Conclusion partielle
La partie nigérienne du lac Tchad, comme toute la
région du bassin est confrontée au problème
sécuritaire lié à la secte terroriste Boko Haram. Cette
dernière est responsable de plusieurs atrocités commises sur la
rive du lac, poussant ainsi les états à prendre des mesures
draconiennes. Toutes les activités socio-économiques et agricoles
se retrouvent en panne. Cette étude nous a permis de comprendre, les
différentes activités maraichères qui sont
pratiquées sur le site de Kimé Gana.
La composante ethnique des exploitants du
périmètre est mosaïque et regroupe entre autre: les Kanouri,
les Toubou, les Haoussa, les Peuls et les Touaregs.
Les exploitants du site sont majoritairement
analphabètes, mais ont subi un enseignement non formel. Les femmes
exploitantes sont nettement majoritaires par rapport aux hommes. Elles
participent vaillamment à toutes les activités culturales.
La gestion foncière est conférée à
la coopérative des producteurs maraichers dont le responsable principal
est la Présidente de la dite coopérative.
La majeure partie des semences proviennent des marchés
frontaliers du Nigeria et les différentes spéculations produites
sont vendues sur le marché de la ville de N'guigmi et dans les villages
environnants.
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 50
3.11 LES TECHNIQUES CULTURALES ET LE FACTEUR
FONCIER
DES CULTURES MARAICHERES A KIME GANA
Dans cette partie nous parlerons de la production
maraichère du site de Kimé Gana, les récoltes et les
différents circuits de commercialisation. L'utilisation des fertilisants
accroit la production maraichère ; nous allons identifier les engrais
chimiques autorisés par l'état nigérien et leur
provenance. Le conflit actuel a reconfiguré tous les circuits
économiques du bassin du lac Tchad en général et celui de
la commune de N'guigmi en particulier. Toutes les activités sont en
panne.
Le maraichage est activité qui permet de tirer profits
et participe pleinement à la réduction de la
vulnérabilité de la population.
3.11.1 Les techniques de production des cultures
maraichères 3.11.1.1 Les outils de production
Les outils de production maraichère sont : La houe, les
râteaux, la machette, la pelle, la marmite, le seau, l'arrosoir local et
moderne, la brouette, la corde, les puits maraichers, les puits traditionnels,
le forage, les pulvérisateurs.
Dans certain endroit du site, on trouve des puits
creusés manuellement, servant de retenue pour les parcelles
éloignées.
Tableau 7:Effectifs des maraîchers utilisant les
équipements agricoles
Producteurs
|
Equipements agricoles
|
Pulvérisateurs
|
Motopompes
|
Forage
|
Puits
|
Matériels rudimentaires
|
Grands
|
46%
|
0
|
100%
|
100%
|
100%
|
Moyens
|
35%
|
0
|
100%
|
100%
|
100%
|
Petits
|
19%
|
0
|
100%
|
100%
|
100%
|
Total
|
100%
|
0
|
100%
|
100%
|
100%
|
3.11.1.2 La récolte
Dans le périmètre de Kimé Gana la
récolte et la semi des produits s'effectuent à des
périodes bien distinctes. En ce qui concerne le gombo le
niébé et le maïs, les semis ont lieu lors du début de
la saison des pluies avec les premières averses. Leur récolte
s'observe pendant les mois de septembre et octobre. Quant aux autres
spéculations(le chou, la tomate, la salade, la carotte, l'oignon, l'ail,
la patate douce...) leurs repiquages s'effectuent pendant la saison
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 51
froide, allant de mi-novembre jusqu'à la fin du mois de
décembre. Ainsi la récolte de certains produits s'ensuit dans le
mois de février et peut s'étendre jusqu'en Avril, à savoir
: la salade, le chou, l'oignon, l'ail, la tomate, la carotte, et les plantes
rampantes (courge, concombre, patate douce...).
Cette tâche requiert un travail physique important
d'où alors l'appel à la main d'oeuvre salariale ; surtout avec la
présence des jeunes désoeuvrés qui ont quitté leurs
villages dans le bassin du lac Tchad à cause de l'instabilité
sécuritaire. Mais c'est surtout la main d'oeuvre la main d'oeuvre
familiale et l'entraide qui sont les plus sollicitées. Sur le
périmètre aménagé de Kimé Gana les femmes ne
se distinguent pas des hommes lors des différents travaux de semis ou de
récoltes, car elles représentent plus de 55% d'exploitants. De
même les enfants sont associés lors des récoltes et
s'occupent des activités moins pénibles. Pour des travaux
d'arrangement de canaux d'irrigation, la protection des champs contre les
maraudeurs et certains ennemis des cultures (oiseaux granivores et les animaux)
certains jeunes passent la nuit sur le site.
Notons que la récolte des feuilles du Moringa
oleifera s'observe le long de l'année.
Le suivant graphique montre le mode de payement des contrats
de travail sur le périmètre aménagé. Ainsi les
exploitants procèdent au payement de contrat par le moyen d'une partie
de la récolte, dans ce cas 42,85 % des producteurs utilisent une partie
de leur récolte pour payer la main d'oeuvre. Ces travailleurs à
leur tour vendent leur part aux marchands de la ville pour subvenir aux besoins
de la famille. D'autres préfèrent négocier moyennant
l'octroi de l'argent et une partie de la récolte, ils
représentent 55,55% des producteurs maraichers. La frange partie (1,58%)
paye avec du cash, ce moyen est le moins observé sur le site, parce que
la main d'oeuvre salariale diffèrent en fonction des périodes.
Les modes (récolte, argent et récolte) sont plus observés
et permettent d'avoir du cash et une partie est utilisée dans
l'alimentation et l'autre destinée à la vente.
![](Systemes-dexploitation-de-la-cuvette-nord-du-lac-Tchad-cas-du-maraichage-sur-le-site-de-Kime-Ga28.png)
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 52
Figure 11: Mode de payement de la main
d'oeuvre
Ainsi 57 % des exploitants prétendent ne pas utiliser
de main d'oeuvre pour les différents travaux champêtres. Cela
s'explique par l'entraide familiale qu'on observe sur le
périmètre de Kimé Gana malgré la présence
des jeunes désoeuvrés ayant fui les villages riverains du lac. Le
manque des moyens financiers est l'un des facteurs qui poussent certains
producteurs à travailler la terre par la force de leurs bras. Sur le
site, des lopins de terres sont laissés sans culture faute de
matériels, d'intrants agricoles et les problèmes liés au
manque d'eau et à l'irrigation. De la préparation des parcelles
à la récolte des différentes spéculations et afin
de permettre une bonne production, les exploitants emploient une main d'oeuvre
composée en général de jeunes et des
déplacés provenant des villages riverains du lac Tchad. Les
exploitants qui utilisent la main d'oeuvre représentent 43% des
producteurs ; ces derniers ont des revenus nettement supérieurs à
leurs pairs. Le mode de paiement de cette main d'oeuvre diffère (Figure
11).
