FACULTE DE DROIT DEPARTEMENT DE DROIT
PRIVE
Année Universitaire 2019 - 2020
Mémoire N° /
LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE
EN
DROIT OHADA
Pour l'obtention du Master en
Domaine : Science Juridique, Politique et de l'Administration
Mention : Droit privé
Spécialité : Droit privé
fondamental
Présenté par
Monsieur YIMOU NASSANDJA Lamoussa
Soutenu Publiquement, Le 27 /08 /2021
Composition du Jury de soutenance
Président du jury : M. JOHNSON-ANSAH
Ampah, Maître-assistant
Examinateurs /juges : M. ADJALLE-DADJI Yao
Délali, Assistant en droit privé M. AVEGNON Koffi Edem, Assistant
en droit privé
Directeur de mémoire : Professeur
AYEWOUADAN Akodah, Maître de conférences, Agrégé des
Facultés de droit, Université de Lomé.
FACULTE DE DROIT
DEPARTEMENT DE DROIT PRIVE
Année Universitaire 2019 - 2020
Mémoire N° /
LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE
EN
DROIT OHADA
Pour l'obtention du Master en
Domaine : Science Juridique, Politique et de l'Administration
Mention : Droit privé
Spécialité : Droit privé
fondamental
Présenté par
Monsieur YIMOU NASSANDJA Lamoussa
Soutenu Publiquement, Le 27 /08 /2021 Composition du
Jury de soutenance
Président du jury : M. JOHNSON-ANSAH
Ampah, Maître-assistant Examinateurs /juges : M.
ADJALLE-DADJI Yao Délali, Assistant en droit privé M. AVEGNON
Koffi Edem, Assistant en droit prive
Directeur de mémoire : Professeur
AYEWOUADAN Akodah, Maître de conférences, Agrégé des
Facultés de droit, Université de Lomé.
I
AVERTISSEMENT
L'Université de Lomé n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans ce document ; ces
opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur.
Dédicace
II
À ma très chère mère, Arzouma
NADJOUA, À la mémoire de mon père, Djama YIMOU NASSANDJA
Et à mon jeune frère Yéndoubé YIMOU NASSANDJA.
III
REMERCIEMENTS
Nous tenons à témoigner notre gratitude
:
Au Professeur Akodah AYEWOUADAN, Responsable de la
présente promotion de master, pour avoir accepté de diriger la
rédaction de ce mémoire. Ses orientations et multiples
corrections nous ont permis d'aboutir aux idées qui s'y trouvent
, ·
Au Professeur AGBENOTO Koffi et au Professeur WOLOU Komi,
pour leurs encouragements, conseils et la documentation qu'ils nous ont fournie
lors de nos recherches , ·
Au Professeur ADJITA A. Shamsidine, actuel Doyen de la
Faculté, pour ses multiples apports qui nous ont donné une autre
ouverture sur l'intérêt de notre sujet de mémoire
, ·
Au Professeur Cheik Abdou Wakhab NDIAYE de l'UCAD, pour
nous avoir recommandé plusieurs institutions lors de nos recherches sur
la pratique des sociétés en commandite simple au
Sénégal , ·
A madame TSHAKADI Ayawa, pour la documentation et ses
multiples conseils , · Aux membres du jury pour avoir accepté
apprécier le résultat de nos recherches , ·
A notre chère soeur ainée, Viviane KOMBATE
et à notre camarade et frère K. Mawupemo AZAKPO, pour leur
participation à la mise en forme du présent document
, ·
Enfin, à tous nos camarades de promotion pour la
convivialité, la fraternité et le soutien mutuel que nous avons
été les uns pour les autres. Que cette famille puisse exister
au-delà de la cause qui nous a réunis pendant deux ans.
LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES, ACRONYMES ET
ABRÉVIATIONS
Al. : Alinéa
Arch. Ph. dr. : Archives de Philosophie du Droit
Art. : Article
AU : Acte uniforme
AUS : Acte Uniforme portant organisation des
Sûretés
AUSCGIE : Acte Uniforme relatif au droit des
Sociétés Commerciales et du
Groupement d'Intérêt Economique
C/ : Contre
CA : Cour d'Appel
Cass. : Cour de Cassation française
Cass. civ. : Chambre civile de la Cour de cassation
française
Cass. com. : Chambre Commerciale de la
Cour de cassation française
C. civ. : Code civil
C. com. : Code de commerce
Cf. : Confère
CJCE : Cour de Justice de la Communauté
Européenne
CREDA : Centre de Recherche sur le Droit des Affaires (de la
Chambre de
commerce et d'industrie de Paris)
KG : Kommditgeselschaft (société en
commandite simple en allemand)
D. : Recueil Dalloz
Dir. : Sous la direction
Ed. : Edition
Gaz. Pal. : Gazette du palais
GmbH & Co KG
: Geselschaft mit beschränkter Haftung und Compagnie
Kommanditges (Société en commandite à
responsabilité limitée de droit allemand)
IV
Ibid. : Ibidem (au même endroit)
In. : Dans
Infra : Ci-dessous, plus bas
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
L. : Loi
LPA : Les Petites Affiches
Mél. : Mélanges
N° : Numéro
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit
des Affaires
Ohadata : Banque numérique de données juridiques
de l'OHADA
Op. cit. : Opere citato (dans l'ouvrage
précité)
P. : Page
Pp. : Pages
Préc. : Précité
V
RCCM : Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
Rev. : Revue
S. : Et suivant
SA : Société Anonyme
SAS : Société par Actions Simplifiée
SARL : Société à Responsabilité
Limitée
SCS : Société en Commandite Simple
SNC : Société en Nom Collectif
Spéc. : Spécialement
Supra : Ci-dessus, plus haut
T. : Tome
UCAD : Université Cheick Anta Diop de Dakar
V. : Voir
Vol. : Volume
SOMMAIRE
VI
VII
INTRODUCTION 1
PARTIE I. UNE SOCIÉTÉ AUX
INCONVÉNIENTS APPARENTS 10
CHAPITRE I. LES INÉGALITÉS ENTRE ASSOCIES
DANS LA SOCIÉTÉ EN
COMMANDITE SIMPLE 12
Chapitre II. L'INCOMPLÉTUDE DE LA
LÉGISLATION PAR RENVOI DE LA
SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE 28
PARTIE II. UNE SOCIÉTÉ AUX
POTENTIALITÉS MÉCONNUES 44
Chapitre I. LES QUALITÉS JURIDIQUES DE LA
SOCIÉTÉ EN COMMANDITE
SIMPLE 46
CHAPITRE II. LES QUALITÉS ÉCONOMIQUES DE
LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE
SIMPLE 61
CONCLUSION GÉNÉRALE 77
1
INTRODUCTION
2
L'économie de toute Nation, aujourd'hui, repose sur les
activités commerciales exercées par les personnes qui la
composent. Ces personnes, connues comme des commerçants, sont de plus en
plus des entités juridiques communément appelées «
les sociétés commerciales ». Dans sa mission d'harmonisation
du droit des affaires, le législateur de l'Organisation pour
l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA)1 a prévu plusieurs Actes uniformes
dont l'Acte Uniforme portant organisation des Sociétés
Commerciales et du Groupement d'Intérêt Economique (AUSCGIE). Cet
Acte Uniforme traite des règles relatives aux différentes formes
de sociétés commerciales. Parmi les sociétés
pouvant être créées dans l'espace OHADA se trouve la
société en commandite simple, objet du présent
mémoire.
La « société » est
définie comme une création « de deux ou plusieurs
personnes qui conviennent par un contrat, d'affecter à une
activité des biens en numéraire ou en nature, ou de l'industrie,
dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de
l'économie qui peut en résulter »2. Le
législateur reconnait la possibilité pour une seule personne de
créer une société commerciale obéissant à
l'une des formes prévues3. Le
législateur français l'appréhende comme « une
entité instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent
par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur
industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de
l'économie qui pourra en résulter ». Elle «
peut être instituée, dans les cas prévus par la loi,
par l'acte de volonté d'une seule personne
»4.
Cette définition a été l'objet de
plusieurs théories sur la nature de la société. Sur cette
question qui était de savoir si la société est un contrat
ou une institution, il est vain d'espérer une vue moniste de la notion.
La création de la société relève de la rencontre de
plusieurs volontés. Mais elle peut être aussi l'émanation
d'une seule volonté. Pour une partie de la doctrine, la permanence de
l'aspect contractuel de la société est incontestable5.
Au départ, la société n'était qu'une
variété de contrat, les associés réglant librement
le cadre de leur action commune. Certes, dans la société
unipersonnelle, il n'y a pas de contrat, mais plutôt un acte
1 Le Traité relatif à
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)
fut signé à Port-Louis (Ile Maurice) le 17 octobre 1993. Il est
entré en vigueur le 18 septembre 1995. Le Traité a
été révisé au Québec le 17 octobre 2008 puis
entré en vigueur le 21 mars 2010. Depuis le 31 décembre 2014,
dix-sept (17) États composent désormais l'espace OHADA.
2 AUSCGIE, art. 4.
3 AUSCGIE, art. 5.
4 C. civ. français, art. 1832, al. 1 et
2.
5 C. CHAMPAUD « Le contrat de
société existe-t-il encore ? » in Le Droit contemporain
des contrats, Economica, 1987, p. 125.
3
unilatéral, ce qui constitue toujours une manifestation
de la volonté6. Mais la nature de la société va
au-delà de son aspect contractuel. La rigidité du régime
juridique de certaines sociétés de capitaux illustre le
côté institutionnel de cette entité. Certains auteurs sont
également favorables à la thèse institutionnaliste de la
société7.
La notion de « commandite » vient du latin
commandere. Cela signifie « confier un mandat ensemble
»8. Le mot « commandite » permet de
préciser la présence, dans ce genre de société, de
deux catégories d'associés. D'une part, les commandités
qui répondent solidairement et indéfiniment des dettes sociales.
D'autre part, les commanditaires qui ne sont responsables des dettes sociales
qu'à concurrence de leurs apports. La société en
commandite simple est alors celle dans laquelle coexistent un ou plusieurs
associés indéfiniment et solidairement responsables des dettes
sociales dénommés « associés commandités
», avec un ou plusieurs associés responsables des dettes
sociales dans la limite de leurs apports dénommés «
associés commanditaires » ou « associés en
commandite », et dont le capital social est divisé en parts
sociales9.
Le législateur OHADA a consacré 17 articles
soit, de l'article 293 à l'article 308 de l'AUSCGIE à la
société en commandite simple. Pour d'autres besoins juridiques de
cette forme sociale, le législateur y a renvoyé aux dispositions
relatives à la société en nom collectif depuis la
révision de l'AUSCGIE en date du 30 janvier 201410. Les
autres sociétés commerciales prévues par le
législateur OHADA sont la société en nom
collectif11, la société à
responsabilité limitée12, la
société anonyme13, la
société par actions
simplifiée14 et la société
coopérative15 introduite en droit OHADA par
un autre Acte Uniforme autonome16.
6 M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY,
Droit des sociétés, Litec, 33ème
éd., 2018/2019 p. 49.
7 V. G. FLORES et J. MESTRE, «
Brèves réflexions sur l'approche institutionnelle de la
société », LPA, 14 mai 1986.
8 P. LE CANNU et B. DONDERO, Droit des
sociétés, LGDJ, 7e éd. 2018, p. 933,
n°1415, note 76.
9 AUSCGIE, art. 293.
10 AUSCGIE, art. 293-1. En droit
français, c'est l'article 25 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966
devenu article L. 222-2 du Code de commerce, qui prévoit
expressément l'application des dispositions relatives de la
société en nom collectif à la société en
commandite simple.
11 AUSCGIE, art. 270 à 292.
12 AUSCGIE, art. 309 à 384.
13 AUSCGIE, art. 385 à 853.
14 AUSCGIE, art. 853-1 à 853-3.
15 AUSCOOP, art. 1er à 397.
4
La société en commandite simple a une origine
fort ancienne et son avènement en droit OHADA est indissociable de son
histoire en droit français. Elle a connu son apogée sous l'ancien
régime17. Cette forme sociale est l'émanation du
« contrat de command » pratiqué au Moyen Age,
principalement dans les villes italiennes et pour le commerce maritime.
Command vient du mot latin commendare qui signifie «
confier ». La commandite, jadis, s'écrivait «
commendite ». Le commandité était souvent
appelé le « complimentaire
»18. Ce contrat permettait aux nobles et
à certains ecclésiastiques d'exercer le commerce. Il s'agissait
pour un capitaliste de mettre à la disposition d'un navigateur ou d'un
négociant : un bateau, des marchandises ou une somme d'argent pour
entreprendre une expédition maritime. Le « contrat de command
» sera étendu au commerce
terrestre19.
Ce type de société permettait également
de contourner la prohibition canonique20 du
prêt à intérêt car le prêteur,
déguisé en commanditaire, n'encourait aucun risque commercial
supplémentaire21. Le véritable chef
d'entreprise, apporteur de capitaux, devrait se déguiser en
commanditaire, et trop souvent, le commandité n'était qu'un homme
de paille22. Or, la restriction du domaine d'action
du commanditaire remet en cause le désir que nourrit tout bailleur de
fonds d'être aux commandes. C'est ainsi que l'ordonnance de Colbert de
mars 167323 vint réglementer la commandite.
Elle institue la rédaction obligatoire d'un acte et le
dépôt de l'extrait de cet acte au greffe de la juridiction
consulaire. Le Code de commerce de 1807 viendra édicter les
règles destinées à imposer le respect du cadre
légal de la
16 Il s'agit de l'Acte Uniforme du 10
décembre 2010 relatif au droit des Sociétés
Coopératives entré en vigueur le 15 mai 2011.
17 M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY,
Droit des sociétés, op. cit., p. 433.
18 R. SALEILLES, Histoire des
sociétés en commandite, Annales, 1897, p. 29.
19 Ph. MERLE, Droit commercial,
Sociétés commerciales, Dalloz, 22e
édition, 2018/2019, n° 162, p. 186.
20 Les prohibitions canoniques étaient
des interdictions contenues dans le droit de l'église catholique encore
appelé droit canonique ou droit canon.
21 M. DE JUGLART et B. IPPOLITO (Dir.),
Traité de droit commercial : Les sociétés, Vol.
2, 3ème éd., par E. DU PONTAVICE et J. DUPICHOT,
Montchrestien, Paris, 1980, p. 776.
22 L'« homme de paille »
désigne « un homme d'affaires qui est un mandataire secret
cachant aux yeux des tiers, les activités d'une personne, d'une
entreprise ou d'un groupe d'entreprises pour le compte de qui il agit en fait,
et auquel il rend compte de l'exécution du mandat secret qui lui a
été confié. Le terme juridique qui caractérise
aussi cette situation est prête-nom », V. Dictionnaire
juridique, disponible sur
https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/homme-de-paille,
consulté le 17 mai 2021, à 13h 12'.
23 J. MONEGER, « De l'ordonnance de
Colbert de 1673 sur le commerce au code de commerce français de
Septembre 2000 : Réflexion sur l'aptitude du droit économique et
commercial à la codification », dans Revue internationale de
droit économique 2004/2 (t. XVIII, 2), p.171 à 196,
disponible sur
https://www.cairn.info,
consulté le 11 janvier 2021 à 22h 13' ; cf. R. Szramkiewicz,
Histoire du droit des affaires, Montchrestien, Paris, 1989, n°372
s.
5
commandite24. Ces règles
furent reprises et complétées par la loi n° 66-537 du 24
juillet 196625. Le Code de commerce français
actuel réitère les mêmes principes quant à la
société en commandite simple26.
Cependant, avec l'émergence de la société
à responsabilité limitée introduite en droit
français par la loi du 7 mars 192527, la
société en commandite simple a été ignorée
au profit des sociétés à risque limité. Plusieurs
États africains, plus précisément ceux de l'Afrique de
l'ouest francophone, sur trois décennies après les
indépendances, continuaient d'appliquer le droit français des
sociétés commerciales, en l'occurrence, le Code de commerce
français de 1807 sous ses diverses formes révisées.
L'institution de la commandite simple dans l'espace OHADA
aujourd'hui ne signifie pas que cette forme sociale eut l'assentiment de tous
les législateurs nationaux de par le passé. Parmi les Etats de
l'Afrique Occidentale Francophone (AOF) qui ont réceptionné le
droit français d'avant les indépendances pour en faire le leur,
certains28 avaient supprimé la
société en commandite simple de leurs législations
commerciales. C'est donc l'Acte Uniforme portant organisation des
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique qui a réintroduit la société en
commandite simple dans la législation de ces États par le biais
du droit de l'espace OHADA. Toutefois, dans l'espace OHADA, la
société en commandite simple peine à se faire une
existence pratique réelle. Elle provoque aussi la méfiance dans
le cercle des opérateurs
économiques29 par sa quasi-absence dans les
pays membres de
24 V. l'ordonnance de 1673 sur le commerce
encore connue sous le code Savary, titre IV, art. 2, disponible sur
www.legifrance.gouv.fr,
consulté le 18 mars 2021, à 22h 04'.
25 V. loi française, n° 66-537 du
24 juillet 1966, art. 23 à 33, disponible sur
www.legifrance.gouv.fr,
consulté le 23 mars 2021, à 23h 217'.
26
C. com. français, éd. Dalloz,
2019, art. L. 222-1 à 222-12, ces textes reprennent exactement les
dispositions de la loi du 24 juillet 1966.
27 P. MERLE, op. cit., n° 173,
p.197.
28 En Guinée Conakry, la SCS fut
supprimée par la loi N° 66-22 du 1er septembre 1962, art. 3 et au
Mali, l'ordonnance n° 58 du 14 octobre 1975 portant sur la
règlementation de la profession de commerçant, art. 15, cette
ordonnance a été rendue applicable par le décret N°
189 du 14 novembre 1975 ; V. G. MEISSONNIER (dir.), « Droit des
entreprises » in Encyclopédie juridique de l'Afrique, Les
Nouvelles Editions Africaines, 1982, Abidjan, Dakar, Lomé, p. 102 ; la
SCS fut retirée de la règlementation commerciale du
Sénégal par la loi n°8540 du 29 juillet 1985 portant
quatrième partie des obligations civiles et commerciales, art. 1080.
29 Aux termes de l'article L. 1220-1 du Code
de la commande publique en vigueur en France depuis le 1er avril
2019, « est opérateur économique toute personne physique
ou morale, publique ou privée, ou tout groupement de personnes
doté ou non de la personnalité morale, qui offre sur le
marché la réalisation de travaux ou d'ouvrages, la fourniture de
produits ou la prestation de services » ; V. CJCE, 23 avril 1991,
Höfner, aff. C41/90, disponible sur
http://www.marche-public.fr,
consulté le 22 février 2021, à 20h 23'.
6
l'OHADA30. La
société en commandite simple est une société dont
l'espèce est menacée de disparition selon certains auteurs en
France31.
En droit positif marocain, elle est régie au articles
20 à 31 de la loi n° 5-96 portant sur la société en
nom collectif, la société en commandite simple, la
société en commandite par actions, la société
à responsabilité limitée et la société en
participation. Cette loi a été promulguée par le Dahir
n° 1-97-49 du 13 février 1997. L'article 20 de ladite loi dispose
expressément que les associés commandités ont le statut
des associés en nom collectif et que les commanditaires, sans
possibilité d'être apporteur en industrie, répondent des
dettes sociales seulement à concurrence du montant de leur apport.
Au Québec, le législateur a admis la
possibilité pour la société en commandite de faire
publiquement appel à l'épargne, contrairement au droit OHADA et
à la pratique habituelle des sociétés de
personnes32. En droit allemand, la
société en commandite simple est appelée la
Kommanditgesellschaft (KG) dont le commandité est
personnellement responsable. Cette forme sociale permet d'allier la
transparence fiscale d'une société de personnes et la limitation
de responsabilité des sociétés de capitaux33.
Elle ne se confond pas avec la « Gesellschaft mit beschränkter
Haftung und Compagnie Kommanditgesellschaft » (GmbH & Co KG).
Cette dernière est la société en commandite à
responsabilité limitée de droit allemand. Il s'agit d'une forme
sociale issue de la combinaison entre le régime juridique de la
commandite simple et celui de la société à
responsabilité limitée.
Depuis l'institution de cette forme sociale dans l'espace
OHADA, la société en commandite simple peine à se faire
une place dans la sous-région. L'AUSCGIE révisé en 2014,
prévoit désormais que les dispositions relatives à la
société en nom collectif sont applicables à la
30 Les investigations que nous avons
menées dans certains pays nous ont permis de retenir ce qui suit : Dans
les pays comme le Togo, le Benin, le Burkina-Faso, le Niger, il n'existe pas de
trace de création d'une SCS. Au Mali, il semble que deux SCS auraient
été constituées au cours des années 2010 et
seraient dissoute entre 2012 et 2014. Mais la vérification de telles ne
nous a pas été possible du fait des difficultés
d'accès aux documents administratifs. En Côte d'Ivoire, entre 2005
et 2017, plus de 10 sociétés en commandite simple ont
été créées soit par modification d'une autre forme
sociale soit par acte de constitution, Cf
https://business.abidjan.net,
consulté le 12/04/2020 à 23h 16 et récemment en date du
19/05/2021 à 13h 45'.
31 A. VIANDIER (dir.), J. HILAIRE, H. MERLE
et H. SERBAT, La société en commandite entre son passé
et son avenir, op. cit., n° 1.
32 V. Code civil québécois
(C.c.Q.), art. 2237, le Code civil du Québec est disponible sur
http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/pdf/cs/CCQ-1991.pdf,
consulté le 12/02/2021, à 11h 47'.
33 H. LAINÉ, « La
société en commandite à responsabilité
limitée de droit allemand (GmbH & Co KG) : aspects juridiques et
fiscaux », in Revue dossier d'information thématique juridique
et fiscale allemande, Janvier 2005, N° 1, p. 2, disponible sur :
www.avolegal.de, dans GmbH interne,
consulté le 12/02/2020, à 22h 56'.
