre à exécution un
projet de recherche scientifique marine, [seulement six mois après le
dépôt de la demande de consentement de
396 L'article 265 de la CMB précitée
prévoit: «Tant qu'un différend n'est pas réglé
conformément aux sections 2 et 3 de la partie XV, l'Etat ou
l'organisation internationale compétente autorisé à
exécuter le projet de recherche scientifique marine ne permet pas
d'entreprendre ou de poursuivre les recherches sans le consentement
exprès de l'Etat côtier concerné».
397 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, op. cit., pp. 25-27.
398 ONU, Document A/CONF.62/WP.10, Documents officiels de
la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume VIII, pp.1-64.
399 FREYMOND (O.), op. cit., pp.85-86.
79
l'Etat côtier] à moins que, dans un délai
de quatre mois à compter de la réception de ces
renseignements»400, celui-ci n'émette une objection en
informant l'entrepreneur du projet qu'il refuse son consentement ou bien que
les renseignements fournis sont inexacts ou incomplets.
Le consentement déduit du silence de l'Etat
côtier permet de réduire les délais de réponse dont
certains Etats chercheurs se plaignent401 et de mettre en route le
projet de recherche à l'expiration d'un délai de six mois
à compter de la date à laquelle les renseignements requis en
vertu de l'article 248 de la CMB ont été communiqués
à l'Etat côtier.
D'autre part, le consentement présumé de l'Etat
côtier à la recherche scientifique marine dans ses zones
d'emprise, second assouplissement au régime draconien402 du
consentement explicite, est consacré par l'article 247 de ladite
Convention. Ce dernier prévoit qu'un «Etat côtier qui est
membre d'une organisation internationale ou lié à [elle] par un
accord bilatéral et dans la zone [de juridiction nationale] duquel
[elle] veut exécuter directement ou faire exécuter sous ses
auspices un projet de recherche scientifique marine, est réputé
avoir autorisé l'exécution du projet [...] s'il a approuvé
le projet détaillé lorsque l'organisation a pris la
décision de l'entreprendre ou s'il est disposé à y
participer
400 «Les Etats ou les organisations internationales
compétentes peuvent mettre à exécution un projet de
recherche scientifique marine à l'expiration d'un délai de six
mois à compter de la date à laquelle les renseignements requis en
vertu de l'article 248 ont été communiqués à l'Etat
côtier, à moins que, dans un délai de quatre mois à
compter de la réception de ces renseignements, celui-ci n'ait fait
savoir à l'Etat ou à l'organisation qui se propose d'effectuer
les recherches:
a) qu'il refuse son contentement, en vertu de l'article 246,
ou
b) que les renseignements fournis par cet Etat ou cette
organisation internationale compétente quant à la nature ou aux
objectifs du projet ne correspondent pas aux faits patents, ou
c) qu'il a besoin d'un complément d'information
à propos des renseignements ou des conditions visés aux articles
248 et 249, ou
d) que des obligations découlant des conditions
fixées à l'article 249 pour un projet de recherche scientifique
marine précédemment exécuté par cet Etat ou cette
organisation n'ont pas été remplies».
401ABE-LOS, Première session, 2001.
402 BORK (K.), op. cit., p. 311.
80
et n'a émis aucune objection à l'expiration d'un
délai de quatre mois à compter du moment où notification
du projet lui a été faite par
l'organisation»403.
L'Etat côtier a donc l'obligation de répondre
à la demande de consentement «avec diligence»404.
Et si le projet d'une organisation internationale est bien qualifié de
projet de recherche scientifique marine, et qu'il ne s'agit pas d'une autre
activité de collecte des données marines, le consentement
présumé de l'Etat côtier est octroyé405.
Le programme sur la dynamique des écosystèmes océaniques
à l'échelle mondiale (GLOBEC) et l'expérience sur la
circulation océanique mondiale (WOCE)406 constituent des
exemples de projets qui bénéficient de cet assouplissement.
L'article 247 est appliqué selon une procédure simplifiée
élaborée par la COI407 que l'Etat côtier est
invité à suivre, qu'il soit membre de l'organisation
internationale qui se propose de mener les recherches ou seulement lié
à elle par un accord bilatéral408.
403 L'article 247 de la CMB précitée
prévoit: «Un Etat côtier qui est membre d'une organisation
internationale ou lié à une telle organisation par un accord
bilatéral et dans la zone économique exclusive ou sur le plateau
continental duquel cette organisation veut exécuter directement ou faire
exécuter sous ses auspices un projet de recherche scientifique marine,
est réputé avoir autorisé l'exécution du projet
conformément aux spécifications convenues s'il a approuvé
le projet détaillé lorsque l'organisation a pris la
décision de l'entreprendre ou s'il est disposé à y
participer et n'a émis aucune objection à l'expiration d'un
délai de quatre mois à compter du moment où notification
du projet lui a été faite par l'organisation».
404 FREYMOND (O.), op. cit., pp.85-86.
405 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le Droit de
la mer, op. cit., p.45.
406 ABELOS, Première session
précitée.
407 COI, Résolution XXIII-8, Procédure
concernant l'application de l'article 247 de la CNUDM par la COI de
l'UNESCO, 2005.
408 Selon la procédure prévue par la COI pour la
mise en oeuvre de l'article 247 de la CMB précitée, pour un Etat
non membre de l'organisation internationale mais lié à elle par
un accord bilatéral, et dans la ZEE ou sur le plateau continental duquel
le projet de recherche doit être mené, celui-ci est invité
à contribuer aux discussions du projet de résolution qui doit
être adopté par l'Assemblée. Des négociations
bilatérales entre ledit Etat et l'organisation internationale sont
également engagées dans le but de conclure un accord relatif aux
conditions selon lesquelles le projet de recherche peut être
exécuté Le projet de résolution peut alors être
soumis au vote de l'Assemblée et la partie du projet concernant l'Etat
côtier non membre ne peut être exécuté que si ledit
accord a été conclu.
Aussitôt que possible après l'adoption de la
résolution, et au plus tard, six mois avant la date de la mise à
exécution du projet, l'Etat côtier est notifié par le
secrétaire exécutif qui lui communique le texte de la
résolution adoptée et son annexe contenant une description
détaillée des informations demandées par les articles 248
et 249 de la CMB. Si l'Etat côtier n'émet aucune objection dans
les quatre mois qui suivent la réception de la notification, le projet
de recherche peut être mis en route, COI, Résolution XXIII-8,
Procédure concernant l'application de l'article 247 de la CNUDM par
la COI de l'UNESCO, 2005, [en ligne]:
81
Ainsi, selon, la résolution XXIII-8 de la COI, pour
qu'un tel projet de coopération internationale bénéficie
de cette atténuation au principe du consentement, pour un Etat membre de
l'organisation, «un projet de résolution est soumis à
l'Assemblée de l'organisation internationale avec en annexe une
description détaillée du projet de recherche scientifique marine
contenant les renseignements visés à l'article 248 de la CMB et
les moyens proposés pour satisfaire aux conditions de l'article 249 de
cette même Convention. Ce projet de résolution est
communiqué à tous les Etats membres de l'organisation
internationale en mentionnant expressément l'application du consentement
présumé de l'article 247 de la CMB. L'Assemblée de
l'organisation internationale décide d'entreprendre ce projet par
l'adoption d'une résolution.
Le secrétaire exécutif adresse une notification
par les canaux officiels appropriés en vertu de l'article 250 de la CMB
à chacun des Etats membres dans la ZEE et le plateau continental
desquels le projet de recherche doit être mené, au plus tard, six
mois avant la date de la mise en route effective du projet. La mise en oeuvre
de ce projet est alors possible dans deux cas : si ces Etats côtiers ont
voté pour la résolution ou s'ils ont manifesté, avant
d'avoir reçu cette notification, leur volonté de participer au
projet. Ce projet de recherche est alors mis à exécution six mois
après la réception de la notification»409.
Le projet Argo fait l'objet d'un débat au sein de la
COI quant à la question de savoir s'il s'agit d'une activité de
recherche scientifique marine auquel l'article 247 de la CMB est applicable ou
d'une activité d'océanographie
opérationnelle410. La qualification incertaine de ce projet
empêche donc la mise
http://ioc-unesco.org/images/stories/LawoftheSea/Documents/Resolutions/iocres23-8-9.pdf
(consulté le 21-02-2021).
409 COI, Résolution XXIII-8 de la COI
précitée.
410 ABELOS, Neuvième session, 2009.
82
en oeuvre de cet assouplissement411 qui vise
à faciliter la collecte des données marines dans les zones sous
la juridiction de l'Etat côtier412.
C'est ainsi que la CMB octroie certaines garanties aux
chercheurs dans les zones de juridiction de l'Etat côtier. Mais celles-ci
paraissent finalement minces tant les conditions pour en
bénéficier et les exceptions sont nombreuses, aussi nombreuses
que les limites de la liberté de la recherche au-delà de ces
zones.
Paragraphe II. Les limites de la liberté de la
recherche scientifique marine au-delà des zones sous juridiction
Le principe de la liberté s'applique aux recherches
scientifiques marines menées dans les zones échappant à
l'emprise de l'Etat côtier. Mais cette liberté n'est pas absolue.
Elle doit en effet être exercée sous réserve de certaines
restrictions. La CMB énonce ainsi les principes généraux
régissant la conduite de cette activité de collecte des
données marines (A), notamment l'obligation de mener ces recherches
à des fins exclusivement pacifiques (B).
A. Les principes généraux
régissant la conduite de la recherche scientifique marine
Il fut proposé au cours des négociations de la
CNUDM III que «tous les Etats jouissent de la liberté d'effectuer
des recherches scientifiques marines en haute mer»413 qui
s'étend sur «toutes les parties de la mer qui ne sont comprises ni
dans la ZEE, la mer territoriale ou les eaux intérieures d'un Etat, ni
dans les eaux archipélagiques d'un Etat archipel»414.
411 BORK (K.), op.cit., pp. 318-319.
412 GUILLOUX (B.), op. cit., p.12.
413 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.26, op. cit.,
pp.213-215.
414 L'article 86 de la CMB précitée
prévoit; «La présente partie [relative à la haute
mer] s'applique à toutes les parties de la mer qui ne sont comprises ni
dans la zone économique exclusive, la mer territoriale ou les eaux
intérieures d'un Etat, ni dans les eaux archipélagiques d'un Etat
archipel. Le présent article ne restreint en aucune manière les
libertés dont jouissent tous les Etats dans la zone économique
exclusive en vertu de l'article 58».
83
Ce principe a été consacré par l'article
87 du texte final de la CMB, qui prévoit que la liberté de la
haute mer «comporte notamment [...] la liberté de la recherche
scientifique [marine]»415 et par l'article 257 de ladite
Convention qui prévoit que «tous les Etats, quelle que soit leur
situation géographique, ainsi que les organisations internationales
compétentes, ont le droit [...] d'effectuer des recherches scientifiques
marines dans la colonne d'eau au-delà des limites de la zone
économique exclusive»416. Ce dernier est repris à
la lettre par l'article 256 de ladite Convention pour consacrer la
liberté de la recherche scientifique marine également dans la
Zone417 qui s'étend sur «les fonds marins et leur
sous-sol au-delà des limites de la juridiction
nationale»418.
Nous devons noter que la liberté de la recherche
scientifique ne figurait pas dans la «liste-guide» de la Convention
de Genève sur la haute mer qui ne comprenait que la liberté de
navigation, de pêche, de survol et de pose de câbles et pipelines
sous-marins419.
Durant les négociations de la CNUDM III les Etats
industrialisés défendirent une liberté totale de
recherche420, mais la CMB permet finalement cette liberté
sous le bénéfice des principes généraux
régissant la conduite de la recherche
415 L'article 87.1.f de la CMB précitée
prévoit: «La haute mer est ouverte à tous les Etats, qu'ils
soient côtiers ou sans littoral. La liberté de la haute mer
s'exerce dans les conditions prévues par les dispositions de la
Convention et les autres règles du Droit international. Elle comporte
notamment pour les Etats, qu'ils soient côtiers ou sans littoral, la
liberté de la recherche scientifique, sous réserve des parties VI
et XIII».
416 L'article 257 de la CMB précitée
prévoit: «Tous les États, quelle que soit leur situation
géographique, ainsi que les organisations internationales
compétentes, ont le droit, conformément à la Convention,
d'effectuer des recherches scientifiques marines dans la colonne d'eau
au-delà des limites de la zone économique exclusive».
417 L'article 256 de la CMB précitée
prévoit: «Tous les Etats, quelle que soit leur situation
géographique, ainsi que les organisations internationales
compétentes, ont le droit d'effectuer des recherches scientifiques
marines dans la Zone, conformément à la partie XI».
418 L'article 1.1.1 de la CMB précitée
prévoit: « on entend par « Zone » les fonds marins et
leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale».
419 LUCCHINI (L.), VOELCKEL (M.), Droit de la mer, Tome I:
La mer et son Droit, op. cit., p.277.
420 FREYMOND (O.), op. cit., p. 93.
84
scientifique marine421. Ces principes sont
énoncés à l'article 240 de ladite Convention qui
prévoit que cette activité de collecte des données marines
doit être «menée à des fins exclusivement pacifiques,
[...] en utilisant des méthodes et moyens scientifiques
appropriés [qui] ne [gênent] pas de façon injustifiable les
autres utilisations légitimes de la mer [et ne nuisent pas au] milieu
marin»422.
L'article 87 de ladite Convention ajoute que «chaque Etat
exerce ces libertés [notamment la liberté de la recherche
scientifique] en tenant dûment compte de l'intérêt que
présente l'exercice de la liberté de la haute mer pour les autres
Etats, ainsi que des droits reconnus par la Convention concernant les
activités menées dans la Zone»423. Cet article 87
de la CMB reprend l'article 2 de la Convention de Genève sur la haute
mer qui prévoit que la liberté de la recherche scientifique doit
être exercée «par tous les Etats en tenant raisonnablement
compte de l'intérêt que la liberté de la haute mer pour les
autres Etats»424.
La liberté de la recherche scientifique marine est
ainsi limitée par plusieurs principes généraux, le
principal d'entre eux étant l'affectation de ces recherches à des
fins exclusivement pacifiques.
421 MARFFY (A. de), «La Convention de Montego Bay»,
op. cit., p. 63.
422 L'article 240 de la CMB précitée
prévoit: «La recherche scientifique marine obéit aux
principes suivants: a) elle est menée à des fins exclusivement
pacifiques; b) elle est menée en utilisant des méthodes et moyens
scientifiques appropriés compatibles avec la Convention; c) elle ne
gêne pas de façon injustifiable les autres utilisations
légitimes de la mer compatibles avec la Convention et elle est
dûment prise en considération lors de ces utilisations; d) elle
est menée conformément à tous les règlements
pertinents adoptés en application de la Convention, y compris ceux
visant à protéger et à préserver le milieu
marin».
423 L'article 87.2 de la CMB précitée
prévoit: «Chaque État exerce ces libertés en tenant
dûment compte de l'intérêt que présente l'exercice de
la liberté de la haute mer pour les autres États, ainsi que des
droits reconnus par la Convention concernant les activités menées
dans la Zone».
424 L'article 2 de la Convention de Genève sur la haute
mer précitée prévoit: «[les libertés de la
haute mer reconnues par la présente convention] ainsi que les autres
libertés reconnues par les principes généraux du droit
international, sont exercées par tous les Etats en tenant
raisonnablement compte de l'intérêt que la liberté de la
haute mer présente pour les autres Etats»,
https://www.defense.gouv.fr/layout/set/print/content/download/172445/1861056/version/1/fil
e/Convention+sur+la+Haute+Mer+1958.pdf
85
B. Des recherches affectées à des fins
exclusivement pacifiques
L'utilisation des mers à des fins pacifiques constitue
un principe fondamental de la CMB en général425 et de
la conduite de la recherche scientifique marine dans la haute mer et dans la
Zone en particulier. Ainsi, l'article 88 de ladite Convention qui
considère la mer comme un espace de paix426, prévoit
que toute activité effectuée en «haute mer est
affectée à des fins pacifiques»427. L'article 143
de la CMB prévoit quant à lui que «la recherche scientifique
marine dans la Zone est conduite à des fins exclusivement
pacifiques»428 «avec le souci de maintenir la paix et la
sécurité»429, consacrant ainsi la
Déclaration des principes régissant le fond des mers et des
océans, ainsi que leur sous-sol, au-delà des limites de la
juridiction nationale de l'Assemblée générale de
l'ONU430.
Il fut proposé au cours des négociations de la
CNUDM III que la recherche scientifique marine ne doit pas être
utilisée pour couvrir des activités d'espionnage
militaire431. Mais l'affectation des données
collectées à des objectifs militaires n'est pas pour autant
interdite. En effet, la CMB, qui consacre plusieurs dispositions aux navires de
guerre sous le titre «règles applicables aux navires de guerre et
autres navires d'Etat utilisés à des fins non
commerciales»432
425 Le préambule de la CMB précitée
prévoit: "La Convention [...] constitue une contribution importante au
maintien de la paix, à la justice et au progrès pour tous les
peuples du monde [...] la codification et le développement progressif du
droit de la mer réalisés dans la Convention contribueront au
renforcement de la paix, de la sécurité, de la coopération
et des relations amicales entre toutes les nations".
426 EUDES (M.) et HAJJAMI (N.), «Droit de la mer et Droit
de la paix et de la sécurité internationales», in
FORTEAU (M.) et THOUVENIN (J.), op. cit., p.1064.
427 L'article 88 de la CMB précitée prévoit:
«La haute mer est affectée à des fins pacifiques».
428 L'article 143.1 de la CMB précitée
prévoit: "La recherche scientifique marine dans la Zone est conduite
à des fins exclusivement pacifiques et dans l'intérêt de
l'humanité tout entière, conformément à la partie
XIII".
429 L'article 138 de la CMB précitée
prévoit: «Dans leur conduite générale concernant la
Zone, les États se conforment à la présente partie, aux
principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et aux autres
règles du droit international, avec le souci de maintenir la paix et la
sécurité et de promouvoir la coopération internationale et
la compréhension mutuelle».
430 Résolution 2749 (XXV), Déclaration des
principes régissant le fond des mers et des océans, ainsi que
leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction nationale,
A/RES/2749(XXV) (17 décembre 1970).
431 ONU, Document A/CONF.62/C.1/SR.7, Documents officiels
de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume II, pp.30_36.
432 Les articles 29 à 32 de la CMB
précitée sont consacrés aux «règles
applicables aux navires de guerre et autres navires d'Etat utilisés
à des fins non commerciales".
86
ne vise pas la démilitarisation totale des mers mais la
limitation des activités militaires433.
L'affectation de la recherche scientifique marine à des
objectifs militaires est donc autorisée tant que ces derniers restent
pacifiques. Il fut en effet proposé au cours des négociations de
la CNUDM III que la recherche scientifique marine doit être
réalisée à des fins exclusivement434
pacifiques435 et doit être conduite à dans
l'intérêt de la paix436.
Une activité reste pacifique437 tant que ses
auteurs ne recourent pas à la menace ou à l'emploi de la
force438 selon la règle générale de
l'interdiction du recours à la menace ou à l'emploi de la force
codifiée à l'article 2.4 de la Charte des Nations
Unies439. La recherche scientifique marine dans la haute mer et dans
la Zone doit donc au mieux maintenir et renforcer la paix internationale, au
moins, ne pas lui porter atteinte ni la troubler. Le président de la
CNUDM III percevait à cet égard l'adoption de la CMB comme
«un palier significatif dans la consolidation d'un ordre juridique de paix
et de sécurité internationales»440.
Le Droit de la mer définit ainsi un cadre astreignant
pour la recherche scientifique marine. Or, nous avons vu que de nombreux Etats
ont la fâcheuse tendance de qualifier toute activité de collecte
de données marines de recherche scientifique marine, appliquant par
conséquent le régime astreignant prévu pour
433 BORK (K.), op. cit., pp. 304-305.
434ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.17,
op.cit., p. 265. 435ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.26,
op.cit., p. 213. 436ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.17,
op.cit., p. 265.
437 DANIEL (T.), «Marine scientific research under
UNCLOS: a vital global ressource?», op. cit., p.13.
438 BORK (K.), op. cit., pp. 304-305.
439L'article 2.4 de la Charte des Nations Unies
signée à San Francisco le 26 juin 1945, prévoit: "Les
membres de l'Organisation s'abstiennent dans leurs relations internationales,
à recourir à la menace ou à l'emploi de la force (...)",
disponible sur le site des Nations Unies au lien suivant:
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/introductory-note/index.html
(consulté le 21-02-2021).
440 EUDES (M.) et HAJJAMI (N.), op. cit., p.1064.
87
cette dernière à tout projet de collecte de
données marines ainsi qu'à l'utilisation des techniques marines
dans le cadre de ce projet. Dès lors, le Droit de la mer ne favorise ni
le progrès des activités de collecte des données marines,
ni celui des techniques marines.
88
Deuxième partie:
Le Droit de la mer ne favorise pas le
développement des techniques marines
Au cours des négociations de la CNUDM III, les Etats en
voie de développement défendirent leur souveraineté et
leur juridiction sur une activité de collecte des données marines
en particulier : la recherche scientifique marine. Cette stratégie de
négociation avait pour but d'obtenir une monnaie d'échange contre
le transfert des techniques marines détenues par les Etats
industrialisés. Les détenteurs de ces techniques
défendirent quant à eux la liberté des mers, notamment la
liberté de la recherche scientifique marine441. Mais celle-ci
fut finalement si relativisée que les dispositions de la CMB constituent
aujourd'hui un obstacle à l'acquisition des données marines au
moyen des instruments les plus sophistiqués, même en haute mer. Il
résulta de cette confrontation entre défenseurs du principe de la
souveraineté maritime et défenseurs du principe de la
liberté des mers un encadrement juridique qui ne favorise pas le
progrès de la collecte des données marines. En effet, les
dispositions finales de la CMB ne facilitent ni l'emploi (chapitre premier) ni
le transfert des techniques marines (chapitre deuxième).
89
441 BOURTZIS (T.) et GERASIMO (R.), op. cit., p. 43.
90
Chapitre premier : Un encadrement juridique qui ne
facilite pas l'emploi des systèmes d'acquisition des données
marines
Des systèmes d'acquisition des données marines
(ci-après SADO) de plus en plus sophistiqués sont mis au point
pour relever le défi que constitue la collecte des données
marines. Ces dispositifs sont «utilisés en mer pour étudier
par des mesures ou par le prélèvement d'échantillons, les
caractéristiques du milieu océanique, de l'atmosphère
surjacente ou du fond et du sous-sol marins»442 et, le cas
échéant, pour transmettre ces données443.
Aujourd'hui, ceux-ci prennent la forme de navires, mais aussi de flotteurs
profileurs, de balises émettrices fixées sur des animaux marins,
de câbles sous-marins hybrides et de véhicules sous-marins
auto-propulsés444 (illustration n°4).
illustration n°4: Les nouveaux systèmes
d'acquisition des données marines,
https://wwz.ifremer.fr/Recherche/Departements-scientifiques/Departement-Infrastructures-de-Recherche-et-Systemes-d-Information
(consulté le 27-02-2021).
442 COI, Projet de Convention sur le statut juridique des
S.A.D.O, Paris, 1993.