![](Systemes-dexploitation-de-la-cuvette-nord-du-lac-Tchad-cas-du-maraichage-sur-le-site-de-Kime-Ga29.png)
Sans main d'oeuvre
57%
Main d'oeuvre
43%
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 53
Figure 12: Pourcentage des exploitants utilisant
une main d'oeuvre salariale
3.11.1.3 La production
La quantification de la production sur notre site
d'étude est difficile, on s'en tient aux estimations fournies par les
chefs d'exploitants. Certains producteurs enregistrent 2 à 3 campagnes
par an. Donc il est très difficile de déterminer avec
précision la quantité des spéculations ainsi vendues et
autoconsommées. Certains producteurs dont les plus vulnérables
vendent tout où une partie de leur récolte au moment où
les prix sont dérisoires.
Les unités de mesure les plus utilisées par les
paysans pour quantifier la production sont : le bidon de 25 litres
(fréquemment de couleur jaune) qui est coupé à son
extrémité ou sur l'un des flancs et la mesure communément
appelée la tia, considérée comme l'équivalent de
2,5 Kg de céréale. Les cultures de maïs et du
niébé, sur ce site se font sur des petites surfaces bien
aménagées vu l'étroitesse du périmètre ;
d'où un faible rendement sur la production. Les spéculations
produites à Kimé Gana sont destinées à la vente et
à l'autoconsommation. Ainsi les cultures de maïs et du
niébé constituent l'alimentation de base de la population, bien
qu'une part soit mise sur le marché.
Sur le site, les magasins de stockage et les moyens efficaces
de conservation des produits récoltés sont très
limités. Les problèmes de conservation obligent les producteurs
à sécher chez eux les récoltes au fur et à mesure.
Cela évitera le maraudage et l'attaque des oiseaux granivores. Le
problème majeur est celui de la quantification de la production sur ce
site, on s'en tient à l'estimation des producteurs. Il est difficile
d'évaluer avec précision la quantité des produits
autoconsommés et celle vendue sur le site. Ainsi lors d'un entretien
avec un producteur, il affirme que : « je rentre chez moi avant le
crépuscule à cause des menaces de Varan malan (BH), donc le plus
souvent je vends mes produits de la récolte ici sur le site de
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 54
culture car des voleurs viennent la nuit pour
récolter les fruits qui sont murs sur différents endroits de mes
parcelles malgré l'état d'urgence instauré. Et aussi notre
coopérative ne dispose pas de grand entrepôt pour stocker la
production et à cela s'ajoute le problème récurrent de
transport vu la distance et le coût».
En plus de la production maraichère sur le
périmètre de Kimé Gana, on note une production
fruitière non négligeable. Cette dernière procure des
revenus saisonniers aux producteurs. Les differentes especes fruitières
qu'on rencontre sur ce site sont : le papayer (Carica papaya), le
citronnier (Citrus limon), le dattier (Phoenix
dactylefera)....
Ce pendant la production de ces plantes fruitières se
fait à des périodes distinctes, et la période de collecte
des données de terrain pour la réalisation de cette étude
n'a pas coïncidé avec la période des récoltes de ces
espèces sur le périmètre irrigué.
3.11.2 Commercialisation des produits maraichers de
Kimé Gana
Dans cette partie nous allons dans un premier temps parler de
la commercialisation et secondairement du circuit et les différents
acteurs de commercialisation.
3.11.2.1 Commercialisation
Les producteurs du site de Kimé Gana produisent pour
assurer l'autoconsommation et la vente. Ils écoulent les produits pour
faire face à des charges sociales et familiales vu le climat
d'instabilité et de vulnérabilité dans cette zone. Le
système de commercialisation des produits ici des cultures
(irriguées et de décrues) est perturbé à cause des
menaces du groupe terroriste Boko Haram dans le bassin du lac Tchad. Beaucoup
d'acteurs dans ce domaine de commercialisation des produits étaient
obligés de se tourner vers d'autres activités pour subvenir aux
charges familiales.
Faute des moyens efficaces et de techniques de conservations
des produits alimentaires, la majeur partie des exploitants dont de nombreux
vulnérables sont le plus souvent obligés de vendre tout ou une
partie de la production au fur et à mesure de la disponibilité
des produits récoltés. Ainsi les grands producteurs et les
quelques rares moyens producteurs conservent certaines productions
jusqu'à l'inflation de leur prix sur les marchés, ou bien
jusqu'à leur rareté les différents marchés
nationaux ou de la sous-région. Au moment où les marchés
sont saturés et les prix dérisoires certains producteurs se
trouvent dans l'obligation de vendre une partie de la production juste
après les récoltes afin de pouvoir régler les dettes
contractées auprès de plusieurs acteurs intervenant dans le
secteur qui sont entre autre les commerçants de diverses produits
agricoles, les prestataires pour la main d'oeuvre, les transporteurs...
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 55
Aujourd'hui dans le secteur de la commercialisation on
remarque une réduction notoire d'acteurs à cause de la crise
actuelle qui a conduit à la fermeture de certains marchés
importants comme celui de Doro Léléwa et aussi à
l'interdiction de l'activité de pêche qui représente les
poumons économiques de la cuvette nord.
On rencontre des acheteurs qui sont de la commune de N'guigmi
qui effectuent le déplacement sur le site. Ce sont notamment les
revendeurs en général qui viennent acheter pour les revendre en
détail sur le marché de N'guigmi, chez les boutiquiers et aussi
sur les marchés des villages environnants. De même certains des
légumiers du site acheminent leurs propres récoltes sur les
différents marchés.
L'handicap majeur au développement de cette
activité tient au manque de conditionnement et de transformation des
produits. Les produits pourrissent suite à une mévente faute de
technique adéquate de conservation (Awal, 2011).
3.11.2.2 Circuit et acteurs de la
commercialisation
3.11.2.2.1 Le circuit court de commercialisation des
produits maraîchers
La figure 13 présente les circuits courts de
commercialisation des produits maraîchers à Kimé Gana. Les
transactions ont lieu directement entre le producteur et le consommateur. Ce
qui permet aux producteurs d'engranger plus de revenus par rapport au circuit
long.
