![](Chefferies-traditionnelles-et-decentralisation-au-Cameroun1.png)
RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN PAIX - TRAVAIL - PATRIE
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MINISTÈRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
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FACULTE DES SCIENCES
REPUBLIC OF CAMEROON
PEACE - WORK - FATHERLAND
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MINISTRY OF HIGHER EDUCATION
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FACULTY OF LAW AND
POLITICAL SCIENCES
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JURIDIQUES ET POLITIQUES
UNIVERSITE DE YAOUNDE II - SOA
THE UNIVERSITY OF
YAOUNDE II - SOA
CHEFFERIES TRADITIONNELLES ET
DECENTRALISATION AU CAMEROUN
Mémoire présenté et soutenu
publiquement en vue l'obtention du Diplôme de Master en Droit
Public
Option : Droit public
interne
Par:
BELL BELL Luc René
Licence en droit public
Sous la direction de:
Pr. MBALLA OWONA Robert
Maître de conférences
Année académique:
2017-2018
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page i
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
SOMMAIRE
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
AVERTISSEMENT iv
SIGLES ET ABRÉVIATIONS v
RÉSUMÉ vi
ABSTRACT vii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE :
LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES
AU
DEVELOPPEMENT LOCAL. 17
CHAPITRE 1 :LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL 20
SECTION 1 -
LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A
L'ACTION ECONOMIQUE 21
SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES
CHEFFERIES TRADITIONNELLES A LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES ET A LA
TRANSFORMATION DU
MILIEU DE VIE 31
CHAPITRE 2 :LE CONCOURS DES
CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT SOCIOCULTUREL LOCAL.
46
SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE D'ENSEIGNEMENT ET SOCIALE
47
SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE DE JEUNESSE, DIVERTISSEMENT ET
CULTURE 60
SECONDE PARTIE :
LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A
LA
DEMOCRATIE ET A LA BONNE GOUVERNANCE LOCALES
76
CHAPITRE 1 : LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES A
LA DEMOCRATIE LOCALE 79
SECTION 1 - LA
PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN
MATIERE ELECTORALE 80
SECTION 2 - LA PARTICIPATION DES
CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN MATIERE DE PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME ET DE
PRESERVATION DE
LA PAIX 90
CHAPITRE 2 :L'APPORT DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES À LA BONNE
GOUVERNANCE LOCALE 103
SECTION 1 - L'APPORT
DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX PRINCIPES
D'ETAT DE DROIT, D'ÉGALITÉ, DE PARTICIPATION ET
D'EFFICACITÉ 104
SECTION 2 - L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES
AUX PRINCIPES
DE TRANSPARENCE ET DU CLIMAT DES AFFAIRES 117
CONCLUSION GENERALE 130
BIBLIOGRAPHIE 133
TABLE DES MATIERES 143
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page ii
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
DEDICACE
Aux mémoires de ma grand-mère et de FOUDA
Stéphane Romain Loïc.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page iii
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
REMERCIEMENTS
Nous remercions, très sincèrement et
profondément, le Professeur MBALLA OWONA Robert pour avoir
accepté de diriger ce travail ainsi que sa grande disponibilité
tout au long de la conduite de ce travail.
Nous tenons aussi à dire merci à leurs
majestés qui ont bien voulu nous accorder de leur temps dans la collecte
d'informations relatives au présent sujet et plus
particulièrement S.M TSALA NDZOMO Guy et S.M BELL Luc René.
Nous remercions également Madame NGO YAP LIBOCK
Kitoña, MM. FOKO KOUAM Célestin et OMBEDE EBODE Dietrich
Kévin pour la relecture et la correction de ce travail.
Nous disons enfin merci à ma très grande famille et
à mes amis pour leur soutien permanent.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page iv
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
AVERTISSEMENT
L'université de Yaoundé II n'entend donner
aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les
mémoires et dans les thèses. Ces opinions doivent être
considérées comme propres à leurs auteurs.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page v
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
(Liste non exhaustive ; seules les abréviations
essentielles ont été reportées)
Art. Article
CNCTC Conseil National des Chefs
Traditionnels du Cameroun
CODESRIA Conseil pour le développement
de la recherche en sciences sociales en
Afrique
C.G.C.T.D Code Général des
Collectivités Territoriales Décentralisées
CRAPS Club de Réflexion sur l'Avenir
de la Protection Sociale
C.T.D Collectivité Territoriale
Décentralisée
CURAPP Centre Universitaires de Recherches
Administratives et Politiques de
Picardie
DSCE Document de Stratégie pour la
Croissance et l'Emploi
MINAT Ministère de l'Administration
Territoriale
MINATD Ex Ministère de
l'Administration Territoriale et de la Décentralisation
MINDDEVEL Ministère de la
Décentralisation et du Développement Local
MINEPAT Ministère de l'Economie, de la
Planification et de l'Aménagement du
Territoire
S.M Sa Majesté
S.N.G Stratégie Nationale de
Gouvernance
U.C.A.C Université Catholique
d'Afrique Centrale
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page vi
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
RÉSUMÉ
Réforme majeure du Cameroun depuis son accession
à l'indépendance, la décentralisation est un mode de
gestion de l'Etat unitaire qui suppose des transferts de compétences et
de moyens à des entités dotées de la personnalité
juridique et de l'autonomie financière, qui s'administrent librement par
des conseils élus. La décentralisation fait intervenir bon nombre
d'acteurs parmi lesquels les chefferies traditionnelles. Ces dernières
représentent un groupe humain établit sur un territoire, ayant un
patrimoine commun et placé sous l'autorité d'un chef
désigné suivant les modes de dévolution du pouvoir
traditionnel.
La relation chefferies traditionnelles /
décentralisation permet de déterminer le rôle des
premières sur cette dernière. Ainsi, il ressort que les
chefferies traditionnelles participent d'une part au développement
économique, social et culturel de leurs contrées, et d'autre part
à la consolidation de la démocratie au niveau local et à
l'ancrage de la bonne gouvernance à l'échelon local.
Il convient de relever l'existence de quelques obstacles
à la réalisation de ces missions. Ceux-ci peuvent être
surmontés par une réelle appropriation des possibilités
qu'offre la décentralisation et par la prise d'initiatives par nos
autorités traditionnelles pour le développement de notre pays.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page vii
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
ABSTRACT
Major reform of Cameroon since its independence,
decentralization is a mode of management of the unitary State which suggests
the transfer of skills and means to entities, endowed with legal personality
and financial autonomy, which are administered freely by elected councils.
Decentralization involves a large number of players, including the traditional
chiefdoms. The latter represents a human group established on a territory,
having a common heritage and placed under the authority of a chief designated
according to the modes of devolution of the traditional power.
The relationship between traditional chiefdoms and
decentralization makes it possible to determine the role of the former over the
latter. Thus, it appears that the traditional chiefdoms participate on the one
hand in the economic, social and cultural development of their countries, and
on the other hand in the consolidation of democracy and in the anchoring of
good governance to the local level.
It should be noted that there are some obstacles to the
achievement of these missions. These can be overcome by a real appropriation of
the possibilities offered by decentralization and by the taking of initiatives
by our traditional authorities for the development of our country.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 1
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 2
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Chefferies traditionnelles et décentralisation ? Cette
interrogation pourrait susciter de l'étonnement car ces deux notions
sont, à première vue, antagonistes. La première semble
renvoyer à un prolongement de la déconcentration
administrative1. Tandis que la seconde renvoie à une
technique d'organisation administrative diamétralement opposée de
la déconcentration. Cependant dans la pratique, « la chefferie
traditionnelle (...) reste la structure de base incontournable dans la
mise en oeuvre de la décentralisation2». La
chefferie traditionnelle représentant la plus petite division du
territoire3, elle ne saurait donc pas être mise en marge du
processus de décentralisation si cher à notre pays4.
Elle apparaît comme l'échelon de base bénéficiaire
de la décentralisation.
Il nous paraît donc opportun de s'intéresser
à ces deux concepts mis ensemble après cette brève
présentation. En se référant à la
doctrine5, cette étude pourrait contribuer à une
meilleure compréhension du rôle des chefferies traditionnelles
dans le processus de décentralisation. Ne perdant pas de vue cet
objectif, il sera question pour nous de présenter d'une part le cadre
conceptuel de cette étude (I) et de dégager
d'autre part son cadre opérationnel (II).
I. LE CADRE CONCEPTUEL
Le cadre conceptuel de ce sujet sera abordé au moyen du
contexte de celui-ci (A), de la clarification terminologique
des mots-clés (B), de la délimitation
(C) et de l'intérêt (D) de ce
sujet.
A. LE CONTEXTE DE L'ETUDE
Contextualiser c'est « replacer dans son
contexte6». Le contexte quant à lui est l'ensemble
des circonstances dans lesquelles s'insère un fait7, un
évènement8. Remettre un
1 Voir en ce sens les articles 19, 20 et 21 du
Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des
chefferies traditionnelles sur les attributions du Chef traditionnel.
2 BELL Luc René, Exposé sur le
thème : « La chefferie traditionnelle dans la mouvance de la
décentralisation », Travaux du Comité de pilotage et de
suivi de l'étude sur l'organisation déconcentrée de
l'Etat, Yaoundé, 18 décembre 2007.
3 La chefferie de troisième degré en
l'occurrence car elle représente un quartier ou un village. Voir article
3 du Décret N°77/245 du 15 juillet 1977 suscité.
4 La décentralisation est au regard de
l'évolution politique et juridique du Cameroun depuis 1960 la
réforme majeure de l'Etat. Lire à ce propos ABOUEM à
TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.), 50 ans de
réforme de l'Etat au Cameroun : stratégies, bilans et
perspectives, Yaoundé, L'Harmattan Cameroun, 2013.
5 NACH MBACK Charles, « La chefferie
traditionnelle au Cameroun : ambigüités juridiques et
dérives politiques », Africa Development, Vol. XXV,
N°3 et 4, 2000.
6 Dictionnaire Le Petit Robert, 2011, p.525.
7 Ibid.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 3
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
évènement, un fait, ou même un
phénomène dans son contexte revient à relater celui-ci
dans la conjoncture qui fut sienne sur des aspects divers (historique,
juridique, social, politique...)9. « Chefferies
traditionnelles et décentralisation au Cameroun » aborde des
contextes variés que nous ne pouvons présenter de manière
exhaustive. Cependant, nous nous limiterons à évoquer tour
à tour les contextes historique (1) et juridique
(2).
1. LE CONTEXTE HISTORIQUE
« Il faut comprendre ce que l'on a été
pour savoir ce que l'on doit devenir10». Cette
citation de Bernard NKUISSI permet de nous plonger dans l'histoire de la
chefferie traditionnelle ainsi que dans celle de la décentralisation.
Concernant d'une part la chefferie traditionnelle au Cameroun,
il faut dire qu'elle a toujours existé11. Seulement le
vocable chefferie traditionnelle n'est arrivé qu'avec les occidentaux.
En effet, les garants de la tradition ont des dénominations
différentes suivant le lieu où on se trouve. A titre d'exemple,
on peut citer le Sultan chez les Bamoun et certains peuples du Grand
Nord, le Fo et le Fon chez les peuples des Grass
Fields, le Nkunkuma chez les Fang-Béti, le
Mbombog chez les Bassa, le lamido dans le Grand
Nord... Pour M. MOUGNOL Stéphane, « L'institution cheffale
telle qu'elle est retrouvée en Afrique contemporaine est la
résultante de nombreuses mutations qui n'ont pas été sans
impact sur son originalité. En effet, les sociétés
traditionnelles ont préexisté à l'État
postcolonial12». Ces détenteurs du pouvoir
traditionnel n'étaient pas toujours d'accord pour certains et hostiles
pour d'autres avec les idéaux du colon. Ce dernier pour asseoir son
autorité va créer des chefferies traditionnelles dans le but
d'« en faire un instrument à son service puisque son action [de
la chefferie traditionnelle] ne dépendait plus de la
coutume13». C'est ainsi que certains garants de la
tradition ont été mis à l'écart lors de la
création des chefferies
8 Kitoña NGO YAP LIBOCK, La fonction
d'ordonnateur au Cameroun, Mémoire de Master en Droit Public option
Droit Public Interne, Université de Yaoundé II, 2014, p.3.
9 Ibid.
10 NKUISSI Bernard, Nkongsamba. Les
années obscures de la fondation de 1898 à 1923,
Mémoire pour le DES d'Histoire, Lille, 1967, cité par GUIFFO
Jean-Philippe, Le statut international du Cameroun 1921-1961, Editions
de l'Essoah, 2007, p.9.
11 KAMGA Léon, Dos kirdi ventre bantou :
les sources de l'exception culturelle Bamiléké et Tikar,
Afrédit, 2015, p.103.
12 MOUGNOL Stéphane, Recherches sur le
droit constitutionnel local dans les Etats d'Afrique noire francophone,
Thèse de Doctorat en Droit Public, Université de Yaoundé
II, 2019, p.82.
13 NGUEMEGNE Jacques Philibert, Du
dépérissement de l'organisation socio-politique de la chefferie
traditionnelle Bayangam, Yaoundé, Mémoire Maîtrise,
1990 cité par Jean-Philippe GUIFFO, Le statut international du
Cameroun 1921-1961, op. cit. p.137.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 4
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
traditionnelles tels le Mbombog chez les Bassa
« qui n'a pas offert sa
coopération14» à l'administration coloniale.
Pour NACH MBACK Charles, « ce que l'on appelle aujourd'hui chefferie
traditionnelle est une survivance des formes multiples d'organisations
sociopolitiques qu'a connues l'Afrique avant la colonisation. Cette
dernière a inventé les expressions de chefferie traditionnelle et
de chef traditionnel dans un effort d'uniformiser une réalité
dont la complexité lui échappait15».
Concernant d'autre part la décentralisation, elle
apparaît en 1827. Il faut préciser que le sens que ce mot avait au
XIXème siècle n'est pas le même qu'il a
actuellement. En effet, « la décentralisation était
conçue comme le contraire de l'action de centraliser,
c'est-à-dire, qu'elle consistait à enlever une partie de ses
attributions au pouvoir central qui était le centre des décisions
à la fois politiques et administratives. [...] Mais ce
transfert d'attributions, baptisé à cette époque
décentralisation n'était en réalité que de la
déconcentration du sens donné de nos jours à ce
terme16». Elle migrera progressivement pour se
détacher complètement de la déconcentration. Elle aura
donc pour but de pallier aux insuffisances de la déconcentration. Dans
ce sens, les décisions ne sont plus prises « au nom et pour le
compte de l'Etat, comme dans le cas de la centralisation ou de la
déconcentration, mais au nom et pour le compte d'une collectivité
locale, par un organe qui émane d'elle17». De ce
fait « la décentralisation est, dans le monde, un fait marquant
de la gouvernance publique en cette moitié du 20è siècle.
Si dans les pays en voie de développement, et plus
précisément les pays africains au Sud du Sahara, ce concept
n'occupe une place prépondérante dans le discours politique que
depuis quelques années, il a été mis en exergue, dans les
pays développés, depuis plusieurs
décennies18». Toutefois, il convient de relever que
la décentralisation, en Afrique en général et au Cameroun
en particulier, bénéficie de la part des pouvoirs publics, depuis
quelques décennies, d'une réelle prise en compte au-delà
des discours politiques et de sa consécration textuelle.
14 BELL Luc René, « Améliorer
l'efficacité de l'Etat à travers l'évolution de la
Chefferie traditionnelle », in ABOUEM à TCHOYI David et M'BAFOU
Stéphane Claude (dir.), Améliorer
l'efficacité de l'Etat au Cameroun : Propositions pour l'action,
L'Harmattan, 2019, p.540.
15 NACH MBACK Charles, « La chefferie
traditionnelle au Cameroun : ambigüités juridiques et
dérives politiques », op. cit., p. 79.
16 BODINEAU Pierre et VERPEAUX Michel, Histoire de
la décentralisation, Paris, PUF, 2e éd, 1997,
p.3.
17 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La
décentralisation administrative au Cameroun, L'Harmattan, 2009,
p.91.
18 BIWOLE Gilbert, « Préface », in
FINKEN Martin, Communes et gestion municipale au Cameroun : institution
municipale, finances et budget, gestion locale, interventions municipales,
Impression Groupe St François, 1996, p.5.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 5
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
2. LE CONTEXTE JURIDIQUE
Le contexte juridique de la chefferie traditionnelle et de la
décentralisation dans notre pays a été consacré
avec l'arrivée de l'homme blanc.
S'agissant d'une part de la chefferie traditionnelle, on
recense les premières actions des chefs avant l'arrivée du colon.
En effet, les chefs entretenaient déjà des relations commerciales
et d'amitié avec d'autres peuples. Remontant l'histoire, l'on se
souvient que les chefs Sawa, du fait de leur tension19, ont
écrit à trois reprises aux autorités
britanniques20, pour leur transmettre leur désir d'être
placés sous protectorat anglais. Face à cette «
déception21», ils vont se tourner vers les
allemands. Les chefs Douala signeront avec les commerçants allemands de
la firme WOERMANN le Traité Germano-Douala le 12 juillet 1884.
On peut dire au regard de ce qui précède que ce sont les chefs
traditionnels qui ont écrit la genèse de notre histoire
constitutionnelle et politique. Ce n'est qu'en 1909 que le Dr SEITZ Theodor,
gouverneur impérial allemand, au moyen d'une circulaire, accordera des
traitements de faveur à certains chefs de communautés. La
chefferie traditionnelle connaîtra sa véritable
consécration juridique par l'arrêté N° 244
signé le 4 février 1933, par le gouverneur français
Auguste François BONNECARRERE, fixant le statut des chefs coutumiers. Ce
texte restera en vigueur jusqu'au passage du Cameroun oriental à
l'indépendance et fera place à la loi N° 7/SC du 10
décembre 1960 sur la reconnaissance des chefferies du territoire
camerounais. Elle fut modifiée pour réceptionner le changement de
la forme de l'Etat intervenu en 1961. Il faudra encore attendre une seizaine
d'années pour voir l'arrivée d'un texte novateur en la
matière. Il s'agit en l'occurrence du décret N° 77/245 du 15
juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles modifié
et complété par le décret N° 2013/332 du 13 septembre
2013. A sa suite, l'on a eu deux lois notamment la loi N° 79/17 du 30 juin
1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de la
désignation des chefs traditionnels et la loi N° 80/31 du 27
novembre 1980 dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux
contestations soulevées à l'occasion de la désignation des
chefs traditionnels. En 1996, avec l'avènement de la nouvelle
Constitution, la chefferie traditionnelle en ressortira
ragaillardie22.
19 Ces tensions découlaient des
rivalités et querelles internes des chefs Sawa. Cf. Sosthène
EFOUBA NGA, Cours d'Histoire des institutions et des faits sociaux,
Université de Yaoundé II, Inédit, 2013-2014.
20 Le Roi BELL écrit à la Reine
Victoria en 1864 puis le Roi AKWA et les sous-chefs à la Reine et au
Premier Ministre britannique en 1879.
21 EFOUBA NGA Sosthène, Cours d'Histoire des
institutions et des faits sociaux, Université de Yaoundé II,
Inédit, 2013-2014.
22 Voir Préambule et Article 1er
alinéa 2 de la Loi N° 96-06 du 18 janvier 1996 portant modification
de la Constitution du 02 Juin 1972.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 6
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
S'agissant d'autre part de la décentralisation, il faut
dire que sa réception juridique au Cameroun a été faite
à deux vitesses compte tenu de sa double administration par la Grande
Bretagne et la France par le mandat de la Société Des Nations
(SDN) et la tutelle des Nations Unies. Avec la gouvernance britannique, c'est
en 1922 qu'une loi va créer les Native Courts qui sont des institutions
locales. En 1948, une loi nigériane23 va créer les
Native Authorities qui étaient des « structures
locales placées sous la direction d'autorités traditionnelles et
détenant le pouvoir de légiférer et d'établir les
impôts sous le contrôle des district officers, sorte de
préfets de l'époque24». Quant à la
gouvernance française, le processus de décentralisation ne
commence qu'en 1941 avec un décret du 23 avril portant création
des communes mixtes de Yaoundé et de Douala. On assiste alors à
« une décentralisation
légère25» du fait de la nomination du
conseil et de l'exécutif de la commune. Par la suite, interviendra le
décret du 19 novembre 1947 portant réorganisation du
régime municipal. Ce décret octroyait la possibilité au
Haut-Commissaire de créer de nouvelles communes et de modifier celles
existantes, la consécration de l'élection des organes de
certaines communes. Après cette avancée relative, il a fallu
attendre la promulgation de la loi du 18 novembre 1955 réorganisant
l'institution municipale. Ce texte fit la distinction entre les communes de
plein exercice et les communes de moyen exercice. Dès 1960, la
Constitution du 4 mars reconnut les collectivités locales en ses
articles 46 à 48. Celles-ci étaient dotées de la
personnalité morale et de l'autonomie financière et
s'administrant librement par des conseils élus. Cette situation ne dura
qu'un an avec l'entrée en vigueur de la loi N° 61/24 du
1er septembre 1961 portant révision de la Constitution du 4
mars 1960 qui consacra la fédération au Cameroun. Ce n'est qu'en
1972 que la décentralisation refit surface au Cameroun grâce
à la Constitution du 2 juin 1972 qui rétablit l'Etat unitaire
avec la confirmation de « l'idéal
décentralisateur26». Deux ans plus tard, le
législateur prit la loi N° 74/23 du 5 décembre 1974 portant
organisation communale modifiée et complétée par les lois
N° 87/015 du 15 juillet 1987 et N° 92/003 du 4 août 1992. Avec
l'avènement de la loi constitutionnelle de 1996, la
décentralisation prendra un autre virage au Cameroun. En effet, en
application de la Loi N° 96/06 du 18 janvier 1996 portant modification de
la Constitution du 02 Juin 1972, d'autres textes verront le jour. Il
23 Bien que sous mandat et tutelle britannique, le
Cameroun occidental était géré comme une province du
Nigéria.
24 HOND Jean Tobie, Cours de Droit de la
décentralisation, Université de Yaoundé II, Inédit,
2016-2017.
25 Ibid.
26 Ibid.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 7
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
s'agit des lois dites de décentralisation27,
de la loi N° 2009/010 du 10 juillet 2009 portant régime financier
des collectivités territoriales décentralisées, de la loi
N° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale, de
la loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code
général des collectivités territoriales
décentralisées et d'autres textes législatifs et
réglementaires dont nous ferons l'économie dans les
développements qui vont suivre.
B. LA CLARIFICATION TERMINOLOGIQUE
La clarification terminologique permet d'éviter toute
confusion, il est donc important de définir, ou d'expliquer les concepts
clés du sujet à traiter. Dans le cas d'espèce, il s'agira
de « chefferie traditionnelle » (1) et de
« décentralisation » (2).
1. CHEFFERIE TRADITIONNELLE
Afin de mieux comprendre le vocable « chefferie
traditionnelle », nous analyserons tour à tour les mots «
chefferie » puis « traditionnelle ».
Chefferie vient du nom « chef », qui
à son tour trouve ses racines du mot latin caput qui signifie
tête. Pour FRANTZ FANON, la chefferie est une « ancienne
division territoriale africaine, avant la colonisation28».
Pour Le Petit Robert, elle représente une « unité
territoriale sur laquelle s'exerce l'autorité d'un chef
traditionnel29». Définie de cette
manière, la chefferie est l'ellipse de chefferie traditionnelle.
Traditionnelle est pour sa part le féminin du
substantif masculin traditionnel qui signifie « qui est fondé
sur la tradition30». La tradition renvoie pour sa part
à la façon de faire, penser et agir d'un groupe social
constituant son héritage et qui se transmet de générations
en générations.
La chefferie traditionnelle apparaît alors comme
l'institution garante de la tradition ou coutume.
Le décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant
l'organisation des chefferies traditionnelles ne définit pas la
chefferie traditionnelle. Le droit n'étant pas seulement le droit
positif mais aussi le droit prospectif. La définition lege ferenda
que nous avons trouvé provient d'un projet de décret
émanant du Comité de pilotage et de suivi de l'étude sur
la
27 Il s'agit de trois lois promulguées le 22
juillet 2004 notamment la loi N° 2004/017 portant orientation de la
décentralisation, la loi N° 2004/018 fixant les règles
applicables aux communes et la loi N° 2004/019 fixant les règles
applicables aux régions.
28 FRANTZ FANON, Les damnés de la
terre, Editions Maspero, 1961, p.90.
29 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit.,
p.412.
30 Définition du Wiktionnaire,
http://www.fr.wiktionary.org/wiki/traditionnel,
consultée le 20 juin 2019.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 8
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
modernisation de l'administration territoriale et de la
déconcentration31. Selon ce projet de décret, la
chefferie traditionnelle « est considérée comme
(...) toute communauté humaine fixée sur un territoire
déterminé, ayant en principe un patrimoine ancestral commun, et
placée sous l'autorité d'un chef désigné selon les
modes traditionnels de dévolution du pouvoir ».
Pour M. NACH MBACK, la chefferie traditionnelle est avant tout
« une collectivité humaine établie sur une portion du
territoire de l'Etat32 », ensuite elle est « le
cadre d'exercice de ses compétences par une autorité justement
dénommée chef traditionnel33». En somme, la
chefferie traditionnelle est « un groupement humain dont les membres
sont liés les uns aux autres par des solidarités anthropologiques
pour former une communauté historique. Par conséquent, la
chefferie, au-delà du chef lui-même est une communauté
d'hommes et de femmes qui ont en commun le rattachement à un territoire
donné34».
2. DECENTRALISATION
La décentralisation est l'« action de
décentraliser35». Décentraliser
pour sa part signifie « rendre plus autonome ce qui dépend d'un
pouvoir central ». C'est aussi « donner le pouvoir de
décision, dans la gestion administrative locale, à des
collectivités territoriales, des personnes publiques élues par
les administrés ». La décentralisation consiste alors
à retirer certaines affaires du pouvoir central pour les attribuer aux
collectivités locales.
La doctrine, au regard de ce qui précède, a
élaboré trois critères qui peuvent être
utilisés séparément ou simultanément. Il s'agit de
: la distinction entre affaires nationales et affaires locales36,
l'autonomie juridique et financière des entités
décentralisées et l'élection des organes
décentralisés37.
Au sens de la Loi N° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant
orientation de la décentralisation, et notamment en son article 2
alinéa 1, elle « consiste en un transfert par
31 Voir l'Arrêté N° 130/CAB/PM du
6 octobre 2005 portant création du Comité de pilotage et de suivi
de l'étude sur la modernisation de l'Administration territoriale et de
la déconcentration. Ce comité avait pour mission la modernisation
des textes relatifs à l'administration territoriale, à la
déconcentration et à la chefferie traditionnelle.
32 NACH MBACK Charles, « La chefferie
traditionnelle au Cameroun : ambigüités juridiques et
dérives politiques », op. cit., p. 77.
33 Ibid., pp. 77-78.
34 Ibid., p.80.
35 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit.,
p.628.
36 Voir DE TOCQUEVILLE Alexis, De la
démocratie en Amérique, Livre I, Chapitre V, Pagnerre,
1948.
37 Voir VEDEL Georges, Droit
administratif, PUF, 1961, p.460. Voir aussi ROIG Charles, «
Théories et réalités de la décentralisation »,
Revue française de Science politique, 1966, p.449.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 9
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
l'Etat, aux collectivités territoriales
décentralisées, de compétences particulières et de
moyens appropriés ». L'alinéa 2 de l'article
susvisé poursuit en disant que « La décentralisation
constitue l'axe fondamental de promotion du développement, de la
démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local».
L'article 3 quant à lui identifie les Régions et les
Communes comme collectivités territoriales décentralisées
tout en laissant la possibilité au législateur d'en créer
d'autres types38.
Ainsi définie par le législateur, la
décentralisation apparaît uniquement sous son angle
géographique ou territorial. En effet pour le Professeur Bernard-Raymond
GUIMDO « il est usuel de distinguer deux types de
décentralisation. D'une part la décentralisation territoriale,
c'est-à-dire, celle qui intéresse les collectivités
territoriales locales et d'autre part la décentralisation technique ou
fonctionnelle, c'est-à-dire, celle qui concerne les institutions ou
administrations spécialisées39». Et
à ce dernier de poursuivre que « le premier donne naissance
à des entités autonomes ayant une compétence
générale locale alors que le second type donne naissance à
des entités autonomes ayant une compétence
spécialisée ».
Pour le Lexique des termes juridiques, la
décentralisation est un « Système d'administration
consistant à permettre à une collectivité humaine
(décentralisation territoriale) ou à un service
(décentralisation technique) de s'administrer eux-mêmes sous le
contrôle de l'État, en les dotant de la personnalité
juridique, d'autorités propres et de
ressources40».
Plus concrètement, la décentralisation «
consiste à créer ou à reconnaître l'existence
des collectivités distinctes de l'Etat sur le plan juridique. Elles
bénéficient de la personnalité morale et sont titulaires
de droits et d'obligations, au même titre que les personnes physiques. La
personnalité morale ne suffit sans doute pas à définir la
décentralisation mais elle constitue une rupture juridique et politique
importante par rapport à la déconcentration, car la
collectivité cesse d'être une simple circonscription
administrative de l'Etat pour devenir une entité relativement autonome.
Elle possède ainsi des organes distincts de ceux de l'Etat (conseil
élu, autorité exécutive) dispose de compétences
propres, est propriétaire de biens,
38 Cf. Loi N° 96/06 du 18 janvier 1996 portant
modification de la Constitution du 2 juin 1972 en son article 55 al. 1 et Loi
N° 2004/017 du 22 juillet d'Orientation de la décentralisation en
son article 3 al. 3.
39 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de Droit
administratif général 1, Université de Yaoundé II,
Inédit, 2014-2015.
40 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry
(Dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 25e
éd, 2017-2018, p.659.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 10
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
recrute du personnel, est titulaire d'un patrimoine et
établit son propre budget ainsi, elle peut s'administrer
librement41».
In fine, la décentralisation est une forme
d'organisation administrative de l'Etat unitaire qui reconnait à des
entités infra étatiques la personnalité juridique et
l'autonomie financière dans le but de gérer leurs affaires
locales au travers de conseils élus.
C. LA DELIMITATION DU SUJET
La délimitation du sujet a pour but de fixer les
limites de celui-ci. Elle apparait alors comme un outil de précision
facilitant l'examen dudit sujet sans pour autant rejeter ce qui est
étranger au cadre de travail déterminé en avance. La
délimitation d'un sujet permet de mieux le circonscrire. Les balises
retenues pour cette analyse concerneront le temps (1) mais
aussi l'aspect matériel (2).
1. LA DELIMITATION TEMPORELLE
« L'espace peut inclure le temps et le
lieu42». Le sujet « Chefferies traditionnelles et
décentralisation au Cameroun » définit
déjà lui-même le cadre géographique de
l'étude. Il convient dès lors de lui fixer des balises
temporelles.
En ce qui concerne la période que va couvrir cette
étude, elle part du protectorat allemand de 188443
jusqu'à nos jours suivant les différentes formes de l'Etat du
Cameroun dans sa configuration actuelle.
2. LA DELIMITATION MATERIELLE
La délimitation matérielle permet de
préciser l'angle sous lequel seront prises les notions
étudiées.
A ce niveau, le concept de chefferies traditionnelles ne fera
pas l'objet de délimitation matérielle. L'on s'appesantira sur la
délimitation matérielle de la décentralisation selon la
distinction opérée par le cours de Droit administratif
général 1 dispensé par le Professeur GUIMDO. En effet, et
comme mentionné ci-haut, on peut distinguer la décentralisation
territoriale ou géographique de la décentralisation technique ou
fonctionnelle.
41 BODINEAU Pierre et VERPEAUX Michel, op.
cit., p.4.
42 NGO YAP LIBOCK Kitoña, La fonction
d'ordonnateur au Cameroun, Mémoire de Master en Droit Public option
Droit Public Interne, Université de Yaoundé II, 2014, p.12.
43 Traité Germano-Douala signé le 12
juillet 1884 entre les Chefs Douala et des commerçants allemands et
entré en vigueur le 14 juillet 1884. Cf. EFOUBA NGA Sosthène,
Cours d'Histoire des institutions et des faits sociaux, Université de
Yaoundé II, Inédit, 2013-2014.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 11
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Dans le cadre de ce travail, nous aborderons la
décentralisation sous son volet territorial. La raison étant que
ce type nous permet d'avoir un large spectre contrairement à la
décentralisation fonctionnelle qui est éparse et pas toujours
bien représentée.
D. L'INTERET DU SUJET
L'intérêt du sujet est le propre de tout travail
scientifique. Il permet de dévoiler l'utilité, l'importance, les
avantages, la contribution du sujet dans les domaines qu'il traite.
L'intérêt du sujet participe à l'évaluation et
à la démonstration de la pertinence du sujet. Le thème
Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun
présente un intérêt sur les plans scientifique
(1), social (2) et politique
(3).
1. L'INTERET SCIENTIFIQUE
La doctrine a beaucoup écrit sur la chefferie
traditionnelle et encore plus sur la décentralisation. Mais les deux
concepts mis ensemble n'ont pas encore fait l'objet de beaucoup de recherches
d'après ce que l'on a constaté. Cette étude a alors pour
but d'explorer la question pour faire ressortir sa pertinence. Elle peut aussi
apporter un enrichissement sur la question. Il sera donc question de comprendre
le rôle de l'institution garante de nos coutumes dans la mise en oeuvre
du processus de décentralisation dans notre pays.
2. L'INTERET SOCIAL
Les populations, principales bénéficiaires de
la décentralisation, vivant toutes sur le territoire d'une chefferie
traditionnelle ne perçoivent pas toujours le rôle de cette
dernière dans le déploiement de ce processus. Le foisonnement
social de notre pays fait en sorte que les rapports avec l'autorité
traditionnelle ne sont pas les mêmes partout. L'on observe que les
autorités traditionnelles sont vénérées dans les
Grass Fields et le Grand Nord alors que tel n'est pas le cas dans les
régions du Centre, Sud, Est, Littoral et Sud-Ouest. Il paraît donc
judicieux pour celles-ci de se saisir des implications de leur fonction dans le
processus de décentralisation. Cette étude pourrait permettre
d'éclairer plus d'un sur l'importance de la chefferie traditionnelle
dans la mise en branle de la décentralisation.
3. L'INTERET POLITIQUE
Le contexte camerounais est marqué par
l'émergence des partisans du fédéralisme et de la
sécession. A côté de ces protagonistes, on a ceux qui
pensent que l'accélération du
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 12
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
processus de décentralisation constitue la solution au
mal-être social observé dans notre pays. Ce travail pourrait
permettre, à notre humble avis, de réduire les tensions
observées ci et là.
La chefferie traditionnelle, collectivité de base de la
société, peut sur le plan politique permettre
l'accélération du processus de décentralisation et une
meilleure compréhension de celui-ci par les populations.
Il y a également à espérer qu'à
travers cette contribution qui, peut-être, fera écho au plus haut
sommet de l'État, le pouvoir central prenne beaucoup plus au
sérieux les chefferies traditionnelles afin que celles aient une part
belle dans le processus de décentralisation.
II. LE CADRE OPERATIONNEL
Le cadre opérationnel permet de dégager la
démarche adoptée pour traiter le sujet. Il s'agira dans cette
partie, de proposer une problématique (A) et une
hypothèse de réponse (B) en expliquant la
méthode (C) ayant mené à ce
résultat ; et finalement, justifier les grandes articulations de ce
travail (D).
A. LA PROBLEMATIQUE
La problématique c'est « un ensemble de
questions que se posent une philosophie ou une science dans un domaine
particulier44». La problématique peut aussi
être « la présentation d'un problème sous
différents aspects. Dans un mémoire de fin d'étude, la
problématique est la question à laquelle l'étudiant va
tâcher de répondre. Une problématique mal posée est
un hors-sujet. C'est poser le problème de recherche
(énoncé), en faire ressortir les informations pertinentes
(termes) et être dans le bon cadre spatio-temporel. La construction de la
problématique se fonde sur une vue exposée de la phrase qui rend
compte des sous-entendus et permet de mettre en évidence les liens
logiques entre les termes du sujet45».
La présente étude porte sur la
démonstration du rôle des chefferies traditionnelles dans la mise
en oeuvre du processus de décentralisation. La chefferie traditionnelle
et la décentralisation sont deux phénomènes qui ont
été construit chacun de son côté. Il faut faire
l'exégèse des textes en la matière pour pouvoir effectuer
un rapprochement. Ainsi, le contact des chefferies traditionnelles avec la
mouvance décentralisatrice de l'Etat n'a pas toujours été
le même suivant l'évolution constitutionnelle et politique de
notre pays. La chefferie
44 Le Petit Larousse illustré,
op.cit.
45 Définition de Wikipédia,
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Probl%C3%A9matique,
consultée le 6 juillet 2019.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
traditionnelle en tant qu'institution garante de nos us et
coutumes a toujours existé sous des vocables différents en
fonction du lieu où on se trouve. C'est avec l'arrivée des
Allemands qu'elle connaîtra son insertion dans le droit. Si pendant
l'occupation allemande le vocable décentralisation n'apparaît
nulle part, il faudra attendre la période de mandat et de tutelle pour
voir son apparition. Même à ce niveau, il n'existe
véritablement pas une friction entre ces deux phénomènes.
C'est avec l'indépendance du Cameroun oriental le 1er janvier
1960 qu'elle connaîtra une ascension particulière dans la
Constitution du 4 mars 160. Cette ascension ne durera pas longtemps
étant donné que l'Etat du Cameroun migrera de l'Etat Unitaire
vers l'Etat Fédéral le 1er octobre 1961. Avec le
retour à l'Etat Unitaire en 1972, la décentralisation reviendra
de manière implicite vu qu'elle n'est pas formellement inscrite dans la
Constitution du 2 juin 197246. Ce n'est qu'en 1996, aux termes de la
Loi constitutionnelle du 18 janvier de la même année que la
décentralisation reprendra véritablement son essence.
Fort de ce qui précède, on est en droit de se
demander quel est le rôle des chefferies traditionnelles dans le
processus de décentralisation ?
B. L'HYPOTHESE DE L'ETUDE
Une hypothèse est, selon le dictionnaire Le Petit
Larousse illustré, une proposition à partir de laquelle on
raisonne pour résoudre un problème, pour démontrer un
théorème. « C'est aussi une proposition de
réponse qui résulte de l'observation et que l'on peut soumettre
au contrôle de l'expérience ou vérifier par
déduction. C'est donc une réponse ou une solution possible
à une question ou à un problème
donné47».
A la lecture du décret N° 77/245 du 15 juillet
1977 portant organisation des chefferies traditionnelles notamment en son
article 20, ces institutions jouent un rôle dans le processus de
décentralisation. A bien y regarder, l'on se rend compte que ce
décret n'intègre pas complètement la variante
décentralisation. L'article 22 du Projet de décret portant
organisation des chefferies traditionnelles a pris en compte de manière
explicite la mouvance de décentralisation. Celui-ci dispose en effet que
les chefs traditionnels ont en charge de veiller à la sauvegarde et
à la promotion des valeurs et coutumes ancestrales non contraires aux
principes démocratiques; aux droits de l'homme et à la loi, de
transmettre à la population les directives de l'Administration et d'en
assurer l'exécution; collecter les doléances des populations pour
les porter à l'attention de l'Administration et des Collectivités
Territoriales
46 La Constitution de la République Unie du
Cameroun du 2 juin 1972 n'a pas en son sein un titre qui traite de la
décentralisation contrairement aux Constitutions du 4 mars 1960 et du 18
janvier 1996 qui en disposent.
