I.4.6.4.5. Effets sur la nutrition minérale
Le plomb affecte la nutrition minérale, en perturbant
le prélèvement et le transport des nutriments par la plante, tels
que Ca, Fe, Mg, Mn, P et Zn en bloquant leur entrée ou en se liant
à eux, les rendant indisponibles pour les plantes (Xiong, 2006). Il a
été montré, chez plusieurs plantes exposées au Pb,
une diminution dans les feuilles de la concentration en cations divalents comme
le Zn2+, le Mn2+et le Fe2+ (Seregin et
al., 2001 ; Chatterjee., 2004 ; Kopiitke et al., 2007 ; Cecchi,
2008). Cette diminution pourrait être due à une compétition
entre le plomb et certains ions de taille équivalente au niveau des
transporteurs membranaires. En effet, le plomb, qui a quasiment le même
rayon que le K+, pourrait emprunter les canaux potassiques pour
entrer dans la cellule (Sharma et Dubey, 2005). Le plomb affecte aussi le
métabolisme azoté en diminuant le prélèvement de
nitrate et en perturbant le fonctionnement de la nitrate réductase
(Seregin et Ivanov, 2001 ; Cecchi, 2008).
I.4.6.4.6. Effets sur les activités enzymatiques
Le plomb peut inhiber l'action de certaines enzymes, notamment
celles qui possèdent un groupement -SH, ce dernier présentant une
forte affinité pour le plomb. Dans la plupart des cas, l'inhibition se
fait par interaction du plomb avec ce groupement qui est indispensable pour
l'activité et le bon fonctionnement des enzymes. Le plomb affecte donc
la conformation de nombreuses enzymes, les empêchant de fonctionner
convenablement (Seregin et Ivanov, 2001). Parmi les enzymes fondamentales qui
peuvent être inhibées par le plomb, se trouvent des enzymes
impliquées dans la biosynthèse de la chlorophylle ou bien la
RUBISCO qui permet la fixation du CO2 (Seregin et Ivanov, 2001 ; Patra et
al., 2004). L'inhibition de ce type d'enzyme entraîne une forte
perturbation de la photosynthèse. Ceci entraîne une
réduction de la teneur en chlorophylle ainsi que celle de tous les
pigments photosynthétiques, et également une croissance
réduite des feuilles (Kupper et al., 1996).
Partie I : Synthèse
bibliographique Chapitre I : Métaux lourds
I.4.7. Mécanismes de tolérance des plantes au
plomb
15
Seules les plantes qui ont développé des
mécanismes de tolérance peuvent survivre à un
environnement contaminé. Elles développent en
général deux grands types de stratégies. Le
mécanisme le plus répandu est l'évitement du stress
métallique par exclusion, qui se fait par fixation du métal sur
la paroi cellulaire ou bien par sécrétion de chélates.
Ceci a pour but de limiter au maximum le prélèvement par les
racines, mais également de limiter un éventuel transport des
racines vers les parties aériennes (Seregin et Ivanov, 2001). Une
deuxième stratégie est donc mise en place par les plantes, qui
consiste à détoxiquer le plomb qui a
pénétré. La tolérance au stress métallique
dépendra donc de l'efficacité des mécanismes internes
qu'elles mettent en place. Ces mécanismes peuvent être (Patra
et al., 2004) :
La séquestration des métaux grâce à
des composés organiques spécialement
synthétisés.
La compartimentation dans certains compartiments cellulaires
(tels que les vacuoles). La détoxication grâce à des
chélates.
Les mécanismes de tolérance internes ne sont pas
encore parfaitement connus, mais la chélation du plomb dans le
cytoplasme et la séquestration dans les vacuoles seraient des
mécanismes prépondérants (Saadi et boutchich., 2017). La
vacuole est en effet considérée comme le lieu principal de
stockage du plomb (Tong et al., 2004). Selon Wierzbicka (1993), ces
vacuoles peuvent en effet contenir plus de 96% du métal. Ceci permet de
diminuer considérablement la quantité de métal dans le
cytoplasme, compartiment cellulaire à forte activité
métabolique.
II.1. Partie I : Synthèse
bibliographique Chapitre II : Phytoremédiation
16
Dépollution du sol
La dépollution naturelle consiste en
l'élimination naturelle des polluants présents dans les
différents compartiments (sol, eaux ...) par voie biologique. Cette
élimination est assurée par les organismes vivants
(microorganismes et/ou plantes). Il existe deux méthodes la
bioremédiation et/ou la phytoremédiation (Annane et Haynouss,
2015).
II.2. Définition de la
phytoremédiation
Le terme phytoremédiation vient du préfixe grec
« phyto » (plante) et du mot latin remedium (pour corriger
ou éliminer un mal) (Ghosh et sing, 2005).
La phytoremédiation est une technologie
émergeante qui utilise les plantes ou les microorganismes de la
rhizosphère pour extraire, transformer ou stocker les polluants contenus
dans les sols, les sédiments, les eaux souterraines ou de surface et
même l'atmosphère (Susarla et al., 2002). A l'heure
actuelle, la phytoremédiation est utilisée pour le traitement de
plusieurs classes de polluants tels que les hydrocarbures, les solvants
chlorés, les pesticides, les composés explosifs ou encore les ETM
(Vassilevet al., 2007).
II.3. Histoire de la phytoremédiation
Au 16ème siècle, un botaniste de
Florence, Andréa Cesalpino découvre une plante poussant sur des
roches naturellement riches en métaux (du nickel notamment). En 1885,
Baumann a identifié pour la première fois deux espèces
végétales, Thlaspi caerulescen set Viola
calaminaria, comme étant capables d'accumuler de fortes
quantités de zinc dans leurs feuilles. Ensuite, en 1935, Byers
étudia l'accumulation du sélénium chez Astragalus
spp. Dix ans plus tard, Minguzzi et Vergnano (1948) identifièrent
des plantes capables d'accumuler jusqu'à 1 % de (m/m) de Ni dans leurs
parties aériennes. Aujourd'hui plus de 400 plantes sont connues pour
leur capacité d'accumulation des métaux (Baker et al.,
2000).