Producteurs
Consommateurs
Figure 13 : Circuit court de commerce de
produits maraichers à Kimé Gana
Ces transactions sont le plus souvent assurées par les
hommes (70%), du fait de la division du travail et aussi les hommes passent
naturellement plus de temps dans les champs par rapport aux femmes. La
majorité des femmes propriétaires de terre responsabilisent
totalement les parcelles à leurs enfants ou leurs proches, du suivi des
travaux en pépinières jusqu'à la commercialisation. Par
contre d'autres femmes exploitantes (30%) généralement les petits
et moyens producteurs acheminent leur propre production sur le
marché.
Ce mode met directement en contact producteurs et
consommateurs au marché, car il permet aux producteurs de
réaliser une marge intéressante de bénéfices que de
passer par les intermédiaires comme dans les circuits longs.
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 56
3.11.2.2.2 Le circuit actuel de commercialisation des
produits maraîchers
Suite à la perturbation occasionnée par la crise
dans le bassin du lac Tchad, le secteur de La commercialisation de la
production était fortement tombé en panne. Ainsi le souci majeur
des paysans dans le contexte actuel est de satisfaire les besoins
immédiats. La commercialisation se fait sans aucune planification et de
façon incontrôlée par les exploitants car les plus souvent
les produits sont vendus à compte-goutte comme nous l'avions
remarqué lors de nos excursions sur le site. L'écoulement des
produits s'effectue suivant un circuit local, à cause du faible
rendement de la production sur ce site
![](Systemes-dexploitation-de-la-cuvette-nord-du-lac-Tchad-cas-du-maraichage-sur-le-site-de-Kime-Ga30.png)
Figure 14 : Circuit actuel de
commercialisation des produits maraichers
Le circuit commercial des produits est canalisé sur les
marchés locaux environnants et principalement dans le chef-lieu de la
commune. Les intermédiaires que sont les revendeurs, effectuent le
déplacement sur le site pour la collecte des produits auprès des
producteurs maraichers. Les revendeurs ravitaillent les marchés de
N'guigmi, de Kabléwa et ceux des villages. De fois ces mêmes
producteurs acheminent leurs productions sur les marchés pour la vente.
Ainsi en fonction des périodes les produits sont transportés
jusqu'à la ville de Diffa.
3.11.2.2.3 Circuit d'avant crise de commercialisation des
produits maraichers
Avant les attaques du groupe terroriste Boko Haram, les
activités économiques dans la cuvette nord du lac s'effectuaient
avec harmonie. Le circuit commercial était plus élargi et
s'étendait
des frontières tchadiennes en passant par le
marché de Doro Léléwa, Bilabrime et jusqu'aux
marchés frontaliers du Nigeria. Les produits maraichers de Kimé
Gana et les autres périmètres inondaient les marchés de
Diffa en passant par les marchés de Kabléwa et environs.
![](Systemes-dexploitation-de-la-cuvette-nord-du-lac-Tchad-cas-du-maraichage-sur-le-site-de-Kime-Ga31.png)
Producteurs
Revendeurs
Commerçants
![](Systemes-dexploitation-de-la-cuvette-nord-du-lac-Tchad-cas-du-maraichage-sur-le-site-de-Kime-Ga32.png)
Détaillants
Consommateurs Marchés
frontaliers
Marchés locaux
Tchad Nigeria
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 57
Figure 15 : Circuit d'avant crise de
commercialisation des produits maraichers
3.12 Les revenus et leur utilisation
L'utilisation des revenus issus de la vente des produits
maraichers varie en fonction des priorités et des besoins familiaux de
chaque exploitant. Depuis l'avènement de l'insécurité qui
a engendré une perturbation dans les activités quotidiennes,
satisfaire les besoins familiaux constitue l'une des premières
inquiétudes des chefs de ménages.
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 58
Tableau 8:Revenus monétaires et types de producteurs
Revenus
|
Nombre
d'exploitants
|
Pourcentage %
|
Types de producteurs
|
< 50 000 FCFA
|
17
|
28.33
|
Petits producteurs
|
50 000 à 100 000 FCFA
|
16
|
26.67
|
100 000 à 200 000 FCFA
|
11
|
18.33
|
Producteurs moyens
|
200 000 à 300 000 FCFA
|
12
|
20.00
|
300 000 FCFA à Plus
|
4
|
6.67
|
Grands Producteurs
|
60 100
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 59
Les modes d'utilisation des revenus monétaires
diffèrent en fonction des exploitants du site de Kimé Gana. Les
préoccupations sont entre autres : les achats de vivres, les besoins
familiaux, les cérémonies, l'achat du bétail plus
précisément les petits ruminants pour l'embouche, l'acquisition
des matériels et intrants agricoles.
Les revenus de la production varient en fonction de types de
producteurs. Ainsi 55% les petits exploitants ont un revenu dont le plafond est
de 100 000 FCFA et consacrent essentiellement leurs revenus aux achats de
vivres et à certains besoins primordiaux de la famille. Quant aux
producteurs moyens ils représentent 38.33 % et le sommet de leur gain
occasionné est de 300 000 FCFA. Seulement 6.67 % des producteurs
arrivent à s'en sortir avec un revenu pouvant aller au-delà de
300 000 FCFA, ils sont les plus aisés.
26.67
20.00
18.33
28.33
6.67
< 50.000 50.000 à 100 000 à 200 200 000
à 300 300 000 à Plus
100000 000 000
Figure 16 : Fréquence des
différents revenus des producteurs
Les revenus ainsi tirés par les producteurs sur le site
de Kimé Gana sont minimes à cause de la dégradation
provoquée de certaines structures comme les canalisations et la
destruction du couvert végétal suite au feu de brousse. Cette
installation anarchique et momentanée a accentué l'arrêt de
l'activité maraichère d'où la chute conséquente de
la production sur le site en particulier et la dans la cuvette nord en
général.
Tableau 9:
Tableau 9:Quelques espèces produites et leurs prix en
fonction des périodes: décembre 2017 et janvier 2018
(1000FCFA=600 Naira, période janvier 2018)
Speculations
|
Unité de mesure (Kg)
|
Prix à la
récolte (FCFA)
|
Prix du sac de:
|
Oignon
|
Tia (2,5 kg)
|
500 FCFA
|
60 Kg 12 300 FCFA
|
Ail
|
Tia (2kg)
|
2500 FCFA
|
50 kg 62 300 FCFA
|
Pomme de terre
|
Tia (3kg)
|
700 FCFA
|
60 kg 13 000 FCFA
|
Moringa (séché)
|
Tia (0,5kg)
|
500 FCFA
|
20 kg 20 000 FCFA
|
Gombo
|
Tia (2kg)
|
600 FCFA
|
//
|
Tomate
|
Tia (2,5 kg)
|
1200 FCFA
|
Panier de 25 kg 11 200 FCFA
|
Chou
|
Sac de 65 kg
|
1 150 FCFA
|
//
|
Sur le site, les unités de mesure qui permettent de
quantifier la production sont généralement la mesure ou Tia et le
bidon d'huile de 25 kg. En plus les sacs de 50 et 60 kg sont utilisés.
