Chapitre IV. DISCUSSION DES RESULTATS
Dans ce travail 162 patients ont été inclus dont
54 ayant été déclarés perdus de vue au cours du
traitement de la TB comparés à 108 autres patients ayant suivi le
traitement entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2014. Les
résultats de la figure 1 montrent que la tendance à interrompre
le traitement par les patients avait un peu diminué entre 2011 et 2012
et qui a augmenté en 2013 dans la ZS d'Ibanda (8,2% en 2011, 6,89% en
2012, 12, 59% en 2013 et 6,75% en 2014. Ces résultats de 2014 sur
l'interruption du traitement est le fruit des efforts conjugués par le
gouvernement congolais à travers le PNLT et les résultats de la
figure 1 montrent que l'hôpital général de
référence de Panzi a proportion élevée des patients
tuberculeux (28,4%) par rapport aux autres centres de prise en charge.
Ces résultats sont en association avec des conclusions
d'une étude menée au Tchad en 2012 par Ndeindo N (26). Cette
étude a montré qu'au niveau des structures de prise en charge,
les CDT les plus fréquentées peuvent dans certains cas
présenter les flux de tout sens soit dans le suivi des soins, soit dans
l'abandon ou soit déterminer le mode de traitement vue les couches que
ces grandes structures desservent ; les types de premiers recours aux soins des
patients étaient dans l'ordre décroissant dont les hôpitaux
(28,4 %), les parcours des soins aboutissant à l'HGRN semblaient avoir
compté plus d'étapes, p<0,0001.
Eu égard aux résultats du tableau 3, nous
trouvons que 58% des patients tuberculeux sont de la tranche de 30 ans et plus
et dont l'âge médian des patients est de 32 (4-71) ans mais les
résultats montrent que la catégorie la plus touchée se
situe entre 15 et 45 ans (73,5%). De la conclusion de plusieurs études
déjà menées sur la TB (7), a montré que cette
maladie sévit dans les couches de population actives ou inactives, 60
ans et plus. Ces résultats montrent que le sexe masculin est plus
affecté par la TB (66,7%) que le sexe féminin (33,3%) soit un
sexe ratio H/F de 2. Ces résultats se rencontrent avec ceux
trouvés par Tachfouti N et ses col (27) qui, les résultats de
leur étude ont trouvé que la proportion des abandons était
plus importante chez les hommes : 30.5% versus 13,6%.
Une étude menée au Tchad en 2012 par Ndeindo N
(26) a trouvé que l'âge médian des enquêtés
était de 32 ans, plutôt masculin (2 hommes pour 1 femme), la
moitié des patients appartenait à une classe socioprofessionnelle
défavorisée.
Partant du niveau d'étude, nous observons que 21% n'ont
pas étudié, 35,2% ont fait seulement l'école primaire,
38,3% ont étudié jusqu'à l'école secondaire et
seulement 5,6% ont étudié jusqu'à l'université. Par
rapport à la profession des patients, 43,8% n'ont pas d'emploi, 6,8%
sont des militaires, 4,9% sont des policiers, 7,4% sont des
élèves, 1,2% sont des étudiants, 13,6% sont des
fonctionnaires publics et privés, 11,1% sont des commerçants et
11,1% sont des cultivateurs, ménagères, mécaniciens et
artisans. De ces mêmes résultats, 66,7% des patients proviennent
de la zone de santé d'Ibanda et 33,3% proviennent d'autres zones de
santé zones de santé périphériques; 44,4% de ces
patients sont des catholiques, 36,4% sont des protestants, 9,3% sont des
kimbanguistes, 7,4% des musulmans et 2,5% sont des témoins (tableau
3).
Partant du tableau 4, les résultats issus de
l'étude indiquent qu'il y a relation entre l'interruption du traitement
et le niveau d'étude s'associe positivement, OR= 1,11(4,10-18,69) et
p=0,03. Les mêmes résultats indiquent que partant de la profession
des patients TB, par rapport au groupe de comparaison, 32,4% sont sans emploi,
54,5% sont des militaires, 100% des abandons sont des policiers ; par rapport
aux patients ayant interrompu le traitement, 42,5% sont sans emploi, 25,9% sont
des militaires et policiers.