443 Site officiel de l'Ifremer:
https://www.ensta.org/global/gene/link.php?doc_id=319&fg=1
444 FRIKHA (A.), op. cit., p.36.
91
Malheureusement, le Droit de la mer n'offre pas un encadrement
juridique adéquat pour faciliter l'utilisation de ces nouvelles
techniques. En effet, les lacunes de la CMB rendent leur qualification
incertaine (section I), d'autant plus que le régime juridique qui
découle de cette qualification n'est pas adapté à ces
nouveaux instruments (section II).
Section I. Une qualification incertaine des SADO
Nous ne pouvons pas qualifier un SADO de navire,
d'installation ou de matériel de recherche scientifique marine avec
certitude à cause de l'ambiguïté de la catégorisation
proposée par la CMB (paragraphe I). Ceci pose un réel
problème dès lors que l'assimilation d'un instrument à
l'une de ces trois catégories juridiques est lourde de
conséquences pour les chercheurs (paragraphe II).
Paragraphe I. Une catégorisation ambiguë des
SADO
Les frontières entre les différentes
catégories de SADO sont floues à cause de l'absence de
critère de distinction du texte de la CMB (A). Etablir ces
critères est aujourd'hui d'autant plus important que certains nouveaux
instruments semblent ne pouvoir s'intégrer dans aucune catégorie
juridique existante (B).
A. L'absence de critères de distinction entre
les différents SADO
La CMB ne définit ni le terme «navire», ni le
terme «installation», ni le terme «matériel de recherche
scientifique marine». Ces définitions firent dès lors
l'objet d'un débat doctrinal qui fut relancé depuis l'apparition
du véhicule sous-marin autonome autopropulsé (aussi
dénommé glider)445. Le glider est un «planeur
sous-marin autonome de petite taille»446 «conçu
pour plonger dans une direction donnée, de la surface [de la mer]
jusqu'à une profondeur prédéterminée
445 SHOWALTER (S.), «The Legal Status of Autonomous
Underwater Vehicles», The marine technology society journal,
Volume 38, numéro 1, 2004, pp. 80-83, [en ligne]:
http://nsglc.olemiss.edu/Commentary.pdf
(consulté le 15-02-2021).
446 Site de l'Ifremer:
https://wwz.ifremer.fr/cetsm/Volet-Instrumental/Lot-E/Gliders
92
et ensuite remonter en surface. [Cet instrument peut] ainsi
mesurer des paramètres physiques et biogéochimiques le long de
trajectoires en dents de scie»447.
Le glider étant qualifié de navire par certains
et de matériel de recherche scientifique marine par d'autres,
commençons par établir une distinction entre le navire et le
matériel de recherche scientifique marine. Le Droit de la mer ne donne
pas une définition unique du navire448. Toutefois, le
critère principal449 et
indispensable450 récurrent dans les
différentes définitions proposées est qu'il est
destiné à la navigation. Selon la Convention
SOLAS par exemple, le terme «navire» désigne «tout
bâtiment de mer, bateau ou engin, ou toute structure capable de
naviguer»451. Ainsi, ladite convention requiert la
navigabilité452,
c'est-à-dire que la flottabilité ne suffit pas.
En d'autres termes, un engin simplement flottant tel qu'une grue flottante, une
bigue ou une bouée n'est pas qualifié de navire. Selon une partie
de la doctrine, même la navigabilité ne suffit pas. Ainsi, pour
être qualifié de navire, un bâtiment ne doit pas seulement
être apte à naviguer mais celui-ci doit être destiné
à la navigation453.
La Convention des Nations Unies sur les conditions
d'immatriculation des navires ajoute le critère de l'autopropulsion.
Ainsi, selon ladite Convention, «le terme «navire» s'entend de
tout bâtiment de mer apte à naviguer par ses propres
447 Ibidem.
448 LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome III, Les moyens
de la relation maritime, Paris, éditions Cujas, 1983, pp.11-12.
449 BORK (K.), «The Legal Regulation of Floats and
Gliders. In Quest of a New Regime?», op.cit., p. 309.
450 LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome III, Les moyens
de la relation maritime, op. cit., pp.11-12.
451 L'article 1.b de la Convention SOLAS précitée
prévoit: «Navire signifie tout bâtiment de mer bateau ou
engin, ou toute structure capable de naviguer», disponible sur
https://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%201184/volume-1184-I-18961-English.pdf
(consulté le 21-02-2021).
452 LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome III, Les moyens
de la relation maritime, op. cit., pp.12-13.
453 Ibidem.
93
moyens»454. La Convention de Londres sur la
prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de
déchets qui prévoit quant à elle que le terme navire
désigne tout véhicule circulant sur l'eau ou dans l'eau qu'il
soit autopropulsé ou non455, ne retient pas ce
critère. L'autopropulsion apparaît donc comme un critère
accessoire puisqu'un chaland est qualifié de navire même s'il est
poussé ou tracté456.
Le second critère récurrent pour qualifier un
bâtiment de navire est le transport. Selon le Règlement COLREG,
«le terme navire désigne tout engin ou tout appareil de quelque
nature que ce soit, y compris les engins sans tirant d'eau, les navions et les
hydravions457 utilisé ou susceptibles d'être
utilisé comme moyen de transport sur l'eau»458. La
Convention des Nations Unies sur les conditions d'immatriculation des navires
ajoute qu'est qualifié de navire «tout bâtiment de mer [...]
qui est utilisé dans le commerce maritime international pour le
transport
454 L'article 2 de la Convention des Nations Unies sur les
conditions d'immatriculation des navires signée à Genève
le 7 février 1986 prévoit: «Le terme «navire»
s'entend de tout bâtiment de mer apte à naviguer par ses propres
moyens (...)», disponible au lien suivant:
https://treaties.un.org/doc/Treaties/1986/02/19860207%2008-58%20AM/Ch_XII_07p.pdf
(consulté le 21-02-2021).
455 L'article 3.2 de Convention sur la prévention de la
pollution des mers résultant de l'immersion de déchets
signée à Londres le 29 décembre 1972 prévoit:
«L'expression «navires et aéronefs» s'entend des
véhicules circulant sur l'eau, dans l'eau ou dans les airs, quel qu'en
soit le type. Cette expression englobe les véhicules sur coussin d'air
et les engins flottants, qu'ils soient autopropulsés ou non»,
disponible sur
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19720413/201307310000/0.814.287.pdf
(consulté le 21-02-2021).
456 LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome III, Les moyens
de la relation maritime, op. cit., p.11.
457 La règle 3.m de la Convention sur le
règlement international pour prévenir les abordages en mer
(Règlement COLREG) signée à Londres le 20 octobre 1972
prévoit: «Le terme «navion» désigne un engin
multimodal dont le principal mode d'exploitation est le vol à
proximité de la surface sous l'effet de surface».
La règle 3.e de ladite Convention prévoit:
«Le terme «hydravion» désigne tout aéronef
conçu
pour manoeuvrer sur l'eau», disponible au lien
suivant:
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/texte-colreg.pdf
(consulté le 21-02-2021). Nous devons noter qu'une partie de la doctrine
ne considère pas l'hydravion comme un navire mais comme un
aéronef parce que son contact avec l'eau n'est que temporaire. Il faut
aussi le distinguer de l'hydroglisseur qui est qualifié de navire parce
qu'il navigue sur des ailes émergées glissant sur l'eau,
LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome III, Les moyens de la relation
maritime, op. cit., pp.15-16.
458 La règle 3.a de la Convention sur le
Règlement COLREG précitée prévoit: «Le terme
navire désigne tout engin ou tout appareil de quelque nature que ce
soit, y compris les engins sans tirant d'eau, les navions et les hydravions
utilisé ou susceptibles d'être utilisé comme moyen de
transport sur l'eau».
94
de marchandises, de passagers ou de marchandises et de
passagers»459. Un dernier critère récurrent est
l'équipage et l'armement, qui est considéré comme
accessoire par une partie de la doctrine460. En effet, «un
remorqueur sans remorque reste un navire»461.
En tentant de vérifier si le glider peut être
qualifié de navire ou non, nous réalisons que le critère
de définition déterminant pour qualifier un SADO de navire est
qu'il est destiné à la navigation. En effet, le glider est
capable de se déplacer dans l`eau d'un point A à un point B en
étant téléguidé à distance. Mais cette
capacité à naviguer n'est qu'incidente, un moyen de remplir sa
fonction principale qui est la collecte des données
marines462. La navigation n'étant pas la finalité du
glider, celui-ci ne peut être qualifié de navire. Voyons à
présent s'il peut être qualifié d' «installation»
ou de «matériel de recherche scientifique marine».
Essayons d'établir une distinction entre le
«matériel» et les «installations». Tout au long du
texte de la CMB, ces deux termes sont quasi-systématiquement
juxtaposés. Les plateformes météorologiques et les
bouées laboratoires océanographiques fixes qui sont des
installations, sont destinées à être fixées à
un certain endroit pour une durée prolongée463,
contrairement au matériel de recherche scientifique marine tel que les
flotteurs, les sonars, les sondeurs ou les marégraphes. Le glider ne
remplissant pas le critère de la fixité, il ne peut être
qualifié d'installation.
459 L'article 2 de la Convention des Nations Unies sur les
conditions d'immatriculation des navires précitée prévoit:
«Le terme «navire» s'entend de tout bâtiment de mer apte
à naviguer par ses propres moyens qui est utilisé dans le
commerce maritime international pour le transport de marchandises, de passagers
ou de marchandises et de passagers, à l'exception des bâtiments de
moins de 500 tonneaux de jauge brute».
460 LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome III, Les moyens
de la relation maritime, op. cit., pp.11-12.
461 Ibidem.
462 BORK (K.), op.cit., pp.306-309.
463 FRIKHA (A.), op. cit., pp.32-33.
95
Ce critère de la fixité nous permet
également de distinguer les installations des navires. Toutefois, une
partie de la doctrine assimile les installations aux navires lorsqu'elles sont
en cours de déplacement et les distingue de ceux-ci seulement
lorsqu'elles prennent appui sur le fond des mers464. De plus,
plusieurs plateformes sont affectées en même temps au
déplacement en mer et à une activité de collecte des
données marines telle que l'exploration des ressources naturelles. Ces
engins flottants disposent même d'un personnel de
navigation465. Mais tel que le glider l'a mis en lumière,
tant que le SADO n'est pas destiné à la navigation, il ne peut
entrer dans la catégorie des navires.
Le glider ne pouvant être qualifié ni de navire,
ni d'installation, cet instrument constitue par conséquent un
matériel de recherche scientifique marine. La CMB ne propose aucune
définition ni aucun critère de distinction de cette juridique.
Nous remarquons ainsi comme les dispositions de la CMB relatives aux
instruments de collecte des données marines sont lacunaires. En effet,
les SADO ne peuvent être assimilés à une catégorie
en particulier sur la base de critères de définition clairs.
Certains même, ne semblent correspondre à aucune catégorie
juridique proposée par ladite Convention.
B. Des SADO ne correspondant à aucune
catégorie juridique existante
Les nouveaux câbles hybrides utilisés pour la
collecte des données marines dans les fonds marins ne correspondent
à aucune catégorie juridique existante en Droit de la mer. Par
conséquent, aucun régime juridique prévu par la CMB n'est
adapté à ce nouveau SADO. Bien qu'elle lui consacre plusieurs
articles, ladite
464 LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome III, Les moyens
de la relation maritime, op. cit., pp.20-21.
465 CHEMLI (L.), «La sauvegarde des épaves
maritimes», in BOURAOUI (S.) (coord.), Etudes et recherches
en Droit de l'environnement, travaux de la faculté des sciences
juridiques, politiques et sociales de Tunis, ministère de
l'éducation et des sciences, Tunis, 1994, pp.160-161.
96
Convention466 ne définit pas le terme
«câble» qu'elle juxtapose parfois au terme
«pipeline», tous deux d'une importance vitale pour l'économie
mondiale467 (illustration n°5). L'usage du premier permet en
effet l'acheminement des données internet et des communications tandis
que le second est destiné aux fluides tels que le gaz et le
pétrole.
illustration n°5: Le réseau mondial des
câbles de télécommunication,
https://www.submarinecablemap.com/#/
(consulté le 26-02-2021).
Nous nous intéressons dans le cadre de notre sujet aux
câbles sous-marins de fibre optique auxquels des capteurs
océanographiques collectant des données marines furent
ajoutés, faisant d'eux des câbles hybrides : des câbles de
télécommunication et de collecte des données marines. Or,
ces câbles hybrides ne peuvent entrer ni dans la catégorie des
câbles de télécommunication, ni dans celle du
matériel de recherche scientifique marine, pour lesquelles la CMB
prévoit deux régimes bien distincts.
466 Articles 21, 58, 79, 112 et 115 de la CMB
précitée.
467 Résolution 74/19 de l'AGNU précitée.
97
Si «la liberté de la haute mer [...] comporte
[...] la liberté de poser des câbles [...]
sous-marins»468 et «la liberté de la recherche
scientifique»469, de grandes différences existent entre
le régime prévu pour les câbles de
télécommunication et celui qui est prévu pour le
matériel de recherche scientifique marine dans les zones de
juridiction470. Ainsi, en vertu des articles 246471 et
258472 de la CMB, aucun matériel de recherche scientifique
marine ne peut être placé dans la ZEE ou sur le plateau
continental de l'Etat côtier sans le consentement de ce dernier, tandis
qu'en en vertu des articles 58 et 79 de la CMB, dans la ZEE et sur le plateau
continental, «tous les Etats [...] jouissent de la liberté de poser
des câbles [...] sous-marins»473 de
télécommunication. L'Etat côtier «ne peut entraver
[leur] pose ou [leur] entretien [...]»474. Il émet ses
conditions seulement quant «aux câbles installés ou
utilisés dans le cadre de l'exploration de son plateau continental ou de
l'exploitation de ses ressources, ou de l'exploitation d'îles
artificielles, d'installations ou d'ouvrages relevant de sa
juridiction»475.
468 Article 87.1.c de la CMB précitée.
469 Article 87.1.f de la CMB précitée.
470Site officiel de l'UIT:
https://www.itu.int/fr/ITU-T/climatechange/task-force-sc/Pages/default.aspx
471 Article 246 de la CMB précitée.
472 Article 258 de la CMB précitée.
473 L'article 58.1 de la CMB précitée
prévoit: «Dans la zone économique exclusive, tous les
États, qu'ils soient côtiers ou sans littoral, jouissent, dans les
conditions prévues par les dispositions pertinentes de la Convention,
des libertés de navigation et de survol et de la liberté de poser
des câbles et pipelines sous-marins visées à l'article 87,
ainsi que de la liberté d'utiliser la mer à d'autres fins
internationalement licites liées à l'exercice de ces
libertés et compatibles avec les autres dispositions de la Convention,
notamment dans le cadre de l'exploitation des navires, d'aéronefs et de
câbles et pipelines sous-marins».
474 L'article 79 de la CMB précitée
prévoit: «1.Tous les États ont le droit de poser des
câbles et des pipelines sous-marins sur le plateau continental
conformément au présent article.
2. Sous réserve de son droit de prendre des mesures
raisonnables pour l'exploration du plateau continental, l'exploitation de ses
ressources naturelles et la prévention, la réduction et la
maîtrise de la pollution par les pipelines, l'État côtier ne
peut entraver la pose ou l'entretien de ces câbles ou pipelines.
3. Le tracé des pipelines posés sur le plateau
continental doit être agréé par l'État
côtier.
4. Aucune disposition de la présente partie n'affecte
le droit de l'État côtier d'établir des conditions
s'appliquant aux câbles ou pipelines qui pénètrent dans son
territoire ou dans sa mer territoriale, ou sa juridiction sur les câbles
et pipelines installés ou utilisés dans le cadre de l'exploration
de son plateau continental ou de l'exploitation de ses ressources, ou de
l'exploitation d'îles artificielles, d'installations ou d'ouvrages
relevant de sa juridiction.
5. Lorsqu'ils posent des câbles ou des pipelines
sous-marins, les États tiennent dûment compte des câbles et
pipelines déjà en place. Ils veillent en particulier à ne
pas compromettre la possibilité de réparer ceux-ci».
475 Ibidem.
98
Nous remarquons que la CMB prévoit un régime de
liberté pour ces câbles vitaux et limite la capacité de
l'Etat côtier à règlementer leur pose et leur maintenance
afin d'éviter les retards qui menaceraient la fiabilité des
communications mondiales et engendreraient par conséquent des
coûts importants476. Or, si les câbles hybrides
étaient qualifiés de matériel de recherche scientifique
marine soumis au régime du consentement de l'Etat côtier, le
délai d'obtention dudit consentement d'au moins six mois prévu
par la CMB477 entrainerait des retards dans leur pose et leur
maintenance. De plus, intégrer ce SADO dans cette catégorie
entrainerait l'érosion de la liberté associée aux
câbles de télécommunication.
Mais cette liberté dont jouissent les câbles de
télécommunication ne saurait être étendue aux
fonctions de collecte des données marines ajoutées à sa
fonction première d'acheminement des données de communication
sans constituer un abus de droit478. Les câbles hybrides ne
peuvent donc s'intégrer dans aucune des deux catégories
précitées. Ces nouveaux SADO ne s'intègrent donc dans
aucune catégorie existante puisque la CMB n'en propose aucune qui soit
adaptée à cette nouvelle réalité technologique.
C'est ainsi que la CMB propose une catégorisation
ambiguë des SADO, ce qui pose un réel problème. En effet,
pouvoir intégrer avec certitude un instrument à telle ou telle
catégorie juridique revêt plusieurs enjeux.
476 FRIKHA (A.), op. cit., pp. 40-44
477 Article 248 de la CMB précitée.
478 Groupe de travail conjoint UIT-COI-OMM, Rapport sur
l'utilisation des câbles sous-marins pour la surveillance du climat et
d'alerte en cas de catastrophe naturelle, perspectives et enjeux juridiques,
2012.
99
Paragraphe II. L'enjeu d'une distinction claire entre les
différentes catégories de SADO
Varient d'une catégorie juridique à l'autre les
obligations prévues par la CMB quant à la mise en place,
l'utilisation et le retrait des différents types de SADO (A) dans le
respect de certaines conditions de sécurité (B).
A. Les conditions relatives à la présence
des SADO dans les différentes zones maritimes
D'abord, la CMB prévoit que les navires affectés
à la recherche scientifique marine et aux levés hydrographiques
n'ont pas le droit de collecter des données marines pendant leur passage
inoffensif dans la mer territoriale479, leur passage
archipélagique480 ou leur passage en transit481,
sans l'autorisation préalable de l'Etat côtier. Dans la ZEE ou sur
le plateau continental, le nom, le tonnage, le type et la catégorie des
navires482 utilisés dans le cadre d'un projet de recherche
scientifique marine doivent être précisés à l'Etat
côtier six mois au moins avant leur entrée dans ces zones pour
procéder à la collecte des données marines. Dans la haute
mer, les navires naviguent sous le pavillon d'un seul Etat à la
juridiction exclusive duquel ils sont soumis483. Les chercheurs
doivent se servir de ces SADO à des fins exclusivement
pacifiques484 en tenant dûment compte de
l'intérêt que présente l'exercice de la liberté de
la haute mer pour ses autres usagers.
479 Article 19 de la CMB précitée.
480 Article 54 de la CMB précitée.
481 Article 40 de la CMB précitée.
482 Article 248 de la CMB précitée.
483 L'article 92.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les navires naviguent sous le pavillon d'un seul
État et sont soumis, sauf dans les cas exceptionnels expressément
prévus par des traités internationaux ou par la Convention,
à sa juridiction exclusive en haute mer. Aucun changement de pavillon ne
peut intervenir au cours d'un voyage ou d'une escale, sauf en cas de transfert
réel de la propriété ou de changement
d'immatriculation».
484 Article 88 de la CMB précitée.
100
Ensuite, l'article 258 de ladite Convention prévoit que
«la mise en place et l'utilisation d'installations ou de matériel
de recherche scientifique de tout type dans une zone quelconque du milieu marin
sont subordonnées aux mêmes conditions que celles prévues
par la Convention pour la conduite de la recherche scientifique marine dans la
zone considérée», en précisant que ces SADO
«n'ont pas le statut d'îles [et] n'ont pas de mer territoriale qui
leur soit propre»485. Leur présence n'a par
conséquent «pas d'incidence sur la délimitation de la mer
territoriale, de la ZEE ou du plateau continental»486. Ainsi,
dans la mer territoriale le matériel et les installations ne peuvent
être placés qu'avec le consentement express de l'Etat
côtier487 qui peut réglementer et refuser à sa
guise la mise en place et l'utilisation de ces SADO dans sa zone de
souveraineté488.
Dans la ZEE et sur le plateau continental, les installations
relèvent des droits et de la juridiction exclusifs de l'Etat
côtier. Celui-ci a le droit exclusif de construire et d'autoriser et
réglementer la construction, l'exploitation et l'utilisation des
installations affectées à des fins économiques telles que
l'exploration des ressources naturelles par exemple. L'Etat côtier a
également juridiction exclusive sur ces installations en matière
de lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires, de
sécurité et d'immigration489.
Dans la haute mer, les installations et le matériel de
recherche scientifique marine doivent être affectés à des
fins exclusivement pacifiques et ne pas nuire
485 L'article 259 de la CMB précitée
prévoit: «Les installations ou le matériel visés dans
la présente section n'ont pas le statut d'îles. Elles n'ont pas de
mer territoriale qui leur soit propre, et leur présence n'influe pas sur
la délimitation de la mer territoriale, de la zone économique
exclusive ou du plateau continental».
486 L'article 60.8 de la CMB précitée
prévoit: «Les îles artificielles, installations et ouvrages
n'ont pas le statut d'îles. Ils n'ont pas de mer territoriale qui leur
soit propre et leur présence n'a pas d'incidence sur la
délimitation de la mer territoriale, de la zone économique
exclusive ou du plateau continental».
487 FREYMOND (O.), op. cit., p. 112.
488 Ibidem.
489 Articles 60 et 80 de la CMB précitée.
101
à l'environnement490. Dans la Zone, les
installations en particulier doivent être montées et mises en
place conformément aux procédures prévues par
l'Autorité491.
Enfin, le retrait des installations et du matériel de
recherche scientifique marine varie lui aussi selon la zone maritime. Ainsi,
dans la mer territoriale, celui-ci est subordonné à la
réglementation de l'Etat côtier492. Dans la ZEE et sur
le plateau continental, les installations et le matériel sont
enlevés par l'Etat chercheur ou l'organisation internationale une fois
les recherches terminées, «à moins qu'il n'en soit convenu
autrement»493. Il est procédé à
l'enlèvement des installations en particulier «en tenant
dûment compte de la pêche, de la protection du milieu marin et des
droits et obligations des autres Etats. Une publicité adéquate
est donnée à la position, aux dimensions et à la
profondeur des éléments restant d'une installation [...] qui n'a
pas été complètement
enlevée»494.
Dans la haute mer par contre, la CMB garde le silence quant
à qui incombe l'obligation de retirer les SADO à la fin du projet
de recherche alors que repêcher
490 Article 240 de la CMB précitée.
491 L'article 147.2.a CMB précitée
prévoit: «Les installations utilisées pour des
activités menées dans la Zone [...] ne doivent être
montées, mises en place et enlevées que conformément
à la présente partie et dans les conditions fixées par les
règles, règlements et procédures de l'Autorité.