Les prix des spéculations varient en fonction de la période des
récoltes. Par exemple sur le site, la mesure de la pomme de terre tourne
autour de 400 N soit 700 FCFA à la récolte et lorsque le produit
se raréfie son prix peut atteindre 1500 N soit 2 300 FCFA et le sac de
50 kg à 17 000 N soit 28 500 FCFA. Pour la tomate un bidon a une
contenance de 3 Tia soit 7,5 kg du poids net se vend à 2000 Naira soit
3000 FCFA. La Tia se vend à 1 200 FCFA lors de la période des
récoltes soit un prix approximatif de 480 FCFA /Kg. Lorsque le produit
devient rare sur le marché, notamment en avril et mars, le même
bidon peut atteindre un prix plafond de 3500 Naira soit 5 800 FCFA.
3.13 Les modes de conditionnement et de transport des
produits maraichers
Il s'agit du matériel que les exploitants utilisent
pour emballer les produits agricoles et les moyens utilisés pour le
déplacement de ces produits d'un point à un autre. Comment se
fait le conditionnement des produits maraîchers à Kimé
Gana.
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 60
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 61
3.13.1 Les modes de conditionnement
Les produits maraîchers sont transportés
lorsqu'ils sont emballés. Plusieurs emballages sont utilisés pour
conditionner les produits : les sacs de diverses natures sont utilisés,
les caisses et les cartons, les récipients tels que les bassines et les
plastiques sont aussi utilisés.
3.13.2 Les modes de transport
Les modes de transport varient selon les moyens et les distances
qui séparent Kimé Gana des
marchés. Plusieurs modes de transport sont utilisés
:
- le transport par portage des produits maraîchers à
pieds
- le transport des produits maraîchers à dos
d'âne
- le transport à moto avant son interdiction ;
- le transport à véhicule vers la ville de N'guigmi
et les autres localités.
3.14 Impacts de l'occupation momentanée des
déplacés du lac à Kimé Gana
3.14.1 Le choix du site
Le Niger a été l'objet d'attaques dans les
villes de Bosso, de Diffa et de Karamga et plusieurs autres villages de la
région qui ont été le théâtre de violences
inouïes, de meurtres, de viol de femmes, d'enlèvement d'hommes, de
femmes et d'enfants de tous âges.
Ces attaques perpétrées par la nébuleuse
Boko Haram dans la partie nigérienne du bassin du lac Tchad a conduit
les autorités nigériennes à prendre des mesures
drastiques. En mai 2015 lors de l'évacuation des iles du lac Tchad, deux
sites sont choisis pour accueillir les populations déplacés
à savoir Yébi et Kimé Gana. Ce dernier était
situé au nord du lac et proche de N'guimi, où l'on pratique des
cultures maraichères. Les autorités communales en concertation
avec le gouvernorat de Diffa, avaient décrété que ces deux
sites resteraient ouverts de manière temporaire, le temps d'organiser le
processus de relocalisation vers d'autres sites. Le site a été
réoccupé progressivement à la date du 15 Mai 2016 et un
appui de la mairie de N'guigmi a appuyé les exploitants par la
réhabilitation du forage artésien et la réparation de
certains chenaux à hauteur de 650 000 fcfa. En outre des semences ont
été distribuées par la Direction départementale de
l'agriculture aux exploitants dans le cadre de la reprise des travaux sur le
périmètre. La coopérative des producteurs a
collecté auprès des exploitants une somme forfaitaire de 1000N (1
500 FCFA) pour ses différents travaux annexes. Dans ses fonds propres la
coopérative a conçu un abreuvoir des animaux à raison
de
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 62
400 000 N ( 666 660 FCFA) et a clôturé le bassin
d'eau dont les travaux s'élèvent à 80 000 N (135 000
FCFA). Après le recasement de la population sur d'autres sites plusieurs
organismes ont assisté la vaillante population. C'est le cas
d'évoquer l'organisation non gouvernementale (ONG) KarKara qui avait
distribuée des jeunes plants d'arbres fruitiers et a fourni aussi des
tuyaux de canalisation.
3.14.2 Les dégâts
occasionnés
Le séjour sur le site de Kimé Gana a
occasionné d'importants dégâts dont entre autres :
L'occupation anarchique des espaces, la coupe sauvage et abusive du bois, la
destruction des parcelles de culture, la destruction des canalisations
d'irrigation.
A leur arrivée sur le périmètre, la
population déplacée s'est installée de façon
anarchique en occupant les espaces destinés à la culture
maraîchère; ce qui a eu pour conséquence directe la
destruction des parcelles en exploitation. A cela on note aussi les feux de
brousse et la coupe abusive du bois à l'intérieur comme à
l'extérieur du périmètre ce qui a pour impact la
destruction des ligneux et l'appauvrissement des sols.
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Découpage sauvage
|
Destruction des parcelles
|
Occupation anarchique
|
Autres Impacts
|
Frequence
Figure 17: Fréquence des
différents revenus des producteurs
A certains endroits la clôture les grillages sont
emportés, ce qui favorise l'accès aux animaux d'où le
soulèvement d'un autre conflit entre les exploitants et les
éleveurs.
Le système d'irrigation des eaux peu performant s'est
retrouvé d'avantage endommagé. Tous ces aspects ainsi
évoqués, la panique et la crainte des « yaran malan ou
yaran djedji (désignation des éléments de Boko
Haram en Hausa) » ont conduits les différents acteurs
intervenant sur le périmètre à quitter et s'étaient
retrouvés sans travail.
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 63
A l'instar des déplacés, les exploitants se
tournent vers d'autres activités pour pouvoir subvenir aux besoins de la
famille. Les femmes (75%) qui constituent la majorité d'exploitants se
tournent vers les activités d'embouche ovine et le petit commerce ;
quant aux hommes, ils se lancent dans la maçonnerie, les petits
commerces, la fabrication et la vente du bois suite à l'exploitation du
Prosopis juliflora, qui est une espèce envahissante dans la
commune. Cette activité pratiquée en général par
les peuls, est aujourd'hui est l'oeuvre de tout le monde. Lors de notre
enquête sur le terrain nous avions rencontré des jeunes Boudouma
qui s'attèlent travaux rémunérateurs comme la vente du
charbon de bois, la maçonnerie, les
petits commerces .
Avant ce conflit notons qu'il est rare de voir les Boudouma
s'atteler à ces genre d'activités qu'ils trouvent marginales.