47 NGO YAP LIBOCK Kitoña, La fonction
d'ordonnateur au Cameroun, op. cit., p.17.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Décentralisées; de veiller, sous le
contrôle des autorités administratives compétences, au
placement et au recouvrement des taxes et impôts de l'Etat ou des
collectivités territoriales décentralisées; de concourir,
sous la direction des autorités administratives, au maintien de l'ordre
public et à la réalisation des actions de développement
économique, social et culturel; d'organiser et d'assurer
l'exécution des programmes d'hygiène et de salubrité
publiques. L'article 20 du décret N° 77/245 du 15 juillet 1977
portant organisation des chefferies traditionnelles dispose que «
Indépendamment des tâches qui précèdent, ils
[les chefs traditionnels] doivent accomplir toute autre mission qui
peut être confiée par l'autorité administrative locale
».
Pour sa part, la décentralisation a été
consacrée par la loi N° 96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 2 juin 1972 et aménagée par
trois lois du 22 juillet 2004 encore appelées lois de
décentralisation. Ces trois lois constituent le noyau dur de la
décentralisation. A côté de celles-ci, on peut adjoindre
d'autres textes juridiques tels le Code électoral, les lois portant
régime financier des collectivités territoriales
décentralisées et fiscalité locale entre autres. Le
Professeur Joseph OWONA assimile la décentralisation à «
un moyen de développement, de la démocratie et plus
particulièrement de la démocratie locale48
». Allant plus loin et dans le même sens, MM. TANG ESSOMBA, FORBAH
TANJONG et NDONGO pensent que « La décentralisation poursuit
trois objectifs majeurs : promouvoir le développement des populations
(...), impulser la participation des communautés locales dans la gestion
de leurs affaires et renforcer la démocratie
locale49». A la lecture de la loi N°2004/017 du 22
juillet 2004 portant orientation de la décentralisation, il en ressort
que la décentralisation a, au niveau local, une triple portée
notamment en matière de développement, de démocratie et de
bonne gouvernance. L'hypothèse de la présente étude est
justifiée par l'impact des chefferies traditionnelles sur le
développement local, la démocratie et la bonne gouvernance
à l'échelon local.
C. LE CADRE METHODOLOGIQUE
La réalisation d'un travail scientifique ne peut se
faire ex nihilo. Celle-ci se doit de respecter certaines
règles. Ces canons constituent la méthodologie à adopter
pour parvenir à des résultats. La méthodologie englobe les
méthodes et les techniques de recherche et de raisonnement propres
à une science.
48 OWONA Joseph, La décentralisation
camerounaise, L'Harmattan, 2011, p. 9.
49 TANG ESSOMBA Augustin Claude, FORBAH TANJONG
Martin et NDONGO André Marie, « La décentralisation au
Cameroun : un grand chantier démocratique »,
Télescope, vol. 11, n° 3, juin 2004, p.18.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 15
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Pour analyser une donnée quelconque, la logique
voudrait qu'on procède d'une certaine manière. Cette
manière est la méthode de travail. Parler de méthode
renvoie à présenter le procédé, la démarche
rationnelle utilisée pour connaître ou pour démontrer une
vérité. Les méthodes sont les opérations
intellectuelles mises en oeuvre pour comprendre un sujet.
Plusieurs méthodes existent en droit notamment la
méthode historique, la méthode comparative et la méthode
juridique. C'est cette dernière qui retiendra notre attention. Celle-ci
peut être usitée soit au moyen de la dogmatique soit au moyen de
la casuistique. La dogmatique c'est l'étude et l'analyse des textes, de
la règle de droit. C'est l'exégèse des textes. Elle se
borne donc par conséquent à l'examen du droit positif pour
apporter des réponses aux problèmes soulevés. La
casuistique en ce qui la concerne prend en compte la dimension sociologique et
évolutive. En réalité, elle traduit «
l'étude de la pratique ou de la jurisprudence pour résoudre
une question donnée50». La casuistique
apparaît alors comme le complément de la dogmatique pour une
meilleure interprétation de la norme juridique. Pour une bonne analyse
du rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de
décentralisation, nous ferons recours à ces deux
méthodes.
Une technique étant un «ensemble de
procédés employés pour produire une oeuvre ou obtenir un
résultat déterminé51». C'est elle qui
permet de déboucher sur des résultats plus ou moins acceptables.
Les recherches documentaires et enquêtes sur le terrain constituent les
techniques utilisées dans l'accomplissement de ce travail.
La recherche documentaire est « une étape du
travail de recherche qui consiste à trouver des sources afin de
s'informer sur un sujet, répondre à une question ou
réaliser un travail52». Selon la brochure du
Service Formation des Publics de l'Université d'Avignon, une bonne
méthodologie de recherche a pour finalité de « faciliter
la production d'un travail universitaire en alliant richesse documentaire et
rigueur scientifique53». De ce fait, le droit - en vigueur
et prospectif- ainsi que la doctrine en matière de droit administratif
nous permettrons de relever le cadre juridique de rôle des chefferies
traditionnelles dans le processus de décentralisation et d'en constater
la dynamique.
50 Ibid., p.19.
51 Définition de Le Petit Robert, 2011, p.
2516.
52 La recherche documentaire,
https://www.google.com/amp/Methodologie/Rapport-de-stage/Expose-La-recherche-documentaire-103349.html
, consultée le 19 juillet 2019.
53 Université d'Avignon, Service Formation
des Publics, Brochure intitulée Méthodologie de la recherche
documentaire : principes clés.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 16
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Le Petit Robert de 2011 définit une enquête comme
une « étude d'une question sociale, économique,
politique...par le rassemblement des avis, des témoignages des
intéressés». Il s'agit donc d'une manière de
procéder qui vise la collecte et le traitement des informations sur le
terrain. Le recueil de ces informations sera fait à deux niveaux
notamment auprès des populations, principales
bénéficiaires de la décentralisation, et auprès de
ceux qui incarnent le pouvoir traditionnel à savoir les chefs
traditionnels et les notables.
D. L'ARTICULATION ET LA JUSTIFICATION DU PLAN
Le rôle que jouent les chefferies traditionnelles dans
la mouvance de décentralisation est transversal, il n'est pas seulement
contenu dans la loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code
général des collectivités territoriales
décentralisées. Il est également contenu dans plusieurs
instruments juridiques. Mais le Code général des
collectivités territoriales décentralisées permet de
résumer ce rôle. Après la lecture de l'article 5
alinéa 2 de la loi citée ci-haut, on peut retenir d'une part que
le rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de
décentralisation peut être appréhendé en
matière de développement au niveau local(première
partie) et d'autre part que celui-ci peut être lu en
matière de démocratie et de bonne gouvernance
locales(seconde partie).
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 17
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
PREMIÈRE PARTIE :
LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT LOCAL
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
« Toute personne physique ou morale peut formuler,
à l'attention de l'Exécutif Communal ou Régional, toutes
propositions tendant à impulser le développement de la
Collectivité Territoriale concernée ou à améliorer
son fonctionnement. » Tel est la quintessence de l'alinéa
1er de l'article 40 de la Loi N° 2019/024 du 24
décembre 2019 portant Code Général des
Collectivités Territoriales Décentralisées. Pour
sa part, l'article 41 du même code va plus loin en précisant que
« Les associations et organisations de la société civile
locales, ainsi que les comités de quartier et de village concourent
à la réalisation des objectifs des Collectivités
Territoriales. » A la lecture de ces deux articles du CGCTD, l'on
peut penser que les chefferies traditionnelles ont une contribution à
apporter en matière de développement au niveau local.
Le développement est, pour les économistes, un
ensemble de transformations techniques, sociales et culturelles qui permettent
l'apparition et la prolongation de la croissance économique ainsi que
l'élévation des niveaux de vie des citoyens.
Le développement local est une «
nébuleuse54» pour M. STEVENIN Jacques au regard
du foisonnement des divergences des territoires locaux. Une chose peut
revêtir une considération de développement local
à Yoko et pas nécessairement à Fundong
du fait de la divergence des conditions de vie et d'esprit des populations
qui y vivent55. Faisant fi de cette considération, M. GREFFE
définit le développement local comme « un processus de
diversification et d'enrichissement des activités économiques et
sociales sur un territoire à partir de la mobilisation et de la
coordination de ses ressources et de ses énergies. Il sera donc le
produit des efforts de sa population et fera d'un espace de
contiguïté un espace de solidarité
active56». C'est donc « une démarche
volontaire d'acteurs intéressés à l'amélioration
des conditions de vie dans leur environnement
immédiat57». De manière simpliste et pour
terminer, le développement local est un processus par lequel une
communauté participe au façonnement de son propre environnement
en vue d'améliorer la qualité de vie de ses habitants. L'on peut
donc s'apercevoir que « s'il est vrai que les multiples
responsabilités des maires ne leur permettent pas toujours d'être
disponibles pour
54 STEVENIN Jacques, « Le développement
local dans les pays développés », Actes de la
Journée de l'Association de Professionnels - Développement Urbain
et Coopération : Les ressources du développement local, 10
septembre 2004, p.60.
55 Lire les différents critères
proposés par DUBRESSON Alain et FAURE Yves-André, «
Décentralisation et développement local : un lien à penser
», Tiers-Monde, Tome 46, N° 181, pp. 7-20.
56 GREFFE Xavier, Le développement
local, Paris, éd. de L'Aube - DATAR, 2002, p.10.
57 Ministère de l'Intérieur et de la
Décentralisation du Niger, Lexique des termes de la
décentralisation et du développement local, p.10.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 19
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
la gestion quotidienne de leur localité,
l'envergure de ceux [des chefs traditionnels] qui exerçaient
parallèlement de hautes fonctions politiques ou administratives
étaient souvent un atout pour leur localité. Il reste à
espérer que ceux-ci [les chefs traditionnels] joueront
pleinement leur rôle d'élite attendu d'eux pour apporter leur
contribution au développement de leur localité58
».
Pour sa part, l'Union Africaine définit le
développement local comme « la mobilisation de l'ensemble des
ressources humaines, économiques, socioculturelles, politiques et
naturelles locales, pour l'amélioration et la transformation des
conditions de vie, des communautés et des collectivités au niveau
local59».
Le développement local a deux aspects. Le premier
touche au volet économique et le second au volet socioculturel. Il
apparaît difficile de les dissocier car l'un ne peut coexister sans
l'autre. D'où ces interactions entre les deux volets.
En l'absence d'un rôle clairement défini par les
textes, la chefferie traditionnelle est appelée, dans la pratique,
à apporter une contribution significative au développement local.
D'une part, en tant que garante des us et coutumes et par ricochet de la
trajectoire que prend le style de vie des populations et d'autre part, en tant
que bénéficiaire de ce développement local.
Le développement local incluant deux dynamiques, la
contribution des chefferies traditionnelles à celui-ci se fera
également à deux niveaux. Premièrement, par la
participation des chefferies traditionnelles au développement
économique local (chapitre 1). Secondement, par
l'apport des chefferies traditionnelles au développement socioculturel
local (chapitre 2).
58 NGANE Suzanne, La décentralisation au
Cameroun : Un enjeu de gouvernance, Afrédit, 2008, p.90.
59 Article 1er de la Charte Africaine
des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance
et du développement local du 27 juin 2014.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 20
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CHAPITRE 1 :
LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES
AU
DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL
Le développement économique local est «
un processus de transformation orienté sur la manière dont
sont prises les décisions économiques et politiques à
l'échelon local, l'objectif final étant d'améliorer les
conditions de vie de la société locale de manière
participative60». L'on peut donc au regard de ce qui vient
d'être dit que le développement économique local est
l'appropriation par toutes les composantes de la société au
niveau local du déploiement de l'ensemble des activités relatives
à la production et à la vente des biens et services.
L'Union Africaine a défini le développement
économique local comme « un élément du
développement local qui met l'accent sur la mobilisation des ressources
endogènes et des connaissances et compétences locales de
manière à attirer des investissements pour générer
des activités économiques inclusives et la croissance, et
favoriser la redistribution équitable des
ressources61».
Comme le dit si bien Charles NACH MBACK, « La
décentralisation est également associée au
développement local. Cette association s'inscrit dans les
théories qui en appellent à la réforme économique
de l'Etat en termes d'une réduction de son interventionnisme
économique62». Ce retrait de l'Etat se fait au
profit d'autres acteurs locaux à l'exemple des chefferies
traditionnelles.
Il se dégage de ce qui vient d'être dit que les
chefferies traditionnelles sont appelées à jouer deux rôles
dans le processus de développement économique local. Le premier
est un rôle de participation dans la prise des choix économiques
locaux. Le second a trait à une implication véritable dans ce
processus par des actions concrètes.
La lecture du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977
portant Organisation des chefferies traditionnelles est assez édifiante
quant au rôle du chef traditionnel en matière de
60 Direction du développement local et de la
coopération de la Confédération Suisse, Document de
travail sur la décentralisation et la gouvernance locale, novembre
2007, p.10.
61 Article 1er de la Charte Africaine
des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance
et du développement local du 27 juin 2014.
62 NACH MBACK Charles, Démocratisation
et décentralisation : genèse et dynamiques comparées des
processus de décentralisation en Afrique subsaharienne,
Karthala-PDM, 2003, p. 37.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 21
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
développement. Premièrement, les chefs
traditionnels peuvent « concourir, sous la direction des
autorités administratives compétentes, (...) au
développement économique (...) de leurs unités de
commandement63». Secondement, les autorités
traditionnelles « doivent accomplir toute autre mission qui peut
être confiée par l'autorité administrative
locale64». L'on fait le constat que cette disposition
formule une obligation à l'endroit des chefs par l'emploi du verbe
devoir.
Le Code Général des Collectivités
Territoriales Décentralisées confère un statut
spécial aux Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest
conformément à l'article 62 de notre constitution. Ce qui nous
intéresse ici est la création au sein de chacune de ces deux
régions d'une assemblée régionale subdivisée en
deux chambres à savoir la house of divisional representatives
et la house of Chiefs. Cette dernière comprend vingt membres et
dispose de deux commissions. Celle qui marque notre attention est celle
chargée du développement économique de la
région65. L'on peut alors aisément penser que ces
chefs apporteront une pierre à l'édifice de construction du
développement économique de la région.
Ainsi formulée, la contribution des chefferies
traditionnelles pourra alors être analysée, à la lecture du
Code Général des Collectivités Territoriales
Décentralisées, à deux niveaux. D'une part, les chefferies
traditionnelles sont conviées à contribuer à l'action
économique au niveau local (section 1). D'autre part,
ces dernières sont à même de contribuer à la gestion
des ressources naturelles et à la transformation du milieu de vie des
populations locales (section 2).
SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES A
L'ACTION ECONOMIQUE
L'arsenal juridique en matière de
décentralisation66 évoque la question de l'action
économique sans pour autant la définir. A l'analyse de
l'énumération faite pour désigner les compétences
transférées aux CTD en matière d'action économique,
l'on peut dire qu'elle a trait aux activités génératrices
de revenus. De ce fait, on peut citer les activités agricoles,
63 Article 20 alinéa 2 du Décret N°
77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies
traditionnelles.
64 Article 20 alinéa 3 du décret
précité.
65 Article 338 du CGCTD.
66 Sur la question de l'action économique,
voir le CGCTD en ses articles 156 et 267, la Loi N° 2004/018 du 22 juillet
2004 portant règles applicables aux communes en son article 15 et la Loi
N° 2004/019 du 22 juillet 2004 portant règles applicables aux
régions en son article 18.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 22
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
pastorales, piscicoles, l'artisanat, le tourisme, les
microprojets générateurs de revenus et d'emplois et surtout la
petite et moyenne entreprise.
Il est alors de leur « devoir de promouvoir les
productions spécifiques de leur localité, dans les domaines de
l'artisanat, (...) de l'agriculture, de l'élevage, de la
pêche...67» ainsi que « d'animer
l'activité économique de leur territoire en organisant des forums
de rencontres et d'échanges68 » tels les
expositions commerciales locales69, foires et
salons70.
La contribution des chefferies traditionnelles à
l'action économique peut alors être mise en branle au moyen d'une
part de la promotion des activités génératrices de revenus
(§1) et d'autre part de la promotion d'un cadre en faveur
desdites activités (§2).
§1 - La promotion des activités
génératrices de revenus
Les activités génératrices de revenus
sont « des petites activités économiques au profit des
couches sociales pauvres, ne nécessitant pas un grand apport financier,
mais rapportant des gains qui permettent la prise en charge des besoins
biologiques et sociaux de la famille71». Cette
définition a l'inconvénient de limiter les activités
génératrices de revenus aux personnes pauvres et aux
activités de commerce à faible rendement, excluant de ce fait
l'entreprenariat voire l'auto-emploi.
Dans la promotion des activités
génératrices de revenus, les chefferies traditionnelles apportent
leur appui tant au plan matériel et financier (A) que
sur le plan technique et technologique (B).
A) L'appui au plan matériel et
financier
L'appui des chefferies traditionnelles peut être
matériel (1) ou financier (2).
1) L'appui matériel des chefferies
traditionnelles
Un appui matériel étant une aide en
matières, c'est un apport physique et concret. Les chefferies
traditionnelles peuvent apporter leur appui matériel au
développement des activités
67 NGANE Suzanne, op. cit., p.39.
68 Ibid.
69 Cf. Article 156 CGCTD.
70 Cf. Article 267 CGCTD.
71 NDIONE Léon Michel, L'apport des
activités génératrices de revenus dans
l'amélioration des conditions socioéconomiques des femmes
handicapées motrices de la Commune Bambey : étude à partir
de l'association féminine des handicapés moteurs de la Commune
Bambey, Mémoire du Diplôme d'Etat d'assistance sociale, Ecole
Nationale de développement sanitaire et social, Dakar, 2007 p.5.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 23
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
génératrices de revenus par deux moyens au
moins. D'une part, il peut s'agir d'un appui propre et d'autre part d'un appui
résultant du plaidoyer des chefferies traditionnelles.
Ainsi, au plan communal, les autorités traditionnelles
peuvent apporter leur appui en matière agricole, cela passe par la mise
à la disposition des terres cultivables au profit des agriculteurs et
plus particulièrement les jeunes et les femmes en vue de garantir leur
autonomie. Cela passe également par l'offre du matériel de
travail selon les moyens de chaque chefferie. On peut également
énumérer la remise des intrants agricoles tels les semences,
engrais, pesticides, etc.
En matière pastorale, l'on peut citer la mise à
disposition des terres de pâturage, la remise des espèces en vue
de constituer le cheptel, les éléments de base relatifs à
l'alimentation tels les herbes, les déchets végétaux et
animaux, etc.
En ce qui concerne la pisciculture, l'appui matériel
des chefs traditionnels peut consister en la mise à la disposition des
pisciculteurs des espaces pour les étangs, la remise du matériel
d'appui et les intrants nécessaires à la réalisation de
cette activité.
En ce qui concerne à présent l'artisanat,
l'appui matériel des chefferies traditionnelles se matérialise
à deux niveaux. D'une part par l'accompagnement des artisans, les chefs
traditionnels étant les garants de la tradition, ils peuvent inspirer
ceux-ci dans la réalisation de leurs oeuvres d'art qui sont le reflet de
notre culture et de notre identité. D'autre part par une facilité
d'accès aux éléments d'art tels les éléments
végétaux, organiques, le matériel artistique
nécessaire à l'accomplissement de l'artisanat.
En matière de tourisme, leurs majestés peuvent
jouer deux rôles notamment l'accompagnement des promoteurs ou
entrepreneurs touristiques par la mise à disposition d'espaces
dédiés au tourisme tels que les sites touristiques, les lieux
d'hébergement et de restauration ainsi que les équipements
indispensables au tourisme. Les chefs traditionnels peuvent aussi jouer un
rôle d'attrait des entrepreneurs touristiques dans leurs localités
à potentiel touristique et de ce fait des touristes qui apporteront un
plus à l'économie locale.
Au plan régional, la tâche parait plus ardue au
regard de l'étendue des régions. Toutefois, ce qui vient
d'être dit ci-haut en matière communale peut-être
transposé mutatis mutandis en matière régionale. Ce qui
change ici c'est la taille de l'apport.
Cet appui matériel des chefs traditionnels est de
nature à promouvoir les activités génératrices de
revenus et par conséquent d'améliorer le tissu économique
local et les
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 24
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
finances personnelles de ceux qui exercent ces
activités. Les chefs peuvent aussi apporter un appui financier.
2) L'appui financier des chefferies
traditionnelles
Un appui financier est un soutien en termes d'argent ou tout
ce qui tient lieu. Les autorités traditionnelles apportent leur appui
financier au développement des activités
génératrices de revenus par un apport propre ou par un concours
auprès des investisseurs ou donateurs en vue de les accompagner.
Tous les chefs traditionnels n'ayant pas le même pouvoir
financier, l'appui financier de ceux-ci sera différemment
apprécié suivant chaque chefferie. De ce fait, suivant leurs
moyens, les chefs traditionnels peuvent venir en aide directement aux personnes
exerçant dans ces domaines de deux manières au moins.
Premièrement, il peut s'agir d'un programme d'appui initié par
les soins du chef et qui ambitionne apporter une aide financière aux
personnes désireuses de se lancer dans des activités
génératrices de revenus ou celles qui y sont déjà
mais éprouvent des difficultés financières. Secondement,
il peut s'agir d'une aide spontanée résultant d'une sollicitation
par un particulier en vue de réaliser un microprojet
générateur de revenus. Dans ce cas, le sentiment affectif est de
mise. Le chef aidera en fonction des affinités avec la personne.
Les chefferies traditionnelles peuvent également
appuyer les activités génératrices de revenus par un
plaidoyer auprès d'instances à même de financer ces
activités ou projets. Le chef mettra alors en avant son entregent pour
faciliter aux porteurs de projets l'accès aux financements
nécessaires à l'accomplissement de leurs activités.
A la lecture des articles 156 et 267 du Code
Général des Collectivités Territoriales
Décentralisées, l'on relève comme compétence
dévolue aux collectivités territoriales l'appui aux microprojets
générateurs de revenus et d'emplois. Ceci rentre dans le sillage
de l'appui financier des chefferies traditionnelles aux porteurs de ce type de
projets.
L'appui financier des chefferies traditionnelles à
l'endroit de ceux exerçant des activités
génératrices de revenus peut également être
accompagné d'un appui technique et technologique à ces
derniers.
B) L'appui au plan technique et technologique
L'appui des chefferies traditionnelles peut aussi être
technique (1) ou technologique (2). Il
ressort que ces appuis sont pour la plupart théoriques donc
immatériels. Ils rassemblent
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 25
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
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l'ensemble des connaissances nécessaires à la
réussite des activités génératrices de revenus pour
les porteurs de projets ainsi que ceux qu'ils emploient.
1) L'appui technique des chefferies
traditionnelles
Apporter un appui technique revient à donner son
expertise en se basant sur l'ensemble des acquis formels et informels
liés à la pratique d'une activité. Cet appui peut
être fait en direction des personnes ou structures. Dans la promotion des
activités génératrices de revenus, les chefferies
traditionnelles apportent leur appui technique au moyen de plusieurs
procédés à l'instar des formations, séminaires,
stages et apprentissages.
S'agissant d'abord de la formation, elle peut être
initiale ou continue. On parlera de formation initiale lorsque que les
chefferies traditionnelles mettent à la disposition des personnes
désireuses d'exercer des activités génératrices de
revenus des connaissances leur permettant de se lancer dans lesdites
activités sans trop de difficultés. On peut par exemple citer la
formation à la culture du cacao et du café, la formation aux
métiers de l'artisanat et la formation à la pisciculture. L'on
retient ici que l'apprenant ressort nanti d'une connaissance pratique.
S'agissant ensuite des séminaires, il s'agit pour les
chefferies traditionnelles de réunir les professionnels et/ou les
porteurs de projets en vue de l'étude et de l'approfondissement de leurs
connaissances sur un sujet donné. Ça peut par exemple le cas d'un
séminaire de formation à l'endroit des agriculteurs sur
l'utilisation responsable des pesticides. Un séminaire de formation aux
nouvelles techniques piscicoles. Ou d'un séminaire à l'endroit
des porteurs de projets sur la manière de monter un projet viable et
rentable.
S'agissant enfin des stages et apprentissages, il est question
ici de mettre en pratique les connaissances acquises. Les chefferies pourront
alors s'assurer que les apprenants ont bien assimilé les connaissances
qui leur ont été données. L'on pourra, par exemple, en
matière agricole avoir un champ expérimental. En matière
de projets créateurs d'emplois et de revenus avoir un incubateur de
projets.
L'appui technique des chefferies traditionnelles en
matière de promotion des activités génératrices de
revenus ne saurait au regard de la mondialisation galopante d'un appui
technologique de la part de ceux-ci.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
2) L'appui technologique des chefferies
traditionnelles
L'appui technologique est difficilement dissociable de l'appui
technique dont il est le corollaire direct. On s'étendra ici sur les
nouvelles technologies de l'information et de la communication par
l'utilisation de l'outil informatique et par la formation à cet outil.
Il appartient donc aux chefferies traditionnelles d'apporter un appui en
matière technologique aux personnes touchées par ces
activités.
D'une part, il est de notoriété publique que les
technologies de l'information permettent d'alléger la tâche
à l'homme par la réduction de la charge de travail, la
rapidité des opérations et l'optimisation des activités et
par conséquent des bénéfices. Ces nouvelles technologies
ont le mérite d'apporter de nouveaux procédés simplifiant
la charge des activités. Elles ont aussi le mérite d'offrir des
domaines innovants souvent implémentés par des startup. Il est
donc du devoir du chef traditionnel de porter auprès de sa population
ces outils innovants pour le rayonnement des activités
génératrices de revenus.
D'autre part, l'apport technologique des chefferies
traditionnelles consistera en la vulgarisation de l'outil informatique. Ceci
passe par l'utilisation de l'outil informatique et la formation à
l'outil informatique. S'agissant de l'utilisation de l'outil informatique, les
chefs traditionnels ont la lourde tâche de promouvoir l'utilisation de
l'outil informatique en vue de mener de manière efficiente les
activités génératrices de revenus. S'agissant de la
formation à l'outil informatique, elle peut avoir deux volets. Le
premier volet a trait à la formation des formateurs, ces derniers auront
pour mission de former des personnes exerçant ou souhaitant exercer des
activités génératrices de revenus en vue de leur donner
toutes les clés nécessaires, en matière informatique, pour
la réussite de leurs activités. Le second volet consiste à
la formation initiale des artisans par les chefferies traditionnelles au cours
des programmes saisonniers ou spontanés de formation. Ces deux volets
devront alors être mis en branle par le truchement des chefferies
traditionnelles pour une utilisation optimale en vue de garantir le
succès de ces personnes dans les activités
génératrices de revenus.
L'appui technologique constitue l'ultime point relatif
à la promotion des activités génératrices de
revenus. Les chefferies traditionnelles apportent également leur
concours pour la promotion d'un cadre favorable à l'accompagnement de
ces activités.
§2 - La promotion d'un cadre favorable à ces
activités
La promotion d'un cadre favorable par les chefferies
traditionnelles aux activités génératrices de revenus
passe nécessairement par la promotion d'infrastructures et
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
d'évènements favorables au développement
de ces activités (A) et par la vulgarisation des
politiques publiques nationales et locales en matière d'activités
génératrices de revenus (B).
A) La promotion des infrastructures et
évènements propices au développement desdites
activités
La promotion des infrastructures (1) et
évènements propices (2) au développement
des activités génératrices de revenus par les chefferies
traditionnelles constitue la première trame de la promotion d'un cadre
favorable à ces activités.
1) La promotion d'infrastructures liées aux
activités génératrices de revenus La promotion
des infrastructures liées aux activités
génératrices de revenus peut trouver un ancrage dans le Code
Général des Collectivités Territoriales
Décentralisées en ses articles 156 et 267. L'économie de
ces dispositions révèle qu'il s'agit essentiellement
d'infrastructures communautaires à l'instar des marchés,
abattoirs, gares routières et autres infrastructures abritant les
projets générateurs de revenus.
S'il est a été « observé que les
petites et moyennes entreprises se développement plus aisément
dans l'environnement d'une petite agglomération72»,
il est donc du devoir des chefs locaux de promouvoir des infrastructures
nécessaires au développement harmonieux de ces activités
de concert avec les autorités administratives locales car ces
activités sont plus productives « dans les villes secondaires
que dans grandes villes qui créent des dépenses additionnelles
à la production73».
N'oubliant que ces infrastructures sont
généralement publiques, ce qui place alors les autorités
administratives locales et même nationales comme les principaux
maîtres d'ouvrage ou maîtres d'ouvrage
délégués de ces infrastructures. Les chefs peuvent alors
intervenir par des plaidoyers auprès des autorités
administratives locales et des investisseurs. Pour ce faire, les chefferies
peuvent demander à la collectivité locale la construction et
l'équipement des marchés, gares routières, abattoirs,
routes et pistes agricoles dans le but de favoriser les activités
génératrices de revenus. Elles peuvent également soumettre
aux investisseurs de bâtir des infrastructures pour l'éclosion des
activités génératrices de revenus. Ceci permettra aux
populations d'utiliser ces infrastructures, aux investisseurs d'avoir un retour
sur investissement et d'alléger la tâche à la
collectivité locale dont les ressources financières sont le plus
souvent limitées.
72 NGANE Suzanne, op. cit., p. 102.
73Ibid.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
La promotion des infrastructures nécessaires au
développement des activités génératrices de revenus
par les autorités traditionnelles s'avère être importante,
au regard de ce qui vient d'être dit, il apparaît alors judicieux
pour celles-ci de promouvoir également des évènements
propices aux activités génératrices de revenus.
2) La promotion d'évènements propices
aux activités génératrices de revenus
La promotion d'évènements favorables au
développement des activités génératrices est
encadrée par les articles 156 et 267 du CGCTD. A l'exégèse
de ces derniers, il apparait alors judicieux pour les chefs traditionnels de
promouvoir l'organisation d'expositions commerciales locales74, des
foires et salons75. Il est à noter qu'il ne s'agit pas
toujours d'évènements purement économiques. Il peut s'agir
d'un évènement à vocation culturelle mais impliquant des
opérateurs économiques, des artisans et commerçants. La
finalité étant de faire en sorte ceux qui exercent des
activités génératrices de revenus en sortent gagnants sur
le plan financier.
Relativement à l'organisation d'expositions
commerciales locales, on peut avoir deux cas de figures à ce niveau.
Dans le premier cas de figure, cette organisation incombe totalement à
la chefferie qui pourra s'entourer de sponsors et de personnes
qualifiées pour y parvenir. Il peut par exemple s'agir d'un
marché périodique de commerce de vivres frais et produits de
première nécessité, l'organisation d'une exposition
commerciale thématique sur un ou deux produits phares de la
localité. Dans le second cas de figure, l'idée de création
de telles expositions peut émaner d'une chefferie.
L'implémentation sera alors faite par la collectivité
territoriale ou des particuliers.
Relativement à l'organisation des foires et salons,
l'on passe à une dimension beaucoup plus grande que les expositions
commerciales locales. Ces foires et salons sont généralement
organises en région ce qui limite l'intervention des chefferies
traditionnelles dans ce domaine. Toutefois, elles peuvent concourir à
leur organisation au moyen d'actions précises telles la consultation,
l'apport multiforme, l'exposition de leurs éléments de culture
à ces évènements et la commercialisation
d'éléments reflétant leurs cultures.
En somme, les autorités traditionnelles de concert
entre elles peuvent créer des évènements à
caractère touristique. Ce qui permettra de créer de la valeur
ajoutée. Tel est par exemple le cas de la semaine culturelle des peuples
riverains du fleuve Sanaga des rives
74Article 156 CGCTD. 75Article 267
CGCTD.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
traversant les départements de la
Lékié et celui du Mbam et Inoubou. Les chefs
traditionnels de ces deux rives organisent annuellement ces activités
permettant ainsi à la localité hôte d'engranger des
bénéfices.
La promotion d'évènements propices aux
activités génératrices de revenus par les chefferies
traditionnelles permet aux acteurs économiques locaux de se refaire une
santé financière. Ces évènements étant
ponctuels, il semble alors opportun, pour les autorités traditionnelles,
de miser sur le long terme par la vulgarisation des politiques publiques
nationales et locales en matière d'activités
génératrices de revenus.
B) La vulgarisation des politiques publiques nationales
et locales en la matière
En vue de promouvoir les activités
génératrices de revenus, les chefferies traditionnelles sont
appelées à vulgariser dans ce domaine les politiques publiques
nationales (1) et locales (2).
1) La vulgarisation des politiques publiques
nationales
Les politiques publiques nationales destinées à
la réduction de la pauvreté par les activités
génératrices de revenus englobent les actions menées par
l'Etat et ses partenaires.
D'une part, les politiques publiques nationales stricto sensu
sont essentiellement des programmes contenus dans le Document de
Stratégie pour la Croissance et l'Emploi, des programmes ponctuels mis
en oeuvre par le Gouvernement de la République. Concernant d'une part le
DSCE, il énumère une panoplie de programmes destinés
à la création d'activités génératrices de
revenus tels le Programme d'installation de quinze mille jeunes
agriculteurs76, le Pacte National pour l'Emploi des Jeunes (PANEJ),
le Projet d'Appui aux Acteurs du Secteur Informel (PIAASI), le Programme
d'Appui à la Jeunesse Rurale et Urbaine (PAJER-U), le Projet d'Insertion
Socio-Economique des Jeunes à travers la Fabrication des
Matériels Sportifs (PIFMAS) et le Service National de Participation au
Développement77. Nous avons également le Programme de
Promotion de l'Entreprenariat Agropastoral des jeunes (PEA - Jeunes) avec
l'appui technique et financier du Fonds International de Développement
Agricole (FIDA). Ainsi présentés, ces projets ne sauraient
résumer les politiques nationales en la matière car le DSCE en
lui-même constitue une source de création de richesses. Concernant
d'autre part les programmes ponctuels, on peut citer les projets logés
au sein des
76 Document de Stratégie pour la Croissance
et l'Emploi : cadre de référence de l'action gouvernementale pour
la période 2010-2020, Août 2009, p.89.
77 Pour voir ces projets, DSCE p.90.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 30
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
départements ministériels destinés
à appuyer les porteurs de projets. On peut citer les domaines de
l'agriculture, de l'élevage, des pêches, du numérique, etc.
Il appartient alors aux chefs traditionnels de vulgariser ces politiques
publiques auprès de leurs populations respectives pour que celles-ci
puissent en bénéficier
D'autre part, les politiques de lutte contre la
pauvreté menées par les partenaires au développement du
Cameroun sont également à vulgariser par les chefs traditionnels.
On peut citer le Programme Filets Sociaux initié par la Banque Mondiale
qui vise à doter les personnes indigentes d'une « allocation
monétaire78» pour pouvoir mener des
activités génératrices de revenus en vue de subvenir
à leurs besoins. Nous pouvons également citer les projets de la
Banque Africaine de Développement (BAD), de l'Agence Française de
Développement (AFD), de l'Agence Allemande de Coopération (GIZ)
et de l'Agence Néerlandaise de Développement (SNV), le Programme
d'Appui à la Société Civile (PASC) de l'Union
Européenne, etc.
Les politiques publiques nationales et des partenaires de
l'Etat sont souvent très nombreuses et éparses, il n'est pas
alors évident pour les chefs traditionnels, qui ne les connaissent pas
toujours, de les vulgariser toutes auprès de leurs populations. Il est
donc judicieux pour eux de vulgariser les politiques publiques locales.
2) La vulgarisation des politiques publiques
locales
La vulgarisation des politiques publiques locales par les
chefferies traditionnelles en matière d'activités
génératrices de revenus peut se faire à deux niveaux :
régional et communal.
En ce qui concerne la vulgarisation des politiques publiques
régionales, les chefs traditionnels ont la responsabilité de
répercuter des choix et actions de la Région aux populations. A
l'interprétation de l'article 267 du CGCTD, les chefs traditionnels
pourront alors vulgariser ce que la Région fait en matière de
promotion des petites et moyennes entreprises, de foires et salons,
d'activités agricoles, pastorales et piscicoles, de regroupements
régionaux pour les opérateurs économiques, de tourisme et
de projets générateurs d'emplois et de revenus.
78 Le nouveau rôle des filets sociaux en Afrique
Subsaharienne,
https://www.banquemondiale.org/fr/region/afr/publication/the-new-role-of-safety-nets-in-africa,
consultée le 28 décembre 2019.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 31
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
En ce qui concerne la vulgarisation des politiques publiques
communales, les autorités traditionnelles doivent faire la propagande
des décisions et actions de la Commune à leurs
administrés. Cette opération est primordiale au regard de
l'éloignement de certains quartiers en zone urbaine, villages et hameaux
en zone rurale du chef-lieu de la commune. Celle-ci créera un sentiment
de non délaissement à l'endroit des populations
éloignées du chef-lieu de la commune.
La vulgarisation des politiques publiques locales constitue
l'ultime point de la contribution des chefferies traditionnelles à
l'action économique. Cette contribution, comme on l'a vu tout au long de
la présente section, permet aux chefs de promouvoir d'une part les
activités génératrices de revenus et un cadre favorable
auxdites activités. L'on peut alors se poser la question de savoir en
quoi consiste la contribution des chefferies traditionnelles à la
gestion des ressources naturelles et à la transformation du milieu de
vie ?
SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES A LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES ET A LA TRANSFORMATION
DU
MILIEU DE VIE
La contribution des chefferies traditionnelles à la
gestion des ressources naturelles et à la transformation du milieu de
vie est le second volet de cette contribution au développement
économique local. Les autorités traditionnelles jouent un
rôle déterminant dans la gestion des ressources naturelles et de
l'environnement (§1) et dans la transformation de leur
milieu de vie de leurs populations (§2). Ce rôle
peut être diversement apprécié en fonction des richesses
dont regorge une localité, de la carrure du chef et du dynamisme des
populations locales. C'est donc tous ces facteurs mis ensemble qui permettent
d'évaluer la contribution des autorités traditionnelles dans ces
domaines.
§1 - La gestion des ressources naturelles et de
l'environnement
Une ressource naturelle est « une substance, un
organisme, un milieu ou un objet présent dans la nature, sans action
humaine, et qui fait, dans la plupart des cas, l'objet d'une utilisation pour
satisfaire les besoins (énergies, alimentation, agrément, etc.)
des humains, animaux ou végétaux79».
L'environnement est, pour sa part, un « ensemble de conditions
naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques)
dans lesquelles
79 Définition de Wikipédia,
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Ressouce_naturelle
consultée le 3 janvier 2020.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 32
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
les organismes vivants (en particulier l'homme) se
développement80». L'environnement est de
manière globale le milieu qui nous entoure.