Leur montage, leur mise en place et leur enlèvement doivent être
dûment notifiés et l'entretien de moyens permanents pour signaler
leur présence doit être assuré».
492 Article 245 de la CMB précitée.
493 Article 249.1.g de la CMB précitée
prévoit: «Les États et les organisations internationales
compétentes qui effectuent des recherches scientifiques marines dans la
zone économique exclusive ou sur le plateau continental d'un État
côtier doivent [...] enlever les installations ou le matériel de
recherche scientifique, une fois les recherches terminées, à
moins qu'il n'en soit convenu autrement».
494 L'article 60.3 de la CMB précitée
prévoit: «La construction de ces îles artificielles,
installations et ouvrages doit être dûment notifiée et
l'entretien de moyens permanents pour signaler leur présence doit
être assuré. Les installations ou ouvrages abandonnés ou
désaffectés doivent être enlevés afin d'assurer la
sécurité de la navigation, compte tenu des normes internationales
généralement acceptées établies en la
matière par l'organisation internationale compétente. Il est
procédé à leur enlèvement en tenant dûment
compte aussi de la pêche, de la protection du milieu marin et des droits
et obligations des autres États. Une publicité adéquate
est donnée à la position, aux dimensions et à la
profondeur des éléments restant d'une installation ou d'un
ouvrage qui n'a pas été complètement
enlevé».
102
certains SADO tels que les flotteurs profileurs devient
difficile voir impossible. En effet, ce matériel devient difficilement
localisable une fois la radio-transmission coupée à la fin de la
mission de collecte des données marines, et risque d'être perdu en
mer, ce qui pose un problème de pollution marine. Une partie de la
doctrine appelle à relativiser cette obligation si les SADO restent
introuvables après que des efforts raisonnables aient été
déployés et si ceux-ci ne peuvent être enlevés
qu'à un prix élevé alors qu'ils ne sont pas nocifs pour
l'environnement495.
La perte des flotteurs profileurs pose un problème de
pollution marine mais aussi de propriété intellectuelle. En
effet, les données marines collectées par ces SADO sont
transmises au laboratoire des chercheurs par satellite mais restent
enregistrées sur le flotteur. Aucune norme du Droit de la mer ne
répond à la question de savoir ce qu'un autre utilisateur de la
mer qui retrouve ce matériel perdu a le droit de faire de ces
données enregistrées496.
La CMB prévoit ainsi pour toutes les zones maritimes
des conditions relatives à l'installation, à l'utilisation et au
retrait de ces SADO ainsi que des règles de sécurité.
B. Les conditions de sécurité
Les instruments de collecte des données marines ne
doivent pas être dangereux pour les autres utilisateurs de la mer. Ils ne
doivent surtout pas menacer la navigation. La CMB prévoit ainsi que
«ces installations ne doivent pas être mises en place là
où elles risquent d'entraver l'utilisation de voies de circulation
reconnues essentielles pour la navigation internationale, ni dans des zones
où se
495 WOKER (H.), SCHARTMULLER (B.), KNUT (O.), KATALIN (B.),
op. cit., p.7.
496 BORK (K.), op. cit., p. 314.
103
pratique une pêche intensive»497 et
l'OMI recommande d'éviter de placer des installations à
l'intérieur ou à proximité des extrémités
des systèmes d'organisation du trafic maritime qu'elle a
établis498.
L'article 260 de la CMB prévoit qu'une zone de
sécurité que tous les navires doivent respecter499
doit être établie500 «autour des installations de
recherche scientifique»501. Mais dans le souci essentiel
d'assurer la sécurité de la navigation, une telle zone ne doit
pas être établie «lorsque cela risque d'entraver
l'utilisation de voies de circulation reconnues essentielles pour la navigation
internationale502. Dans la haute mer et dans la Zone, la CMB laisse
cette responsabilité aux chercheurs utilisant ces installations, se
contentant d'indiquer que celles-ci doivent être «entourées
de zones de sécurité convenablement
balisées»503.
Par contre, dans la ZEE et sur le plateau continental, l'Etat
côtier établit lui-même autour de ces installations, si
nécessaire, une zone de sécurité de dimension
497 L'article 147.2.b de la CMB précitée
prévoit: «Les installations utilisées pour des
activités menées dans la Zone ne doivent pas être mises en
place là où elles risquent d'entraver l'utilisation de voies de
circulation reconnues essentielles pour la navigation internationale, ni dans
des zones où se pratique une pêche intensive».
498 OMI, Résolution A.671 (16), Résolution
relative aux zones de sécurité de la navigation autour des
installations et des ouvrages offshore, 1989.
499 L'article 60.6 de la CMB précitée
prévoit: «Tous les navires doivent respecter ces zones de
sécurité et se conformer aux normes internationales
généralement acceptées concernant la navigation dans les
parages des îles artificielles, installations, ouvrages et zones de
sécurité».
500 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, op. cit., pp. 19-20.
501 L'article 260 de la CMB précitée
prévoit: «Des zones de sécurité d'une largeur
raisonnable ne dépassant pas 500 mètres peuvent être
établies autour des installations de recherche scientifique,
conformément aux dispositions pertinentes de la Convention. Tous les
États veillent à ce que leurs navires respectent ces zones de
sécurité».
502 L'article 60.7 de la CMB précitée
prévoit: «Il ne peut être mis en place d'îles
artificielles, installations ou ouvrages, ni établi de zones de
sécurité à leur entour, lorsque cela risque d'entraver
l'utilisation de voies de circulation reconnues essentielles pour la navigation
internationale».
503 L'article 147.2.c de la CMB précitée
prévoit: «Les installations utilisées pour des
activités menées dans la Zone doivent être entourées
de zones de sécurité convenablement balisées de
façon à assurer la sécurité des installations
elles-mêmes et celle de la navigation. La configuration et l'emplacement
de ces zones de sécurité sont déterminés de telle
sorte qu'elles ne forment pas un cordon empêchant l'accès licite
des navires à certaines zones marines ou la navigation dans des voies
servant à la navigation internationale».
104
raisonnable dans laquelle il peut prendre les mesures
appropriées pour assurer la sécurité de la navigation
comme celle de ces SADO504. Cette zone de sécurité ne
peut s'étendre sur une distance de plus de 500 mètres et sa
largeur est fixée compte tenu des normes internationales
applicables505.
Le matériel de recherche scientifique marine n'est pas
concerné par cette obligation, bien qu'il constitue un danger, certes
moindre, mais bien réel. Si bien que les scientifiques cherchent
à mettre au point des gliders dits intelligents capables de changer leur
parcours pré-programmé afin d'éviter les risques de
collision avec les navires506. La condition de
sécurité qui concerne aussi bien les installations que le
matériel de recherche scientifique marine est prévue par
l'article 262 de la CMB. Selon ledit article, les SADO appartenant à ces
deux catégories doivent être «munis de marques
d'identification indiquant l'Etat d'immatriculation ou l'organisation
internationale à laquelle ils appartiennent, ainsi que de moyens
appropriés de signalisation internationalement convenus pour assurer la
sécurité de la navigation maritime et aérienne, compte
tenu des règles et normes établies par les organisations
internationales compétentes»507.
504 L'article 60.4 de la CMB précitée
prévoit: «L'Etat côtier peut, si nécessaire,
établir autour de ces îles artificielles, installations ou
ouvrages des zones de sécurité de dimension raisonnable dans
lesquelles il peut prendre les mesures appropriées pour assurer la
sécurité de la navigation comme celle des îles
artificielles, installations et ouvrages».
505 L'article 60.5 de la CMB précitée
prévoit: «L'Etat côtier fixe la largeur des zones de
sécurité compte tenu des normes internationales applicables. Ces
zones de sécurité sont conçues de manière à
répondre raisonnablement à la nature et aux fonctions des
îles artificielles, installations et ouvrages et elles ne peuvent
s'étendre sur une distance de plus de 500 mètres autour des
îles artificielles, installations ou ouvrages, mesurés à
partir de chaque point de leur bord extérieur, sauf dérogation
autorisée par les normes internationales généralement
acceptées ou recommandées par l'organisation internationale
compétente. L'étendue des zones de sécurité est
dûment notifiée».
506 FRIKHA (A.), op. cit., p.38.
507 L'article 262 de la CMB précitée
prévoit: «Les installations ou le matériel visés dans
la présente section sont munis de marques d'identification indiquant
l'Etat d'immatriculation ou l'organisation internationale à laquelle ils
appartiennent, ainsi que de moyens appropriés de signalisation
internationalement convenus pour assurer la sécurité de la
navigation maritime et aérienne, compte tenu des règles et normes
établies par les organisations internationales
compétentes».
La CMB met à la charge des chercheurs l'obligation de
munir ces SADO de marques d'identification indiquant l'Etat d'immatriculation
ou l'organisation internationale à laquelle ils appartiennent, d'une
part, et de moyens de signalisation, d'autre part. La conjonction
«et» à l'article 262 de la CMB indique que les marques
d'identification et les moyens de signalisation désignent deux choses
différentes.
D'une part, les marques d'identification ont pour objectif de
distinguer le matériel des débris et de localiser leur
propriétaire. Mais la question de savoir si les Etats et les
organisations internationales doivent tenir un registre pour l'immatriculation
des installations et du matériel reste ouverte508. En
pratique, les chercheurs se contentent de munir leurs SADO d'une marque
indiquant leur propriétaire. D'autre part, les moyens de signalisation
peuvent prendre la forme de signaux lumineux ou sonores selon les normes
établies par les organisations internationales
compétentes»509 telles que l'OMI et la
COI510.
Les SADO ne pouvant être qualifiés avec
certitude, ceux-ci sont intégrés par défaut à la
catégorie du matériel de recherche scientifique marine, bien que
le régime que la CMB prévoit pour cette catégorie
juridique soit inadapté aux instruments les plus sophistiqués.
105
508 FRIKHA (A.), op. cit., p.32.
509 Article 262 de la CMB précitée.
510OMI, Résolution A.671 (16),
Résolution relative aux zones de sécurité de la
navigation autour des installations et des ouvrages offshore, 1989.
106
Section II. L'inapplicabilité du régime
de la recherche scientifique marine aux nouveaux SADO
Nous assistons à «une attraction dans le champ
d'application des conditions de la recherche scientifique marine d'un certain
nombre [de SADO] que l'on ne saurait ranger dans une catégorie mieux
établie»511. Certains instruments de collecte sont en
effet qualifiés par défaut de matériel de recherche
scientifique marine. Or, le régime juridique qui découle de cette
qualification est inadapté à l'utilisation de ces instruments.
Les scientifiques qui les utilisent sont en effet confrontés à
des difficultés pratiques qui rendent compliquée voire impossible
l'application du régime prévu par ladite Convention. Les
dispositions de la CMB se révèlent alors dépassées
par l'innovation technologique de ce nouveau matériel qui risque de
traverser les frontières maritimes de l'Etat côtier (paragraphe I)
ou qui collecte des données marines au-delà de ces
frontières (paragraphe II).
Paragraphe I. Une catégorisation inadaptée au
matériel risquant de traverser les frontières maritimes
Les flotteurs profileurs Argo et les balises émettrices
placées sur des animaux marins sont déployés dans la
colonne d'eau au-delà de la ZEE. Dans cette zone, la CMB consacre le
principe de la liberté de la recherche scientifique en haute
mer512 qui implique par conséquent la liberté de
placer des SADO en haute mer513. Les chercheurs ne sont donc pas
liés par le régime du consentement qui est de toutes
manières inadapté au mouvement des flotteurs et des balises, les
uns portés par les courants et les autres par les animaux.
511 JARMACHE (E.), op. cit., p.310.
512 Article 87 de la CMB précitée.
513 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 37-47.
107
Les scientifiques qui déploient ces instruments dans
cette zone de liberté sont confrontés à des
difficultés d'ordre pratique514 lorsque ceux-ci passent de la
haute mer à la ZEE de l'Etat côtier. En effet, dans cette
dernière, le consentement de l'Etat côtier est nécessaire
puisque celui-ci y exerce sa juridiction en matière de recherche
scientifique marine (A) et des droits souverains sur les ressources naturelles
(B).
A. La dérive des flotteurs dans les zones sous
juridiction de l'Etat côtier
Un flotteur «est utilisé pour déterminer la
direction et la vitesse du courant de surface. La direction est obtenue par
l'observation du déplacement du flotteur, et la vitesse au moyen d'une
ligne graduée fixée au flotteur (ligne de Loch) dont on mesure la
longueur filée à la demande pendant un temps
donné»515. Les flotteurs déployés en haute
mer dans le cadre du projet Argo évoluent librement au gré des
courants marins et sont susceptibles de dériver dans la ZEE de l'Etat
côtier. Que l'entrée de ce SADO dans la ZEE de l'Etat côtier
doive faire l'objet d'une demande de consentement est source de controverse.
Certains Etats membres de l'ABE-LOS tels que la Russie
qualifient les flotteurs Argo de matériel de recherche scientifique
marine pour les soumettre au régime prévu pour cette
catégorie en vertu de l'article 258 de la CMB. Ledit article
prévoit que «la mise en place et l'utilisation d'installations ou
de matériel de recherche scientifique de tout type dans une zone
quelconque du milieu marin sont subordonnées aux mêmes conditions
que celles prévues par la Convention pour la conduite de la recherche
scientifique marine dans la zone considérée». Les flotteurs
étant considérés comme du matériel de recherche
scientifique marine, leur utilisation est par conséquent régie
par les dispositions de la partie XIII de la CMB consacrée à
l'activité de recherche scientifique marine.
514 Ibidem.
515 OHI, Dictionnaire hydrographique (S-32), op. cit.,
p.92.
108
Or, selon le régime juridique prévu par
celle-ci, le déploiement de ces flotteurs en haute mer est
libre516, tandis qu'il requiert le consentement préalable et
nécessaire de l'Etat côtier dans la ZEE. Rappelons que l'Etat
côtier y a juridiction en matière de recherche scientifique
marine517 et qu'il a par conséquent «le droit de
réglementer, d'autoriser et de mener des recherches scientifiques
marines»518. Intégrer les flotteurs dans la
catégorie du matériel de recherche scientifique marine
permettrait par conséquent à l'Etat côtier d'exiger une
demande de «consentement»519 «six mois au plus
tard»520 avant l'entrée des flotteurs dans sa ZEE.
D'autres Etats membres de l'ABE-LOS tels que les USA
considèrent au contraire que le cadre juridique de la recherche
scientifique marine ne s'applique pas aux flotteurs Argo521. Il est
en effet impossible pour les scientifiques de déposer un dossier de
demande de consentement522 tel que l'exige la CMB, six mois avant
l'entrée du flotteur d'un espace où la recherche scientifique est
libre à un espace où le consentement de l'Etat côtier est
nécessaire, puisqu'ils ne peuvent pas prévoir le mouvement de ce
matériel porté par les courants avec autant d'avance. Une
solution plus adéquate serait de notifier l'Etat côtier
raisonnablement avant l'entrée du matériel de collecte des
données marines dans sa ZEE523.
La résolution EC-XLI.4 de la COI propose un
régime de notification selon lequel «un État membre de la
COI doit être informé à l'avance, par les voies
516Article 87 de la CMB précitée.
517 Article 56 de la CMB précitée.
518 L'article 246.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats côtiers, dans l'exercice de leur
juridiction, ont le droit de réglementer, d'autoriser et de mener des
recherches scientifiques marines dans leur zone économique exclusive et
sur leur plateau continental conformément aux dispositions pertinentes
de la Convention».
519 Article 246 de la CMB précitée.
520 Article 248 de la CMB précitée.
521 ABELOS, Neuvième session, 2009.
522 FRIKHA (A.), op. cit., pp. 44-47.
523Ibidem.
109
appropriées, du déploiement en haute mer de tous
flotteurs dans le cadre du programme Argo qui risqueraient de dériver
dans sa ZEE. Pour mettre en oeuvre cette disposition, le Secrétaire
exécutif de la COI invite tous les États membres de la COI qui le
désirent à déclarer à tout moment, en lui adressant
une note écrite à cet effet, qu'ils souhaitent se voir notifier
le déploiement en haute mer de tous les flotteurs du programme Argo qui
risquent de dériver dans leur ZEE.
Le Secrétaire exécutif de la COI communique sans
délai cette note aux États membres de la
Commission"524. L'opérateur du flotteur Argo dérivant
dans la ZEE de cet Etat envoie alors une notification à ce dernier et
lui communique les informations qu'ils jugent tous deux utiles, telles que le
type de flotteur déployé, la date et les coordonnées
géographiques de l'emplacement en haute mer où le flotteur a
été mis à l'eau et de sa dernière
localisation525.
Ainsi, la CMB n'est pas adaptée à la
dérive des flotteurs dans les zones de droits souverains et de
juridiction de l'Etat côtier. Ladite Convention ne l'est pas non plus
à l'entrée des balises émettrices dans ces zones.
B. L'entrée des balises dans les zones de droits
souverains de l'Etat côtier
Le cas des balises est encore plus
compliqué526 que celui des flotteurs, puisque l'utilisation
de ces instruments, s'ils étaient qualifiés de matériel de
recherche scientifique marine, impliquerait non seulement la juridiction de
l'Etat côtier en matière de recherche scientifique marine, mais
aussi ses droits souverains sur les ressources de sa ZEE.
524 Résolution EC-XLI.4, Principes directeurs pour
la mise en oeuvre de la résolution XX-6 de l'Assemblée de la COI
concernant le déploiement de flotteurs-profileurs en haute mer dans le
cadre du Programme Argo, 2008.
525Ibidem.
526FRIKHA (A.), op. cit., pp. 44-47.
110
Or, l'application du régime de la recherche
scientifique marine aux balises émettrices est impossible. Les tortues
de mer, les oiseaux et mammifères marins et les
thonidés527 sur lesquels les balises émettrices sont
fixées sont en effet indifférents aux frontières maritimes
séparant les zones de liberté des zones sous l'emprise de l'Etat
côtier établies en vertu de la CMB528. GROTIUS
relève à cet égard qu'il est impossible de tracer des
frontières permanentes sur des plaines liquides ni de fermer
l'accès à une partie de la mer529.
Les mouvements des animaux portant ces SADO sont autonomes et
imprévisibles530. Ils interagissent entre la haute mer et les
ZEE de plusieurs Etats côtiers531 d'une manière qui met
les scientifiques dans l'impossibilité de déposer un dossier de
demande de consentement532 tel que l'exige la CMB, six
mois533 à l'avance. En effet, ces derniers ne peuvent pas
programmer, au moment de la fixation des balises, quel espace juridique les
animaux visiteront, leurs schémas de déplacement variant selon
les saisons, selon les espèces, et même selon les individus d'une
même espèce534 .
Prenons l'exemple de deux Sternes arctiques sur lesquels des
balises ont été fixées pour illustrer le caractère
imprévisible des déplacements des animaux marins535
(illustration n°6).
527 KRASKA (J.), ORTUNO (G.), JOHNSTON (D.), «Bio-logging
of marine migratory species in the law of the sea», Marine
Policy, volume 51, janvier 2015, p. 394 [en ligne]:
https://reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S0308597X14002322?token=32A5343EBD8D5664
FC3F0D4B7ABFEC5490F2046BE0D6B3F639B25899DF82D5E6BE93A0E565D3B669 670E20D17141FE
(consulté le 15-02-2021).
528 Ibidem.
529 CAUCHY (E.), "Sur la question de la liberté des
mers telle qu'on la posait au commencement du XVIIe siècle, Mare liberum
de Grotius - Mare clausum de Selden", op. cit., pp.3.
530 KRASKA (J.), ORTUNO (G.), JOHNSTON (D.), op. cit.,
p. 396.
531 FRIKHA (A.), op. cit., pp. 44-47.
532Ibidem.
533Article 248 de la CMB précitée.
534 KRASKA (J.), ORTUNO (G.), JOHNSTON (D.), op. cit.,
pp. 395-396.
535 Les balises émettrices enregistrent les mouvements
d'alimentation et les routes migratoires des espèces marines sur
lesquelles elles sont fixées. Ces données ainsi acquises
permettent la reconstitution des déplacements de ces animaux, FRIKHA
(A.), op.cit., pp. 44-47.
illustration n°6: Les ZEE visitées par deux
sternes arctiques portant des balises
émettrices,
https://ars.els-cdn.com/content/image/1-s2.0- S0308597X14002322-gr3.jpg
(consulté le 21-02-2021).
Deux individus de cette même espèce, à la
même saison, partis du même point de départ, adoptent des
routes migratoires complètement différentes. Tous deux partis du
Groenland, l'un se déplace vers le Sud-Est en direction du Maroc tandis
que l'autre se dirige vers le Sud-Ouest en direction du Venezuela. Durant un
même cycle migratoire, en 2007, les deux Sternes arctiques interagissent
au total avec les zones économiques exclusives de 25 Etats
côtiers, parmi lesquelles 9 sont visitées par le second individu
mais pas par le premier536. Il paraît donc évident que
le régime de la CMB est inapplicable vu qu'il exige de demander
l'autorisation de l'Etat côtier six mois à l'avance, mais aussi
parce qu'il permet à celui-ci de refuser son consentement.
111
536 KRASKA (J.), ORTUNO (G.), JOHNSTON (D.), op. cit.,
pp. 395-396.
De plus, l'utilisation des balises émettrices peut
être qualifiée d'exploration des ressources vivantes537
qui dans la ZEE, relèvent des droits souverains538 de l'Etat
côtier. Les données acquises par ces SADO peuvent en effet
indiquer les zones riches pour la pêche. Or, l'Etat côtier a le
droit de refuser son consentement aux projets de recherche scientifique marine
ayant une incidence directe sur l'exploration ou l'exploitation des ressources
biologiques539.
Mais il est impossible d'empêcher ces animaux d'entrer
dans la ZEE, ou d'interdire aux chercheurs de mettre en place ces balises en
haute mer. Pour cette raison, une partie de la doctrine soutient que l'Etat
côtier ne peut pas prétendre exiger son consentement pour
l'utilisation des balises déployées au-delà de la zone de
juridiction même si celles-ci entrent ensuite dans sa ZEE540,
la zone à considérer étant celle du déploiement de
l'instrument et non toutes les zones où celui-ci collecte des
données541. L'adoption de cette solution faciliterait la
collecte des données marines mais n'assurerait pas la protection des
intérêts économiques de l'Etat côtier face à
l'exploration de ses ressources biologiques.
La catégorisation des SADO proposée par la CMB
est ainsi inadaptée au matériel qui risque de traverser les
frontières maritimes de manière imprévisible mais aussi
aux instruments qui collectent des données marines à distance.
112
537 FRIKHA (A.), op.cit., pp. 44-47.
538Article 56.1.a de la CMB précitée.
539Article 246 de la CMB précitée.
540KRASKA (J.), ORTUNO (G.), JOHNSTON (D.), op.
cit., pp. 398-399.
541Ibidem.