Le séjour de la population déplacée sur
le site n'avait point affecté les pratiques culturales sur le site de
Kimé Gana.
3.15 Les contraintes de la pratique des cultures
maraichage
Dans cette partie nous allons d'abord aborder les
différentes contraintes qui minent le développement des cultures
et les perspectives d'aménagement
3.15.1 Les risques liés aux produits
chimiques
Les producteurs sont amenés à utiliser de
nombreux produits chimiques dans le but d'accroitre la productivité. Sur
les marchés locaux, on y rencontre majoritaire des produits en
provenance du Nigeria et beaucoup ne sont pas autorisés. L'utilisation
des produits chimiques n'est jamais anodine, et il convient de les manipuler en
observant les précautions élémentaires liées aux
caractéristiques de ces produits. Les produits chimiques peuvent se
présenter sous plusieurs formes. Le mode de contamination par la peau
qui est le principal de contamination vis-à-vis des pesticides est
ignoré, ce qui amène une sous-utilisation des équipements
de protection cutanée et des règles d'hygiène. Lors de
notre enquête Sur le site de Kimé Gana, nous avons constaté
l'utilisation des produits phytosanitaires issus du Nigeria et ceux
fabriqués localement.
Le développement des pratiques culturales conduit
à une augmentation de l'utilisation des pesticides d'où des
impacts probables négatifs sur la santé humaine et animale
3.15.2 La pollution de l'environnement
Certains produits chimiques sont susceptibles peuvent avoir
des conséquences néfastes sur l'environnement :
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 64
- Par la contamination : Transfert d'un polluant d'un milieu
vers un autre (Pollution des sols, puis de la nappe souterraine.
- Par bioaccumulation : accumulation des polluants dans les
organismes vivants.
- En l'absence d'une véritable lutte contre les ennemis
des cultures, l'augmentation de la production maraichère entraine une
utilisation accrue des pesticides chimiques dont les impacts sur
l'environnement sont négatifs.
3.15.3 Les contraintes foncières
Théoriquement tout individu peut avoir facilement
accès à la terre de culture sur le site de Kimé Gana, la
gestion du foncier du site est sous l'égide du chef coutumier. Donc il
n'est pas évident d'être un propriétaire permanent d'un
lopin que ton est originaire du terroir, mais plutôt un détenteur
temporaire.
L'aménagement du périmètre irrigué
de Kimé Gana peut entrainer la perte des terres des pâturages et
cela peut-être à l'origine des conflits entre éleveurs et
maraichers.
3.15.4 Les contraintes financières
Le manque des moyens financiers des producteurs est un frein
aux pratiques du maraichage. L'absence des structures d'appuis (banques et les
micros finances) qui octroient des crédits bancaires conséquents
pour redynamiser le secteur et pousser les limites de la production.
3.15.5 Les contraintes de commercialisation
Depuis 2015 avec les attaques perpétrées sur
certaines iles comme celles de Karamga et les villages riverains du lac Tchad,
en général toutes les activités économiques de la
région du lac s'étaient retrouvées en panne. Ainsi tout le
circuit de commercialisation des produits halieutiques et agricoles s'est
effondré avec la fermeture de certains marchés frontaliers
importants tant au Niger qu'au Nigeria voisin. L'interdiction de certains
moyens de transport la réduction des heures de circulation
routière et la fermeture de certaines routes ont entrainé une
profonde perturbation de la commercialisation des produits agricoles et
halieutiques.
3.15.6 L'analphabétisme des
producteurs
La majorité des exploitants du site de Kimé Gana
sont analphabètes mais ont subi l'éducation traditionnelle dans
le cadre de l'école coranique. L'analphabétisme est un handicap
pour le développement de la culture maraichère.
3.15.7 Contraintes abiotiques
Le sud de la commune de N'guigmi est caractérisé
par des sols argileux hydromorphes, qui sont soumis aux aléas
climatiques et aux pratiques inappropriées de la gestion de la
fertilité
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 65
des sols. Les contraintes auxquelles font face la culture
maraichère sur le périmètre irrigué
sont :
La dégradation constante des sols à
l'érosion éolienne ;
La menace d'ensablement du site maraicher par le vent ;
La baisse constante de la fertilité des sols ;
Les pratiques inappropriées de la gestion de la
fertilité des sols :
Résidus de cultures généralement
brulés ou exportés hors des parcelles
Peu de restitution des résidus des cultures sous forme
d'amendements
Baisse de la pratique de la jachère
La non maitrise de l'eau pour l'irrigation des cultures
3.15.8 Les contraintes institutionnelles
La direction départementale de l'agriculture est un
acteur majeur qui intervient dans le cadre du développement agricole
dans le département de N'guigmi. Sur le site a lieu une distribution
dérisoire des intrants et matériels agricoles par l'état
ses partenaires. Depuis le début de cette crise plusieurs ONG et projets
interviennent superficiellement sur le périmètre de Kimé
Gana. D'autres directions étatiques sont quasiment inopérantes
sur le domaine agricole, notamment sur le maraichage, c'est le cas de la
direction départementale du génie rural.
3.15.9 L'absence des systèmes d'approvisionnement
et d'inaccessibilité des producteurs
On note un handicap dans le cadre d'approvisionnement des
matériels et intrants agricoles dans la commune de N'guigmi. Les moyens
et petits producteurs n'ont pas facilement accès aux intrants et
matériels agricoles qui sont sous la tutelle de la direction
départementale ; et les produits qui inondent les marchés locaux
sont des produits nigérians non autorisés sur le territoire.
L'inaccessibilité des producteurs surtout les moins nantis est
assimilable aux manques des moyens financiers, donc le recours aux produits non
autorisés mais bons marchés est obligatoire.
3.15.10 Les contraintes législatives
Les prétendus propriétaires des terres du site,
doivent être en possession des documents régissant le titre
foncier de leurs propriétés. Le code rural précise dans le
titre I du régime de la terre et en son article 10, il stipule que :
« La propriété selon le droit écrit résulte de
l'acquisition à titre privé d'une propriété
foncière rurale par l'un des actes ci-après :
- l'immatriculation au livre foncier ;
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 66
- l'acte authentique ;
- l'attestation d'enregistrement au dossier ;
- l'acte sous seing privé ».
3.15.11 Les contraintes biotiques
Il s'agit essentiellement des parasites de cultures causant
ainsi d'importants dommages, voire la destruction des cultures. Les producteurs
se plaignent du jaunissement de certains légumes comme les
variétés de piments, le chou pommé, la tomate.... (Photo
14).
Les cultures maraichères sont sujettes aux attaques des
insectes qui sont responsables de la faible production, les plus
fréquents sont les pucerons, les sauterelles...
