1.2 Quelques exemples de marchandages
Afin de se familiariser avec la notion de marchandage, il est
utile d'expliciter quelques exemples simples de jeu de marchandage. Un premier
jeu de marchandage fait par exemple intervenir le lègue d'un
héritage entre les individus d'une même famille. Ces derniers
doivent se répartir des biens matériels (maisons, mobiliers,
objets de valeurs) ainsi que des biens immatériels (argent, actions)
auxquels ils n'attribuent pas la même utilité. Les
possibilités de partage sont dénombrables et chacune d'elle
attribue une certaine utilité à chacun des individus. Un jeu de
marchandage consiste dans ce cas à trouver le "meilleur" partage parmi
tous ceux possibles. La question logique qui s'ensuit consiste à se
demander ce qui définit un partage comme étant le "meilleur". La
démarche axiomatique proposée par J.F Nash pour résoudre
ce type de jeu consiste justement à définir cela.
Prenons un autre exemple simple faisant intervenir un artiste
et son client potentiel. L'artiste a peint un tableau qu'il souhaite
désormais vendre, et le client souhaite l'acheter. Les deux
protagonistes doivent s'entendre sur un prix. En fonction du montant, chacun
éprouve une utilité qui
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lui est propre. Pour évaluer le prix de son oeuvre,
l'artiste prend en considération le temps qu'il a mis a faire l'oeuvre,
son attrait pour l'argent ainsi qu'un tas d'autres facteurs. Il en va de
même pour le client qui considère le temps qu'il a mis à
gagner cet argent, son niveau de satisfaction s'il arrive à prendre
possession de l'oeuvre etc... Le jeu de marchandage consiste donc ici à
trouver le prix sur lequel les deux personnes devraient arriver à
s'entendre sous peine de ne pas faire affaire.
1.3 Exemple d'étude
Parmi les jeux de marchandages que nous avons pu imaginer,
nous en avons choisi un qui deviendra notre objet d'étude principal.
Nous l'avons construit et amélioré au fur et à mesure. Le
processus de modélisation s'est donc fait en plusieurs étapes. A
l'origine, nous voulions prendre l'exemple d'une voiture autonome qui
était un bien partagé entre plusieurs utilisateurs. Le jeu se
développait de la façon suivante : à tout moment, deux
utilisateurs de la voiture pouvaient simultanément avoir recours
à son utilisation pour se rendre quelque part. L'utilisation de la
voiture était donc évidemment un gain de temps pour les deux
usagers dont l'utilité dépendait du temps nécessaire pour
se rendre à leur destination. La voiture étant un bien
partagé entre ces deux utilisateurs, chacun était donc
obligé de concéder un peu de son utilité. L'utilisation de
la voiture utilisée séparément était un gain de
temps pour les deux usagers. Cependant, le fait que la voiture soit un bien
partagé implique un devoir moral à chacun des utilisateurs, ces
derniers sont donc obligés de concéder un peu de leur
utilité afin que l'autre puisse profiter de l'utilisation de la voiture.
On peut dénombrer neuf alternatives possibles, nous en listerons 4
d'entre-elles, les autres se devinant facilement :
-- la voiture vient chercher J1 puis J2, dépose J1 puis
J2
-- la voiture va chercher J1, le dépose, elle va
ensuite chercher J2 pour le déposer
-- la voiture va chercher J1 et J2 doit se rendre à
pied à destination
-- chacun des joueurs se rend à pied à sa
destination.
Finalement, après avoir calculé les couples
utilités procurées par chacune des alternatives, il revenait au
logiciel de la voiture la responsabilité de faire l'arbitrage entre les
alternatives et choisir la plus pertinente au sens du jeu de marchandage, ce
choix sera d'ailleurs l'enjeu de la première partie qui consistera
à présenter la solution proposée par J.F Nash.
Le jeu tel que présenté représentait
quelques limites. En effet, nous verrons par la suite, que la résolution
du jeu selon Nash répond à une logique précise qui
implique qu'en connaissance de tous les facteurs intervenant dans un jeu, il
est facile pour le joueur de connaître la solution induite. Le mensonge
fait donc partie intégrante du jeu de marchandage si un joueur souhaite
tourner le résultat à son avantage. Or, conceptuellement, une
voiture partagée induit une entente préalable entre les
utilisateurs, la malhonnêteté n'est donc pas un facteur
très réaliste. Un autre facteur un peu limitant concernait le
positionnement de la voiture. On imaginait que la voiture non-utilisée
se trouvait en permanence à un endroit fixe (tel un parking), or le fait
de rajouter un facteur aléatoire concernant le positionnement de la
voiture qui influerait sur la stratégie des joueurs était un
aspect intéressant à rajouter dans le modèle.
C'est pour cela que le modèle s'est tourné vers
un exemple de compagnie VTC (voiture de transport avec chauffeur, bien que la
notion de chauffeur ne soit pas essentielle ici) comme peut l'être Uber.
Les principes fondamentaux du modèle ne change pas, la voiture Uber
reçoit deux demandes simultanées et doit déterminer quelle
option parmi les 9 disponibles est la plus pertinente, encore une fois du point
de vue d'un jeu de marchandage. Le modèle ainsi posé offre
davantage de possibilités quant à l'introduction de jeux de
mensonges/vérités notamment.
Bien entendu, le modèle possède des limites que
nous exposeront ultérieurement.
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2 Les jeux de marchandage selon J.F Nash 2.1 Mise en
place du modèle
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