113
Paragraphe II. Une catégorisation inadaptée
au matériel qui collecte des données marines à
distance
Une partie de la collecte des données marines est
effectuée in situ542 par les balises, les flotteurs
et les gliders tandis qu'une seconde partie est effectuée ex
situ543 au moyen d'aéronefs ou de satellites (A). La CMB
ne consacrant pas de disposition claire à cette technique, le
régime juridique qui lui est applicable est alors incertain (B).
A. Une collecte des données marines
effectuée depuis deux localisations géographiques
Les données marines peuvent être
collectées au moyen de la télédétection
aérienne et spatiale. La télédétection
désigne «l'ensemble des sciences et techniques utilisées
pour la détection à distance, [c'est-à-dire] sans contact
direct, d'objets [en vue de] la détermination de leurs
caractéristiques (physiques, biologiques, ...)»544. La
télédétection se dit aérienne lorsque les
données sont acquises depuis un moyen aéroporté, et se dit
spatiale lorsque celles-ci sont acquises depuis satellite»545.
Ainsi, les flotteurs Argo transmettent par satellite à un centre de
traitement546 les données collectées lorsqu'ils
remontent à la surface une à deux fois tous les quinze jours
après avoir dérivé librement à des profondeurs
allant jusqu'à 2 000 mètres547.
Le glider fonctionne d'une manière assez similaire
à celle du flotteur Argo, mais en plus de celui-ci, cet instrument est
muni d'un système de communication bidirectionnel via satellite,
c'est-à-dire qu'il peut envoyer mais aussi recevoir des données.
Ainsi, le glider se déplace dans la colonne d'eau suivant un motif
542 «In situ» signifie sur place.
543 «Ex situ» signifie à distance.
544 Site officiel de l'Ifremer:
https://envlit.ifremer.fr/infos/glossaire/t/teledetection
545 Ibidem.
546 ABE-LOS, Septième session,
précitée.
547 FRIKHA (A.), op. cit., p.111.
114
en dents de scie et fait surface afin de transmettre les
données collectées d'une part, et de recevoir les nouvelles
instructions telles que la modification de la trajectoire programmée par
satellite d'autre part548. Les balises émettrices
fixées sur des animaux marins transmettent quant à elles en
continu, par satellite ou par aéronef549, les données
collectées.
L'utilisation de cette technique rend possible la collecte de
données marines dans les parties de la mer qui sont difficilement
accessibles par navire, telles que l'océan Arctique qui est recouvert de
glace la plus grande partie de l'année550. Or, le
régime du consentement prévu par la CMB reflète le
modèle de recherches in situ suivi depuis les
expéditions océanographiques du XIXème siècle.
Celles-ci sont menées au moyen des instruments classiques de collecte
des données marines, à savoir les navires dont la présence
encombrante peut déranger l'Etat côtier. Une partie de la doctrine
soutient dès lors qu'il n'est pas nécessaire de demander le
consentement de l'Etat côtier pour utiliser ces nouveaux instruments
ayant recours à la télédétection dont la
présence est à peine perceptible551. Le glider par
exemple ne mesure pas plus de deux mètres de long et pèse une
cinquantaine de kilogrammes seulement552.
Les SADO ayant recours à la
télédétection nous mène à nous interroger
sur l'application du régime juridique du consentement tel que
prévu par la CMB. En effet, la collecte des données marines est
effectuée à la fois depuis la colonne d'eau par les flotteurs,
les gliders et les balises, et à l'extérieur de
celle-ci553, depuis l'espace aérien ou
extra-atmosphérique par les aéronefs et les
satellites554.
548 Idem., pp.36-39.
549 KRASKA (J.), ORTUNO (G.), JOHNSTON (D.), op. cit.,
p.399.
550 WOKER (H.), SCHARTMULLER (B.), KNUT (O.), KATALIN (B.),
op. cit., p.2.
551 Ibidem.
552 Site de l'Ifremer:
https://wwz.ifremer.fr/cetsm/Volet-Instrumental/Lot-E/Gliders
553 WOKER (H.), SCHARTMULLER (B.), KNUT (O.), KATALIN (B.),
op. cit., p.2.
554 Ibidem.
115
Les articles 245 et 246 de la CMB qui prévoient que le
consentement de l'Etat côtier doit être obtenu pour les recherches
scientifiques marines menées «dans» la mer territoriale,
«dans» la ZEE et «sur» le plateau continental de l'Etat
côtier. Mais il n'est pas certain qu'il faille y lire une condition
géographique pour l'application de ce régime. Nous pouvons
à cet égard comparer lesdites dispositions de la CMB à
l'article 5.8 de la Convention de Genève sur le plateau continental qui
prévoit que le consentement de l'Etat côtier doit être
obtenu pour les recherches scientifiques marines relatives au plateau
continental entreprises «sur place»555. Ainsi, pour que le
régime du consentement soit applicable, la collecte des données
marines doit être effectuée in situ. Ladite Convention
prévoit explicitement une condition géographique contrairement
à la CMB dont les dispositions sont vagues sur ce point. L'application
ou non de la partie XIII de cette dernière aux collectes ex situ
est donc incertaine.
Les gliders, les flotteurs et les balises reliés
à un aéronef ou un satellite effectuant une collecte des
données marines depuis deux lieux différents à la fois, le
régime juridique qui leur est applicable est incertain.
B. Un régime juridique incertain
Une partie de la collecte des données au moyen de la
télédétection aérienne ou spatiale n'est pas
effectuée dans la mer. Cette collecte peut être effectuée
depuis l'espace aérien au-dessus de la mer territoriale de l'Etat
côtier. Or «la souveraineté de l'État côtier
s'étend à l'espace aérien au-dessus de la mer
territoriale»556. Dans l'exercice de sa souveraineté,
l'Etat côtier a donc le droit exclusif d'autoriser les recherches
scientifiques marines dans l'espace aérien au-dessus de la mer
territoriale, de même que celles menées depuis l'espace
aérien
555 L'article 5.8. de la Convention de Genève sur le
plateau continental précitée prévoit: «Le
consentement de l'Etat riverain doit être obtenu pour toutes recherches
touchant le plateau continental entreprises sur place».
556 Article 2.2 de la CMB précitée.
116
surjacent aux eaux archipélagiques sur lesquelles
s'étend la souveraineté de l'Etat archipel557. A cet
égard, l'article 53.1 de la CMB prévoit que «dans ses eaux
archipélagiques et la mer territoriale adjacente, l'Etat archipel peut
désigner des voies de circulation et, dans l'espace aérien
surjacent à ces voies, des routes aériennes qui permettent le
passage continu et rapide des navires ou aéronefs
étrangers»558.
Le cas de l'espace aérien au-dessus de la ZEE est plus
complexe. «La majorité des auteurs qui traitent le problème
du survol au-dessus de la ZEE concluent qu'en principe, le régime
juridique de l'espace aérien au-dessus de cette zone doit être
assimilé à celui de la haute mer. Le survol de la ZEE est donc
libre, hormis le cas du survol qui pourrait avoir des incidences sur
l'exclusivité de l'exploitation économique de la zone [sous
juridiction de l'Etat côtier]»559.
Or, nous avons démontré que les données
collectées par les balises émettrices avaient une incidence
directe sur l'exploration et l'exploitation des ressources sur lesquelles
l'Etat côtier exerce des droits souverains. L'Etat côtier pourrait
donc refuser son consentement à la recherche scientifique menée
au moyen des aéronefs au-dessus de sa ZEE en vertu de l'article 246 de
la CMB, si celui-ci était applicable avec certitude. Ceci semble
être le cas d'après l'avis d'une partie de la
doctrine560.
Le régime de l'utilisation de la
télédétection aérienne au-delà de la
juridiction nationale est plus simple, la navigation aérienne au-dessus
de la haute mer étant
557 L'article 49.2 de la CMB précitée
prévoit: «[La souveraineté de l'Etat archipel]
s'étend à l'espace aérien surjacent aux eaux
archipélagiques, ainsi qu'au fonds de ces eaux et au sous-sol
correspondant, et aux ressources qui s'y trouvent».
558 Article 53 de la CMB précitée.
559 MONARI (L.), Utilisation et abus de l'espace aérien
international, thèse en Droit, Mac Gill University, 1996, pp.12-13.
560 WOKER (H.), SCHARTMULLER (B.), KNUT (O.), KATALIN (B.),
p.6.
117
libre561. En effet, aucun Etat ne peut proclamer sa
souveraineté sur la haute mer, ni sur l'espace aérien
sus-jacent562 correspondant à l'Espace Aérien
International. La collecte des données marines y serait simplement
soumise au régime de la liberté, comme l'utilisation de la
télédétection spatiale.
Si le régime du consentement est peut-être
applicable aux aéronefs dans l'espace au-dessus des zones de juridiction
de l'Etat côtier au moyen desquels la collecte des données marines
est effectuée, il ne l'est probablement pas aux satellites dans l'espace
extra-atmosphérique563, si l'on considère que le
régime propre à cet espace est applicable et non celui que
prévoit la CMB. Le régime de l'espace extra-atmosphérique
est en effet semblable à celui de la haute mer et du milieu
aérien qui la surplombe, en ce sens qu'aucun Etat ne peut
prétendre exercer sa souveraineté ou sa juridiction nationales
sur cet espace564 «libre pour tous»565.
Ainsi, l'article premier du Traité sur les principes
régissant les activités des Etats en matière d'exploration
et d'utilisation de l'espace extra atmosphérique, y compris la lune et
les autres corps célestes prévoit que «les recherches
scientifiques sont libres dans l'espace
extra-atmosphérique»566. Mais si l'on considère
que le régime de la CMB est applicable, l'utilisation d'une telle
technique serait soumise au régime du consentement au-dessus de la
mer
561 MONARI (L.), op. cit., p.19.
562 Idem., pp.12-13.
563 WOKER (H.), SCHARTMULLER (B.), KNUT (O.), KATALIN (B.),
op. cit., p.6.
564 ORAISON (A.), «Remarques sur la conservation et la
gestion durable des ressources naturelles des grandes profondeurs
océaniques. La notion de «patrimoine commun de
l'humanité» en Droit international de la mer et la
nécessité de son élargissement aux divers
éléments de notre environnement», Revue
européenne de Droit de l'environnement, numéro 3, septembre
2006, pp.275-288, [en ligne]:
https://www.persee.fr/doc/reden_1283-8446_2006_num_10_3_1874
(consulté le 15-02-2021).
565 MONARI (L.), op. cit., p.14
566 L'article premier du Traité sur les principes
régissant les activités des Etats en matière d'exploration
et d'utilisation de l'espace extra atmosphérique, y compris la lune et
les autres corps célestes, ouvert à la signature à Moscou,
Londres et Washington, le 27 janvier 1967, prévoit: «Les recherches
scientifiques sont libres dans l'espace extra-atmosphérique, y compris
la lune et les autres corps célestes, et les États doivent
faciliter et encourager la coopération
internationale dans ces recherches», disponible sur
https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1970/87_90_90/fr
territoriale, de la ZEE et du plateau continental de l'Etat
côtier. Le régime applicable à cette situation est donc
incertain567.
La CMB met ainsi en place un cadre juridique qui ne facilite
pas l'emploi des techniques marines les plus sophistiquées, pas plus
qu'il ne favorise leur transfert aux Etats qui en sont démunis.
118
567 Ibidem.
119
Chapitre deuxième : L'encadrement
lacunaire du transfert des techniques marines
Les techniques marines concernent non seulement la recherche
scientifique marine, mais aussi l'exploration, l'exploitation et la protection
de la mer568. La CMB annonce comme objectif le partage
équitable de ces techniques569 et une coopération
internationale accrue entre les Etats directement et par l'intermédiaire
des organisations internationales compétentes. Cette coopération
est en effet indispensable à la compréhension mondiale des
océans570, au progrès de la collecte des
données marines, et à l'utilisation durable du milieu marin par
tous les Etats571.
Ainsi, la CMB annonce comme objectif de favoriser le transfert
des méthodes scientifiques et des procédés techniques
d'application de collecte des données marines des Etats
industrialisés qui les détiennent vers les Etats en voie de
développement qui en sont dépourvus572. Ladite
Convention constitue dès lors le cadre (section I) de la mise en oeuvre
du transfert des techniques marines (section II).
Section I. Le cadre du transfert des techniques
marines
Les techniques marines sont la cause «d'affrontement
politique et économique»573 entre les Etats
industrialisés et les Etats en voie de développement, les
premiers revendiquant un régime de liberté, les seconds à
un régime de propriété internationale574. Des
débats houleux qui eurent cours entre
568 SOUISSI (S.), op. cit., p.54.
569 PANCRACIO (J.), op. cit., p.379.
570 ABE-LOS, Septième session
précitée.
571 PANCRACIO (J.), op. cit., p.379.
572 SOUISSI (S.), op. cit., p.54.
573 LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome I, Cadre
institutionnel et milieu marin, op. cit., pp.16-19.
574 Ibidem.
120
ces deux groupes d'Etats à la CNUDM III
résultèrent les dispositions finales de la CMB qui annoncent
comme objectif ambitieux d'établir une répartition plus
équilibrée des sciences et des techniques marines (paragraphe I)
sans se donner les moyens d'atteindre un tel objectif (paragraphe II).
Paragraphe I. L'objectif d'une répartition plus
équilibrée des sciences et des techniques marines
Les dispositions de la CMB relatives au transfert des
techniques marines sont le résultat des revendications des Etats en voie
de développement au cours des négociations de la CNUDM III.
Ainsi, au nom du Groupe des 77, l'Irak réclama une répartition
plus équilibrée des sciences et des techniques marines. Celui-ci
présenta deux revendications principales : d'une part, favoriser le
développement des possibilités scientifiques et techniques des
Etats technologiquement moins avancés et ainsi remédier au retard
hérité du colonialisme (A), d'autre part, procéder au
transfert des techniques marines par l'intermédiaire d'une
autorité internationale (B).
A. Remédier au retard des Etats en voie de
développement hérité du colonialisme
La CMB annonce l'objectif de «surmonter [...] la
différence économique, scientifique et technologique entre les
pays, l'un des héritages les plus regrettables du
colonialisme»575. En effet, le retard des Etats en voie de
développement fut causé par les Etats industrialisés qui
avaient exploité leurs richesses et les avaient par conséquent
appauvris. Les Etats en voie de développement n'avaient donc pas les
moyens de financer576 les techniques nécessaires à
l'entreprise de projets de collecte des données marines affectées
à
575 ONU, Document A/CONF.62/C.1/SR.2, op. cit., pp.
5-10.
576 FREYMOND (O.), op. cit., pp.92-94.
121
«l'exploitation des ressources halieutiques et
l'établissement de cartographies des fonds de
pêche»577.
Le Groupe des 77 réalisa ainsi que pour atteindre un
statut économique amélioré, ils avaient besoin de
maîtriser les techniques scientifiques578 qui permettaient la
maîtrise des ressources naturelles. Le transfert des techniques marines
couvre l'exploration, l'exploitation, la conservation et la gestion des
ressources579. Son objectif est ainsi de permettre à tous les
Etats «d'accéder à terme à la découverte des
océans et de leurs ressources»580, de mettre en place
«un ordre économique international juste et équitable dans
lequel il serait tenu compte des intérêts et besoins de
l'Humanité tout entière et, en particulier, des
intérêts et besoins spécifiques des pays en
développement»581, et de réduire ce fossé
économique, scientifique et technique qui existe entre ces derniers et
les Etats industrialisés.
Nous remarquons que les dispositions de la partie XIV de la
CMB relative au transfert des techniques marines, furent marquées par
leur contexte rédaction582. En effet, les négociations
de la CNUDM III, qui s'étendent de 1973 à 1982, coïncident
avec l'émergence du Tiers Monde de la vague de décolonisation des
pays d'Afrique583. Ces Etats furent exclus de la rédaction du
Droit de la mer issu de la Conférence des Nations Unies sur le droit de
la mer, tenue à Genève en 1958, qui ne réunit que les
puissances maritimes alors que l'Indonésie et le Vietnam (né de
la première vague de décolonisation des pays d'Asie), ainsi que
la Tunisie, le Maroc et le Ghana avaient déjà
accédé à l'indépendance.
577 MILLAN (S.), op. cit., pp. 857-858.
578 MOUSSA (F.), op. cit., p. 102.
579 PANCRACIO (J.), op. cit., p.379.
580 FREYMOND (O.), op. cit., pp.102-103.
581 Préambule de la CMB précitée.
582 MILLAN (M.), op. cit., p. 856.
583 SOUISSI (S.), op. cit., p.9.
122
En 1973, ces Etats nouveau-nés qui voulaient s'assurer
une emprise maritime sur une zone côtière aussi étendue que
possible, se réunirent avec ces puissances maritimes qui voulaient au
contraire veiller à défendre le principe de la liberté des
mers584. Il y eut donc une confrontation entre ces deux groupes
d'Etats à la CNUDM III, chacun défendant le principe de la
liberté des mers ou celui de la souveraineté maritime pour les
enjeux stratégiques, mais surtout économiques585 qu'il
représente pour eux.
La rédaction de la CMB, notamment sa partie XIV, se fit
à l'époque à laquelle se levèrent les
revendications pour un Nouvel ordre maritime mondial fondé sur le
principe de l'égalité et d'un Nouvel ordre économique
international586. En effet, en 1973 se réunit la
Conférence des pays non alignés, en 1974 furent adoptées
les résolutions 320 I (S-VI) et 3202 (S-VI) de l'Assemblée
générale de l'ONU contenant la Déclaration et le programme
d'action concernant l'instauration d'un nouvel ordre économique
international, et en 1976 se réunit le Congrès des experts arabes
sur le Droit de la mer587 qui discuta du transfert des techniques
marines comme moyen de remédier à leur retard
hérité du colonialisme.
C'est ainsi que la version finale de l'article 268 de la CMB
énonça comme objectifs «la diffusion des connaissances dans
le domaine des techniques marines, [un accès facilité] à
l'information et aux données pertinentes, [...] le développement
de l'infrastructure technique nécessaire pour faciliter le transfert des
techniques marines [...] la mise en valeur des ressources humaines par la
formation et l'enseignement dispensés aux ressortissants des Etats en
584 Idem., pp.12-13.
585 Idem., p.16.
586 Ibidem.
587 MOUSSA (F.), op. cit., pp.102-103.
123
développement, en particulier de ceux d'entre eux qui
sont les moins avancés»588. La CMB annonce ainsi
l'objectif de réduire le fossé scientifique et technique qui
s'est creusé entre les Etats en voie de développement et les
Etats industrialisés durant la période coloniale tout en assurant
que les intérêts de ces deux groupes d'Etats seront garantis
équitablement par l'Autorité.
B. L'Autorité, garante des intérêts
des Etats en voie de développement et des Etats
industrialisés
Au cours des négociations de la CNUDM III, l'Irak
proposa au nom du groupe des 77589 que le transfert des techniques
marines soit de la compétence d'une organisation
internationale590. Les Etats en voie de développement
demandèrent que l'Autorité en particulier reçoive la
responsabilité du transfert des techniques591. L'article 273
du texte final de la CMB, qui prévit finalement que «les Etats
coopèrent activement avec les organisations internationales
compétentes et avec l'Autorité en vue d'encourager et de
faciliter le transfert aux États en développement, à leurs
ressortissants et à l'Entreprise de connaissances pratiques et de
techniques marines se rapportant aux activités menées dans la
Zone»592, ne retint qu'à moitié cette
proposition, puisqu'il confia cette responsabilité à
l'Autorité seulement dans les limites de la Zone.
588 L'article 268 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats, directement ou par l'intermédiaire des
organisations internationales compétentes, doivent promouvoir : a)
l'acquisition, l'évaluation et la diffusion de connaissances dans le
domaine des techniques marines ; ils facilitent l'accès à
l'information et aux données pertinentes ; b) le développement de
techniques marines appropriées ; c) le développement de
l'infrastructure technique nécessaire pour faciliter le transfert des
techniques marines ; d) la mise en valeur des ressources humaines par la
formation et l'enseignement dispensés aux ressortissants des Etats et
pays en développement, en particulier de ceux d'entre eux qui sont les
moins avancés ; e) la coopération internationale à tous
les niveaux, notamment la coopération régionale,
sous-régionale et bilatérale».
589 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.9, op. cit., p.252.
590 YAHYAOUI (M.), op. cit., p.299.
591 SOUISSI (S.), op. cit., pp.56-57.
592 L'article 273 de la CMB précitée
prévoit: «Les États coopèrent activement avec les
organisations internationales compétentes et avec l'Autorité en
vue d'encourager et de faciliter le transfert aux Etats en
développement, à leurs ressortissants et à l'Entreprise de
connaissances pratiques et de techniques marines se rapportant aux
activités menées dans la Zone».
124
C'est pour cette raison que l'article 144 de la CMB relatif
aux mesures à prendre par l'Autorité pour atteindre les objectifs
du transfert des techniques marines593 ne se trouve pas dans la
partie XIV de la CMB mais dans la partie XI intitulée «La
Zone». En effet, la partie XIV de la CMB qui s'intitule
«Développement et transfert des techniques marines», est le
résultat594 de la proclamation de la Zone en tant que
patrimoine commun de l'Humanité595, en application de la
théorie de la mer considérée comme res
communis596. En effet, les progrès technologiques de
cette époque permirent l'exploration des grands fonds marins et de
l'espace extra-atmosphérique jusque-là inaccessibles. Dans ce
contexte de Guerre Froide, les USA et l'URSS risquaient d'entrer en
compétition pour l'appropriation de ces espaces. Afin d'éviter
cette compétition, les grands fonds marins ainsi que la lune, les corps
célestes, l'orbite des satellites géostationnaires et le spectre
des fréquences radioélectriques furent proclamés
patrimoine commun de l'Humanité597.
A cet égard, nous pouvons lire à l'article 140
de cette même partie de la CMB
593 L'article 144 de la CMB précitée
prévoit: «1. Conformément à la Convention,
l'Autorité prend des mesures : a) pour acquérir les techniques et
les connaissances scientifiques relatives aux activités menées
dans la Zone ; et b) pour favoriser et encourager le transfert aux États
en développement de ces techniques et connaissances scientifiques, de
façon que tous les États Parties puissent en
bénéficier. 2. À cette fin, l'Autorité et les
États Parties coopèrent pour promouvoir le transfert des
techniques et des connaissances scientifiques relatives aux activités
menées dans la Zone, de façon que l'Entreprise et tous les
États parties puissent en bénéficier. En particulier, ils
prennent ou encouragent l'initiative : a) de programmes pour le transfert
à l'Entreprise et aux États en développement de techniques
relatives aux activités menées dans la Zone, prévoyant
notamment, pour l'Entreprise et les États en développement, des
facilités d'accès aux techniques pertinentes selon des
modalités et à des conditions justes et raisonnables ; b) de
mesures visant à assurer le progrès des techniques de
l'Entreprise et des techniques autochtones des États en
développement, et particulièrement à permettre au
personnel de l'Entreprise et de ces États de recevoir une formation aux
sciences et techniques marines, ainsi que de participer pleinement aux
activités menées dans la Zone».
594 MILLAN (S.), op. cit., pp.855.
595 Article 136 de la CMB précitée.
596 Selon la théorie de la mer res communis
omnium, tous les Etats jouissent du Droit d'utiliser cet espace commun, de
la même façon que des copropriétaires, LANGAVANT (E.),
Droit de la mer, tome II, Le Droit des communications maritimes, Paris,
éditions Cujas, 1979, p.10.