Sur certaines parcelles et par endroit les insectes perforent
les feuilles des plants et les fruits ralentissant ainsi leur croissance. La
plus grande contrainte biotique à la production de manioc au Niger est
sans contexte la mosaïque africaine du manioc, maladie qui sévit
dans toutes les régions productrices de notre pays (Reca, 2017).
Sur le site les producteurs se plaignent des
dégâts causés par les nématodes parasites des
cultures maraichères qui détruisent les plants de tomates
à la racine.
A cela s'ajoute des contraintes parasitaires provoquées
par l'attaque des sauterelles et autres ennemies de cultures sur les jeunes
pousses.
![](Systemes-dexploitation-de-la-cuvette-nord-du-lac-Tchad-cas-du-maraichage-sur-le-site-de-Kime-Ga33.png)
Photo 14: Un plan de chou pommé
attaqué par des insectes (Cliché : Achahabou février
2018)
3.15.12 Les contraintes économiques
L'insuffisance des moyens financiers constituent un handicap
pour le développement de la culture maraichère vu le climat
d'instabilité sécuritaire qui caractérise la région
du bassin du
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 67
lac Tchad en général sur le
périmètre maraicher de Kimé Gana particulier. Toutes
sortes d'activités qu'entreprenaient les populations vivant dans la
cuvette nord se trouvent en panne, d'où la cherté et la
rareté des produits. Ainsi les petits producteurs peinent à
trouver les moyens nécessaires pour acquérir des matériels
et intrants agricoles malgré l'appui insuffisant de l'état
à travers la CAIMA (Centrale d'approvisionnement en intrants et
matériels agricoles) et ses partenaires. Les projets et ONG apportent
leurs appuis en formant une faible portion des producteurs sur les pratiques
culturales ; ce qui traduit une faiblesse de la coopérative des
producteurs au niveau du site. Les organisations paysannes ne sont pas bien
développées au niveau de la commune, elles doivent créer
une synergie avec les producteurs des autres sites maraichers et pouvoir tirer
des profits des meilleurs prix aux différents acteurs intervenant dans
la filière. Le manque de route reliant le site au chef-lieu de la
commune est une entrave capitale au développement du site, car rare sont
ceux qui acheminent leur récolte dans les véhicules de transport
; la plupart des producteurs transportent leurs biens soient à dos
d'animaux ou dans une charrette à boeufs.
Aussi l'analphabétisme des exploitants est une
contrainte majeure au développement socio-économique de la
filière.
Le manque de technique de conservation et de transformation
des produits est à la base de la perte d'une quantité importante
de récoltes en réduisant ainsi les potentialités de
commercialisation. Donc des actions et efforts doivent être entrepris
pour améliorer les techniques de conservation, de transformation, afin
d'acheminer les produits vers d'autres contrées lointaines pour la
commercialisation.
Pour augmenter la production au niveau du site, la
coopérative et ses partenaires doivent multiplier les forages et les
systèmes de distribution des eaux, afin de mettre en valeur la partie
non aménagée d'une superficie de 24 hectares.
3.15.13 Les contraintes matérielles et
techniques
Les contraintes techniques sont liées aux
différentes techniques culturales qui sont notamment, la faible
utilisation des engrais et produits phytosanitaires, l'inadaptation des
variétés et la mauvaise qualité des semences,
l'archaïsme des systèmes et techniques de cultures. Le
problème d'accès aux intrants et matériels en
qualité et en quantité constitue un frein au développement
de la pratique des cultures maraichères. Les producteurs ne disposent
pas d'organisation structurée tant pour l'approvisionnement en intrants
et matériels que pour la commercialisation de leur production. Le manque
des moyens de transport et le mauvais état de la route poussent certains
producteurs à vendre individuellement et instantanément leur
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 68
production sur le site. Ainsi lors de nos entretiens, il est
noté que l'un des obstacles majeurs au développement et à
l'intensification des cultures irriguées est le manque crucial de
financement qui n'autorise pas de investissements conséquents dans ce
domaine. A Kimé Gana le second facteur qui freine la filière
maraichère est l'insuffisance des techniques d'approvisionnement de
l'eau et des canaux d'irrigation.
La crise actuelle qui sévit dans le bassin du lac Tchad
a conduit à la fermeture de plusieurs marchés tant au nord du
Nigeria que dans certaines localités dans la région de Diffa, au
Niger, d'où l'absence de débouchés. Les structures
paysannes en relation avec les partenaires doivent revoir les circuits de
commercialisation afin de chercher des débouchés lointains
possibles.
3.15.14 Les contraintes d'irrigation et le manque d'eau
sur le site
Les contraintes liées à la production agricoles
sont multiples et concernent notamment les aspects économiques surtout
le manque des moyens financiers et des financements à la base. Sur le
plan technique seul un nombre limité de producteurs
bénéficie de formation de d'information sur les techniques de
gestion et production agricole et la plupart ne maîtrisent pas
correctement les techniques d'irrigation.
A cela s'ajoute un manque d'eau sur le site, qui est relatif
à la profondeur de la nappe, car beaucoup d'exploitants attendent au
crépuscule ou souvent tard dans la nuit pour procéder à
l'arrosage.
L'exploitation des aquifères à divers usages
à plusieurs conséquences sur la qualité, la gestion
rationnelle des ressources en eau souterraine.
L'utilisation des eaux souterraines pour la consommation
humaine dans le cadre de l'agriculture, de l'industrie et autres
activités productives, diminue considérablement la
productivité des aquifères captifs (DRHA, 2017). La figure 18
montre une augmentation de la nappe de Kadzel de l'an 2000 à 2002, alors
qu'une diminution significative est observée pendant cette
dernière décennie.
L'exploitation des aquifères à plusieurs
conséquences sur la qualité, la gestion rationnelle des
ressources en eau souterraine.
Ainsi lors de nos différents passages sur le site
d'étude, on a constaté que le seul forage artésien ne
couvre pas tout le besoin en alimentation d'eau du site, malgré les 4
bassins d'eau parfois fonctionnels. Ce déficit d'eau s'explique aussi
par l'interdiction notoire d'utilisation des motopompes surtout en ce temps de
conflit dans la région, car le groupe terroriste Boko
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 69
Haram et leurs complices profitent auprès des
populations pour se ravitailler en carburant et autres moyens de nuisance.