7
société en commandite34. Cette
réforme s'était inscrite dans la dynamique de rendre plus
attractifs les instruments juridiques relatifs aux sociétés
commerciales du droit OHADA dont la commandite simple.
Nonobstant la portée significative des avantages
qu'offre la société en commandite simple, les opérateurs
économiques dans l'espace OHADA ont tendance à choisir d'autres
formes sociales comme la société à responsabilité
limitée, les sociétés par actions et quelques fois la
société en nom collectif. La SCS n'a jamais été
créée dans certains Etats membres de l'espace OHADA.
A notre connaissance, les Centres de Formalités des
Entreprises (CFE) de certains Etats membres de
l'OHADA35 n'ont pas encore enregistré de
dossier de constitution d'une SCS. Au Mali, l'existence d'aucune
société en commandite simple ne peut être confirmée
jusqu'à nos jours36. Au
Sénégal, la SCS connait une existence difficile à
confirmer en pratique. Toutefois, la constitution d'une commandite simple a
été signalée sur un site d'annonces légales
sénégalais37. Le seul Etat
francophone membre de l'OHADA, sur le territoire duquel la pratique de la SCS
serait réelle, est la Côte d'Ivoire38.
La SCS ne parvient toujours pas à connaitre une pratique effective dans
l'espace OHADA malgré l'amélioration qu'a connue son
régime juridique dans l'Acte Uniforme révisé.
D'où la nécessité de s'interroger sur la
véritable raison d'être de cette forme sociale dans l'AUSCGIE. En
d'autres termes, la société en commandite simple a-t-elle une
utilité en droit OHADA ?
Pour mieux répondre à ces interrogations, il est
important de préciser que la société en commandite simple
présente divers inconvénients. Ces inconvénients sont
inhérents à son régime juridique. Que ce soit à
l'interne ou à l'externe, les associés en commandite simple ne
sont pas traités avec égalité. Des règles
gouvernant sa constitution jusqu'aux règles régissant
34 AUSCGIE, art. 293-1.
35 C'est le cas des pays comme le Togo, le
Burkina-Faso, le Benin, le Niger et le Mali.
36 Cf. le site d'annonces légales du
guichet unique pour la création d'entreprises au Mali,
https://docplayer.fr, consulté
le 11 mars 2021, à 18h 14.
37 Cf. le site d'annonces du RCCM de Dakar :
https://seninfogreffe.sn,
consulté le 17/04/2021, à 12h15'.
38 A titre d'exemple, l'on peut citer : La
SNR International West Africa ou la CNRI (W.A) SCS, société au
capital social de 1000 000 FCFA enregistrée au Plateau le 24
décembre 2014. Son siège est fixé à
Abidjan-Immeuble KHARRAT, Angle le Avenue Noguès, Boulevard Botreau
Roussel, Abidjan Plateau, 01 BP. 8707 Abidjan 01, Côte d'Ivoire ; Cf.
https://business.abidjan.net,
consulté le 12/04/2020 à 23h 16 et récemment en date du
19/05/2021 à 13h 45'. Il y existe plusieurs avis de constitution de SCS
en Côte d'Ivoire.
8
sa dissolution, il n'y a que dissuasion du fait des
inégalités criardes. Ce sont ces raisons tirées de la
réglementation même de la société en commandite
simple qui sa quasi inexistence dans l'espace OHADA.
Toutefois, le manque de pratique de la SCS n'est en aucune
manière la preuve de son inutilité absolue. Les
inconvénients dont il est fait mention précédemment ne
sont qu'apparents. La société en commandite simple offre divers
avantages qui sont ignorés des acteurs économiques de l'espace
OHADA. Elle permet de combiner les efforts de l'entrepreneur et du bailleur de
fonds. Sa constitution est facile du fait de la non exigence d'un capital
social minimum. Les règles relatives à sa gestion sont gage d'une
efficacité inédite.
L'intuitus personae qui caractérise la SCS,
permet aux associés de limiter l'entrée de nouvelles personnes, y
compris des commanditaires, d'où une sécurité de
l'activité sociale et l'intérêt des associés.
Même s'il y'a lieu de réviser son régime, ce serait de
façon superficielle eu égard à certains principes des
sociétés de personnes. Les principes qui gouvernent les
sociétés de personnes et en particulier la commandite simple
connaissent une légère révolution. Les
sociétés pérennes sont celles dont les régimes
juridiques s'assouplissent de plus en plus grâce à l'emprunt de
principes initialement prévus pour d'autres formes sociales.
Mener une réflexion sur la société en
commandite simple en droit OHADA aujourd'hui revient à analyser le
régime juridique de cette société. Il ne s'agira pas de
présenter littéralement les conditions de constitution ou les
règles qui régissent le fonctionnement de cette
société. Il s'agira de relever, au regard des dispositions de
l'AUSCGIE, les inconvénients qui semblent justifier la non
création de la SCS puis de démontrer que ces défauts ne
peuvent pas occulter les atouts que représente la commandite simple au
sein de l'espace OHADA.
Ce thème permet d'exposer les raisons qui expliquent
l'extrême rareté de la société en commandite simple
dans l'espace OHADA. Sur le plan théorique, il permet de constater que,
même bien avant l'avènement du droit OHADA, certains États
de l'espace, aujourd'hui membres de l'OHADA s'étaient déjà
interrogés sur l'utilité de cette forme de société
dans leurs législations respectives. La conclusion qu'elle ne servait
à rien avait justifié sa suppression, ensemble avec la
société en commandite par actions, des législations
malienne,
9
guinéenne39 puis de la
législation sénégalaise40.
Lors de l'adoption de l'AUSCGIE, ces Etats, même s'ils avaient
l'intention de s'opposer à l'introduction de la SCS, leurs voix auraient
été minoritaires fasse à celles des autres pays
signataires du Traité de l'OHADA.
Ainsi, la réflexion sur la société en
commandite simple permet de se rendre compte que le renvoi aux dispositions
relatives à la SNC ne comble pas suffisamment le régime juridique
de la SCS. C'est aussi l'occasion de relever que la doctrine accorde moins
d'écrits à la société en commandite simple et cela
est dû au désintérêt suscité par cette forme
de société. Les auteurs sont tous préoccupés
à débattre des sociétés existantes en pratique et
offrant de réels intérêts économiques comme la SARL,
la SA, la SAS et la Société coopérative apparue en
2014.
Si la société en commandite simple
complète le binôme des sociétés de
personnes41, sur le plan pratique, la
présente étude permet d'attirer l'attention du législateur
sur les défauts du régime de cette société par
rapport aux autres sociétés. La SCS n'a pas la même
attractivité dans le monde des affaires que les autres
sociétés commerciales.
Il est primordial, eu égard au défaut de la
pratique de la société en commandite simple dans l'espace de
l'OHADA, de démontrer que la commandite simple est une
société aux inconvénients apparents
(première partie) avant de relever la
méconnaissance des potentialités de cette forme sociale
(deuxième partie).
39 G. MEISSONNIER (dir.), « Droit
des entreprises » in Encyclopédie juridique de
l'Afrique, Les Nouvelles Editions Africaines, 1982, Abidjan, Dakar,
Lomé, p. 102 ; en Guinée, V. Loi N° 66-22 du 1er
septembre 1962, art. 3 et au Mali, V. Ordonnance n° 58 du 14 octobre 1975
portant sur la règlementation de la profession de commerçant,
art. 15, cette ordonnance a été rendue applicable par le
décret N° 189 du 14 novembre 1975. Ces deux premiers Etats avaient
supprimé les sociétés en commandite simple et en
commandite par actions de leurs législations.
40 La SCS fut retirée de la
règlementation commerciale du Sénégal par la loi
n°8540 du 29 juillet 1985 portant quatrième partie des obligations
civiles et commerciales, art. 1080.
41 Les deux sociétés de personnes
de référence en droit OHADA sont la SNC et la SCS.
10
PARTIE I.
UNE SOCIÉTÉ AUX INCONVÉNIENTS
APPARENTS
11
La rareté de la SCS est une réalité
incontestable reconnue par certains acteurs de la recherche
scientifique42. Même en droit français
où elle avait atteint son apogée jadis, elle y tend
désormais à relever de l'histoire. Nonobstant les efforts qui ont
été consentis par le législateur OHADA pour rendre plus
attractif le régime juridique de la société en commandite
simple lors de la réforme de 2014, cette forme sociale reste rare.
La SCS serait la première société
commerciale qui n'est pratiquement pas pratiquée dans l'espace OHADA.
Qu'il s'agisse de leurs droits politiques ou financiers, les associés de
la société en commandite simple ne sont pas traités avec
égalité. Les commandités ont plus de prérogatives
que les commanditaires en ce qui concerne la gestion sociale et la prise de
certaines décisions collectives.
La prépondérance des pouvoirs du
commandité s'illustre par l'approbation du projet de cession des parts
sociales d'un commanditaire à un tiers et dans l'adoption des
décisions devant entraîner la modification des statuts. En outre,
le régime juridique de la société en commandite simple
n'est pas complet. Ce sont les règles de société en nom
collectif qui s'appliquent pour des questions non réglementées
par son régime juridique. Il est souvent préférable de
créer directement la société en nom collectif que de
constituer la SCS dont le fonctionnement fera encore recourir aux règles
de la première.
Au regard de tout cela, il faut donc dire que la
société en commandite simple se caractérise par des
inégalités entre ses associés (chapitre
I) et sa législation par renvoi souffre
d'incomplétude (chapitre II).
42 Selon le Professeur CHEICK Abdou Wakhab
Ndiaye, « la société en commandite simple n'est pas
pratiquée dans l'espace OHADA malgré les efforts du
législateur qui a complété le régime de cette
société par les règles de la SNC depuis la réforme
de 2014 », propos recueillis du Professeur en personne, le 09 mars
2020 à l'Université Cheick Anta Diop de Dakar lors de notre
enquête sur l'existence des sociétés en commandite simple
au Sénégal.
12
CHAPITRE I.
LES INÉGALITÉS ENTRE ASSOCIES DANS LA
SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE
Les associés de la société en commandite
simple ne sont pas traités de la même façon. Les
commanditaires et commandités ont des statuts différents qui ne
voilent pas des situations de traitements inégalitaires. Tout comme en
droit public43, le droit des sociétés
privilégie une appréciation souple de la notion
d'égalité44. C'est ce qu'exprime la
doctrine lorsqu'elle affirme que l'égalité entre associés
s'apprécie in concreto et non in
abstracto45. Amplement
démontrée par Jean-Marc Moulin dans sa
thèse46, cette relativité fait partie
des rares sujets ayant fait l'unanimité en
doctrine47.
Aucune règle n'impose de les accorder à tous les
associés se trouvant dans des situations
identiques48. Les sociétés disposent
donc d'une grande marge de liberté dans leur utilisation, même si,
généralement, leur attribution repose sur une différence
de situations49 ou un souci de servir
l'intérêt social50. Pour le Professeur
NDIAYE Momath, « pour qu'il y ait inégalité, il faut
tout d'abord qu'il existe une différence de traitement qui ne peut
s'obtenir que par l'attribution ou l'imposition à certains
associés de prérogatives ou charges dissemblables à celles
qui auraient émané d'un partage proportionnel
»51.
L'inégalité dans certaines formes
sociétaires comme la SCS constitue une source de
complications52, donc un véritable
inconvénient. La société en commandite simple, au regard
de son régime juridique, présente plusieurs situations
d'inégalité, les unes inhérentes aux obligations des
associés (Section I) et les autres tenant à
leurs droits (Section II).
43 S. SCHILLER, «
L'égalité en droit des sociétés », in
L'égalité, Arch. phil. dr., t. 51, Dalloz, éd.
2008, p. 119, spéc. n°13, p. 125.
44 S. TORK, « Le rachat par les
sociétés cotées de leurs propres actions (article L225-209
du Code de commerce) et le principe d'égalité des actionnaires
», Bull. Joly Bourse, 2002, p. 509, spéc. n°4.
45 J. MESTRE, « L'égalité
entre associés, (aspects de droit privé) », Rev.
Sociétés, 1989, p. 399 et s.
46 J.-M. MOULIN, Le principe
d'égalité dans la société anonyme, th.,
Université d'Aix-Marseille, 1999, p. 14.
47 P. COPPENS, L'abus de majorité
dans les sociétés anonymes, th. Paris, 1945, n°45, p.
69.
48 S. SCHILLER, op. cit., p. 119,
spéc. n°15.
49 P. CORDONNIER, De l'égalité
entre actionnaires, thèse, Paris, 1924, p. 19.
50 Ibid. n°15, pp. 49 et 50.
51 M. NDIAYE, L'inégalité
entre associés en droit des sociétés, thèse de
doctorat, Université Paris I, Panthéon Sorbonne, juillet 2017, p.
136.
52 M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY,
Droit des sociétés, 31ème éd.,
Paris, 2018, p. 661.
13
SECTION I. LES INÉGALITÉS RELATIVES AUX
OBLIGATIONS DES ASSOCIÉS
Les associés en commandite simple subissent une
différence de traitement dans leurs obligations à la dette
sociale (§ I). Parallèlement, il faut y adjoindre
leur obligation de ne pas concurrencer la société (§
II).
§ I. L'INÉGALITÉ INHÉRENTE À
L'OBLIGATION À LA DETTE SOCIALE
La dette est dite sociale lorsqu'elle a été
contractée au nom et pour le compte de la société. Elle se
distingue des pertes53. La responsabilité du
commandité pour la dette sociale est objective (A)
tandis que celle du commanditaire est subjectivement nuancée
(B).
A. Une responsabilité objective pour le
commandité
La responsabilité du commandité vis-à-vis
des créanciers sociaux s'apprécie objectivement, sans faute.
C'est en cela que l'obligation du commandité est lourde, donc objective.
Cette obligation est d'ailleurs la caractéristique la plus remarquable
des associés de la SNC54.
Le commandité répond solidairement et
indéfiniment des dettes sociales55. Le
caractère indéfini de cette obligation consiste, pour le
commandité, à être tenu du passif social sur ses biens
personnels. L'obligation solidaire suppose la possibilité pour le
commandité d'être tenu de payer l'intégralité de la
dette sociale en lieu et place des autres. Ici l'obligation est plus
sévère que l'obligation conjointe56
prévue pour les sociétés
civiles57.
La jurisprudence française en a posé
l'impossibilité pour un tel associé de bénéficier
de l'application de l'article 1415 du Code civil. Ce texte dispose : «
chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses
revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient
été contractés avec le consentement exprès de
l'autre conjoint ». La
53 K. ALEMAWO, « La condition du
nu-propriétaire de droits sociaux », disponible sur
http://www.ohada.com, Ohadata
D-12-51, p. 11, consulté le 11 mars 2021 à 13h 15. L'auteur
explique clairement, tout en reconnaissant la nuance entre les notions de
dettes sociales et pertes, « les dettes sociales sont des sommes dues
par la société à une ou plusieurs créanciers. Elles
sont envisagées dès lors que la créance entre dans le
passif social et devient exigible ».
54 J. Ch. PAGNUCCO, « L'obligation à
la dette de l'associé indéfiniment responsable », RTD
com. 2012, n° 55.
55 V. AUSCGIE, Art. 293-1, préc.
56 L'obligation conjointe est celle qui
impose au créancier poursuivant un groupe d'associés
débiteurs pour une dette collective, de diviser son action et poursuivre
indéfiniment chaque associé en fonction de sa participation dans
le capital social.
57 Art. 1857 du Code civil de 1956 en vigueur
au Togo et dans la plupart des anciennes colonies françaises d'Afrique
occidentale.
14
simple qualité d'associé en nom justifie
à suffisance la saisie des parts sociales détenues par celui-ci,
avec son époux commun en biens, dans une autre
société58.
Ainsi, le commandité est dans une situation
inconfortable et son sort dépend directement du destin de la
société. C'est à sa qualité de commerçant,
tout comme l'associé en nom, que s'attache cette obligation au passif
social59. L'ampleur des effets de la qualité
de commerçant du commandité a fait dire à certains
auteurs, dans un exercice de comparaison entre la société
à risque limité et la société à risque
illimité60, que « la
société à risque limité, c'est la croisière
sur un paquebot ; la société à risque illimité,
c'est toujours un plaisir nautique, mais sur un voilier, en participant aux
manoeuvres et en courant le risque du dessalage ».
Pour l'associé commandité, il n'y a pas une
véritable séparation de son patrimoine personnel avec celui de la
société. Même n'étant plus membre de la
société, le commandité reste toujours tenu au paiement de
la dette sociale pour le montant de la position débitrice du compte
courant de la société à la date de la publication de la
cession de ses droits sociaux, sous réserve des remises
postérieures61.
L'obligation solidaire et indéfinie n'épargne ni
le nouvel associé commandité qui entre dans la SCS en cours de
vie sociale, ni le commandité sortant. Le premier est tenu du passif
social, même antérieur à son
entrée62. Le second, reste tenu à
l'égard des tiers de la totalité du passif antérieur
à son départ63. Cet aspect
sévère de la responsabilité du commandité est de
près la principale raison qui explique la répulsion que suscite
cette société. Personne ne voudrait être dans la situation
de celui-ci.
Cette responsabilité illimitée du
commandité présentée, jadis, comme contrepoids de
l'irresponsabilité des commanditaires eut pour conséquence
néfaste, en France, la disparition progressive des
sociétés en commandite simple64.
Cependant, la responsabilité du commanditaire envers les
créanciers sociaux est subjective.
58 Cass. 1re Civ., 17 janvier 2006,
n° 55, D. 2006, p. 716.
59 A. VIANDIER, La notion d'associé,
op. cit., n°248 s.
60 M. COZIAN, A. VIANDIER, Droit des
sociétés, Litec, 1992, Paris, p. 426.
61 Cass. civ., 4 février 1997,
JurisData n° 1997-000443, disponible sur
https://www.legifrance.gouv.fr,
consulté le 22 avril 2021 à 22h 03'.
12 mars 1928, S. 1928, I, 226.
62 Req
63
Cass. Com. 10 fév. 1970, D.
1970. 441, note A. HONORAT ; sur la situation de l'associé qui a
cédé ses parts mais qui continue de s'immiscer dans la gestion,
Com. 16 déc. 1997, n° 95-169, Bull. Joly, 1998, 543,
n° 176, P. LE CANNU.
64 Ministère de la justice
français, Compte général, Paris, 1840 à
1978. Selon les données statistiques présentées dans ce
rapport, au sujet de l'évolution des sociétés commerciales
sur le territoire français, le nombre des
15
B. Une responsabilité subjective
nuancée pour le commanditaire
L'autre type d'associé sans lequel la SCS passerait
pour une SNC est le commanditaire, Cet associé est parfois
assimilé à un bailleur de fonds pour marquer qu'il n'est pas
commerçant65. C'est en cela que son
obligation au passif social est subjective. Le commanditaire est
l'associé de la SCS qui ne répond des dettes sociales qu'à
concurrence de ses apports. Celui-ci ne doit pas courir le risque de voir
s'ouvrir des poursuites contre sa personne, au point de faire l'objet d'une
procédure de liquidation.
Mais, le commanditaire est-il absolument à l'abri de
toute poursuite sur ses biens personnels ? Certes, son obligation aux dette
sociales est limitée à ses apports. Mais, il y a une nuance. Sa
responsabilité peut être étendue en fonction de sa faute
personnelle. En outre, dans la pratique, le banquier à qui s'est
présenté un commanditaire qui sollicite un prêt au nom de
sa société ne renverra pas ce dernier sous prétexte que ce
dernier n'est pas gérant. Il lui sera demandé des garanties
fortes afin de bénéficier du prêt. Un tel commanditaire
resterait tenu à l'instar d'un commandité gérant.
Le principe classique de la limitation de l'obligation du
commanditaire à l'apport qu'à fait ce dernier n'est pas absolu.
Ce principe est mal formulé. La doctrine a proposé de
plutôt dire que le commanditaire n'a d'autre obligation que de
réaliser son apport66. Il est donc
libéré s'il réalise son apport. Ainsi, les
créanciers sociaux ne peuvent le poursuivre
personnellement67.
A défaut de libération de son apport, le
commanditaire n'est pas à l'abri des poursuites par les
créanciers sociaux. C'est la première exception à la
règle de la limitation de son obligation. Dans ce cas, les
créanciers pourraient le poursuivre en initiant une action
oblique68. La jurisprudence reconnait de plus en
plus cette action aux créanciers et au syndic en France depuis
188769.
sociétés en commandite simple a varié :
328 SCS constituées en 1840, 1245 SCS en 1908 (année de
l'apogée des sociétés en commandite simple).
65 G. RIPERT et R. ROBLOT, Traité
de Droit commercial, L.G.D.J., 17ème éd. Paris,
1998, p. 942 ; J. HAMEL, G. LAGARDE, A. JAUFFRET, Droit commercial, t.
I, 2e vol., Sociétés, groupements d'intérêt
économique, entreprises publiques, par G. LAGARDE, Dalloz, 2e
éd. 1980, p. 193, n°501.
66 G. RIPERT et R. ROBLOT, op. cit., p.
946
67 CA Paris, 17 novembre 1902, D. 1903.
2. 496.
68 V. art. 1166 du Code civil en vigueur au
Togo ; V. Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris, 27è,
2020 : l'action oblique est « l'action en justice intentée par
un créancier au nom et pour le compte de son débiteur
négligeant et insolvable contre un débiteur de son
débiteur ».
69 Cass. civ., 4 janvier 1887, D. 87.
1. 124.