597 SMOUTS (M.), «Du patrimoine commun de
l'humanité aux biens publics globaux», Patrimoines naturels au
Sud : territoires, identités et stratégies locales, CORMIER
SALEM (M.) (ed.), JUHE-BEAULATON (D.) (ed.), BOUTRAIS (J.) (ed.) et ROUSSEL
(B.) (ed.),
Paris, 2005, p. 53, [en ligne]:
https://horizon.documentation.ird.fr/exl- doc/pleins_textes/divers10-07/010037531.pdf
(consulté le 03-03-2021).
125
que toute activité dans la Zone doit être
menée «dans l'intérêt de l'Humanité tout
entière»598. L'article 143 de ladite Convention affirme
que la recherche scientifique marine en particulier doit être conduite
«dans l'intérêt de l'Humanité tout
entière»599, c'est-à-dire qu'elle doit être
«destinée à»600 et «conçue pour
accroître les connaissances de l'Homme»601 sur le milieu
marin. C'est pour atteindre cet objectif que certains Etats en voie de
développement proposèrent durant les négociations de la
CNUDM III que la recherche scientifique marine soit soumise au
«contrôle direct et effectif» d'une organisation
internationale602 qui soit habilitée à se livrer
à cette activité dans la Zone, directement ou par la voie de
contrats603.
D'autres demandèrent que cette activité soit
menée librement sous la tutelle de cette organisation. Cette
dernière se chargerait de coordonner les programmes de recherche et de
diffuser les résultats à l'échelle mondiale604.
Les projets de recherche devraient simplement lui être
notifiés605. Les Etats industrialisés, par contre,
rejetèrent toute «restriction à la liberté de la
recherche scientifique marine dans la Zone»606. La CMB
prévoit finalement que «l'Autorité peut effectuer des
recherches scientifiques marines sur la Zone et ses ressources et peut passer
des contrats à cette fin. Elle favorise et encourage la recherche
scientifique marine dans la Zone, et coordonne et diffuse les résultats
de ces recherches et analyses, lorsqu'ils sont
disponibles»607.
598 L'article 140.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les activités menées dans la Zone le sont,
ainsi qu'il est prévu expressément dans la présente
partie, dans l'intérêt de l'humanité tout entière
(...)».
599 L'article 143.1 de la CMB précitée.
600 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.17, op.cit., p.
265.
601 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.29, op.cit., p. 216.
602 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.9, op. cit., p.252.
603 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 92-94.
604 Ibidem.
605 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.29, op. cit.,
pp.216-218.
606 PANCRACIO (J.), Droit de la mer, op. cit.,
p.94.
607 L'article 143.2 de la CMB précitée
prévoit: «L'Autorité peut effectuer des recherches
scientifiques marines sur la Zone et ses ressources et peut passer des contrats
à cette fin. Elle favorise et encourage la recherche scientifique marine
dans la Zone, et elle coordonne et diffuse les résultats de ces
recherches et analyses, lorsqu'ils sont disponibles».
126
Les Etats en voie de développement proposèrent
que le transfert des techniques marines soit soumis à la
compétence d'une telle organisation internationale pour que
l'égalité de tous les Etats soit garantie608. En
effet, «l'Autorité est fondée sur le principe de
l'égalité souveraine de tous ses membres»609. Les
voix des Etats en voie de développement et celles des Etats
industrialisés610 sont alors égales en
poids611 malgré les inégalités de
développement. L'Autorité a surtout pour responsabilité de
garantir que le transfert des techniques marines s'effectue dans des conditions
justes et raisonnables, «principe de fond qui transcende la partie
XIV»612 de la CMB. L'article 266.1 de ladite Convention
prévoit en effet que «les Etats [...] coopèrent [...] en vue
de favoriser activement le développement et le transfert des sciences et
techniques de la mer selon des modalités et à des conditions
justes et raisonnables»613, «sur une base
équitable, [et] au profit de toutes les parties
concernées»614.
L'Autorité garantit alors un transfert effectif des
techniques marines aux Etats en voie de développement mais
protège aussi les intérêts légitimes des Etats
industrialisés615. Elle doit ainsi assurer un
équilibre entre les droits et les obligations des acquéreurs et
des fournisseurs des techniques de collecte des données marines.
608 YAHYAOUI (M.), op. cit., pp.299-300.
609 L'article 157.3 de la CMB précitée
prévoit: «L'Autorité est fondée sur le principe de
l'égalité souveraine de tous ses membres».
610 MOUSSA (F.), op. cit., pp.105-106.
611 YAHYAOUI (M.), op. cit., pp.299-300.
612 MILLAN (S.), op. cit., p.859.
613 L'article 266.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats, directement ou par l'intermédiaire des
organisations internationales compétentes, coopèrent, dans la
mesure de leurs capacités, en vue de favoriser activement le
développement et le transfert des sciences et techniques de la mer selon
des modalités et à des conditions justes et
raisonnables».
614 L'article 266.3 de la CMB précitée
prévoit: «Les États s'efforcent de favoriser l'instauration
de conditions économiques et juridiques propices au transfert des
techniques marines, sur une base équitable, au profit de toutes les
parties concernées».
615 MILLAN (S.), op. cit., pp.862.
127
D'une part, l'Autorité veille à ce que les Etats
fournisseurs des nouvelles techniques n'imposent pas des clauses restrictives
aux Etats en voie de développement qui ne disposent pas des
renseignements nécessaires pour négocier616, à
ce que les ressortissants de ces derniers «soient engagés comme
stagiaires parmi les membres du personnel technique, de gestion et de recherche
recruté pour les besoins de ses activités, [à ce que] la
documentation technique sur le matériel, les machines, les dispositifs
et les procédés employés soit mise à la disposition
[...] des Etats en développement [et à ce que] des dispositions
appropriées soient prises en son sein pour faciliter l'acquisition par
les Etats qui ont besoin et demandent à bénéficier d'une
assistance technique [...] des connaissances, [...] de l'équipement, des
procédés, du matériel et du savoir-faire technique
nécessaires617 à la collecte des données
marines.
D'autre part, l'Autorité tient dûment
compte618 des droits de propriété industrielle, dont
relèvent ces techniques619, des entreprises et des
investisseurs privés620 des Etats industrialisés. Or,
celle-ci a le pouvoir d'exiger d'un Etat
616 MOUSSA (F.), op. cit., pp.105-106.
617 L'article 274 de la CMB précitée
prévoit: «Compte tenu de tous les intérêts
légitimes, ainsi que des droits et obligations des détenteurs,
des fournisseurs et des acquéreurs de techniques, l'Autorité, en
ce qui concerne les activités menées dans la Zone, fait en sorte
que : a) conformément au principe d'une répartition
géographique équitable, des ressortissants d'États en
développement, qu'il s'agisse d'États côtiers, sans
littoral ou géographiquement désavantagés, soient
engagés comme stagiaires parmi les membres du personnel technique, de
gestion et de recherche recruté pour les besoins de ses activités
; b) la documentation technique sur le matériel, les machines, les
dispositifs et les procédés employés soit mise à la
disposition de tous les États, notamment des États en
développement qui ont besoin et demandent à
bénéficier d'une assistance technique dans ce domaine ; c) des
dispositions appropriées soient prises en son sein pour faciliter
l'acquisition par les États qui ont besoin et demandent à
bénéficier d'une assistance technique dans le domaine des
techniques marines, notamment les États en développement, et par
leurs ressortissants, des connaissances et du savoir-faire nécessaires,
y compris l'acquisition d'une formation professionnelle ; d) les États
qui ont besoin et demandent à bénéficier d'une assistance
technique dans ce domaine, notamment les États en développement,
reçoivent une assistance pour l'acquisition de l'équipement, des
procédés, du matériel et du savoir-faire technique
nécessaires, dans le cadre des arrangements financiers prévus
dans la Convention».
618 L'article 267 de la CMB précitée
prévoit: «Les États, en favorisant la coopération en
application de l'article 266, tiennent dûment compte de tous les
intérêts légitimes, ainsi que des droits et obligations des
détenteurs, des fournisseurs et des acquéreurs de techniques
marines».
619 SOUISSI (S.), op. cit., pp.56-57.
620 MILLAN (S.), op. cit., pp.859.
128
contractant susceptible d'exploiter dans la Zone de s'engager
à transférer à l'Entreprise621 la technologie
qu'il compte utiliser pour cette exploitation, avant de lui octroyer
l'accès au site minier622, et «les données qui
sont nécessaires à l'élaboration par l'Autorité des
règles, règlements et procédures relatifs à la
protection du milieu marin et à la sécurité [...] ne sont
pas réputées être propriété
industrielle»623. Les Etats industrialisés, hostiles
à ces dispositions qu'ils disent porter atteinte à
l'égalité des droits entre les exploitants de la
Zone624, adoptèrent «une attitude
distante»625 à l'égard de l'Autorité, ne
désirant pas céder leurs techniques à cette organisation
internationale sans obtenir en contrepartie un accès garanti aux sites
miniers626.
La CMB annonça ainsi l'objectif ambitieux d'une
répartition plus équilibrée des sciences et des techniques
marines entre les Etats en voie de développement et les Etats
industrialisés mais prévit des moyens insuffisants pour atteindre
un tel objectif.
621 L'article 170.1 de la CMB précitée
prévoit: «L'Entreprise est l'organe de l'Autorité qui
mène des activités dans la Zone directement en application de
l'article 153, paragraphe 2, lettre a), ainsi que des activités de
transport, de traitement et de commercialisation des minéraux
tirés de la Zone».
622 L'article 5.3. de l'annexe III de la CMB
précitée prévoit: «Tout contrat portant sur des
activités à mener dans la zone contient des clauses par
lesquelles le contractant s'engage à c) acquérir, par un contrat
exécutoire, à la demande de l'Entreprise et s'il peut le faire
sans que cela entraîne pour lui des frais importants, le droit de
transférer à l'Entreprise toute technique qu'il utilise pour
mener des activités dans la Zone au titre du contrat, qu'il n'est pas
déjà en droit de transférer et qui n'est pas
généralement disponible sur le marché libre».
623 L'article 14.2 de l'annexe III de la CMB
précitée prévoit: «Les données
communiquées au sujet du secteur visé par le plan de travail et
réputées être propriété industrielle ne
peuvent être utilisées qu'aux fins énoncées au
présent article. Les données qui sont nécessaires à
l'élaboration par l'Autorité des règles, règlements
et procédures relatifs à la protection du milieu marin et
à la sécurité, autres que les données relatives
à la conception de l'équipement, ne sont pas
réputées être propriété
industrielle».
624 SOUISSI (S.), op. cit., pp.58-59.
625 Ibidem.
626 Ibidem.
129
Paragraphe II. Des moyens insuffisants pour atteindre
l'objectif annoncé Les dispositions de la CMB qui
énoncent les mesures à prendre en vue d'atteindre les objectifs
du transfert des techniques marines sont trop vagues pour véritablement
réaliser ce transfert (A). Celles-ci doivent dès lors être
précisées par d'autres instruments juridiques (B).
A. Des dispositions trop vagues pour réaliser un
véritable transfert des techniques marines
Nous remarquons un fort contraste entre les dispositions de la
CMB appelant au transfert des techniques marines et les autres normes de ladite
Convention. Les unes sont vagues627 et
théoriques628 tandis que les autres sont plus
précises629. L'article 244 de la CMB appelle les Etats
à «favoriser» ce transfert, et l'article 266 de ladite
Convention prévoit que «les États s'efforcent de [le]
favoriser». Rédigées d'une telle manière, ces
dispositions «reflètent un manque de fermeté
caractérisé630». Certains Etats en voie de
développement exprimèrent en effet leurs inquiétudes au
Congrès des pays arabes de 1976 en déclarant que ces principes
«risquent de ne pas trouver une application»631.
Ces inquiétudes se révélèrent bien
fondées puisque le transfert des techniques marines des Etats
industrialisés vers les Etats en voie de développement dans le
cadre des programmes de coopération internationaux fut limité.
Ceci peut être illustré par l'expérience de l'Etat tunisien
avec le projet européen PERSEUS. Ayant ratifié la CMB par la loi
numéro 85-6 du 22 février 1985632, la Tunisie eut
l'obligation de coopérer avec les autres Etats en matière de
collecte des données marines dans le cadre de ce projet mené
entre 2011 et 2015, pour «évaluer le
627 MILLAN (S.), op. cit., pp.859-860.
628 GUILLOUX (B.), op. cit., p.9.
629 SOUISSI (S.), op. cit., pp.54-59.
630 Ibidem.
631 MOUSSA (F.), op. cit., pp.103-104.
632 Loi tunisienne n°85-6 du 22 février 1985 portant
ratification de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer,
JORT n°17 du 1 mars 1985, p.310.
130
double impact de l'activité humaine et des pressions
naturelles sur les écosystèmes marins de la
Méditerranée et de la mer Noire et faire reculer la
dégradation de la vie marine à long terme»633.
Parmi les grandes thématiques de PERSEUS634
figuraient l'acquisition de
nouveaux savoirs et de nouvelles technologies ainsi que des
ateliers de formations et de renforcement des capacités. De jeunes
ingénieurs tunisiens participèrent à ces ateliers pour
être formés à utiliser le glider qui fut alors
employé pour cartographier la température et la salinité
du canal de Sardaigne635.
Mais la participation des scientifiques tunisiens à ce
projet fut limitée, et ce qui aurait pu être une
opportunité de collaboration et de transfert de compétences bien
plus effectif, finit par servir les intérêts des participants
européens avant tout636.
Ainsi, les Etats en voie de développement
accusèrent les Etats industrialisés de ne pas vouloir un
réel transfert de technologie et de ne pas céder les techniques
marines pertinentes, celles qui leurs permettent de réaliser un
développement économique, celles qui leur permettent de
récolter effectivement les ressources marines, d'exercer une
maîtrise totale et une récolte effective de leurs ressources,
celles qui leurs permettent de substituer progressivement leurs nationaux aux
coopérants étrangers637. Ceux-ci adoptèrent
alors une nouvelle stratégie pour
obtenir les techniques marines des Etats
industrialisés.
633AGREBI (M.), Rapport sur l'atelier national de
lancement du projet Odyssea-Tunisie, le 15-
02-2018, pp. 9-12, [en ligne]:
http://odysseaplatform.eu/download/meeting_reports/Rapport_Atelier-national-de-lancement-du-projet-ODYSSEA-Tunisie-1.pdf
(consulté le 28-02-2021).
634 PERSEUS est le projet «Policy-Oriented Marine
Environmental Research in the South European Seas».
635 AGREBI (M.), op. cit., pp.9-12.
636 Ibidem.
637 SOUISSI (S.), op. cit, p.55.
131
Nous remarquons à la lecture des législation des
premiers que le consentement à la recherche scientifique marine dans les
zones de souveraineté et de juridiction de l'Etat côtier est
utilisé comme une monnaie d'échange contre le transfert des
techniques des seconds. L'Etat tunisien exige par exemple que le
requérant qui demande à effectuer des recherches ou des
levés dans sa mer territoriale, dans sa ZEE, ou sur son plateau
continental, «s'engage par écrit à remettre au
ministère compétent une copie de toutes les données brutes
et échantillons, de leur dépouillement, des rapports
préliminaires, des résultats et des conclusions finales, ainsi
que l'évaluation de ces données, échantillons et
résultats»638. Les chercheurs doivent également
s'engager à aider l'Etat tunisien à interpréter ces
données639.
Ayant un caractère trop vague, les dispositions de la
CMB doivent être précisées par des principes directeurs
élaborés par les organisations internationales compétentes
afin de réaliser un transfert des techniques marines
véritable,
B. L'élaboration nécessaire de principes
directeurs
Les dispositions de la partie XIV de la CMB, ayant un
caractère très général640, il est
nécessaire de les préciser par d'autres instruments juridiques.
Ladite convention appelle en effet au «développement
ultérieur d'autres instruments pour réaliser ses
objectifs»641. Ainsi, l'article 271 de ladite Convention
prévoit que «les Etats, directement ou par l'intermédiaire
des organisations internationales compétentes, s'emploient à
promouvoir l'élaboration de principes directeurs, critères et
normes généralement acceptés pour le transfert des
638 L'article 3 du Décret tunisien n° 97-1836
précité prévoit: «Le requérant s'engage par
écrit à: 1. remettre au ministère compétent une
copie de toutes les données brutes et échantillons et de leur
dépouillement ainsi que des rapports préliminaires,
résultats et conclusions finales, 2. sitôt l'activité
terminée et de lui fournir, le cas échéant, une
évaluation de ces données, échantillons et
résultats ou l'aider à les interpréter».
639 Ibidem
640 ABELOS, Première session
précitée.
641 FORTEAU (M.) et THOUVENIN (J.), op. cit., p.33.
132
techniques marines dans le cadre d'arrangements
bilatéraux ou dans le cadre d'organisations internationales et d'autres
organismes, compte tenu en particulier des intérêts et besoins des
Etats en développement»642. L'élaboration de ces
principes directeurs643 fut confiée à la COI de
l'UNESCO644. Le mandat de cette organisation internationale
compétente attribue en effet à cette dernière la
responsabilité de donner aux dispositions de la partie XIV de la CMB un
contenu pratique645.
Mais nous devons souligner que les principes directeurs de la
COI demeurent, «derrière les variations de langage, de simples
recommandations»646, bien qu'ils soient l'oeuvre d'une
organisation internationale onusienne compétente647 au
même titre que l'OHI et l'OMM qui dirigent la pratique de leurs Etats
membres en matière de collecte de données marines. Ces principes
directeurs proposent des lignes directrices648, une procédure
pratique et flexible, des conseils, des orientations qui ne sont pas
contraignants pour les Etats649. Ces derniers peuvent alors se
dispenser d'appliquer ces règles techniques650.
642 L'article 271 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats, directement ou par l'intermédiaire des
organisations internationales compétentes, s'emploient à
promouvoir l'élaboration de principes directeurs, critères et
normes généralement acceptés pour le transfert des
techniques marines dans le cadre d'arrangements bilatéraux ou dans le
cadre d'organisations internationales et d'autres organismes, compte tenu en
particulier des intérêts et besoins des Etats en
développement».
643 La CMB précitée engage également les
Etats à établir des principes directeurs pour la recherche
scientifique marine en vertu de l'article 251 qui prévoit: «Les
États s'efforcent de promouvoir, par l'intermédiaire des
organisations internationales compétentes, l'établissement de
critères généraux et de principes directeurs propres
à les aider à déterminer la nature et les implications des
travaux de recherche scientifique marine».
644 En 1997, la COI créa l'organe consultatif d'experts
sur le Droit de la mer (ci-après ABE-LOS), un groupe de travail
chargé d'étudier et de remédier aux difficultés
juridiques auxquelles se heurte la recherche scientifique marine, FREYMOND
(O.), op. cit., pp. 67-68. En 2001, ce dernier accepte de
rédiger des principes directeurs concernant la recherche scientifique
marine et le transfert des techniques marines, COI, Résolution XXII-12,
Principes directeurs concernant le transfert des techniques marines,
2003.
645 MILLAN (S.), op. cit., p.865.
646 Ibidem.
647 TRIGEAUD (B.), «Les modes de production des
instruments sectoriels, in FORTEAU (M.) et THOUVENIN (J.), op.
cit., p.153.
648 ABE-LOS, cinquième session, 2005.
649 ABELOS, Sixième session
précitée.
650ECONOMIDES (C.), «Les actes institutionnels
internationaux et les sources du Droit international», Annuaire
français de Droit international, volume 34, 1988, pp. 136, [en
ligne]:
133
En effet, ces principes directeurs ne constituent pas des
normes de la même valeur juridique que la CMB651,
hiérarchiquement supérieure652. Ils ne peuvent par
conséquent pas modifier les droits et les obligations établis par
celle-ci. Ladite Convention «détermine le cadre
général de formation et d'application des autres instruments
juridiques»653. Ces instruments s'appliquent donc dans le cadre
de la CMB qui n'est certes pas un instrument parfait654 mais reste
«le centre de ce dispositif normatif»655.
L'activité de la COI trouve d'ailleurs son fondement dans la
CMB656 et les principes directeurs que cette organisation
internationale établit sont mis au point sur la base des dispositions
pertinentes657 de ladite Convention.
Les dispositions relatives au transfert des techniques marines
reçurent un contenu ambigu à cause de leur contexte de
rédaction qui ne permettait pas de faire autrement658. Mais
ces principes directeurs ne sont pas conçus pour combler ces lacunes,
tel que la COI elle-même le souligne659 . Il ne s'agit pas de
remplacer660 ladite Convention mais «de faire avancer le Droit
international de la mer en se fondant sur ce qui existe
déjà»661. En effet, le Droit a pour rôle de
garantir une certaine stabilité, mais il doit également favoriser
le changement662. Garder la CMB comme cadre dans lequel, sans le
remettre en cause, sont édictées de nouvelles règles sous
la forme de principes directeurs qui favorisent le progrès, notamment
celui des techniques de collecte des données marines, serait la
solution.
https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1988_num_34_1_2831
(consulté le 15-02-2021).
651 ABE-LOS, Septième session
précitée.
652 ECONOMIDES (C.), op. cit., pp. 139.
653 TRIGEAUD (B.), op. cit., p.155.
654 MARFFY (A. de), «La Convention de Montego Bay»,
op. cit., p. 65.
655 PANCRACIO (J.), op. cit., p.480.
656 TRIGEAUD (B.), op. cit., p.155.
657 ABE-LOS, cinquième session
précitée.
658 Ibidem.
659 ABE-LOS, Cinquième session
précitée.
660 ONU, Document A /CONF.62/ SR.32, op. cit., pp.
127-133.
661 Ibidem.
MARFFY (A. de), «La convention de Montego Bay», op.
cit., pp. 65-68.
662
134
Afin d'établir une répartition plus
équilibrée des techniques marines, la CMB met en place un cadre
lacunaire qui appelle à être précisé par d'autres
instruments juridiques pour pouvoir être mis en oeuvre.
Section II. La mise en oeuvre du transfert des
techniques marines
«La coopération internationale pour le
développement et le transfert des techniques marines s'exerce dans le
cadre des programmes bilatéraux, régionaux et
multilatéraux»663. Ainsi, les organisations
internationales compétentes ont un rôle important dans ce domaine
de coopération internationale664 aussi bien à
l'échelle mondiale (paragraphe I) qu'à l'échelle
régionale (paragraphe II).
Paragraphe I. Le transfert des techniques marines à
l'échelle mondiale
En tant qu'organisation internationale universelle ayant un
rôle pilote en matière de transfert des techniques marines, la COI
fournit des efforts importants pour mettre en oeuvre les dispositions de la CMB
en la matière, de la manière la plus efficace possible. Pour
concrétiser les dispositions lacunaires et théoriques de ladite
Convention, celle-ci se chargea d'élaborer des critères et des
principes directeurs665 (A) ainsi qu'un plan d'action concret pour
le transfert des techniques marines (B).
663 L'article 270 de la CMB précitée
prévoit: «La coopération internationale pour le
développement et le transfert des techniques marines s'exerce, lorsque
cela est possible et approprié, aussi bien dans le cadre des programmes
bilatéraux, régionaux et multilatéraux existants que dans
le cadre de programmes élargis et de nouveaux programmes visant à
faciliter la recherche scientifique marine et le transfert des techniques
marines, en particulier dans de nouveaux domaines, et le financement
international approprié de la recherche océanique et de la mise
en valeur des océans».