01-07-2000 01-07-2001 01-07-2002 01-07-2003 01-07-2004 01-07-2005
01-07-2006 01-07-2007 01-07-2008 01-07-2009 01-07-2010 01-07-2011 01-07-2012
01-07-2013 01-07-2014
![](Systemes-dexploitation-de-la-cuvette-nord-du-lac-Tchad-cas-du-maraichage-sur-le-site-de-Kime-Ga34.png)
NIVEAU D'EAU PAR RAPPORT A UN REPERE
29.30
29.20
29.10
29.00
28.90
Piézometre de Likitré: nappe du Kadzel
28.80
28.70
28.60
28.50
29.40
Figure 18: Niveau d'eau en mètre en
fonction du temps
3.16 Discussion
La production maraîchère fait partie des
activités agricoles exercée dans la commune de N'guigmi, plus
précisément sur le périmètre de Kimé Gana
qui autrefois était un village riverain du lac Tchad. La pratique de
cette activité répond à des logiques de
développement surtout dans le contexte actuel d'insécurité
et de changement climatique. Elle permet de lutter contre le chômage et
la réduction des vulnérabilités des populations
autochtones que celles fuyant le conflit dans le bassin du lac Tchad. Le
maraichage assure l'approvisionnement de la commune et ses environs en
légumes et autres produits maraichers. Les consommateurs ont directement
accès aux produits sur le site ou les marchés.
Plusieurs acteurs ou groupes d'acteurs interviennent dans la
filière dont les principaux les exploitants, la mairie, la chefferie
traditionnelle, l'Etat, les projets et ONG.
Il ressort des divers entretiens que les modalités de
l'accès à la terre sont multiples; on dénombre 5 modes
dont entre autre: l'héritage, le prêt, le don, l'achat, et le
gage.
Le taux d'accès pour l'héritage
représente 72%, contre 20% pour le prêt; mais ce dernier
s'effectue avec ou sans l'approbation des membres de l'organisation paysanne
qu'est la
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 70
coopérative de Kimé Gana. Ces données
peuvent être mises en corrélation avec les résultats
obtenus par Abdourahamani (2011), dans le polder de Boultoungour dans la partie
nigérienne du bassin du lac Tchad où il précise que le
prêt représente 86,84% et à lieu au près des chefs
des villages contre 13,15% pour l'héritage.
Par contre Awal (2011), mentionne lors d'une étude dans
le département de Madarounfa, qu'à Gabi 18,2% ont acquis leurs
terres irriguées par l'achat, alors qu'à Maradi commune il est de
35,7%, à Safo, 20% et 33,3% à Madarounfa.
Les superficies des exploitations sont classées comme
suit: Grande exploitation, exploitation moyenne et petite exploitation avec des
superficies respectives de 0,75 Ha, 0,25 Ha et 012 Ha, alors qu'à
Boultoungour, la taille moyenne de ces parcelles du polder est de 0,7 ha
(Abdourahamani, 2011). Ces résultats traduisent la petitesse du
périmètre qui est mis en valeur avec une superficie de 11 Ha.
Pour les différents travaux maraichers à savoir
la préparation des sols, le sarclage, la récolte, bon nombre
d'exploitants sollicitent la main d'oeuvre, car c'est une ressource facile
à cause des déplacements massifs des populations fuyant le
conflit dans le bassin du Tchad. Ainsi beaucoup de jeunes se retrouvent sans
travail préalable.
Le mode de payement de cette main d'oeuvre salariale est de
trois sortes à savoir : moyennant une partie de la récolte, par
argent cash ou les deux modes (argent et une partie de la récolte), avec
des proportions respectives 41,66%, 31,66% et 26,66%. La
rémunération moyenne est de 1000 Naira/homme et cela en fonction
du type de travail et de la durée.
Depuis l'avènement de cette insécurité
qui a occasionnée l'évacuation des villages riverains du lac et
leur relocalisation à Kimé Gana qui n'était pas sans
conséquence sur le rendement et la production maraichère. Kiari
Fougou (2014), souligne que l'irrigation est pratiquée sur les sites
maraichers dont le plus important est celui de Kimé Gana avec un
rendement assez bon. Certains engrais chimiques et produits phytosanitaires
sont interdits de commercialisation depuis 2015, ce qui a pour
conséquence un faible rendement et à cela s'ajoute l'utilisation
des outils archaïques et l'analphabétisme qui caractérise
les exploitants (seulement 18,33% sont instruits).
Le Nigeria qui fournit l'essentiel des produits
phytosanitaires et les engrais à travers les marchés frontaliers
.Certains utilisent des produits inefficaces qui sont accessibles à
moindre coût, mais dont l'utilisation peut entrainer des effets
néfastes chez l'homme.
La chambre régionale de l'agriculture de Maradi (2016),
confirme la nocivité de certains produits issus du Nigéria voisin
en ces terme : « un produit commercial avec comme matière
active le DDVP ou Dichlorvos (famille des organophosphorés), produit
interdit en Europe
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 71
pour toute utilisation, interdit au Maroc pour le
maraîchage, non autorisé dans tous les pays d'Afrique de l'Ouest
sauf au Nigeria ».
Les structures étatiques ne garantissent pas les
quantités suffisantes à temps opportun et les produits sont
souvent inaccessibles aux petits et moyens producteurs.
Bien avant la crise de Boko Haram, une grande partie de la
production maraichère est écoulée sur certains
marchés de la région et plus loin jusqu'au marchés
frontaliers du Nigeria et rarement vers le Tchad.
Actuellement, la production maraichère issue du
périmètre irrigué de Kimé Gana est
commercialisée sur le marché de N'guigmi et dans certains
marchés hebdomadaires des villages environnants. En période
d'importante production de la tomate, du chou, du piment, de la pomme de terre
et de l'oignon ; les marchés de Kabléwa, Kindjandi et Diffa
servent de débouchés pour l'écoulement des produits.
Les producteurs tirent bénéfices de cette
activité malgré le maraudage nocturne constate sur le site, vu
l'instauration de l'état d'urgence dans lequel végète la
région.
Les revenus de producteurs proviennent essentiellement de la
culture maraichère. Néanmoins les petits et moyens producteurs
exercent d'autres activités génératrices de revenus leur
permettant de subvenir à certains besoins immédiats de leur
famille. Les activités secondaires exercées sont : la fabrication
et la vente du charbon de bois, les petits commerces, l'embouche caprine, la
maçonnerie, les petits travaux ménagers.
Le revenu moyen du petit producteur (55%) a un plafond de 100
000 FCFA consacré aux achats des vivres et du matériel agricole.
Les producteurs moyens représentent 38.33 % et le sommet de leur gain
occasionné est de 300 000 FCFA. Les plus aisés sont les grands
producteurs (6,67%) qui s'en sortent avec un revenu plafond de 900 000 FCFA.
Ces résultats comparés à ceux obtenus par Abdourahamani
(2011) lors d'une étude sur le polder de Boultoungour, montrent une
corrélation sur les revenus occasionnés. Cette étude
souline que le revenu moyen est de 95 600 FCFA pour les petits producteurs, 351
000 FCFA pour les moyens producteurs et 905 800 FCFA pour les grands
producteurs.