Au regard de ces définitions, les chefs traditionnels
ont, en matière de ressources naturelles et d'environnement un
rôle d'encadrement des populations, de suivi de ces activités et
de consultation. C'est sans doute ce qui a amené M. ABBA Souleymane
à dire que le chef traditionnel est l'« administrateur des
ressources collectives - notamment de celles de
l'environnement81». Le chef est donc celui qui est
chargé de veiller à ce que ces ressources servent au
développement économique local. Le souci majeur des
autorités traditionnelles dans « la gestion de l'environnement
et des ressources naturelles (...) est la qualité de la vie et
la salubrité publique82».
La gestion des ressources naturelles et l'environnement sont
des compétences reconnues aux communes et aux régions par le Code
Général des Collectivités Territoriales
Décentralisées en ses articles 157 et 258. Les chefferies
traditionnelles s'immiscent dans ce domaine au moyen de la participation, de la
concertation, de la consultation et de la substitution.
Nous verrons donc tour à tour la contribution des
chefferies traditionnelles à la gestion des ressources naturelles
(A) et à la gestion de l'environnement
(B).
A) La gestion des ressources naturelles
La gestion des ressources naturelles a toujours suscité
des passions partout où l'on se trouve et surtout sur notre continent.
Il convient de relever que les chefferies traditionnelles ne sont pas
gestionnaires des ressources naturelles car celles-ci appartiennent à
l'Etat et exploitées par des entreprises ou des
particuliers83 en respect de la règlementation en
vigueur84. Les chefferies traditionnelles apparaissent dans ce
processus pour veiller à bien que les exploitants respectent leurs
cahiers de charges et par ricochet participent au développement de la
localité. C'est pourquoi Marie DERIDDER estime que les
collectivités locales doivent mettre en place « des outils de
gestion démocratique et participative des
80 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit.,
p.898.
81 ABBA Souleymane, « La chefferie traditionnelle
en question », Politique africaine, n° 38, 1990, p.52.
82 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La
décentralisation administrative au Cameroun, op. cit., p.218.
83 En ce sens, voir la définition d'artisan
minier à l'article 4 de la Loi N° 2016/017 du 14 décembre
2016 portant Code minier.
84 Voir les Lois N° 2012/006 du 19 avril 2012
et N° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant respectivement Code
gazier et Code minier.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
ressources naturelles favorisant la consultation et, au
mieux, la cogestion de ces ressources avec les autorités traditionnelles
concernées85».
L'action des chefferies traditionnelles dans cette gestion est
perceptible sur les ressources du sol (1) et sur celles du
sous-sol (2).
1) La gestion des ressources du sol
La participation des chefs traditionnels à la gestion
du sol porte sur les ressources forestières et fauniques. La forêt
étant une étendue de terrain « comportant une ouverture
végétale dans laquelle prédominent les arbres, arbustes et
autres espèces susceptibles de fournir des produits autres
qu'agricoles86». De son côté, la faune est
« l'ensemble des espèces faisant partie de tout
écosystème naturel ainsi que toutes espèces animales ayant
été prélevées du milieu naturel à des fins
de domestication87».
En matière forestière, le législateur
établit plusieurs types de forêts88, mais ici
uniquement deux nous intéresserons à savoir les forêts
communales et les forêts communautaires. Relativement d'une part aux
forêts communales, ce sont des forêts bénéficiant
d'un acte de classement ou plantées par les communes. Les chefs peuvent
dans leur mission de conseil, demander aux municipalités de planter une
forêt pour pouvoir en tirer profit car faut-il le rappeler, les produits
issus de ces forêts appartiennent exclusivement à la commune. Ces
ressources participent donc au développement local. Ces forêts
communales peuvent également employer les riverains. Relativement
d'autre part aux forêts communautaires, il s'agit des forêts
gérées par les communautés villageoises avec l'assistance
technique de l'administration des forêts. Les chefs en tant
qu'administrateurs des ressources tel que défini par Souleymane ABBA ont
un grand rôle à jouer à ce niveau. Ils peuvent gérer
ces forêts eux-mêmes ou confier la gestion à des personnes
expérimentées. Toujours est-il que la finalité est la
création des richesses, l'emploi des personnes issues de ces
communautés, l'amélioration des conditions de vie de ces
communautés. En gros, ces forêts communautaires doivent être
une plus-value pour ces communautés. A ce niveau, les chefs,
administrateurs de
85 DERIDDER Marie, « Processus
électoraux, sécurisation des autorités traditionnelles et
changement social dans une petite ville du Delta intérieur du fleuve
Niger (Youwarou Mali) », in BREDA Charlotte, DERIDDER Marie, LAURENT
Pierre-Joseph, La modernité insécurisée :
Anthropologie des conséquences de la mondialisation, Academia, 2013
p.192.
86 Article 2 de la Loi N° 94/01 du 20 janvier
1994 portant régime des forêts, de la faune et de la
pêche.
87 Article 3 de la loi précitée.
88 Voir le Titre III de la loi
précitée.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
ces forêts, doivent avoir une gestion exemplaire au
regard des mauvaises pratiques et dérives observées
çà et là en matière.
En matière faunique, nous nous avons les ressources
fauniques terrestres et maritimes. L'action des chefferies traditionnelles dans
ce domaine portera sur la chasse et la pêche. Il convient de dire que ces
activités sont soumises à une législation
rigide89. Les autorités traditionnelles ont la double mission
de veiller d'une part au respect de cette loi et de s'assurer d'autre part que
les activités liées à la chasse et à la pêche
soient sources de richesse pour ceux qui les exercent et dans une moindre
mesure la collectivité. Elles peuvent également inciter les
jeunes à se lancer dans ces activités pour être en mesure
de se prendre en charge et de participer au développement
économique de la localité. Ceci passe par les facilités
accordées pour l'octroi des autorisations nécessaires pour
l'exercice de l'une ou l'autre activité.
La participation à la gestion des ressources du sol par
les chefferies traditionnelles suppose également la gestion des
ressources du sous-sol par celles-ci.
2) La gestion des ressources du sous-sol
Les ressources du sous-sol sont des ressources enfouies dans
le sol et nécessitant l'action de l'homme pour son extraction. Comme
rappelé ci-haut, les chefs traditionnels ne gèrent pas
directement les ressources du sous-sol mais y participent au moyen d'actions
ciblées. Il s'agira alors pour les chefs, en conformité avec les
Codes minier et gazier, de s'assurer que les exploitants ne mettent pas en
péril l'environnement et la santé des populations d'une part et
de participer aux opérations du contenu local prévues par le code
minier d'autre part.
Concernant le contrôle de l'observance du cahier de
charges, il sera question pour les autorités traditionnelles de veiller
à ce que les exploitants respectent les obligations à eux
assignées. N'ayant pas de pouvoir de contrainte sur ceux-ci, les chefs
se contenteront d'informer les autorités administratives
déconcentrées et locales et plus particulièrement
l'administration des mines pour une réaction rapide. Il peut en
être ainsi lorsqu'un exploitant déverse des produits toxiques dans
un cours d'eau fréquenté par les populations riveraines
altérant ainsi la qualité de l'eau. Ou du rejet abusif de gaz
nocifs à la santé des populations.
89 Cf. Loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 portant
régime des forêts, de la faune et de la pêche.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Concernant la participation au développement, le Titre
VII de la Loi N° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant Code minier
intitulé Du Contenu Local prévoit que les retombées issues
de projets miniers et de carrières doivent permettre le
développement économique, social, industriel et technologique.
Ceci passe par le recrutement des ressortissants camerounais, le recours
prioritaire aux petites et moyennes entreprises locales pour des
sous-traitances et surtout un programme de développement
économique et social de la localité et des populations riveraines
ou autochtones90. L'action des chefferies pourra se faire ressentir
par ce dernier volet. En effet, dans la mise en oeuvre de ce programme de
développement, les exploitants devront consulter les autorités
traditionnelles pour savoir ce dont la communauté a besoin en marge de
certaines obligations inamovibles du contenu local telles la viabilisation des
voies d'accès, la construction d'infrastructures communautaires telles
les écoles, centres de santé, points d'eau potable. Le code
gazier pour sa part définit le contenu local comme étant «
l'ensemble d'activités axées sur le développement des
capacités locales, l'utilisation des ressources humaines et
matérielles locales, le transfert de technologie, l'utilisation des
sociétés industrielles et services locaux, et la création
de valeurs additionnelles mesurables à l'économie
locale91». L'on constate que le contenu local du code
gazier est le similaire à celui du code minier et du code
pétrolier92. La difficulté dans la pratique
résulte de la persistance des mauvaises pratiques. On déplore la
complicité de certains chefs dans le non-respect des aspects du contenu
local. Les exploitants utilisent la corruption et les pots-de-vin pour se
soustraire de leurs obligations. Il apparaît donc primordial, pour les
autorités traditionnelles, de tourner le dos à ces mauvaises
pratiques pour le bien-être de tous.
La participation à la gestion des ressources du
sous-sol par les chefferies traditionnelles ne peut se faire que dans le strict
respect de l'environnement.
B) La gestion de l'environnement
L'environnement étant le milieu qui nous entoure, sa
gestion apparaît alors comme primordiale. La gestion de l'environnement
par les chefferies traditionnelles est observable au quotidien. Les
dispositions du CGCTD et des autres instruments juridiques régissant ce
domaine excluent des fois les chefs traditionnels. En réalité, il
s'agit dans bien de cas des missions de service public. Toutefois ceux-ci
peuvent donner leur avis. A titre d'exemple, on a la production et distribution
de l'eau potable dévolue désormais aux collectivités
locales, la
90 Article 165 alinéa 2 Loi N° 2016/017
précitée.
91 Article 3 Loi N° 2012/006
précitée.
92 Loi N° 2019/007 du 25 avril 2019 portant Code
pétrolier.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
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production des énergies vertes, etc. Cette gestion se
décline en la préservation de l'environnement
(1) et les travaux de nettoyage (2).
1) La préservation de l'environnement
La préservation de l'environnement est une tâche
qui incombe à chaque citoyen, mais encore plus aux autorités
locales et nationales. Etant garants de la survie de leurs territoires de
commandement, les chefs traditionnels se doivent de préserver leur
environnement. Ces mesures de préservation peuvent être
menées avec le concours financier, technique et humain de l'Etat ou des
collectivités locales concernées. Ces mesures de
préservation, qui consistent à minimiser ou supprimer l'impact
négatif de l'action humaine sur l'environnement, sont entre autres : la
protection des espèces protégées, le boisement et le
reboisement, etc.
La protection de l'environnement est un champ assez vaste et
impliquant une diversité d'acteurs. Les chefferies traditionnelles pour
leur part, et au regard de leurs moyens limités, peuvent alors dans leur
action quotidienne concourir avec les autorités compétentes
à la sauvegarde des espèces animales et végétales
protégées, aider les autorités dans la lutte contre
braconnage, la sensibilisation des populations sur les méfaits des feux
de brousse et l'apport de toute expertise visant à protéger la
nature. Dans la région des Grass Fields par exemple, la chasse
est règlementée par les chefferies. Ainsi certaines
espèces sont interdites de chasse sans autorisation. De plus, la chasse
est interdite dans certains lieux dits sacrés aux non-initiés. Le
contrevenant encourt des représailles souvent mystiques.
Les autorités traditionnelles préservent
l'environnement par des opérations de boisement ou de reboisement. Ces
opérations sont subordonnées à la prise en compte de
plusieurs paramètres. Premièrement, l'initiative de ces
opérations peut émaner de ces autorités qui se chargeront
alors de toute la logistique y afférente. Deuxièmement, elles
peuvent soumettre le projet de boisement ou de reboisement aux autorités
nationales ou locales qui se chargeront alors de le mettre en oeuvre.
Troisièmement, il peut s'agir d'une opération menée par
les autorités traditionnelles avec le concours financier, technique et
matériel des agents du secteur privé ou de la
société civile. Ces opérations ont le mérite in
fine de lutter contre la sècheresse, de réduire la hausse
des températures observées çà et là,
d'améliorer la qualité de l'air et dans une moindre mesure,
d'embellir la localité ou la ville par le pavoisement des rues et la
création des forêts urbaines93.
93 L'article 33 de la Loi N° 94/01
précitée prévoit un taux de boisement au moins égal
à 800 m2 pour mille habitants dans les villes.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
La préservation de l'environnement étant une
nécessité pour sa survie, il convient d'y associer des travaux de
nettoyage.
2) Les travaux de nettoyage
Ces travaux ressortissent en principe à la
collectivité territoriale mais dans la pratique, les chefferies
traditionnelles jouent un rôle important avec ou sans appui de la
collectivité territoriale. S'il appartient à chaque citoyen de
garder son environnement immédiat propre, le nettoyage des espaces
publics est dévolu, comme le prévoit les articles 157, 241 et 268
du CGCTD, aux communes, aux communautés urbaines et aux régions.
Comme indiqué ci-haut, les chefferies traditionnelles s'immiscent dans
ce domaine régulièrement et pour certaines missions bien
particulières. Au quotidien, l'on aperçoit les chefferies
traditionnelles mener, de concert ou non avec les autorités
administratives locales, les travaux de cantonnage des voies de communication
et autour de certaines infrastructures, les opérations d'assainissement
et le nettoyage de certains espaces publics. Ces opérations
d'investissement humain sont le plus souvent menées par des jeunes
contre ou non rémunération.
En rapport d'abord avec les travaux de cantonnage des voies de
communication et autour de certaines infrastructures, il peut s'agir des routes
ou pistes, des voies ferrées et du nettoyage aux alentours
d'infrastructures de transport de l'électricité telles les postes
de transformateurs, les pylônes et les poteaux électriques.
Concernant les travaux de cantonnage routier, ils sont depuis 2017 à la
charge des communes. Celles-ci n'ayant pas toujours le personnel pour effectuer
ces travaux en régie se tournent souvent vers les chefferies
traditionnelles pour recruter des jeunes à même d'effectuer ces
travaux contre rémunération. Concernant les voies ferrées,
ces travaux d'entretien incombent à la compagnie de transport
ferroviaire, elle utilise le même modus operandi que les
communes pour mener à bien ces travaux. Concernant les travaux de
nettoyage autour des infrastructures de transport électrique, la
compagnie de distribution électrique a confié ces travaux
à des sous-traitants. Il arrive cependant que ceux-ci ne soient pas en
mesure d'exécuter les tâches à eux assignées. L'on
fait donc recours aux autorités traditionnelles en vue de la poursuite
de ces travaux.
En rapport ensuite avec les opérations
d'assainissement, elles visent à rendre le milieu de vie sain. Ceci
passe par des opérations d'investissement humain à l'exemple du
curage des caniveaux et de l'enlèvement des immondices. Pour le curage
des caniveaux, il est question d'enlever des déchets qui obstruent
l'écoulement des eaux dans les rigoles ou caniveaux. Il peut aussi
être question d'enlever les déchets surtout plastiques
présents dans les cours d'eau
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
et limitant la circulation des eaux. Pour l'enlèvement
des immondices, il s'agit de retirer des tas d'ordures de la voie publique ou
dans un espace inapproprié pour les déverser dans un lieu
adéquat. Ces travaux d'investissement initiés par les chefferies
traditionnelles sont dans la plupart des cas effectués par des jeunes
bénévoles soucieux de garder leur environnement propre. Les chefs
doivent montrer l'exemple en participant si possible à ces travaux.
En rapport enfin avec le nettoyage de certains espaces
publics, il peut s'agir du nettoyage d'un bâtiment appartenant à
la chefferie, d'un bâtiment public utilisé par la chefferie tel un
musée communautaire, de toute autre infrastructure dont la
collectivité locale n'assure plus le nettoyage et d'une ruelle. En tout
état de cause, le chef traditionnel au regard du contexte qui est le
sien s'organise pour assurer la propreté de ces espaces. Il peut
être accompagné dans cette démarche ou non par les
autorités locales. Ces questions se posent inexorablement aux chefferies
traditionnelles lorsqu'elles sont isolées du chef-lieu ou de la ville.
Elles ont alors l'obligation de mener ces activités pour conserver la
terre que leurs ancêtres leur ont léguée en état de
propreté. En tout état de cause, le Code général
des collectivités territoriales décentralisées
prévoit la participation des populations au travers des comités
de quartiers et de villages à la maintenance de certains ouvrages et
équipements publics94.
Les travaux de nettoyage dirigés par les
autorités traditionnelles permettent, dans une moindre mesure, de
participer à la transformation du milieu de vie.
§2- La participation à la transformation du
milieu de vie
La participation à la transformation du milieu de vie
par les chefferies traditionnelles est faite avec le concours des
autorités nationales et locales en matière de planification et
d'aménagement du territoire (A) et en matière
d'urbanisme et d'habitat (B).
A) En matière de planification et
d'aménagement du territoire
Les chefferies traditionnelles participent à la
transformation du milieu de vie par la planification (1) et
par l'aménagement du territoire (2).
1) La participation des chefferies traditionnelles
à la planification
La planification est « une organisation selon un
plan95». Un plan est donc un « ensemble de
dispositions arrêtées en vue de l'exécution d'un
projet96». Le projet dont il est
94 Article 182 (2) du CGCTD.
95 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit.,
p.1924.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
question ici c'est le développement local. La
planification locale est faite par les autorités municipales et
régionales après consultation des autorités
traditionnelles et des populations. On aura alors deux outils de planification
à savoir le Plan Régional de Développement (PRD) et le
Plan Communal de Développement (PCD).
S'agissant d'une part du Plan Régional de
Développement, il s'agit d'un document « qui fixe les objectifs
et priorités de développement de la Région, en fonction
des besoins économiques, sociaux, environnementaux et de
mobilité97». La participation des chefferies
traditionnelles à la planification régionale se fera à
deux niveaux notamment à la phase d'élaboration du plan
régional de développement et à la phase
d'implémentation de ce plan. Le plan régional de
développement étant une boussole supposée encadrer le
processus de développement régional, celui-ci doit prendre en
compte au moment de son élaboration des attentes et propositions
émanant des chefs traditionnels qui sont en principe en contact
permanent avec les populations. La région étant grande, il ne
sera pas évident pour l'exécutif régional de recueillir
les aspirations de tous, c'est pourquoi celui-ci consultera le pouvoir
traditionnel dans le cadre de la mise en forme de ce plan. Les chefferies
traditionnelles pourront encore être consultées lors de la mise en
oeuvre du plan régional de développement. Ceci émane du
fait qu'il paraît important, pour les autorités
décentralisées régionales, de s'assurer du
caractère actuel d'un aspect du plan, car le plan avait par exemple de
régler une situation ponctuelle et qui n'est plus d'actualité
à l'heure de sa mise en oeuvre.
S'agissant d'autre part du Plan Communal de
Développement, il s'agit d'un « plan d'orientation qui fixe les
objectifs et les priorités de développement de la Commune. Il
couvre toutes les matières pour lesquelles la Commune a des
compétences, ou qui concernent son
développement98». C'est également «
un ensemble de dispositions destinées à permettre à
l'économie d'une Commune d'atteindre, au cours d'un laps de temps
à définir des objectifs de croissance et de développement
économique99». Il convient de rappeler que celui-ci
doit être conforme au plan régional de développement. Comme
en matière de plan régional de développement, les
chefferies participent à la participation communale à deux
niveaux : lors de l'élaboration et de l'implémentation. La
particularité du plan communal de développement
96 Ibid., p.1923.
97 Plan Régional de Développement,
https://perspective.brussels/fr/plans-reglements-et-guides/plans-strategiques/plan-regional-de-developpement-prd
consultée le 3 janvier 2020.
98 MANJAKA Aulu Jean Hilaire, Analyse du plan
communal de développement et ses impacts sur la riziculture,
Mémoire Maîtrise, Université de TOAMASINA, 2012, p.8.
99 Ibid.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 40
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
est que celui-ci touche directement à la vie des
populations par des actions de proximité. La participation des
autorités traditionnelles à ce niveau ne saurait être
éludée. Les communes sont certes différentes suivant les
considérations économiques, géographiques, culturelles,
historiques et linguistiques, elles traduisent souvent les mêmes
réalités à savoir un centre un peu développé
et la périphérie laissée pour compte. Les communes surtout
rurales ont en leur sein beaucoup de quartiers, villages et hameaux
isolés du centre, il n'est pas aisé pour les agents communaux de
recueillir aisément toutes les informations dont ils ont besoin pour la
conception du plan communal de développement ; d'où l'importance
des chefferies traditionnelles dans ce processus. Il en est de même lors
de l'implémentation pour éviter des éléphants
blancs ou réalisations de peu d'utilité.
La participation de leurs majestés à la
planification, étant l'étape primaire de la projection du
développement local, il faut après cela la mettre en oeuvre par
l'aménagement du territoire.
2) La participation des chefferies traditionnelles
à l'aménagement du territoire L'aménagement du
territoire est une « organisation globale de l'espace, destinée
à satisfaire les besoins des populations intéressées en
mettant en place les équipements nécessaires
(...)100». C'est donc une opération qui modifie la
disposition de notre environnement par la création d'infrastructures
facilitant les conditions de vie des populations.
Concernant d'une part le schéma régional
d'aménagement du territoire, c'est un cadre de références
politiques, administratifs, juridiques, techniques et de planification spatiale
multisectorielle des investissements physiques à réaliser dans
une région, destinés à permettre le développement
économique durable tout en préservant la capacité
productive régionale101. Il sera question pour les chefs
traditionnels d'une part de s'assurer lors de l'élaboration de ce
schéma de s'assurer que les aspirations des populations y sont prises en
compte et plus particulièrement celles qui touchent au
développement économique ; d'autre part de veiller à ce
que ce schéma soit mis en oeuvre en conformité avec les
aspirations citées plus haut et de les modifier au cas où elles
sont devenues caduques.
100Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit.,
p.80.
101 Ministère de l'Economie et des Finances du Mali -
Programme de renforcement des capacités nationales pour une gestion
stratégique du développement, Guide méthodologique
d'élaboration du schéma d'aménagement et de
développement de Cercle, Juillet 2001, p.9.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 41
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Concernant d'autre part le schéma communal
d'aménagement du territoire, il s'agit, comme le document
précédent, d'un cadre qui formule les orientations basiques et
à moyen terme du développement du territoire de la commune.
L'aménagement du territoire de la commune touche directement celui des
chefferies traditionnelles. Il semble alors important d'associer les
autorités traditionnelles pour faire en sorte que ce schéma
participe au développement économique de la ville ou de la
localité. Il convient de relever que le territoire de commandement de la
chefferie traditionnelle est l'assiette sur laquelle repose le schéma
communal d'aménagement. C'est le territoire de la chefferie qui
reçoit toutes opérations d'aménagement destinées
à créer le développement économique local. Les
chefs traditionnels ont alors un grand rôle à jouer, au regard de
ce qui précède, tant dans l'élaboration que dans
l'application de ce schéma.
La participation des chefferies traditionnelles à
l'aménagement du territoire peut être complétée par
leur participation aux processus d'urbanisme et d'habitat.
B) En matière d'urbanisme et d'habitat
La contribution des chefferies traditionnelles à la
transformation du milieu de vie des populations locales peut aussi se faire en
matière d'urbanisme (1) et d'habitat
(2). L'urbanisme et l'habitat ayant pour socle la terre, il
apparaît utile d'associer les gardiens de la terre que sont les chefs
traditionnels aux opérations d'urbanisme et d'habitat afin d'assurer le
développement économique de la ville ou de la localité.
1) La participation des chefferies traditionnelles
à l'urbanisme
L'urbanisme est défini par le législateur comme
« l'ensemble des mesures législatives, réglementaires,
administratives, techniques, économiques, sociales et culturelles visant
le développement harmonieux et cohérent des établissements
humains, en favorisant l'utilisation rationnelle des sols, leur mise en valeur
et l'amélioration du cadre de vie, ainsi que le développement
économique et social 102». L'urbanisme est un
phénomène qui touche les villes et les groupements de communes
dont le développement nécessite une action concertée. La
loi régissant l'urbanisme prévoit, selon les circonstances,
plusieurs documents de mise en oeuvre de l'urbanisme à savoir : le Plan
directeur d'urbanisme (PDU), le Plan d'occupation des sols (POS), le Plan de
secteur et le Plan sommaire d'urbanisme103. Il convient de soulever
que ces documents sont ne sont pas obligatoires, certains suppléent ou
complètent d'autres.
102 Article 3 de la Loi N° 2004/003 du 21 avril 2004
régissant l'urbanisme au Cameroun.
103 Article 26 de la loi précitée.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 42
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Premièrement, le plan directeur d'urbanisme est le
« document qui fixe les orientations fondamentales de
l'aménagement d'un territoire urbain, la destination
générale des sols et la programmation des
équipements104». Les chefferies traditionnelles
peuvent être consultées au moment de l'élaboration de ce
plan sur l'utilisation de certains sols et la nécessité de
certaines infrastructures collectives. Les chefferies traditionnelles peuvent
également, au sens de l'article 34(3), faire partie du comité
technique de pilotage chargé de rédiger ce plan.
Deuxièmement, le plan d'occupation des sols est, selon
l'article 37 de la loi N° 2004/003 précitée, un «
document qui fixe l'affectation des sols et les règles qui la
régissent pour le moyen terme (10 à 15 ans). Il définit le
périmètre de chacune des zones d'affectation et édicte,
pour chacune d'entre elles, les règles, restrictions et servitudes
particulières d'utilisation du sol ». L'apport des chefs
traditionnels peut tout aussi se faire à deux niveaux à savoir au
travers de la consultation et au travers de la participation aux travaux du
comité technique de pilotage chargé du suivi des travaux
d'élaboration de ce document.
Troisièmement, le plan secteur est un document qui,
pour une partie d'une agglomération, précise de façon
détaillée l'organisation et les modalités techniques
d'occupation du sol, les équipements et les emplacements
réservés, et les caractéristiques techniques et
financières des différents travaux
d'infrastructures105. Ce plan est fait en respect du plan
d'occupation des sols et du plan directeur d'urbanisme s'ils en existent. Le
plan secteur nous paraît important au regard de son étendue
très ciblée et limitée. Il touche au plus près les
territoires des chefferies traditionnelles. Par conséquent, il est
impensable de l'élaborer sans associer les autorités
traditionnelles.
Quatrièmement, le plan sommaire d'urbanisme est un
document élaboré pour suppléer l'absence du plan
d'occupation des sols. C'est, suivant l'article 45 régissant
l'urbanisme, un « document qui fixe l'affectation des sols et
définit le périmètre de chacune des zones d'affectation.
Il édicte de façon sommaire, pour chacune d'entre elles, les
règles, restrictions et servitudes particulières d'utilisation du
sol ». Ce plan a l'obligation de se conformer au plan directeur
d'urbanisme s'il en existe un. Bien qu'ayant un caractère
précaire, il n'en demeure pas moins important pour autant. Les
chefferies traditionnelles ont la possibilité d'y participer au moyen
des modalités vues pour les trois documents précédents.
104 Article 32 de la loi précitée.
105 Article 40 de la loi précitée.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
En somme, on retient que les autorités traditionnelles
participent à l'édiction de certains documents d'urbanisme et par
ricochet, à la mise en oeuvre de ceux-ci. L'urbanisme ayant pour
corollaire immédiat l'habitat, il convient alors de voir la contribution
des chefferies traditionnelles à l'habitat.
2) La participation des chefferies traditionnelles
à l'habitat
La géographie humaine définit l'habitat comme un
mode d'occupation de l'espace pour des fonctions de logement. Pour Le Petit
Robert, l'habitat est l' « ensemble des conditions d'habitation, de
logement106». En d'autres termes, c'est un « mode
d'organisation et de peuplement par l'homme du milieu où il
vit107». L'habitat ici est vu sous l'angle du logement et
de ces implications. Les autorités traditionnelles ne sont pas
insensibles aux problèmes d'habitat de nos villes et villages. Elles
sont, malgré elles, amenées à jouer un rôle
important dans ce secteur en dépit de la faiblesse de leurs moyens. Nous
verrons ce rôle tant sur le plan régional que sur le plan
communal.
Au plan régional d'une part, le Code
général des Collectivités prévoit que les
Régions peuvent apporter un soutien à l'action des communes en
matière d'habitat108. Une région comptant beaucoup de
communes109 et de communautés urbaines, il n'est pas toujours
évident pour elle d'aider ces entités de manière
équitable. C'est à ce niveau qu'interviennent alors les
chefferies traditionnelles par des propositions d'actions et des aides
concrètes faites à la région. Il peut s'agir de la cession
d'un terrain en vue d'effectuer des lotissements. Cette cession peut être
onéreuse ou gracieuse en fonction des sensibilités de chaque
chefferie.
Au plan communal, et plus proches des autorités
traditionnelles, l'habitat n'est pas une réalité qui leur est
étrangère. Car soucieuses de la rareté des terres
constructibles, les chefferies traditionnelles peuvent mettre à
disposition des terres pour l'aménagement et la viabilisation des
espaces habitables. Ces lotissements peuvent être faits selon plusieurs
modèles. Le premier est relatif à la création sur ses
terres et sur fonds propres d'un lotissement. L'autorité traditionnelle
après la viabilisation du site procèdera à la
commercialisation des lots en fonction de la mercuriale de la zone de
lotissement. Le deuxième, et le plus récurrent dans la pratique,
consiste à confier le projet de lotissement à un
106 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.1207.
107 Ibid.
108 Article 269 CGCTD.
109 Les plus petites régions en termes de communes sont
les Régions de l'Adamaoua et du Nord avec 21 communes chacune et la plus
grande est la Région du Centre avec 70 communes. Voir MINATD,
Annuaire Statistique, 2013, p.117.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
particulier ou une entreprise qui l'effectuera à ses
frais. Les deux parties pourront alors fixer les modalités de leur
entente dans un document écrit. Le troisième, pour sa part,
consiste avec le concours de l'autorité administrative communale ou
communautaire créer des lotissements communaux ou communautaires sur le
terrain d'une chefferie et gérés par la collectivité
locale. Les modalités de mise en branle de ce type lotissement seront
inscrites dans un contrat.
A côté de ce qui vient d'être dit, l'on
peut mettre pour le compte de l'apport des chefferies traditionnelles à
l'habitat, l'accueil et l'hébergement de certains compatriotes en
difficulté dans les résidences et dépendances des
chefferies traditionnelles.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 45
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CONCLUSION DU CHAPITRE 1er
En conclusion, il était question tout au long de ce
chapitre de traiter de la contribution des chefferies traditionnelles au
développement économique local. Nous avons vu que cette
contribution passe par l'action économique et l'accompagnement dans la
gestion des ressources naturelles et de l'environnement. Nous pouvons donc dire
que les autorités traditionnelles ont un grand rôle à jouer
dans le processus de développement économique local au regard de
la situation de nos villes et campagnes. Au demeurant, celles-ci sont
également attendues en ce qui concerne le développement
socioculturel local.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 46
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CHAPITRE 2 :
LE CONCOURS DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES
AU
DEVELOPPEMENT SOCIOCULTUREL LOCAL.
« Si la dimension économique est essentielle,
elle ne se comprend pas seule puisque un développement économique
a nécessairement une coloration culturelle et sociale très
spécifique. Ainsi en Afrique, la logique capitalistique est faible
tandis que la logique de répartition, de partage du travail est
très importante : si un projet axé sur une logique
économique pure ne prend pas en compte cela, il est voué à
l'échec. (...) il faut réintroduire l'humain dans la
dimension économique et prendre en compte cette dimension culturelle,
sociologique (par ex. impliquer les pouvoirs
traditionnels)110».
Le développement socioculturel local peut être
appréhendé comme la transformation et la valorisation sociale et
culturelle d'une localité, ville ou région dans le but
d'améliorer de manière significative les conditions de ceux qui y
vivent. Le développement socioculturel local est également, selon
le Professeur MOUICHE Ibrahim, « l'ensemble des enjeux sociaux et
culturels fondés sur le bien-être
social111».
Le développement socioculturel a un champ d'application
assez vaste, il concerne les domaines de la santé, de
l'éducation, de l'action sociale, du sport, de la culture, de la
jeunesse et du divertissement entre autres.
Le décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant
organisation des chefferies traditionnelles fait du chef traditionnel un acteur
important du développement socioculturel de leurs zones de
compétence. A cet effet, l'article 20 alinéa 2 dispose que les
chefs traditionnels sont chargés de « concourir, sous la
direction des autorités administratives compétentes, (...)
au développement (...) social et culturel de leurs
unités de commandement ». Cette disposition
règlementaire fait des chefs traditionnels des acteurs non
négligeables du processus de développement social et culturel.
Le code général des collectivités
territoriales décentralisées a conféré un statut
spécial aux Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ce statut
spécial, comme vu supra, a institué la house of Chiefs.
Elle possède deux commissions dont l'une dénommée
Commission des
110 CHAMBE Adeline, Etude sur la notion de
développement local, Actes de la Journée de l'Association de
Professionnels - Développement Urbain et Coopération, op.
cit., p.18.
111 MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles,
culture et développement local au Cameroun », 11e
Assemblée Générale du CODESRIA, décembre 2005,
p.8, Note de bas de page 2.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
affaires administratives, juridiques, du règlement
intérieur, de l'éducation, de la santé, de la population,
des affaires sociales et culturelles, de la jeunesse et des
sports112. Son nom est assez explicite sur le contenu de ses
missions. L'on pourra ressentir la touche des chefs traditionnels à ce
propos. Toutefois, les autres collectivités locales ne sont pas en
reste. Les chefs traditionnels sont appelés, comme on l'a vu ci-haut
avec l'article 20 (2) du décret de 1977, à jouer un rôle
important dans ce processus.
De ce fait, l'apport des chefferies traditionnelles sera
analysé en deux temps. Il sera question d'une part, d'évoquer
l'action des chefferies traditionnelles au développement local dans les
domaines de l'enseignement et social (S1). Il sera question
d'autre part, d'aborder la participation des chefferies traditionnelles au
développement local en matière de jeunesse, de divertissement et
de culture (S2).
SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES AU DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE D'ENSEIGNEMENT ET
SOCIALE
L'étude de la contribution des chefferies
traditionnelles au développement socioculturel local passe d'abord par
l'implication des chefs à l'enseignement (§1) et
à l'action sociale (§2).
§1 - L'action des chefferies traditionnelles au
développement local en matière
d'enseignement
L'enseignement est, selon le dictionnaire le Petit Robert,
« l'action, l'art d'enseigner, de transmettre des connaissances
à un élève113». Enseigner reviendrait
alors à transmettre à une personne de façon qu'il
comprenne et assimile certaines connaissances théoriques et
pratiques114. L'enseignement est une mission qui relève des
acteurs publics centraux, déconcentrés et
décentralisés et de certains acteurs privés115.
La répartition des tâches est assez claire. Les autorités
traditionnelles n'interviennent dans ce domaine que pour suppléer la
carence de ces acteurs ou leur insuffisance à mener à bien ces
missions.
Le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi
considère l'éducation et la formation professionnelle comme le
cadre du développement humain capable de fournir des
112 Article 338 du CGCTD.
113 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.882.
114 Ibid.
115 Article 2 de la Loi N° 98/004 du 14 avril 1998
d'Orientation de l'éducation au Cameroun.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 48
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
ressources humaines avec des capacités à
même de bâtir une économie émergente à
l'horizon 2035116.
Pour se faire, nous verrons la contribution des chefferies
traditionnelles en matière d'enseignement classique (A)
et en matière d'alphabétisation et de formation professionnelle
(B).
A) La contribution des chefferies traditionnelles en
matière d'enseignement
classique
L'enseignement classique est celui qui est rattaché
à l'école conventionnelle telle que nous la connaissons.
L'école constituée de plusieurs cycles notamment le cycle
maternel et primaire (1), le cycle secondaire et le cycle
universitaire (2).
1) L'éducation maternelle et
primaire
L'éducation maternelle et primaire est celle qui a pour
mission de jeter les bases de l'apprenant par l'apprentissage de la lecture, de
l'écriture et des opérations mathématiques simples. Ce
cycle, quel que soit le sous-système éducatif117,
apparaît alors crucial car si il est mal géré, il causera
des problèmes aux apprenants aux cycles suivants. Le DSCE distingue au
niveau de l'enseignement primaire, l'enseignement préscolaire et
l'enseignement fondamental118. Il semble donc opportun pour les
autorités traditionnelles de mettre du sien pour la réussite de
cette éducation étant donné que l'enseignement primaire
est obligatoire119. Ici encore, la contribution des autorités
traditionnelles peut être appréciée de manière
divergente du fait de l'étendue de la chefferie, du nombre
d'écoles, bref des éléments de singularité de
chaque unité de commandement de la chefferie. L'apport des chefferies
traditionnelles peut se faire à plusieurs niveaux : elle va de
l'accompagnement des autorités décentralisées locales en
passant par l'accompagnement des élèves, des enseignants et des
associations de parents d'élèves entre autres.
Concernant d'abord l'accompagnement des autorités
administratives décentralisées, il peut se matérialiser
par la vulgarisation et l'implémentation, à leur niveau, des
politiques publiques locales en matière d'enseignement de base ou
primaire. Les chefferies traditionnelles peuvent également accompagner
les municipalités et régions, et ce suivant
116 DSCE, p.73.
117 En l'occurrence le sous-système francophone et le
sous-système anglo-saxon.
118 DSCE, p.74.
119 Article 9 Loi d'Orientation de l'éducation.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
leurs moyens, par des appuis financiers nécessaires
à l'accroissement de l'enveloppe du paquet minimum indispensable au
fonctionnement de l'école. Elles peuvent pareillement apporter leur
appui aux régions dans la conception de la carte scolaire de la
région et avec les communes mettre en oeuvre la tranche de la carte
scolaire communale. Chaque conseil d'école comprend un chef traditionnel
élu par ses pairs120. Celui-ci participe à veiller
à ce que l'école ne s'éloigne pas des recommandations de
la municipalité et de la politique globale en matière
d'enseignement de base.
Concernant ensuite l'accompagnement des élèves
et enseignants, il est question d'une part de conduire les élèves
vers la réussite. Ceci passe par l'encouragement des écoliers au
travers d'allocation de bourses et aides scolaires. Ceci passe également
par les conseils prodigués aux élèves sur la
nécessité de poursuivre leurs études au regard du taux
d'abandon scolaire surtout en zone rurale. Il est question d'autre part
d'accompagner les enseignants dans l'exercice de leurs missions. Les chefs
traditionnels apportent leur appui aux enseignants en leur octroyant des
logements121, des facilités d'exercice de leur métier.
Ils peuvent également les accompagner dans la nouvelle dynamique de
l'enseignement basée sur l'approche par les compétences.
Concernant enfin les associations des parents
d'élèves, S.M TSALA NDZOMO Guy estime qu'il s'agit d'une «
source permanente de conflits122» entre les
associations des parents d'élèves et les directeurs
d'écoles primaires. Ces derniers sont souvent divisés sur la
gestion des fonds. Il apparaît alors opportun pour les chefs
traditionnels de prévenir les conflits, de rappeler à chacun sa
mission et surtout leur rappeler qu'il s'agit de fonds publics d'où la
nécessité de gérer ces fonds de manière saine et
dans l'intérêt des écoles. Les chefferies traditionnelles
peuvent également apporter un appui multiforme aux associations de
parents d'élèves dans l'accomplissement de leurs missions.