16
En outre, lorsque la preuve de l'immixtion du commanditaire
dans la gestion externe est rapportée, il doit être tenu pour
l'acte ou les actes concernés. Une autre interrogation est celle de
savoir qui d'entre le tiers créancier, le commandité et le
gérant doit rapporter la preuve de l'immixtion du commanditaire dans la
gestion externe. La logique voudrait que la charge de cette preuve pèse
sur le tiers créancier qui entend engager la responsabilité
solidaire et indéfinie du commanditaire.
Mais, de près, les premiers bénéficiaires
de l'engagement de la responsabilité solidaire et indéfinie des
commanditaires sont naturellement les commandités. Ces derniers se
réjouiraient de ne plus être les seuls à supporter le poids
des dettes sociales. Une fois l'immixtion prouvée, le commanditaire est
tenu solidairement et indéfiniment en fonction du nombre et de la
gravité des actes qu'il a accomplis70.
D'où une autre exception au principe de la limitation de la
responsabilité du commanditaire.
En dehors de la différence des associés de la
SCS quant à leurs droits, il faut reconnaître que certaines fois
l'insertion de clause statutaire de non-concurrence à la
société peut créer une inégalité.
§ II. L'OBLIGATION DE NON-CONCURRENCE À LA
SOCIÉTÉ
Le législateur OHADA n'a pas expressément
traité de l'interdiction des associés de concurrencer la SCS. Par
une interprétation déductive de l'article 1843-3 in fine
du Code civil71, la
doctrine72 retient que l'associé en nom et
donc, le commandité, serait rigoureusement tenu d'une obligation de
non-concurrence (A), tandis que le commanditaire en serait
moins concerné (B).
A. Une obligation rigide pour le commandité
Pour l'associé commandité de la commandite
simple, l'interdiction de concurrence est très rigide, même si
cela n'est pas matérialisé par une clause de
non-concurrence73. Plusieurs raisons apparentes
semblent justifier cette situation d'inégalité
préjudiciable au commandité.
70 AUSCGIE, art. 300 et ss.
71 C. civ., art. 1843-3, al. 6 : «
L'associé qui s'est obligé à apporter son industrie
à la société lui doit compte de tous les gains qu'il a
réalisé par l'activité faisant l'objet de son apport
».
72 Y. GUYON, Droit des affaires : Droit
commercial et sociétés, t. 1, Economica, Paris,
12e éd., 2005, p. 248.
73 « La clause de non-concurrence
est une règle prévue au sein du contrat de travail ou de la
convention collective par laquelle un salarié se voit imposer une
obligation de ne pas concurrencer l'entreprise pour laquelle il travaille
après son départ de celle-ci. L'intérêt d'une clause
de non-concurrence est donc d'empêcher le salarié de concurrencer
son ancien employeur après son départ de l'entreprise. A
contrario, en l'absence de
17
D'abord, du fait de sa qualité de commerçant,
apte à diriger la société, la loi lui accorde le
privilège des apports en industrie74. Or, le
Code civil prévoit clairement que l'associé qui s'est
obligé à apporter son industrie à la société
lui doit compte de tous les gains qu'il a réalisé par
l'activité faisant l'objet de son apport75.
C'est la première raison qui justifierait que le commandité soit
interdit d'exploiter ses compétences dans une structure autre que la
société en commandite dans laquelle il a fait un apporte en
industrie. Cette interdiction de concurrence, le commandité se doit de
la respecter au nom du devoir de loyauté qui pèse sur les
commerçants.
Or, toute personne jouit en principe d'une liberté de
la concurrence et de clientèle. Le Professeur Yves SERRA précise
à cet effet : « tout professionnel a vocation à
réunir autour de lui une clientèle dans le cadre de son
activité. Un commerçant ou un industriel (...), du fait
même de l'exercice de leur activité tendent à la formation
d'une clientèle »76. Tout
commandité devrait jouir de cette liberté de clientèle
lorsqu'il exerçait son activité antérieurement à
son entrée dans une société en commandite simple.
Ensuite, l'autre facteur explicatif de l'interdiction du
commandité de toute concurrence à la société est la
situation dans laquelle il cumule sa qualité d'associé avec les
fonctions de gérant. Dans ce cas, il serait rigoureusement interdit de
concurrencer la société dans la mesure où il est en
position d'un potentiel détenteur d'informations confidentielles
relatives à la société. Le commandité gérant
pourrait détourner la clientèle de la SCS au profit de son propre
fonds de commerce et causer, par-là, un préjudice à la
société. Mais cet argument serait insuffisant dans la mesure
où tout commandité n'est pas forcément gérant. Le
législateur devra donc libérer le commandité non
gérant de l'obligation de non-concurrence à la
société.
Enfin, l'obligation de non-concurrence du commandité
envers la société prend une ampleur considérable lorsque
ce dernier jouit du statut de salarié dans la société.
Dans cette situation, le seul fait d'être lié à la
société par un contrat de travail lui enlève
complètement tout droit d'utiliser ses compétences en dehors du
cadre social ou d'exercer toute autre activité
clause de non-concurrence, c'est le principe de
liberté du travail qui s'applique. Le salarié est alors libre de
se faire embaucher dans une entreprise concurrente ou de créer une
entreprise concurrente » ; définition
disponible sur
https://droit-finances.commentcamarche.com/salaries/guide-salaries/1253-clause-de-non- concurrence-definition-validite-exemple-indemnite/,
consulté le 21 avril 2021, à 23h 23'.
74 AUSCGIE, art. 50-1 : « Les
apports en industrie sont réalisés par la mise à la
disposition effective de la société de connaissances techniques
ou professionnelles ou de services ».
75 C. civ., art. 1843-3, al. 6, préc.
76 Y. SERRA, La non concurrence en
matière commerciale, sociale et civile (Droit interne et
communautaire), Dalloz, Paris, 1re éd. 1991, n° 3,
p. 2.
18
concurrente. Le principe de la non-concurrence à
l'égard de ce commandité, s'il est apporteur en industrie, aurait
une double portée. D'une part, en vertu de sa qualité
d'associé apporteur en industrie et, d'autre part, en vertu du contrat
de travail qui le lie à la société.
Certes, il n'est pas interdit qu'un associé en nom ou
un commandité fasse partie d'une autre
société77, même en nom
collectif ou en commandite simple, en qualité de commandité ou
d'exploiter personnellement un fonds de commerce. Mais, il s'agit d'un
problème d'exclusivité, car l'activité extra-sociale de
l'associé peut être sans rapport avec l'objet social. De telles
pratiques semblent contraires à l'affectio societatis, et, par
conséquent, fautives, même si elles ne constituent pas, en
elles-mêmes, une concurrence
déloyale78. Toutefois, l'obligation du
commandité de ne pas concurrencer la société, quoique
légale, demeure un facteur d'inégalité car elle porte
atteinte à la liberté d'industrie et de commerce du
commandité.
L'interdiction de concurrence qui pèse sur le
commandité est considérable, tandis que le commanditaire serait
vraisemblablement libre de cette interdiction vis-à-vis de la
société.
B. Une obligation souple pour le
commanditaire
Au sujet de l'interdiction de concurrence du commanditaire,
une interrogation mérite d'être posée. C'est celle de
savoir si ce dernier est astreint à ne pas concurrencer la
société au même titre que le commandité. Pour le
commanditaire, cette interdiction n'aurait pas d'importance, car il n'a pas
vocation à participer à la gestion externe de la
société. De ce fait, lui interdire de concurrencer la
société paraîtrait absurde. En effet, le commanditaire n'a
pas la qualité de commerçant au sein de la SCS et il ne doit
aucunement traiter avec les tiers. C'est également lui que la loi exclut
de la gestion externe de la
société79. En outre, il n'a pas
à faire un apport en industrie à la société. Dans
ces conditions, il serait extrêmement attentatoire à sa
liberté de commerce et d'industrie de lui interdire de mener directement
ou indirectement une activité similaire à celle qu'exerce la
société dans laquelle il détient des parts sociales.
Si la non-concurrence devrait être formulée
à l'encontre du commanditaire, ce serait exclusivement à la seule
condition qu'il soit lié à la société par un
contrat de travail. Dans ce cas, les développements
précédemment avancés au sujet du commandité
salarié seraient valables pour son statut, mais uniquement en sa
qualité de salarié.
77 Y. GUYON, op. cit., p. 248, n°
254.
78 Civ. 3e, 12 oct. 1971, Bull.
civ. III, n°486, p. 347.
79 AUSCGIE, art. 299.
19
Néanmoins, le commanditaire peut courir le reproche
d'une concurrence déloyale ou illégale. Aussi, doit-il s'abstenir
de toutes pratiques déloyales80. Ce reproche
est possible au cas où il s'installe dans le même espace que sa
société, avec pour seul dessein de faire couler celle-ci. Mais,
dans cette situation la preuve de l'intention du commanditaire pourrait
être difficile à rapporter. Par ailleurs, vu qu'il peut toujours
faire le commerce par personne interposée, il serait difficile à
la société de savoir si tel ou tel commanditaire respecte
réellement l'interdiction de concurrence à la
société.
La souplesse du devoir de non-concurrence du commanditaire
marque une fois de plus l'inégalité incontestable entre les deux
catégories d'associé. Pourtant, étant tous des
associés avec des droits et intérêts personnels à
défendre, il serait plus juste d'interdire légalement aux
commanditaires de s'installer dans la même zone que la SCS. A
défaut, l'obligation de non-concurrence du commandité devrait
être assouplie au même titre que celui du commanditaire.
Au sujet des associés de la SCS, le
déséquilibre n'existe pas uniquement quant à leurs
obligations. Ils sont aussi et surtout différemment traités par
le législateur quant à leurs droits.
SECTION II. LES INÉGALITÉS
INHÉRENTES AUX DROITS DES ASSOCIÉS
Dans le cadre de certaines opérations ou
décisions81, les commanditaires sont souvent
victimes d'inégalités légalement prévues.
Contrairement à ces derniers, les commandités sont dotés
de certains droits dans la société et sont les seuls reconnus
à agir hors de la société. Ainsi, ces
inégalités entre les commandités et les commanditaires de
la SCS concernent leurs droits tant individuels (§ I) que
collectifs surtout des commanditaires (§ II).
§ I. L'INÉGALITÉ FONDÉE SUR LES DROITS
INDIVIDUELS
Il existe une différence de traitement des
associés de la SCS dans la cession82 des
parts sociales (A) et dans l'exercice du contrôle de la
gestion sociale(B).
80 Les pratiques déloyales,
créatrices de concurrence déloyale, sont les comportements
contraires aux usages loyaux du commerce, tels que la création d'une
confusion entre entreprises ou produits concurrents, le dénigrement des
entreprises et des produits rivaux.
81 Lors des décisions collectives par
exemple, V. AUSCGIE, art. 302 à 306.
82 La cession est la transmission des droits
entre vifs. Elle est synonyme de la vente.
20
A. L'inégalitaire droit de la cession des parts
sociales
Les parts sociales83,
contreparties des apports84, constituent des biens
pour les associés. En tant que biens, elles devraient conférer
à leurs titulaires des droits exclusifs et absolus, avec une
liberté de cession. Cependant, une inégalité assez visible
caractérise l'opération de cession des parts sociales dans la
SCS.
Le législateur a posé le principe selon lequel
les parts sociales de la SCS ne peuvent être cédées qu'avec
le consentement de tous les associés. Il a aussi indiqué des cas
dans lesquels les associés peuvent prévoir des clauses traitant
de leurs droits de cession des parts sociales 85. Ainsi, la
faculté est laissée aux associés de prévoir trois
situations possibles.
D'abord, ils peuvent prévoir que les parts des
commanditaires sont librement cessibles entre associés. Ensuite, il est
possible de stipuler que les parts sociales des associés commanditaires
ne peuvent être cédées à des tiers étrangers
à la société qu'avec le consentement de tous les
associés commandités et de la majorité en nombre et en
capital des associés commanditaires. Enfin, concernant le
commandité, les statuts peuvent stipuler qu'un associé
commandité peut céder une partie de ses parts à un
commanditaire ou à un tiers étranger à la
société avec le consentement de tous les associés
commandités et de la majorité en nombre et en capital des
associés commanditaires86. Certes, de telles
dispositions respectent la spécificité de la qualité des
associés tant commanditaires que commandités.
Toutefois, il s'agit d'une sorte de discrimination
laissée à la faculté des associés. C'est un manque
de considération à l'égard des commanditaires qui sont des
associés au même titre que les commandités. La
discrimination dont il est question consiste à priver les commanditaires
des mêmes pouvoirs de décisions que seuls les commandités
détiennent. Ces pouvoirs sont relatifs à l'autorisation de vente
des parts sociales. Non seulement, ils n'ont pas un pouvoir significatif lors
de la cession des parts appartenant aux commandités, mais en plus, la
cession de leurs propres parts sociales dépend du pouvoir de
décision des commandités.
83 Les parts sociales, suivant la
définition de la notion de société, peuvent être
définies comme les droits attribués aux associés en guise
de récompense, proportionnellement aux apports qu'ils ont
effectués dans la société.
84 Les apports sont « tous biens mis
en commun par les associés lors de la constitution d'une
société », V. Lexique des termes juridiques, op.
cit.
85 AUSCGIE, article 296.
86 AUSCGIE, article 296, préc.
21
Or, si au nom de l'intuitus
personae87, il n'est pas permis à tout
individu d'acquérir facilement des parts sociales dans une SCS, le
commanditaire ne devrait pas être totalement sous ce principe. En effet,
il ne faut tout de même pas perdre de vue que le commanditaire
répond le mieux au régime juridique d'un associé à
risque illimité. Il ne devrait pas être fortement lié par
les impératifs de l'intuitus personae qui sont le propre de la
véritable société de personnes. Le législateur de
l'OHADA, tout comme celui français, semble prendre peu en compte la
présence du commanditaire dans la société en commandite
simple. Il faut reconnaitre que la SCS n'est pas totalement une
société de personnes. Elle ne devrait plus être
considérée comme une société de personnes, mais
comme une société mixte88.
La présence du commanditaire en est la raison. En
conséquence, il ne devrait pas y avoir de restrictions ni d'obstacle
à l'encontre des commanditaires quant à la cession de leurs parts
sociales. En outre, les parts sociales détenues par ces derniers
devraient être librement cessibles tant entre associés qu'à
l'égard des tiers. A défaut d'une telle libéralisation aux
profits des commanditaires, c'est la cession des parts des commandités
que le législateur devrait soumettre à l'approbation des
commanditaires ou accorder à tous les associés les mêmes
pouvoirs.
Au-delà de cette inégalité qui
caractérise les pouvoirs des associés quant aux décisions
portant sur la cession de leurs parts sociales, l'autre droit individuel dont
la répartition est critiquable est le pouvoir de contrôle de la
gestion sociale.
B. La répartition
inadéquate du pouvoir de contrôle des associés
Les associés doivent être tenus informés
de ce qui se passe dans la société : c'est le droit de
contrôle de la gestion reconnu aux associés non-gérants. Le
déséquilibre de traitement des associés de la SCS
s'étend à ce droit de contrôle de la gestion sociale de
façon ambigüe. Une chose ambigüe est celle qui peut
s'interpréter de différentes façons. L'AUSCGIE dispose que
« les associés commanditaires et les commandités non
gérants ont le droit, deux fois par an, d'obtenir communication des
livres et des documents sociaux et de poser par écrit des questions sur
la gestion sociale, auxquelles il doit être répondu
également par écrit »89.
87 L « intuitus personae »
est une locution latine qualifiant un contrat qui est conclu en
considération du type ou de la qualité des relations existant
entre les personnes qui le signent, cf. Dictionnaire juridique,
disponible sur
https://www.dictionnaire-juridique.com,
consulté le 23 mars 2021, à 12h 18'.
88 La nature mixte de la SCS tient à
la présence, dans cette société d'un « actionnaire
», le commanditaire, et d'un véritable associé d'une
société de personne, le commandité.
89 AUSCGIE, art. 307.
22
Les commandités ont un statut identique à celui
des associés de la société en nom collectif. Or, dans la
société en nom collectif, « les associés non
gérants ont simplement le droit de consulter, au siège social,
deux fois par ans, tous les documents et pièces comptables ainsi que les
procès-verbaux des délibérations et des décisions
collectives »90. S'ils désirent en
faire copies pour emporter, c'est à les feront à leurs frais.
Or, pour ce qui est du contrôle dans la SCS, le
législateur a accordé aux commandités non gérants
des privilèges dont ne disposent pas les associés non
gérants de la société en nom. Il n'y a pas de
justification suffisante pouvant expliquer ce privilège des
commandités non gérants de la SCS par rapport aux associés
non gérants de la SCS. L'attention particulière accordée
aux associés non gérants de la SCS est justifiée par le
fait que dans ce type de société, seule l'assemblée
générale annuelle est obligatoire.
L'information des associés non gérants est
indispensable. Pour cela, il est juste, qu'en plus de leur droit de poser par
écrit des questions, qu'ils puissent également obtenir, deux fois
par ans, communication des livres et des documents
sociaux91. Mais il y a également lieu
d'interpréter cette disposition comme visant à empêcher des
risques d'inefficacité du contrôle dans la mesure où il
n'est pas bien que le gérant soit à la fois son propre
contrôleur. Cela conduirait aussi inévitablement à des
conflits d'intérêts entre le gérant qui, conscient de la
mauvaise gestion qu'il aurait faite, voudrait protéger ses
arrières à tout prix.
Cependant, l'analyse des règles de la SCS impose un
contrôle distributif92, tenant compte,
à la fois du statut des commandités et de celui des
commanditaires. Ces derniers devraient bénéficier du statut des
associés de la SARL. Il serait convenable de leur accorder le droit
d'obtenir, deux fois par ans, la communication des livres et des documents
sociaux et de poser par écrit des questions sur la gestion
sociale93. Les commandités non
gérants, quant à eux, devraient simplement exercer leur droit de
contrôle comme des associé en nom, conformément à
l'article 289 de l'AUSCGIE qui dispose que « les associés non
gérants ont le droit de consulter, au siège social, deux (2) fois
par an, tous les documents et pièces comptables ainsi que les
procès-verbaux des délibérations et des décisions
collectives. Ils ont le droit d'en prendre copie à leurs frais. Ils
doivent avertir les gérants de leur intention
90 AUSCGIE, art. 289 et ss.
91 J. ISSA-SAYEGH, P-G POUGOUE et F. M.
SAWADOGO (dir.), Traité et Actes uniformes commentés et
annotés, OHADA, Juriscope, 2018, V. notes sous l'article 307 de
l'AUSCGIE.
92 Le contrôle distributif ici consiste
à accorder à chaque associé de la SCS un droit de
contrôle qui correspond à son statut. Cela revient à
restreindre le pouvoir de contrôle des commandités non
gérants qui ne doivent pas bénéficier des mêmes
prérogatives que les commanditaires.
93 AUSCGIE, art. 345 al. 6.
23
d'exercer ce droit au moins quinze (15) jours à
l'avance, par lettre au porteur contre récépissé ou par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou
télécopie. Ils ont le droit de se faire assister par un
expert-comptable ou un commissaire aux comptes à leurs frais.
»
Pour trancher de manière simple cette question
liée au contrôle de la gestion de la SCS, il est
préférable de recourir à la solution du législateur
français qui n'a réservé ce droit de contrôle
exclusivement qu'aux commanditaires. Le Code de commerce en précise les
modalités94. Pour ce qui est du
contrôle par les commandités, ces derniers doivent exercer ce
droit dans les mêmes conditions que les associés en nom,
puisqu'ils ont les mêmes droits que les associés en
nom95. Aussi, en attribuant ce pouvoir de
contrôle uniquement aux commanditaires et aux commandités non
gérants, le législateur a-t-il manqué de
spécialisation96 ou de prendre en compte la
qualité primaire de chaque gérant dans ces dispositions relatives
au contrôle de la gestion dans la SCS. Les associés peuvent
décider que la gestion sera collégialement assumée soit
par un seul commandité, ou au moins deux commandités ou encore,
par un commandité et un tiers, chaque gérant ayant des fonctions
spécifiques lui permettant d'agir indépendamment.
Au-delà de ces inconvénients relatifs aux droits
individuels des associés de la SCS, il existe encore bien d'autres
situations dans lesquelles des discriminations sont exercées à
l'encontre du commanditaire.
§ II. LES DISCRIMINATIONS COLLECTIVES CONTRE LES
COMMANDITAIRES
Le commanditaire est discriminé, entre vifs, lors des
décisions collectives (A) et même son
décès n'a pas d'incidence sur la vie sociale
(B).
A. L'injustice légitime entre vifs contre le
commanditaire
L'injustice dont est victime le commanditaire ou l'ensemble
des commanditaires pendant la vie sociale, quoique normale, s'apprécie
par rapport à la défense d'immixtion dans la gestion externe et
aux décisions collectives.
94
C. com. français, Dalloz, 2019, art.
L. 222-7 : « Les associés commanditaires ont le droit, deux
fois par ans, d'obtenir communication des livres et documents sociaux et de
poser par écrit des questions sur la gestion sociale, auxquelles il doit
être répondu par écrit ».
95 J. MESTRE et C. BLANCHARD-SEBASTIEN,
Sociétés commerciales, Lamy, Paris, 1997, n°2771 et
ss.
96 Ici le manque de spécialisation est
le fait pour le législateur de ne pas avoir prévu des
règles spécifiques tenant compte des situations possibles qui
peuvent se présenter.
24
En ce qui concerne la défense d'immixtion, ce principe
injuste97 est clairement posé par l'article
299 et suivant de l'AUSCGIE : « L'associé ou les
associés commanditaires ne peuvent faire aucun acte de gestion externe,
même en vertu d'une procuration
»98. Des sanctions variables sont
même prévues pour dissuader les commanditaires. L'article 300
dispose qu'« en cas de contravention à la prohibition
mentionnée à l'article précédent, l'associé
ou les associés commanditaires sont obligés indéfiniment
et solidairement avec les associés commandités pour les dettes et
engagement de la société qui dérivent des actes de gestion
qu'ils ont faits ». Le second alinéa de cet article ajoute :
« suivant le nombre et la gravité de ces actes, ils peuvent
être obligés pour les engagements de la société ou
pour quelques-uns seulement ».