Les résultats issus de cette étude montrent que
l'interruption du traitement est déterminée par la profession ou
la fonction des patients dans la zone de santé d'Ibanda, p=0,00. Ces
résultats montrent que la religion ou l'apparence à une
communauté chrétienne quelconque peut déterminer
l'interruption du traitement, p= 0,00.
Ces résultats corrèlent positivement avec ceux
publiés par plusieurs études dont celle menée par
Gelmanova IY. (1) qui a trouvé que l'adhésion au traitement anti
bacillaire semble être un phénomène multidimensionnel et
multifactoriel déterminé par l'interaction de quatre principaux
jeux de facteurs: des facteurs liés au patient dont certaines
caractéristiques sociodémographiques : âge, niveau
d'éducation, religion, culturel et économiques comme la
profession ou le niveau de ménage et que ces facteurs s'associaient
significativement à l'abandon du traitement de la TB (p
inférieure à 0,05).
Par ailleurs, il n'y a pas de différence
statistiquement significative entre l'interruption du traitement et le sexe,
l'interruption du traitement et l'état civil, l'interruption du
traitement et le lieu de provenance (p supérieure à 0,05).
Ces résultats sont en corrélation avec ceux
trouvés par J. M'Boussa et col (6) qui, dans les conclusions de leur
étude, il est apparu que l'ignorance des malades est la principale cause
de la non observance thérapeutique du traitement.
En effet, dans une étude menée par le
Comité national d'élaboration du programme de lutte contre la
tuberculose en France en 2009 (7) a montré que la TB sévit
surtout dans les couches les plus pauvres de la population, il est tout de
même justifié de savoir si les coutumes du pays, la mauvaise
connaissance de la maladie, de son mode de transmission et de son traitement,
les facteurs socioculturels donc, ont une influence ou non sur les abandons du
traitement de la tuberculose pulmonaire en dehors du non-respect des mesures de
la politique du traitement antituberculeux.
Enfin l'OMS (8) montre que bien que la plupart des tuberculeux
soient issus de la population générale, la maladie est
particulièrement problématique dans les groupes à «
haut risque » notamment les démunis, prisonniers, mal logés,
migrants sans papiers et autres groupes marginalisés, sont souvent
difficiles à atteindre par le biais de services de santé publique
traditionnels.
Ainsi, l'hypothèse selon laquelle certaines
caractéristiques sociodémographiques des malades tuberculeux
soignés dans les CSDT/Ibanda seraient des facteurs associés
à l'abandon au traitement a été confirmée.
Par rapport aux antécédents associés
à l'interruption du traitement de la TB, les résultats du tableau
5 montrent 81,4% des patients ayant interrompu le traitement étaient des
nouveaux cas de tuberculeux reçus au cours de la période
d'étude mais la différence n'est pas statistiquement
significative entre l'interruption du traitement et le fait d'être
nouveau cas (p inférieure à 0,05). Les résultats montrent
également que le type de malade suivi au traitement n'a pas
été associé à l'interruption du traitement, p=0,99.
Par ailleurs les facteurs d'exposition à la maladie ont
été prédicteurs, p=0,00. Ces résultats montrent que
par rapport au groupe de comparaison, 47,1% des patients ont été
tabagiques, 37,2% ont été séropositifs au VIH/Sida, 33,3%
ont été alcooliques, 29,4% ont été malnutris.
Une étude menée par Magalie Cator et ses col (4)
a montré que certaines maladies prédisposent au traitement de la
TB, notamment la séropositivité du VIH/Sida, l'alcoolisme, la
malnutrition,... Une autre étude réalisée par Pierre
Chaulet (25) a montré que la plupart des cas dépistés en
Afrique, les VIH-positifs représentent entre 11 et 13% de l'ensemble des
nouveaux cas de TB, la Région africaine comptant pour environ 80% de ces
cas.
Partant des facteurs cliniques ayant conduit à
l'interruption du traitement, par rapport au groupe de comparaison, 35,3% sont
des patients tuberculeux positifs qui ont interrompu le traitement dont la
microscopie est positive et 35% ont été de la première
catégorie des malades et aucun de ces facteurs n'a été
prédicteurs à l'interruption du traitement, (p supérieure
à 0,05) (tableau 6).