L'éducation primaire étant la porte
d'entrée de l'éducation classique, elle conditionne
l'accès de l'apprenant aux cycles suivants.
120 Article 4 (1) b de l'Arrêté Conjoint N°
367/B/1464/MINEDUC 064/CF/MINEFI du 19 septembre 2001 du Ministre de
l'éducation nationale et du Ministre de l'économie et des
finances portant application de certaines dispositions du décret N°
2001/041 du 19 février 2001 relatives à l'organisation et au
fonctionnement des établissements publics d'enseignement maternel et
primaire.
121 Entretien avec S.M. TSALA NDZOMO Guy, Chef Traditionnel de
1er degré d'ENDINGDING, le 17 décembre 2019 à
Yaoundé.
122 Ibid.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 50
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
2) L'éducation post-primaire
L'éducation post-primaire est constituée des
cycles secondaires et universitaires. Chaque cycle ayant ses
particularités123. Le concours des chefferies traditionnelles
à l'enseignement secondaire et supérieur est également
multiforme. Nous pouvons faire une transposition mutatis mutandis du titre
ci-haut. Ici c'est l'assiette d'intervention qui est plus large au regard de la
multitude des branches qu'offrent l'enseignement secondaire et l'enseignement
supérieur.
En ce qui concerne premièrement l'enseignement
secondaire, faut-il le rappeler, c'est le niveau d'enseignement qui contient le
plus grand nombre de salles de classe et par conséquent
d'élèves. Les deux sous-systèmes éducatifs à
ce niveau comprennent chacun l'enseignement secondaire général,
l'enseignement secondaire technique et l'enseignement normal124. La
tâche qui incombe ici aux chefs traditionnels est ardue au regard du
foisonnement de niveaux, cycles et sous-cycles. Néanmoins, les chefs
traditionnels peuvent accompagner les établissements d'enseignement
secondaire dans leurs tâches en leur apportant un appui didactique,
matériel ou financier.
En ce qui concerne secondement l'enseignement
supérieur, on note la baisse considérable du canevas.
L'enseignement supérieur est conduit par les institutions publiques
d'enseignement supérieur et les institutions privées
d'enseignement supérieur125. On dénombre alors peu
d'universités publiques et une pléthore d'instituts privés
d'enseignement supérieur126. Il faut relever que ces derniers
ne sont pas visibles sur toute l'étendue du territoire national.
L'action des chefferies traditionnelles en matière d'enseignement
supérieur est, plus ou moins, subordonnée à l'existence de
ces écoles sur leurs territoires. Pour les chefferies accueillant ces
écoles, il sera question pour elles d'accompagner les dirigeants des
institutions d'enseignement supérieur dans la mise en oeuvre de leur
politique de formation127 d'une part et d'être
consultées sur des questions qui touchent à la vie sur leurs
territoires.
123 Voir les articles 15 à 17 de la loi
précitée.
124 Art. 16 et 17 Loi d'orientation de l'éducation.
125 Art. 17 Loi N° 2001/005 du 16 avril 2001 portant
orientation de l'enseignement supérieur.
126 En 2018, le Ministère en charge de l'enseignement
supérieur dénombrait d'une part huit (8) universités
publiques reparties en facultés, écoles, instituts et d'autre
part deux cent quarante (240) instituts privés d'enseignement
supérieur.
127 Art. 7 al. 2 Loi N° 2001/005 précitée.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 51
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Si l'éducation post-primaire est conditionnée
par l'éducation maternelle et primaire, il convient de souligner que des
alternatives sont offertes à ceux n'ayant pas subi ce parcours par le
biais de l'alphabétisation et la formation professionnelle.
B) La contribution des chefferies traditionnelles
à l'alphabétisation et à la formation
professionnelle
La contribution des chefferies traditionnelles en
matière d'enseignement peut se faire par l'alphabétisation
(1) et la formation professionnelle (2).
1) L'alphabétisation
L'alphabétisation est « l'enseignement de
l'écriture et de la lecture aux personnes analphabètes d'une
population ou à des personnes ne connaissant pas un alphabet
donné128». Un analphabète est une personne
ne sachant ni lire, ni écrire. M. EKO'O AKOUAFANE129 affirme
alors que l'alphabétisation qui autrefois était assimilée
à l'école sous l'arbre a été remise au gout du jour
du fait des lois du 22 juillet 2004. Du fait de la non-scolarisation, beaucoup
d'enfants et d'adultes aujourd'hui sont analphabètes. Ce taux est
beaucoup plus élevé en zone rurale qu'en zone urbaine. Il est
donc nécessaire pour les chefs traditionnels de joindre leurs efforts
à ceux des pouvoirs publics locaux en vue d'infléchir de
manière significative le taux d'analphabétisme dans leurs
localités respectives. Ceci est réalisable par l'organisation des
campagnes d'alphabétisation, la sensibilisation des parents sur la
nécessité aujourd'hui d'envoyer les enfants à
l'école.
S'agissant d'une part des campagnes d'alphabétisation,
il est question pour les chefs traditionnels, eux qui sont au contact permanent
des administrés, de recenser les analphabètes de leurs
unités de commandement. Par la suite, ils pourront alors organiser
à leur intention des campagnes d'alphabétisation destinées
à leur apprendre à lire, écrire le français et/ou
l'anglais et effectuer les opérations mathématiques
élémentaires. Les modalités de mise en branle de ces
campagnes dépendent dans bien des cas du volet financier. Il s'agira
pour les chefs traditionnels de trouver la parade à même de
financer ces campagnes. A la lecture du Code général des
collectivités territoriales décentralisées130,
les chefs traditionnels peuvent également apporter leur participation
aux plans d'élimination contre l'analphabétisme, à la
formation des formateurs, à la conception et la production du
matériel didactique, à la
128 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.73.
129 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La décentralisation
administrative au Cameroun, op. cit., p.220.
130 Articles 161 et 271 CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 52
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
réalisation de la carte de l'alphabétisation et
au suivi-évaluation des plans d'élimination de l'illettrisme.
S'agissant d'autre part du volet sensibilisation, il s'agit
pour leurs majestés de sensibiliser, dans leur action quotidienne, les
parents réfractaires sur le bien-fondé de l'école au
XXIème siècle. On note aussi des parents vivant dans la
précarité qui estiment ne pas pouvoir prendre en charge la
scolarité et tout ce que ça implique. Les chefs pourront alors
leur faire comprendre qu'il existe des structures d'accompagnement pour ce type
de situation et les actions caritatives. Ils peuvent aussi selon leurs
facilités, leur venir en aide de manière matérielle ou
financière. Avec l'avènement des technologies de l'information et
de la communication (TIC), le champ de l'analphabétisme a
évolué. De ce fait, celui qui ne sait pas manier ces outils est
considéré comme analphabète. Les autorités
traditionnelles ont alors pour mission de mettre sur pied des stratégies
visant à enseigner ces technologies à leurs
administrés.
L'alphabétisation permettant de sortir une personne de
l'ignorance, on peut après ça lui apprendre un métier ou
savoir-faire par le canal de la formation professionnelle.
2) La formation professionnelle
La formation professionnelle est l'apprentissage d'un
métier ou d'un savoir-faire à un apprenant diplômé
ou non. Elle est alors « le processus d'apprentissage qui permet
à un individu d'acquérir le savoir, le savoir-faire et le
savoir-être (capacité et aptitude) nécessaires à
l'exercice d'un métier ou d'une activité
professionnelle131». La loi régissant la formation
professionnelle définit cette dernière comme une « une
formation consistant à faire acquérir des savoirs,
compétences et habilités dont le but est d'assurer une main
d'oeuvre compétente, en tenant compte notamment des besoins qualitatifs
et quantitatifs des employeurs et salariés132».
A la différence de l'enseignement classique, qui selon
le Ministre de l'enseignement supérieur M. FAME NDONGO, inculque des
« savoirs savants », la formation professionnelle vise
à donner une qualification pratique et opérationnelle à
l'apprenant. Les autorités traditionnelles, en leur qualité
d'acteurs de la communauté de la formation
131 Définition de Wikipédia de la formation
professionnelle,
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Formation_professionnelle&hl=fr-CM&grqid=w0J2yUhL,
consultée le 9 janvier 2020.
132 Article 6 de la Loi N° 2018/010 du 11 juillet 2018
régissant la formation professionnelle au Cameroun.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 53
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
professionnelle133, agissent dans ce domaine de
deux moyens au moins à savoir l'accompagnement des institutions de
formation professionnelle et l'appui aux étudiants de ces
écoles.
S'agissant d'une part de l'accompagnement des institutions de
formation professionnelle par les chefferies traditionnelles, il peut avoir de
plusieurs manières notamment l'institution d'un cadre de partenariat
pouvant porter sur l'octroi des terres pour l'implantation du site d'une
école de formation, la participation aux programmes de formation et la
création d'une plateforme permanente de concertation.
S'agissant d'autre part de l'appui des chefferies
traditionnelles aux étudiants des écoles de formation
professionnelle, il peut s'agir de dispenser des enseignements, de faciliter
l'octroi des stages professionnels grâce à l'entregent des
autorités traditionnelles et enfin de les accueillir et les orienter
lors des tournées d'enquête souvent dans des zones reculées
ou peu développées.
La formation professionnelle étant le gage d'une
formation pratique, elle peut toucher au domaine de l'action sociale.
§2 - L'action des chefferies traditionnelles au
développement local en matière d'action
sociale
L'action sociale désigne l'ensemble des moyens par
lesquels une collectivité agit sur elle-même pour préserver
sa cohésion par des mesures destinées à aider les
personnes ou groupes les plus fragiles à mieux vivre en acquérant
ou préservant leur autonomie et à s'adapter à leur milieu
social.
L'action des chefferies traditionnelles au
développement local dans le domaine de l'action sociale sera
étudiée sous l'angle de la santé (A), de
la protection sociale et de la population (B).
A) La participation des chefferies traditionnelles
à la santé
La santé dans la collectivité est un «
état physiologique et psychologique des membres d'un groupe
social134». Cette définition emboite sensiblement
le pas à la santé publique qui
133 Voir l'article 9 de la Loi N° 2018/010 du 11 juillet
2018 régissant la formation professionnelle au Cameroun qui
prévoit bon nombre d'acteurs de la communauté de la formation
professionnelle. Ceux qui retiennent notre attention sont les
collectivités territoriales décentralisées et les
partenaires du milieu socio-professionnel parmi lesquels les chefferies
traditionnelles.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 54
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
est l'ensemble des « connaissances et techniques
propres à prévenir les maladies, à préserver la
santé, à améliorer la vitalité et la
longévité des individus par une action collective (mesures
d'hygiène et de salubrité, dépistage et traitement
préventif des maladies, mesures propres à assurer le niveau de
vie nécessaire135». Cette définition nous
permet de constater que la santé publique est une question transversale,
elle n'est pas uniquement l'affaire du ministère en charge de la
santé publique et ses démembrements mais de tous et plus
particulièrement des chefferies traditionnelles.
Au regard de l'organisation du secteur de la santé au
Cameroun, l'on se rend compte que ce secteur est structuré en trois
niveaux à savoir le niveau central, le niveau intermédiaire et le
niveau périphérique136. Nous nous intéresserons
ici aux niveaux intermédiaire et périphérique parce qu'ils
correspondent respectivement aux régions (1) et aux
communes (2).
1) Au plan régional
Le niveau régional de la santé publique
correspond au niveau intermédiaire matérialisé par des
délégations régionales. Les structures de soins
placées sous l'autorité d'une délégation
régionale sont les hôpitaux régionaux et assimilés
et les fonds régionaux pour la promotion de la
santé137. L'action des chefferies traditionnelles à ce
niveau n'est pas toujours perceptible pour deux raisons au moins. La
première est que ces structures sanitaires sont très
étendues et le contact n'est pas toujours évident avec elles. La
seconde est que ces structures ont généralement un large plateau
technique ce qui attire des malades venus d'ailleurs.
Le Code général des collectivités
territoriales décentralisées attribue des compétences aux
régions en matière de santé138. Les
autorités traditionnelles peuvent aider les régions à
exercer certaines. L'on peut citer la participation des chefferies
traditionnelles à l'élaboration de la carte sanitaire
régionale, l'appui aux formations sanitaires, la participation à
la mise en oeuvre des mesures d'hygiène et de salubrité et enfin
la participation à la création des structures régionales
de santé. Cette contribution tient au fait de leur proximité avec
les populations.
134 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.2307.
135 Ibid.
136 Plan National de Développement Sanitaire (PNDS)
2016-2020, p.6.
137 Ibid., Tableau 1.
138 Art 270 CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 55
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Toutefois, les chefferies peuvent apporter un soutien
minimaliste en référant des cas à ces structures, en
accompagnant celles-ci chaque fois qu'elles seront sollicitées sur des
questions touchant à la vie tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur de ces structures de soins.
Le statut spécial des régions du Nord-Ouest et
du Sud-Ouest conféré par le CGCTD ne donne pas de mission
explicite139 en matière de santé à la house
of Chiefs. L'on peut, du fait de l'existence d'une commission
chargée des questions de santé au sein de cette chambre,
subodorer que les autorités traditionnelles pourront contribuer de
manière significative à l'amélioration de la santé
dans ces deux régions.
Le niveau intermédiaire de santé publique est
éloigné des populations isolées du chef-lieu de la
région, il convient de s'intéresser au niveau
périphérique de santé publique pour voir quel peut
être l'apport des autorités traditionnelles.
2) Au plan communal
Le niveau communal de la santé publique correspond au
niveau périphérique doit-on le relever est incarné par les
districts de santé dont la base est la commune. Toutefois, lorsque les
circonstances l'exigent, un district de santé peut couvrir plusieurs
arrondissements140 et « obéit à une logique
de fonctionnalité et d'efficacité141».
Chaque district de santé comprenant des structures de soins telles les
hôpitaux de district, les cliniques, les centres médicaux
d'arrondissement, les centres de santé intégrés et les
cabinets de soins142.C'est le niveau d'implémentation
véritable de la politique de santé.
A la lecture de l'article 160 du Code général
des collectivités territoriales décentralisées, les
chefferies traditionnelles peuvent soutenir l'action des communes par plusieurs
moyens. Premièrement, les chefferies traditionnelles peuvent contribuer
à la création des centres de santé d'intérêt
communal par trois méthodes. La première résulte d'une
demande formulée à l'endroit de la collectivité en vue de
la création d'un centre de santé à un endroit
précis au regard de l'absence ou de l'éloignement des structures
de soins. La deuxième quant à elle est le fruit de la
consultation du chef traditionnel par la collectivité
139 La House of Chiefs siège sur toutes les
matières reconnues à l'Assemblée régionale. Cette
dernière exerce d'une part l'ensemble des attributions dévolues
aux conseils régionaux et d'autre part des attributions qui lui sont
propres. Voir l'article 331(2) CGCTD.
140 Sur les trois cent soixante (360) arrondissements que
compte le Cameroun, on dénombre 189 districts de santé.
141 NGONO TSIMI Landry, « Les mutations de l'organisation
administrative déconcentrée au Cameroun », in ABOUEM
à TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.),
op. cit., p.268. Note de bas de page 17.
142 Plan National de Développement Sanitaire (PNDS)
2016-2020, Tableau 1, p.6.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 56
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
locale en vue d'une implantation future sur un site
précis d'une structure de soins. La troisième pour sa part
résulte d'une initiative prise par le chef de bâtir, en fonds
propres ou avec l'aide d'un partenaire, une structure de soins. Tel fût
le cas de l'hôpital du palais des rois Bamoun de Foumban inauguré
le 16 décembre 1996143. Deuxièmement, les
autorités traditionnelles peuvent porter assistance aux formations
sanitaires et établissements sociaux. Cette assistance peut être
financière, matérielle ou même technique lorsque les
autorités traditionnelles ont les moyens et compétences pour le
faire. Troisièmement, les autorités traditionnelles peuvent
saisir les autorités municipales lorsqu'elles émettent des doutes
sur le respect des règles sanitaires par des établissements,
entreprises ou usines. Il s'agit en fait de demander aux autorités
locales de procéder au contrôle sanitaire de la structure en
question.
Dans la pratique, l'on remarque que les chefferies
traditionnelles jouent un très grand rôle en matière de
santé publique et surtout de santé de proximité. Relais
entre les populations et l'administration locale, celles-ci servent de canal
pour l'atteinte de ces objectifs. Ainsi, lors de certaines opérations de
santé menées aussi bien par le ministère en charge de la
santé publique que la collectivité, les chefferies
traditionnelles sont consultées en vue de constituer une base de
données nécessaire à l'implémentation de ces
opérations. Les exemples en la matière abondent. On peut citer le
cas des campagnes de vaccination, la chefferie est consultée pour avoir
des chiffres exacts, c'est elle qui fournit le guide devant accompagné
l'agent vaccinateur pour faciliter sa tache compte tenu de l'urbanisation
anarchique et des réalités sociales de nos
périphéries, c'est également elle, en plus de la
communication médiatique, qui est chargée d'informer les
populations du passage des équipes de vaccination et de leur
bien-fondé. Tel a été le cas en décembre 2019 avec
la campagne nationale de vaccination contre la rougeole et la rubéole
concernant les enfants de neuf à cinquante-neuf mois. On peut
également citer la mise à la disposition des espaces appartenant
à la chefferie pour la tenue de certaines campagnes de dépistage
et de consultation.
Les questions de santé peuvent également
être véhiculées par la culture. A ce titre, le peuple
Bamoun formule lors du festival Ngouon leurs préoccupations en
matière de santé publique. A en croire le Professeur MOUICHE, la
plupart de ces doléances trouve solution une fois arrivées au
niveau du Sultan. A cet égard, il énumère la convention
entre le sultanat
143 Voir MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles,
culture et développement local au Cameroun », op. cit.,
p.5.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 57
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
et le ministère de la santé publique
destinée à lutter contre le VIH-Sida, la construction d'un
hôpital, l'appui en équipements médicaux et en
médicaments entre autres144.
La santé étant un élément
incontournable du développement social, il convient aussi de saisir la
portée de la protection sociale et de l'encadrement de la population.
B) La participation des chefferies traditionnelles en
matière de protection sociale et de population
La participation des chefferies traditionnelles au
développement socioculturel peut également passer par la
protection sociale (1) et l'encadrement de la population
(2).
1) La protection sociale
La protection sociale renvoie à un « ensemble
des mécanismes de prévoyance collective qui permettent aux
individus ou aux ménages de faire face financièrement aux
conséquences des risques sociaux, c'est-à-dire aux situations
pouvant provoquer une baisse des ressources ou une hausse des dépenses
(vieillesse, maladie, invalidité, chômage, charges de
famille...)145». La protection sociale poursuit alors des
objectifs matériels permettant aux individus de se prendre en charge
lorsqu'ils sont malades ou séniles ; et des objectifs sociaux visant la
réduction des inégalités de la vie et assurer un minimum
de revenus leur permettant d'être intégrés à la
société.
Traditionnellement dévolues aux institutions publiques
et parapubliques, certaines missions de la protection sociale peuvent
être assurées par les chefferies traditionnelles. Il s'agit pour
celles-ci de fournir une assistance à leurs administrés afin de
relever leurs conditions de vie à un niveau acceptable.
A l'analyse du Code général des
collectivités territoriales décentralisées, notamment les
compétences transférées aux régions et aux communes
en matière de protection sociale146, les chefferies
traditionnelles peuvent accompagner celles-ci voire les suppléer. Les
autorités traditionnelles pourront alors apporter une participation
active aux centres de promotion et de réinsertion sociale d'une part et
apporter une assistance multiforme aux personnes nécessiteuses.
144 Ibid. pp. 4-6.
145 Définition de la protection sociale de
Wikipédia,
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Protection_sociale
consultée le 19 janvier 2020.
146 Articles 160 b) et 270 CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 58
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Au vu de la crise sociopolitique qui prévaut dans les
régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et son flot de
déplacés internes, on note une précarité et une
promiscuité grandissante au sein des milieux où vivent ces
déplacés. L'on note l'action des chefs traditionnels visant
à apporter un minimum de commodités de base destinés
à réduire leurs souffrances. Cette aide est faite à
l'endroit des compatriotes par un appel à la solidarité à
leur endroit lancé par les chefs traditionnels destiné à
leur apporter des aides sanitaires, des aides familiales et scolaires, des
aides au logement et des aides financières en vue de réduire la
pauvreté et l'exclusion sociale entre autres.
Si la protection sociale a pour but de ne pas laisser sur le
bas-côté de la route du développement une certaine frange
de la population, il est indispensable d'inclure toute la population dans le
processus de développement socioculturel.
2) La population
La population est l' « ensemble des personnes qui
habitent un espace, une terre147». La population dont il
est question ici est celle vivant sur les territoires des chefferies
traditionnelles et des collectivités territoriales
décentralisées. Elle est, au regard des mouvements migratoires,
cosmopolite surtout en zone urbaine qu'en zone rurale.
Le décret du 15 juillet 1977 prévoit en son
article 19 que « les chefs traditionnels ont pour rôle de
seconder les autorités administratives dans leur mission d'encadrement
des populations ». Il est par conséquent du devoir des
chefferies traditionnelles de mettre tout en oeuvre pour encadrer leurs
populations pour deux motifs au moins. Le premier est que les populations sont
les bénéficiaires de la décentralisation et ses effets,
ceci sous-entend qu'elles doivent se sentir impliquées dans ce
processus. Le second est que les chefferies traditionnelles sont le relais
entre l'administration décentralisée et les populations, ce qui
implique une circulation d'informations dans les deux sens.
Les chefferies traditionnelles doivent contribuer à la
transformation de la population par « un changement
mentalités148» car le développement ne peut
se faire sans un changement radical des mentalités. Il est alors
nécessaire d'encadrer ces populations pour parvenir à cette
transformation.
147 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.1965.
148 NGANE Suzanne, op. cit., p.101.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Les autorités traditionnelles aident la population par
plusieurs moyens. On peut énumérer les facilités
administratives de délivrance des actes d'état civil et
d'accès aux services publics, et l'éducation civique.
S'agissant d'une part de l'accompagnement des chefferies
traditionnelles en vue de faciliter à leurs populations certaines
démarches administratives, on peut citer la délivrance des actes
d'état civil. A l'examen de Loi N° 2011/011 du 6 mai 2011 modifiant
et complétant certaines dispositions de l'ordonnance N° 81/02 du 29
juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions
relatives à l'état des personnes physiques, l'on se rend compte
que les actes d'état civil sont désormais délivrés
par les centres principaux d'état civil et centres secondaires
d'état civil rattachés au premier. Les chefferies traditionnelles
ont alors la lourde mission, étant donné qu'une bonne partie de
la population ne dispose pas d'actes d'état civil, de faciliter
l'obtention desdits actes par des campagnes d'établissement des actes
d'état civil, des audiences foraines de jugements supplétifs
d'actes de naissance et de décès. La loi du 6 mai 2011, comme vu
ci-haut, a prévu des centres secondaires d'état civil «
lorsque la densité de la population ou des difficultés de
communication le justifient149». Dans la pratique, on note
que les officiers d'état civil de ces centres sont le plus souvent les
autorités traditionnelles. Ceci a le mérite de faciliter
l'obtention des actes d'état civil par les populations souvent
éloignées du chef-lieu de l'arrondissement. Les chefferies
traditionnelles peuvent également faciliter l'accès aux services
publics pour la délivrance de services, documents ou pièces dont
leurs populations ont besoin. Il convient alors de leur faire savoir les
missions de chaque administration dont la zone de compétence couvre le
territoire de la chefferie.
S'agissant d'autre part de l'éducation civique, le chef
traditionnel « doit, tout en prêchant lui-même par
l'exemple150», inculquer à sa population le
civisme. Le civisme étant assimilé au patriotisme, il
apparaît opportun d'enseigner aux populations, des valeurs qui placent la
patrie au-dessus de toute considération égoïste ; ceci passe
par le respect des emblèmes et symboles de l'Etat, le respect des
institutions et de ceux qui les incarnent, le respect de l'autre, l'observance
de certaines règles dans la vie en société. Tout ceci est
fait pour avoir des bons citoyens à même de conduire notre pays
vers le développement tant
149 Art 10 (4) Loi N° 2011/011 du 6 mai 2011 modifiant et
complétant certaines dispositions de l'ordonnance N° 81-02 du 29
juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions
relatives à l'état des personnes physiques.
150 BELL Luc René, « Améliorer
l'efficacité de l'Etat à travers l'évolution de la
Chefferie traditionnelle », op. cit., p.546.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 60
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
recherché. Le citoyen n'ayant pas que des obligations,
les chefs traditionnels doivent également leur apprendre leurs
droits.
Si la population est l'ultime point de cette section relative
à l'action des chefferies traditionnelles au développement local
en matière d'enseignement et sociale, il convient d'aborder la
contribution de ces chefferies au développement local en matière
de jeunesse, de divertissement et de culture.
SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE DE JEUNESSE,
DIVERTISSEMENT ET
CULTURE
L'étude de la contribution des chefferies
traditionnelles au développement socioculturel local passe aussi par
l'implication de celles-ci en matière de jeunesse, de divertissement
(§1) et de culture (§2).
§1 - L'action des chefferies traditionnelles au
développement local en matière de
jeunesse et de
divertissement
L'action des autorités traditionnelles au
développement socioculturel local peut tout aussi se faire au travers de
la jeunesse (A) et du divertissement (B).
A) La contribution des chefferies traditionnelles au
développement local en matière
de jeunesse
La jeunesse est considérée comme le fer de lance
de la nation, il convient de l'encadrer pour qu'elle puisse atteindre les
objectifs en elle placés. Elle est diversement définie et le
point de rupture est la tranche d'âge de la jeunesse. Pour ne pas tomber
dans ces travers, nous allons élargir cette tranche pour conforter le
plus grand nombre. Nous retenons la tranche 1535 ans151. Les
chefferies traditionnelles peuvent dès lors accompagner la jeunesse par
la vulgarisation des politiques publiques destinées aux jeunes
(1) et l'accompagnement quotidien des jeunes
(2).
1) La vulgarisation des politiques publiques
destinées aux jeunes
La vulgarisation des politiques publiques destinées aux
jeunes par les chefferies traditionnelles auprès des jeunes peut se
faire suivant les politiques nationales et les politiques locales y
afférentes.
151 Voir le Préambule de la Charte Africaine de la
Jeunesse du 2 juillet 2006 qui définit un jeune comme « toute
personne âgée de 15 à 35 ans ».
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 61
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Relativement aux politiques publiques nationales
destinées aux jeunes d'une part, il s'agit de répandre
auprès des jeunes ce que les autorités nationales font pour cette
tranche d'âge. Les politiques publiques destinées aux jeunes sont
implémentées au niveau national par le ministère en charge
de la jeunesse en respect de la Charte Africaine de la Jeunesse. A bien
regarder l'organigramme de ce département ministériel, les
chefferies traditionnelles peuvent porter à la connaissance des jeunes
les politiques publiques en matière de vie associative et participation
des jeunes, d'insertion sociale des jeunes, du volontariat, de
l'éducation civique, de l'intégration nationale des jeunes et de
la promotion économique des jeunes152. A ce niveau, il existe
une multitude d'institutions spécialisées dont les plus
marquantes sont le Service civique national de participation au
développement, le Conseil national de la jeunesse et l'Observatoire
national de la jeunesse.
D'abord, le Service civique national de participation au
développement est chargé de la « mobilisation des
énergies pour le développement économique, social et
culturel du pays153» par la promotion « du
sentiment national et patriotique, du sens de la discipline, de la
tolérance, de l'intérêt général, de la
dignité du travail, de l'esprit civique et de la culture de la
paix154». Ce service cible deux catégories de
jeunes à savoir les appelés et les volontaires. L'âge des
appelés oscille entre 17 et 21 ans et bénéficient d'une
formation de soixante jours adossée sur le civisme, l'éducation
physique, sportive et culturelle, la consolidation de la solidarité et
de l'intégration nationales, le secourisme, la protection civile et la
sensibilisation à la protection de l'environnement. Les volontaires pour
leur part sont des jeunes qui s'engagent pour une période de six mois au
bout desquels ils doivent être capables d'avoir des aptitudes
nécessaires à la création d'activités
génératrices de revenus et réaliser des travaux
d'intérêt général aussi bien dans le secteur public
que dans le secteur privé.
Ensuite, le Conseil national de la jeunesse du Cameroun a pour
mission principale de « mettre en synergie les organisations de
jeunesse du Cameroun afin d'accroître la créativité des
jeunes et optimiser leur potentiel d'action et de participation au
développement155». Le conseil a des organes
centraux et des organes déconcentrés à l'image de la
déconcentration territoriale de notre pays. Cette organisation permet au
conseil de toucher le plus grand
152 Art 8 du décret N° 2012/565 du 28 novembre
2012 portant organisation du Ministère de la Jeunesse et de l'Education
Civique.
153
http://minjec.gov.cm/index.php/fr/35-ascnpd,
consultée le 22 janvier 2020.
154 Ibid.
155
http://www.minjec.gov.cm/index.php/fr/cnjc/386-conseil-national-de-la-jeunesse-du-cameroun-organe-
federateur-des-organisations-de-jeunesse, consultée
le 22 janvier 2020.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 62
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
nombre de jeunes. A titre d'exemple les bureaux
exécutifs communaux auront plus de faciliter pour mobiliser les jeunes
en vue de l'atteinte de certains objectifs. Ces bureaux locaux peuvent
être aidés dans ce sens par les autorités
traditionnelles.
Enfin, l'Observatoire national de la jeunesse a pour objectif
général « d'organiser la rencontre entre la demande
formulée par la jeunesse en matière de formation civique,
d'insertion sociale et de promotion économique, et l'offre
proposée par les programmes gouvernementaux et
non-gouvernementaux156». Cette plateforme de mise en
relation entre les jeunes et les programmes institutionnels à leur
endroit permet de rendre accessible les informations utiles en fonction de ce
que recherche un jeune. A titre d'exemple, un jeune agriculteur qui est inscrit
dans la base de données de l'observatoire recevra les annonces qui
concernent son domaine d'activités.
Relativement aux politiques publiques locales destinées
aux jeunes d'autre part, il est question pour les autorités
traditionnelles de transmettre aux jeunes ce que les autorités
régionales et municipales prennent comme décision à leur
endroit. Les chefferies traditionnelles auront du grain à moudre selon
la proactivité de ces autorités administratives
décentralisées.
Les chefferies traditionnelles, comme on vient de le voir, se
font le devoir de vulgariser auprès des jeunes les politiques publiques
nationales et surtout locales en la matière, il convient de souligner
que l'accompagnement des jeunes par les autorités traditionnelles se
fait au quotidien.
2) L'accompagnement quotidien de la
jeunesse
L'accompagnement de la jeunesse par les chefferies
traditionnelles se fait au quotidien. Cet accompagnement fait directement ou
par l'interface locale du ministère en charge de la jeunesse.
De manière directe, les chefferies traditionnelles
apportent leur appui aux jeunes. Les mécanismes de cet accompagnement
sont aussi divers que variés et reflètent l'identité de
chaque chef et de son milieu de vie. Cet accompagnement peut prendre plusieurs
formes notamment les causeries éducatives, la définition du
rôle de la jeunesse dans la chefferie, la
156
http://www.minjec.gov.cm/index.php/fr/pts-jeunes/145-observatoire-national-de-la-jeunesse-un-imperatif-
pour-une-meilleure-mediation-entre-les-programmes-de-developpement-et-la-jeunesse,
consultée le 22 janvier 2020.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 63
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
sensibilisation face aux fléaux sociaux et surtout
l'encouragement des jeunes qui se distinguent par leur travail ou
comportement.
De manière indirecte, les autorités participent
à l'accompagnement des jeunes par l'intermédiaire de la
délégation d'arrondissement de la jeunesse et de
l'éducation civique qui est l'interface la plus proche des populations
du ministère en charge de la jeunesse. La structure la plus
présente dans les esprits et où convergent les jeunes à ce
niveau demeure le centre multifonctionnel de promotion des jeunes qui est un
« laboratoire de solutions innovantes au problème d'emplois
chez les jeunes157». Les chefferies ont le devoir de
conduire les jeunes vers ces centres en vue de leur autonomisation.
Si la jeunesse camerounaise et plus particulièrement
celle de nos contrées est porteuse d'un certain nombre d'espoirs et
d'attentes, il ne faudrait cependant pas ignorer le fait qu'elle a droit au
divertissement.
B) La contribution des chefferies traditionnelles au
développement local en matière de divertissement
Le divertissement est une activité visant
l'épanouissement de l'homme par la récréation ou le jeu.
Le divertissement est de ce fait permet de distraire l'homme pour quelques
instants sans pour autant l'éloigner de ses objectifs.
La contribution des chefferies traditionnelles au
développement local dans le domaine du divertissement sera
analysée sous le prisme des sports (1) et des loisirs
(2).
1) Les sports
Le sport est une « activité physique
exercée dans le sens du jeu, de la lutte et de l'effort, et dont la
pratique suppose un entraînement méthodique, le respect de
certaines règles et disciplines158». Allant plus
loin, la loi portant organisation et promotion des activités physiques
et sportives identifie le sport comme un « ensemble d'exercices
physiques et intellectuels codifiés se pratiquant sous forme de jeux
individuels ou collectifs pouvant donner lieu à des
compétitions159». Le sport, a-t-on l'habitude de le
dire, est un facteur majeur de communion sociale. Aussi, le sport est un «
facteur important d'équilibre mental, de
157
http://minjec.gov.cm/index.php/fr/actu/274-centres-multifonctionnels-de-promotion-des-jeunes-levier-de-l-entrepreneuriat-jeune
, consultée le 22 janvier 2020.
158 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.2425.
159 Article 10 de la Loi N° 2018/014 du 11 juillet 2018
portant organisation et promotion des activités physiques et sportives
au Cameroun.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 64
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
préservation du capital santé,
d'épanouissement physique, intellectuel ou socio-économique de
l'individu160».
L'action des chefferies traditionnelles en matière de
sports pourra se faire selon qu'on soit en présence du sport amateur ou
du sport professionnel.
En rapport d'une part avec l'action des chefs traditionnels en
matière de sport amateur, il faut noter qu'il s'agit de la pratique du
sport en vue de se divertir. Hormis les cas de pratique obligatoire du
sport161, la loi aménage la pratique du sport pour tous. Le
sport pour tous « consiste en l'organisation de l'éducation
physique et de loisirs sportifs récréatifs libres ou
organisés au profit du plus grand nombre de
citoyens162». Le sport pour tous a l'avantage de
constituer un important facteur de promotion de la santé publique, de
l'insertion sociale et de la lutte contre les fléaux
sociaux163. Les chefferies traditionnelles, dans leur mission
d'accompagnement des collectivités locales, peuvent organiser ces
activités sportives destinées au plus grand nombre. Il peut
s'agir par exemple d'une marche sportive avec exercices d'étirements.
Ces activités sportives pour tous dans la réalité sont
mises en second plan au profit des activités sportives collectives dont
la plus pratiquée est le football. Les installations de football sont
visibles dans tous les quartiers et villages de notre pays dont certaines sont
sur les terres des chefferies. Les autorités traditionnelles organisent
à l'endroit des sportifs des tournois périodiques, des
compétitions inter-quartiers ou inter-villages. Il est également
du devoir des chefs traditionnels, en synergie avec les collectivités
territoriales décentralisées, de promouvoir les sports peu
pratiqués et surtout ceux ayant trait à nos cultures à
l'image de la lutte traditionnelle.
En rapport d'autre part avec l'action des chefs traditionnels
en matière de sport professionnel, il convient de relever qu'il s'agit
de la pratique du sport comme métier. A ce niveau l'action des
autorités traditionnelles peut se faire à plusieurs paliers.
D'abord, on peut assister à la création et la gestion d'une
équipe de sport professionnel par une chefferie traditionnelle. Lorsque
qu'une chefferie est un creuset de talents sportifs ou lorsque certaines
conditions sont réunies, le chef peut, sur sa propre initiative ou de
concert avec les forces en présence, créer une équipe dans
le but de promouvoir le sport et porter la localité sur un
piédestal. Ensuite, la chefferie traditionnelle peut accompagner une
équipe sportive, ses joueurs et son staff technique. Enfin, les
chefferies traditionnelles peuvent aider les équipes
160 Article 2 (1) de la loi précitée.
161 Articles 4 et 12 de la loi précitée.
162 Art 15 (1) de la loi précitée.
163 Al 2 de l'article 15 de la loi précitée.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 65
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
sportives de leur ressort territorial par la mobilisation. La
mobilisation peut se faire à plusieurs niveaux, on peut
énumérer la mobilisation des populations lors des rencontres
sportives, la mobilisation des ressources financières nécessaires
au fonctionnement de l'équipe et la mobilisation matérielle telle
la mise à disposition d'une aire de jeu.
Les sports et particulièrement le football occupent
dans notre pays la plus grande portion de divertissement au grand
désarroi des loisirs.
2) Les loisirs
Les loisirs correspondent au temps dont on peut disposer en
dehors de ses occupations habituelles et des contraintes. Ce temps est mis
à profit pour se divertir. La difficulté est que les loisirs sont
tous aussi divers que variés et reflètent la subjectivité
de chaque individu. Une chose peut constituer un loisir pour une personne et
paraître inutile pour une autre. En tout état de cause, il existe
des loisirs qui sont admis par le plus grand nombre. Les autorités
peuvent intervenir dans le champ des loisirs en agissant sur les
infrastructures de loisirs, les évènements ayant un
caractère de loisirs et les acteurs des loisirs.
Concernant d'abord, l'action des chefferies traditionnelles
sur les infrastructures de loisirs, elles peuvent accompagner les
autorités régionales dans la création et l'exploitation
des parcs de loisirs d'intérêt régional164.
Elles peuvent aussi apporter leur soutien aux autorités municipales dans
la création et l'exploitation des parcs de loisirs165 et
parcs d'attraction situés dans la commune. De leur propre chef, les
autorités traditionnelles peuvent également mettre à la
disposition de leurs administrés des biens de la chefferie pour que
ceux-ci puissent se divertir. Il peut s'agir d'un terrain, d'un immeuble
bâti pour l'exercice de leurs loisirs.
Concernant ensuite la participation des chefferies
traditionnelles aux évènements ayant un caractère de
loisirs, les autorités traditionnelles peuvent, au regard du Code
général des collectivités territoriales
décentralisées, soutenir les autorités municipales dans
1'organisation des manifestations socioculturelles à des fins de
loisirs166. Les autorités traditionnelles peuvent lorsque les
circonstances le permettent d'organiser sur leurs territoires respectifs des
évènements ayant un caractère de loisirs, il peut s'agir
des jeux de société, des séances de lecture publique, des
oeuvres de vacances, des randonnées et de l'écotourisme. Cette
tâche
164 Art 272 CGCTD.
165 Art 162 CGCTD.
166 Articles 162 et 272 CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 66
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
s'avère indispensable au regard du manque criard
d'activités de loisirs aussi bien en ville qu'en campagne.