Le principe de non immixtion dans la gestion de la
société a pour conséquence l'interdiction des
délégations de pouvoirs99 qui
permettraient au commanditaire d'exercer le pouvoir général de
décision dans une société100.
Que reste-t-il au commanditaire ? La doctrine en a longuement
discuté101. Ce qui reste au commanditaire
c'est la gestion « interne ». Elle ne recouvre, pour l'essentiel, que
le contrôle des actes pris par le gérant, les avis et
conseils102 à condition de ne pas abuser de
ce droit de suggestion ; ce serait le cas si les recommandations prenaient la
forme d'ordres qui, en se renouvelant, engendreraient la mésentente
entre les associés103.
Quant à la discrimination relative aux décisions
collectives, elle s'apprécierait à un double degré. Les
décisions collectives sont celles qui portent sur un objet
dépassant les pouvoirs du gérant. Celui-ci est appelé,
suivant l'urgence, à convoquer les associés pour la prise de la
décision dont il s'agit. Mais la réunion peut également
avoir lieu sur demande des associés eux-mêmes. Dans la SCS, ce
droit qui revient aux associés de faire convoquer l'assemblée
générale n'est pas reconnu équitablement à toutes
les catégories d'associés. En effet, le
97 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et
H. SERBAT, op. cit., p. 104, n°135.
98 AUSCGIE, art. 299 et ss.
99 Selon le Lexique des termes
juridiques, Dalloz, Paris, 27è éd. 2020, « la
délégation de pouvoir est le mode d'exonération de la
responsabilité pénale, par lequel le chef d'entreprise apporte la
preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à un
préposé investi par lui pour veiller à la bonne
observation des dispositions en vigueur, avec pour effet de transférer
sa responsabilité au délégataire ».
100 J.-R. NZE NDONG DIT MBELE, Le
dirigeant de fait en droit privé français, thèse de
doctorat, Université Nancy 2, juillet, 2008, p. 89.
101 V. D. BASTIAN et P. BOURNAT, «
Société en commandite simple », J.-Cl.
Sociétés, Traité, Fasc. 63, n° 13, J. DEMOGUE,
« Du droit de contrôle des commanditaires dans la commandite simple
», Ann. de dr. Commercial, 1901, p. 121 ss. ; F. DERRIDA, «
Société en commandite simple », Rép. Dalloz,
Sociétés, n° 118.
102 AUSCGIE, art. 301.
103 CA Dijon, 18 septembre 1941.
25
législateur de l'AUSCGIE a expressément
toléré une discrimination des commanditaires lors des
assemblées générales.
La loi énonce que « ... la réunion
d'une assemblée de tous les associés est de droit si elle est
demandée soit par un associé commandité, soit par le quart
en nombre et en capital des associés commanditaires
»104. Une telle disposition est
répulsive au regard de l'appréciation des opérateurs
économiques. La vie d'une société commerciale
reflète parfaitement la vie des hommes en société. Chacun
voudrait détenir le pouvoir. Or, le texte précédemment
cité attribue, même à un seul commandité, le pouvoir
de faire convoquer l'assemblée générale, privilège
que plusieurs commanditaires ne pourraient en jouir s'ils ne réunissent
le quart en nombre et en capital des associés de leur catégorie.
Il s'agit d'une situation inconfortable qui n'assure pas aux commanditaires la
considération dont mérite tout associé
véritable.
Cette discrimination légale vis-à-vis des
commanditaires s'accentue lors des opérations de modification des
statuts. Le législateur OHADA ainsi que le législateur
français105 exigent la majorité en
nombre et en capital des associés commanditaires et l'unanimité
des associés commandités pour qu'une décision de
révision des statuts puisse passer. En prévoyant que «
les modifications des statuts sont décidées avec le
consentement de tous les associés commandités et la
majorité en nombre et en capital des associés commanditaires
», sans aucune possibilité pour les associés
d'aménager les conditions de modification des statuts selon leur
gré106, le législateur OHADA s'est
immiscé a priori dans l'affaire des parties aux contrats de
société. Il aurait été préférable de
laisser aux associés eux-mêmes de prévoir
conventionnellement les conditions de convocation des assemblées et de
modification des statuts. Dès lors qu'il s'agit d'une modification
statutaire, il devrait être reconnu aux associés la liberté
d'en fixer les modalités.
La discrimination des associés commanditaires va
au-delà de leur considération lors de la tenue de
l'assemblée générale. Elle existe même au
décès du commanditaire.
B. La non incidence du
décès du commanditaire sur la vie sociétaire
Naturellement, le décès d'une personne provoque
un profond deuil pour ses proches. C'est un événement qui
ralentit le train de vie de la famille et change le statut des personnes
même
104 AUSCGIE, Art. 302, al. 3.
105 AUSCGIE, Art. 305, al. 1 ;
C. com. français,
111ème éd. Dalloz, 2016, Art. L. 222-9 al. 2.
106 AUSCGIE, Art. 305, al. 2.
26
survivantes107. Le
décès entraîne la caducité d'un acte
juridique108. Paradoxalement, au sein d'une SCS, le
décès d'un commanditaire est sans incidence. Sa mort n'influence
aucunement l'existence ou la continuité de la société.
Le législateur aurait expressément
affirmé la non importance du décès d'un commanditaire,
lorsqu'il dispose que « la société continue
malgré le décès d'un associé commanditaire. S'il
est stipulé que malgré le décès de l'un des
associés commandités, la société continue avec ses
héritiers, ceux-ci deviennent associés commanditaires lorsqu'ils
sont mineurs non émancipés. Si l'associé
décédé était seul associé commandité
et si ses héritiers sont alors mineurs non émancipés, il
doit être procédé à son remplacement par un nouvel
associé commandité ou à la transformation de la
société dans un délai d'un (1) an à compter du
décès. A défaut, la société est dissoute de
plein droit à l'expiration du délai prévu à
l'alinéa précédent
»109.
En effet, les pratiques ayant abouti à la naissance de
la SCS au Moyen Age110 laissent voir tout l'honneur
qui était dévoué au commanditaire. Les commanditaires
étaient habituellement des personnes issues de la noblesse, donc des
riches, mais à qui la loi interdisait de faire le commerce. Cela
démontre alors le caractère indispensable du commanditaire pour
qu'il y'ait société en commandite simple. Par ailleurs, c'est
grâce à la présence du commanditaire qu'une
société est dite en commandite. Sans le commanditaire, il n'y
aurait qu'une société en nom collectif. Les commandités ne
sont donc que des associés chargés d'exécuter la
volonté des premiers, des mandataires sociaux, entendus aussi
par-là, les mandataires des commanditaires.
En outre, la faible considération des effets du
décès du commanditaire peut être atténuée
à deux niveaux. D'une part, il suffirait de prévoir
expressément qu'en cas de pluralité de commandités et de
commanditaires, le décès d'un seul associé, qu'il soit de
l'une ou de l'autre catégorie, ne peut entraîner la dissolution de
la société. D'autre part, il serait plus juste de prévoir
également que si l'associé décédé
était seul associé commanditaire et si ses héritiers sont
alors mineurs non émancipés, il doit être
procédé à son remplacement par un nouvel associé
commandité ou à la transformation de la société
dans un délai d'un an à compter du décès. A
défaut, la société est dissoute de plein droit dans les
mêmes conditions que celles prévues au sujet du
décès du seul associé commandité. C'est ainsi que
l'associé commanditaire pourrait véritablement
bénéficier d'une considération proche de de celle dont
107 La femme mariée devient veuve par le
décès de son époux.
108 L'offre de contracter devient caduque au
décès de l'offrant.
109 AUSCGIE, Art. 308.
110 V. Supra., p. 5.
27
bénéficie le commandité. Ce renouveau ne
changerait aucunement la forme sociale de la commandite simple.
Certes, l'égalité parfaite ne peut exister entre
les associés de la société en commandite simple.
Toutefois, il faut reconnaitre que l'écart d'inégalité
institué par le législateur entre le commanditaire et le
commandité est un inconvénient qui participe au dédain que
suscite la société en commandite simple dans l'espace OHADA. Il
n'y a pas que l'inégalité. Au-delà de cette analyse, la
législation par délégation ou par renvoi de ladite
société est de près un autre facteur répulsif qu'il
ne faut pas ignorer.
28
Chapitre II.
L'INCOMPLÉTUDE DE LA LÉGISLATION PAR RENVOI
DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE
Le régime juridique de la société en
commandite simple est complété par les règles applicables
à la société en nom collectif. Cette dernière,
étant la société de personne de référence, a
un régime compatible avec la SCS. Cela se justifie par la
législation de la SCS par renvoi lors de la réforme de l'AUSCGIE
en 2014. Le nouvel Acte uniforme prévoit que : « les
dispositions relatives aux sociétés en nom collectif sont
applicables aux sociétés en commandite simple, sous
réserve des règles prévues au présent livre
»111. Or, la présence du
commanditaire dans la commandite simple rend inapplicables certaines
dispositions de la SNC à la SCS. D'où l'incomplétude du
régime juridique de la société en commandite simple
malgré le renvoi expressément opérée en 2014.
En effet, les textes régissant le fonctionnement de la
société en commandite simple ne sont pas précis au sujet
de la désignation du tiers comme gérant dans ce type de
société. Le principe de la défense d'immixtion souffre
d'une incertitude. Sur la fin de cette société également,
l'actuel AUSCGIE, à travers le renvoi trop général aux
causes de dissolution communes à toutes les sociétés
commerciales, prends peu en compte les réalités de la commandite
simple.
Il faut donc entrevoir l'incomplétude de la commandite
simple à deux niveaux. Elle se traduit par des insuffisances qui
caractérisent les règles de fonctionnement (section
I) et celles relatives à la fin de la
société en commandite simple (section
II).
SECTION I. LES INSUFFISANCES LIÉES AUX
RÈGLES DE FONCTIONNEMENT DE LA
COMMANDITE SIMPLE
Lors de la révision de l'AUSCGIE en 2014, le
législateur a fait un renvoi aux dispositions de la SNC pour combler le
régime de la SCS112. Les insuffisances des
règles de fonctionnement de cette société s'expliquent par
le recours aux règles qui régissent la gestion de la SNC
(§ I) et par l'imprécision du statut des membres
devant l'administration publique (§ II)
111 AUSCGIE, art. 293-1.
112 AUSCGIE, art. préc.
29
§ I. LE RECOURS IMPRÉCIS AUX RÈGLES DE GESTION
DE LA SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF
Le statut du gérant non associé de la SCS manque
de clarification (A) et, parallèlement, la
défense d'immixtion serait un principe incertain dans cette forme de
société (B).
A. Le manque de clarification du statut du gérant
non associé
La gestion de la SCS est exclusivement confiée aux
commerçants tout comme cela se fait dans la SNC. La nomination du ou des
gérants de la SCS a été minutieusement
réglementée par les rédacteurs de l'Acte Uniforme relatif
au droit des sociétés commerciales113. La loi dispose
que « la société en commandite simple est
gérée par tous les associés commandités, sauf
clause contraire des statuts qui peuvent désigner un ou plusieurs
gérants, parmi les commandités, ou en prévoir la
désignation par un acte ultérieur, dans les mêmes
conditions et avec les mêmes pouvoirs que dans une société
en nom collectif »114. Cette disposition
attribue bien expressément le pouvoir aux commandités sans
clarifier si la SCS peut être gérée par des non
associés.
Une idée préliminaire à évacuer
porte sur la désignation des gérants associés. L'article
précité comporte une imprudence législative qui aurait pu
être évitée. Le seul moyen serait de prévoir, qu'en
cas de pluralité de commandités. S'ils sont deux, le minoritaire
devrait être gérant dans le silence des statuts. S'ils sont plus
que deux commandités, leur nomination statutaire serait
impérative ainsi que la répartition individuelle de leurs
missions. Dans ce cas les associés ne peuvent garder silence lors la
rédaction des statuts.
Au-delà de tout cela, la plus grande imprécision
concerne la désignation du tiers comme gérant dans la SCS.
Certes, concernant la SNC, le législateur a précisé que
« les associés peuvent désigner un ou plusieurs
gérants, associés ou non
»115. Ce texte prévoit clairement
la possibilité qu'un tiers soit gérant dans une SNC. Cependant,
il n'en est pas expressément de même à la lecture de
l'article 298 relatif à la nomination des gérants de la SCS.
L'interrogation qui en découle est de savoir si les associés de
la SCS peuvent également désigner un tiers comme gérant de
leur société.
113 F. ANOUKAHA et al., op.
cit., p. 354 n° 721.
114 AUSCGIE, art. 298.
115 AUSCGIE, art. 276, al. 1.
30
Le seul renvoi aux règles de la SNC justifie-t-il
l'invitation du tiers dans l'affaire des associés ? L'article 298,
in fine, pose la solution. Ce texte dispose que la nomination du ou
des gérants de la SCS se fait « dans les mêmes conditions
et avec les mêmes pouvoirs que dans une société en nom
collectif ». Il s'agit d'une simple reconnaissance implicite de la
vocation du tiers à gérer la SCS tout comme dans la SNC. Ce qui
n'est pas interdit par la loi est autorisé, admet-on communément.
C'est l'interprétation d'ailleurs logique qui puisse être
attribuée à cette disposition.
En effet, l'unique interprétation possible et logique
est de reconnaitre qu'il s'agit d'une autorisation tacite du tiers à y
être gérant. Dans la SCS, le risque de conflit
d'intérêts est imminent du fait de la dualité des
associés. Ainsi, la possibilité pour un tiers d'y conduire les
affaires est donc pour les deux catégories d'associés une issue
idéale. L'autorisation du tiers à y être gérant est
la bonne interprétation dans la mesure où il peut arriver qu'au
sein des commandités personne ne se porte candidat au poste de
gérant. Par ailleurs, le silence législatif sur l'autorisation du
tiers à gérer une SCS ne doit pas être
interprétée comme valant interdiction. Au cas
échéant, la conclusion serait aussi l'inapplicabilité des
règles de la SNC à la SCS.
Pour éviter ce problème lié à
l'admission du tiers pour gérer une SCS, le législateur
français, pour sa part, n'a jamais réservé un article
traitant du statut des gérants de la société en commandite
simple dans sa législation116. Le renvoi aux
dispositions de la société en nom collectif serait donc
interprété comme étant général pour tout
vide relatif à la SCS117. Sur cette question
de la gérance, le législateur de l'OHADA a fait un détail
qui serait inutile à cause du renvoi aux dispositions de la
SNC118.
Toutefois, cette question du tiers-gérant dans la SCS
doit être laissée à la décision des associés
de cette société, puisque la société est aussi le
fruit de la volonté des parties. En effet, les partisans de la
thèse contractuelle de la société parmi lesquels on
retrouve notamment
116 Aucune disposition de l'AUSCGIE ne traite
avec détails les conditions de nomination, des pouvoirs et de la
révocation du gérant de la SCS. Dans les articles L. 222-1
à L. 222-12 du Code de commerce français, il n'existe pas de
texte traitant de la gérance de cette société.
117 Code de commerce français
après la loi Macron, art. L. 222-2, préc. : « Les
dispositions relatives aux sociétés en nom collectif sont
applicables aux sociétés en commandite simple, sous
réserve des règles prévues au présent chapitre
».
118 L'article 298 de l'AUSCGIE qui traite de
la gérance de la SCS n'aurait presque plus sa raison dès lors que
le législateur a renvoyé aux dispositions relatives à la
SNC (293-1) et à la gérance de la SNC (298, in fine).
31
MM. HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET119,
s'appuyaient sur les termes de l'article 1832 du Code civil qui définit
effectivement, dans son alinéa 1er, la société
comme un « contrat »120. Or, dans cette
vision de la réalité, il est constant que les associés,
responsables indéfiniment et solidairement, hésiteront le plus
souvent à confier la gérance à un tiers, qui pourrait se
sentir moins concerné par la gestion des affaires sociales que l'un
d'eux121.
Lorsque la gestion d'une société commerciale
devient l'affaire d'une catégorie d'associés, il n'est pas exclu
que la société en devienne la chasse gardée des
gérants ou associés commandités au détriment de
ceux à l'encontre de qui la loi martèle une interdiction
d'immixtion dans la gestion, un principe d'ailleurs révolu.
B. L'incertitude du principe de la défense
d'immixtion
Au nom du principe de la défense d'immixtion dans la
gestion externe, le commanditaire, ne peut jamais gérer la
société. Cette règle posée aux articles 299 et 300
de l'AUSCGIE a une origine ancienne. Connue sous « la défense
d'immixtion », elle est devenue le principe fondamental de la
commandite dans le Code de commerce de 1807 modifié par la loi du 6 mai
1863122. Le principe a été repris par
une loi française du 24 juillet 1966123 pour
être incorporé dans le Code des
sociétés124. Le même principe a
été transcrit à l'alinéa 1er de
l'article 299 de l'AUSCGIE révisé dans les mêmes
termes125. Cette disposition est le siège
d'une inégalité voire d'une injustice à l'encontre du
commanditaire tel que cela a été évoqué
précédemment126.
Admettre qu'un tiers puisse gérer la SCS, et jamais le
commanditaire, paraît paradoxal. Cela voudrait dire qu'il est
préférable, voire plus rassurant, de confier la gestion au tiers
plutôt qu'au commanditaire. Certes, c'est dans la nature de la SCS que
les commanditaires soient
119 G. LAGARDE (dir.), J. HAMEL, A. JAUFFRET,
op. cit., n° 383.
120 J.-P. BERTREL, « Liberté
contractuelle et sociétés, essai d'une théorie du juste
milieu en droit des sociétés », RTD Com. 1996, p.
595 et ss.
121 Ph. MERLE, op. cit., p. 185,
n°167.
122 R. DEMOGUE, « Du droit de
contrôle du commanditaire », Annale de droit commercial,
1901, p. 124 ; E. POTU « La défense d'immixtion du
commanditaire », Annale de droit commercial, 1910, p. 121.
123 V. la loi française n° 66-537
du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, art. 28,
disponible sur
https://www.legifrance.gouv.fr.,
consulté le 2 avril 2021, à 20h 05'.
124 Code français des
sociétés, 32e éd., Dalloz, 2016, L. 222-6, al.
1.
125 AUSCGIE, art. 299.
126 V. Supra, pp. 21 s.
32
écartés de la gestion externe. Cependant, les
fondements qui semblent justifier cette
règle127 sont moins
convaincantes.
Le premier pourrait être la protection du commanditaire.
Ce serait pour conserver intact son pouvoir de contrôle, son
indépendance, qu'on le tiendrait éloigné de la gestion.
Mais la prohibition s'applique à la seule gestion externe. Cela
n'interdit pas de participer à la gestion interne de la
société. Donc risque, pour le gérant commandité, de
perdre autorité et indépendance existe. Ce premier fondement
n'est donc pas assez convaincant.
La protection des commandités offre une deuxième
justification. Le commanditaire apporte l'argent, mais ne doit pas
gérer, c'est presqu'impossible car si le commanditaire peut être
assimilé à un investisseur, il ne l'est pas véritablement.
Il a une chose de plus qu'un investisseur : la qualité d'associé.
Un tel fondement ne peut être
accepté128. Or, la distinction entre acte de
gestion interne et acte de gestion peut souvent être source de
difficultés129.
Le troisième fondement qui semble avoir les faveurs des
tribunaux et de la doctrine serait la protection des tiers. L'impératif
n'est plus de protéger les associés commandités ou
commanditaires, mais de sauvegarder les intérêts des
tiers130. Les créanciers sociaux pourraient
être abusés par la collaboration du commanditaire à la
gestion. En l'imaginant commandité, les cocontractants pourraient
apprécier, en conséquence, le crédit à accorder
à la société. La théorie de
l'apparence131 fournirait mieux l'assise de la
défense d'immixtion.
En effet, la jurisprudence décidait en ce sens, avant
1966, lorsqu'elle recherchait si les tiers avaient pu être trompés
sur la véritable qualité du
commanditaire132. La doctrine présente ce
fondement comme le plus approprié133. C'est
cette tendance que le législateur OHADA aurait
127 E. POTU, op. cit., p. 123 s.
128 Le principe prohibe toutes les immixtions
quelles qu'elles soient, alors que le législateur vise uniquement les
ingérences en matière de gestion externe.
129 Il peut arriver qu'un acte de gestion
interne soit la source d'une difficulté financière alors que les
commanditaires qui l'ont décidé étaient dans l'exercice de
leurs droits d'associés. Le législateur n'a d'ailleurs pas
précisé la nature des actes de gestion interne et celle de
gestion externe.
130 V. art. 159 du Code de Commerce du Japon,
traduit en français par S. Komachiva, Paris, LGDJ, 1954.
131 La théorie de l'apparence est une
règle du droit civil qui permet aux tiers de bonne foi de se
prévaloir de la régularité apparente d'une situation,
nonobstant une situation juridique différente ; Voir, dans cette
logique, Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, Paris,
13è éd., 2020.
132 Cass. req. 10 juillet 1990, D.
1901, p. 436 ; Cass. civ. 28 mai 1921, S. 1921, 1, p. 321.
133 J. HEMARD, F. TERRE et P. MABILAT,
Sociétés commerciales, 3 vol., 7e éd.,
Administration du « Journal des notaires », Paris, 1935, t. I,
n° 334 ; R. ROBLOT, Traité élémentaire commercial
de Georges
33
consacré en cantonnant la prohibition sur la seule
gestion externe. Mais que faut-il en penser ? Une telle explication ne pourrait
convaincre. D'un côté, elle profite de l'estime dans laquelle les
commercialistes tiennent la théorie de l'apparence ; de l'autre, elle
est en harmonie avec la justification apportée à deux
défenses d'immixtion très voisines : celle du
mari134 et celle de l'associé dans la
société en participation135. Mais un
examen approfondi conduit à en douter.