664 L'article 278 de la CMB précitée
prévoit: «Les organisations internationales compétentes
visées dans la présente partie et la partie XIII prennent toutes
les mesures voulues pour s'acquitter directement ou en étroite
coopération, des fonctions et des responsabilités dont elles sont
chargées en vertu de la présente partie».
665 COI, Document IOC/INF-1203, Critères et
principes directeurs de la COI concernant le transfert de techniques
marines, 2005.
135
A. Les principes directeurs de la COI concernant le
transfert de techniques marines
La COI commença tout d'abord par proposer une
définition des techniques marines qui sont l'objet du transfert,
l'effectivité des dispositions de la CMB étant amoindri par
l'absence de définition de ce concept. Nous pouvons toutefois lire
à l'article 5.8 de l'annexe III de ladite Convention que le terme
«techniques» désigne «l'équipement
spécialisé et le savoir-faire technique, y compris les
descriptifs, les manuels, les notices explicatives, la formation, les conseils
et l'assistance techniques nécessaires au montage, à l'entretien
et au fonctionnement d'un système viable ainsi que le droit d'utiliser
ces éléments à cette fin sur une base non
exclusive»666, mais cette définition concerne seulement
la prospection, l'exploration et l'exploitation dans la Zone.
Au cours de l'élaboration des critères et
principes directeurs de la COI concernant le transfert de techniques marines,
il fut proposé de définir les «techniques marines»
comme «tous les produits de la connaissance susceptibles de contribuer
à améliorer l'étude et la compréhension du milieu
marin»667. En d'autres termes, les «instruments,
équipements, navires, processus et méthodologies
nécessaires à la production et à l'utilisation des
connaissances pour améliorer l'étude et la compréhension
de la nature et des ressources de l'océan et des zones
côtières»668. Une définition
générale du transfert des techniques marines étant absente
de la CMB, les éléments intervenant dans ce dernier sont
dès lors incertains669.
666 L'article 5.8 de l'annexe III de la CMB
précitée prévoit: «Aux fins du présent
article, on entend par «techniques » l'équipement
spécialisé et le savoir-faire technique, y compris les
descriptifs, les manuels, les notices explicatives, la formation, les conseils
et l'assistance techniques nécessaires au montage, à l'entretien
et au fonctionnement d'un système viable ainsi que le droit d'utiliser
ces éléments à cette fin sur une base non
exclusive».
667 ABELOS, Première session
précitée.
668 COI, Résolution XXII-12 précitée.
669 ABE-LOS, Première session
précitée.
136
Selon la version finale de ces critères et principes
directeurs, le transfert des techniques marines s'étend à des
«informations et des données sous une présentation facile
à utiliser, sur les sciences de la mer, l'océanographie
opérationnelle et les services océaniques connexes; des manuels,
principes directeurs, critères, normes et matériel de
référence; du matériel et de la méthodologie
d'échantillonnage (par exemple d'échantillons d'eau et
d'échantillons géologiques, biologiques ou chimiques); des
installations et du matériel d'observation (par exemple du
matériel de télédétection, des bouées, des
marégraphes, des systèmes d'observation de l'océan,
notamment installés à bord des navires); du matériel pour
les observations, des analyses et les expériences in situ et de
laboratoire; des ordinateurs et des logiciels y compris des modèles et
des techniques de modélisation; et des expertises, des connaissances,
des aptitudes, des savoir-faire techniques, scientifiques et juridiques ainsi
que des méthodes analytiques liés à la recherche et aux
observations marines»670. En proposant une telle
définition du transfert des techniques marines, la COI précise
les éléments intervenant dans ce dernier pour qu'il soit plus
efficace.
Afin de veiller à la mise en oeuvre des dispositions
vagues de la partie XIV de la CMB, la COI élabora également des
critères concernant le transfert des techniques marines671.
Ceux-ci sont au nombre de quatre. Premièrement, l'élaboration de
mécanismes juridiques, institutionnels, financiers et scientifiques
facilitant le transfert des techniques marines à l'échelle
nationale, sous-régionale et régionale672.
Deuxièmement, l'organisation de ce transfert selon des modalités
et des conditions justes et raisonnables673.
670COI, Document IOC/INF-1203, op. cit., pp.
9-10, disponible sur
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000139193.locale=fr
671 COI, Résolution XXII-12 précitée.
672 MILLAN (S.), op. cit., pp.864-865.
673 Ibidem.
137
Troisièmement, l'attention qui doit être
portée aux besoins et intérêts des Etats en voie de
développement qui n'ont pas été en mesure de
développer leurs capacités dans le domaine des sciences marines
d'une part, et aux droits des détenteurs et fournisseurs des techniques
d'autre part674. Quatrièmement, la réalisation de
mécanismes de coopération nouveaux comprenant des co-entreprises
et des partenariats associant des Etats membres, des organisations
internationales compétentes, des organisations gouvernementales, des
organisations non gouvernementales, et des entités
privées675.
En tant qu'organisation internationale compétente, la
COI adopta des principes directeurs ainsi que des mesures en vue d'atteindre
les objectifs du transfert des techniques marines.
B. Les mesures prises par la COI en vue d'atteindre les
objectifs du transfert des techniques marines
Les dispositions vagues et théoriques676 de
la CMB appelant au transfert des techniques marines sont
précisées et concrétisées par la COI. Ainsi, si la
CMB se contente d'inviter les États à «favoriser
l'instauration de conditions propices à la conclusion d'accords, de
contrats ou d'autres arrangements similaires, dans des conditions
équitables et raisonnables»677, la COI, qui a pour
responsabilité de faciliter la rencontre entre les fournisseurs des
techniques et les Etats membres bénéficiaires de
celles-ci678, élabora un formulaire de demande de transfert
des techniques marines (annexe IV).
674 Ibidem.
675 Ibidem.
676 Idem., pp.57-58.
677 L'article 269.b de la CMB précitée
prévoit. «En vue d'atteindre les objectifs visés à
l'article 268, les États s'emploient, entre autres, directement ou par
l'intermédiaire des organisations internationales compétentes
à favoriser l'instauration de conditions propices à la conclusion
d'accords, de contrats ou d'autres arrangements similaires, dans des conditions
équitables et raisonnables».
678 ABE-LOS, Première session
précitée.
138
La CMB appelle aussi vaguement à publier et diffuser
«des renseignements concernant les principaux programmes envisagés
et leurs objectifs, ainsi que les connaissances tirées de la recherche
scientifique marine679» et «dans le domaine des techniques
marines»680 à [faciliter] l'accès à
l'information et aux données pertinentes»681. La COI
s'engagea alors à coordonner un site web
spécialisé682 qu'elle a mis sur pied en tant que
mécanisme d'échange permettant un accès rapide et direct
aux contacts des fournisseurs des techniques, aux perspectives de projets en
matière de transfert des techniques marines, aux experts disponibles
pour prêter une assistance scientifique et technique aux PED, ainsi
qu'aux sessions de l'ABE-LOS683.
La CMB invite enfin à une coopération
internationale visant «la mise en valeur des ressources humaines par la
formation et l'enseignement dispensés aux ressortissants des [Etats en
voie de développement]»684. La COI organise alors des
conférences, des séminaires et des colloques685
«sur des sujets scientifiques et techniques, notamment sur les politiques
et les méthodes à adopter pour le transfert des techniques
marines»686. De plus, cette organisation internationale doit
assurer la coordination d'un mécanisme d'échange qui donne
accès aux
679 L'article 244.1 de la CMB précitée
prévoit. «Les États et les organisations internationales
compétentes publient et diffusent, par les voies appropriées et
conformément à la Convention, des renseignements concernant les
principaux programmes envisagés et leurs objectifs, ainsi que les
connaissances tirées de la recherche scientifique marine».
680 L'article 268.a de la CMB prévoit: «Les
États, directement ou par l'intermédiaire des organisations
internationales compétentes, doivent promouvoir l'acquisition,
l'évaluation et la diffusion de connaissances dans le domaine des
techniques marines ; ils facilitent l'accès à l'information et
aux données pertinentes».
681 Ibidem.
682 Site officiel de la COI: https://ioc.unesco.org/
683 ABELOS, Troisième session, 2003.
684 L'article 268.d de la CMB précitée
prévoit: «Les États, directement ou par
l'intermédiaire des organisations internationales compétentes,
doivent promouvoir la mise en valeur des ressources humaines par la formation
et l'enseignement dispensés aux ressortissants des États et pays
en développement, en particulier de ceux d'entre eux qui sont les moins
avancés».
685 ABE-LOS, Septième session
précitée.
686 L'article 269.c de la CMB précitée
prévoit: «En vue d'atteindre les objectifs visés à
l'article 268, les États s'emploient, entre autres, directement ou par
l'intermédiaire des organisations internationales compétentes
à tenir des conférences, des séminaires et des colloques
sur des sujets scientifiques et techniques, notamment sur les politiques et les
méthodes à adopter pour le transfert des techniques
marines».
139
listes des instituts de recherche marine qui proposent des
formations, et aux universités qui proposent des bourses d'étude
dans le domaine des sciences marines687. A cet égard,
l'Autorité établit en 2006 un fonds de dotation pour
«encourager la recherche scientifique marine dans la
Zone»688 faisant participer des scientifiques originaires des
Etats en voie de développement689.
Afin d'atteindre l'objectif du transfert des techniques
marines, des mesures doivent être prises à l'échelle
mondiale mais aussi à l'échelle régionale.
Paragraphe II. Le transfert des techniques marines à
l'échelle régionale
Durant les négociations de la CNUDM III, les Etats en
voie de développement relevèrent la nécessité de
prendre des mesures adaptées aux besoins et aux capacités de
chaque région690 (A), et ce, afin de faciliter la collecte et
l'échange des données nécessaires à la
surveillance, à l'exploitation et à la préservation du
milieu marin (B).
A. Les moyens de la coopération
régionale
Pour un transfert effectif des techniques marines, les Etats
d'une même région coopèrent au moyen des centres de
recherche scientifique et technique marine et de programmes de recherches.
Ainsi, d'une part, en vertu des articles 275 et 276 de la CMB, «les Etats
[...] favorisent la création, notamment dans les Etats côtiers en
développement, de centres nationaux de recherche scientifique et
technique marine et le renforcement des centres nationaux
existants»691 tels que l'Institut
687 MILLAN (S.), op. cit., pp.864-865.
688 AIFM, Résolution ISBA/12/A/11, Création
d'un Fonds de dotation pour la recherche scientifique marine dans la Zone,
2006.
689 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, op. cit., p.45.
690 FREYMOND (O.), op. cit., p. 102.
691 L'article 275.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats, directement ou par l'intermédiaire des
organisations internationales compétentes et de l'Autorité,
favorisent la création, notamment dans les Etats côtiers en
développement, de centres nationaux de recherche scientifique et
technique marine, et le renforcement des centres nationaux existants, afin de
stimuler et faire progresser la recherche scientifique marine dans ces Etats et
d'accroître leurs
140
national tunisien des sciences et technologies de la mer
(ci-après INSTM), mais surtout la création de centres
régionaux de recherche scientifique et technique
marine692.
Ces centres régionaux693 ont pour fonction
«d'assurer des programmes de formation et d'enseignement à tous les
niveaux dans divers domaines de la recherche scientifique et technique marine,
en particulier la biologie marine, portant notamment sur la conservation et la
gestion des ressources biologiques, [...] le rassemblement et le traitement de
données et d'informations dans le domaine des sciences et techniques
marines, la diffusion rapide des résultats de la recherche scientifique
et technique marine dans des publications facilement accessibles, la diffusion
d'informations sur les politiques nationales concernant le transfert des
techniques marines, l'étude comparative systématique de ces
politiques [et] la coopération technique avec d'autres Etats et la
région»694. Le centre international de gestion des
ressources aquatiques biologiques (ci-après
capacités respectives d'utiliser et de préserver
leurs ressources marines à des fins économiques».
692 L'article 276.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats facilitent, en coordination avec les
organisations internationales compétentes, l'Autorité et les
instituts nationaux de recherche scientifique et technique marine, la
création, notamment dans les Etats en développement, de centres
régionaux de recherche scientifique et technique marine, afin de
stimuler et faire progresser la recherche scientifique marine dans ces Etats et
de favoriser le transfert des techniques marines».
693 ONU, Document A/CONF.62/C.I /L.3, Documents officiels
de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume III, pp. 157-164.
694 L'article 277 de la CMB précitée
prévoit: «Les centres régionaux, entre autres fonctions,
sont chargés d'assurer : a) des programmes de formation et
d'enseignement à tous les niveaux dans divers domaines de la recherche
scientifique et technique marine, en particulier la biologie marine, portant
notamment sur la conservation et la gestion des ressources biologiques,
l'océanographie, l'hydrographie, l'ingénierie, l'exploration
géologique des fonds marins, l'extraction minière et les
techniques de dessalement de l'eau ; b) des études de gestion ; c) des
programmes d'études ayant trait à la protection et à la
préservation du milieu marin et à la prévention, la
réduction et la maîtrise de la pollution ; d) l'organisation de
conférences, séminaires et colloques régionaux ; e) le
rassemblement et le traitement de données et d'informations dans le
domaine des sciences et techniques marines ; f) la diffusion rapide des
résultats de la recherche scientifique et technique marine dans des
publications facilement accessibles ; g) la diffusion d'informations sur les
politiques nationales concernant le transfert des techniques marines, et
l'étude comparative systématique de ces politiques ; h) la
compilation et la systématisation des informations relatives à la
commercialisation des techniques ainsi qu'aux contrats et aux autres
arrangements relatifs aux brevets ; i) la coopération technique avec
d'autres États et la région».
141
ICLARM) dont le siège est à Penang en Malaisie
traite ainsi des aspects essentiels du transfert des techniques marines dans
l'Asie du Sud-Est695.
D'autre part, pour un transfert effectif des techniques
marines, la CMB engage les Etats à «établir des programmes
de coopération [...] en vue du transfert effectif de techniques marines
[entre autres aux] Etats en développement qui n'ont pas
été en mesure soit de créer, soit de développer
leur propre capacité technique dans le domaine des sciences de la
mer»696. Ainsi, le projet ODYSSEA pour le développement
et le déploiement de systèmes d'observation
intégrés de la mer Méditerranée afin de mieux
comprendre les effets du changement climatique sur celle-ci, a pour objet de
collecter des données en temps réel pour développer une
plate-forme opérationnelle d'information et de prévision
accessible gratuitement et librement697. Neuf observatoires furent
mis en place dont un dans le golfe de Gabes698.
Parmi les modules de ce projet qui s'étend de juin 2017
à novembre 2021, figure le «renforcement des capacités des
pays de l'Afrique du Nord». Celui-ci vise à garantir la
maîtrise des techniques utilisées dans le cadre d'ODYSSEA par les
Etats en voie de développement de la région afin qu'ils soient
capables de d'effectuer des collectes des données marines par
eux-mêmes et de mettre en oeuvre des programmes de surveillance de
l'environnement marin699.
695 ABE-LOS, Première session
précitée.
696 L'article 269.a de la CMB précitée
prévoit: «En vue d'atteindre les objectifs visés à
l'article 268, les États s'emploient, entre autres, directement ou par
l'intermédiaire des organisations internationales compétentes
à établir des programmes de coopération technique en vue
du transfert effectif de techniques marines de tous ordres aux États qui
ont besoin et demandent à bénéficier d'une assistance
technique dans ce domaine, notamment aux États en développement
sans littoral ou géographiquement désavantagés, ainsi
qu'à d'autres États en développement qui n'ont pas
été en mesure soit de créer, soit de développer
leur propre capacité technique dans le domaine des sciences de la mer et
dans celui de l'exploration et l'exploitation des ressources marines, ni de
développer l'infrastructure qu'impliquent ces techniques».
697 Site internet du projet ODYSSEA:
http://odysseaplatform.eu/fr/home-fr/
698 PNUE/PAM, Quatorzième Réunion des Points
Focaux Thématiques SPA/DB, 2019.
699 Ibidem.
142
La CMB prévoit ainsi plusieurs moyens afin d'atteindre
l'objectif d'un transfert des techniques marines adapté aux besoins de
chaque région, notamment en matière de préservation du
milieu marin.
B. L'échange des données pour la
préservation du milieu marin
Pour réaliser un transfert effectif des techniques
marines affectées à la préservation du milieu marin, la
CMB encourage les Etats à échanger les données marines,
brutes et analysée700, collectées dans le cadre de la
recherche scientifique marine ou toute autre activité de collecte. La
CMB engage ainsi les Etats à échanger, directement ou par
l'intermédiaire des organisations internationales compétentes,
les données nécessaires à l'élaboration des
règles visant à protéger l'environnement marin à
partir de critère scientifiques701. Ces Etats, qui sont
déjà tenus de l'obligation générale «de
protéger et de préserver le milieu marin»702 et
de fournir aux autres Etats les informations nécessaires pour
prévenir et maîtriser les effets dommageables audit
milieu703, ont alors l'obligation de coopérer à
l'acquisition des connaissances requises pour lutter contre la pollution
marine704, notamment à travers l'échange des
renseignements et des données collectées.
700 DANIEL (T.), op. cit., p.15.
701 BEN SALEM (M.), «La recherche scientifique marine en
Méditerranée», op. cit., p.63.
702 L'article 192 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats ont l'obligation de protéger et de
préserver le milieu marin».
703 L'article 242 de la CMB précitée
prévoit: «1. En se conformant au principe du respect de la
souveraineté et de la juridiction, et sur la base de la
réciprocité des avantages, les États et les organisations
internationales compétentes favorisent la coopération
internationale en matière de recherche scientifique marine à des
fins pacifiques. 2. Dans ce contexte et sans préjudice des droits et
obligations des États en vertu de la Convention, un État,
agissant en application de la présente partie, offre aux autres
États, selon qu'il convient, des possibilités raisonnables
d'obtenir de lui ou avec sa coopération les informations
nécessaires pour prévenir et maîtriser les effets
dommageables à la santé et à la sécurité des
personnes et au milieu marin».
704 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, op. cit., pp. 33-34.
143
Ainsi, les articles 200 et 201 de ladite Convention
prévoient que «les Etats coopèrent, directement ou par
l'intermédiaire des organisations internationales compétentes,
[d'une part], en vue de promouvoir des études, entreprendre des
programmes de recherche scientifique et encourager l'échange de
renseignements et de données sur la pollution du milieu marin,
s'efforçant de participer activement aux programmes régionaux et
mondiaux qui visent l'acquisition des connaissances requises pour
déterminer la nature et l'ampleur de la pollution, l'exposition à
la pollution, les voies qu'elle emprunte, les risques qu'elle comporte et les
remèdes possibles»705, [et d'autre part], en vue
d'établir des critères scientifiques appropriés pour la
formulation et l'élaboration de règles et de normes, ainsi que de
pratiques et procédures recommandées visant à
prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu
marin»706, sur la base des renseignements et données
échangées.
Illustrons ceci avec l'échange des données
marines en Méditerranée pour l'élaboration de
règles juridiques visant à protéger les
cétacés de la pollution sonore causée par les instruments
de collecte des données. Ainsi, la CMB encourage la coopération
internationale à l'échelle régionale pour
l'élaboration de normes juridiques de protection du milieu marin qui
tiennent compte des particularités régionales707. Les
Etats riverains de la Méditerranée, qui «s'engagent à
coopérer directement ou [...] par l'entremise d'organisations
régionales ou autres organisations internationales qualifiées
dans le domaine de la science et de la technologie, ainsi qu'à
échanger des données et autres renseignements d'ordre
scientifique»708 en vertu du Protocole relatif aux aires
705 Article 200 de la CMB précitée.
706 Article 201 de la CMB précitée.
707 L'article 197 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats coopèrent au plan mondial et, le cas
échéant, au plan régional, directement ou par
l'intermédiaire des organisations internationales compétentes,
à la formulation et à l'élaboration de règles et de
normes, ainsi que de pratiques et procédures recommandées de
caractère international compatibles avec la Convention, pour
protéger et préserver le milieu marin, compte tenu des
particularités régionales».
708 L'article 13 de la Convention pour la protection du milieu
marin et des régions côtières de la
Méditerranée signée à Barcelone le 26 mai 1976,
telle que modifiée le 10 juin 1995, prévoit:
144
spécialement protégées et à la
diversité biologique en Méditerranée de la Convention pour
la protection du milieu marin et des régions côtières de la
Méditerranée, «échangent [alors] directement ou par
l'intermédiaire du centre des informations scientifiques et techniques
sur leurs programmes de recherche et de surveillance en cours et prévus,
ainsi que sur les résultats obtenus»709 en vertu du
protocole additionnel de ladite Convention relatif aux aires
spécialement protégées et à la diversité
biologique en Méditerranée.
Les cétacés en mer Méditerranée
sont menacés par les effets néfastes de la prospection sismique
pétrolière710, des levés militaires et de la
recherche
«1. Les Parties contractantes s'engagent, dans la mesure
du possible, à coopérer directement ou, s'il y a lieu, par
l'entremise d'organisations régionales ou autres organisations
internationales qualifiées dans les domaines de la science et de la
technologie, ainsi qu'à échanger des données et autres
renseignements d'ordre scientifique, aux fins de la réalisation des
objectifs de la présente Convention.
2. Les Parties contractantes s'engagent à promouvoir
la recherche, l'accès aux technologies écologiquement
rationnelles, y compris les technologies de production propre et le transfert
de celles-ci, et à coopérer à la formulation,
l'instauration et la mise en oeuvre de procédés de production
propre.
3. Les Parties contractantes s'engagent à
coopérer pour fournir une assistance technique et d'autres formes
possibles d'assistance dans les domaines en rapport avec la pollution du milieu
marin, en accordant la priorité aux besoins spéciaux des pays en
voie de développement de la
région méditerranéenne», disponible
sur
https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/7096/Consolidated_BC95_Fre.pdf?s
equence=2&isAllowed=y (consulté le 01-03-2021).
709 L'article 20 du protocole relatif aux aires
spécialement protégées et à la diversité
biologique en Méditerranée signé à Monaco le 24
novembre 1996 prévoit: «1. Les Parties encouragent et intensifient
leur recherche scientifique et technique touchant aux fins du présent
Protocole. Elles encouragent et intensifient aussi la recherche orientée
vers l'utilisation durable des aires et la gestion des espèces
protégées.
2. Les Parties se consultent, en tant que de besoin, entre
elles et avec les organisations internationales compétentes, en vue de
définir, de planifier et d'entreprendre des recherches scientifiques et
techniques et les programmes de surveillance nécessaires à
l'identification et au contrôle des aires et des espèces
protégées et d'évaluer l'efficacité des mesures
prises pour mettre en place des plans de gestion et de restauration.
3. Les Parties échangent directement ou par
l'intermédiaire du Centre des informations scientifiques et techniques
sur leurs programmes de recherche et de surveillance en cours et prévus,
ainsi que sur les résultats obtenus. Elles coordonnent, dans la mesure
du possible, leurs programmes de recherche et de surveillance et s'efforcent de
définir en commun ou de normaliser leurs méthodes.
