CHAPITRE 2 : LE TRACHOME, UN PROBLÈME DE
SANTÉ PUBLIQUE À KOLOFATA
I- ÉTUDE DE CAS : LE TRACHOME DANS LE DS DE
KOLOFATA 1- Présentation du DS de Kolofata
Le DS de Kolofata est situé dans
l'arrondissement de Kolofafa, département du Mayo Sava, région de
l'Extrême- Nord. L'arrondissement de Kolofata est limité
:
- Au Nord et à l'Ouest par la République
Fédérale du Nigeria et la Commune de Mora ; - Au Sud par la
Commune de Mozogo dans le Mayo Tsanaga ;
- A l'Est par la Commune de Mora.
La population totale du DS de Kolofata est de 77.857
habitants, suivant les résultats du 3ème Recensement
Général de la Population et de l'Habitat au Cameroun (2005). Elle
est composée de 39.414 hommes (soit 50,62%) contre 38.443 femmes (soit
49,38%).
La population de Kolofata essentiellement rurale, vit
de l'agriculture, l'élevage, le commerce et l'artisanat. Le climat y est
de type soudano sahélien avec une longue saison sèche de 7
à 9 mois, et une courte saison de pluies de 3 à 4 mois allant de
mai à juin, et de septembre à octobre.
Situation géographique de
Kolofata
Démographiquement, le DS est
caractérisé par un niveau économique bas. Environ 95% de
la population adulte est illettrée. Trois quarts de la population
adhèrent à l'Islam, le reste au christianisme et à
l'animisme. Il y a plusieurs langues et traditions ethniques indigènes.
Les groupes prédominants sont les Kanuris, les Mandaras, les Gemergous,
les Potokos, les Mafas, les Mukteles, les Arabes Choas, et les
Fulbes.
Géographiquement, le DS comprend une pleine
sableuse avec un bord montagneux au sud. Une minorité des villages est
approvisionnée en eau courante ; la plupart dépend des puits
à ciel ouvert, des forages, des cours d'eau qui sèchent
rapidement à la fin de la saison pluvieuse.
Le DS compte sept formations sanitaires, dont un
hôpital de district, deux centres de santé intégrés
confessionnels, et quatre centres de santé publics.
Le DS se définit comme l'unité
géographique opérationnelle pour l'offre des services de
santé de base aux populations. En théorie des organisations, la
notion de DS correspond à une forme d'organisation du travail
appelée départementalisation par output. Laquelle organisation
est basée sur le type de produit ou de service fournit par
l'organisation. Dans le cas du DS, le produit ou le service fournit est
constitué par les soins proposés.
2- Épidémiologie du trachome dans le DS de
Kolofata
Depuis la fin des années 90, le trachome
apparait comme un problème de santé et de développement
social dans le DS de Kolofata. La conjonctivite trachomateuse, et le trichiasis
sont des motifs fréquents de consultation. La pauvreté, le manque
d'eau, l'abondance des mouches, l'insuffisance d'hygiène et
d'assainissement, l'analphabétisation, et le climat chaud et sec ont
été identifiés comme des facteurs contribuant à
l'hyper endémicité de cette maladie.
Le Ministère de la Santé Publique
à travers le Service de Santé de District de Kolofata, et en
collaboration avec l'ONG Ophtalmo Sans Frontières, le Laboratoire
Théa en France, et l'Hôpital Quinze-Vingt à Paris, a
défini un plan de lutte contre le trachome dans ce DS. La
stratégie CHANCE définie par l'OMS a été
adoptée pour la lutte. Après les préparatifs aboutis en
2005, un programme intensif de sensibilisation des populations a
démarré en 2006 dans les villages et auprès des
autorités. Des affiches, des dépliants et d'autres
matériels éducatifs ont été créés et
mis à la disposition des différents acteurs. Des séances
d'information et de sensibilisation ont été tenues avec les
directeurs et les maitres des écoles publiques, et ensuite avec les
élèves de toutes les écoles publiques de la zone. La
formation du personnel médical, infirmier et communautaire a
commencé et a continué en cascade.
L'étude épidémiologique
menée dans le DS de Kolofata dans la Province de l'Extrême- Nord
en décembre 2006 visait à estimer les prévalences du
trachome folliculaire et du trachome inflammatoire chez les enfants de 1
à 9 ans, de l'entropion trichiasis et des opacités
cornéennes imputables au trachome chez les
femmes de plus de 14 ans. Le codage simplifié du trachome proposé
par l'OMS a été utilisé pour recueillir les
données.
Il s'est agi de la première enquête de
prévalence sur le trachome réalisée au Cameroun. Il
ressort de celle ci que chez les enfants de 1 à 9 ans la
prévalence du TF était estimée à 21%, et celle du
trachome inflammatoire intense (TF/TI) à 5,2%. Chez les femmes de plus
de 14 ans, la prévalence du TT était estimée à
3,4%, et celle des opacités cornéennes imputables au trachome
à 1,4%. La prévalence de la cécité imputable au
trachome était alors de 0,9%.
Une revue de la littérature relative à
cette étude montrait que le trachome était aussi prévalent
dans certains DS des pays voisins. Le faciès
épidémiologique mis en évidence dans cette enquête
était celui d'une endémie trachomateuse à fort potentiel
cécitant ; les prévalences du TT et celle des opacités
cornéennes imputables au trachome étaient
élevées.
Des campagnes de traitement de masse ont
été menées à 3 reprises, en 2008, 2009 et 2010. La
population entière du DS a été ciblée, et la
stratégie d'administration avec des gouttes d'Azyter (azithromycine)
matin et soir pendant 3 jours a été adoptée. Des
études de prévalence réalisées avant chaque
campagne de distribution ont montré que la prévalence a
chuté de 31,5% en 2008 à 6,3% en 2009 et à 3,1% en 2010.
Chaque personne dans le ménage a reçu 2 doses d'Azyter 1,5% dans
chaque oeil, 2 fois par jour pendant 3 jours, pendant 3 années
consécutives. Après les trois campagnes de traitement, les
activités de sensibilisation se sont poursuivies, l'approvisionnement en
points d'eau dans les villages a été renforcé.
Évolution de la prévalence du trachome
actif dans le DS de Kolofata
35,00%
31,50%
26,00%
6,30%
30,00%
25,00%
20,00%
15,00%
10,00%
5,00%
0,00%
3,10%
janv.-06 janv.-07 janv.-08 janv.-09 janv.-10
En janvier 2013, une enquête de
prévalence du trachome a été menée dans 41 villages
du DS. Une légère augmentation de la prévalence à
5,2% a été trouvée, par rapport au taux de 3,1% en 2010,
et 4 villages avaient un taux au-delà de 10%. Au vu de ces
résultats, il a été décidé de mener une
quatrième campagne de traitement de masse dans les zones les plus
touchées, c'est-à-dire celles qui avaient une prévalence
de TF supérieure ou égale à 5%.
L'objectif de cette campagne de traitement
antibiotique de masse était de traiter 19.555 personnes (15,3% de la
population) dans 18 villages, matin et soir pendant 3 jours. Les
résultats rapportaient que sur 19.555 personnes attendues, 19.112 (98%)
avaient été traitées.
Au vu de ce qui précède, lors de la
campagne de 2013, il ressort que seule une minorité de la population du
DS (14,93%) a bénéficié du traitement antibiotique de
masse. Il s'agissait uniquement des populations résidentes dans les
villages qui avaient un taux de prévalence supérieure ou
égale à 5%. Tout le DS n'a pas été traité
lors de cette activité.
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