La croyance des tiers, condition indispensable au jeu de la
théorie de l'apparence, serait-elle légitime dans ce cas ?
L'indulgence serait-elle encore permise dès lors qu'il est possible
aujourd'hui, pour le tiers, de vérifier facilement la carte
délivrée par le Centre des Formalités des Entreprises
(CFE) au du dirigeant, ou la carte d'opérateur économique ou
encore de consulter le journal d'annonces légales pour s'informer sur la
véritable qualité du négociateur ? Il est vrai que
l'absence du nom d'un commandité dans la raison sociale ne prouve pas
que celui qui prétend tenir ce rôle est dépourvu de cette
qualité136. Cela constitue,
néanmoins, un indice qui invite à certaines
précautions137.
Mais en réalité, la logique doit conduire
à admettre l'erreur des tiers lorsque la société en
commandite est gérée par un non-associé. Ils ont pu croire
à la qualité de commandité de ce dernier, ce qui impose en
conséquence de tenir le gérant non-associé pour un
commandité. Or, il faut rappeler que le gérant non-associé
n'a jamais été tenu pour indéfiniment et solidairement.
Le législateur de l'OHADA aurait-il voulu se conformer
à l'application de la théorie de l'apparence, qu'il aurait
rédigé différemment l'article 299 de l'AUSCGIE. Cela n'a
pas été fait. Il faut donc en conclure que la preuve de la
croyance légitime des tiers n'est pas une condition de la mise en oeuvre
de la responsabilité solidaire et indéfinie du commanditaire.
Même si l'acte de gestion externe a été accompli par un
commanditaire qui aurait pris soin de prévenir le tiers de sa
véritable qualité, les articles 299 et 300 seraient toujours
applicables. Dans ces conditions, peut-on encore soutenir que la protection des
tiers constitue le fondement de la défense d'immixtion ?
RIPERT, 2 vol. L.G.D.J., Paris, t. II, 9e
éd., 1981 n° 879 ; R. RODIERE et B. OPPETIT, Droit commercial
et groupements commerciaux, Dalloz, Paris,10e éd., 1980,
n° 99.
134 C. civ., art. 1420, al. 2 anc.
135 C. civ., art. 1872-1, al. 3 anc.
136 E. THALLER, Traité
élémentaire de droit commercial à l'exclusion du droit
maritime, 7e éd., par J. PEPCEROU, A. ROUSSEAU, Paris, 1925,
n° 302.
137 L'admission de la négligence du
tiers s'apparenterait à une fatalité. Aussi doit-on douter du
bien-fondé de l'explication tirée de l'apparence. En
l'espèce, faute d'erreur légitime, un tel recours serait
inutile.
34
Le commanditaire est, certes, un associé. Mais c'est un
associé passif. Le véritable fondement de la défense
d'immixtion serait bien la division du travail que postule l'idée de
commandite. Des insuffisances des autres fondements, deux arguments
légaux peuvent être avancés. En premier lieu, les articles
299 et 300 concernent la répartition des pouvoirs dans la
société et n'ont aucun lien avec les droits des tiers. En second
lieu, l'article 299 interdit les actes de gestion externe « même
en vertu d'une procuration ». Or, la procuration est suffisante pour
prévenir le tiers de la véritable qualité de
commanditaire. Malgré cela, la gestion externe demeure interdite. C'est
encore la preuve que la protection des tiers ne constitue pas le fondement de
la défense d'immixtion.
La défense d'immixtion de commanditaire serait un
principe imparfait. Son fondement est incertain, la sanction de sa violation,
inappropriée. Aussi, certains auteurs ont-ils d'ailleurs proposé
l'abrogation de cette règle138. Une telle
analyse pourrait réformer positivement le régime de la SCS en
droit OHADA si elle est suivie par le législateur communautaire.
Les insuffisances du régime juridique de la SCS en
commandite simple s'étendent aux obligations de cette forme sociale
envers l'administration publique.
§ II. L'IMPRÉCISION DU STATUT DES MEMBRES DEVANT
L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
Les membres de la SCS n'ont pas un sort précis devant
l'administration fiscale et le service de la sécurité sociale. Il
en résulte une complexité du régime fiscal des membres de
la SCS (A) couplée avec des difficultés
liées statut social des associés de cette société
(B).
A. La complexité du régime fiscal de la
commandite simple
La complexité du régime fiscal de la
société en commandite simple s'explique par deux raisons. La
première est inhérente à l'absence d'un droit fiscal au
plan communautaire, ce qui a donné aux Etats la liberté quant au
régime fiscal à appliquer aux associés de la SCS. En
effet, pour ce qui est de l'absence de règles fiscales au plan
communautaire, il faut dire que cela concerne toutes les sociétés
commerciales. Ainsi, chaque Etat édicte son droit fiscal en fonction des
besoins nationaux. Cet état de choses a engendré des
disparités de régimes fiscaux pour les associés de la
même catégorie de société selon que l'associé
se retrouve dans tel ou tel pays de l'espace OHADA.
138 R. HOUIN et B. BOULOC, Les grands
arrêts de la jurisprudence commerciale, Sirey, Paris, 2e
éd., t. I, 1972, p. 226.
35
La SCS n'est pas imposée en tant que telle, mais voit
l'impôt139 frapper les associés
eux-mêmes. Le principe en vigueur dans cette société est la
transparence140. C'est une transposition quasiment
complète du régime fiscal de la société en nom
collectif. Le Code Général des Impôts (CGI) dispose
à cet effet que « ...les associés des
sociétés en nom collectif et les commandités des
sociétés en commandite simple sont, lorsque ces
sociétés ont opté pour le régime fiscal des
personnes physiques, personnellement soumis à l'impôt sur le
revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à
leurs droits dans la société
»141.
En effet, pour l'imposition des revenus, le commandité
est soumis à un régime identique à celui des
associés en nom. Chaque associé commandité est
personnellement passible de l'impôt sur le revenu tel qu'il a
été présenté par la disposition
précédemment citée. Ils seront imposés selon des
bénéfices réalisés, tels qu'ils sont définis
par les règles fiscales qui fixent l'assiette de
l'impôt142 sur le
revenu143 dans la catégorie des
bénéfices industriels et
commerciaux144, sans qu'il soit nécessaire
de déterminer s'ils ont été, ou non, distribués par
la société et donc appréhendés par les
bénéficiaires145. Si le
commandité est gérant, sa situation serait encore plus complexe.
Il en faudra rechercher si au titre de ce mandat social, il y cumule un contrat
de travail proprement dit. Au cas échéant, son revenu serait
soumis à l'impôt sur
139 G. Jèze, Cours de finances
publiques, Paris, LGDJ, 1936, p. 38 ; L'impôt « une
prestation pécuniaire, requise des particuliers par voie
d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue
de la couverture des charges publiques » ; selon Olivier NEGRIN,
« Une légende fiscale : la définition de l'impôt de
Gaston Jèze », Revue de droit public, n° 1, 2008, p.
119-131, G. Jèze a également proposé la définition
moderne suivante : « l'impôt est une prestation de valeur
pécuniaire, exigée des individus d'après des règles
fixes, en vue de couvrir des dépenses d'intérêt
général et uniquement à raison du fait que les individus
qui doivent les payer sont membres d'une communauté politique
organisée ».
140 Le principe de la transparence fiscale
suppose que chaque associé déclare sa part de
bénéfices à laquelle il a vocation et paie l'impôt y
afférant. Concernant l'imposition de ces bénéfices au
niveau de ces associés, il n'y a pas lieu de distinguer selon que les
bénéfices sont mis en réserve ou distribués. Les
associés sont imposés même en l'absence de distribution de
bénéfices. Cependant, lorsque les bénéfices seront
ultérieurement distribués, la distribution sera totalement
exonérée d'imposition.
141 Loi n°2018-024 du 20 novembre 2018
portant Code Général des Impôts du Togo, entrée en
vigueur le 1er janvier 2019, modifiée par la loi de finance gestion 2020
adoptée le 18 décembre 2019 et par la loi de finance gestion 2021
adoptée le 18 décembre 2020, art. 9.
142 Encore appelée « l'assiette
fiscale », l'assiette de l'impôt est constituée de la somme
de l'ensemble des revenus devant servir de base pour le calcul d'un impôt
ou d'une taxe. Le montant de l'impôt est obtenu en application du taux
légal à cette somme.
143 Aux termes de l'article 12 du CGI,
l'impôt sur le revenu est un prélèvement annuel dû
à l'administration fiscale « à raison des
bénéfices ou revenus de source togolaise ou
étrangère que le contribuable réalise ou dont il dispose
au cours de la même année ».
144 Les bénéfices industriels
et commerciaux sont ceux issus de l'exercice d'une profession industrielle et
commerciale par des personnes agissant pour leur propre compte et poursuivant
un but lucratif ou d'opérations de caractère industriel et
commercial conformément aux énumérations de l'article 31
et suivants du CGI.
145 CGI, art. 13.
36
les revenus d'emplois146. C'est
donc toute une série de complications et les exemples ne manqueraient
pas.
Quant à la part des bénéfices revenant
aux associés commanditaires, c'est un autre régime fiscal qui
s'applique. La société en commandite simple perd, en quelque
sorte, sa transparence pour entrer dans le champ d'application de l'impôt
sur les sociétés. Si les bénéfices sont
distribués aux commanditaires, ces derniers sont, à leur tour,
imposés sur les revenus ainsi perçus, soit à l'impôt
sur le revenu dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, s'il
s'agit d'une personne physique, soit à l'impôt sur les
sociétés, s'il s'agit d'une personne
morale.147 Une telle solution n'est pas pleinement
logique.
Qu'il s'agisse de l'imposition des bénéfices
ordinaires d'exploitation ou de celle des profits exceptionnels
réalisés par les associés de la SCS, les
législations fiscales dans divers Etats membres de l'espace OHADA
prennent totalement en compte la présence des deux catégories
d'associés de la SCS148. La disparité
dans l'imposition provoque une différence de revenus entre les
associés de la SCS. En effet, sur la part de bénéfice
revenant au commanditaire, par exemple, la société en commandite
simple est passible de l'impôt sur les sociétés au taux de
27% prévu par le CGI149, et ceci dès
la réalisation du bénéfice. Si cette part est ensuite
distribuée, elle constitue pour le commanditaire un revenu passible,
soit de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus des
capitaux mobiliers, si le commanditaire est une personne physique, soit de
l'impôt sur les sociétés si le commanditaire est une
personne morale.
Cette différence de régimes fiscaux n'est pas
sans conséquence sur l'égalité des associés. En
outre, à l'égard de l'administration publique, le régime
juridique de la société en commandite simple engendre d'autres
difficultés liées au statut social des associés.
B. Les difficultés liées au statut social
du gérant
La société en commandite simple peut être
dirigée par un ou plusieurs gérants. Il va se poser des
difficultés relatives au régime social applicable au titre des
cotisations sociales. Au plan
146 CGI, art. 17.
147 CGI, art. 41, al. 2.
148 L'exemple du CGI du Togo avec l'article 9
précité.
149 CGI, art. 113 al. 2.
37
communautaire, il n'existe pas un droit communautaire de la
sécurité sociale150. Il revient
à chaque Etat de prévoir des règles prenant clairement en
compte la situation des dirigeants de sociétés. Il s'agit donc
d'une première difficulté qui ne doit pas être
ignorée dans certains Etats membres de l'espace OHADA.
Dans la recherche du régime de protection pouvant
correspondre à la situation du gérant de la SCS, quatre
situations s'offrent à l'analyse. Le gérant peut être
associé salarié au titre de son mandat social, il peut être
un associé gérant sans rémunération. Le
gérant peut être un tiers salarié au titre de son mandat
social tout comme il peut ne pas être rémunéré
aussi. A la lumière du Code de sécurité sociale du Togo
par exemple, le régime social du gérant de la SCS ne sera pas
stable et exigera de l'administration de protection sociale des
vérifications tatillonnes avec des documents à l'appui, ce qui ne
plait pas souvent aux entreprises.
D'abord, si le gérant est associé et
rémunéré, il relèvera du régime social des
travailleurs salariés à titre
personnel151. Son employeur, personne morale, devra
donc veiller à une retenue à la source de la part de cotisation
au titre de la rémunération mensuelle. Or, dans toute
société commerciale, le dirigeant représente l'employeur.
Cela revient à dire que le commandité gérant
rémunéré devra procéder à
l'immatriculation152 de la personne morale qui
l'emploie puis à sa propre immatriculation en tant personne
physique153.
La deuxième situation est celle où le
gérant est associé et non rémunéré. Dans ce
cas, il est soumis au régime des travailleurs non-salariés. Il
cotise sur la part des bénéfices qui lui reviennent. Le Code de
sécurité sociale ne traite pas de l'obligation pour les
associés de payer des cotisations sociales minimales même en
l'absence de bénéfices. Il n'est donc pas question d'exiger une
telle cotisation à partir du moment où il n'y a pas de
bénéfices distribuables.
La troisième situation concerne celle où le
gérant est non associé et rémunéré en
qualité de salarié. Il bénéficie proprement du
régime social des salariés à savoir les cotisations
patronales devant être supportées par la société
à hauteur de 17, 5% du salaire154 et la
150 La sécurité sociale est
l'ensemble des régimes assurant la protection de l'ensemble de la
population contre les différents risques sociaux : maladie,
maternité, invalidité, vieillesse, etc., V. Lexique des
termes juridiques, Dalloz, Paris, 27è éd. 2020.
151 Loi n° 2011-006 portant Code de
sécurité sociale au Togo, art. 3.
152 Loi n° 2011-006 portant Code de
sécurité sociale au Togo, art. 7.
153 CGI, art. 9.
154 Décret n° 2012-038/PR du 27
juin 2012 portant révision des taux de cotisation à la caisse
nationale de sécurité sociale, art. 2.
38
cotisation ouvrière à la branche des pensions
devant être supportée par l'employé dont le taux est de 4%
du salaire155.
La quatrième et dernière situation concerne le
cas où le gérant n'est ni associé ni salarié. Il
n'est pas tenu d'adhérer à un régime de
sécurité sociale. Il peut cependant, s'il le désire,
s'affilier à un régime d'assurance personnelle.
L'imprécision des régimes fiscal et social de la
société en commandite se situe donc à la fois aux plan
communautaire et national. Les Etats membres de l'OHADA prennent
individuellement des lois fiscales et sociales qui répondent à
leurs besoins. Cela crée une disparité que le législateur
communautaire devrait corriger.
Tout ceci participe donc à la complexité de ces
différents régimes. Encore, faut-il noter que
l'imprécision n'épargne pas les dispositions relatives à
la fin de la SCS.
SECTION II. LES INCONVÉNIENTS INHÉRENTS
À LA FIN DE LA COMMANDITE SIMPLE
La société en commandite simple est soumise aux
causes de dissolution communes à toutes les autres des
sociétés commerciales. Ces causes ne pas toutes adaptées
à la SCS. Elles influent directement sur l'existence de cette
société (§ I) dont le sort est souvent
incertain en cas de défaut de commandité (§
II).
§ I. LA FRAGILITÉ DE L'EXISTENCE DE LA COMMANDITE
SIMPLE
Deux raisons expliqueraient la fragilité de l'existence
de la SCS. Il s'agit de la multiplicité de ses facteurs de dissolution
(A) et de la possibilité de transformer la SCS en
d'autres formes sociales (B).
A. La multitude des facteurs de dissolution de la
société
La société en commandite simple est une
société qui ne dure pas longtemps. En France, par exemple, des
travaux de recherche ont permis de démontrer la rapidité avec
laquelle les sociétés en commandite simple ont disparu sans avoir
eu d'existence réelle à long terme.
Une équipe dirigée par le Doyen Alain VIANDIER a
retracé la vie des sociétés en commandite en
général. Sur les premières lignes de l'introduction du
document156 qu'ils ont
155 Décret n° 2012-038/PR du 27
juin 2012 portant révision des taux de cotisation à la caisse
nationale de sécurité sociale, art. 3.
39
produit, il est repris partiellement l'affirmation de Pierre
CATALA en ces termes : « Des espèces en voie de disparition.
... Si la suggestion de créer un mouvement d'écologie
pour la survie des espèces juridiques était retenue, l'une des
manifestations de ce groupement devrait être en faveur des
sociétés en commandite »157. Cette
affirmation fait transparaître l'idée selon laquelle la commandite
simple, première forme de commandite, court le risque de disparition
encore plus accru du fait de son utilisation
restreinte158 et de la multiplicité des
causes de sa dissolution. La disparition de la SCS obéit aux causes
communes de dissolution posées par le droit commun des
sociétés159.
En dehors de ces causes de dissolution communes à
toutes les sociétés, il existe des causes de dissolution
spécifiques à la société en commandite simple.
Ainsi, la société est dissoute de plein droit par le
décès de l'associé commandité, sauf stipulation
contraire160. Il peut, en effet, être stipulé dans les
statuts que la société pourra continuer avec les héritiers
ou successeurs de l'associé commandité
décédé. En outre, dans le cas où les
héritiers sont des mineurs émancipés et que
l'associé décédé était l'unique
commandité, il faudra procéder à son remplacement. Si
aucun remplaçant n'a été trouvé, la
société devra être transformée dans un délai
d'un an, à compter de la date du décès de l'associé
commandité. A défaut, la société prendra fin
à l'expiration de ce délai161. De même, la
disparition d'une des deux catégories d'associés entraine la
dissolution de la société, dans la mesure où elle est
caractérisée par le seul associé commandité aux
commanditaires162.
La longueur de la liste de ces causes de dissolution prouve
suffisamment la fragilité de la vie d'une société en
commandité simple. La SCS la société est la
première société commerciale qui disparait à
rapidement et facilement. La transformation reste aussi un facteur de
disparition facile de la SCS.
156 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE
et H. SERBAT, op. cit., pp. 19 s., Ce document retrace de façon
claire et pertinente l'évolution des sociétés en
commandite en France depuis 1840 jusqu'en 1978.
157 Idem., p. 1, n° 1.
158 L'utilisation restreinte de la
société en commandite simple est justifiée par les
inconvénients qui caractérisent cette forme sociale et par
l'avènement des sociétés à risque limité.
159 AUSCGIE, Art. 200.
160 AUSCGIE, art. 308, préc. ; B. LE
BARS, Droit des sociétés et de l'arbitrage
international, Pratique en droit de l'Ohada, Joly, Paris, 2011, p. 257.
161 A. FENEON, Droit des
sociétés en Afrique (OHADA), Issy-les-Moulineaux, LGDJ,
2015, p. 762.
162 N. DIOUF, « Les
sociétés de personnes », in Sociétés
commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 363-364.
40
B. La transformation comme facteur facile de
disparition
La société en commandite simple peut
disparaître sous sa forme originaire et renaître sous une autre
forme de société, c'est la transformation. Il s'agit du passage
d'une forme de société à une
autre163. La transformation est un facile pour la
disparition de la SCS.
L'Acte Uniforme n'a prévu, à cet égard,
aucune disposition spécifique pour la transformation de la
société en commandite simple. Il y a donc lieu de se
référer aux dispositions communes de transformation des
sociétés commerciales issues de l'article 181, alinéa 2 de
l'Acte uniforme. La transformation ne constitue qu'une modification des statuts
et qu'elle est soumise aux mêmes conditions de forme et délais
qu'une modification des statuts. Ainsi, elle doit être prise à
l'unanimité des associés commandités et à la
majorité en nombre et en capital des associés
commanditaires164. La transformation permettrait aux associés
commandités ne voulant plus courir le risque permanent d'une
responsabilité illimitée de se donner, le statut
d'associés d'une société à risque
limité165. Mais, jamais ceux-ci ne
pourraient opter pour une SNC lorsque la cause de la transformation est le
défaut d'associé commandité.
Toutefois, au cas où la voudrait se transformer en une
société en nom collectif, les associés commandités
doivent se prononcer à l'unanimité166.
Néanmoins, en cas de transformation de la société en
commandite simple en une société à risque limité,
les créanciers sociaux conservent leurs droits contre la
société et ses associés167. Ces derniers,
« pour autant qu'ils appartiennent à la catégorie des
commandités, restent alors indéfiniment et solidairement
responsables des dettes contractées par la société
antérieurement à sa transformation »168.
Tout compte fait, pour les associés commandités,
l'intérêt de la transformation de la SCS en une
société à risque limité est de ne plus être
tenu solidairement et indéfiniment des futures dettes sociales. C'est ce
mobile phare qui justifie la tentation constante de faire disparaître la
SCS pour une forme sociale plus avantageuse. D'où la fragilité de
l'existence des sociétés en commandite simple. Leur
quasi-inexistence dans l'espace OHADA se jusitifie par le fait que les
entrepreneurs préfèrent constituer les sociétés
à risque limité.
163 J. ISSA-SAYEGH, P-G POUGOUE et F. M.
SAWADOGO (dir.), Traité et Actes uniformes annotés
OHADA, Juriscope, 2018, op. cit., p. 448.
164 N. DIOUF, « Les sociétés
de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E, op.
cit., p. 363.
165 La société à risque
limité est celle dans laquelle les associés ne sont tenus des
dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports.
166 AUSCGIE, Art. 186, al. 3.
167 Ibidem
168 A. FENEON, op. cit., p. 762.
41
Les inconvénients émanant de la fin de la SCS
vont au-delà de la fragilité de l'existence de cette forme
sociale pour s'accentuer davantage sur l'incertitude du sort de cette
société du seul défaut de l'associé
commandité.
§2. LE SORT INCERTAIN DE LA COMMANDITE SIMPLE SANS
COMMANDITÉ
Une SCS sans un associé commandité ne peut
continuer qu'en cas de mention préalable d'une continuation avec les
héritiers de celui-ci (A), à défaut, la
société doit être dissoute (B).