4. Les Parties accordent la priorité en matière de
recherche scientifique et technique aux ASPIM et aux espèces figurant
dans les annexes au présent Protocole», disponible sur
https://www.sanctuaire-pelagos.org/en/resources/legislation/international-internazionale/22-protocole-biodiversite-asp/file
(consulté le 01-03-2021).
710 ROY (N.), «Sonars militaires et rorquals bleus : une
menace pour leur rétablissement?», Baleines en direct, le
13 juillet 2019, [en ligne]:
https://baleinesendirect.org/sonars-militaires-et-rorquals-bleus-une-menace-pour-leur-retablissement/
(consulté le 16-02-2021).
145
scientifique marine, trois activités de collecte de
données. En effet, les baleines font face au risque de collision avec
les navires, à la contamination de l'eau et de leurs proies par les
fuites de pétrole711, mais surtout aux dommages que leur
causent les sonars navals. Ces instruments sont utiles pour détecter la
structure des fonds marins712, les épaves713, les
sous-marins et les mines714, ou même enrichir les bases de
données de signatures acoustiques des animaux marins et des
navires715 mais constituent une source de pollution sonore
sous-marine et causent des échouages massifs de
baleines716.
L'énergie du son introduite dans le milieu marin par
ces sonars a des effets nuisibles sur tous les mammifères marins, mais
tout particulièrement les cétacés717. Ces
derniers sont en effet extrêmement sensibles aux perturbations
sonores718, ils peuvent être blessés et même
tués par celles-ci719. Les côtes des îles
Canaries furent ainsi témoins de l'échouage massif de quatorze
baleines en septembre 2002 suite à des exercices militaires de
l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (ci-après
OTAN)720 qui utilisaient des sonars navals de forte puissance.
Quatre autres baleines s'échouèrent sur ces mêmes
côtes pendant un autre exercice naval ayant recours au même
instrument en juillet 2004721. Une enquête scientifique fut
alors menée pour prouver le lien de causalité entre
711 Ibidem.
712 FRIKHA (A.), op. cit., p.24.
713 Ibidem.
714 ROY (N.), précité.
715 FRIKHA (A.), op. cit., p.24.
716 MAYER (N.), «Les sonars poussent les baleines au
suicide», Futura Sciences, le 31 janvier 2019, [en ligne]:
https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/baleine-sonars-poussent-baleines-suicide-47522/
(consulté le 16-02-2021).
717 LURTON (X.) et ANTOINE (L.), «Analyse des risques
pour les mammifères marins liés à l'emploi des
méthodes acoustiques en océanographie», Ifremer,
avril 2007, pp. 1-88, [en ligne]:
https://archimer.ifremer.fr/doc/00000/2390/
(consulté le 16-02-2021).
718Site officiel du Sanctuaire Pelagos:
https://www.sanctuaire-
pelagos.org/fr/menaces/nuisances-sonores-sous-marines
(consulté le 26-06-2020).
719 LABRIE (J.), «Sonars militaires et échouages
massifs: un lien confirmé», Baleines en
direct, le 15/02/2019, [en ligne]:
https://baleinesendirect.org/sonars-militaires-et-echouages-
massifs-un-lien-confirme/ (consulté le 16-02-2021).
720 Ibidem.
721 MAYER (N.), précité.
146
l'échouage des cétacés et l'utilisation
de ces instruments de collecte des données marines722.
Les résultats de cette recherche scientifique marine
démontrèrent que le bruit des sonars peut en effet provoquer une
réaction panique723 chez l'animal qui remonte brutalement des
grandes profondeurs, et meurt suite à un accident de
décompression724. Les ondes émises par ces SADO
peuvent également entraîner un traumatisme acoustique
générant des lésions internes de l'appareil auditif des
baleines725 qui meurent suite à cette blessure ou
s'échouent sur les côtes726. Et si la fréquence
des ondes émises par les sonars n'est pas assez puissante pour tuer les
baleines, elle perturbe la communication entre elles, leurs patrons
d'alimentation, de reproduction et de migration727, entrainant
à long terme une détérioration de leur état
physique, et un affaiblissement qui leur est fatal728.
Les résultats de cette recherche permirent de
comprendre les causes de la pollution marine, de mitiger ses
effets729 et de protéger l'environnement marin par le Droit
en fournissant une base scientifique à la réglementation
juridique de l'utilisation des sonars. Le Parlement européen adopta
alors la Résolution sur les
722LURTON (X.) et ANTOINE (L.), op. cit.,
pp.1-88.
723Ibidem.
724 BERNALDO DE QUIROS (Y.), FERNANDEZ (A.), BAIRD (R.),
BROWNELL (R.), AGUILAR DE SOTO (N.), ALLEN (D.), ARBELO (M.), ARREGUI (M.),
COSTIDIS (A.), FAHLMAN (A.), FRANTZIS (A.), GULLAND (F.), INIGUEZ (M.), JOHNSON
(M.), KOMNENOU (A.), KOOPMAN (H.), PABST (D.), ROE (W.), SIERRA (E.), TEJEDOR
(M.) et SCHORR (G.), «Advances in research on the impacts of
anti-submarine sonar on beaked whales», The issue, volume 286,
numéro 1895, Royal Society Publishing, le 30 janvier 2019, [en ligne]:
https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2018.2533
(consulté le 16-02-2021).
725LURTON (X.) et ANTOINE (L.), op. cit.,
pp.1-88.
726 Ibidem.
727 GILLIET (C.), «L'US Navy veut augmenter ses tests de
sonars actifs et les zones d'exercices», Baleines en direct, le
26 août 2010, [en ligne]:
https://baleinesendirect.org/lus-navy-veut-augmenter-ses-tests-de-sonars-actifs-et-les-zones-dexercices/
(consulté le 16-022021).
728 LURTON (X.) et ANTOINE (L.), op. cit., pp.1-88.
729Site web officiel de l'UNESCO:
http://www.unesco.org/new/fr/natural-sciences/ioc- oceans/focus-areas/rio-20-ocean/blueprint-for-the-future-we-want/marine-pollution/
(consulté le 16-02-2021).
147
incidences environnementales des sonars navals actifs à
haute intensité appelant à instaurer un moratoire sur
l'utilisation des sonars militaires730. L'Espagne qui appliqua ce
nouvel instrument juridique autour des îles Canaries en 2004, ne recensa
aucun échouage massif depuis731.
La Réunion des Parties de l'Accord sur la Conservation
des cétacés de la mer Noire, de la Méditerranée et
de la zone Atlantique adjacente (ci-après ACCOBAMS) proposa
également des lignes directrices pour faire face à l'impact du
bruit d'origine anthropique sur les cétacés dans la zone de
l'ACCOBAMS732 l'année suivante. La mer du Nord par contre,
fut témoin de l'échouage de neuf cent trente baleines en 2018 sur
les côtes écossaises733 et jusqu'à huit cent
chaque année sur les côtes anglaises734.
Les Etats riverains de cette région devraient
coopérer entre eux et avec les Etats de la Méditerranée
pour comprendre ce phénomène et lutter contre, oeuvrant ainsi
pour le progrès de la collecte des données marines,
nécessaire pour comprendre la pollution marine et développer des
instruments juridiques de protection de l'environnement marin de plus en plus
efficaces.
730 Parlement européen, Résolution sur les
incidences environnementales des sonars navals actifs à haute
intensité, 2004.
731 MAYER (N.), précité.
732 ACCOBAMS, Résolution 4.17, Résolution
portant lignes directrices pour faire face à l'impact du bruit
d'origine anthropique sur les cétacés dans la zone de
l'ACCOBAMS, 2005.
733 KERN (J.), «Une baleine échouée avec 100
kg de déchets plastique dans le ventre», Futura
Sciences, le 3 décembre 2019, [en ligne]:
https://www.futura-
sciences.com/planete/breves/baleine-baleine-echouee-100-kg-dechets-plastique-ventre-493/
(consulté le 16-02-2021).
734 RICHE (B.), «Échouage de centaines de baleines
en Nouvelle-Zélande», Baleines en direct, le 15 février
2017, [en ligne]:
https://baleinesendirect.org/echouage-de-centaines-de-baleines-en-nouvelle-zelande/
(consulté le 16-02-2021).
Conclusion
148
149
Permettant de localiser les ressources piscicoles et
énergétiques, la collecte des données marines
présente un intérêt économique d'une extrême
importance. Or, les richesses naturelles se trouvent dans les zones de la mer
que les Etats en voie de développement se sont appropriées tandis
que les techniques permettant leur exploration et leur exploitation sont entre
les mains des Etats industrialisés735. Les premiers utilisent
le régime draconien prévu pour la recherche scientifique marine
qu'ils étendent à d'autres activités de collecte de
données pour avoir un moyen de pression contre les seconds. Les Etats en
voie de développement se serviraient ainsi de l'octroi de leur
consentement comme d'une monnaie d'échange contre le transfert des
techniques marines.
Mais les Etats industrialisés sont réticents
à transférer leurs techniques et les Etats en voie de
développement leur refusent l'accès à leurs eaux pour y
effectuer des collectes de données marines. Le Droit de la mer octroie
en effet le pouvoir de refuser leur consentement aux uns, et n'oblige pas les
autres à transférer véritablement leurs techniques. Il
existe alors des zones d'ombre dans l'océan mondial, où les
données marines ne sont collectées ni par les Etats
industrialisés auxquels l'autorisation de mener des recherches est
refusée, ni par les Etats en voie de développement qui n'en ont
pas les moyens. Cette situation problématique endigue le progrès
de la collecte des données marines.
La solution nous paraît évidente. Que les Etats
industrialisés cèdent leurs techniques marines au profit de
l'Humanité et abdiquent, eux, ainsi que les Etats en voie de
développement, leurs droits en matière de collecte des
données marines, d'exploration et d'exploitation des ressources
naturelles, sur les parties de l'océan mondial qu'ils se sont
appropriées! Les richesses de la mer ainsi
735 SOUISSI (S.), op. cit, p.54.
150
considérée dans son unité seraient
exploitées au moyen des techniques mises au profit de l'Humanité
tout entière, et partagées équitablement.
GROTIUS n'a-t-il pas combattu l'appropriation maritime
plaidant que la mer, au même titre que l'air ou l'eau courante, et nous
rajouterons la science, appartiennent en commun à tous les
peuples736? SCELLE n'a-t-il pas combattu l'appropriation maritime au
nom de la solidarité internationale737? Nous avons
démontré tout au long de ce mémoire à quel point le
principe de la souveraineté maritime endigue la collecte des
données marines. Mais nous ne sommes pas non plus pour un retour
à la liberté des mers qui seraient alors qualifiées de
res nullius car ceci réinstaurerait une souveraineté de
fait.
La solution que nous pouvons souhaiter serait d'appliquer le
régime juridique déjà prévu par la CMB pour la Zone
internationale des fonds marins à la mer dans sa totalité. Les
compétences de l'Autorité internationale des fonds marins qui
oeuvre déjà pour l'intérêt de l'Humanité ne
seraient plus limitées aux activités de recherche, d'exploration
et d'exploitation dans la Zone. L'Autorité, devenue
«l'Autorité internationale de la Mer», se chargerait de
diriger d'une part, la recherche scientifique marine et de l'exploration des
ressources naturelles, et d'autre part, l'exploitation durable de celles-ci
à la lumière des résultats des recherches scientifiques.
Les ressources de l'océan mondial considérées comme le
patrimoine commun de l'Humanité seraient ensuite partagées de
manière équitable entre tous les Etats.
736 GROTIUS (1583-1645), dans son Mare Liberum,
publié en 1609 à la demande du gouvernement Hollandais pour
s'opposer aux prétentions de l'Espagne et de l'Angleterre, combattit la
thèse de l'appropriation des mers soutenue par SELDEN, LAVENUE (J.),
«Du statut des espaces au régime des activités: observations
sur l'évolution du Droit international», Revue belge du Droit
international, volume 2, 1996, p.420 [en ligne]:
http://rbdi.bruylant.be/public/modele/rbdi/content/files/RBDI%201996/RBDI%201996-2/Etudes/RBDI%201996.2%20-%20pp.%20409%20%C3%A0%20452%20-%20Jean-Jacques%20Lavenue.pdf
(consulté le 15-02-2021).
737 SCELLE (1878-1961) remit en cause
«l'exclusivité des approches territoriales, au nom des
intérêts communs de l'Humanité et d'une appartenance
à un cercle de solidarité supérieur aux Etats»,
Ibidem.
151
Nous avons bien conscience que l'ordre maritime mondial
établi par la CMB est le fruit d'un travail faramineux et que la
convocation d'une quatrième CNUDM n'est pas aisée. Mais la CNUDM
III ne fut-elle pas convoquée lorsque la majorité des Etats
réalisèrent que le Droit de la mer tel qu'il était
à l'époque ne servait plus leurs intérêts ? Quand
les Etats réaliseront que servir les intérêts de
l'Humanité sert les leurs, une telle conférence sera
convoquée pour instaurer un nouveau Droit de la mer juste !
Annexes
152
153
Annexe I. Projet de formulaire de demande
de consentement pour la conduite de recherches scientifiques marines
élaboré par la DOALOS
Annexe II. Projet de formulaire de
consentement à la conduite de recherches scientifiques marines
élaboré par la DOALOS
Annexe III. Projet de formulaire de
rapport préliminaire de l'expédition élaborée par
la DOALOS
Annexe IV. Demande de transfert de
techniques marines élaborée par la COI
154
Annexe I : Projet de formulaire de demande de
consentement pour la conduite de recherches scientifiques marines
élaboré par la DOALOS
DOALOS, Guide révisé pour l'application des
dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, op. cit., pp. 50-56.
Date:
1. Renseignements d'ordre
général
1.1 Nom et/ou numéro de l'expédition:
Nom:
Adresse :
Nom du directeur:
1.3 Chercheur responsable du projet:
Nom:
|
|
Pays:
|
|
Affiliation:
|
|
Adresse:
|
|
Téléphone:
|
|
Télécopie:
|
|
Courriel:
|
|
Site Internet (pour CV et photo):
|
|
1.4 Entité(s)/Participant(s) de l'État côtier
impliqué(s) dans la planification du projet:
Nom:
Pays:
155
Affiliation:
|
|
Adresse:
|
|
Téléphone:
|
|
Télécopie:
|
|
Courriel:
|
|
Site Internet (pour CV et photo):
|
|
2. Description du projet
2.1 Nature et objectifs du projet:
2.2 S'il s'agit d'un élément d'un projet
à plus grande échelle, donner le nom du projet et de
l'organisation responsable de sa coordination:
2.3 Projets de recherche pertinents déjà
réalisés ou prévus:
2.4 Publications antérieures en rapport avec le projet:
2. Espaces géographiques
|
|
3.1 Indiquer les espaces géographiques dans lesquelles
le projet doit être réalisé (latitudes et longitudes, y
compris les coordonnées de la route et de points de passage de
l'expédition)
|
|
3.2 Joindre une (des) carte(s) à l'échelle
appropriée (1 page, haute résolution) montrant les espaces
géographiques où il est prévu d'effectuer les travaux et,
dans la mesure du possible, la position et la profondeur des stations
d'échantillonnage, le tracé des levés et la localisation
des installations et du matériel.
|
|
4. Méthodes et moyens envisagés
4.1 Caractéristiques du navire :
156
Nom:
|
|
Type/Classe :
|
|
Nationalité (État du pavillon):
|
|
Numéro d'identification (OMI/Lloyds):
|
|
Site Internet pour schéma et
spécifications:
|
|
Propriétaire:
|
|
Exploitant:
|
|
Longueur totale (mètres):
|
|
Tirant d'eau maximal (mètres):
|
|
Déplacement/tonnage brut:
|
|
Propulsion:
|
|
Vitesse de croisière et vitesse de pointe :
|
|
Indicatif d'appel:
|
|
Numéro INMARSAT et méthode et capacité de
communication (y compris les fréquences d'urgence):
|
|
Nom du capitaine :
|
|
Nombre de membres d'équipage :
|
|
Nombre de chercheurs à bord:
|
|
Documents pertinents requis par les conventions et
règlement internationaux
|
|
Autres informations pertinentes:
|
|
157
4.2 Caractéristiques de l'aéronef:
Nom:
|
|
Marque/modèle :
|
|
Nationalité (État du pavillon):
|
|
Site Internet pour schéma et
spécifications:
|
|
Propriétaire:
|
|
Exploitant:
|
|
Longueur totale (mètres):
|
|
Propulsion:
|
|
Vitesse de croisière et vitesse de pointe
|
|
Numéro d'enregistrement:
|
|
Indicatif d'appel:
|
|
Méthode et capacité de communication (y compris
les fréquences d'urgence):
|
|
Nom du pilote :
|
|
Nombre de membres d'équipage :
|
|
Nombre de chercheurs à bord:
|
|
Caractéristique des systèmes de
détection:
|
|
Autres informations pertinentes:
|
|
4.3 Caractéristiques du véhicule sous-marin
autonome :
Nom:
|
|
|
Constructeur et marque/modèle :
|
|
|
Nationalité (État du pavillon) :
|
|
|
Site Internet pour schéma
spécifications:
|
et
|
|
Propriétaire:
|
|
|
158
Exploitant:
|
|
Longueur totale (mètres):
|
|
Déplacement/tonnage brut:
|
|
Vitesse de croisière et vitesse de pointe :
|
|
Rayon d'action/Autonomie :
|
|
Méthode et capacité de communication (y compris
les fréquences d'urgence):
|
|
Caractéristiques des méthodes de
détection:
|
|
Autres informations pertinentes:
|
|
4.4 Autre embarcation utilisée pour le projet, y compris
sa finalité :
4.5 Caractéristiques des méthodes et instruments
scientifiques:
Types d'échantillons et de mesures:
|
Méthodes utilisées:
|
qui
|
seront
|
Instruments utilisés:
|
qui
|
seront
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
4.6 Indiquer la nature et la quantité des substances
risquant d'être rejetées dans le milieu marin:
|
|
4.7 Indiquer s'il est prévu d'effectuer des forages.
Dans l'affirmative, veuillez préciser:
|
|
4. Escales:
7.1 Dates et noms des escales prévues:
7.2 Besoins logistiques particuliers dans les ports d'escale :
7.3 Nom/adresse/téléphone de l'agent maritime (si
disponibles):
159
4.8 Indiquer si des explosifs seront utilisés. Dans
l'affirmative, veuillez en indiquer le type et la marque, la composition
chimique, la classe commerciale, le mode d'arrimage, la taille, la profondeur
de détonation, la fréquence de détonation et la position
en latitude et longitude :
5. Installations et matériel
Précisions concernant les installations et le
matériel (notamment les dates de la mise en place, de l'utilisation et
de la récupération, la méthode et le calendrier
prévus pour la récupération, et, dans la mesure du
possible, la localisation et la profondeur exactes et les mesures):
6. Dates:
6.1 Dates prévues de la première arrivée du
navire de recherche et/ou d'autres plateformes dans la zone des recherches et
de son dernier départ de la zone :
6.2 Indiquer si plusieurs entrées sont prévues:
160
8. Participation du représentant de l'État
côtier
|
8.1 Modalités de la participation du
représentant de l'État côtier au projet de recherche :
|
|
8.2 Dates et ports prévus pour l'embarquement/le
désembarquement:
|
|
|
9. Accès aux données, échantillons
et résultats des recherches
|
9.1 Dates prévues pour la communication à
l'État côtier du rapport préliminaire devant inclure les
dates escomptées de la communication des données et des
résultats finals:
|
|
9.2 Dates prévues pour la communication par l'État
côtier du rapport final:
|
|
9.3 Moyens envisagés pour donner à l'État
côtier accès aux données (notamment leur format) et aux
échantillons:
|
|
9.4 Moyens envisagés pour fournir à
l'État côtier une évaluation des données, des
échantillons et des résultats des recherches:
|
|
9.5 Moyens envisagés pour fournir une assistance
technique dans l'évaluation et l'interprétation des
données, des échantillons et des résultats des
recherches:
|
|
9.6 Moyens envisagés pour diffuser le résultat
des recherches à l'échelle internationale :
|
|
10. Autres permis demandés
|
10.1 Indiquer les autres types de permis de l'État
côtier prévus pour cette recherche (reçus ou en
attente):
|
|
11. Liste des documents justificatifs
|
|
11.1 Liste des pièces jointes, comme les formulaires
supplémentaires requis par l'État côtier, etc. :
|
|
Signature :
Coordonnées du point focal :
Nom:
Pays:
161
Affiliation: Adresse : Téléphone :
Télécopie : Courriel:
162
Annexe II : Projet de formulaire de consentement
à la conduite de recherches scientifiques marines élaboré
par la DOALOS
DOALOS, Guide révisé pour l'application des
dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, op. cit., pp.57-58.
(Formule d'ouverture de politesse)
....et a l'honneur de se référer à (document
de l'Ambassade présentant la
demande) en date du concernant la recherche scientifique
marine envisagée par Mme/M. (chercheur responsable). Le
Ministère a le plaisir d'annoncer que le projet de recherche
scientifique marine (numéro de référence du projet) qu'il
est prévu de réaliser dans (la mer territoriale/la zone
économique exclusive/le plateau continental) de (État
côtier) entre le (date) et le (date) inclus a été
approuvé, sous réserve que les conditions indiquées
ci-dessous soient satisfaites.
La participation de (nom et coordonnés du (des)
participant(s) de l'État côtier) soit assurée. Les
informations concernant l'entrée et la sortie (de la mer territoriale/de
la zone économique exclusive/du plateau continental) et les ports
d'arrivée et de départ ainsi que des rapports quotidiens de
position soient communiqués à (indiquer les voies par lesquelles
ces notifications doivent être transmises). Les rapports
préliminaires soient remis dans les délais prévus dans la
demande
Toutes les données et échantillons issus du
projet de recherche scientifique marine soient accessibles, et que les
données soient communiquées au(x) participant(s). Les
données pouvant être copiées et les échantillons
pouvant être divisés ainsi que les copies des rapports
établis, ou bien les renseignements concernant l'endroit où ces
données et rapports peuvent être
obtenus, soient communiqués à sous une forme
acceptable à (l'État côtier) dès que possible
mais de préférence au plus tard 12 mois après la fin du
programme de recherche prévu. Les informations seront
considérées comme publiques et mises à disposition par
Internet, sauf s'il en est convenu autrement avec le gouvernement de
(l'État côtier). Les données, les échantillons et
les résultats des recherches soient évalués et/ ou une
aide soit fournie pour cette évaluation ou interprétation.
163
Les directives ci-jointes (sécurité, acoustique,
carte de zones protégées, liste des espèces
menacées pertinentes en vertu de la Convention sur le commerce
international des espèces de faune et de flore sauvages menacées
d'extinction (CITES), etc.) soient respectées.
Les modifications au programme de recherche autorisé
soient transmises à
(nom, téléphone, courriel du Bureau de
recherche scientifique marine ou du point focal). Les installations et
matériel de recherche scientifique soient enlevés à la fin
de la recherche. Un rapport final soit présenté dans un
délai raisonnable.
(Formule finale de politesse) Date :
Sceau diplomatique
Annexe III: Projet de formulaire de rapport
préliminaire de l'expédition élaborée par la
DOALOS
DOALOS, Guide révisé pour l'application des
dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, op. cit., p.59.