Concernant enfin l'action sur les acteurs des loisirs, il
convient tout d'abord de situer l'existence de deux acteurs majeurs de loisirs
à savoir les prestataires de loisirs et les consommateurs. D'une part,
les autorités traditionnelles ont la mission de faciliter le travail des
prestataires de services de loisirs sur leur territoire. Il s'agit aussi compte
tenu de l'absence de loisirs d'inciter des promoteurs de loisirs nationaux
voire même internationaux de venir s'installer sur le territoire de la
chefferie au regard du potentiel de celle-ci. D'autre part, les chefs
traditionnels accompagnent les consommateurs de loisirs
représentés par tous les citoyens, par l'information ceux-ci. Il
s'agit de mettre à leur disposition des informations dont ils ont besoin
pour leurs activités de loisirs. Les chefferies peuvent mettre à
leur disposition par exemple un guide devant les conduire et leur expliquer le
contenu de l'activité de loisirs.
Si les loisirs constituent un moment de
récréation des individus durant leur temps libre, ceux-ci peuvent
avoir un lien fort avec la culture.
§2 - L'action des chefferies traditionnelles au
développement local en matière culturelle
La culture est une notion polysémique. Dans le sens qui
nous intéresse, la culture est l'« ensemble des aspects
intellectuels propres à une civilisation, une
nation167». Mieux encore c'est la somme « des
formes acquises de comportement, dans les sociétés
humaines168». En tout état de cause, la culture est
l'ensemble des manières et habitudes d'un groupe social.
La loi portant Code général des
collectivités territoriales décentralisées du 24
décembre 2019 a, par transfert, octroyé des compétences
aux CTD en matière de culture169. Il est du ressort des
autorités traditionnelles d'accompagner les autorités locales
pour le rayonnement de notre culture.
Avec l'avènement du statut spécial des
régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest brièvement
présenté ci-haut, la house of Chiefs a
conformément au CGCTD des missions particulières en
matière culturelle170.
167 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.603.
168 Ibid.
169 Voir les articles 163, 242 (3) et 273 CGCTD.
170 Article 337 (2) CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 67
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
L'action des chefferies traditionnelles au
développement local en matière culturelle peut être
appréhendée par la promotion de la culture (A)
et la promotion des langues officielles et nationales (B).
A) La promotion de la culture
La promotion de la culture par les chefferies traditionnelles
peut se faire par la création et l'organisation
d'évènements culturels (1) ainsi que la
création et l'appui aux infrastructures culturelles
(2).
1) La création et l'organisation
d'évènements culturels
Un évènement culturel est une rencontre d'un
groupe social basée sur la création artistique et culturelle dans
espace et à un moment donné. Les chefferies traditionnelles
peuvent, de manière autonome ou avec les autorités territoriales
décentralisées171, créer ou organiser des
évènements culturels. Ainsi, les chefferies traditionnelles
peuvent initier des évènements culturels dans le but de
pérenniser la culture, de faire connaître la culture au grand
public et de renforcer les liens entre peuples au cours de ces rencontres
périodiques. Chaque aire culturelle de notre pays a ses
particularités, sans exhaustivité nous pouvons citer le
Ngouon chez les Bamoun, le Ngondo chez les Sawa, le Gurna
des peuples Toupouri, Kéra et Wina et le festival Mbog Liaa
chez les peuples Bassa, Bati et Mpoo. Nous verrons successivement comment
ces évènements culturels sont mis en oeuvre pour dégager
leurs spécificités.
Le festival Ngouon est l'un des plus anciens
festivals sinon le plus ancien au Cameroun172, il représente
« un moment fort de l'exaltation de la culture
camerounaise173». C'est à la fois un instrument de
pouvoir, de démocratie et de développement174. Durant
ce festival, chaque famille apportait son tribut agropastoral au Sultan
destiné à nourrir la population palatine et à garantir la
sécurité alimentaire du Royaume. L'articulation majeure du
Ngouon est l'interpellation du Sultan sur des manquements,
dysfonctionnements ou injustices dans le palais. Ainsi « à un
moment, le roi interpellé se lève et on plante devant lui la
lance de la justice. A ce moment, il n'est plus roi. On lui dit ce qui s'est
passé et on lui demande ce qu'il va faire pour y remédier. Le roi
réagit ensuite par un discours du trône,
171 Art 273 a) CGCTD.
172 La première édition du Ngouon remonte
au 16ème siècle après la création du
Royaume Bamoun par NCHARE
YEN. Lire sur la question MOUICHE Ibrahim, « Chefferies
traditionnelles, culture et développement local au Cameroun »,
11e Assemblée Générale du CODESRIA,
décembre 2005, p. 1-10.
173 MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, culture
et développement local au Cameroun », op. cit., p.3.
174 Ibid.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 68
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
généralement articulé en deux points
: il répond aux interpellations du précédent Ngouon et
prend acte de celles qui lui sont faites. C'est quasiment une comparution
devant le peuple175». Au total, ce festival est un
rendez-vous du peuple Bamoun, réparti sur les neuf arrondissements que
compte le département du Noun, qui converge vers Foumban avec sa
spécialité pour rehausser l'éclat de cet
évènement qui transcende les frontières nationales.
En rapport avec Ngondo, c'est une fête
traditionnelle et rituelle des peuples côtiers du Cameroun. Elle
réunit les Sawa de la région du Littoral pendant la
première semaine du mois de décembre. La littérature sur
le Ngondo est assez fournie176. Cette manifestation qui
existe depuis 1830 a pour objectif « de réunir les peuples
côtiers une fois tous les douze mois en célébrant une
grande fête rituelle, mystique et culturelle animée par les hauts
dirigeants des différents cantons de la Ville de Douala et sa
Métropole177». L'on retient que cet
évènement annuel est placé sous la présidence d'un
chef d'un des cantons de Douala. Les autorités traditionnelles de ces
cantons dans la matérialisation des activités de ce festival ont
le souci de promouvoir la culture et de renforcer les liens entre les peuples
côtiers. Moment privilégié de la culture camerounaise, le
Ngondo a brisé les barrières culturelles et
réunit les camerounais de tous les bords qui demeurent fascinés
par la course de pirogues, la lutte traditionnelle, le concours du meilleur
danseur, le concours de cuisine et le concours de Miss Ngondo pour ne
citer que ceux-là.
En rapport avec le festival Mbog Liaa, il convient de
soulever que ce festival n'a été initié par uniquement par
des chefs traditionnels mais par des personnalités comme le Colonel MANG
Sylvestre, M. MPOUMA Léonard Claude et le Professeur MBOUI Joseph entre
autres. Ce festival est organisé par l'association Mbog Liaa.
Cependant, on note la place importance reconnue aux chefs traditionnels et plus
particulièrement des Mbombog. Ce regroupement des peuples de la
« grotte » permet aux peuples de ces trois
communautés de se retrouver et de communier autour d'une panoplie
d'activités parmi lesquelles des expositions, des
conférences-débats, élection miss Mbog Liaa,
danses culturelles et sans doute échange
175 Ibid.
176 Lire à cet effet AUSTEN Ralph, « Tradition,
invention et histoire : le cas du Ngondo », Cahiers d'études
africaines, vol. 32, n° 126, 1992, pp.285-309 ; NDOUMBE-MOULONGO
Maurice, Le Ngondo, assemblée traditionnelle du peuple duala,
centre d'édition et de production de manuels et d'auxiliaires de
l'enseignement, Yaoundé, 1972 ; TOKO Le Fils Jean Bernard, Ngondo :
impasses d'une mythologie. Ethique théologique de la
liberté, Editions universitaires européennes, 2013 et enfin
HARTER Pierre, « Le Ngondo », Bulletin de l'Association
française pour les recherches camerounaises, Faculté des
lettres et de sciences humaines de Bordeaux, tome 3, 1968, pp.61-97.
177 Document Wikipédia sur le Ngondo
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Ngondo,
consulté le 21 janvier 2020.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 69
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
d'expériences. En tout état de cause, ce
festival permet aux autorités traditionnelles de transmettre la culture
de ces communautés par l'apprentissage de la langue, les contes,
l'histoire des peuples de la grotte entre autres.
En rapport avec le festival Gurna, il faut relever
qu'il réunit les peuples Toupouri, Kéra et Wina du Cameroun et du
Tchad. Ce festival se passe de manière rotative au Cameroun et au Tchad.
Les autorités traditionnelles de ces communautés jouent une part
active dans le déploiement des activités de ce festival qui
comporte les courses de chevaux, les danses traditionnelles, les jeux de
société en voie de disparition, la lutte traditionnelle, les
expositions d'oeuvres d'art ancien et moderne et des tables rondes sur les
questions de développement des peuples de ces communautés. Il
s'agit de réunir et de fédérer les peuples Toupouri,
Kéra et Wina issus des départements du Mayo-Danay au Cameroun et
du Mont Ili au Tchad autour des valeurs qui leur sont propres.
A côté de ces évènements culturels
majeurs il ne faudrait pas négliger l'existence de certains
évènements culturels de petite envergure tels les
activités culturelles régulières ou ponctuelles.
La création et l'organisation
d'évènements culturels par les chefferies traditionnelles peuvent
être suivies par la création et l'appui aux infrastructures et aux
acteurs culturels.
2) La création et l'appui aux infrastructures et
l'appui aux acteurs culturels
La création et l'appui aux infrastructures culturelles
et l'aide aux acteurs culturels constituent le second volet de l'action des
chefferies traditionnelles au développement local en matière
culturelle.
Concernant d'une part la création et l'appui aux
infrastructures culturelles, l'on peut retenir ici deux moyens pour y parvenir.
Premièrement, les chefferies traditionnelles peuvent créer des
infrastructures de promotion de la culture à l'instar des musées,
des bibliothèques, des centres socioculturels. A cet égard, on
peut citer les musées emblématiques comme le musée de
Foumban, le musée de Dschang. Secondement, les autorités
traditionnelles peuvent appuyer l'action des autorités locales par la
participation à la surveillance et au suivi de l'état de
conservation des sites et monuments historiques ainsi qu'à la
découverte des vestiges préhistoriques ou historiques et la
contribution à la création de centres socioculturels et des
bibliothèques de lecture publique d'intérêt
régional178.
178 Art 273 a) CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 70
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Concernant d'autre part l'appui aux acteurs culturels, le Code
général des collectivités territoriales
décentralisées parle d'appui et d'assistance179 aux
associations culturelles. Tous les acteurs culturels n'étant
regroupés au sein d'associations, les CTD ne peuvent qu'aider une partie
des acteurs culturels. Les chefferies traditionnelles interviendront alors dans
l'optique de contenter le plus grand nombre d'acteurs culturels parmi lesquels
on a des artistes de tous ordres, les promoteurs culturels et les
initiés entre autres. Cet accompagnement des chefferies traditionnelles
peut revêtir plusieurs formes. Il peut être financier,
matériel, artistique ou même lié à
l'idéologie culturelle.
L'avènement du statut spécial des régions
du Nord-Ouest et du Sud-Ouest permet à la House of Chiefs de
connaître des questions liées aux infrastructures culturelles. En
effet, cette chambre de l'Assemblée Régionale émet un avis
conforme sur le statut de la chefferie traditionnelle, la gestion et la
conservation des sites, monuments et vestiges historiques180. Cet
avis va sans doute améliorer la place de la chefferie traditionnelle
dans ces régions où le chef a une place
prépondérante, valoriser ces sites par une visibilité ici
et ailleurs dans le but de partager notre histoire souvent méconnue.
Si la culture l'élément fondateur de notre
identité, elle a pour véhicule les langues et plus
singulièrement les langues officielles et nationales.
B) La promotion du bilinguisme et des langues
nationales
Les autorités traditionnelles, dans leur concours au
développement socioculturel local, sont appelées à
promouvoir le bilingue (1) et les langues nationales
(2) ceci dans le but de permettre aux camerounais de
communiquer entre eux tout en conservant les systèmes de communication
claniques qui leur sont propres.
1) La promotion du bilinguisme
Le bilinguisme est la capacité de parler parfaitement
deux langues. Pour le législateur, c'est la « pratique courante
des deux langues officielles par les citoyens du
Cameroun181». La promotion du bilinguisme, si chère
à notre Etat182, incombe également aux chefferies
traditionnelles. La constitution garantit la promotion du bilinguisme sur toute
l'étendue du triangle national183. Néanmoins, l'on se
rend compte que beaucoup de citoyens camerounais
179 Articles 163 a) et 273 a) CGCTD.
180 Art 337 (2) CGCTD.
181 Article 7 a) de la Loi N° 2019/019 du 24
décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun.
182 Art 1 al 3 Loi N°96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 2 juin 1972.
183 Ibid.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 71
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
ne maîtrisent que leur dialecte du fait de la
non-scolarisation de ceux-ci. Les chefs traditionnels sont alors appelés
à oeuvrer aux côtés des pouvoirs publics à apprendre
non pas une mais deux langues à leurs administrés. Cette
tâche s'avère très ardue au regard du contexte qui est le
nôtre et du mauvais maniement des langues officielles par certains de nos
compatriotes.
Bien qu'étant difficile, cette tâche n'est pas
impossible. Elle peut se résumer en l'accompagnement des politiques
publiques et la prise d'initiatives propres.
S'agissant premièrement de l'accompagnement des
politiques publiques en matière de promotion des langues officielles et
du bilinguisme, il est du devoir des chefferies traditionnelles de soutenir les
autorités administratives dans leur action dont la trame centrale est
« d'assurer l'égalité de l'usage de l'anglais et du
français dans les administrations et organismes publics, et d'inciter
les citoyens camerounais à s'exprimer en anglais et en
français184». Les autorités traditionnelles
pourront donner leur avis sur ces politiques dans le but de les rendre
efficientes et accessibles au plus grand nombre de citoyens ; et apporter leur
appui multiforme pour la mise en oeuvre de ces politiques. Les autorités
traditionnelles peuvent également participer aux programmes nationaux et
locaux ponctuels tels les cours de bilinguisme de vacances, les concours
d'expression bilingue entre autres.
S'agissant secondement de la prise d'initiatives propres en ce
qui concerne les langues officielles et le bilinguisme, les chefferies
traditionnelles peuvent organiser des programmes et évènements
destinés à promouvoir le bilinguisme et les langues officielles.
Ce type de programme a le mérite d'être efficace en milieu rural
où le gap est à combler. On peut à titre d'exemple citer
les concours de langue et de bilinguisme organisés par les
autorités traditionnelles au sein des établissements scolaires
primaires et secondaires.
Les langues officielles et plus particulièrement le
bilinguisme sont l'héritage commun de tous les camerounais, il ne
faudrait pas cependant oublier l'existence de tribus et clans au Cameroun
d'où l'importance de promouvoir les langues nationales car comme le dit
l'adage « il faut se connaître soi-même avant d'aller
à la rencontre de l'autre ».
2) La promotion des langues nationales
La langue nationale renvoie à un «
système d'expression et de communication commun à un groupe
social185», une tribu ou une ethnie. Les langues
nationales constituent le patrimoine immatériel de notre pays. Si les
chefs traditionnels sont garants de nos us et
184 Art 5 (1) Loi N° 2019/019 précitée.
185 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.1428.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 72
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
coutumes, ils le sont à plus forte raison de nos
langues nationales. Leur action à ce niveau est très attendue
compte tenu de la posture qui est la leur. Au regard du foisonnement des
langues nationales186 et de la prédominance des langues
officielles, il apparaît plus que nécessaire pour nos chefferies
traditionnelles de préserver et de pérenniser les langues
nationales afin qu'elles ne rentrent pas dans la catégorie des langues
dites mortes. La promotion des langues nationales par les autorités
traditionnelles, garantie par le constituant camerounais187, peut se
faire au niveau des programmes et des infrastructures de promotion.
Concernant d'une part la participation à la mise en
place de programmes de promotion des langues nationales, les chefferies
traditionnelles peuvent apporter leur contribution tant au niveau communal
qu'au niveau régional. S'agissant premièrement la participation
au niveau communal, il peut s'agir à l'examen du CGCTD188, de
l'accompagnement des communes à la mise en place des programmes
d'apprentissage et de vulgarisation des langues nationales auprès de
ceux qui ne la maîtrisent pas. En dehors de cette mission
d'accompagnement, la chefferie traditionnelle peut elle-même organiser en
son sein des cours d'apprentissage d'une langue nationale de manière
continue ou périodique. S'agissant secondement de la participation au
niveau régional, il peut s'agir de concert avec les autorités
décentralisées régionales et selon la loi189,
de la confection du programme régional de promotion des langues
nationales ainsi que ces modalités de mise en oeuvre, la mise au point
avec ces autorités de la carte linguistique régionale, la
participation à la promotion de l'édition et de la
numérisation des langues nationales, l'accompagnement de la presse
parlée et écrite en langues nationales entre autres. Dans les
régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la house of Chiefs est
appelée à donner son avis sur la collecte et traduction des
éléments de la tradition orale190. Ce qui permettra
à coup sûr de mettre à la disposition du public ces
éléments de notre patrimoine culturel.
Concernant d'autre part la participation à la mise en
place d'infrastructures de promotion des langues nationales, les chefferies
traditionnelles peuvent apporter leur appui tant au plan régional que
communal de plusieurs manières. Il peut être question de
participer, en concertation avec les autorités régionales et
municipales, à la mise en place et à l'entretien des
infrastructures régionales et communales de promotion des langues
nationales, la création
186 L'on estime à plus de deux cent cinquante (250), le
nombre de langues parlées au Cameroun.
187 Art 1 al 3 Loi constitutionnelle de 1996.
188 Art 163 b) CGCTD.
189 Art 273 b) CGCTD.
190 Art 337(2) CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 73
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
des infrastructures destinées à la valorisation
des langues nationales. En rapport d'une part avec l'accompagnement des
institutions locales dans la mise en oeuvre des infrastructures de promotion
des langues nationales, il peut s'agir de l'octroi d'une parcelle de terre pour
la construction d'une telle infrastructure, l'appui technique dans cette mise
en oeuvre, l'apport en ressources humaines et financières, entre autres.
En rapport d'autre part avec la création des infrastructures de
promotion des langues nationales, il est question pour la chefferie
traditionnelle de la construction sur fonds propres ou avec l'appui d'un
partenaire d'une infrastructure destinée à enseigner et mettre en
valeur les langues nationales. Ces infrastructures directement placées
sous le contrôle du chef traditionnel ont pour mission de sauvegarder les
langues nationales et sa pratique compte tenu de la prééminence
de l'anglais et du français dans l'espace public et même dans
l'espace privé.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 74
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
En définitive, il était question pour nous de
traiter de l'action des chefferies traditionnelles au développement
socioculturel local. La réponse à cette préoccupation
s'est faite en deux temps. D'un côté, il fallait aborder l'action
des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local en
matière d'enseignement et sociale. De l'autre côté, il
fallait évoquer l'action des autorités traditionnelles au
développement socioculturel local en matière de jeunesse, de
divertissement et de culture. Nous pouvons donc dire que les chefs
traditionnels apportent une contribution significative à ces domaines au
quotidien dans leurs rapports avec leurs administrés.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 75
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
En somme, il s'agissait pour nous de démontrer le
premier volet de la participation des chefferies traditionnelles au processus
de décentralisation qui est axé sur le développement
local. Il en ressort que de par leur position stratégique, les
autorités traditionnelles ont un rôle important à jouer
pour le développement de leurs territoires. Cette participation est
d'une part orientée vers le développement économique local
et d'autre part, elle est dirigée vers le développement
socioculturel local. Nous pouvons donc dire que les chefferies traditionnelles
sont de véritables vecteurs de développement au niveau local du
fait de leur posture et de leur proximité avec les populations
principales bénéficiaires de la décentralisation. On peut
donc conclure avec Sa Majesté TSALA que cette contribution est
permanente car « les chefs sont sollicités dans l'encadrement
au quotidien des populations, (...) pas seulement au niveau social
mais au niveau des activités économiques qui sont conduites ou
menées par nos populations et à travers les projets de
développement ». Les chefferies traditionnelles apportent
également une contribution en matière de démocratie et de
bonne gouvernance locales.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 76
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
SECONDE PARTIE :
LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES A LA
DEMOCRATIE ET A LA
BONNE GOUVERNANCE LOCALES.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 77
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
La démocratie locale et la gouvernance locale sont deux
notions fortement indissociables, certains parlent même de gouvernance
démocratique191. La démocratie locale renvoie au
« pouvoir de décision transféré dans certains
domaines de compétences par un Etat à une collectivité
locale ou régionale dotée elle-même d'institutions
démocratiques192». Tandis que la gouvernance locale
est « un ensemble d'institutions, de mécanismes et de processus
qui permettent aux citoyens et aux groupements de citoyens d'exprimer leurs
intérêts et leurs besoins, de régler leurs
différends et d'exercer leurs droits et obligations à
l'échelon local193». Ces définitions nous
permettent de cerner le lien étroit qui existe entre la
démocratie locale et la gouvernance locale. On peut dire que la
démocratie locale renvoie à une action et la gouvernance est le
procédé de mise en oeuvre et de contrôle.
Cependant chez nous, la démocratie est
appréhendée sous le spectre des élections. Ce qui limite
par conséquent l'action des citoyens en matière de gouvernance au
seul moyen du vote sanction194 ou du
plébiscite195. C'est sans doute ce qui a poussé le Dr
DERIDDER à dire que « Les élections (...) se
situent au coeur de la gouvernance locale et sont révélatrices de
l'ambivalence du processus de décentralisation. L'instauration d'une
nouvelle forme de pouvoir local élu, et ses modalités
d'accès ont été progressivement
intériorisées (...) comme une menace pour les
autorités traditionnelles ; mais, dans un même temps, la
décentralisation offre à celles-ci des opportunités pour
se repositionner, réaffirmer et sécuriser leur position dans
l'arène politique locale. Ainsi, contrairement aux attentes
véhiculées par les discours des promoteurs de la réforme
et des bailleurs de fonds, la décentralisation n'est pas une cause
déterminante ni une condition suffisante de l'ouverture
démocratique de l'espace politique local. Cette réforme doit
plutôt être comprise comme un contexte favorable ou une
opportunité de changement dont les multiples acteurs peuvent se saisir
de façons diverses en fonction de leur trajectoire propre et de la
variabilité du contexte local196». Il ressort de ce
long passage que les chefferies traditionnelles, jadis
considérées comme une menace, ont l'opportunité de redorer
leur blason au travers de la démocratie et la gouvernance locales.
191 NGANE Suzanne, op. cit., p.25.
192 Définition de la démocratie locale de
Wikipédia,
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocratie_locale,
consultée le 26 janvier 2020.
193 PNUD, Decentralised Governance for Development: A
Combined Practice Note on Decentralisation, Local Governance and Urban/Rural
Development, 2004, p.4.
194 Le vote sanction est un vote punitif destiné
à marquer son désaccord avec les choix des responsables
politiques au pouvoir.
195 Le plébiscite traduit originellement le
résultat obtenu à la majorité absolue au cours d'un
referendum. Aujourd'hui, il traduit l'élection d'un élu ou d'un
programme à une majorité écrasante. Cf. Le Petit Robert,
op. cit., p.1930.
196 DERIDDER Marie, op. cit., pp.201-202.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 78
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Le Code général des collectivités
territoriales décentralisées dispose que la
décentralisation « constitue l'axe fondamental de promotion
(...) de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau
local197». Ce texte de loi ne décline pas en quoi
consiste la démocratie et la bonne gouvernance locales, il est
impératif de rechercher le contenu de ces concepts dans plusieurs textes
législatifs ou règlementaires, et surtout l'intervention des
autorités traditionnelles dans ces domaines.
Le second volet de la contribution des chefferies
traditionnelles à la décentralisation dans notre pays peut
être appréhendé par le prisme de la démocratie
locale (chapitre 1) et de son corollaire immédiat
qu'est la bonne gouvernance locale (chapitre 2).
197 Art 5 (2) CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 79
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CHAPITRE 1 : LA PARTICIPATION DES
CHEFFERIES
TRADITIONNELLES A LA DEMOCRATIE LOCALE
La démocratie est « un système
politique qui permet le contrôle du gouvernement par le peuple et qui
place les citoyens sur un pied d'égalité dans l'exercice de ce
contrôle198». La démocratie de nos jours est
beaucoup plus représentative que directe. Les citoyens agissent par
l'intermédiaire de leurs représentants qu'ils ont
désignés eux-mêmes.
D'un autre côté, « à
l'égard de la démocratie appréhendée dans le cadre
national (...), la démocratie locale (...) se
caractérise par l'importance théorique conférée
à la participation des habitants199». La
participation est l'élément qui revient dans la définition
de la démocratie et de la démocratie locale.
Conformément à leur mission d'encadrement des
populations200, les chefferies traditionnelles ont un rôle
indéniable à jouer dans le déploiement de la
démocratie locale et dans une moindre mesure dans la démocratie
à l'échelle nationale.
La démocratie locale est alors le niveau « le
plus proche des citoyens, l'espace dans lequel ceux-ci font l'expérience
pratique de la démocratie au quotidien, quand ils interagissent avec les
institutions et les processus démocratiques, s'efforcent de gagner leur
vie et d'assurer leur sécurité, s'occupent de leur famille et de
leur communauté et ont recours à des services essentiels comme la
santé, le logement et l'éducation. C'est souvent à ce
niveau que les citoyens commencent à se familiariser avec le
système politique dont ils font partie201». Ceux-ci
doivent être accompagnés par les chefferies traditionnelles pour
qu'ils puissent pleinement tirer profit des opportunités que leur offre
la démocratie locale.
La démocratie, au plan national et beaucoup plus au
plan local, est malheureusement perçue chez nous sous la coupole des
élections. Ce qui a probablement conduit LAMARTINE à affirmer que
« le suffrage universel est donc la démocratie elle-même
». Cette vision de la démocratie nous paraît
réductrice. Au niveau local, l'on peut adjoindre l'élection
à la promotion des droits de l'Homme, la préservation de la paix
et la participation citoyenne.
198 IDEA (Institut International pour la démocratie et
l'assistance électorale), Cadre d'évaluation de l'état
de la démocratie locale, 2015, p.13.
199 PAOLETTI Marion, « La démocratie locale
française. Spécificité et alignement », CURAPP/CRAPS,
La démocratie locale, Représentation, participation et espace
public, PUF, 1999, p.45.
200 Articles 19 et 20 du Décret N° 77/245 du 15
juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles.
201 IDEA (Institut International pour la démocratie et
l'assistance électorale), op. cit., pp.13-14.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 80
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
La participation des chefferies traditionnelles à la
démocratie locale sera étudiée ici sous le prisme de la
contribution des chefferies traditionnelles en matière électorale
(section 1) et de l'apport de ces entités
traditionnelles à la promotion des droits de l'Homme et la
préservation de la paix (section 2).
SECTION 1 - LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES EN
MATIERE ELECTORALE
L'élection désigne le « choix, [ou
la] désignation d'une ou plusieurs personnes par un
vote202». Le vote traduit alors une «
opération par laquelle les membres d'un corps politique donnent leur
avis sur une décision à prendre203». De
manière simple, l'élection est la désignation par le
suffrage universel de ses représentants par le peuple. L'élection
constitue dès lors la pierre angulaire de la démocratie parce
qu'elle représente l'un des aspects de la démocratie locale
« les plus visibles directement par les
populations204».
La participation des chefferies traditionnelles en
matière électoral peut être appréhendée
à l'observation du processus électoral (§1)
et suivant le type d'élections (§2).
§1 - L'action des chefferies traditionnelles dans le
processus électoral
L'action des chefferies traditionnelles dans le processus
électoral peut se faire avant (A), pendant et
après (B) les élections.
A) L'action préparatoire des
élections
L'action préparatoire des élections fait
référence aux inscriptions sur les listes électorales
(1) et aux déclarations de candidature
(2).
1) Les inscriptions sur les listes
électorales
Les inscriptions sur les listes électorales font partie
de ce que le code électoral appelle l'établissement et la
révision des listes électorales205.
La loi portant code électoral a prévu que ces
opérations d'établissement et de révision des listes
électorales se fassent au niveau communal par la commission communale de
révision de listes électorales composée d'un
président qui est le représentant d'Elections Cameroon
et des Membres que sont un représentant de l'Administration, le maire,
ou un
202 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.832.
203 Ibid., p.2742.
204 DERIDDER Marie, op. cit., p.169.
205 Art 50 de la Loi N° 2012/001 du 19 avril 2012 portant
code électoral modifiée et complétée par la Loi
N° 2012/017 du 21 décembre 2012.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 81
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
adjoint au maire ou un conseiller municipal et un
représentant de chaque parti politique légalisé et
présent sur le territoire de la commune concernée206.
De cette composition, on note la non-prise en compte des chefs traditionnels.
Ils accompagnent, dans la pratique, cette commission par deux moyens au moins.
D'un côté, les chefs traditionnels peuvent inciter leurs
administrés à s'inscrire sur les listes électorales en vue
de jouir pleinement de leurs droits civiques et de participer aux choix de ses
élus. D'un autre côté, les chefs traditionnels sont
sollicités dans la mise oeuvre du travail de la commission. Il peut
s'agir de véhiculer auprès des populations de la descente sur le
terrain de la commission pour l'enrôlement des potentiels
électeurs. Il peut également s'agir de la mise à
disposition des commodités nécessaires au déploiement de
la commission. Il peut enfin s'agir d'un travail de fonds, les chefs
traditionnels doivent signaler à la commission les cas de
décès, les personnes sous le coup d'une incapacité
électorale207, les personnes ayant changé de domicile
et les personnes inscrites indûment208.
Après cette phase de toilettage du fichier
électoral, l'on assiste à la distribution des cartes
d'électeur. Les chefferies traditionnelles jouent un rôle
important dans la pratique dans ce domaine. Au regard des superficies souvent
étendues que les commissions de révision des listes
électorales doivent couvrir, il n'est pas toujours évident pour
elles de toutes les parcourir entièrement pour la remise des cartes
d'électeur. Les membres de ces commissions utilisent les chefferies
traditionnelles pour le faire lorsqu'elles connaissent effectivement les
concernés. A défaut, ces cartes seront conservées à
l'antenne communale de l'organisme en charge des élections et
déposées en cas d'élection dans les bureaux de vote
respectifs de leurs titulaires209.
Les inscriptions sur les listes électorales constituent
la première partie de l'action préparatoire des élections,
la seconde a trait aux déclarations de candidature.
2) Les déclarations de candidature
Les déclarations de candidature aux élections
intéressent les chefs traditionnels suivant qu'ils sont candidats ou
non.
Lorsque que les chefs traditionnels ne sont pas candidats, ils
peuvent intervenir dans le processus de déclaration de candidature par
un seul moyen légal. En effet, à la lecture du code
206 Art 52 (2) Code électoral.
207 Voir les articles 47 et 48 du Code électoral.
208 Voir l'article 76 (3) du Code électoral sur les
personnes à retrancher du fichier électoral.
209 Art 85 (2) Code électoral.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 82
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
électoral et en son article 121 alinéa 2, les
candidats à l'élection présidentielle qui ne sont pas
investis par des partis politiques sont considérés comme
candidats indépendants. Ces derniers doivent avoir trois cents
signatures de personnalités à raison de trente par région.
Parmi ces personnalités, on note la présence des chefs
traditionnels de 1er degré.
Lorsque ces autorités traditionnelles sont a contrario
candidates à une élection, il leur appartient de réunir
toutes les pièces prévues par le code électoral pour
l'élection concernée. Les déclarations de candidature sont
généralement accompagnées de contestations qu'il faut
vider avant la tenue de la campagne210. En ce qui concerne les
élections régionales, le chef traditionnel doit fournir, comme le
prescrit le Code électoral, une « copie certifiée
conforme de l'acte homologuant la désignation comme chef traditionnel de
1er, 2ème ou 3ème degré pour chaque
candidat représentant du commandement
traditionnel211».
Les déclarations de candidature en vue de
l'élection marquent la fin de l'action préparatoire des
élections, elle ouvre la voix aux élections, au contentieux
électoral, à la publication des résultats et à
l'installation des élus dans leurs fonctions.
B) L'action post-préparatoire des
élections
L'action post préparatoire des élections est
composée du vote (1) et de l'après-vote
(2).
1) Le vote
Le vote correspond dans ce cadre à l'opération
de choix de ses représentants dans les institutions municipales,
régionales et nationales. C'est l'acte matériel par lequel le
citoyen désigne ses représentants.
Le vote est placé sous la conduite de l'organe en
charge des élections, cela revient à dire que l'action des
chefferies traditionnelles est assez limitée dans ce domaine. Elles
peuvent être membres des commissions locales de vote212.
En tant qu'entités de la société, elles
participent au vote de deux manières au moins. D'un côté,
de par leur posture dans leur milieu de vie, elles sont supposées
montrer le bon exemple. Montrer le bon exemple revient à aller
effectivement voter le jour du scrutin, ce qui aura, de manière
indirecte, le mérite d'encourager leurs administrés à
exercer leurs droits
210 Voir les articles 126, 129, 189 (2), 190 et 231 (2) Code
électoral.
211 Art 257 Code électoral.
212 Voir la composition de la commission locale de vote
prévue par le Code électoral prévu en son article 54
(1).
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 83
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
civiques. D'un autre côté, il peut s'agir de la
tenue d'un langage positif en matière de vote. Il est question d'inciter
les citoyens à aller voter le jour du scrutin pour que leurs voix
comptent. Il est tout aussi question d'éviter de tenir un langage nocif
au scrutin tel le boycott, la fraude électorale, la corruption et la
violence en matière électorale213.
2) L'après-vote
La phase intervenant après le vote concerne le
contentieux électoral, la publication des résultats et
l'installation des élus.
En ce qui concerne d'abord le contentieux électoral, il
est question à ce niveau de contestation de la régularité
d'une élection. Elle contient trois étapes majeures à
savoir l'introduction d'un recours auprès de la juridiction
compétente214, la décision de la juridiction
compétente et l'application de cette dernière. L'action des
autorités traditionnelles sera ressentie dans le processus de
contentieux suivant qu'elles soient candidates ou non. Lorsqu'une
autorité traditionnelle est candidate à une élection, elle
pourra saisir la juridiction compétente lorsqu'elle a relevé des
irrégularités durant le scrutin. Il s'agit pour elle de faire
dire le droit pour restituer la vérité qui lui permettra
certainement d'accéder au siège en compétition.
Lorsqu'elle n'est pas candidate à une élection, le code
électoral a prévu la saisine de la juridiction compétente
à tout électeur215, ou à tout candidat à
ladite élection, parti politique ayant pris part à ladite
élection ou toute personne intéressé. Les chefs
traditionnels étant des personnes devant montrer le bon exemple, ils
sont supposés être inscrits sur les listes électorales.
Partant de ce postulat, les chefferies traditionnelles par leurs chefs peuvent
saisir la juridiction compétente en l'occurrence le tribunal
administratif lorsqu'il y a eu des irrégularités durant le
scrutin. Il peut s'agir des délits électoraux que sont la fraude,
la corruption, la violence et les actes perturbant le bon déroulement du
scrutin. Leur action a pour but d'annuler totalement ou partiellement
l'élection avec en toile de fond le respect du suffrage et des droits de
leurs administrés.
En ce qui concerne ensuite la publication des
résultats, elle faite par le Conseil constitutionnel pour les
élections présidentielles, législatives et
sénatoriales, par une commission communale de supervision pour les
élections des conseillers municipaux et par
213 Cf. articles 122 et 123 du Code pénal.
214 Il s'agit du Conseil Constitutionnel pour
l'élection présidentielle, les élections
législatives, les élections sénatoriales et le referendum
et des Tribunaux Administratifs pour les élections régionales et
communales. En attendant la mise en place des tribunaux administratifs, c'est
la Chambre Administrative qui les supplée. Voir les articles 132, 168,
194, 239 et 267 du Code électoral.
215 Il s'agit uniquement des élections régionales
et municipales. Cf. articles 194 et 267 (1) Code électoral.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 84
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
une commission régionale de supervision. Il convient de
relever que les chefferies n'ont aucun rôle à ce niveau sinon
véhiculer l'information à leurs administrés.
En ce qui concerne enfin l'installation des élus, deux
cas de figure sont à observer. D'une part lorsqu'un chef traditionnel se
voit être élire à une fonction élective, son
installation marque le début de sa contribution au processus de
décentralisation suivant sa double casquette d'élu et de chef
traditionnel. Il s'engage alors à oeuvrer pendant la durée de son
mandat à poser des actions de nature à encrer la
décentralisation dans la vie des populations et par là même
d'améliorer leurs conditions de vie. D'autre part, lorsque le chef
traditionnel n'est pas élu, l'installation des élus marque un
nouveau départ pour sa collectivité surtout lorsqu'il s'agit de
nouveaux élus. L'autorité traditionnelle saisit cette occasion
pour prendre attache avec ses représentants en vue de travailler en
synergie pour l'évolution de la collectivité.
L'installation des élus marque la dernière
étape de la participation des chefferies traditionnelles dans le
processus électoral, il sied maintenant de voir leur participation
suivant le type d'élections.
§2 - La participation suivant le type
d'élections
A ce niveau, nous allons nous intéresser aux
élections dites locales parce qu'elles concernent directement les
chefferies traditionnelles et la mouvance de décentralisation. Nous
adjoindrons les élections des membres du parlement avec un accent sur
les élections législatives car elles assimilées à
tort ou à raison comme élections locales216.
Pour ce qui est de la mise à l'écart à ce
niveau de l'élection du Président de la République, il
faut dire que c'est une élection dont la circonscription est unique,
c'est-à-dire, nationale et par conséquent n'a pas une incidence
directe sur le processus de décentralisation.
La participation des chefferies traditionnelles en fonction du
type d'élections peut être analysée au travers des
élections régionales (A), des élections
parlementaires et municipales (B).
A) La participation aux élections
régionales
Les élections régionales visent à doter
les collectivités territoriales régionales de conseillers qui
sont les délégués départementaux élus au
suffrage universel indirect et les
216 Le député représente la Nation toute
entière. Du fait, du découpage du territoire en circonscriptions
électorales, il est assimilé à tort comme le
député de sa circonscription électorale. Voir l'article 15
alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 85
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
représentants du commandement traditionnel élus
par leurs pairs217. Le législateur a fait une part belle aux
autorités traditionnelles en leur accordant 22% du conseil
régional218. Lors de la plénière d'adoption de
la Loi N° 2019/006 du 25 avril 2019 fixant le nombre, la proportion par
catégorie et le régime des indemnités des conseillers
régionaux, les députés à l'assemblée
nationale avaient posé la question de savoir si les chefs traditionnels
pouvaient représenter la catégorie des
délégués départementaux. Le ministre en charge de
la décentralisation leur a répondu que cela était possible
à la seule condition qu'ils ne font pas prévaloir leur casquette
de chef traditionnel.
Avec l'avènement du Statut spécial dans les
régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les élections
régionales ont pour but de doter chacune de ces deux régions
d'une assemblée régionale divisée en deux chambres
à savoir la House of divisional representatives et la House
of Chiefs219. Cette assemblée exerce l'ensemble des
attributions dévolues aux conseils Régionaux par la
législation en vigueur220 en plus des matières
dévolues à chaque chambre.
Dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons
à la catégorie des représentants du commandement
traditionnel par la reconnaissance d'un collège de conseillers
(1) et par la reconnaissance d'un collège
électoral (2).
1) La reconnaissance d'un collège de
conseillers
La reconnaissance d'un collège de conseillers aux
autorités traditionnelles de prendre une part active dans la mise en
oeuvre de la décentralisation et plus particulièrement de la
démocratie locale. La loi portant Code général des
collectivités territoriales décentralisées prévoit
comme vu ci-haut que les chefs traditionnels élus par leurs pairs font
partie du conseil
régional221. La circonscription
électorale en matière d'élection régionale est
le
département222. La particularité de cette
élection est que « le candidat représentant le
commandement traditionnel doit avoir la qualité de chef traditionnel de
1er degré ou de 2ème degré. Toutefois, en
l'absence d'un chef de 1er degré ou de 2ème
degré, la candidature d'un
217 Cf. article 2(1) de la Loi N° 2019/006 du 25 avril
2019 fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime
des indemnités des conseillers régionaux. Et l'article 243(1) du
Code électoral.
218 L'article 4 de la Loi N° 2019/006 du 25 avril 2019
fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime des
indemnités des conseillers régionaux prévoit que chaque
Conseil régional est constitué de quatre-vingt-dix (90)
conseillers régionaux dont soixante-dix (70) conseillers
représentant la catégorie des délégués
départementaux et vingt (20) conseillers représentant la
catégorie des représentants du commandement traditionnel.
219 Voir les articles 330, 331 et 332 (2) CGCTD.
220 Art 331 (2) CGCTD.
221 Art 275 (3) CGCTD.
222 Art 247 Code électoral.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
chef de 3ème degré est
admise223». Cette disposition vise à doter les
conseils régionaux de chefs traditionnels ayant une certaine
autorité sur leur territoire car comme nous le savons, les chefs
traditionnels de 3ème degré administrent un quartier
ou un village. C'est dire qu'ils n'ont pas une grande superficie à
couvrir contrairement aux chefs de 1er et 2ème
degré qui administrent des territoires ne pouvant excéder les
limites respectivement d'un département et d'un
arrondissement224. Les autorités traditionnelles
représentant le commandement traditionnel au sein des conseils
régionaux sont de ce fait des personnes ayant une certaine assise dans
le département.
Avec l'adoption statut dérogatoire des régions
du Nord-Ouest et du Sud-ouest, les conditions d'éligibilité et de
vote sont les mêmes que dans les huit autres régions. Ce qui
change ici c'est la reconnaissance d'une assemblée régionale
à l'image d'un parlement avec deux chambres dont celle qui nous
intéresse ici est la House of Chiefs. Le vice-président
du Conseil exécutif régional assure la présidence de la
chambre225. Cette chambre possède des attributions qui lui
sont propres226 en sus des attributions de l'assemblée
régionale.
La reconnaissance d'un collège de conseillers aux
autorités traditionnelles a le mérite de faire participer ces
dernières au développement de leur région tout en restant
attachées aux valeurs et symboles caractérisant la région.
Elles veillent donc au développement de la région par
l'amélioration des conditions de vie des populations tout en gardant
à l'esprit la sauvegarde de notre héritage culturel.
La reconnaissance d'un collège de conseillers aux chefs
traditionnels passe inéluctablement par la reconnaissance d'un
collège électoral.
2) La reconnaissance d'un collège
électoral
« A la différence des parlementaires, mais
aussi des conseillers municipaux qui sont élus au suffrage universel
direct, les conseillers régionaux sont élus au suffrage universel
indirect par de grands électeurs regroupés en collèges
électoraux227».
La reconnaissance d'un collège électoral aux
autorités traditionnelles dans la désignation des conseillers
régionaux représentant le commandement traditionnel est la
suite
223 Art 250 (3) Loi N° 2019/005 du 25 avril 2019
modifiant et complétant certaines dispositions de la Loi N°
2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral.
224 Article 3 du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977
portant organisation des chefferies traditionnelles.
225 Art 339 (1) CGCTD.
226 Art 337 CGCTD.
227 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La décentralisation
administrative au Cameroun, op. cit., p.163.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
logique de la reconnaissance d'un collège de
conseillers. Le collège électoral de désignation de ces
derniers est composé des chefs traditionnels. Le Code électoral
dispose que « Les représentants du commandement traditionnel
sont élus par un collège électoral composé des
chefs traditionnels de 1er, 2e et 3e degrés
autochtones, dont la désignation a été homologuée,
conformément à la réglementation en
vigueur228». Le même code poursuit en disant que
lorsqu'un chef traditionnel a la qualité de conseiller municipal, il ne
peut exprimer son suffrage que dans un seul collège
électoral229.
La reconnaissance d'un collège électoral de
désignation des représentants du commandement traditionnel au
sein du conseil régional a l'avantage de donner la capacité aux
autorités traditionnelles de désigner leurs pairs pour que
ceux-ci puissent porter valablement leurs préoccupations au sein de ces
conseils. Elle a aussi l'avantage de responsabiliser et de renforcer la culture
démocratique des chefs traditionnels.
Ceci trouve justification par le fait que « le
commandement traditionnel (...) n'a pas la même importance dans
toutes les Régions du Cameroun. Celui-ci acquiert une nouvelle
reconnaissance des pouvoirs publics qui oblige à sa prise en compte. Il
s'agit pour chaque terroir d'avoir une organisation propre, liée
à son identité culturelle230».
La reconnaissance d'un collège électoral aux
autorités traditionnelles constitue l'ultime point de la participation
de celles-ci aux élections régionales, il convient à
présent de voir quelle est leur contribution en matière
d'élections parlementaires et municipales.
B) La participation aux élections parlementaires
et municipales
La participation des chefferies traditionnelles aux
opérations électorales, peut également se faire en ce qui
concerne les élections des membres du parlement (1) et
les élections municipales (2).
1) Les élections parlementaires
Les élections des membres du Parlement concernent les
élections sénatoriales et les élections
législatives. Ces deux chambres du Parlement se renouvellement
intégralement tous les cinq (5) ans.
Concernant d'une part les élections
sénatoriales, il s'agit d'élections particulières car
« Chaque région est représentée au Sénat
par dix (10) sénateurs dont sept (7) sont élus au
228 Art 248 (2) Code électoral.
229 Art 248 (3) Code électoral.
230 NGANE Suzanne, op. cit., p.32.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 88
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
suffrage universel indirect sur la base régionale
et trois (3) nommés par le Président de la
République231». S'agissant de l'élection des
sénateurs, il s'agit comme relevé plus haut d'une élection
indirecte. Le collège électoral est constitué des
conseillers régionaux et des conseillers municipaux232. Les
sénateurs « sont par conséquent, les élus des
élus ou pour être plus précis, les élus des
élus locaux233». A ce niveau, deux cas de figure
sont à observer. D'un part, un chef traditionnel peut être
candidat à l'élection des sénateurs. Il devra alors
mobiliser toutes les ressources à sa disposition en vue d'être
élu et de remplir la fonction de représentation des
collectivités territoriales décentralisées234.
Dans la pratique, on dénombre une multitude d'autorités
traditionnelles au sein du Sénat. La législature actuelle du
Sénat compte parmi ses membres une dizaine de chefs traditionnels. D'une
autre part, les chefs traditionnels détenteurs d'un mandat de conseiller
municipal ou régional, font partie du collège électoral de
désignation des sénateurs. Ceux-ci ont la prestigieuse mission
d'élire les sénateurs devant les représenter au
Parlement.
Concernant d'autre part les élections
législatives, il est question d'élire les députés
à l'Assemblée Nationale au suffrage universel direct et
secret235. Contrairement à l'élection des
sénateurs, le corps électoral de l'élection des
députes est composé de l'ensemble des citoyens inscrits sur les
listes électorales. La circonscription électorale est le
département, la loi donne la possibilité au Président de
la République de procéder à des découpages
spéciaux au regard de la spécificité de certaines
circonscriptions236. Ainsi, le décret N° 2013/222 du 3
juillet 2013 portant répartition des sièges par circonscription
électorale à l'Assemblée nationale est venu régler
la question en prenant en compte les spécificités de chaque
terroir. A ce niveau, deux scénarios peuvent être observés.
Le premier est visible lorsque les listes de candidats comptent des
autorités traditionnelles, celles-ci doivent tout mettre en oeuvre en
vue de garantir leur élection. Elles auront une fois élues de
représenter valablement les populations dont elles détiennent le
mandat. Le second est visible lorsque les autorités traditionnelles ne
sont pas candidates à cette élection. Il est de leur devoir, en
vue de raffermir la démocratie locale, d'inviter leurs
administrés à effectuer leur devoir citoyen le jour du
scrutin.
231 Art 20 Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
232 Art 222 (1) Code électoral.
233 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, Le Sénat au
Cameroun et en Afrique : Vade-mecum, L'Harmattan Cameroun, 2011, p.109.
234 Art 20 (1) Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
235 Art 148 (1) Code électoral.
236 Art 149 (2) Code électoral.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 89
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Si les élections des membres du Parlement permettent
aux populations et à leurs représentants de désigner des
élus à même de les représenter dans les instances
nationales, il est loisible de s'intéresser aux élections
municipales qui touchent directement les populations et les autorités
traditionnelles.
2) Les élections municipales
Les élections municipales sont celles qui visent
à doter les communes de conseillers municipaux. Les élections des
conseillers municipaux sont celles qui suscitent le plus d'engouement des
administrés car ces derniers attendent beaucoup des conseillers
municipaux et des exécutifs communaux en termes d'amélioration
des conditions de vie. C'est sans nul doute ce qui a poussé le Docteur
DERIDDER à affirmer qu'« En milieu rural, les élections
communales et les processus électoraux engendrés sont l'un des
aspects de la décentralisation les plus visibles directement par les
populations237».
La participation des autorités traditionnelles peut
également se faire à ce niveau par deux moyens au moins.
D'une part, lorsque les autorités traditionnelles sont
candidates aux élections municipales, il s'agit pour elles de mettre
à profit leur expérience pour le développement de la
municipalité. Les élections municipales se faisant au scrutin de
liste sans vote préférentiel ni panachage238, il n'est
pas rare de retrouver des listes comportant des chefs traditionnels. De ce
fait, les autorités traditionnelles « réussissent
à se maintenir au pouvoir tout en se transformant de façon peu
perceptible. Elles apprennent à maîtriser ces nouvelles
règles du jeu politique et font du conseil communal un nouveau lieu
stratégique du pouvoir et de sa mise en scène
(...)239».
D'autre part, lorsque les chefs traditionnels ne sont pas
candidates aux municipales, il n'est pas exclu que ceux-ci soient proches de
certains candidats et militent en leur faveur. La position stratégique
de la chefferie traditionnelle dans le territoire d'une commune fait qu'elle
est incontournable dans la quête des suffrages et plus tard dans
l'implémentation du développement local. Les candidats se
tournent alors vers les chefs traditionnels en fonction de leurs
obédiences politiques ou de leurs affinités pour solliciter leur
soutien. Passé cette étape, que le chef soutienne ou non un
candidat ou sa liste, il est important pour lui d'exhorter ses populations
à aller exprimer leur choix le jour du scrutin.
237 DERIDDER Marie, op. cit., p.169.
238 Art 171 (1) Code électoral.
239 DERIDDER Marie, op. cit., p.202.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 90
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
La participation des chefferies traditionnelles aux
élections municipales est le dernier point de la participation de ces
autorités au processus électoral, il est nécessaire de
voir dès à présent comment s'effectue la contribution des
chefferies traditionnelles en matière de promotion des Droits de l'Homme
et des Libertés et de préservation de la paix.
SECTION 2 - LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES EN
MATIERE DE PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME ET DE
PRESERVATION
DE LA PAIX
La participation des chefferies traditionnelles à la
démocratie locale peut également se
faire par la promotion des droits de l'Homme et des
libertés (§1) et par la préservation de la
paix (§2).
§1 - La promotion des Droits de l'Homme et des
Libertés
Les droits de l'Homme « peuvent être
appréhendés comme des prérogatives ou des droits
consubstantiels ou inhérents à la personne
humaine240». Ils sont selon le lexique des termes
juridiques l'ensemble des « droits inhérents à la nature
humaine, donc antérieurs et supérieurs à l'État,
déclarés au plan national puis international, et
protégés notamment par la voie
juridictionnelle241». Les libertés publiques quant
à elles renvoient à l'aménagement par l'Etat au profit des
citoyens des possibilités de penser, d'agir et de se mouvoir sans
contraintes et dont la garantie est assurée par l'Etat. Pour MM.
GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry, il s'agit de « droits de l'Homme
reconnus, définis et protégés
juridiquement242». La liberté publique s'entend
alors comme le corollaire des droits de l'Homme.
La promotion des droits de l'Homme et des libertés
publiques par les autorités traditionnelles peut s'analyser par la
valorisation des droits de l'homme et des libertés (A)
et par la lutte contre les atteintes faites à ceux-ci
(B).
A) La valorisation des Droits de l'Homme et des
Libertés
Les droits de l'Homme et les libertés publiques
étant une question qui transcende les clivages locaux et nationaux, il
faut aller chercher ses racines loin, c'est-à-dire au niveau
international. La valorisation des droits de l'Homme et des libertés
publiques par les chefferies traditionnelles passe par la promotion des mesures
de valorisation au plan international (1) et au plan national
et local (2).
240 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de
libertés et droits fondamentaux, Université de
Yaoundé II, 2015-2016, Inédit.
241 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.),
Lexique des termes juridiques, op. cit., p.829.
242 Ibid., p.1248.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 91
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
1) La promotion des mesures de valorisation au niveau
international
La promotion des mesures de valorisation des droits de l'Homme
et libertés publiques est visible au travers d'un arsenal juridique et
d'institutions émanant de ce dernier. Au regard de la largesse de ce
domaine, l'on abordera uniquement les cas perceptibles au plan universel et en
Afrique. Ces mesures s'appliquent à nous parce que notre pays est membre
des organisations internationales qui les ont prises243.
Concernant d'une part les mesures de valorisation au plan
universel, elles émanent principalement de l'Organisation des Nations
Unies (ONU). L'instrument de base dans ce domaine est la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948. Autour d'elle
gravitent d'autres textes tels la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre
1984, la Convention internationale pour l'élimination de toutes formes
de discrimination raciale du 21 décembre 1965, la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide du 9
décembre 1948, la Convention relative aux droits de l'enfant du 20
novembre 1989, la Convention sur l'élimination de toutes formes de
discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979 et
les Pactes internationaux du 16 décembre 1966 relatifs respectivement
aux droits civils et politiques, et aux droits économiques, sociaux et
culturels entre autres.
Il est alors question pour les autorités
traditionnelles de véhiculer à leurs administrés le
contenu de cette armada de textes. Cet enseignement a deux atouts. Le premier
est de leur apprendre quels sont leurs droits et ceux de leurs semblables. Le
second est de leur donner des moyens de se prémunir face aux autres. A
côté de cet arsenal juridique, il existe des institutions
chargées à ce niveau de veiller au respect des droits de l'Homme
et libertés publiques. A titre d'illustration, on peut citer la
Commission des droits de l'Homme des Nations Unies qui est le principal organe
chargé de promouvoir les droits de l'Homme dans le monde. La commission
fait « office de tribune où les pays, grands et petits, groupes
non gouvernementaux et les défenseurs des droits de l'homme du monde
entier peuvent faire entendre leur voix244». Les chefs
traditionnels en tant que défenseurs des droits de l'Homme et des
libertés publiques se doivent en tout lieu et en tout temps de toujours
promouvoir ces droits.
243 Le Cameroun est devenu membre de l'Organisation des
Nations Unies le 20 septembre 1963 par la Résolution n° 1476 (XV).
Tandis que le 25 mai 1963, le Cameroun devient membre de l'Organisation de
l'Unité Africaine qui deviendra Union Africaine le 9 juillet 2002.
244 Présentation de la Commission des droits de l'Homme
de l'Organisation des Nations Unies,
https://www.ohchr.org/FR/hrbodies/chr/pages/commissiononhumanrights.aspx,
visitée le 30 janvier 2020.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 92
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Concernant d'autre part les mesures de valorisation en
Afrique, elles sont l'oeuvre de l'Union Africaine et des organisations sous
régionales. Nous allons jeter notre dévolu sur ce qui est fait au
niveau de l'Union Africaine. Sa devancière245 n'a pas attendu
longtemps pour prendre des textes ayant un caractère de promotion et
protection des droits de l'Homme et des libertés publiques. On peut
énumérer la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
du 27 juin 1981, la Charte africaine des droits et du bien-être de
l'enfant du 1er juillet 1990 et le Protocole à la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes du
11 juillet 2003. Ces textes ont prévu des institutions chargées
de veiller au respect des droits de l'Homme édictés par les
textes cités plus haut au sein de chaque Etat membre et de régler
les litiges y afférents. On peut citer la Commission africaine des
droits de l'Homme et des Peuples chargée de « promouvoir les
droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en
Afrique246» et le Comité africain d'experts sur les
droits et le bien-être de l'enfant chargé de « promouvoir
et protéger les droits et le bien-être247»
sur le continent de cette catégorie sociale. Le devoir des
autorités traditionnelles est alors de mettre ces informations à
la disposition de leurs administrés.
Si les chefferies traditionnelles se livrent à la
promotion de ce qui est fait à l'extérieur du Cameroun en
matière de droits de l'Homme et libertés publiques, il est
primordial pour elles de relever également ce qui est fait à
l'intérieur du pays.
2) La promotion des mesures de valorisation au niveau
national et local
La promotion des mesures de valorisation des droits de l'Homme
et libertés publiques par les autorités traditionnelles consiste
à porter aux populations ce qui est fait au plan national et au plan
local.
S'agissant d'une part des mesures de valorisation des droits
de l'Homme et libertés publiques au niveau national, l'on peut relever
un ensemble de textes et d'institutions de promotion des droits de l'Homme et
des Libertés. Le texte fondateur en la matière est la
Constitution qui dans son préambule « affirme son attachement
aux libertés fondamentales inscrites dans la déclaration
universelle des droits de l'homme, (...) la Charte africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples248». Après cette
affirmation, elle reconnaît des droits et libertés du citoyen et
confie l'aménagement et la protection de ces droits à la loi. Il
convient de relever que les lois en la matière sont éparses au
regard de la multitude de droits à
245 L'organisation de l'Unité Africaine
créée en 1963 et remplacée par l'Union Africaine en
2002.
246 Article 30 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples du 27 juin 1981.
247 Article 32 de la Charte Africaine des Droits et du
bien-être de l'enfant du 1er juillet 1990.
248 Préambule de la Loi Constitutionnelle du 18 janvier
1996.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 93
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
sauvegarder. Il existe toutefois une loi créant un
organe destiné à protéger les droits des citoyens. Le
texte législatif dont s'agit est la Loi N° 2019/014 du 19 juillet
2019 portant création, organisation et fonctionnement de la commission
des droits de l'homme du Cameroun qui est « une institution
indépendante de consultation, d'observation, d'évaluation, de
dialogue, de conciliation et de concertation en matière de promotion et
de protection des droits de l'homme249». Cette instance
contribue à la vulgarisation des instruments juridiques des droits de
l'homme, à la sensibilisation du public sur diverses thématiques
relatives aux droits de l'homme, y compris la question du genre, ainsi que les
droits des groupes vulnérables, à la recherche,
l'éducation et la formation en matière des droits de l'homme, au
plaidoyer en faveur de l'amélioration du cadre juridique et
institutionnel de promotion des droits de l'homme250. Les chefferies
traditionnelles dans leur mission d'encadrement des populations devront alors
renseigner leurs administrés sur la question afin d'en faire des
citoyens qui jouissent pleinement de leurs droits tout en respectant ceux des
autres.
S'agissant d'autre part des mesures de valorisation des droits
de l'Homme et libertés publiques au niveau local, il est question pour
leurs majestés de consolider l'action des communes et régions en
la matière. L'action des chefs traditionnels sera
appréciée en fonction de leur engagement et par ce qui est fait
par la collectivité. En tout état de cause, parmi les
compétences transférées aux collectivités
territoriales décentralisées, l'on dénombre certains
droits tels l'éducation, la protection, le logement, la santé, le
droit à un environnement sain, le travail, le droit au
divertissement251. Les autorités traditionnelles dans leur
mission d'assistance et de conseil des collectivités territoriales
devront s'assurer que ces dernières mettent tout en oeuvre pour la
réalisation de ces droits.
Les chefs traditionnels dans leur travail de pédagogie
de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques aux
populations, doivent aussi leur apprendre comment lutter contre les atteintes
faites aux droits inhérents à leurs personnes.
B) La lutte contre les atteintes aux Droits de l'Homme et
des Libertés
La lutte contre les atteintes aux droits de l'homme et des
libertés par les autorités traditionnelles peut être faite
au moyen de la lutte non juridictionnelle contre ces atteintes
(1) et de la lutte juridictionnelle contre celles-ci
(2).
249 Article 1er alinéa 2 de la Loi N°
2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et
fonctionnement de la commission des droits de l'homme du Cameroun.
250 Article 4 de la Loi N° 2019/014
précitée.
251 Voir le Code Général des Collectivités
Territoriales Décentralisées, des articles 156 à 163 et
267 à 273.
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
1) La lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux
Droits de l'Homme et des
Libertés
La lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux droits
de l'Homme et aux libertés publiques est assurée à trois
niveaux par les chefferies traditionnelles elles-mêmes, par
l'administration locale et par des organismes gouvernementaux à l'instar
de la Commission des droits de l'Homme du Cameroun.
D'abord relativement à la lutte menée par les
autorités traditionnelles, il s'agit pour ces dernières de mettre
tout en oeuvre pour qu'au sein du territoire de commandement de la chefferie,
les atteintes à ces droits soient sanctionnées par
l'autorité coutumière sans préjudice de la loi. Ainsi,
cette dernière peut créer un comité chargé de
veiller au respect des droits de l'Homme. Celui-ci pourra être saisi
lorsqu'un administré estime que l'autorité traditionnelle est
à même de répondre à ces préoccupations.
Compte tenu du système d'imposition de volontés observé
dans certaines chefferies, il est question de faire en sorte que les chefs et
leurs notables soient des exemples en matière de droits de l'Homme. Ce
qui vient d'être dit pourra être apprécié diversement
en fonction du foisonnement culturel de notre pays.
Ensuite relativement à la lutte menée par
l'administration locale, il est question pour cette dernière de
combattre ces atteintes par l'autorité administrative locale et par
certains services locaux spécialisés. Lorsque des atteintes sont
avérées, l'autorité traditionnelle peut saisir
l'autorité administrative locale - municipale ou régionale - afin
qu'elle restaure l'administré dans ses droits et le dédommage
lorsque la restauration n'est pas possible. Pour ce qui est des services locaux
spécialisés il peut s'agir du service des affaires sociales qui
pourra être saisi par les chefs traditionnels lorsqu'ils auront
constaté des atteintes aux droits fondamentaux pour une réponse
prompte.
Enfin relativement à la lutte menée par les
organismes gouvernementaux, l'on s'appesantira uniquement sur la Commission des
droits de l'Homme du Cameroun. En effet, cette commission participe à
« la lutte contre l'impunité en matière des droits de
l'homme252» par le traitement des requêtes et
dénonciations relatives aux allégations de violation des droits
de l'homme, l'auto-saisine pour les faits portés à sa
connaissance, qui sont de nature à constituer des violations graves,
récurrentes ou systémiques des droits de l'homme, le suivi de la
situation des droits de l'homme et les avis et conseils en matière des
droits de l'homme253.
252 Article 6 de la Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019
portant création, organisation et fonctionnement de la
commission des droits de l'homme du Cameroun.
253 Ibid.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Les autorités traditionnelles, comme tout citoyen,
peuvent saisir la Commission pour que celle-ci se prononce sur des cas de
violations des droits de l'Homme. Pour sortir, la chefferie traditionnelle est
représentée au sein de la Commission par un membre254.
Ceci montre à suffire le rôle important que joue l'autorité
traditionnelle dans la protection des droits de l'Homme.
Si la lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux
droits de l'Homme et des libertés publiques peut se faire en trois
volets, comment les chefs traditionnels peuvent-ils initier la lutte
juridictionnelle contre de telles atteintes ?
2) La lutte juridictionnelle contre les atteintes aux
Droits de l'Homme et des
Libertés
La juridiction juridictionnelle contre les atteintes aux
droits de l'Homme et aux libertés publiques peut se faire tant au plan
national qu'au plan international.
D'une part s'agissant de la protection juridictionnelle
nationale contre les atteintes à ces droits et libertés, elle est
garantie par la juridiction constitutionnelle et les juridictions judiciaires
et administratives. La juridiction constitutionnelle n'est malheureusement pas
ouverte à tout citoyen dans notre pays255. Malgré la
saisine complexe, lorsque celle-ci tranche elle prend en compte la sauvegarde
des droits fondamentaux bafoués étant donné qu'elle est
garante du respect de la Constitution. L'action dans ce domaine des chefferies
traditionnelles nous semble très limitée. A côté de
la juridiction constitutionnelle, on dénombre les juridictions
judiciaires et administratives. La saisine de celles-ci est beaucoup plus
facile qu'avec la juridiction constitutionnelle, chacune présente des
règles propres de saisine. Si pour saisir la juridiction administrative
il faudrait en principe avoir passé l'étape du recours gracieux
préalable, tandis que pour saisir la juridiction judiciaire il faut
juste une requête. L'action des autorités traditionnelles pourra
alors être multiforme. Elle peut consister à l'information des
autorités judiciaires des cas d'atteintes des droits de l'Homme pour
qu'elles se saisissent de l'affaire. Elle peut aussi consister en un
accompagnement des victimes d'abus
254 Voir l'article 13 la Loi N° 2019/014 du 19 juillet
2019 qui prévoit dans la composition de la commission treize (13)
membres parmi lesquelles « une (01) autorité traditionnelle
».
255 A la lecture de l'article 47 (2) de notre Constitution qui
dispose que « Le Conseil Constitutionnel est saisi par le
Président de la République, le président de
l'Assemblée Nationale, le président du Sénat, un tiers des
députés ou un tiers des sénateurs. Les présidents
des exécutifs des régionaux peuvent saisir le Conseil
Constitutionnel lorsque les intérêts de leur région sont en
cause », l'on se rend compte que les particuliers ne peuvent saisir
la juridiction constitutionnelle que dans le cadre du contentieux de certaines
élections. Encore qu'il faut avoir la qualité pour agir au sens
de l'article 48 (2) du même texte.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
pour qu'elles choisissent de dénoncer et de briser le
silence. Ceci s'avère compliqué au regard de l'organisation de la
société patriarcale dans laquelle nous vivons.
D'autre part s'agissant de la protection juridictionnelle
internationale contre les atteintes aux droits de l'Homme et aux
libertés publiques, on dénombre une multitude de juridictions en
la matière. Nous nous limiterons à celles de l'Organisation des
Nations Unies et de l'Union Africaine. Au niveau onusien, on note deux
systèmes à savoir le système de rapports et le
système de plaintes256. Nous allons nous intéresser au
second. De ce fait, le Comité des droits de l'Homme est compétent
« pour recevoir et examiner les communications des Etats ainsi que des
particuliers qui prétendent être victimes d'une violation de leurs
droits par leurs Etats parties au Pacte257». De cette
citation, il en ressort que les chefs traditionnels peuvent saisir cette
instance lorsque l'Etat viole leurs droits et ceux de leurs administrés.
Au niveau de l'Afrique, on note une dualité de système de
protection avec la commission africaine des droits de l'Homme et des Peuples et
la cour africaine des droits de l'Homme et des Peuples. La commission est
chargée d'examiner les « communications ou plaintes des Etats
parties à la charte et d'autres communications ou plaintes provenant des
personnes physiques ou morales258». On note alors
la possibilité offerte aux personnes physiques et par ricochet aux
autorités traditionnelles de saisir la Commission. La cour africaine des
droits de l'Homme et des Peuples pour sa part, il s'agit de porter à sa
connaissance des cas de violation des droits de l'Homme. Les autorités
traditionnelles peuvent lorsqu'elles le peuvent accompagner les victimes dans
ce processus.
La protection juridictionnelle contre les atteintes faites aux
droits de l'Homme et aux libertés est le dernier volet de la promotion
des droits de l'Homme et des libertés, il apparaît opportun de
s'arrêter un instant sur la préservation de la paix.
§2 - La préservation de la
paix
La paix désigne de manière triviale l'absence de
conflits et d'un calme relatif d'un lieu. La préservation de la paix
permet de « prévenir (...) la menace, et au besoin de
réprimer par l'application de différents moyens, les actions ou
omissions de nature à troubler l'ordre social259».
Dans leur mission d'encadrement des populations, les autorités
traditionnelles
256 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de
libertés et droits fondamentaux, Université de
Yaoundé II, 2015-2016, Inédit.
257 Ibid.
258 Ibid.
259 CIMAMONTI Sylvie, « L'ordre public et l'ordre
pénal », in BEIGNIER Bernard et REVET Thierry, L'ordre public
à la fin du XXe siècle, Dalloz-Sirey, 1996,
p.90.
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
préservent la paix d'une part par la prise de mesures
visant à la préserver (A) et d'autre part par le
règlement des litiges par la juridiction traditionnelle
(B).
A) La prise de mesures visant à préserver
la paix sociale
La paix sociale peut être définie comme la
représentation d'un groupe social qui se singularise par son état
de tranquillité. Elle trouve son fondement sur « le droit et le
respect mutuel260».
La prise de mesures visant à maintenir la paix sociale
dans le territoire de la chefferie traditionnelle est faite par le chef en
vertu de l'article 19 du décret du 15 juillet 1977 qui confère au
chef la « mission d'encadrement des populations ». Il doit
donc dans cet encadrement de toujours veiller à ce que la paix sociale
ne soit pas perturbée.
Pour que la paix sociale soit effective, l'autorité
traditionnelle a un double rôle à jouer, d'une part il doit
prendre des mesures destinées à prévenir les risques de
trouble de la paix sociale (1) et prendre également des
mesures destinées à rétablir la paix sociale lorsqu'elle
est troublée (2).
1) La prise de mesures préventives
La prise de mesures préventives destinées
à préserver la paix sociale est faite par le chef traditionnel au
quotidien dans sa circonscription. Lesdites mesures sont essentiellement la
sensibilisation et le renseignement prévisionnel.
S'agissant d'une part de la sensibilisation, il est question
pour l'autorité traditionnelle d'éduquer sa population aux
bienfaits de la paix sociale et aux pertes occasionnées lorsqu'elle est
troublée. Il s'agit d'un véritable cours de civisme. La
difficulté peut résider en milieu urbain où il n'est pas
évident d'atteindre tous les citoyens au regard du mode de vie
axée sur la quête des moyens de subsistance d'où l'absence
de certains de leurs domiciles. Malgré cette difficulté les
autorités traditionnelles se doivent de mettre tous les moyens en jeu
pour atteindre le maximum de personnes. La sensibilisation a pour effet de
conscientiser les populations sur l'importance de la paix sociale pour le
développement économique et socioculturel de leur contrée
et pour leur épanouissement.
S'agissant d'autre part du renseignement prévisionnel,
il est question pour le chef d'avoir des canaux d'information dans toutes les
strates de sa collectivité à même de déjouer
260 Définition de la paix sociale de Didier
Toulouse,
http://didiertoulouse.e-monsite.com/pages/la-paix-sociale-1/definition-de-la-paix-sociale.html,
consultée le 2 février 2020.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
les éventuelles atteintes à la paix sociale.
Lorsqu'une information est avérée, l'autorité
traditionnelle a alors la possibilité de régler la question
elle-même ou de la référer aux autorités
compétentes pour le faire. Cette plateforme de collaboration entre d'une
part les administrés et les chefferies traditionnelles et d'autre part
entre les autorités locales, les chefferies traditionnelles et les
administrés doit permettre l'instauration d'un climat de confiance entre
ces acteurs pour permettre aux administrés de véhiculer les
informations utiles à la sauvegarde de la paix sociale.
Lorsque les mesures préventives n'ont pas permis de
contenir les dérapages, il faut que l'autorité traditionnelle
prenne alors des mesures curatives en vue de restaurer la paix sociale.
2) La prise de mesures curatives
La prise de mesures curatives est faite par le chef
traditionnel directement après la survenance d'un trouble à
celle-ci. Elle vise à rétablir la paix sociale troublée.
L'action de l'autorité traditionnelle peut se faire en deux temps.
Premièrement, lorsque ces troubles surviennent les
autorités traditionnelles, par leur position de premier plan avec les
populations, peuvent mener plusieurs opérations destinées
à rétablir la paix sociale. Il s'agit de l'arbitrage et de
l'isolement ou la quarantaine. D'une part, l'arbitrage est le «
règlement d'un différend (...) par une ou plusieurs
personnes auxquelles les parties ont décidé, d'un commun accord,
de s'en remettre261». Il s'agit donc pour les
autorités traditionnelles d'arbitrer des litiges qui menacent la paix
sociale pour deux objectifs au moins, le premier est de restaurer la paix et le
second de trouver une solution objective au litige afin que les parties soient
satisfaites de celle-ci. D'autre part, l'isolement ou la quarantaine vise
à éloigner la source du trouble de la population afin que
celle-ci n'ait plus d'effets négatifs sur la paix sociale. L'on a vu
dans la pratique des administrés réclamer auprès du chef
traditionnel, le départ d'une personne ou d'un groupe de personnes en
raison des actes négatifs qu'elles posaient au sein de la
collectivité.
Secondement, lorsque les autorités traditionnelles
n'ont pas pu juguler la crise, elles s'en réfèrent aux
autorités locales ou nationales en fonction de la gravité de
celle-ci. Ces autorités se chargeront alors de stopper le trouble et de
rétablir la paix sociale. Ces autorités pourront à leur
tour tous les moyens en leur possession pour le retour à la normale. Il
peut s'agir du déploiement des forces de maintien de l'ordre sur le
terrain, le dialogue lorsqu'il est possible avec les principaux protagonistes
et la concertation avec les parties au litige.
261 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.129.
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
S'il advienne que les mesures curatives de troubles à
la paix sociale prises par les chefferies s'avèrent insuffisantes, elles
peuvent saisir le tribunal coutumier pour que celui-ci tranche sur la
question.
B) Le règlement des litiges par la
juridictionnelle traditionnelle
Le règlement des litiges survenus dans une chefferie
traditionnelle peut trouver une issue favorable à travers la juridiction
traditionnelle (2) survenue après une tentative de
conciliation à l'amiable lorsque cela est possible
(1).
1) La tentative de conciliation
La conciliation est un mode alternatif de règlements
des différends traditionnellement reconnu à l'office de tout juge
judiciaire. La conciliation est alors un « mode de résolution
des conflits menée sous l'égide du juge, visant à une
solution négociée du litige (...) qui consiste à
amener les parties à un règlement amiable du conflit par la voie
de la conciliation262». De manière simple, il
s'agit de « mettre d'accord, amener à s'entendre des personnes
divisées d'opinion, d'intérêt263».
Dans la vie quotidienne, l'on fait tous recours à la
conciliation pour se sortir des situations compliquées. Il en est de
même pour les chefs traditionnels qui voient défiler chaque jour
des personnes avec des différends qu'il faut résoudre. C'est nul
doute ce qui a motivé le pouvoir règlementaire à doter les
chefferies traditionnelles d'un véritable pouvoir de conciliation. En
effet « Les chefs traditionnels peuvent, conformément à
la coutume et lorsque les lois et règlements n'en disposent pas
autrement, procéder à des conciliations ou attributions ou
arbitrages entre leurs Administrations264». Les
autorités traditionnelles sont donc chargées de trouver des
solutions conciliées non seulement aux problèmes des particuliers
mais aussi aux conflits de leurs administrations lorsque les textes le
permettent.
Le préalable de la conciliation repose est duale. D'une
part, il faudrait que les parties acceptent la conciliation de
l'autorité traditionnelle. D'autre part, il faudrait également
que les parties acceptent la proposition de conciliation de l'autorité
traditionnelle. Il convient de soulever que cette dernière n'est pas une
solution qui doit toujours arranger les parties, elle doit épouser la
coutume locale, le droit, le bon sens et la compromission pour parvenir
à une solution durable dans le temps.
262 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.),
Lexique des termes juridiques, op. cit., p.490.
263 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.498.
264 Article 21 du décret N° 77/245 du 15 juillet 1977
portant organisation des chefferies traditionnelles.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Lorsque la tentative de conciliation ne donne aucun
résultat satisfaisant, les parties peuvent solliciter la juridiction
traditionnelle.
2) La saisine et l'action de la juridiction
traditionnelle
La saisine et l'action de la juridiction traditionnelle sont
régies par le décret N° 69-DF-544 du 19 décembre 1969
fixant l'organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions
traditionnelles au Cameroun oriental. De l'exégèse de ce texte,
il en ressort que la compétence de cette juridiction « est
subordonnée à l'acceptation préalable de toutes les
parties en cause265». L'on constate également que
les juridictions traditionnelles comprennent le tribunal de premier
degré et le tribunal coutumier266. Nous verrons tour à
tour l'action des autorités traditionnelles au sein de ces
juridictions.
Pour ce qui est d'une part du tribunal coutumier, il convient
de relever que cette juridiction est compétente pour connaître des
différends d'ordre patrimonial notamment des demandes de recouvrement
des créances civiles et commerciales, des demandes en réparation
de dommages matériels et corporels, et des litiges relatifs aux
contrats267. La composition de ce tribunal nous permet de constater
qu'il est présidé par un notable maitrisant parfaitement la
coutume, assisté de six assesseurs dont deux titulaires et quatre
suppléants268. Ce personnel, issu de la chefferie, a alors
l'impérieuse mission de statuer sur les litiges portés à
sa connaissance en application de la coutume locale269 pour le
rétablissement de la justice.
Pour ce qui est d'autre part du tribunal de premier
degré, il est important de soulever que cette juridiction est
compétente pour connaître des procédures relatives à
l'état des personnes, à l'état civil, au mariage, au
divorce, à la filiation, aux successions et aux droits réels
immobiliers270. La composition de cette juridiction
révèle une organisation différente de celle du tribunal
coutumier. Le tribunal du tribunal de premier degré est
présidé par un fonctionnaire en service dans le ressort
territorial du tribunal271. Les assesseurs qui assistent le
président sont désignés de la manière que pour le
tribunal coutumier. Ces derniers sont ceux qui représentent le
commandement traditionnel au sein de cette juridiction. Il est alors de leur
265 Article 2 (1) du décret N° 69-DF-544 du 19
décembre 1969 fixant l'organisation judiciaire et la procédure
devant les juridictions traditionnelles au Cameroun oriental.
266 Article 1er du décret N° 69-DF-544
précité.
267 Article 4 (1) a du décret N° 69-DF-544
précité.
268 Voir les articles 8 et 10 (2) du décret cité
ci-haut en ce qui concerne la composition du tribunal coutumier.
269 Art 18 a) du décret précité.
270 Article 4 a) du décret N° 69-DF-544
précité.