A. Le défaut lié à l'exigence d'une
clause de continuation
Le sort de la société en commandite simple
dépend de la qualité de l'associé
décédé. S'il est commanditaire, sa mort n'aurait aucune
incidence sur la vie sociétaire. Mais s'il est l'unique
commandité, la société doit être dissoute
automatiquement, à moins qu'une clause de continuation ait
été préalablement
prévue169. Cette règle qui subordonne
la continuation de la SCS dépourvue de commandité à
l'exigence d'une clause statutaire autorisant la poursuite de la vie
sociétaire n'a plus sa raison d'être. Elle constitue l'une des
raisons de la quasi existence des sociétés de personnes et
particulièrement des sociétés en commandite simple.
L'inconvénient de cette règle se situe à trois niveaux.
D'abord, la dissolution ne permet pas la pérennité des personnes
morales alors que celles-ci ne peuvent réaliser des économies
qu'après plusieurs exercices.
Ensuite, la dissolution pour manque d'une clause de
continuation pourrait ne pas être en phase avec la réelle
volonté des associés survivants. En effet, il peut arriver que le
décès soit survenu au moment où la société
commence par réaliser de bonnes affaires de sorte que les
associés souhaitent y profiter longtemps. Par ailleurs, en
évoquant la possibilité de continuation avec les
héritiers, le législateur OHADA s'est limité au cas du
défaut d'associé commandité pour cause de mort.
Le législateur n'a pas prévu une
possibilité de continuation avec les descendants du commandité
lorsque ce dernier est frappé d'une incompatibilité, d'une
incapacité ou d'une interdiction. Concernant les cas
d'incompatibilité et d'incapacité, la continuité avec ces
ayant-droits ne poserait aucune difficulté. Le problème se
poserait lorsque le commandité est frappé d'une interdiction, la
question étant de savoir si la sanction empêche qu'il soit
remplacé par sa
169 AUSCGIE, art. 308.
42
propre descendance. Il faut dire que la sanction doit se
limiter à sa personne et laisser la possibilité à ses
ayant-droits de le substituer.
Enfin, les associés de la SCS peuvent avoir
prévu une modification des statuts en vue d'y insérer la clause
de continuation pour éviter le risque de dissolution. Or, la mort de
l'associé commandité peut survenir pendant la période de
convocation de l'AG et la date prévue pour sa tenue. Dans ce cas,
devra-t-on prononcer la dissolution d'une telle SCS sans commandité et
dont les statuts ne comportent pas de clause de continuation ou devra-t-on
faire constater qu'avant sa mort, le de
cujus170 était partant pour l'insertion
d'une clause de continuation dans les statuts ? L'important est que les
associés survivants parviennent à trouver une entente avec les
héritiers du de cujus ou avec un éventuel candidat pour
combler la catégorie d'associé manquante.
Mais, l'incertitude du sort de la SCS sans commandité
ne se justifie pas uniquement par le défaut tiré des
impératifs de la clause de continuation. La dissolution qui en est la
conséquence directe est une source d'insécurité juridique
à ne pas ignorer.
B. L'insécurité juridique liée
à la dissolution de la commandite simple
La sécurité juridique est un principe de droit
selon lequel les particuliers et les entreprises doivent pouvoir compter sur
une stabilité minimale des règles de droit et des situations
juridiques171. Or, la dissolution d'une
société commerciale n'est souvent pas le moment d'une joie
partagée entre associés et créanciers.
Dans la situation d'une société en commandite
simple, la dissolution pour quelque cause que ce soit ne garantirait pas le
désintéressement de tous les créanciers. Au surplus, la
dissolution pour défaut de
commandité172 est moins un gage de
sécurité juridique tant pour les tiers que pour les
commanditaires. En cas de défaut de commandité en cours de vie
sociale, les créanciers ne devraient pas rechercher la dissolution de la
SCS.
En effet, dans le contexte du droit africain, en cas de
décès du commandité, la dissolution n'est pas la meilleure
solution. Les créanciers doivent tout d'abord requérir la
collaboration des commanditaires en vue de sauver le patrimoine personnel dudit
commandité. La manière
170 V. Infra. , p. 66, note n°
245.
171 V. Lexique des termes juridiques,
Dalloz, 26e éd. 2019.
172 Cf. art. 308 de l'AUSCGIE, préc.
43
dont la famille du de
cujus173 se précipite habituellement
sur les éléments de son actif justifie cette action. Il faut donc
éviter que les propres héritiers de commandité
décédé dilapident ses biens avant de venir
réclamer, en qualité de créanciers, la valeur des parts
que détenait leur auteur dans le capital social de la SCS.
Une fois les biens du commandité sauvegardés,
les commanditaires pourront donc décider, d'un commun accord, s'ils
doivent continuer l'activité sociale ou non. Ainsi, s'ils
décident de continuer, ils devront donc pourvoir un remplaçant
commandité pour rétablir la nature véritable de la
commandite simple.
173 L'expression latine dont la formule
entière est « is de cujus successione agitur »
désigne celui de la succession duquel on débat.; V. 1ère
Chambre civile 15 juin 2017, pourvoi n°16-21874, Legifrance ; 3e Chambre
civile 27 avril 2017, pourvoi n°15-23440, Legifrance.
PARTIE II.
44
UNE SOCIÉTÉ AUX POTENTIALITÉS
MÉCONNUES
45
La société en commandite simple, telle que
régie174 par l'AUSCGIE, ne présente
pas que des inconvénients. Son régime juridique comporte un
certain nombre de particularités qui sont autant des qualités.
Les avantages qu'offre son régime juridique ont très vite
été négligés à cause des
sociétés de capitaux. Ces dernières ont pu donc occulter,
par leur image apparemment bien attrayante, les atouts que présentent
les sociétés de personnes et en particulier la
société en commandite simple.
En effet, les sociétés de capitaux, étant
caractérisées par la limitation de la responsabilité des
associés à leurs apports, ont semblé gagner l'approbation
des acteurs économiques. Ces derniers n'ont donc plus cherché
à découvrir l'utilité réelle de la SCS. La seule
image qui en est retenue est qu'elle est une société de personnes
dans laquelle les associés peuvent être responsables
indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Or, au-delà de
la responsabilité solidaire et indéfinie qui ne concerne
d'ailleurs qu'une catégorie d'associé au sein de la SCS, cette
dernière possède diverses potentialités.
Parmi les sociétés commerciales prévues
par le législateur OHADA, la SCS est l'une des sociétés
qui offrent assez de liberté et de souplesse aux associés
après la société par actions simplifiées (SAS). Les
règles régissant sa constitution et son fonctionnement en
convainquent suffisamment. La SCS a cette particularité avantageuse de
garantir du crédit à la société, par la
responsabilité solidaire et indéfinie des commandités tout
en protégeant les tiers175. De même,
le problème de l'incapacité, des interdictions ou des
incompatibilités ne se posent pas en ce qui concerne l'associé
commanditaire. Aucun capital social minimum176
n'est exigé et les associés peuvent assouplir le régime de
cession de leurs parts sociales177. Ce sont
quelques éléments qui traduisent l'intérêt de la
SCS. Il existe autant d'avantages dans le régime juridique de cette
forme sociale, mais ils sont simplement méconnus dans l'espace OHADA.
Pour mieux répertorier les qualités de la SCS,
il faut distinguer selon qu'elles sont juridiques (chapitre I)
ou économiques (chapitre II).
174 Par rapport à la
société en nom collectif et à toutes les
sociétés de capitaux telles que la SARL, la SA, à
l'exception de la SAS, la société en commandite simple est la
forme sociale la plus souple en ce qu'elle regroupe à la fois les
commerçants et les noms commerçants d'où sa nature
hybride.
175 La responsabilité illimitée
des associés commandités fonde la confiance des tiers
créanciers.
176 Répondant, à titre
supplétif, du régime de la société en nom
collectif, la commandite simple peut également se constituer sans
capital social minimum.
177 C'est une société de grande
liberté et la formulation de la majorité des clauses statutaire
relève du bon plaisir des associés.
46
Chapitre I.
LES QUALITÉS JURIDIQUES DE LA
SOCIÉTÉ EN COMMANDITE
SIMPLE
La SCS présente plusieurs avantages sur le plan
juridique. L'appréciation de ces qualités mérite
d'être faite par rapport à d'autres formes sociales. Il s'agit
d'analyser les difficultés qu'éprouvent souvent les utilisateurs
des autres formes de sociétés178 par
rapport à la commandite simple.
La constitution et le fonctionnement de la SCS posent moins de
problèmes par rapport aux autres formes de sociétés, les
entrepreneurs n'étant pas souvent des praticiens du droit des
sociétés. La société en commandite simple
l'avantage d'avoir un régime juridique construit sur la base des
règles issues des deux grandes catégories de
sociétés commerciales : les sociétés de personnes
pour ce qui concerne les commandités et les sociétés de
capitaux en ce qui concerne les commanditaires. Cette nature hybride de la
commandite simple constitue une source de divers avantages juridiques pour les
acteurs qui s'y aventurent.
En effet, tout entrepreneur qui nourrit un
intérêt particulier pour les sociétés de personnes,
mais qui hésite, du fait de la responsabilité illimitée
des associés, trouverait mieux satisfaction avec la
société en commandite simple. Celui-ci y prendra la
qualité de commanditaire et prendra part à la vie sociale tout en
étant à l'abri d'éventuelles poursuites de la part des
créanciers sociaux.
La liberté contractuelle des associés est mieux
protégée dans la société en commandite simple que
dans n'importe quelles autres sociétés. La liberté
contractuelle consiste en « la liberté de contracter ou de ne
pas contracter, la liberté de choisir son partenaire et également
la liberté de façonner le contenu du contrat
»179. Les qualités juridiques de
la commandite simple sont multiples, elles peuvent être regroupées
en deux grandes séries suivant leurs fonctions.
Ainsi, le régime juridique de la SCS constitue, d'une
part, un gage de respect de la volonté des associés
(Section I) et d'une gestion efficace de la
société, d'autre part (Section II).
178 La constitution et le fonctionnement de
la SA, par exemple, exigent certaines conditions strictes qui n'offrent pas de
choix aux acteurs économiques. La désignation du Commissaire aux
comptes est, par exemple une obligation lors de la constitution de la SA, alors
qu'il n'est toujours pas le cas dans la SCS.
179 M. PEDAMON, Le contrat en droit
allemand, LGDJ, Paris, 2e éd., 2004, n° 22, p.
17.
47
SECTION I. UN GAGE DE RESPECT DE LA VOLONTÉ DES
ASSOCIÉS
Le respect de la volonté des parties au contrat de
société est manifeste dans le régime juridique de la
commandite simple prévue dans l'AUSCGIE. Il suffit de le parcourir pour
se rendre compte de la promotion qui est faite de la liberté des
associé (§ I). Mais, il faut distinguer la
liberté de la souplesse. La liberté, en matière civile,
suppose le droit de faire tout ce qui n'est pas défendu par la loi. Le
législateur a assoupli certaines conditions applicables aux
commanditaires de la société en commandite simple (§
II).
§ I. LA PROMOTION DE LA LIBERTÉ DES
ASSOCIÉS
Dans le régime juridique de la société en
commandite simple, la promotion de liberté des associés s'observe
dans les règles relatives à la fixation du capital social
(A) et dans celles portant sur au fonctionnement même de
ladite société (B).
A. La liberté dans la fixation du capital social
Plusieurs dispositions relatives à la commandite simple
permettent de justifier en quoi sa constitution est plus la chose des
associés qu'un domaine d'intervention accrue du
législateur180. Tout comme dans le
régime juridique de la société en nom collectif, aucune
disposition n'impose un capital social minimum pour la constitution d'une
société en commandite simple.
En ce qui concerne la SNC, les dispositions relatives à
la participation des associés dans le capital social prévoient
simplement que le capital social est divisé en parts sociales de
même valeur nominale181. Il n'y a donc aucune
contrainte légale en matière de capital social. Il en
résulte une liberté des associés quant à la
détermination du capital social.
En outre, le législateur n'a pas fixé non plus
la réelle valeur nominale minimale d'une part sociale. Que ce soit dans
le régime juridique de la SNC que celui de la SCS, aucune disposition ne
précise le montant en deçà duquel il n'est pas possible de
retenir la valeur nominale des parts sociales. Même dans les mentions
obligatoires que doivent contenir les statuts de la SCS, aucune
référence n'est faite sur la valeur nominale exacte d'une part
sociale. Les exigences qui y sont faites portent sur le montant ou la valeur
des apports de tous les associés ; la part dans ce montant ou cette
valeur de chaque associé commandité ou
180 Le cas de la constitution des
sociétés de capitaux telles que la SARL, SA et SAS justifie cet
argument.
181 AUSCGIE, art. 273.
48
commanditaire ainsi que la part globale des associés
commandités et la part de chaque associé commanditaire dans la
répartition des bénéfices et dans le boni de
liquidation182.
Ce silence signifie-t-il que la valeur nominale des parts
sociales dans la SCS peut ne pas atteindre la valeur minimale de 5000 F CFA
fixée par le législateur en ce qui concerne la
société à responsabilité
limitée183 ? Le silence du
législateur prête à une réponse affirmative et c'est
en cela que les sociétés de personnes prévues dans
l'AUSCGIE offrent plus de liberté que les sociétés de
capitaux. Le régime juridique de la SCS a donc cet avantage de n'imposer
aux associés ni un capital minimum, ni une valeur nominale minimale.
Tout est laissé à la libre fixation par les associés.
Ce silence du législateur impliquerait-il que lors de
la constitution de la société, les statuts peuvent ne
préciser ni le capital social minimum ni la valeur nominale minimale
arrêtés par les associés ? Les associés
pourraient-ils constituer une SCS sans capital social et en préciser la
valeur ultérieurement ? La liberté caractérisant les
règles de la SCS n'est pas synonyme de tolérance du
libertinage184 sociétaire. A partir du
moment où les associés sont censés faire des apports, il
ne peut y avoir de société commerciale sans capital social
fixé et connu d'avance dans les statuts.
La liberté que postule le régime juridique de la
société en commandite simple concerne surtout la rédaction
des statuts de cette société.
B. La liberté dans la
rédaction des statuts
Lors de la constitution de la SCS, les rédacteurs des
statuts ont une très grande marge de
manoeuvre185. Cette liberté dans la
rédaction des statuts de la SCS a son siège dans les dispositions
relatives à la cession des parts sociales et surtout aux modes de
consultation des associés.
En effet, après avoir posé que les parts
sociales ne peuvent être cédées qu'avec le consentement
unanime de tous les associés commandités comme commanditaires, le
législateur a ajouté un tempérament important signe de
liberté. Il a disposé que les statuts peuvent fixer des
règles différentes en prévoyant que les parts de
commanditaires sont
182 AUSCGIE, art. 295.
183 AUSCGIE, art. 311.
184 Le libertinage ici est synonyme d'abus
par une personne, de la liberté dont elle bénéficie, voir,
dans ce sens, Le Petit Larousse, Dictionnaire de langue française,
éd. 2018.
185 J. MESTRE et Ch. BLANCHARD-SEBASTIEN,
Sociétés commerciales, op. cit., n°2595, p.
1143.
49
librement cessibles entre associés ou à des
tiers étrangers avec le consentement unanime de tous les associés
commandités et de la majorité des associés
commanditaires.
Le législateur permet de stipuler dans les statuts
qu'une partie des parts sociales d'un associé commandité
pourraient être cédées à un associé
commanditaire ou à un tiers avec le consentement unanime des
associés commandités et un consentement majoritaire des
commanditaires186. Il revient donc aux fondateurs
de déterminer de quelle façon se feront les cessions des parts
sociales.
Ce n'est qu'à défaut d'une clause statutaire que
le régime légal de la cession des parts des
sociétés de personnes pourrait être appliqué. Les
associés ont donc la faculté de prévoir des conditions de
cession plus complexes ou très simples. Ils peuvent même convenir
qu'aucun associé ne pourra céder ses parts à une personne
étrangère à la société.
Par ailleurs, les rédacteurs des statuts jouissent
d'une très grande liberté187 quant
à la détermination des modes de consultation des associés.
Les associés n'ont plus à se plier aux impératifs et
restrictions légaux tels qu'il en est des conditions de consultation
dans la société à responsabilité
limitée188. L'alinéa 2 de l'article
302 de l'AUSCGIE dispose : « les statuts fixent les modalités
de consultation, en assemblée ou par consultation écrite, ainsi
que les règles de quorum et de majorité ». Cette
disposition est l'un des grands traits caractéristiques de la
société en commandite simple par rapport aux
sociétés de capitaux telles que la société à
responsabilité limitée189 et la
société anonyme190.. Dans ces deux
dernières sociétés, les associés n'ont pas
totalement cette liberté de fixer toutes les modalités de
consultation et dans le silence des statuts, la loi a prévu des
règles relatives au quorum et à la majorité dans ces
sociétés.
En dehors de ces cas de liberté laissée au bon
vouloir des associés, le régime juridique de la
société en commandite simple se caractérise
également par une très grande souplesse lors de la constitution,
quant à la qualité du commanditaire.
186 AUSCGIE, art. 296, al. 1er.
187 J. MESTRE et Ch. BLANCHARD-SEBASTIEN,
Sociétés commerciales, op. cit., n°2595, p.
1143.
188 AUSCGIE, art. 333, al. 2. Ce texte pose
une restriction au sujet des décisions en assemblée
générale annuelle : « ... toutes les décisions ou
certaines d'entre elles sont prises par consultation écrite des
associés, excepté le cas de l'assemblée
générale annuelle ».
189 Pour la société à
responsabilité limitée, voir les articles 333 à 344 de
l'AUSCGIE.
190 En ce qui concerne la
société anonyme, la rigueur imposée par le
législateur peut se déduire de tout le régime juridique de
cette forme de sociale. Voir, à cet effet, les articles 385 à 853
de l'AUSCGIE.
50
§
II. LA SOUPLESSE RELATIVE À LA
PERSONNE DU COMMANDITAIRE
Le législateur a rompu avec la rigueur de la forte
commercialité qui caractérise les sociétés de
personnes. La SCS accepte les incapables (A) sans laisser les
personnes dont la profession est incompatible avec toute activité
commerciale (B).
A. L'assouplissement de l'exigence de la
capacité
La notion de capacité d'un associé renvoie
à l'aptitude à participer à la vie de la
société. Le législateur est affirmatif sur la
qualité d'un associé. Il dispose que « toute personne
physique ou morale peut être associée dans une
société commerciale lorsqu'elle ne fait l'objet d'aucune
interdiction, incapacité ou incompatibilité visée
notamment par l'AUDCG »191.
Dans une société de personnes comme la
société en nom collectif, la capacité est envisagée
relativement aux personnes physiques et aux personnes morales. En cela, c'est
le plus souvent la capacité générale qui est
recherchée, c'est-à-dire la capacité
contractuelle192. Le futur associé devra,
s'il entend porter le statut d'associé en nom ou de commandité,
avoir la capacité commerciale193,
c'est-à-dire la capacité qui lui permet de faire des actes de
commerce.
De fait, le mineur non émancipé ne peut avoir la
qualité de commerçant ni effectuer des actes de commerce. De
même, le conjoint du commerçant n'a la qualité de
commerçant que s'il accomplit les actes de commerce à titre de
profession et séparément de ceux de l'autre conjoint. Sont
concernés par l'exigence de la capacité commerciale,
l'associé en nom collectif et l'associé commandité dans
une société en commandite simple. C'est encore la capacité
de jouissance ou d'exercice requise des associés personnes physiques.
Or, le régime juridique de la société en
commandite simple assouplit toutes ses exigences en ce qui concerne
l'associé commanditaire. Il suffit d'avoir la capacité
contractuelle pour devenir commanditaire et coassocié avec les
commerçants sans pour autant en être un.
191 AUSCGIE, art. 7.
192 V. S. BRAUDO, Dictionnaire du droit
privé, disponible sur
www.dictionnaire.juridique.com
: « la capacité contractuelle s'entend de l'aptitude
définie par la loi de conclure un acte juridique valable ayant pour
conséquence d'engager la responsabilité de celui qui le souscrit
dans le cas où il n'exécutait pas les obligations mises à
sa charge par le contrat et qui, en conséquence, engage son patrimoine
».
193 Idem : « La
capacité commerciale désigne l'aptitude physique ou morale
qu'à une personne de pouvoir faire des actes de commerce ».
51
Le régime juridique de la société en
commandite simple a dépassé l'exigence de la capacité
commerciale pour servir les attentes des commanditaires. Il s'agit d'une
souplesse très remarquable qui devrait normalement inciter les
entrepreneurs à créer des commandites simples dans l'espace
OHADA. Si dans une SNC, il faut obligatoirement avoir la capacité
commerciale ou être commerçant, avant d'y être
associé, la commandite simple a l'avantage spécifique
d'être la seule société de personnes qui n'exclut pas les
mineurs non émancipés.
Le mineur non émancipé, sous administration
légale est incapable, mais peut participer à la constitution
d'une société et les apports peuvent être faits par
l'administrateur légal194. Les majeurs en
tutelle ou sous curatelle peuvent faire partie de la SCS en qualité de
commanditaires. Il suffit simplement que les personnes se retrouvant dans ces
catégories se fassent représenter ou assister.
Mêmes les faillis non
réhabilités195 ou les personnes
placées sous le régime d'interdiction de l'article 10 de l'Acte
uniforme relatif au droit commercial
général196 y ont leurs places. Les
époux, même mariés sous le régime de la
séparation des biens, à qui il est formellement interdit
d'être associés dans une société où ils
seraient tenus infiniment et solidairement des dettes
sociales197, peuvent être associés de
la SCS. Ils pourront y être tous les deux associés, soit en
qualité de commanditaires soit avec la possibilité qu'un soit
commandité et l'autre commanditaire. La société en
commandite simple passe ainsi pour la meilleure société de
personnes appropriée aux couples mariés qui ne désirent
pas partager les bénéfices de leurs activités avec une
autre personne.