II.4. Techniques de la
phytoremédiation
Plusieurs mécanismes permettent aux plantes
l'élimination des polluants par phytoremédiation (Schröder
et Collins, 2002).
L'action des plantes sur le polluant intervient à
différents niveaux. Les polluants peuvent être stabilisés
ou dégradés dans la rhizosphère, séquestrés
ou dégradés ou encore rendus volatiles et éliminés
dans l'air environnant. Divers mécanismes sont mis en oeuvre en
Partie I : Synthèse
bibliographique Chapitre II : Phytoremédiation
17
fonction de la nature du polluant et de ses
caractéristiques physico-chimiques (Mc Cutcheon et Schnoor, 2003 ;
Pilon-Smits, 2005).
La phytoremédiation regroupe cinq méthodes qui
sont appliquée selon la contamination et les objectifs de
remédiation (Brooks, 1998 ; Bert et al., 2000) :
Phyto-extraction, Rhizofiltration, phytotransformation, rhizdégradation,
phytostabilisation et phytovolatilisation (Pulford et Watson, 2003 ; Vavasseur
et al., 2003) (Figure 2).
Fig.2 : Techniques de phytoremédiation
(Pilon-Smits, 2005). II.4.1. Phytoextraction ou
phytoaccumulation
La phytoextraction est une technologie in situ
liée aux plantes qui sont capables d'absorber les métaux
lourds (Pb, Cd, Cu, Zn ...) par leurs racines et de les transporter ensuite
vers les parties aériennes (Zheng et al., 2011).
Pour le traitement de la biomasse produite, les auteurs
évoquent souvent l'incinération et la valorisation
énergétique, les cendres, ou le biominerai, seraient
stockées en centre d'enfouissement technique ou recyclées en
métallurgie. En effet, pour certains métaux présentant un
intérêt économique, comme le nickel, le thallium et les
métaux précieux, le biominerai pourrait être purifié
et les métaux recyclés (Ademe, 2010).
L'avantage du procédé est la réduction du
volume de polluants à traiter par concentration dans les cendres.
Celles-ci peuvent ensuite être mises en décharge ou
recyclées en métallurgie. Il faut néanmoins noter que la
phytoextraction est une technique de traitement en développement
(Amrouche, 2015) (Figure 3).
Partie I : Synthèse
bibliographique Chapitre II : Phytoremédiation
18
Les plantes utilisées sont des espèces
végétales sauvages hypertolérantes et/ou
hyperaccumulatrices capables deprélever des métaux toxiques dans
les horizons de surface des sols (profondeur < 80cm) et de lesaccumuler dans
leurs parties aériennes (Amrouche, 2015).
Les plantes utilisées pour la phytoextraction doivent
avoir les caractéristiques suivantes (Ann-Peer et al., 2003)
:
? Tolérance à un niveau élevé de
métal ;
? Accumulation raisonnable du métal dans les parties
aériennes ;
? Croissance rapide ;
? Production importante de biomasse au terrain ;
? Avoir un système racinaire dense et capable de coloniser
le sol/ sédiment en
profondeur.
Fig.3 : Processus de phytoextraction (ITRC,
2001).
Deux stratégies sont proposées pour une
phytoextraction réussite des sols contaminés par les
métaux lourds et autres polluants : phytoextraction continue et
laphytoextraction induite ou assistée par des chélateurs
? Phytoextraction naturelle
Pour qu'une plante soit adéquate pour la
phytoextraction d'un polluant donné, elle doit être capable durant
toute sa vie de résister à la toxicité du polluant et de
l'accumuler dans ses parties aériennes. En effet, la phytoextraction
naturelle utilise des plantes hyperaccumulatrices
Partie I : Synthèse
bibliographique Chapitre II : Phytoremédiation
19
qui peuvent extraire de teneurs importantes de métaux
présent sur des sols pollués sans présenter de signes de
phytotoxicité (Quartacciet al.,2006 ; Zheng et al.,
2011) (Figure 4).
Fig.4 : Schéma représentant une
phytoextractioncontinue(Salt et al., 1998).
? Phytoextraction induite ou assistée par des
chélateurs
Elle est basée sur l'utilisation de chélateurs
permettant à des plantes non hyperaccumulatrices mais de biomasse
importante d'absorber des teneurs élevées en métaux
à partir d'un site pollué. La solubilité des métaux
est accrue par des chélateurs telsque l'acide citrique, l'EDTA et
l'EDDS. Ils sont appliqués soit directement sur le sol ou encondition
hydroponiques (Saifullahet al., 2009 ; Shahid et al., 2011 ;
Zheng et al., 2011) soit en pulvérisation foliaire (Meers et
Tack., 2004). C'est ainsi que l'EDTA a permis d'améliorer la
mobilisation et le transport subséquent du Cd, Cr, Cu, Ni, Pb et Zn par
la moutarde indienne et le tournesol (Ann-Peer et al., 2003).
Cependant, la haute solubilité dans l'eau de certains complexes
chélateurs-toxique peut résulter dans leur déplacement
vers les couches plus profondes du sol et ceci consiste un risque potentiel
important décontamination de l'eau souterraines (Ann-Peer et
al., 2003) (Figure 5).
Fig.5 : Schéma représentant une
phytoextraction induite par des chélateurs (Salt et al.
1998).
Partie I : Synthèse
bibliographique Chapitre II : Phytoremédiation
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