Les résultats de la figure 3 montrent également
une relation entre les résultats du traitement et la date de fin de
traitement. Comparés aux autres issus de traitement, dans cette figure
nous observons que la courbe de tendance de guérison augmente au fur et
à mesure que le traitement est bien observé à un moment
déterminé. Il y a une association positive entre la date de
début et la date de fin de traitement (p inférieure à
0,01).
Par rapport au groupe de comparaison, les résultats du
tableau 7 montrent que 59,2% des patients interrompent le traitement entre le
3e et le 4e mois de suivi, 38,9% avant leur troisième mois de suivi et
seulement 1,9% entre le 5e et 6e mois. Dans cette étude, la durée
du traitement a été considérée comme
déterminant prédicteur de l'interruption du traitement de la TB,
p<0,001.
Ainsi partant de ces résultats, l'hypothèse
selon laquelle certains antécédents liés au traitement,
les données cliniques et celles liées aux examens seraient aussi
des facteurs déterminants a été confirmée.
Les facteurs liés au mode traitement ayant conduit
à l'interruption du traitement de la TB a montré que 34,1% de ces
patients ont été de la première ligne et donc n'avaient
jamais suivi le traitement, et seulement 30% par rapport au groupe de
comparaison avaient déjà suivi le traitement dans le passé
; il n'y a pas eu association entre l'interruption du traitement et le
schéma thérapeutique du patient tuberculeux (p supérieure
à 0,05).
Ainsi de ces résultats, l'hypothèse de cette
étude selon laquelle le mode de traitement des patients tuberculeux
serait aussi un facteur déterminant de cette perte de vue a
été infirmée.
L'évaluation des capacités de fonctionnement des
CSDT de la zone de santé d'Ibanda a trouvé que tous les 14
prestataires sont qualifiés et 93% d'entre eux ont été
formés dans la stratégie du programme antituberculeux
intégré mais ils disent n'avoir pas été
recyclés en cette matière. Ces responsables affirment que leurs
services sont approvisionnés régulièrement en
antituberculeux malgré certaines ruptures qui s'observent ce dernier
temps dans les CSDT, 33% d'entre eux affirment conserver les médicaments
dans des bonnes conditions et moins de 30% affirment qu'ils accompagnent les
patients après leur traitement et l'application effective de la
stratégie DOTS est seulement effective dans 33% de ces structures. Tous
ces prestataires disent n'être pas motivés par le programme
national de lutte contre la tuberculose et tout le monde affirme qu'il
détecte plus de 70% de cas de maladie et guérit plus de 85% de
cas de patients.
Ces résultats se rencontrent avec ceux d'autres
chercheurs dont celle de l'enquête réalisée par J. M'Boussa
et col. (6) qui a montré que les auteurs pensent que la
responsabilité est partagée, car le volet information,
éducation et communication relevant des professionnels de santé
et étant des éléments essentiels de l'organisation de
soins, a une influence non négligeable sur la non observance de
traitement.
Partant de ces informations recueillies auprès des
prestataires, l'hypothèse qui part des éventuels résultats
de traitement des tuberculeux et certains facteurs liés au
système de santé comme facteurs associés à cette
perte de vue dans la zone de santé d'Ibanda a été
infirmée.
LIMITE DE L'ETUDE.
Cette étude étant une cohorte historique n'a pas
permis d'identifier et analyser tous les facteurs impliqués dans
l'interruption du traitement de la tuberculose dans la zone de santé
d'Ibanda.
Cette étude a eu des limites par rapport au
caractère rétrospectif et se réalisant à partir des
dossiers des patients tuberculeux.
Le fait que certaines données ne sont pas disponibles
voire fiche de suivi de traitement des malades et le nombre faible de patients
à inclure dans l'étude et l'insuffisance d'exploration de
certains dossiers des patients.
Nous espérons que d'autres chercheurs pourront
s'investir pour apporter des solutions durables et plus
d'éclaircissement à nos résultats de recherche.
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