La capacité commerciale n'est pas exigée pour
être associé commanditaire de la SCS. Cette forme sociale est
ainsi ouverte à de différentes entités mêmes n'ayant
pas la capacité commerciale. Celles-ci peuvent y acquérir des
parts sociales en qualité d'associés commanditaires dès
lors qu'elles jouissent d'une véritable personnalité juridique.
Il s'agit précisément des sociétés
civiles198, les
associations199, les groupements
d'intérêt économique
194 Code togolais de personnes et de la famille
(CTPF), art. 259.
195 AUDCG, art. 10 ss., ce texte est relatif
aux régimes des interdictions de faire des actes de commerce à
titre de profession ; l'article 11 de l'AUDCG traite de la
réhabilitation des interdits.
196 AUDCG, art. 10.
197 AUSCGIE, art. 9.
198 Aux termes de l'article 1845
alinéa 2 du Code civil, ont le caractère civil, les
sociétés auxquelles la loi n'attribue pas un autre
caractère à raison de leur forme, de leur nature, ou de leur
objet.
52
(GIE)200 à objet civil,
voire les personnes morales de droit public201.
Toutes ces entités sont caractérisées par
l'incapacité commerciale. Elles peuvent devenir associés
commanditaires dans la société en commandite simple.
Le législateur n'a pas seulement levé l'exigence
de la capacité vis-à-vis des commanditaires, il a
également fait de la société en commandite simple, une
société particulièrement attractive en rompant la
règle des incompatibilités en faveur des commanditaires.
B. La rupture avec la règle des
incompatibilités
Certaines activités sont marquées par un souci
d'impartialité, un désintéressement ou un objectif
d'intérêt général incompatible avec l'exercice du
commerce qui se caractérise par l'esprit de lucre et la recherche du
gain202. C'est pour cette raison que le
législateur de l'OHADA a prévu la règle des
incompatibilités.
Sans définir la notion d'incompatibilité, le
législateur a posé le principe selon lequel « nul ne
peut exercer une activité commerciale lorsqu'il est soumis à un
statut particulier établissant une incompatibilité
»203. L'incompatibilité
désigne, pour un auteur, l'impossibilité ou les situations de
cumul de deux ou plusieurs professions inconciliables par une même
personne204. Cette règle des
incompatibilités a été instituée afin
d'éviter les conflits d'intérêts.
Les dispositions de l'AUDCG permettent de déduire une
telle analyse : « l'exercice d'une activité commerciale est
incompatible avec l'exercice des fonctions ou professions suivantes :
-fonctionnaires et personnels des collectivités publiques et des
entreprises à participation publique ; -officiers ministériels et
auxiliaires de justice :avocat, huissier, commissaire-priseur, agent de change,
notaire, greffier, administrateur et liquidateur judiciaire ; - expert-
199 L'association est une «
convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun,
d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans
un but autre que de se partager des bénéfices. Elle est
régie, quant à sa validité, par les principes
généraux du droit appliqué aux contrats et aux obligations
», V. art. 1er de la loi française n° 40-484
du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association en vigueur au
Togo, disponible sur
http://jo.gouv.tg/node/10084,
consulté le 30 mars 2021 à 18h 04'.
200 V. AUSCGIE, art. 869 : « le
groupement d'intérêt économique est celui qui a pour but
exclusif de mettre en oeuvre pour une durée déterminée,
tous les moyens propres à faciliter ou à développer
l'activité économique de ses membres, à améliorer
ou à accroître les résultats de cette activité
».
201 Les personnes morales de droit public
sont : l'Etat, les collectivités territoriales et les
établissements publics.
202 SANTOS (P. A.) (dir.) et al., OHADA,
Droit commercial général, Juriscope, Paris,
1re éd., 2020, n°255, p. 65.
203 AUDCG, art. 8, al. 1er.
204 V. S. BRAUDO, Dictionnaire
juridique, disponible sur
www.dictionnaire.juridique.com,
op. cit.
53
comptable agrée et comptable agréé,
commissaire aux comptes et aux apports, conseil juridique, courtier maritime ;
- plus généralement, toute profession dont l'exercice fait
l'objet d'une réglementation interdisant le cumul de cette
activité avec l'exercice d'une profession commerciale
»205. Cette disposition est bien
respectée en ce qui concerne les sociétés de personnes.
Mais pour les sociétés à risque limité, une telle
disposition n'a pas d'importance dans la mesure où ce n'est pas
l'intuitus personae qui est prisé dans ce genre de
société.
Or, dans la société en commandite simple, les
commanditaires répondent du régime juridique des associés
des sociétés à risque limité. Ils ne doivent donc
pas se voir appliquer cette règle d'incompatibilité dans la
mesure où ils ne prennent pas part à la vie sociale en
qualité de commerçants. Cela implique que la commandite simple,
tout comme la société à responsabilité
limitée et la société anonyme, offre la possibilité
à toute personne de participer à la vie d'une
société commerciale, quelle que soit sa profession, sans y
être commerçant. C'est un véritable avantage de pouvoir
collaborer avec des commerçants, partager des bénéfices de
leurs exploitations sans en être un.
Il est même admis que le commanditaire puisse être
un commerçant dans une structure mais participer dans l'autre structure
en qualité de commanditaire, option impossible aux associés
commandités206. Les commanditaires sont donc
libres de tout mouvement, contrairement au commandités.
Cette rupture d'obstacle relatif à l'incapacité
et aux incompatibilités devrait, en principe, encourager la
création de sociétés en commandite simple, mais
malheureusement cette qualité est méconnue. Les qualités
du régime juridique de la commandite simple ne s'arrêtent pas
à la liberté des associés. Le législateur OHADA a
également garanti une gestion efficace de cette société
par des règles assez particulières.
SECTION II. UNE GARANTIE DE LA GESTION EFFICACE DE LA
SOCIÉTÉ
L'efficacité d'une société commerciale se
résume à sa gestion et à son contrôle par les
associés qui ne doivent pas être impliqués dans la gestion
sociale. Il n'est pas normal qu'un dirigeant d'une société
commerciale pluripersonnelle ait encore la charge de se contrôler. Le
risque d'abus de diverses natures serait éminent. Le régime
juridique de la commandite
205 AUDCG, art. 9, préc.
206 J. MESTRE et Ch. BLANCHARD-SEBASTIEN,
Sociétés commerciales, op. cit., n°2595, p.
1143.
54
simple garantit l'efficacité de sa gestion par le biais
des qualités remarquables qui caractérisent le statut de la
gérance (§ I) ainsi que celles issues du
rôle des associés non gérants (§
II).
§ 1. LES QUALITÉS INHÉRENTES AU STATUT DE LA
GÉRANCE
La gérance de toute société commerciale a
ses particularités. Les règles qui régissent la
gérance de la commandite simple constituent un gage de stabilité
des fonctions du gérant (A) et favorisent le
renforcement des pouvoirs de celui-ci (B).
A. La stabilité des fonctions du gérant
Plusieurs facteurs militent en faveur de la stabilité
des fonctions du gérant dans la commandite simple. A la
différence de la société à responsabilité
limitée207 dans laquelle les fonctions du
gérant prennent impérativement fin après quatre ans
à défaut de stipulation statutaire, la commandite simple connait
une gérance sans risque de perturbation. Ces facteurs clés de la
stabilité des fonctions du gérant sont relatifs au mandat et
à la révocation du gérant.
D'une part, la loi ne fixe aucune durée maximale du
mandat du ou des gérants de la commandite simple. Cette situation «
épargne donc aux intéressés les affres d'une
réélection »208 et sauf
décision contraire des associés, le gérant de la SCS est
nommé pour toute la durée de la société, ses
fonctions sont très stables209.
D'autre part, la révocation du gérant par les
associés est difficile à obtenir dans la société en
commandite simple. En effet, dans cette société, la
révocation doit être décidée dans les mêmes
conditions que dans la société en nom
collectif210. Ainsi, l'unanimité des
associés commandités et la majorité des associés
commanditaires en nombre et en capital social sont les deux conditions
cumulatives exigées pour mettre fin aux fonctions du gérant
statutaire211. Ces conditions résultent de
l'application combinée des articles 279 et 305 de l'AUSCGIE, puisque la
révocation du gérant statutaire est une opération dont la
conséquence serait la modification des statuts. Aux termes du premier
texte, « si tous les associés sont gérants, ou
207 Dans la société à
responsabilité limitée, le législateur a
expressément prévu à l'article 324 que dans le silence des
statuts, le mandat du gérant est de 4 ans.
208 A. VIANDIER (dir.), J. HILAIRE, H. MERLE
et H. SERBAT, La société en commandite entre son passé
et son avenir, op. cit. p. 213, n° 272.
209 Y. GUYON, Droit des affaires : Droit
commercial et sociétés, op. cit., p. 236.
210 F. LEFEBVRE, Sociétés
commerciales, Mémento Pratique Francis Lefebvre, 2016,
n°27001, p. 375.
211 J. MESTRE et C. BLANCHARD-SEBASTIEN, op.
cit., p. 1148, n° 2614.
55
si un gérant associé est
désigné par les statuts, la révocation de l'un d'eux ne
peut être faite qu'à l'unanimité des autres associés
»212.
Toujours en ce qui concerne la révocation, même
lorsque le gérant n'est pas associé et n'est pas statutaire, le
législateur OHADA tout comme français ont institué la
règle générale de la révocation pour juste
motif213. Cette règle est susceptible de
dissuader les associés d'un éventuel projet de révocation
du gérant, dès lors que ce dernier n'aurait commis aucune faute
et que les premiers ne voudraient pas courir le risque d'une condamnation au
paiement de dommages et
intérêts214.
En outre, la révocation de l'unique commandité
gérant peut avoir des conséquences négatives sur la vie
future de la société. Ainsi, les associés peuvent craindre
de révoquer un tel gérant dès lors qu'il n'existe dans les
statuts aucune clause de continuation pouvant épargner la
société de la dissolution.
La stabilité des fonctions du gérant de la SCS
est telle qu'il ne doute de rien dans l'exercice de ses pouvoirs, car ses
pouvoirs sont également renforcés.
B. Le renforcement des pouvoirs du
gérant
Selon qu'ils sont exercés vis-à-vis des
associés ou à l'égard des tiers, les pouvoirs du ou des
gérant de la SCS sont renforcés. Certes, le caractère
supplétif de la loi est indéniable dans le régime
juridique de la société en commandite simple. Les associés
sont libres de prévoir telle ou telle autre clause. Cela a
été démontré215.
Les statuts définissent les pouvoirs. Lorsque les
associés ont désigné plusieurs gérants, ils peuvent
fixer les pouvoirs de chacun dans les statuts. Mais si les statuts ne
prévoient rien à cet effet, chaque gérant peut faire tous
les actes de gestion dans l'intérêt de la société et
chaque gérant a le droit de s'opposer à toute opération
projetée par un autre216. Le
législateur renforce ainsi les pouvoirs du gérant en cas de
silence des statuts sur leur étendue. C'est un moyen
212 Art. 279, al. 1er de l'AUSCGIE,
préc.
213 AUSCGIE, art. 281 ; V. Code de commerce
français, art. L. 221-12, al. 4.
214 Les dommages et intérêts
désignent une « somme d'argent destinée à
réparer le dommage subi par une personne en raison de
l'inexécution, de l'exécution tardive, ou de l'exécution
défectueuse d'une obligation ou d'un devoir juridique par le
cocontractant ou un tiers », V. Lexique des termes juridiques,
Dalloz, Paris, 27e éd. 2020.
215 V. Supra, p. 54 où il est
traité de la liberté dans la rédaction des statuts.
216 AUSCGIE, art. 177.
56
pour éviter l'inaction des gérants sous
prétexte que les statuts n'auraient pas déterminer leurs
pouvoirs.
Dans les rapports avec les tiers, le gérant de la SCS,
à l'instar de celui de la SNC, engage la société pour tout
acte entrant dans l'objet social217 et les clauses
restreignant ses pouvoirs ne sont pas opposables aux
tiers218. Il faut donc dire que ses pouvoirs envers
les tiers sont encore plus étendus qu'à
l'interne219. La société devra donc
exécuter les obligations que le gérant a contractées en
son nom dès lors que ces obligations se situent dans l'objet social.
Le caractère obligatoire des clauses statutaires
limitatives de pouvoirs implique que la société se retrouve
engagée à l'égard des tiers, même si le
gérant a accompli un acte entrant dans l'objet social mais qui lui
était interdit par les statuts220. La
société est également engagée par les actes qui
entrent dans l'objet social, même s'ils sont contraires à
l'intérêt social.
Par ailleurs, la responsabilité solidaire et
indéfinie des commandités221,
ressentie comme inconvénient majeur des sociétés de
personnes222 et source d'injustice dans la
commandite simple223, se trouve être le
véritable atout au renforcement des pouvoirs du gérant de cette
société.
Pour le Doyen VIANDIER, il faut aller plus loin et
considérer la responsabilité du commandité comme le «
nerf de l'activité économique et le meilleur des stimulations
qui puisse animer un gestionnaire (...). En vérité, le profit
retiré de la responsabilité n'est pas uniquement d'ordre moral,
il participe également du réel en tant qu'il renforce le pouvoir
du commandité, ce qui se traduit de droit à sa manière, en
tenant éloignés de la gestion externe, ceux des associés
qui ne courent aucun danger, les commanditaires
»224.
L'autre aspect du renforcement efficace de la gérance
de la SCS que les acteurs ignorent est de favoriser la transmission du pouvoir
et d'assurer ainsi la continuité de la gérance. Pour certains
auteurs, le moyen juridique existe, c'est l'organisation d'une gérance
« héréditaire »
217 L'objet social d'une
société commerciale est constitué par l'activité
qu'elle entreprend et qui doit être décrite dans les statuts de
cette société, V. art. 19 de l'AUSCGIE.
218 AUSCGIE, art. 177-1.
219 D. MARTIN, « Les pouvoirs des
gérants de sociétés de personnes », RTD com.
1973, n° 185.
220 Il s'agit ici d'une faute du
gérant, susceptible d'aboutir à des sanctions internes, mais elle
n'a aucun impact sur l'engagement de la société à
l'égard du cocontractant dès lors que l'acte accompli entre dans
l'objet social.
221 AUSCGIE, art. 293 relatif à la
définition de la SCS et l'art. 270 concernant les associés en
nom.
222 Ph. MERLE, op. cit., n°157,
p.180.
223 V. Supra., p. 12 s.
224 A. VIANDIER (dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et
H. SERBAT, op. cit., p. 213, n° 271.
57
par les statuts, qui désignent les futurs titulaires du
poste, qui seront, par exemple, les héritiers du gérant
commandité225.
L'efficacité de la gestion de la société
en commandite simple ne se limite pas seulement à la stabilité
des fonctions du gérant et au renforcement des pouvoirs de ce dernier.
Elle est reflétée également dans le rôle que jouent
les associés de la SCS qui n'y exercent pas les fonctions de
gérants.
§ II. LES QUALITÉS FONDÉES SUR LE RÔLE
DES ASSOCIÉS NON GÉRANTS
Deux aspects du rôle des associés non
gérants de la SCS permettent d'apprécier un autre aspect de
l'efficacité des règles régissant la gestion de la SCS. Il
s'agit démontrer l'utilité résiduelle de la défense
d'immixtion (A) et du mode de contrôle de la gestion
sociale (B).
A. L'utilité résiduelle de la défense
d'immixtion
Les commanditaires de la commandite simple ont un statut
similaire à celui des associés de la SARL puisque leur
responsabilité est limitée au montant de leurs
apports226. La conséquence logique aurait
été de permettre à ceux-ci d'être éligibles
aux fonctions de gérants tout comme les associés de la SARL. Mais
une telle autorisation aurait été un danger pour la
société, puisque n'ayant pas forcément les aptitudes d'un
commerçant, le commanditaire ne saurait gérer efficacement. Si le
principe de la défense d'immixtion peut être vu comme l'un des
facteurs d'inégalité au sein de la SCS, il n'y a pas de raison de
méconnaitre à ce principe une importance résiduelle.
Il faut éviter qu'un dirigeant profane cause un
préjudice à la société par ses éventuels
actes d'imprudence qui fonderaient la croyance légitime du tiers. C'est
pour épargner la société de ce risque que le
législateur interdit formellement aux commanditaires d'exercer des
fonctions de gérant. Les commanditaires « ne peuvent faire
aucun acte de gestion externe, même en vertu d'une procuration
»227. Cette règle,
également vue comme une discrimination228
à l'égard du commanditaire, s'avère être une
qualité qui participe à la gestion saine de la SCS. Il s'agit de
l'utilité résiduelle du principe de la défense
d'immixtion.
225 J. HEMARD, F. TERRE, P. MABILAT,
Sociétés commerciales, 3 vol., t. II, Paris, 1972-1978,
n°1323.
226 Suivant la définition légale
de la société en commandite donnée à l'article 293
de l'AUSCGIE.
227 AUSCGIE, art. 299, préc.
228 V. supra., p. 12 s.
58
En effet, en interdisant l'immixtion des commanditaires, soit
directe sous forme de participation ostensible229
à la gérance, soit indirecte230, le
législateur OHADA vise trois finalités. D'abord, l'interdiction
d'ingérence du commanditaire dans la gestion externe vise à
protéger les tiers contre les manoeuvres par lesquelles les
associés cherchent à leur donner l'illusion d'un gage important.
Un gage qui serait offert en confiant la gérance à un
commanditaire mieux nanti financièrement et en laissant dans l'ombre les
commanditaires dont la situation ne saurait inspirer confiance aux
créanciers.
Ensuite, la défense d'immixtion tend à
protéger la société elle-même contre les imprudences
et les hardiesses d'un commanditaire gérant, d'autant enclin à
aggraver le passif social pour lequel il sait que personnellement sa
responsabilité est limitée.
Enfin, cette règle est un avantage, à la fois,
pour la société et pour le tiers dans la mesure où ils
sont « protégés contre la gérance occulte
»231 faite par les commanditaires. Dans
cette même optique de présentation de l'intérêt de la
défense d'immixtion, certains
auteurs232 affirment que la
gestion occulte est au moins dangereuse aussi que la gestion ostensible. Pour
eux, il est à craindre que des associés, disposant de capitaux
importants, mais désireux de diminuer leurs risques, ne «
s'abritent derrière un commandité de pacotille, simple homme
de paille sans surface réelle, car lorsque la signature est aux mains du
commanditaire, les créanciers peuvent être induits en erreur et se
figurer qu'ils ont affaire à l'associé principal, responsable du
passif social sur tous ses biens »233.
Mais si malgré l'interdiction, le commanditaire,
associé dont la responsabilité financière est
limitée s'immisce dans la gestion, il répondrait de sa faute
conformément à l'article 300 de l'AUSCGIE. Il s'agirait, dans ce
cas, un recul marginal de limitation de la responsabilité tel que l'a
développé M. FOLLY. Pour cet auteur, l'aggravation de la
responsabilité limitée d'un associé pour faute personnelle
n'est pas spécifique aux sociétés à risque
limité. « Cette situation (...) est aussi présente dans
les sociétés à risques illimités. Dans ce cas de
figure, les associés ne répondent que des conséquences de
leurs propres fautes et non des actes des
229 La gestion ostensible est celle qui est
faite au vu de tous sans intention de se cacher.
230 L'immixtion indirecte concerne les actes
d'ingérence. Les actes dont l'accomplissement par le commanditaire
pourrait induire le tiers en erreur.
231 P. PIC, « La défense
d'immixtion des commanditaires dans la gestion des sociétés et la
crise actuelle », Dalloz Recueil Hebdomadaire, 1933, n°10,
Chronique, p. 21.
232 Ch. LYON-CAEN et L. RENAULT,
Traité de Droit commercial, Editions F. Pichon et Durand-Auzias,
1922, Paris, tome V, n° 487, p. 433.
233 P. PIC, op. cit., p. 22.
59
dirigeants »234. La
sanction du commanditaire fautif outrepassant la défense d'immixtion par
l'extension de sa responsabilité correspond avec exactitude à
cette affirmation.
Il est donc clair que les règles gouvernant la gestion
de la société en commandite simple revêtent une grande
utilité relativement à la défense d'immixtion du
commanditaire. Il faut par ailleurs ajouter que les qualités des
règles de gérance de la société en commandite
simple concernent le mode de contrôle de cette société.
B. La fiabilité du mode de
contrôle de la gestion
Le mode de contrôle de gestion de la
société en commandite simple garantit une fiabilité
particulière inhérente aux titulaires internes et externes du
droit de contrôle. Il s'agit du rôle des commanditaires et
commandités non gérant, d'une part et de l'intervention possible
d'un commissaire aux compte, d'autre part.
Le contrôle est effectué par les commanditaires
et les commandités non gérants dans la phase de nomination du
gérant ou des gérants. Une fois que les fonctions du
gérant prennent effet, la loi leur donne pouvoir de poursuivre leur
rôle de contrôleurs.
En tant qu'associés, les commanditaires et
commandités désignent d'un commun accord celui qui va assurer la
gérance de la SCS. Au cours de cette opération de
désignation, chaque associé, qu'il soit commanditaire ou
commandité, exerce son droit de contrôle par son vote. La loi
donne le pouvoir à ceux-ci d'obtenir, deux fois par an, communication
des livres et des documents sociaux et de poser par écrit des questions
sur la gestion auxquelles il doit être répondu également
par écrit.