271 Article 7 (2) du décret N° 69-DF-544
précité.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
devoir de s'assurer que toutes les affaires inscrites au
rôle soient traitées dans le respect de la coutume locale et du
droit pour parvenir à un jugement solide.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CONCLUSION DU CHAPITRE 1er
En définitive, il était question pour nous de
traiter de la participation des autorités traditionnelles à la
démocratie locale. Nous pouvons dès à présent dire
que cette participation se fait au moyen de la contribution des chefferies
traditionnelles au processus électoral et de la contribution de ces
institutions à la promotion des droits de l'Homme et libertés
publiques et à la préservation de la paix. Il en ressort que les
chefferies traditionnelles sont de véritables catalyseurs de la
démocratie locale. Cependant, il ne faudrait pas éluder que
l'analyse de la contribution des chefferies traditionnelles à la
démocratie locale implique l'analyse de son corollaire immédiat
qu'est la bonne gouvernance locale.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 103
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CHAPITRE 2 :
L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES À
LA
BONNE GOUVERNANCE LOCALE
La gouvernance est le corollaire immédiat de la
démocratie. Cette notion est, de manière véhémente,
apparue en Afrique avec le vent de la démocratisation au début
des années 1990. Les deux concepts sont tellement liés qu'on
parle même aujourd'hui de gouvernance démocratique. La gouvernance
est définie comme « un processus qui s'intéresse au
cycle d'élaboration, d'implémentation ou de mise en oeuvre, puis
d'évaluation des lois, règlements et procédures de
décision pour la régulation de la
société272». C'est cette définition
qu'a confirmé le Programme National de Gouvernance en la consacrant
comme un « processus par lequel les différents pouvoirs de
l'État (exécutif, législatif et judiciaire) se coordonnent
pour créer un large consensus et réguler l'ensemble des
décisions et actes politiques dans la perspective de construire une
République exemplaire273». La République
exemplaire est une expression assez politisée mais nous pouvons retenir
qu'elle désigne « l'exemplarité du comportement des
dirigeants, avec une forte connotation morale et
éthique274».
La gouvernance a pour suite logique la bonne gouvernance, car
la première « permet de distinguer les conditions d'une bonne
gouvernance, c'est-à-dire l'existence d'un cadre qui permette des
décisions pertinentes et cohérentes par l'ensemble des
acteurs275».
La gouvernance locale est l'ensemble des mesures prises, au
niveau national et local, en vue d'établir une gestion transparente et
saine des affaires locales avec la participation des populations et de tous les
acteurs locaux. Il ne s'agit pas d'une cogestion entre les autorités
locales et les acteurs locaux mais plutôt de la prise en compte des
aspirations et points de vue de ces derniers. Toujours est-il que
l'autorité locale n'est pas en présence d'avis conformes, donc
elle a la possibilité d'aller dans une direction différente de
celle souhaitée par ces
272 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », in
ABOUEM à TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.),
Améliorer l'efficacité de l'Etat au Cameroun : Propositions
pour l'action, L'Harmattan, 2019, p.57.
273 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance,
2015, p.15.
274 Qu'est-ce qu'une République exemplaire ?
https://www.google.com/amp/s/www.la-
croix.com/amp/1100956946,
consultée le 2 février 2020.
275 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.57.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 104
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
acteurs, parce que possédant des informations que ces
acteurs n'ont pas et sachant où elle veut mener sa
collectivité
La Charte Africaine des valeurs et principes de la
décentralisation, de la gouvernance locale et du développement
local appréhende la gouvernance locale comme l'ensemble des «
processus et institutions de gouvernance au niveau sous-national, y compris
la gouvernance par et avec les gouvernements locaux ou les autorités
locales, la société civile et les autres acteurs concernés
au niveau local276». De cette définition, on note
l'accent mis sur les processus et institutions de gouvernance et beaucoup plus
sur l'implication de tous les acteurs locaux impliqués dans le processus
de décentralisation et a fortiori des autorités
traditionnelles.
La gouvernance locale traduit « le niveau
d'autorité publique vers lequel les citoyens se tournent en premier pour
résoudre leurs problèmes sociaux immédiats. C'est aussi le
niveau de démocratie auquel le citoyen a la plus d'opportunités
effectives de participer activement et directement dans les décisions
prises concernant l'intérêt
général277».
Les chefferies traditionnelles, dans le processus de
gouvernance locale, ont dès lors une double mission notamment celle
d'éclairer les populations sur le rôle qui est attendu d'eux en
matière de gouvernance locale, et de veiller à ce que les
autorités locales - communales et régionales - promeuvent le
développement local en prenant en compte tous les aspects de la bonne
gouvernance au niveau de leur collectivité.
La contribution des chefferies traditionnelles à la
bonne gouvernance locale peut passer d'un côté par l'apport des
chefferies traditionnelles aux principes d'Etat de droit,
d'égalité, de participation et d'efficacité
(Section 1) et d'un autre côté par l'apport de
celles-ci aux principes de transparence et du climat des affaires
(Section 2).
SECTION 1 - L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX
PRINCIPES D'ETAT DE DROIT, D'ÉGALITÉ, DE PARTICIPATION ET
D'EFFICACITÉ
L'apport des chefferies traditionnelles à la bonne
gouvernance locale peut d'abord être
analysé par le raffermissement de l'Etat de droit et de
l'égalité au niveau local (§1) et par le
développement de la participation citoyenne locale et de
l'efficacité (§2).
276 Art 1er de la Charte Africaine des valeurs et
principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du
développement local.
277 IDEA (Institut International pour la démocratie et
l'assistance électorale), La démocratie au niveau local :
manuel sur la participation, la représentation, la gestion des conflits
et la gouvernance, 2002, p.7.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 105
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
§1 - Le raffermissement de l'Etat de droit et de
l'égalité au niveau local
L'étude de la contribution des chefferies
traditionnelles à la bonne gouvernance locale sera analysée ici
par le raffermissement de l'Etat de droit (A) et par la
promotion de l'égalité (B) au niveau local.
A. L'Etat de droit
L'Etat de droit correspond à un Etat dans lequel tous
les sujets de droit, en commençant par l'Etat et ses
démembrements respectent, la règle de droit. La stratégie
nationale de gouvernance appréhende l'Etat de droit par une
énumération278. De cette longue
énumération, l'on retient qu'il s'agit des garanties de la
régulation harmonieuse de la société et de la sauvegarde
des droits des particuliers.
L'Etat de droit coïncide avec « la
nécessité pour un pays de disposer des règles juridiques
et des institutions permettant à l'ensemble des acteurs de
connaître leurs droits, libertés et obligations. Il se
décline par le fait que les règles en vigueur doivent être
connues à l'avance et être appliqués de façon
systématique et équitable. Le cadre juridique installé
doit être le plus complet possible pour éviter les incertitudes et
l'arbitraire (...)279». Au niveau local, l'Etat de droit
correspond à la soumission de l'administration locale au droit et du
respect des droits des administrés par celle-ci.
Le raffermissement de l'Etat de droit par les autorités
traditionnelles se fait au moyen de la soumission des collectivités
locales au droit (1) et du respect des droits des particuliers
(2).
1. La soumission des collectivités locales au
droit
La collectivité locale « agissant comme
puissance publique ou exerçant une mission de service public, doit se
conformer au droit en vigueur dans l'Etat. En le faisant, elle contribue
à la construction d'une société de
droit280». Cet extrait de cours du Pr GUIMDO montre bien
la nécessité pour la collectivité de se soumettre au droit
et le bien-fondé qui en découle.
278 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance,
2015, p.15.
279 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.57.
280 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de Droit
Administratif Général 2, Université de Yaoundé
II, 2014-2015, Inédit.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Les autorités traditionnelles ont alors la mission de
veiller à ce que les autorités de proximité respectent le
droit. Juridiquement, aucune disposition ne leur permet de mener ce
contrôle qui relève des pouvoirs de la tutelle
administrative281. Dire alors qu'elles ne mènent aucune
action pour garantir la légalité administrative au niveau local
serait faire preuve de candeur. Dans la pratique, les autorités
parviennent à faire en sorte que les élus locaux se conforment
à la loi. Il peut en être ainsi lors d'une saisine officieuse,
d'une consultation ou lors des échanges dans un cadre formel.
Concernant d'abord la saisine officieuse, il est question pour
l'autorité traditionnelle de saisir de manière non officielle une
autorité locale afin que celle-ci se conforme au droit si elle a pris
une décision bafouant le droit. Elle peut aussi la saisir si elle a
connaissance d'un projet de décision contenant des dispositions
contraires à la règlementation.
Concernant ensuite la consultation, les chefferies
traditionnelles lorsqu'elles sont sollicitées par les autorités
locales peuvent faire part, à ces dernières, d'un certain nombre
d'observations relatives à la légalité. Il peut en
être le cas lors de la rédaction d'un document d'orientation de la
collectivité tel le plan communal de développement. Il peut en
aussi le cas lors de la consultation pour avis sur une question
donnée.
Concernant enfin les échanges dans un cadre formel, il
s'agit pour les autorités traditionnelles de répondre à
une invitation faite par les autorités locales en vue d'échanger
sur un certain nombre de points. C'est alors un cadre de concertation entre les
autorités locales et traditionnelles. Il peut en être ainsi lors
de la tenue d'une session du conseil de l'organe
délibérant282. Les chefs traditionnels devront
toujours dès lors avoir à l'esprit le respect de la
légalité. Bien que n'ayant qu'une voix consultative, ils peuvent
rappeler des dispositions juridiques guidant les résolutions à
prendre.
En tout état de cause, lorsque l'autorité locale
ne se conforme pas au droit, l'autorité traditionnelle, en tant que
citoyen et représentant des populations, peut saisir l'autorité
de tutelle283 afin que l'autorité locale fasse chemin
arrière.
La participation des autorités traditionnelles à
la soumission des autorités locales conduit indubitablement au respect
des droits des particuliers.
281 Art 72 CGCTD. Lire à propos de la tutelle, ABANE
ENGOLO Patrick Edgard, Traité de droit administratif du Cameroun :
Théorie générale et droit administratif
spécial, L'Harmattan, 2019, pp.187-190.
282 Cf. articles 177 (4), 181 (4) et 183 (2) CGCTD.
283 En l'occurrence le Gouverneur pour la Région et le
Préfet pour la commune et la communauté urbaine. Cf. art 73 al 4
et 5 CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 107
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
2. Le respect des droits des particuliers
Le respect des droits des particuliers peut être
assuré par les autorités traditionnelles qui jouent un rôle
de gendarme dans ce domaine. Elles doivent premièrement
elles-mêmes, selon les circonstances, respecter les droits de leurs
administrés avant de s'assurer que ceux-ci sont respectés par les
autorités locales. La mission à cette échelle des
chefferies traditionnelles est duale, respecter les droits des particuliers et
faire respecter ces droits.
Relativement d'une part au respect des droits des particuliers
par les autorités traditionnelles, il s'agit de par leur stature
d'exemple, d'avoir de la considération des droits de leurs
administrés. Ceci passe par la culture des valeurs prônant le
respect d'autrui. Cependant, il ne faut pas balayer d'un revers de la main que
les autorités traditionnelles ont des prérogatives, en fonction
de la coutume locale, sur leurs populations. Celles-ci sont de nature une
certaine inégalité entre le chef traditionnel et le citoyen. Le
plus important est que cette situation n'affecte pas au plus haut niveau les
droits des particuliers.
Relativement d'autre part à la protection des droits
des particuliers par les chefs traditionnels, il est question pour ces derniers
de s'assurer que les autorités administratives municipales,
communautaires et régionales prennent en compte les droits des
particuliers dans leurs décisions. Cependant, il faut relever que «
dans les rapports administration/ administré, la
prééminence de l'administration l'amène la plupart du
temps à violer le droit en vigueur284». Il
apparaît important pour les autorités de ramener ces violations
à leurs portions les plus congrues.
Tout compte fait, des voies de recours sont offertes aux
autorités traditionnelles et aux particuliers dont les droits ont
été violés. Il est question de se tourner vers les
autorités compétentes pour « faire constater et
sanctionner de telles violations285». Les autorités
traditionnelles peuvent accompagner leurs administrés, victimes de
l'arbitraire de l'administration locale dans ce processus.
Le respect des droits des particuliers est, comme nous l'avons
vu, le second aspect du raffermissement de l'Etat de droit par les chefferies
traditionnelles, il sied dès maintenant de s'appesantir sur
l'égalité.
284 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de Droit
Administratif Général 2, Université de Yaoundé
II,
2014-2015, Inédit.
285 Ibid.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 108
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
B. L'égalité
L'égalité est « le fait pour les
humains d'être égaux devant la loi, de jouir des mêmes
droits286». Le principe d'égalité en droit
renvoie généralement à l'égalité de tous
devant la loi. En droit administratif, ce principe est appelé
égalité de tous les citoyens devant le service
public287. Il est mis en oeuvre au niveau local par les
autorités décentralisées. Les autorités
traditionnelles, en leur qualité de second des autorités
administratives288, se doivent de veiller à cette mise en
oeuvre.
L'égalité dont il est question passe alors par
l'égalité de traitement (1) et par
l'égalité de droits (2).
1. L'égalité de traitement
L'égalité de traitement suppose que tous les
usagers du service public local doivent recevoir le même traitement.
Malheureusement, à ce jour aucune collectivité territoriale
décentralisée ne possède de Manuels de Procédures
Administratives (MPA). Toutefois, les exécutifs locaux sont
portés par le désir de rendre aux usagers un service public
satisfaisant. L'égalité de traitement implique au moins trois
éléments à savoir l'absence de discrimination,
l'accessibilité et la neutralité.
En rapport d'abord avec l'absence discrimination, il est
question « qu'aucune distinction ne soit faite entre les usagers quant
à l'accès au service public comme au service rendu
lui-même. Chacun doit être à même de
bénéficier des prestations du service public sans se retrouver en
position d'infériorité en raison de son origine, de sa condition
sociale, de son handicap, de sa résidence ou tout autre motif tenant
à sa situation personnelle ou à celle du groupe social dont il
fait partie289». Il appartient à la
collectivité locale de mettre tout en oeuvre pour que le service public
local soit rendu sans forme de discrimination. Toutefois, il existe des cas
où en fonction des nécessités d'intérêt
général l'on peut assister à des discriminations
positives290.
En rapport ensuite avec l'accessibilité, il est
question de rendre le service public ouvert à tous. Il s'agit donc
d'alléger les « démarches et formalités que
l'usager doit accomplir pour
286 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.827.
287 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.60.
288 Art 17 décret N° 77/245 du 15 juillet 1977
portant organisation des chefferies traditionnelles.
289 ABANE ENGOLO Patrick Edgard, op. cit., p.160.
290 Ibid., p.161.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 109
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
bénéficier d'un service ou d'une
prestation291». L'accessibilité suppose aussi
l'implantation géographique des services publics locaux en vue de
garantir « la présence administrative sur l'ensemble du
territoire292» de la collectivité.
En rapport enfin avec la neutralité, elle s'inscrit
dans l'action quotidienne des services publics locaux. Cette neutralité
implique « la laïcité (...),
l'impartialité des agents publics et l'interdiction de toute
discrimination fondée sur les convictions politiques, philosophiques,
religieuses, syndicales ou tenant à l'origine sociale, au sexe, à
l'état de santé, au handicap ou à l'origine
ethnique293». Le service public local doit se borner
à offrir des prestations aux usagers sans tenir compte d'un certain
nombre de paramètres subjectifs.
L'égalité de traitement doit de ce fait
être un axe d'action des autorités traditionnelles. Il ne s'agit
pas pour elles de se substituer aux services publics locaux mais d'attirer
l'attention des autorités locales sur les dysfonctionnements de leurs
services.
L'égalité de traitement va de pair avec
l'égalité de droits.
2. L'égalité de droits
L'égalité de droits des citoyens est garantie,
au niveau local, par les autorités administratives locales. Les
autorités traditionnelles se contentent de leur rappeler que des
instruments juridiques, au premier rang desquels la Constitution294
de notre pays, consacrent l'égalité des droits des citoyens.
Cette égalité de droits s'accompagne aussi
d'égalité de devoirs. A ce niveau, les autorités
traditionnelles ont le devoir de promouvoir l'égalité des droits
de leurs administrés. Les citoyens jouissent, en principe des
mêmes droits, mais il peut arriver que l'on fasse certaines
discriminations au profit de certains groupes sociaux pour rétablir
l'équité.
Les autorités traditionnelles se doivent de promouvoir
le principe de l'égalité des droits de leurs administrés.
Ceci passe par deux moyens au moins. Premièrement, il est question de
faire assimiler aux populations que les hommes sont tous égaux en droits
et en devoirs. Qu'au plan purement ontologique « l'homme est
égal à l'homme » comme le disait un chanteur. Il est
aussi question, comme vu au chapitre précédent, de leur apprendre
leurs droits. Secondement, l'autorité traditionnelle dans ses rapports
avec l'administration locale se
291 Ibid., p.162.
292 Ibid.
293 Ibid.
294 La Loi N° 96/06 du 18 Janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 02 juin 1972 dispose dans son
Préambule que « Tous les hommes sont égaux en droits et
en devoirs ».
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 110
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
doit de rappeler à cette dernière, lorsque cela
est nécessaire, de sauvegarder l'égalité des droits des
citoyens de sa localité.
Les chefferies traditionnelles ont aussi à coeur la
prise en comptes des minorités295 et groupes sociaux
défavorisés. Il s'agit, pour les autorités traditionnelles
et locales, de prendre des mesures spéciales ouvrant des perspectives
meilleures auxdits groupes afin qu'ils puissent aussi bénéficier
de l'égalité des droits296.
L'égalité de droits peut permettre
véritablement aux populations de participer localement à l'action
de leurs élus et de veiller à ce que celle-ci soit efficace.
§2 - Le développement de la participation
citoyenne locale et de l'efficacité
La participation des chefferies traditionnelles à la
bonne gouvernance locale peut aussi se faire par le développement de la
participation citoyenne locale (A) et par l'efficacité
(B).
A. La participation citoyenne locale
La participation citoyenne locale fait référence
à « un processus d'engagement obligatoire ou volontaire de
personnes ordinaires, agissant seules ou au sein d'une organisation, en vue
d'influer sur une décision portant sur des choix significatifs qui
toucheront leur communauté297». Cette participation
peut avoir lieu dans un cadre formel ou non sous l'égide des
décideurs locaux ou de la société civile298.
Elle apparaît comme l'un sinon le pilier de la gouvernance locale car
c'est au travers d'elle qu'on ressent l'adhésion des populations
à l'action de leurs élus locaux. Elle suppose alors une
implication « plus directe et effective des populations locales
à la gestion de leurs affaires, toute chose qui chose qui est
susceptible de diminuer les conflits entre les exécutifs locaux et les
populations qu'ils sont amenés à
diriger299».
295 MOUANGUE KOBILA James, La Protection des
minorités et des peuples autochtones au Cameroun : Entre reconnaissance
interne contrastée et consécration universelle
réaffirmée, Editions Dianoïa, 2009, p.56. Voir aussi
MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, autochtonie et construction
d'une sphère publique locale au Cameroun », L'anthropologue
africain, Vol. 15, Nos. 1&2, 2008, p.80.
296 MOUICHE Ibrahim, Démocratisation et
intégration sociopolitique des minorités ethniques au Cameroun :
Entre dogmatisme du principe majoritaire et centralité des partis
politiques, CODESRIA, 2012, p.22.
297 ANDRÉ Pierre, « Participation citoyenne
», COTÉ Louis et SAVARD Jean-François (dir.),
Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique,
2012, p.4.
298 Ibid.
299 HOND Jean Tobie, « La prévention et la
résolution des conflits dans un système
décentralisé : l'expérience du Cameroun »,
Séminaire sur la Gouvernance de la décentralisation,
Centre Africain de Formation et de Recherche Administratives pour le
Développement - Fondation Hanns SEIDEL - Fondation pour le Renforcement
des Capacités en Afrique, Tanger, 2014, p.5.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 111
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
La participation citoyenne locale des autorités
traditionnelles peut se faire d'une part par divers modes de participation
(1) et d'autre part au niveau des instances de participation
(2).
1. Les modes de participation
Les modes de participation citoyenne locale des
autorités traditionnelles sont divers. On peut citer les concertations,
les consultations, les propositions, les contributions au sein de certaines
instances et la participation à l'élaboration des politiques et
documents de la collectivité entre autres.
Concernant premièrement les concertations, elles
consistent à s'entendre pour agir ensemble300. Il est
question pour les autorités traditionnelles d'agir de concert avec les
autorités municipales, communautaires et régionales pour avoir
des actions ayant un grand retentissement au sein des communautés
bénéficiaires. Ces actions concertées ont le mérite
d'impliquer les principaux bénéficiaires dans une action de la
collectivité les concernant directement.
Concernant deuxièmement les consultations, il s'agit de
récolter les avis des autorités traditionnelles, du fait de leur
proximité avec les populations, sur une question ou sujet donné.
Ces consultations sont menées dans le but de faire murir une
décision afin que celle-ci puisse avoir l'assentiment de ses
destinataires301. Ces consultations sont faites dans un cadre assez
particulier car dans notre pays, il n'existe pas de referendum local ce qui
rend difficile la consultation et la conséquence immédiate est
que le résultat de cette consultation ne reflète pas toujours la
réalité. Malgré cela, les autorités locales et
traditionnelles doivent mettre en place des mécanismes cohérents
de consultation.
Concernant troisièmement les propositions, il est, pour
les chefferies traditionnelles, question de soumettre aux élus locaux
des propositions tendant à améliorer la vie de la
collectivité tant le plan du développement local que sur celui de
la démocratie et de la bonne gouvernance à l'échelle
locale. La Loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 mentionnée
plus haut a prévu des mécanismes de participation citoyenne
à l'action des CTD302. L'avantage des autorités
traditionnelles est qu'elles sont en contact permanent avec les populations, et
par conséquent maîtrisent au mieux les réalités et
difficultés auxquelles elles font face. Il n'est donc pas surprenant que
les chefferies traditionnelles formulent à l'endroit des
autorités
300 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.497.
301 A titre d'exemple, le CGCTD prévoit en son article
416 alinéa 2 que le projet de budget est élaboré en se
référant aux résultats des consultations des citoyens.
302 Art 40 CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 112
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
locales des propositions visant à booster le
développement local et par ricochet répondre aux aspirations des
populations. Ces propositions, pour sortir, tendent à «
conduire une stratégie plus efficace et plus efficiente du
développement local avec une meilleure participation des populations
impliquées dans la quête de leur bien-être
économique, social et culturel303».
Concernant quatrièmement les contributions au sein de
certaines instances, il s'agit d'une participation active des autorités
traditionnelles au sein d'instances tant nationales que locales. A cet effet,
les chefs traditionnels participent directement avec les autorités
locales aux réflexions et prises de décisions touchant à
la vie de la collectivité. A la différence de la concertation, il
s'agit d'un cadre formel de discussions.
Concernant enfin la participation à
l'élaboration des politiques et documents de la collectivité, il
est question d'associer les collectivités traditionnelles dans
l'élaboration des politiques et documents devant guider l'action de la
collectivité locale. Ce mode de participation permet l'adhésion
des autorités traditionnelles à la direction que la
collectivité locale souhaite prendre. Il peut en être ainsi de la
préparation du budget communal, de l'élaboration des plans de
développement de la collectivité.
Les modes de participation se font au sein d'instances
spécifiques.
2. Les instances de participation
Les instances de participation citoyenne des citoyens sont au
nombre de deux à savoir les instances nationales d'une part et les
instances locales d'autre part.
D'une part, les instances locales de participation citoyenne
permettent aux populations et aux autorités traditionnelles de donner
directement leur avis sur les questions d'importance locale. Le code
général des CTD nous renseigne sur trois d'entre-elles, il s'agit
des comités de quartiers et de villages, des instances de participation
au sein de la collectivité et du public independent conciliator
dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. S'agissant d'abord, des
comités de quartiers et de villages, le CGCTD304 y fait
référence en indiquant qu'ils « concourent à la
réalisation des objectifs des collectivités
territoriales305» et qu'ils peuvent être
créés par des conseils municipaux306. En attendant que
l'arrêté de renvoi fixant les
303Discours du Premier Ministre Chef du
Gouvernement à l'ouverture de la 2ème session du
Conseil National de la Décentralisation du 5 août 2009,
cité par HOND Jean Tobie, « Etats des lieux de la
décentralisation territoriale au Cameroun », in ONDOA Magloire,
(dir.), L'administration publique camerounaise à l'heure
des réformes, L'Harmattan, 2010, p. 104.
304 Art 41 et 182 CGCTD.
305 Art 41 CGCTD.
306 Art 182 (1) CGCTD.
Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
modalités d'organisation et de déploiement de
ces comités, l'on verrait mal des personnes autres que celles issues de
la coupole des chefferies traditionnelles gérer lesdits comités.
L'on retient alors que ces comités sont des « cadres de
concertation qui visent à favoriser la participation des populations
à l'élaboration, à l'exécution et au suivi des
programmes et projets communaux ou à la surveillance, la gestion ou la
maintenance des ouvrages et équipements
concernés307». S'agissant ensuite des instances
participation au sein des collectivités, il s'agit des instances
légales des collectivités ou de celles mises sur pied par ces
dernières. Il peut s'agir du Conseil municipal, du conseil de
communauté, du conseil régional ou de l'Assemblée
régionale. A ce niveau, les autorités traditionnelles, membres ou
non, de ces assemblées peuvent faire entendre leur voix, ce qui a le
mérite de créer des échanges et par ricochet de toucher la
gouvernance locale. S'agissant enfin du public independent
conciliator, il s'agit d'une autorité indépendante
érigée dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest
chargée de veiller au bon fonctionnement de l'administration locale dans
ces régions et de régler les litiges émanant de cette
administration dans les conditions fixées par la loi308. A
cet effet, il recueille « les réclamations concernant le
fonctionnement des administrations (...) des collectivités
territoriales décentralisées (...) dans leurs relations avec les
administrés309». Son action permet de montrer le
niveau de gouvernance d'une région. Sa saisine étant ouverte
à tout citoyen, et à plus forte raison aux autorités
traditionnelles, ces dernières peuvent le saisir aux fins qu'il constate
des irrégularités dans la gestion des services publics et
demander réparation ou cessation du préjudice.
D'autre part, les instances nationales de participation, l'on
note des instances permanentes et des instances ponctuelles. Concernant les
instances permanentes, il s'agit des instances ayant en charge de la mise en
oeuvre de la décentralisation. A titre d'exemple, nous avons le Conseil
National de la Décentralisation présidé par le
Président Ministre, le Comité Interministériel des
Services Locaux présidé par le ministre en charge de la
décentralisation. Il faut reconnaître que les autorités
traditionnelles ne sont pas membres statutaires de ces organes. Toutefois,
elles peuvent être conviées aux travaux de ces instances en
fonction de leurs compétences en rapport avec l'ordre du
jour310. Elles pourront alors s'exprimer de
307 Art 182 (2) CGCTD.
308 Sur les attributions du public independent
conciliator, voir l'art 367 (3) CGCTD.
309 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., pp. 60-61.
310 Cf. l'article 3 (2) du Décret N° 2008/013 du
17 janvier 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil National de
la Décentralisation et l'article 3 (4) du Décret N° 2008/014
du 17 janvier 2008 Portant Organisation et fonctionnement du Comité
Interministériel des Services Locaux.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 114
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
manière objective sur la mise en oeuvre de la
décentralisation non pas sur le plan purement local mais sur le plan
national. Concernant les instances nationales ponctuelles, elles touchent aux
instances mis en oeuvre par l'Etat central pour résoudre une situation
particulière qui touche la vie de la Nation toute entière. Notre
pays a depuis des décennies organisé quelques-unes. La
dernière en date est le Grand Dialogue National tenu au Palais des
Congrès de Yaoundé du 30 septembre au 4 octobre 2019. De ce qu'il
ressort, les autorités traditionnelles ont pris une part active à
ces travaux. Pour exemple, sur les six cents personnes conviées à
ce dialogue, nous avions une centaine de chefs traditionnels. Lors de la
séance plénière, sept sur les treize orateurs
étaient des autorités traditionnelles. Lors des travaux en
commission, les chefs traditionnels ont valablement été actifs au
sein des huit commissions mises sur pied pour la circonstance. La commission
décentralisation et développement local a reçu la
participation des autorités traditionnelles. Il sied de relever que la
majeure partie des propositions311 faites par cette commission a eu
un écho favorable par le législateur au travers de la Loi N°
2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code Général des
Collectivités Territoriales Décentralisées.
Après la participation citoyenne locale des
autorités traditionnelles, il est loisible de questionner leur apport
à la bonne gouvernance locale en matière d'efficacité et
d'efficience.
B. L'efficacité et l'efficience
L'efficacité et l'efficience sont deux mots qui sont
qualifiés, à tort ou à raison, de synonymes312.
L'efficacité dans la conduite des affaires publiques est aujourd'hui
adossée à l'efficience. Ces deux concepts permettent de mesurer
la performance de l'action publique et, en ce qui nous concerne, l'action
publique locale. Nous verrons alors l'action des autorités
traditionnelles en vue de garantir l'efficacité (1) et
d'assurer l'efficience (2) dans la gestion des affaires
locales.
1. L'efficacité
L'efficacité est « la capacité, d'une
personne, d'un groupe ou d'un système, à parvenir à ses
fins, à ses objectifs (...). Etre efficace revient à
produire à échéance prévue les résultats
escomptés et réaliser les objectifs fixés, objectifs
pouvant être définis en termes de quantité, mais aussi de
qualité, de rapidité, de coûts, de rentabilité,
etc.313». C'est, pour sortir, la «
capacité des politiques mises en oeuvre à répondre aux
problèmes identifiés314».
311 Rapport du Rapporteur Général du Grand Dialogue
National, Yaoundé, 4 octobre 2019, pp.16-17.
312 Voir en ce sens les définitions proposées par
le Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.824.
313 Définition de l'efficacité de
Wikipédia,
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Efficacit%C3%A9,
consultée le 4 février 2020.
314 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance,
2015, p.84.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 115
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Les autorités traditionnelles peuvent questionner
l'efficacité de l'action publique locale au moyen de deux interrogations
à savoir « dans quelle mesure les effets obtenus sont-ils
conformes aux objectifs retenus et aux effets attendus ? Comment aurait-on pu
optimiser les effets observés ?315». Elles peuvent,
pour avoir les réponses à ces interrogations sur
l'efficacité de l'action locale, utiliser plusieurs méthodes
notamment au travers de rapports et comptes rendus sur l'action de la
collectivité, le questionnement des autorités locales sur
l'efficacité des politiques publiques locales et l'appréciation
des effets de l'action locale.
Relativement d'abord aux rapports et comptes rendus sur
l'action de la collectivité locale, il s'agit de documents mis à
la disposition du public316 et par ricochet à la disposition
des autorités traditionnelles. Ces dernières peuvent alors
constater, au regard des indicateurs retenus par la collectivité, si la
politique locale a été efficace. C'est l'occasion pour ces
autorités traditionnelles de formuler des suggestions à
même de relever le taux d'efficacité lorsqu'il n'est pas
satisfaisant. A titre d'exemple, il peut s'agir d'un rapport de performance
adossé sur le rapport d'exécution du budget d'une
collectivité, celui-ci offre un panorama sur les prévisions et
les réalisations. Ce qui permettra à la collectivité
coutumière de mesurer l'efficacité des choix des dirigeants
locaux.
Relativement ensuite aux questionnements, il s'agit des
interrogations formulées par les autorités traditionnelles
à l'endroit des élus locaux sur l'incompréhension de
l'effectivité et de l'efficacité des politiques publiques. Les
autorités traditionnelles saisissent alors les autorités locales
afin d'être éclairées sur un certains points de la
politique locale. En effet, les impacts de l'action publique ne sont pas
toujours visibles dès leur mise en oeuvre car ceux peuvent être
immédiats, à moyen terme et à long terme317. Il
est donc du devoir des autorités locales de rassurer les
autorités traditionnelles quant à l'efficacité des choix
publics.
Relativement enfin de l'appréciation des effets de
l'action locale, les autorités traditionnelles cherchent à
vérifier l'action des CTD de manière pratique ou concrète.
L'efficacité des dirigeants locaux sera évaluée fonction
des réalisations de ceux-ci sur les territoires des chefferies. Ce
critère d'appréciation de l'efficacité a l'avantage de se
fonder sur le concret, sur ce qui est quantifiable mais la difficulté
qu'il soulève est que l'action publique peut être formulée
sur le moyen et les termes, par conséquent ses fruits ne seront pas
visibles
315 GALDEMAR Virginie, GILLES Léopold et SIMON
Marie-Odile, « Performance, efficacité, efficience : les
critères d'évaluation des Politiques sociales sont-ils pertinents
? », Cahier de recherche, N° 299, Décembre 2012,
p.11.
316 Voir sur les documents mis à la disposition du public
les articles 40 al 2 et 3, 180 et 290 al 2 CGCTD.
317 GALDEMAR Virginie, GILLES Léopold et SIMON
Marie-Odile, op. cit., p.11.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 116
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
dans l'immédiat. D'où la nécessité
pour les autorités traditionnelles de faire recours à tous ces
procédés pour apprécier l'efficacité de l'action
locale.
L'efficacité permet certes d'atteindre des
résultats mais ne tient pas compte de certains facteurs tels la
minimisation des coûts, la simplification des procédures et la
rationalisation des ressources propres à l'efficience.
2. L'efficience
L'efficience quant à elle renvoie à
l'efficacité de l'action publique à laquelle on adjoint «
le maximum de résultats avec le minimum de
coût318». Le Dr Bernard MOMO319 propose
la formule suivante : « efficience = rationalisation + simplification
+ opérationnalisation ».
Les interrogations permettant aux chefferies traditionnelles
de s'assurer que l'action de la collectivité locale est efficiente sont
les suivantes : « quels moyens (matériels, humains,
financiers,...) ont effectivement été mobilisés ? Les
effets obtenus sont-ils en adéquation avec l'ensemble des moyens
mobilisés ? Aurait-on pu atteindre les mêmes résultats
à moindre coût ?320». Du fait de la
rareté des ressources, les politiques publiques font recours à
l'efficience si chère au secteur de la production. Il est question de
résoudre le maximum de défis de la collectivité avec un
minimum de ressources. Dans la pratique, nos collectivités locales en
l'occurrence les communes, et plus particulièrement les communes dites
rurales, font face à un déficit de ressources financières,
matérielles et humaines pour la réalisation de leurs objectifs.
Le principe d'efficience apparaît pour ces entités locales comme
une issue favorable à la concrétisation de leurs objectifs de
développement. Les autorités traditionnelles concourent alors
à l'efficience de nos collectivités locales par
l'opération et le résultat de celle-ci.
S'agissant d'une part de l'opération, elle vise
l'ensemble des procédés et mécanismes mis en oeuvre pour
parvenir à l'efficience des choix et décisions publiques locales.
Il s'agit de la conception des mécanismes à mettre en branle pour
y parvenir. L'action des autorités traditionnelles à ce niveau
peut consister à faire part de leurs inquiétudes quant à
la réalisation des politiques publiques locales du fait de
l'inadéquation avec le milieu auquel elles se rapportent. Ces
autorités traditionnelles peuvent également faire des
propositions en vue de
318 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.35.
319 Ibid.
320 GALDEMAR Virginie, GILLES Léopold et SIMON
Marie-Odile, op. cit., p.11.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 117
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
parvenir à l'efficience escomptée. Ceci passe
alors par « l'organisation cohérente et logique (...)
ainsi que de la coordination d'ensemble, de simplification de la structure
en évitant toute interférence de compétence par le
regroupement sous l'autorité d'un chef hiérarchique unique
(...) de tous les services assurant la satisfaction des besoins
analogues et connexes, et d'opérationnalisation qui consiste en la
recherche de décisions (...) permettant la mise en oeuvre
effective des réformes
préconisées321».
S'agissant d'autre part du résultat, il a trait au
déploiement des choix des autorités administratives
décentralisées. Il est question de voir comment ceux-ci ont
été mis en oeuvre et les résultats produits. Il s'agit en
réalité d'un bilan de ces choix. Ces derniers seront
évalués en fonction des critères d'efficience retenus par
la collectivité. En tout état de cause, les autorités
traditionnelles sont appelées, dans leurs rapports avec les
autorités régionales et municipales, à évaluer
l'efficience des activités de ces dernières et de leur donner des
pistes de solution à même de rendre à l'avenir efficiente
l'action des collectivités locales.
Avec le principe d'efficience, nous pouvons appréhender
le concours des chefferies traditionnelles en matière d'Etat de droit,
d'égalité, de participation et d'efficacité, il sied
dès à présent de voir quel peut être ce concours en
ce qui concerne la transparence et le climat des affaires.
SECTION 2 - L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX
PRINCIPES DE TRANSPARENCE ET DU CLIMAT DES AFFAIRES L'apport des
autorités traditionnelles à la bonne gouvernance locale peut
également se faire au travers de transparence (§1)
et du climat local des affaires (§2).
§1 - L'apport au principe de
transparence
La transparence peut être définie comme un «
caractère de ce qui est visible par tous,
public322». Pour le lexique des termes juridiques, il
s'agit d'un principe d'organisation de toute société
démocratique323.
L'action des autorités traditionnelles sur le principe
de transparence permet de dégager sa portée (A)
et sa conséquence directe qu'est la redevabilité
(B) dans la gestion des affaires de la collectivité
locale.
321 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., pp.36-37.
322 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.2605.
323 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.),
Lexique des termes juridiques, op. cit., p.2032.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 118
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
A. La transparence locale
La transparence locale apparaît comme un droit sur
l'action des services publics locaux d'un « droit à
l'information (...) et l'obligation d'informer les usagers de
manière systématique324». Cette approche
semble omettre la fonction de dialogue, de concertation et de contrôle de
l'action des autorités locales par les administrés325.
La transparence locale implique la mise sur pied par les CTD des manuels de
procédures administratives dans l'optique « d'améliorer
le management des services et des relations administration /
usagers326». En clair, il est question de faciliter «
l'accès du public à
l'information327».
La transparence locale suppose alors une communication
complète et honnête de la collectivité territoriale d'un
côté et l'accès de toutes les parties prenantes à
une information intégrale328. La transparence locale peut
être analysée d'une part par la lisibilité des affaires et
services locaux (1) et d'autre part par l'information sur les
affaires et services locaux (2).
1. La lisibilité des affaires et services
locaux
La lisibilité des affaires et services locaux traduit
la transparence dans la gestion des affaires et services des autorités
décentralisées. La lisibilité des affaires et services que
gèrent les collectivités territoriales
décentralisées induit alors selon M. MOMO, « une
meilleure lisibilité des circuits administratifs, la
traçabilité dans le suivi des dossiers et une meilleure
identification des postes de travail329». Il convient
alors de s'arrêter d'une part sur la clarté des procédures
administratives et d'autre part sur les facilités offertes aux usagers
des services.