Nom/numéro de l'expédition:
Autorisations:
Etat côtier
|
Numéro du
d'autorisation
|
document
|
Participant(s) (nationaux)
|
national
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Chercheur chargé de la présentation du rapport:
Nom:
|
|
Pays:
|
|
Affiliation:
|
|
Adresse:
|
|
Téléphone:
|
|
Télécopie:
|
|
Courriel:
|
|
Site Internet (pour CV et photo):
|
|
Brève description de l'objectif scientifique :
164
Mise à jour des dates prévues pour la
présentation des résultats finals:
165
Métadonnées:
|
(Localisation des stations, variables
mesurées, types d'échantillons)
|
Données brutes:
|
|
Données traitées:
|
|
Analyse des données:
|
|
Enregistrement des données WODC (le cas
échéant):
|
Numéro d'accès:
|
Annexer une image ou une URL indiquant la position de la
plate-forme, les lieux où les mesures ont été prises et le
parcours effectif de l'expédition:
166
Annexe IV: Demande de transfert de techniques marines
élaborée par la COI
COI, Document IOC/INF-1203, Critères et principes
directeurs de la COI concernant le transfert de techniques marines, 2005,
pp. 13-14.
1 Données concernant le(s) demandeur(s)
Nom:
Adresse:
Téléphone:
Fax:
Courrier électronique:
Responsable ou correspondant (s'il y a lieu):
2. Nature du (des) demandeur(s)
D secteur public / institution gouvernementale
D organisation non gouvernementale
D institution privée
D autre (préciser)
3. Objet de la demande de transfert de techniques marines
Prière de décrire brièvement les
principaux objectifs et les résultats escomptés de la demande de
transfert de techniques marines
4. Type de techniques marines demandé
D informations et données
D documentation
D équipement
D logiciel
D savoir-faire
D autre
Observations / descriptif technique
5. 167
Apports éventuels du demandeur
Prière d'indiquer brièvement les
activités prévues ou entreprises par le demandeur en rapport avec
l'objet de la demande de transfert de techniques marines
6. Autres informations pertinentes
Lieu et date Signature du bénéficiaire
Signature de l'autorité
gouvernementale compétente
168
Bibliographie
169
Les références bibliographiques seront
présentées comme suit :
l Ouvrages généraux
l Ouvrages spécialisés
l Dictionnaires juridiques, lexiques et
encyclopédies en ligne
l Thèses
l Mémoires
l Articles, contributions à des ouvrages
collectifs et des colloques et rapports
I. Articles en Droit international
II. Articles en science naturelle
III. Articles d'information
IV. Autres articles
V. Rapports divers
Textes et documents officiels
I. Textes et documents officiels internationaux
1. Instruments conventionnels
A. Instruments conventionnels universels
B. Instruments conventionnels régionaux
C. Accords bilatéraux
2. Documents institutionnels
A. Documents des organisations internationales universelles
B. Documents des institutions internationales
régionales
II. Textes et documents officiels nationaux
III. Jurisprudence
Sites et portails internet
I. Sites et portails des institutions internationales
II. Sites des institutions régionales
III. Sites des institutions nationales
IV. Sites et portails des services d'observation de
l'océan
V. Magazines scientifiques en ligne
VI. Sites d'information
VII. Autres sites internet
170
Ouvrages généraux
FORTEAU (M.) (dir.) et THOUVENIN (J.) (dir.),
Traité de Droit international de la mer, Paris, Pedone, 2017,
1322 pp.
LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome I, Cadre
institutionnel et milieu marin, Paris, éditions Cujas, 1979, 210
pp.
LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome II, Le Droit des
communications maritimes, Paris, éditions Cujas, 1979, 194 pp.
LANGAVANT (E.), Droit de la mer, tome III, Les moyens de
la relation maritime, Paris, Cujas, 1979, 243 pp.
LUCCHINI (L.), VOELCKEL (M.), Droit de la mer, Tome I. La
mer et son Droit, Paris, Pedone, 1990, 640 pp.
LUCCHINI (L.), VOELCKEL (M.), Droit de la mer, Tome II.
Délimitation, navigation et pêche, volume I. délimitation,
Paris, Pedone, 1990, 424 pp.
MOUSSA (F.), La Tunisie et le Droit de la mer, Tunis,
Imprimerie officielle de la République tunisienne, 1981, 144 pp.
PANCRACIO (J.), Droit de la mer, Paris, Dalloz, 2010,
536 pp.
Ouvrages spécialisés
FREYMOND (O.), Le statut de la recherche scientifique
marine en Droit international, Librairie de l'université Georg
& cie S.A, Genève, 1978, 164 pp.
Dictionnaires juridiques, lexiques et
encyclopédies en ligne
BRAUDO (S.), Dictionnaire juridique, [en ligne]:
https://www.dictionnaire-juridique.com/
Encyclopédie LAROUSSE, 2020, [en ligne]:
http://www.larousse.fr/ Encyclopædia Universalis, 2020, [en
ligne]: https://www.universalis.fr/
GINCHARD (S.) et DEBARD (T.), Lexique des termes
juridiques, 20ème édition, Paris, Dalloz, 2013, 900 pp.
Thèses
BEN SALEM (M.), La recherche scientifique marine à
l'épreuve du Droit de la mer. développement et entrave,
Thèse en Droit, Faculté des sciences juridiques politiques et
sociales de Tunis, 2016.
171
LAW-CHUNE (S.), Apport de l'océanographie
opérationnelle à l'amélioration de la prévision de
dérive océanique dans le cadre d'opérations de recherche
et de sauvetage en mer et de lutte contre les pollutions marines,
Thèse en océanographie physique, Université Paul Sabatier
- Toulouse III, 2012.
MONARI (L.), Utilisation et abus de l'espace aérien
international, Thèse en Droit, Mac Gill University, 1996.
SAKAI (L.), La souveraineté permanente sur les
ressources naturelles et la protection internationale des Droits de
l'Homme, Thèse en Droit, Université Panthéon-Sorbonne
Paris I, 2014.
YAHYAOUI (M.), La Tunisie et le Droit de la mer,
Thèse en Droit, Université Panthéon-Sorbonne Paris I,
1994.
Mémoires
FRIKHA (A.), La collecte des données
océanographiques: singularité ou diversité du
régime juridique?, Mémoire en affaires maritimes,
Académie navale Menzel Bourguiba, 2019.
SANHAJI (S.), Le Droit des fouilles
archéologiques, Mémoire en Droit, Université
Panthéon-Sorbonne Paris I, 1998.
SOUISSI (S.), Les aspects économiques du nouveau
Droit de la mer, Mémoire en Droit, Université de Nantes,
1980.
Articles, contributions à des ouvrages
collectifs et des colloques et rapports
I. Articles en Droit international
BEN SALEM (M.), «La recherche scientifique marine en
Méditerranée», in MOUSSA (F.) (dir.) et LAGHMANI
(S.) (dir), La mer Méditerranée entre territorialisation et
coopération, colloque organisé du 18 au 20 février 2010
à Tunis, Faculté des sciences juridiques politiques et
sociales de Tunis, 2013, pp. 53-68.
BORK (K.), «The Legal Regulation of Floats and Gliders.
In Quest of a New Regime?», Ocean development & international
law, volume 39, numéro 3,
2008, pp. 298-328, [en ligne]
https://www.researchgate.net/publication/232914703_The_Legal_Regulation
_of_Floats_and_Gliders-In_Quest_of_a_New_Regime (consulté le
15-022021).
BOURTZIS (T.) et GERASIMO (R.), «Marine scientific
research in modern law of the sea LOSC and reality», International
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en mer (Convention SOLAS), Londres, le 17 juin 1960.
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l'espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps
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Méditerranée contre la pollution, Barcelone, le 16 février
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Convention pour la protection du milieu marin et des
régions côtières de la Méditerranée,
Barcelone, le 26 mai 1976.
Protocole relatif aux aires spécialement
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Méditerranée, Monaco, le 24 novembre 1996.
Accord sur la Conservation des Cétacés de la
Mer Noire, de la Méditerranée et de la zone Atlantique adjacente
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la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume III, pp. 266-267.
ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.26, Documents officiels de
la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume IV, pp.213-215.
ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.29, Documents officiels de
la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume IV, pp.216-218.
ONU, Document A/CONF.62/WP.8/Rev.1/PartIII, Documents
officiels de la troisième conférence des Nations Unies sur le
Droit de la mer, volume V, pp.173-184.
ONU, Document A/CONF.62/WP.10, Documents officiels de la
troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume VIII, pp.1-64.
ONU, Document A/CONF.62/80, Documents officiels de la
troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume XII, p.56.
ONU, Document: A/CONF.62/C.3/SR.46, Documents officiels de
la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume XIV, pp.102-104.
181
ONU, Document A/CONF.62/122, Documents officiels de la
troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la
mer, volume XVII, pp. 151221.
ABE-LOS
Première session, 2001.
Deuxième session, 2002. Troisième
session, 2003. Quatrième session, 2004.
Cinquième session, 2005. Sixième session, 2006.
Septième session, 2007. Huitième session,
2008.
AGNU
Résolution 1105 (XI), Conférence
internationale de plénipotentiaires chargée d'examiner le droit
de la mer, A/RES/1105(XI) (21 février 1957).
Résolution 1803 (XVII), Souveraineté
permanente sur les ressources naturelles, A/RES/1803 (14 décembre
1962).
Résolution 2749 (XXV), Déclaration des
principes régissant le fond des mers et des océans, ainsi que
leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction nationale,
A/RES/2749(XXV) (17 décembre 1970).
Résolution 3067(XXVIII), Affectation à des
fins exclusivement pacifiques du fond des mers et des océans ainsi que
de leur sous-sol, en haute-mer, au-delà des limites de la juridiction
nationale actuelle et exploitation de leurs ressources dans
l'intérêt de l'humanité, et convocation de la
troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer,
A/RES/3067(XXVIII) (16 novembre 1973).
Résolution 66/28, Résolution portant
l'avenir que nous voulons
A/RES/66/288 (27 juillet 2012).
Résolution 67/78, Les océans et le Droit de
la mer A/RES/67/78 (11 décembre 2012).
Résolution 74/19, Les océans et le Droit de
la mer, A/RES/74/19 (10 décembre 2019).
182
AIFM
Règlement relatif à la prospection et
à l'exploration des nodules polymétalliques dans la Zone,
2000.
Résolution ISBA/12/A/11, Création d'un Fonds
de dotation pour la recherche scientifique marine dans la Zone, 2006.
COI
Résolution XIX-19, La COI et l'UNCLOS,
1997.
Résolution XXI-2, La COI et l'UNCLOS, 2001.
Résolution XXII-12, Principes directeurs concernant
le transfert des techniques marines, 2003.
Document IOC/INF-1203, Critères et principes
directeurs de la COI concernant le transfert de techniques marines,
2005.
Résolution XXIII-8, Procédure concernant
l'application de l'article 247 de la CNUDM par la COI de l'UNESCO,
2005.
Résolution EC-XLI.4, Principes directeurs pour la
mise en oeuvre de la résolution XX-6 de l'Assemblée de la COI
concernant le déploiement de flotteurs-profileurs en haute mer dans le
cadre du Programme Argo, 2008.
Rapport technique sur la portée de
l'océanographie opérationnelle, 2012.
DOALOS
Guide révisé pour l'application des
dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, 2011.
FAO
Code de conduite pour une pêche responsable,
1995.
Rapport sur la situation mondiale des pêches et de
l'aquaculture, contribuer à la sécurité alimentaire et
à la nutrition de tous, 2016.
JCOMM
Guide des procédures opérationnelles de
collecte et d'échange des données océanographiques de la
JCOMM, 1999.
183
OMI
Résolution A.572(14), Dispositions
générales relatives à l'organisation du trafic
maritime, 1985
Résolution A.671 (16), Résolution relative
aux zones de sécurité de la navigation autour des installations
et des ouvrages offshore, 1989.
OMM
Résolution 16 (Cg-VIII), Résolution sur la
question de la participation de l'OMM à l'océanographie
opérationnelle, 1979.
Plan général et programme de mise en oeuvre
du système mondial intégré de services océaniques
pour 1982-1985, 1982.
Résolution 40 (Cg-XII), résolution portant
politique et pratique adoptées par l'OMM pour l'échange de
données et de produits météorologiques et connexes et
principes directeurs applicables aux relations entre partenaires en
matière de commercialisation des services
météorologiques, 1995.
Guide pratique climatologique, 2011.
Politique de l'OMM pour l'échange international des
données et des produits climatologiques nécessaires à la
mise en oeuvre du Cadre mondial pour les services climatologiques.
PNUE/PAM
Quatorzième réunion des points focaux
thématiques SPA/DB, 2019.
UIT
Groupe de travail conjoint UIT-COI-OMM, Rapport sur
l'utilisation des câbles sous-marins pour la surveillance du climat et
d'alerte en cas de catastrophe naturelle, perspectives et enjeux juridiques,
2012.
UNESCO
Recommandation de l'UNESCO définissant les principes
internationaux à appliquer en matière de fouilles
archéologiques, New Delhi, le 5 novembre 1956.
184
B. Documents des institutions internationales
régionales
ACCOBAMS
Résolution 4.17, Résolution portant lignes
directrices pour faire face à l'impact du bruit d'origine anthropique
sur les cétacés dans la zone de l'ACCOBAMS, 2005.
Parlement européen
Résolution sur les incidences environnementales des
sonars navals actifs à haute intensité, 2004.
II. Textes et documents officiels nationaux
Belgique
Loi du 22 avril 1999 concernant la zone économique
exclusive de la Belgique en mer du Nord.
Canada
Service hydrographique du Canada, Guide d'étude
pour l'examen d'arpenteur fédéral, 1989.
Chine
Loi du 25 février 1992 sur la mer territoriale et la
zone contiguë de la République populaire de Chine.
Loi du 26 juin 1998 sur la ZEE et le plateau continental de la
République populaire de Chine.
Etats-Unis
Proclamation présidentielle numéro 2667
concernant la politique des Etats-Unis au sujet des ressources naturelles du
sous-sol et du lit de la mer du plateau continental (Déclaration
Truman), le 28 septembre 1945.
Proclamation présidentielle numéro 2668
concernant la politique des Etats-Unis concernant les pêcheries
côtières dans certaines zones de la haute mer, le 28
septembre 1945.
Proclamation présidentielle numéro 5030
concernant la ZEE des Etats-Unis, le 10 mars 1983.
France
SHOM, Programme national d'hydrographie 2017_2020,
2017.
Décret n° 2017-956 du 10 mai 2017 fixant les
conditions d'application des articles L. 251-1 et suivants du code de la
recherche relatifs à la recherche scientifique marine.
185
Pays-Bas
Loi du 27 mai 1999 portant création d'une ZEE.
Russie
Statut de la ZEE de la Fédération de Russie du 2
décembre 1998.
Tunisie
Loi n°85-6 du 22 février 1985 portant ratification
de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer, JORT,
n°17 du 1 mars 1985, p.310.
Décret n° 97-1836 du 15 septembre 1997 relatif
à l'exercice des activités de recherche scientifique,
d'exploration, de levé et de forage par des navires dans les eaux et le
plateau continental tunisiens, JORT, n°77 du 26 septembre 1997,
pp. 1803-1807.
Décret gouvernemental n° 2019-144 du 18
février 2019, portant création d'une commission
ministérielle et d'un secrétariat général des
affaires maritimes, JORT, n° 16 du 22 février 2019, pp.
421-425.
III. Jurisprudence
CIJ, arrêt du 19 décembre 1978, Affaire du
plateau continental de la mer Egée, (Grèce contre Turquie),
Recueil 1978.
Mémoire déposé par le gouvernement du
Pérou, l'affaire du différend maritime (Pérou contre
Chili), volume I, le 20 mars 2009.
Sites et portails internet
I. Sites et portails des institutions internationales
AIEA: https://www.iaea.org/
AIFM:
https://isa.org.jm
CIJ:
https://www.icj-cij.org
COI:
http://www.unesco.org/new/fr/natural-sciences/ioc-oceans
HCDH:
https://www.ohchr.org/FR/Pages/Home.aspx
JCOMM:
https://www.jcomm.info
OMI:
http://www.imo.org
OMM:
https://public.wmo.int
UIT:
https://www.itu.int/fr/Pages/default.aspx
UNESCO:
http://www.unesco.org
186
II. Sites des institutions régionales
Sanctuaire Pelagos:
https://www.sanctuaire-pelagos.org
Projet ODYSSEA:
http://odysseaplatform.eu/fr/home-fr/
III. Sites des institutions nationales
Ifremer:
https://wwz.ifremer.fr
Etablissement de la Radio et Télévision de Turquie:
https://www.trt.net.tr
IV. Sites et portails des services d'observation de
l'océan
EuroGOOS:
http://eurogoos.eu
IRIS:
http://ds.iris.edu/seismon/index.phtml
V. Magazines scientifiques en ligne
Futura Science:
https://www.futura-sciences.com
Baleines en direct:
https://baleinesendirect.org
Pour la science:
https://www.pourlascience.fr
VI. Sites d'information
Almanar TV: http://french.almanar.com.lb/
Almayadeen TV: https://m.almayadeen.net/ Israel Defense:
https://www.israeldefense.co.il/en
Ouest France: https://www.ouest-france.fr/
VII. Autres sites internet
Site de l'association franco-équatorienne Nuca
LLacta:
http://nucayagta.free.fr/index.htm
187
Table
des illustrations
188
Illustration n°1. La mer Noire, la mer Caspienne
et la mer d'Aral 5
Illustration n°2. La surveillance des tremblements
de terre en mer
Méditerranée par le système d'observation
mondial IRIS 19
Illustration n°3. Le réseau mondial des
flotteurs Argo 50
Illustration n°4. Les nouveaux systèmes
d'acquisition des données marines
90
Illustration n°5. Le réseau mondial des
câbles de télécommunication 96
Illustration n°6. Les ZEE visitées par deux
sternes arctiques portant des balises
émettrices 111
189
Table
des matières
190
Liste des abréviations IV
Sommaire VI
Introduction 1
Partie 1. Le Droit de la mer ne favorise pas le
développement des activités
de collecte des données marines 22
Chapitre 1. Un encadrement lacunaire des
activités de collecte des
données marines 24 Section I.
La définition de la recherche scientifique marine
absente de la Convention de Montego Bay
24 Paragraphe I. Les tentatives de définition de la recherche
scientifique
marine .. ..... 25
A. Le sens ordinaire du terme «recherche scientifique
marine» 25
B. La distinction entre la recherche scientifique pure et la
recherche
Industrielle 27 Paragraphe II. Les raisons de l'absence
de définition de la recherche
scientifique marine 30
A. Un régime juridique unique .... 30
B. La protection des intérêts de l'Etat
côtier . 33
Section II. Une catégorisation incertaine des
activités de collecte des
données marines 34 Paragraphe I. Le
critère de l'affectation des données marines collectées
à des fins commerciales 35
A. L'exploration des ressources naturelles 35
B. L'exploration des ressources archéologiques
40 Paragraphe II. Le critère de l'affectation des données
marines
collectées à la sécurité de la
navigation 48
A. Les activités d'observation océanographique
49
B. Les levés 52
Chapitre 2. Un encadrement astreignant de la
recherche
scientifique marine 57 Section I.
Les pouvoirs de l'Etat côtier en matière de recherche
scientifique marine 57 Paragraphe I. Le principe du
consentement de l'Etat côtier à la
recherche scientifique 58
A. Le consentement nécessaire dans les zones sous la
souveraineté de
l'Etat côtier 58
B. La persistance du consentement dans les zones sous la
juridiction de l'Etat côtier 61 Paragraphe II. Le
pouvoir discrétionnaire de l'Etat côtier dans l'octroi
de son consentement 64
A. Un consentement subordonné à des conditions
excessives 64
191
B. La décision de l'Etat côtier de ne pas octroyer
son consentement . 68
Section II. La tentative d'équilibre entre les
droits de l'Etat côtier
et les libertés des chercheurs 74 Paragraphe I.
Les garanties des chercheurs en matière de
recherche scientifique marine dans les zones sous juridiction
74
A. Le recours juridictionnel en cas de refus abusif du
consentement 74
B. Les atténuations du principe du consentement dans les
zones sous
la juridiction de l'Etat côtier 78 Paragraphe II. Les
limites de la liberté de la recherche scientifique
marine au-delà des zones sous juridiction . . 82
A. Les principes généraux régissant la
conduite de la recherche
scientifique marine 82
B. Des recherches effectuées à des fins
exclusivement pacifiques 85
Partie 2. Le Droit de la mer ne favorise pas le
développement
des techniques marines 88
Chapitre 1. Un encadrement juridique qui ne facilite
pas l'emploi
des systèmes d'acquisition des données
marines 90
Section I. Une qualification incertaine des SADO 91
Paragraphe I. Une catégorisation ambiguë des SADO .
91
A. L'absence de critères de distinction entre les
différents SADO ............ 91
B. Des SADO ne correspondant à aucune catégorie
juridique existante....... 95 Paragraphe II. L'enjeu d'une distinction claire
entre les
différentes catégories de SADO . 99
A. Les conditions relatives à la présence des SADO
dans les
différentes zones maritimes 99
B. Les conditions de sécurité 102
Section II. L'inapplicabilité du régime
de la recherche scientifique
marine aux nouveaux SADO . 106 Paragraphe I. Une
catégorisation inadaptée au matériel qui risque
de traverser les frontières maritimes 106
A. La dérive des flotteurs dans les zones sous
juridiction de
l'Etat côtier 107
B. L'entrée des balises dans les zones de droits
souverains de
l'Etat côtier 109 Paragraphe II. Une
catégorisation inadaptée au matériel qui collecte
des données marines à distance 113
A. Une collecte de données effectuée depuis deux
localisations
géographiques 113
B. Un régime juridique incertain .......... 115
Chapitre 2. Un encadrement juridique qui ne facilite pas
le transfert
des techniques marines 119
Section I. Le cadre du transfert des techniques marines
.
192
119
Paragraphe I. L'objectif d'une répartition plus
équilibrée des sciences
et des techniques marines 120
A. Remédier au retard scientifique et technique des Etats
en voie de
développement hérités du colonialisme
120
B. L'Autorité, garante des intérêts des
Etats en voie de
développement et des Etats industrialisés
123 Paragraphe II. Des moyens insuffisants pour atteindre l'objectif
annoncé 129
A. Des dispositions trop vagues pour réaliser un
véritable
transfert des techniques marines 129
B. L'élaboration nécessaire de principes
directeurs 131
Section II. La mise en oeuvre du transfert des techniques
marines 134
Paragraphe I. Le transfert des techniques marines à
l'échelle mondiale 134
A. Les principes directeurs de la COI concernant le transfert
des
techniques marines 135
B. Les mesures prises par la COI en vue d'atteindre les
objectifs du
transfert des techniques marines 137
Paragraphe II. Le transfert des techniques marines à
l'échelle régionale 139
A. Les moyens de la coopération régionale 139
B. L'échange des données pour la
préservation du milieu marin 142
Conclusion 148
Annexes 152
Annexe I . 154
Annexe II 162
Annexe III ... 164
Annexe IV .. 166
Bibliographie 168
Table des illustrations 187
Table des matières 189
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