Une étude récente réalisée sur le
lac Fitri au Tchad, montre les gains financiers occasionnés par les
producteurs.
A Ouahigouya, dans le nord du Burkina Faso le maraîchage
rapporte en moyenne 75 000 FCFA/an à chaque producteur dans le cadre
d'adaptation et perception aux impacts des changements climatiques (Bognini,
2011).
Selon une étude réalisée par Napo (2103),
les coûts de production dans la Vallée du Sourou au Burkina Faso
en 2008 est 721 000 FCFA / ha.
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 72
A dire des acteurs la culture de la tomate sur une superficie
de 0,5 ha à Maafé (Tchad), peut rapporter jusqu'à environ
400 000 FCFA. Une étude de trois cultures dominantes à savoir la
patate douce, la tomate et le gombo sur une période de six mois
(octobre-mai) et sur une superficie d'environ 0,5 ha d'un groupement, montre
que les exploitants peuvent gagner jusqu'à environ 720 000 FCFA (Kiari
Fougou et al, 2018).
Les acteurs intervenant dans la production et la
commercialisation des produits maraichers sont : les producteurs, les ouvriers,
les commerçants, les collecteurs/revendeurs. Les revenus issus de la
production maraichère contribuent significativement à la
réduction de la vulnérabilité des populations meurtries
par la crise de Boko Haram. La pratique de cette activité permet de
réduire considérablement le chômage des jeunes et l'exode
rural.
3.17 Valorisation des cultures maraichères et
Perspectives d'aménagement du site de Kimé Gana
3.17.1 Valorisation de la culture
maraichère
L'organisation de la culture maraichère s'avère
un préalable à toute action visant une meilleure valorisation des
produits maraichers. Elle passe par une étroite collaboration entre les
différents acteurs intervenant dans ce domaine. La culture
maraichère répond particulièrement au besoin de
diversification et même de valoriser les efforts d'intensification des
moyens de production. Elle permet aux producteurs de tirer des importants
revenus et apporte des éléments minéraux et vitamines qui
font défaut dans le régime alimentaire. Cette activité
procure de l'emploi surtout aux jeunes désoeuvrés, qui sont
tentés par l'exode rural au péril de leur vie.
Le gouvernement actuel a marqué son
intérêt pour le développement de diverses activités
agricoles avec la création d'un organe dénommé : 3N(Les
Nigériens Nourrissent Nigériens). Ce dernier intervient dans
plusieurs domaines agricoles et assiste les coopératives des
producteurs. Il doit véritablement appuyer la plate-forme paysanne pour
une meilleure réorganisation des coopératives afin de mieux
écouler les productions au grand bonheur de toute une chaine d'acteurs,
en tirant le plus grand profit possible de la culture maraichère. Au
demeurant, tous les acteurs de la filière devraient être
intensément mobilisés pour un meilleur développement
durable des productions maraichères dans le pays en
général et sur le site de Kime Gana en particulier.
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 73
3.17.2 Perspectives d'aménagement du site de
Kimé Gana
Au niveau du périmètre irrigué de
Kimé Gana, des projets et ONG interviennent dans le secteur maraicher en
vue d'améliorer la production. Cependant l'état en collaboration
avec les partenaires travaillent sans relâches avec les producteurs pour
le développement de la culture maraichère. Les différents
organismes qui ont intervenus sur le site pour sa réhabilitation suite
à son occupation momentanée par la population
déplacée de certains villages qui ceinturent la partie
nigérienne du lac Tchad sont entre autres :
? La mairie de N'guigmi qui réhabilité le forage
artésien après le recasement des déplacés vers
d'autres campements à hauteur de 650 000FCFA,
? Projet Care : Cet organisme a fourni des semences aux
producteurs en février 2018,
? CICR : En novembre 2017 le CICR a octroyé aux
producteurs des semences et matériels agricoles (brouettes, tuyaux,
pelles, puisettes...),
? ONG VND NOUR : Cette structure locale a
réhabilité le forage artésien et les canalisations
défectueuses à hauteur de 650 000 FCFA en juillet 2017,
? Croix rouge nigérienne : qui a assuré la
formation des producteurs sur la fabrication locale des insecticides, et le
secourisme en cas d'accident de travail sur le site.
Ainsi le souci de permettre une meilleure production
maraichère sur le site, le Programme de réhabilitation et de
renforcement de la résilience des systèmes socio
écologiques du bassin du Lac Tchad (PRESIBALT) a prévu
d'aménager 23 à 25 hectares pour accroitre la production. Au
terme de l'étude, les résultats obtenus nous permettent de
formuler les voies prospectives pour une meilleure mise en valeur de la
production des cultures maraichères sur le périmètre de
Kimé Gana:
1 Réaliser le projet de transfert d'eau depuis
l'Oubangui au lac Tchad pour réduire la sècheresse que vit le
lac Tchad en général et la partie nigérienne en
particulier ;
2 Etendre et diversifier les cultures irriguées sur le
site non mis en valeur ;
3 Assurer la disponibilité des semences et
sélectionner les variétés adaptées aux types de
sols ;
4 Réduire les pertes en eau par une meilleure maitrise
des besoins en eau de la culture irriguée ;
5 Mettre en place des systèmes d'adduction d'eau
à l'aide de l'énergie solaire pour une meilleure irrigation sur
le site ;
6 Freiner la dégradation accélérée
de la végétation au tour du périmètre en plantant
des arbres sur des grands espaces ;
Achahabou Hamissou /Master II EEDD/IS2E/UDA Page 74
7 Construire une route de N'guigmi au site de Kimé Gana
pour faciliter le transport ;
8 La réhabilitation de la route principale pour
accéder rapidement aux autres régions du pays et aux
frontières afin d'écouler les produits sur les marchés
hebdomadaires de grande, moyenne et petite importance.
9 Assurer des formations et encadrements des exploitants aux
techniques modernes de production, conservation et commercialisation des
produits maraichers;
10 Faciliter l'accès à tous les exploitants aux
matériels et intrants agricoles;
11 Favoriser la production du compost à partir des
résidus organiques et de la matière minérale.
12 Sensibiliser d'avantage la population sur le
phénomène de la destruction des arbres pour un
développement durable et une meilleure gestion de l'environnement.
13 La mise en place d'un système d'enregistrement
fiable des exportations et des importations, au niveau des frontières,
afin de pouvoir suivre l'évolution des flux.
14 La mise en place ou l'amélioration du système
d'information sur les marchés, avec une collecte sur les
quantités et les prix, assurée par une entité de la
fonction publique.
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