D'une part, la clarté des procédures
administratives, il s'agit de rendre limpide, tant pour l'usager que pour
l'agent public local, les mécanismes permettant de réguler le
fonctionnement des services public locaux. Ceci passe par l'élaboration
du circuit de l'usager, le coût si la prestation est rendue à
titre onéreux, la sécurisation des services et des biens qu'ils
comportent et la répartition claire des tâches. On peut ajouter
à ceux-ci, les nouveaux modes de gestion des services publics qui ont
pour but la réduction des contacts entre l'agent
324 ABANE ENGOLO Patrick Edgard, op. cit., p.162.
325 Ibid.
326 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.44.
327 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance,
2015, p.78.
328 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.58.
329 Ibid., p.44.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 119
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
et l'usager par l'informatisation, la réduction de la
chaîne administrative. Face à cette mouvance de l'administration
locale, il appartient aux autorités traditionnelles de veiller à
ce que l'administration décentralisée soit toujours dans la
dynamique de la lisibilité pour le bien des populations.
D'autre part, les facilités offertes aux usagers des
services publics locaux permettent de rendre ces derniers efficients et
répondre convenablement aux préoccupations des usagers au regard
de certains dysfonctionnements observés dans ces services330.
Il est question de permettre « aux populations elles-mêmes
à travers leurs élus, de gérer leurs affaires de
façon autonome331». Ces facilités visent
« l'amélioration de la qualité des services à
l'usager332». Celles-ci consistent à l'implantation
services locaux partout où le besoin se fait ressentir, la mise à
disposition de documents à la portée des usagers entre autres. La
mission des autorités traditionnelles est à ce niveau, bien que
n'étant pas inspecteurs des services publics locaux, de s'assurer que
lesdites facilités soient offertes à tous. De plus, suivant la
possibilité offerte aux chefs traditionnels de seconder les
autorités administratives dans l'encadrement des
populations333, ils peuvent offrir certains services à leurs
administrés après délégation expresse de
l'autorité administrative.
La lisibilité des affaires et services locaux va de
pair avec l'information sur les affaires et services locaux destinée au
public.
2. L'information sur les affaires et services
locaux
L'information sur les affaires locales et la gestion des
services publics locaux est le point d'orgue de la transparence locale. Il est
question notamment pour les autorités traditionnelles et leurs
populations de s'enquérir de toutes les informations concernant la
gestion de leurs collectivités locales afin de s'assurer que cette
gestion soit saine et va dans le sens de l'intérêt
général.
L'information des autorités traditionnelles et leurs
administrés par les autorités administratives
décentralisées est faite via la communication sur les actions de
celles-ci et la mise à disposition de l'information au public.
330 Ibid., p.59.
331 Ibid., p.45.
332 Ibid., p.59.
333 Art 19 Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977
portant organisation des chefferies traditionnelles.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 120
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
S'agissant d'une part de la communication sur les actions de
la collectivité, il est question pour cette dernière de faire
savoir, au public en général et aux chefferies traditionnelles en
particulier, ce qu'elle a fait, ce qu'elle fait et ce qu'elle fera dans
l'intérêt de tous. En réalité, la
collectivité par un effort de communication informe le plus grand nombre
sur ses réalisations menées ou à mener et même en
cours. Cette ouverture communicationnelle participe à la bonne
gouvernance locale et permet de lutter contre le mutisme observé dans
nos collectivités locales. En saisissant ce canal, l'autorité
décentralisée informe sur ses réalisations sous forme de
bilan. Ce qui permettra à coup sûr d'apprécier son action.
Suivant toujours la même logique, l'autorité administrative
« informe les différentes autorités locales (en
particulier les chefs traditionnels) des intentions334» de
la collectivité. L'information que la collectivité locale met
à la disposition des autorités traditionnelles est de nature
à garantir un climat de confiance quant à la prise en compte de
leurs aspirations.
S'agissant d'autre part de la mise à disposition de
l'information, il est question de fournir au public en général et
aux autorités traditionnelles, toutes les informations qui leur sont
nécessaires dans l'optique de s'assurer de la bonne gestion de leurs
collectivités territoriales décentralisées. Le code
général des collectivités territoriales
décentralisées a reconnu le droit à tout citoyen d'une
collectivité le droit de demander communication ou prendre copie
partielle ou totale de certains documents335. Ces documents sont
entre autres les procès-verbaux des organes délibérants,
les budgets des CTD, les projets et rapports annuels de performance, les plans
de développement, les comptes et les arrêtés. Le même
code prévoit que ces actes « sont également
publiés sur le site électronique de la Collectivité
Territoriale et déposés à son siège où ils
peuvent être consultés336». A ce niveau, les
autorités traditionnelles peuvent consulter ces documents pour
apprécier le travail fourni par la collectivité. A ce niveau, il
faudrait que la collectivité territoriale soit diligente en mettant
à la disposition de ces autorités les documents dont elles font
la demande. La collectivité locale se doit alors de les produire
à la date indiquée et les publier conformément à la
loi. Ces informations permettent d'apprécier la gestion de la
collectivité ainsi que l'état de développement local.
La transparence locale permet, comme nous l'avons vu ci-haut,
de garantir la gestion saine des affaires locales, c'est pourquoi la
transparence n'exempt pas la redevabilité des affaires locales.
334 MOUICHE Ibrahim, « Genre et commandement territorial
au Cameroun », MBOW Penda (dir.), Hommes et femmes entre
sphères publique et privée, CODESRIA, p.154.
335 Art 40 (2) CGCTD.
336 Art 40 (3) CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 121
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
B. La redevabilité sur les affaires locales
La redevabilité fait référence, pour la
Stratégie Nationale de Gouvernance, à « l'obligation de
rendre compte et se traduit entre autre par la lutte contre la corruption et
les détournements de deniers publics337». La
spécificité de la redevabilité est basée sur «
la transparence financière qui implique les choix budgétaires
rationnels, et puis généralement un contrôle interne et
externe de la régularité de
fonctionnement338». Elle traduit ainsi à
l'échelle locale, l'impératif pour les élus de rendre
compte au public de leur gestion. Celle-ci doit être irréprochable
et dénuée de toutes pratiques malsaines telles la corruption, les
détournements de deniers publics, les délits d'initiés,
etc.
La redevabilité des autorités administratives
décentralisées suppose leur responsabilité
(1) et l'implication des populations au sein de certaines
instances (2).
1. La responsabilité des élus
locaux
La responsabilité ou imputabilité des
élus locaux a trait « au rapport qui unit la population locale
et ses représentants, ainsi qu'aux mécanismes qui garantissent
l'obligation pour les décideurs de rendre des comptes aux citoyens,
notamment dans le domaine des services publics et dans celui des mesures prises
au nom des citoyens339».
Cette responsabilité est assimilable à ce que
les privatistes appellent la reddition de comptes qui est une «
procédure consistant pour celui qui a géré les
intérêts d'autrui (le rendant), à présenter à
celui auquel il est dû (l'oyant), l'état détaillé de
ce qu'il a reçu ou dépensé, dans le but d'arriver à
la fixation du reliquat (le débet)340». M. MOMO
parle
d' « obligation
redditionnelle341» qui a pour but d'évaluer la
performance des politiques publiques locales et de sanctionner les
gestionnaires indélicats. Il s'agit donc, pour les autorités
traditionnelles, de passer en revue la gestion des élus locaux au peigne
afin de s'assurer que l'intérêt général a
été la boussole de ces derniers. La redevabilité
interpelle la responsabilité des élus « à ne pas
perdre de vue leur raison d'être, à savoir, répondre
à la demande de gouvernance de la société et fournir aux
usagers des prestations de qualité342».
337 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance,
2015, p.8.
338 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.58.
339 IDEA (Institut International pour la démocratie et
l'assistance électorale), Cadre d'évaluation de l'état
de la démocratie locale, 2015, p.25.
340 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.),
Lexique des termes juridiques, op. cit., p.1722.
341 Bernard MOMO, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.58.
342 Ibid., p.56.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 122
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
La responsabilité des élus locaux pourra
être mise en cause lorsque ceux-ci ne se seront pas montrés aptes
à résoudre les préoccupations de leurs administrés.
Il convient de rappeler que cette responsabilité a plusieurs niveaux.
Nous marquerons un temps d'arrêt sur la responsabilité politique
et la responsabilité pénale des élus locaux. D'une part,
l'engagement sur le plan politique de a responsabilité d'un élu
local traduit généralement l'absence d'adhésion des choix
politiques de ce dernier par les populations. A ce niveau, on remarque un
manque de redevabilité envers les populations. La conséquence
immédiate est un vote-sanction aux prochaines échéances
électorales. De cette façon, les consultations électorales
« permettent au peuple d'exercer un contrôle
politique343». D'autre part, l'engagement de la
responsabilité d'un élu local sur le plan pénal peut
intervenir lorsque celui-ci a posé des actes réprimés par
le Code pénal. Les chefs traditionnels, en leur qualité de
représentants des populations et électeurs d'une catégorie
de conseillers régionaux, peuvent saisir les juridictions
compétentes en cas de commission d'infractions.
La responsabilité des autorités locales peut
déboucher sur l'implication des populations au sein de certaines
instances.
2. L'implication des chefs traditionnels au sein de
certaines instances
L'implication des populations de manière
générale et les chefferies traditionnelles de manière
particulière permet d'inclure celles-ci dans le processus de
redevabilité. Il est question pour celles-ci d'apprécier par
elles-mêmes ceux qui est fait par leurs élus locaux ou leurs
mandants.
Il s'agit à cet effet des comités de suivi de
l'exécution physico-financière de l'investissement public
institués par le Premier Ministre par un décret en date du 13
septembre 2013. A l'exégèse de ce texte, on note la
présence des chefs traditionnels au sein des différents
comités chargés de l'exécution physico-financière
de l'investissement public344. Ces instances ont pour mission
principale de « promouvoir le principe de transparence à
travers une approche participative de suivi dans la gestion de l'investissement
public, intégrant les principes de gestion axée sur les
performances345». Les autorités traditionnelles
présentes au sein de ces instances veilleront alors à informer
les populations de
343 Ibid., p.59.
344 Décret N° 2013/7987/PM du 13 septembre 2013
portant création, organisation et fonctionnement des comités de
suivi de l'exécution physico-financière de l'investissement
public prévoit quatre comités de suivi de l'exécution des
projets impliquant les autorités traditionnelles à savoir le
comité communal, le comité départemental, le comité
régional et le comité national.
345 Art 2 al 1 Décret N° 2013/7987/PM du 13 septembre
2013 précité.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 123
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
l'ensemble des projets d'investissement public
programmés dans leur localité pour chaque exercice, s'assurer du
respect du journal de programmation des marchés publics, recueillir les
observations relatives à la qualité et à la
réalisation effective des projets exécutés au cours de
l'exercice budgétaire en cours ou de ceux antérieurs, s'assurer
de l'effectivité des réalisations physiques et de se faire
justifier le cas échéant, des écarts entre les
prévisions et les réalisations346. Elles veilleront
également à contribuer à l'élaboration des rapports
de performance des administrations en renseignant les états de
performance relatifs aux projets de ressort, préparer les données
de l'exécution de l'investissement public en vue de l'élaboration
des rapports d'évaluation du budget de la collectivité et
apprécier le niveau de satisfaction des bénéficiaires des
projets347.
En tout état de cause, l'implication des chefferies
traditionnelles au sein de ces instances a une double justification, d'une
part, il est question pour ces dernières d'apprécier la
redevabilité de leurs élus locaux, d'autre part, il s'agit de
représenter les populations dont elles ont la charge au sein de ces
instances en vue de faire passer leur point de vue en ce qui concerne
l'exécution des projets qui leur sont liés directement.
La redevabilité des agents publics locaux envers leurs
administrés et les autorités traditionnelles, peut permettre,
dans une moindre mesure, d'améliorer au niveau local le climat des
affaires.
§2 - L'apport au climat local des
affaires
Le climat des affaires est « l'ensemble des facteurs
politiques, juridiques, économiques, sociaux et même culturels qui
poussent un investisseur à décider de d'installer dans un milieu
ou dans un pays donné pour faire ses affaires348».
De manière simple, il s'agit des conditions permettant le
développement des affaires dans un pays. Plus étroitement, le
climat local des affaires est l'ensemble des éléments qui
favorisent l'éclosion et le développement des activités
économiques dans une collectivité locale.
L'apport des chefferies traditionnelles au climat local des
affaires passe par l'assainissement de celui (A) ainsi que
l'accompagnement des acteurs économiques (B).
346 MINEPAT, Document de vulgarisation du Décret
IV° 2013/7987/PM du 13 septembre 2013 portant création,
organisation et fonctionnement des comités de suivi de
l'exécution physico-financière de l'investissement public,
novembre 2013, p.2.
347 Ibid.
348 KIAMBU Janvier, Exposé sur le thème : «
Reformes relatives au climat des affaires et des investissements
», Journée d'information des femmes entrepreneures sur le
guichet unique de création d'entreprise, Kinshasa, 26 juin 2013, p.4.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 124
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
A. L'assainissement du climat local des affaires
L'assainissement du climat local des affaires par les
autorités traditionnelles représentent l'ensemble des mesures
prises à leur niveau pour faciliter le déploiement harmonieux des
échanges et activités économiques sur leur territoire de
commandement. L'assainissement du climat local des affaires par les
autorités traditionnelles passe par l'amélioration du cadre des
affaires (1) et l'assainissement de la vie publique locale
(2) dans l'optique de garantir le déroulement
harmonieux des échanges.
1. L'amélioration du cadre des
affaires
L'amélioration du cadre des affaires par les chefferies
traditionnelles au niveau local résulte de l'ensemble des actions
qu'elles font à leur niveau dans le but de rendre les territoires de
leurs collectivités respectives attrayants. Pour parvenir à
l'amélioration escomptée, les autorités traditionnelles
peuvent notamment agir seules ou avec l'appui des autorités locales.
Considérant d'une part l'action autonome des chefferies
traditionnelles à l'amélioration du cadre des affaires à
l'échelon local, il est question pour celles-ci de poser des actions
concrètes visant à assurer le bon déroulement des
affaires. Il s'agit de mesures impersonnelles. Par leur pouvoir de
décision, elles peuvent agir directement sur le cadre des affaires au
niveau de la collectivité. Nous pouvons, à titre d'exemple, citer
l'éducation ou la sensibilisation et la sécurité.
L'éducation ou la sensibilisation a pour but de faire connaître
aux populations le cadre des affaires dans la collectivité et les
débouchés qu'il offre à ses acteurs. Leur implication
permettra à coup sûr d'améliorer ce cadre. Quant à
la sécurité, il est question de mettre sur pied des structures de
veille sécuritaire à l'instar des comités de vigilance
devant servir de première ceinture de sécurité des
populations. Ces mesures ont l'avantage de participer à
l'amélioration du cadre des affaires.
Considérant d'autre part l'action concertée des
chefferies traditionnelles à l'amélioration du cadre des affaires
au niveau de la collectivité, elle se résume à deux
choses. La première action concertée avec les autorités
administratives décentralisées consiste en un certain nombre de
propositions faites à ces dernières en vue d'améliorer le
cadre des échanges au niveau local. Il revient alors à la
collectivité décentralisée de mettre en oeuvre ces
propositions pour le bien des activités économiques. La seconde
action concertée entre les chefferies traditionnelles et les
autorités locales a trait à l'accompagnement de ces
dernières. Il s'agit en réalité d'une synergie d'actions
en vue d'implémenter des décisions tendant à consolider le
cadre des activités économiques au sein de la collectivité
territoriale.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 125
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
Après la participation à l'amélioration
du cadre des affaires au niveau local, les autorités traditionnelles
peuvent participer à l'assainissement de la vie publique locale.
2. L'assainissement de la vie publique
locale
L'assainissement de la vie publique locale vise à
réduire de manière significative les mauvaises pratiques des
personnes qui animent l'espace public au sein d'une collectivité locale.
Il est question pour ceux-ci d'être exemplaires. L'assainissement de la
vie publique nationale en général et locale en particulier fait
débat actuellement dans le monde. L'encadrement des comportements de ces
acteurs est du ressort de la loi largo sensu et de certaines
institutions. En gros, l'assainissement de la vie publique locale est gage du
bon déroulement des activités économiques dans la
collectivité.
Pour le Pr HOND, l'évolution qu'ont connue certains
organismes publics en ce qui concerne leur mission et leur fonctionnement a
traduit l'imperfection de ces mutations institutionnelles et de notre
environnement sociopolitique349. C'est sans doute pour ces raisons,
que l'Etat du Cameroun a créé des autorités
administratives indépendantes en vue d'assainir la vie publique, les CTD
ne sont pas en reste.
Les autorités traditionnelles interviennent dans ce
domaine, peu ou prou balisé, pour essayer de compléter les
efforts des pouvoirs publics en la matière. Etant elles-mêmes des
acteurs de la vie publique locale, du fait de leur exposition au public et aux
autorités, elles se doivent de montrer l'exemple d'une part, et en tant
que citoyens, les chefs traditionnels peuvent veiller à l'assainissement
de la vie publique locale.
En rapport avec l'exemplarité des autorités
traditionnelles, elles se doivent d'avoir un comportement irréprochable
au sein de leurs collectivités. En effet, de par sa position
stratégique, l'autorité traditionnelle est appelée
à côtoyer « les étrangers et ses
administrés, sans oublier les autorités administratives,
municipales et religieuses, etc...350». De ces contacts,
le chef doit rester digne et ne pas céder à quelque pression que
ce soit. Cette attitude pourra avoir le mérite d'améliorer le
climat des affaires au niveau local et plus particulièrement le
sentiment de confiance des opérateurs économiques à
l'endroit de l'autorité traditionnelle.
349 HOND Jean Tobie, « Des transformations de l'Etat au
Cameroun : Lecture critique de l'évolution d'un système
institutionnel cinquantenaire », in L'administration publique en
Afrique 50 ans après, Centre Africain de Formation et de Recherche
Administratives pour le Développement (CAFRAD), p.214.
350 BELL Luc René, Exposé sur le thème :
« L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle
au Cameroun », Assemblée Générale de
l'Association des Chefs Traditionnels du Nyong et Kellé, Eséka,
décembre 2015, p.15.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 126
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
En rapport avec la participation à l'assainissement de
la scène publique locale, il va s'agir de renforcer les capacités
des autorités traditionnelles afin que celles-ci puissent effectivement
jouer un rôle dans l'assainissement de la vie publique
locale351. Ceci passe alors par la lutte contre la corruption, la
sensibilisation des acteurs de la vie publique sur les méfaits
observés dans ce domaine à savoir l'enrichissement illicite, les
délits d'initiés et les détournements de deniers publics.
Ces mesures, aussi minuscules soient-elles, permettent à leur
manière d'améliorer la perception du climat des affaires dans une
collectivité locale.
L'assainissement de l'arène publique locale par les
chefferies traditionnelles peut aussi déboucher sur l'accompagnement des
acteurs économiques.
B. L'accompagnement des acteurs économiques
L'accompagnement des acteurs économiques, sur le plan
local, par les chefferies traditionnelles peut se faire de deux manières
à savoir l'accompagnement des acteurs économiques présents
(1) et l'accompagnement des potentiels acteurs
économiques (2).
1) L'accompagnement des acteurs économiques
présents
L'accompagnement des acteurs économiques
présents sur territoire de la collectivité par les
autorités traditionnelles vise un seul but notamment celui de les
maintenir sur ce territoire fin que la collectivité puisse pleinement
tirer profit de ces acteurs économiques. Pour ce faire,
l'autorité traditionnelle doit d'abord abandonner la casquette qu'on lui
connaît quant à la réception des présents des
acteurs économiques dans le but d'acheter son silence ou sa
complicité. Le chef traditionnel doit alors se comporter comme un agent
économique qui parle à ses pairs et non comme un «
malheureux mendiant352». Pour ce faire, il faudrait
que le chef soit investi, un tant soit peu, dans les activités
économiques. A cet effet, les autorités traditionnelles pourront
par exemple exhorter certains acteurs de passer du secteur informel vers le
secteur formel dans le but de bénéficier d'une certaine
protection juridique et institutionnelle. Il est également question pour
elles de résoudre de manière prompte, à leur niveau, les
problèmes que rencontrent les agents économiques présents
sur leurs territoires. Pour sortir, toutes ces mesures de rétention
ambitionnent de conserver ces acteurs sur leurs territoires.
L'encadrement des acteurs économiques présents
sur le sol de la collectivité locale par les chefferies traditionnelles
n'exclut pas l'accompagnement des potentiels acteurs économiques par
celles-ci.
351 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance,
2015, p.65.
352 BELL Luc René, Exposé sur le thème :
« L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au
Cameroun », op. cit., p.15.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 127
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
1. L'accompagnement des potentiels acteurs
économiques
L'accompagnement des potentiels acteurs économiques par
les chefferies traditionnelles a pour vocation l'incitation des porteurs de
projets ou d'investisseurs à choisir le territoire desdites chefferies
pour y mener leurs activités. Ceci peut être réalisable par
trois moyens au moins à savoir la valorisation du potentiel du
territoire de la chefferie, les garanties posées par le cadre juridique
et institutionnel et l'entregent de l'autorité traditionnelle.
D'abord, en ce qui concerne la valorisation du potentiel de la
collectivité, les autorités traditionnelles veilleront, avant
toute chose, à connaître le potentiel de leur territoire de
commandement pour mieux le vendre. Cette maîtrise, minimale soit-elle,
permettra à coup à l'autorité traditionnelle de parler de
sa collectivité lorsqu'il sera en présence de potentiels
investisseurs ou acteurs économiques.
Ensuite, en ce qui concerne le cadre juridique et
institutionnel de promotion des investissements et activités
économiques, le chef devra être l'ambassadeur de la promotion des
mesures prises, tant au niveau central qu'au niveau local, en vue d'inciter les
potentiels acteurs économiques à s'installer sur son territoire.
Il fera alors un devoir d'appropriation de ces mesures dans l'optique
d'encourager ces acteurs à s'établir dans sa
collectivité.
Enfin, quant à l'entregent des chefs traditionnels,
celui-ci traduit de liaison des relations utiles353, dans un but
précis. Les autorités traditionnelles dotées d'un fort
entregent pourront alors y faire recours pour convaincre les membres de leur
entourage de venir développer des activités économiques
dans leur contrée au vu de son potentiel.
353 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.891.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 128
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
Dans ce chapitre, il s'agissait de traiter de l'apport des
chefferies traditionnelles à la bonne gouvernance locale. Cet apport,
nous l'avons vu, a deux aspects à savoir l'apport des chefferies
traditionnelles aux principes d'Etat de droit, d'égalité, de
participation et d'efficacité ainsi que l'apport de ces chefferies aux
principes de transparence et du climat local des affaires. Ces autorités
traditionnelles contribuent alors, à leur façon, à
l'ancrage et à la consolidation de la bonne gouvernance à
l'échelon local.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 129
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
En somme, il était question d'aborder le second volet
de la contribution des chefferies traditionnelles à la démocratie
et à la bonne gouvernance locales. Nous avons, au cours des deux
chapitres précédents, démontré le rôle des
autorités traditionnelles en matière de démocratie locale
et de bonne gouvernance locale. Les chefferies traditionnelles participent
activement, en tant que acteurs et sujets, à la démocratie
locale. Quant à la bonne gouvernance locale, il est question pour elles
d'insuffler un vent nouveau sur nos collectivités locales par la prise
de conscience de nos élus et surtout l'exemplarité des
autorités traditionnelles.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 130
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CONCLUSION GENERALE
In fine, Chefferies traditionnelles et
décentralisation au Cameroun est le sujet qui a retenu l'attention
de tout ce travail. La question ayant motivé la recherche était
relative au rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de
décentralisation dans notre pays.
La chefferie traditionnelle représente une «
communauté humaine fixée sur un territoire
déterminé, ayant en principe un patrimoine ancestral commun, et
placée sous l'autorité d'un chef désigné selon les
modes traditionnels de dévolution du pouvoir354».
Pour sa part, la décentralisation est le transfert de compétences
et ressources de l'Etat central vers des entités infra-étatiques
qui s'administrent librement par des conseils élus. Son domaine de
déploiement est la CTD. Cette dernière est, au regard du Code
Général des Collectivités Territoriales
Décentralisées, repartie en deux catégories à
savoir les Régions et les Communes355.
La contribution des chefferies traditionnelles à la
décentralisation peut se faire en deux temps, d'une part, la
participation des chefferies traditionnelles au développement local et
d'autre part, l'apport des chefferies traditionnelles à la
démocratie et à la bonne gouvernance locales.
Concernant d'une part la contribution des chefferies
traditionnelles au développement local, il convient de dire qu'il s'agit
pour les autorités traditionnelles d'être des vecteurs de
développement économique mais également socioculturel de
leurs localités respectives.
Concernant d'autre part la contribution des chefferies
traditionnelles à la démocratie et à la bonne gouvernance
locales, il faut dire qu'il est question pour nos autorités
traditionnelles de participer à l'impulsion de la démocratie et
de la bonne gouvernance au niveau local.
Cependant, il ne faudrait pas faire preuve de candeur au vu de
certains obstacles qui pourraient plomber l'action de leurs majestés
dans la mouvance de la décentralisation. En effet, l'on note au moins
trois obstacles que rencontrent les chefs traditionnels. Le premier est relatif
à l'absence de moyens, ce qui est de nature à les exposer
à la précarité. Car un chef dépourvu de moyens est
proche de la mendicité et « ne peut guère commander
efficacement. Ce sont ses pourvoyeurs qui lui dictent la conduite des affaires
de la chefferie. Faute pour lui
354 Voir note de bas de page 31, p.8.
355 Art 2 (1) CGCTD.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 131
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
d'obtempérer, il se voit couper les
vivres356». Soucieux de cette situation de
dégradation du prestige de la chefferie, les pouvoirs publics ont, par
décret357, tenté de résoudre ce problème
même comme le mal perdure à certains endroits. Le deuxième
a trait au manque d'initiatives de la part de l'autorité traditionnelle
dans ce domaine étant donné que « ses missions ne sont
pas bien clarifiées dans la mise en oeuvre effective du processus de
décentralisation, ce qui pourrait justifier les hésitations dans
la prise des initiatives358». Ces hésitations
doivent être levées par les chefs eux-mêmes afin de jouer
pleinement leur rôle. Le troisième enfin a trait à la
faible culture démocratique et du compte rendu de certaines chefferies
du fait de leur configuration. On voit mal à certains endroits
l'autorité traditionnelle rendre des comptes à ses
administrés. Ceci ne favorise pas la démocratie et la bonne
gouvernance au niveau local.
En tout état de cause, ces écueils ne sont pas
de nature à rendre rédhibitoire l'action des chefs traditionnels
dans ce domaine. Il est plutôt question d'une appropriation du
phénomène de décentralisation par les chefferies
traditionnelles en fonction de leurs cultures et de leurs sensibilités.
C'est pourquoi le présent mémoire se veut d'être une
boussole des chefferies traditionnelles dans leur action au quotidien dans
leurs rapports avec leurs administrés. Car il s'agit d'une action «
permanente359» devant conduire au développement
local et à l'enracinement de la démocratie et de la bonne
gouvernance au niveau local.
C'est sans doute pour unir les chefs traditionnels du Cameroun
que le CNCTC a vu le jour le 28 mars 2010. Celui-ci a alors au regard de ses
Statuts la mission de « favoriser des partenariats entre les
chefferies pour permettre des échanges ou des actions de
développement intégré en faveur des populations
». Il serait donc judicieux que celui-ci sorte de sa léthargie
et donne un coup de pouce aux actions éparses des autorités
traditionnelles dans le but de les fédérer et d'atteindre de
meilleurs résultats.
La décentralisation étant la réforme
majeure de l'Etat du Cameroun depuis son accession à la
souveraineté, elle implique dans son exécution une panoplie
d'acteurs aussi
356 BELL Luc René, Exposé sur le thème :
« L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au
Cameroun », op. cit., p.15.
357 Le Décret N° 2013/332 du 13 septembre 2013
modifiant et complétant certaines dispositions du décret N°
77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies traditionnelles
prévoit en son article 22 des allocations mensuelles au profit des
autorités traditionnelles à raison de deux cent mille (200.000)
Francs CFA pour le Chef de 1er degré, cent mille (100.000)
Francs CFA pour le Chef de 2ème degré et cinquante
mille (50.000) Francs CFA pour le Chef de 3ème
degré.
358 BELL Luc René, Exposé sur le thème :
« L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au
Cameroun », op. cit., p.27.
359 Entretien avec S.M. TSALA NDZOMO Guy, Chef Traditionnel de
1er degré d'ENDINGDING, le 17 décembre 2019 à
Yaoundé.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 132
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
bien institutionnels que non. Ces derniers ont pour cheval de
bataille la décentralisation comme moyen de développement et
d'intégration de notre pays. Après la chefferie traditionnelle,
quel peut être le rôle de la société civile dans le
processus de décentralisation ?
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 133
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
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- Constitution du 2 juin 1972.
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Constitution du 2 juin 1972
modifiée et complétée par la loi du 14 avril
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Rédigé et présenté par
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
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l'éducation au Cameroun.
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l'urbanisme au Cameroun.
- Loi N° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant Orientation de
la décentralisation.
- Loi N° 2004/018 du 22 juillet 2004 portant règles
applicables aux communes.
- Loi N° 2004/019 du 22 juillet 2004 portant règles
applicables aux régions.
- Loi N° 2006/004 du 14 juillet 2006 fixant le mode
d'élection des Conseillers
régionaux.
- Loi N° 2006/005 du 14 juillet 2006 fixant les conditions
d'élection des Sénateurs.
- Loi N° 2009/011 du 10 juillet 2009 portant Régime
financier des Collectivités
Territoriales Décentralisées.
- Loi N° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant
fiscalité locale.
- Loi N° 2012/001 du 19 avril 2012 portant code
électoral et ses modifications
subséquentes (Lois N° 2012/017 du 21 décembre
2012 et N° 2019/005 du 25 avril
2019).
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- N° 2013/222 du 3 juillet 2013 portant répartition
des sièges par circonscription
électorale à l'Assemblée nationale.
- Loi N° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code
pénal.
- Loi N° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant Code
minier.
- Loi N° 2019/006 du 25 avril 2019 fixant le nombre, la
proportion par catégorie et le
régime des indemnités des conseillers
régionaux.
- Loi N° 2019/007 du 25 avril 2019 portant Code
pétrolier.
- Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019 portant
création, organisation et fonctionnement
de la commission des droits de l'homme du Cameroun.
- Loi N° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant
promotion des langues officielles au
Cameroun.
- Loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code
Général des Collectivités
Territoriales Décentralisées.
? Ordonnances
- Ordonnance N° 81/02 du 29 juin 1981 portant organisation
de l'état civil et diverses dispositions relatives à
l'état des personnes physiques modifiée et
complétée par la Loi N° 2011/011 du 6 mai 2011.
Rédigé et présenté par
BELL BELL Luc René Page 139
Chefferies traditionnelles et décentralisation au
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communes et établissements communaux modifié par le Décret
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Organisation des chefferies traditionnelles modifié et
complété par le décret N° 2013/332 du 13 septembre
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organisation et fonctionnement du conseil national de la
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organisation et fonctionnement du comité interministériel des
services locaux.
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les attributions des chefs de circonscriptions administratives et portant
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les modalités d'évaluation et de répartition de la
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des Marchés Publics.
- Décret N° 2013/7987/PM DU 13 septembre 2013
portant création, organisation et fonctionnement des comités de
suivi de l'exécution physico-financière de l'investissement
public.
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- Arrêté N° 244 du 4 février 1933
fixant le statut des chefs coutumiers.
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l'étude sur la modernisation de l'Administration territoriale et de la
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- Rapport du Rapporteur Général du Grand
Dialogue National, Yaoundé, 4 octobre 2019.
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
AVERTISSEMENT iv
SIGLES ET ABRÉVIATIONS v
RÉSUMÉ vi
ABSTRACT vii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE :
LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES
AU
DEVELOPPEMENT LOCAL. 17
CHAPITRE 1 :LA CONTRIBUTION
DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES
AU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL 20
SECTION
1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A
L'ACTION ECONOMIQUE 21
§1 - La promotion des activités
génératrices de revenus 22
A) L'appui au plan matériel et financier 22
1) L'appui matériel des chefferies traditionnelles 22
2) L'appui financier des chefferies traditionnelles 24
B) L'appui au plan technique et technologique 24
1) L'appui technique des chefferies traditionnelles 25
2) L'appui technologique des chefferies traditionnelles 26
§2 - La promotion d'un cadre favorable à ces
activités 26
A) La promotion des infrastructures et évènements
propices au développement
desdites activités 27
1) La promotion d'infrastructures liées aux
activités génératrices de revenus 27
2) La promotion d'évènements propices aux
activités génératrices de revenus 28
B) La vulgarisation des politiques publiques nationales et
locales en la matière 29
1) La vulgarisation des politiques publiques nationales 29
2) La vulgarisation des politiques publiques locales
30
SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A LA GESTION
DES RESSOURCES NATURELLES ET A LA TRANSFORMATION DU
MILIEU DE VIE 31
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§1 - La gestion des ressources naturelles et de
l'environnement 31
A) La gestion des ressources naturelles 32
1) La gestion des ressources du sol 33
2) La gestion des ressources du sous-sol 34
B) La gestion de l'environnement 35
1) La préservation de l'environnement 36
2) Les travaux de nettoyage 37
§2- La participation à la transformation du milieu de
vie 38
A) En matière de planification et d'aménagement du
territoire 38
1) La participation des chefferies traditionnelles à la
planification 38
2) La participation des chefferies traditionnelles à
l'aménagement du territoire 40
B) En matière d'urbanisme et d'habitat 41
1) La participation des chefferies traditionnelles à
l'urbanisme 41
2) La participation des chefferies traditionnelles à
l'habitat 43
CONCLUSION DU CHAPITRE 1er 45
CHAPITRE 2 :LE CONCOURS DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES
AU
DEVELOPPEMENT SOCIOCULTUREL LOCAL. 46
SECTION
1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE D'ENSEIGNEMENT ET SOCIALE 47
§1 - L'action des chefferies traditionnelles au
développement local en matière
d'enseignement 47
A) La contribution des chefferies traditionnelles en
matière d'enseignement classique
48
1) L'éducation maternelle et primaire 48
2) L'éducation post-primaire 50
B) La contribution des chefferies traditionnelles à
l'alphabétisation et à la formation
professionnelle 51
1) L'alphabétisation 51
2) La formation professionnelle 52
§2 - L'action des chefferies traditionnelles au
développement local en matière d'action
sociale 53
A) La participation des chefferies traditionnelles à la
santé 53
1) Au plan régional 54
2) Au plan communal 55
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B) La participation des chefferies traditionnelles en
matière de protection sociale et
de population 57
1) La protection sociale 57
2) La population 58
SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES
CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE DE JEUNESSE,
DIVERTISSEMENT ET
CULTURE 60
§1 - L'action des chefferies traditionnelles au
développement local en matière de
jeunesse et de divertissement 60
A) La contribution des chefferies traditionnelles au
développement local en matière
de jeunesse 60
1) La vulgarisation des politiques publiques destinées
aux jeunes 60
2) L'accompagnement quotidien de la jeunesse 62
B) La contribution des chefferies traditionnelles au
développement local en matière
de divertissement 63
1) Les sports 63
2) Les loisirs 65
§2 - L'action des chefferies traditionnelles au
développement local en matière culturelle
66
A) La promotion de la culture 67
1) La création et l'organisation
d'évènements culturels 67
2) La création et l'appui aux infrastructures et
l'appui aux acteurs culturels 69
B) La promotion du bilinguisme et des langues nationales 70
1) La promotion du bilinguisme 70
2) La promotion des langues nationales 71
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 74
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 75
SECONDE PARTIE :
LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A
LA
DEMOCRATIE ET A LA BONNE GOUVERNANCE LOCALES.
76
CHAPITRE 1 : LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES
A LA DEMOCRATIE LOCALE 79
SECTION 1 - LA
PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN
MATIERE ELECTORALE 80
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§1 - L'action des chefferies traditionnelles dans le
processus électoral 80
A) L'action préparatoire des élections 80
1) Les inscriptions sur les listes électorales 80
2) Les déclarations de candidature 81
B) L'action post-préparatoire des élections
82
1) Le vote 82
2) L'après-vote 83
§2 - La participation suivant le type d'élections
84
A) La participation aux élections régionales
84
1) La reconnaissance d'un collège de conseillers 85
2) La reconnaissance d'un collège électoral
86
B) La participation aux élections parlementaires et
municipales 87
1) Les élections parlementaires 87
2) Les élections municipales 89
SECTION 2 - LA
PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN MATIERE DE PROMOTION DES DROITS
DE L'HOMME ET DE PRESERVATION
DE LA PAIX 90
§1 - La promotion des Droits de l'Homme et des
Libertés 90
A) La valorisation des Droits de l'Homme et des
Libertés 90
1) La promotion des mesures de valorisation au niveau
international 91
2) La promotion des mesures de valorisation au niveau
national et local 92
B) La lutte contre les atteintes aux Droits de l'Homme et des
Libertés 93
1) La lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux
Droits de l'Homme et des
Libertés 94
2) La lutte juridictionnelle contre les atteintes aux Droits
de l'Homme et des Libertés 95
§2 - La préservation de la paix 96
A) La prise de mesures visant à préserver la
paix sociale 97
1) La prise de mesures préventives 97
2) La prise de mesures curatives 98
B) Le règlement des litiges par la juridictionnelle
traditionnelle 99
1) La tentative de conciliation 99
2) La saisine et l'action de la juridiction traditionnelle
100
CONCLUSION DU CHAPITRE 1er 102
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CHAPITRE 2 :L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES
À LA
BONNE GOUVERNANCE LOCALE 103
SECTION 1 -
L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX PRINCIPES D'ETAT DE DROIT,
D'ÉGALITÉ, DE PARTICIPATION ET
D'EFFICACITÉ 104
§1 - Le raffermissement de l'Etat de droit et de
l'égalité au niveau local 105
A. L'Etat de droit 105
1. La soumission des collectivités locales au droit
105
2. Le respect des droits des particuliers 107
B. L'égalité 108
1. L'égalité de traitement 108
2. L'égalité de droits 109
§2 - Le développement de la participation
citoyenne locale et de l'efficacité 110
A. La participation citoyenne locale 110
1. Les modes de participation 111
2. Les instances de participation 112
B. L'efficacité et l'efficience 114
1. L'efficacité 114
2. L'efficience 116
SECTION 2 - L'APPORT DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES AUX
PRINCIPES DE TRANSPARENCE ET DU CLIMAT DES AFFAIRES 117
A. La transparence locale 118
1. La lisibilité des affaires et services locaux
118
2. L'information sur les affaires et services locaux 119
B. La redevabilité sur les affaires locales 121
1. La responsabilité des élus locaux 121
2. L'implication des chefs traditionnels au sein de certaines
instances 122
§2 - L'apport au climat local des affaires 123
A. L'assainissement du climat local des affaires 124
1. L'amélioration du cadre des affaires 124
2. L'assainissement de la vie publique locale 125
B. L'accompagnement des acteurs économiques 126
1) L'accompagnement des acteurs économiques
présents 126
1. L'accompagnement des potentiels acteurs économiques
127
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CONCLUSION DU CHAPITRE 2 128
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 129
CONCLUSION GENERALE 130
BIBLIOGRAPHIE 133
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