L'article 307 AUSCGIE qui est le siège de ce pouvoir de
contrôle des associés non gérants, offre aux
commandités les mêmes pouvoirs que les commanditaires. Le
législateur a donc choisi de donner aux commandités des pouvoirs
qu'ils n'auraient pas eus s'ils étaient dans une SNC, puisque dans cette
forme sociale, la loi a expressément prévu que « les
associés non gérants ont le droit de consulter, au siège
social, deux fois par an, tous les documents et pièces comptables ainsi
que les procès-verbaux des délibérations et des
décisions collectives235. Cette
disposition précise que s'ils décident d'en prendre copies, ce
serait à leurs frais236. Cela implique
qu'ils n'ont qu'un simple droit de consultation. L'accroissement
234 M. A. FOLLY, Le statut des dirigeant
sociaux en droit de l'OHADA, thèse de Doctorat, Université
de Montpellier, 2014, n° 83, p. 51.
235 AUSCGIE, art. 289, préc.
236 AUSCGIE, art. 289, préc.
60
particulier du droit de contrôle des commandités
non gérants au côté des commanditaires dans la SCS renforce
l'efficacité du contrôle de la gestion.
Par ailleurs, ces dispositions sont efficaces en ce qu'elles
ne restreignent pas la nature des sanctions applicables au gérant en cas
de faute de gestion. Ce silence législatif sur la sanction signifie que
les associés peuvent engager la responsabilité personnelle du
gérant qui ne s'acquitte pas de cette obligation légale. Etant
donc averti de la possibilité que sa responsabilité soit à
tout moment engagée, le gérant va veiller à
l'assainissement de la gestion, qu'il soit un associé commandité
ou un tiers. En cas de faute de gestion, la décision de
révocation, tout comme celle de nomination du gérant ou de
modification des statuts, constitue un des aspects de l'exercice du
contrôle par les associés commanditaires et commandités non
gérants237.
En outre, dans la société en nom collectif, le
législateur a expressément prévu les cas dans lesquels les
associés doivent procéder à la désignation d'un
commissaire aux comptes pour le contrôle238.
Les règles relatives à la société en commandite
simple n'ont pas expressément prévu le contrôle de la
société par le commissaire aux comptes au-delà d'un seuil,
mais le recours global au régime juridique de la société
en nom collectif239 induit l'applicabilité
des dispositions de l'article 289-1 à la société en
commandite simple.
Ainsi, la possibilité de faire contrôler la
société en commandite simple par un commissaire aux comptes,
acteur externe à la société, vient renforcer le dispositif
de contrôle interne exercé par les associés non
gérants. D'où la fiabilité des modes de contrôle de
la SCS, une qualité aussi ignorée par les acteurs
économiques.
Les qualités juridiques que regorge la
société en commandite simple sont immenses. Elles concernent
aussi bien les règles relatives à sa constitution qu'à son
fonctionnement. En dehors de cette utilité juridique de règle
régissant la commandite simple, cette forme sociale présente
d'autres qualités qui sont d'ordre économiques.
237 P. LE CANNU et B. DONDERO, op. cit.,
p. 935.
238 AUSCGIE, art. 289-1.
239 AUSCGIE, art. 293-1, préc.
61
CHAPITRE II.
LES QUALITÉS ÉCONOMIQUES DE LA
SOCIÉTÉ EN COMMANDITE
SIMPLE
Les sociétés commerciales sont
créées pour un but, celui de faire des bénéfices et
de se les partager. Elles participent progressivement à la
stabilité économique des personnes qui les créent. Ces
dernières ont besoin des législations qui offrent de
possibilités de créer des sociétés commerciales
avec peu de ressources. Le régime juridique de la société
en commandite simple est de près un gage de faveurs économiques
à la portée des porteurs de projets commerciaux.
Les qualités économiques de la SCS consistent
notamment en la non-imposition d'un capital social
minimum240, la protection du capital par la
règle de l'intuitus personae tout comme dans la SNC, la
transmissibilité du patrimoine sociétaire aux héritiers ou
la possibilité de continuer avec ces
derniers241 suivant ou non la qualité
d'associé de leur auteur. Comparée à d'autres formes de
sociétés242 prévues dans
l'AUSCGIE jusqu'à présent, la SCS est la seule forme sociale qui
peut réunir à la fois des commerçants et des non
commerçants, financiers et
240 Aucune des dispositions n'exige un
capital social minimum pour la constitution de société en
commandite simple.
241 La transmissibilité du patrimoine
sociétaire ou la continuation avec les héritiers est possible
suivant l'article 308 et suivant.
242 La SCS a l'avantage de réunir des
professionnels et des non professionnels au sein d'une même pour des
intérêts communs. Ni la SARL ni les sociétés par
actions (SA et SAS) et non plus la SNC ne permettent assez suffisamment cette
collaboration.
62
entrepreneurs243, inventeurs et
capitalistes244, ou encore nobles et pauvres. Elle
autorise les apports en industrie aux associés commandités. En
cela, cette forme sociale a des potentialités économiques qui
bénéficient tant au commandité vu comme l'entrepreneur
(section I) qu'au commanditaire qui est l'investisseur
(section II).
SECTION I. LES POTENTIALITÉS DE LA COMMANDITE
SIMPLE POUR L'ENTREPRENEUR
Le régime juridique de la société en
commandite simple constitue un facteur de développement de
l'activité de l'entrepreneur de l'espace OHADA. L'entrepreneur est
défini comme « une personne physique qui, dans une entreprise,
exerce une activité commerciale, artisanale,
etc. et qui a, sous son
autorité, du personnel salarié
»245. L'entreprise « est une
unité économique destinée à la production de biens
ou à offrir des services ainsi qu'à la réalisation de
profits et supposant la réunion de moyens matériels et humains
»246. Le législateur OHADA a
défini la notion de petite entreprise comme « toute entreprise
individuelle, société ou autre personne morale de droit
privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal
à vingt (20), et dont le chiffre d'affaires n'excède pas
cinquante millions (50 000 000) de francs CFA, hors taxes, au cours des douze
(12) mois précédant la saisine de la juridiction
compétente »247. Le régime
juridique de la SCS constitue pour l'entrepreneur, un moyen de création
de l'entreprise (§ I) et à la fois un moyen de
transition économique (§ II).
§ I. UN MOYEN DE CRÉATION DE PETITES ENTREPRISES
Les avantages économiques de la SCS pour les petites
entreprises sont la facilité de réunion et de maintien du capital
social (A) et l'avantage lié à sa gestion
économique (B).
243 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE
et H. SERBAT, La société en commandite simple entre son
passé et son futur, op. cit., n°1, p. 1.
244 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE
et H. SERBAT, La société en commandite simple entre son
passé et son futur, p. 219, n° 282.
245 C. PUIGELIER, Dictionnaire
juridique, Larcier, Bruxelles, éd. 2015, disponible sur
www.larciergroup.com,
consulté le 03 janvier 2021, à 16h 25'.
246 Ibidem.
247 OHADA, Traité annoté des
acte uniformes, op cit., AUPC, art. 1-3 après la
révision du 10 septembre 2015.
63
A. La facilité de réunion et de maintien du
capital social
Pour tout entrepreneur, il n'y a pas de plus grand souci que
celui de trouver les fonds nécessaires pour le démarrage de son
activité. Une fois les fonds recueillis, dans le cas d'une
société commerciale, il faut veiller à ce que le
contrôle de la société ne bascule pas entre les mains d'une
personne indésirable. Autrement dit, il faut s'assurer que le capital
social ou la majorité des parts est détenue par les
associés qui manifestent vraiment l'intention d'être ensemble, des
personnes qui ne décident donc pas contre l'intérêt
social248.
Or, dans certaines sociétés telles que la
SARL249 et la SA250,
l'exigence légale251 d'un capital social
minimum constitue habituellement le premier handicap pour tout entrepreneur.
Devant une telle situation, les sociétés de personnes
s'avèrent généralement les mieux adaptées pour
l'avantage qu'elles offrent à travers la non exigence du capital social
minimum. Toutefois, toutes les sociétés de personnes ne sont pas
à désirer des entrepreneurs. Du fait de la responsabilité
solidaire et indéfinie, la SNC n'est pas souvent
préférée pour la personne qui désire financer
l'activité de l'entrepreneur en qualité d'associé sans
engager son patrimoine personnel. Il en résulte donc des
difficultés pour l'entrepreneur de choisir la SNC.
Ainsi, la seule société dont les avantages
économiques sont très bénéfiques à tout
entrepreneur ne disposant pas de fonds nécessaires à la
constitution du capital social est la commandite simple. Pour la constitution
de la SCS, le législateur OHADA, tout comme le législateur
français, n'en exige pas un capital minimum. Elle garantit donc à
tout entrepreneur la possibilité de création d'une
société de personne même avec un franc, l'important
étant de trouver une personne qui en serait commanditaire.
La société en commandite simple émet, en
contrepartie des apports effectués par ses associés, des parts
sociales de valeur identique252. Ces parts sociales
qui reviennent aux associés intègrent en réalité le
patrimoine individuel de chacun d'eux. Il faut éviter à ceux-ci
de perdre le contrôle de la société. Cette protection passe
par l'encadrement de la cession des parts. Au
248 Cf. Lexique des termes juridiques,
op. cit. : « Pour certains l'intérêt social est
l'intérêt de l'entreprise et englobe donc non seulement
l'intérêt des associés mais aussi celui des tiers
concernés (créanciers, fournisseurs, clients, administration
fiscale...). Pour d'autres, c'est l'intérêt collectif des
associés. »
249 Aux termes de l'article 311 de l'AUSCGIE,
le capital social minimum de toute SARL est de 1 000 000 de F CFA. Une
liberté est laissée aux Etats de fixer le capital selon les
réalités économiques qui leur sont propres.
250 Capital social minimum exigé pour
la constitution de toute société anonyme ne faisant pas d'appel
public à l'épargne est de 10 000 000 de F CFA dans tout l'espace
OHADA.
251 Au sujet du capital social minimum dans
la SARL, V. art. 311 de l'AUSCGIE ; concernant la S.A., V. art. 387 de
l'AUSCGIE.
252 A. FENEON, Op. cit. p. 756.
64
nom de l'intuitus personae, ces parts ne peuvent
être cédées qu'avec le consentement de tous les
associés, c'est-à-dire par une décision
unanime253. Dès lors, les associés
n'ont rien stipulé de particulier à cet effet dans les statuts,
il en sera ainsi254. L'intérêt social
est primé lors des opérations de cession dans la SCS.
En effet, l'accord unanime de tous les associés
commandités est requis pour l'entrée de tout nouvel
associé ; tandis que les associés commanditaires se prononcent
à la majorité en nom et en
capital255. Cette qualité permet à
l'entrepreneur, de protéger le capital social et, par voie de
conséquence, le patrimoine social. Les dividendes étant le fruit
de parts sociales, leur distribution serait donc garantie si le contrôle
de la société ne passe pas entre les mains d'un tiers qui se
soucie moins de la vie sociale. L'obstacle que pouvait constituer l'exigence
d'un capital social minimum est donc levé en ce qui concerne la SCS.
Cela devrait en principe favoriser la multiplication des sociétés
en commandite simple dans l'espace OHADA. Mais cet avantage d'ordre
économique semble voilé à l'instar de l'avantage relatif
à la gestion de cette société.
B. L'avantage lié à la
gestion économique de la commandite simple
L'absence de régime fiscal propre à la
société en commandite simple en droit OHADA constitue, certes, un
aspect de son incomplétude256 du
régime juridique de la SCS, tel que cela a été
démontré en amont257. Toutefois,
c'est un atout pour les associés. En France, par exemple, les
sociétés de personnes offrent d'autres avantages
économiques en liant avec leur régime fiscal.
En, effet, lorsqu'une société réalise un
déficit258, notamment au cours des
premières années de lancement de l'activité, le
régime juridique de ces sociétés, dont celui de la SCS,
permet d'une part, aux associés personnes morales de réduire
éventuellement leur propre bénéfice
253 B. LE BARS, Droit des
sociétés et de l'arbitrage international. Pratique en droit
de l'Ohada, Joly, Paris, 2011, p. 256.
254 AUSCGIE, art. 296.
255 B. LE BARS, op. cit., p. 256.
256 V. Supra., pp. 28 s. 257
Ibidem.
258 Le déficit désigne ce qui
manque pour équilibrer les recettes avec les dépenses (Le
déficit d'un compte d'exploitation). Situation financière
résultant de ce manque : La Sécurité sociale est en
déficit. V. Le Dictionnaire Larousse disponible sur
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/d%C3%A9ficit/22673,
consulté le 22 mars 2021, à 23h 06'.
65
imposable grâce à la déduction de leur
quote-part259 de déficit. D'autre part, le
régime juridique de ces sociétés permet, dans la
même logique que la précédente, aux associés
personnes physiques de réduire leur imposition personnelle.
Par ailleurs, pour une petite entreprise fonctionnant sous la
forme d'une SCS qui génère peu de bénéfices et
où les associés sont faiblement imposés, cela permet
d'avoir une imposition des bénéfices à un taux
relativement bas260. L'avantage est tel qu'il est
donc préférable de constituer une société en
commandite simple ou le propriétaire du fonds de commerce sera
l'associé commandité. Ainsi, si celui-ci détient, par
exemple 90% du capital social et si, au cours des premières
années, la société ne réalise pas assez de
bénéfices, il n'y aurait pas beaucoup d'impôts à
payer261.
De telles facilités fiscales méritent
d'être clairement prévues dans les législations fiscales
des Etats parties au Traité de l'OHADA étant donné qu'il
n'existe pas de lois fiscales au plan communautaire. Cela permettrait de
réduire les disparités de perception de la société
en commandite simple dans l'espace OHADA et de traitement des associés
de cette société. L'insertion d'un tel avantage rendrait plus
attractif le régime juridique de cette société qui
jusqu'alors ne connaît pas d'existence pratique véritable.
Par l'analyse des qualités économiques
inhérentes au capital social et aux facilités de gestion de la
société en commandite simple, il est vérifié que
cette société a un intérêt pour l'entrepreneur. La
SCS constitue, toujours pour l'entrepreneur, un instrument de transition
économique.
§ II. UN INSTRUMENT DE TRANSITION ÉCONOMIQUE
Le régime juridique de la SCS est favorable à la
transition patrimoniale (A). Le mode de transformation de
cette forme sociale favorise la pérennité de l'activité
économique (B).
259 Selon le contexte, la quote-part peut
également désigner la part que chacun doit payer au regard de sa
participation dans une activité, Cf. Éric Roig, Fiches
pratiques Lexique, disponible sur
https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/23958-quote-part-definition,
consulté le 28 mars 2021, à 12h 34'.
260 Pierre FACON, « Le régime des
sociétés de personnes », dossier disponible sur
https://www.lecoindesentrepreneurs.fr,
dossier mis à jour en date du 27 novembre 2019, consulté le
23/02/2021 à 00h 22'.
261 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et
H. SERBAT, op. cit. p. 220.
66
A. La transition patrimoniale entre les
générations
L'autre utilité économique qu'offre le
régime juridique de la société en commandite simple est la
facilité de transmission du patrimoine sociale entre les
générations262. Cette qualité
vient des dispositions relatives à la société en
commandite simple elle-même.
En effet, le législateur prévoit la
possibilité pour les associés de la commandite simple de
transmettre le patrimoine social à leur progéniture pour cause de
mort. Il dispose que « la société continue malgré
le décès d'un associé commanditaire. S'il est
stipulé que malgré le décès de l'un des
associés commandités, la société continue avec ses
héritiers, ceux-ci deviennent associés commanditaires lorsqu'ils
sont mineurs non émancipés
»263. Il ajoute à la suite de
cette disposition que « si l'associé
décédé était seul associé commandité
et si ses héritiers sont alors mineurs non émancipés, il
doit être procédé à son remplacement par un nouvel
associé commandité...
»264.
A travers ce texte, le législateur entend assurer aux
associés la possibilité de transmission de leurs parts sociales
à leurs héritiers. Il ne s'agit pas de limiter cette
possibilité uniquement aux héritiers de l'unique associé
commandité. En réalité, le décès du
commanditaire, qu'il fut seul commanditaire ou pas, appelle aussi à sa
succession au sein de la société par l'un de ses
héritiers.
Cette disposition permet donc aux associés
commanditaires comme aux commandités de maintenir les biens
apportés en société dans le cercle familial. La seule
condition est de prévoir préalablement la continuation avec les
héritiers. Dans le cas du décès de l'unique associé
commandité, le législateur, toujours dans un souci de favoriser
la continuité de la société, permet l'entrée des
héritiers lorsqu'ils sont encore mineurs non émancipés.
Cette qualité fait de la société en commandite simple un
moyen de conservation et de transmission des biens de la famille aux
générations qui viennent.
D'abord, les statuts ne peuvent comporter une clause
prévoyant la continuation uniquement avec les héritiers d'un
associé désigné ou d'une seule catégorie
d'associés au détriment des héritiers des autres
associés. Une telle limitation serait injustifiable. La latitude
laissée aux associés de prévoir ou non la continuation de
la société avec les héritiers du de cujus ne
262 La notion de génération
désigne ici « l'intervalle de temps estimé à 30
ans environ séparant deux degrés de filiation. Elle
désigne également l'ensemble d'êtres, de personnes qui
descendre d'un individu à chaque degré de filiation ».
Cf. Le Petit Larousse illustré, Dictionnaire de Langue
française, préc.
263 AUSCGIE, art. 308, al. 1er,
préc.
264 AUSCGIE, art. 308, al. 2, préc
67
saurait donner lieu à la pratique d'une injustice. Une
telle clause serait donc nulle devant le juge.
Ensuite, dans la situation où une clause de
continuation est prévue, il faut préciser que
l'incapacité, l'incompatibilité ou l'interdiction concernant un
commandité produisent plus d'effets que lorsqu'elles concernent un
commanditaire. Dans cette logique, le décès ne devrait pas
être le seul fait qui permet d'inviter les ayants droit d'un
associé à substituer ce dernier au sein de la
société. Si l'incapacité, l'incompatibilité ou
l'interdiction concerne le commandité et si ce dernier était
gérant, il doit automatiquement cesser de gérer.
Ce commandité ne pourrait plus continuer d'être
associé commandité. Il pourrait devenir commanditaire, s'il n'est
frappé que d'une incompatibilité265.
S'il est frappé d'une incapacité266,
il pourrait se voir assisté par un curateur ou représenter par un
tuteur. En cas d'interdiction prononcée contre un commandité, ce
dernier devra simplement se retirer de la société, puisqu'il
s'agirait d'une sanction prononcée pour un manquement. Dans ce cas, il
ne pourrait devenir commanditaire que si ses coassociés l'acceptent
unanimement.
Toutefois, le commandité devenu incapable ou dont la
nouvelle fonction est incompatible avec la qualité de commerçant
peut se faire remplacer par ses héritiers, sur accord des
coassociés. Cependant, s'il est frappé d'une interdiction, sa
substitution par son héritier serait peu envisageable par les autres
associés.
Enfin, il est important de relever que la continuation avec
les héritiers n'a pas besoin d'être toujours préalablement
prévue par les statuts. Dans la lecture de l'article 308 de l'AUSCGIE,
il semble clairement indiqué qu'il faut une clause statutaire de
continuation pour qu'il y ait continuation avec les héritiers de
l'associé décédé. L'important ne devrait plus
être la source de la clause de continuation. Le législateur
devrait simplement permettre la continuation en cas de décès d'un
associé sans prendre en compte ni le caractère statutaire ou
extra-statutaire de la clause de continuation ni la catégorie de
l'associé décédé. La volonté des
héritiers de continuer, même verbale, ne devrait poser aucun
inconvénient à cela.
L'essentiel est de rendre pérenne l'exploitation du
patrimoine de la société. Cette pérennité de
l'activité se traduit également par la spécificité
de la transformation de la société.
265 Il s'agit de l'incompatibilité
dans le sens du sens du droit commercial tel qu'elle est prévue et
sanctionnée aux article 8 et 9 de l'AUDCG.
266 AUSCGIE, art. 6 s., préc.
68
B. La pérennité de
l'activité sociale en cas de transformation
La pérennité est le caractère de ce qui
dure très longtemps267. La transformation de
la société en commandite simple, perçue en amont comme un
inconvénient dans la mesure où elle favoriserait la disparition
de la société268, n'est pas que
négative. Elle a une importance résiduelle.
En réalité, dans le mécanisme de la
transformation, la société ne fait que disparaître sous sa
forme originaire et renaître sous une autre forme de
société. Cela signifie que l'activité sociale n'est pas
influencée par la transformation. Il résulte des dispositions de
l'Acte Uniforme que la transformation ne constitue qu'une modification des
statuts et qu'elle est soumise aux mêmes conditions de forme et
délais qu'une modification des statuts269.
Devant être prise à l'unanimité des associés
commandités et à la majorité en nombre et en capital des
associés commanditaires270, la
transformation de la commandite simple, que ce soit en une
société en nom collectif271 ou en
l'une des sociétés à risque limité, n'influe pas
sur l'activité sociale.
Au contraire, celle-ci est souvent poursuivie, d'autant plus
que l'objet social n'est pas modifié. Les mentions devant être
concernées par la transformation sont habituellement la qualité
des associés, la nature et la valeur de leur participation dans le
capital social de la nouvelle forme sociale, l'identité du ou des
nouveaux gérants et certaines mentions à l'exclusion de l'objet
social. L'activité sociale ne changerait que si l'objet social est
complètement modifié.
Pour mieux assurer la pérennité de
l'activité, il est préférable pour les associés de
la commandite simple de transformer celle-ci non pas en une
société en nom collectif272, mais
plutôt en une société à risque limité. Les
sociétés à risque limité prévues dans l'Acte
Uniforme et dont le choix favoriserait la pérennisation de
l'activité sociale d'une société à l'origine en
commandite simple sont la SARL, la SA et la SAS273.
La transformation de la
267 V. Le Petit Larousse illustré,
Dictionnaire de Langue française, op. cit.
268 V. Supra. p. 40 s.
269 AUSCGIE, art. 181, al. 2, préc.
270 N. DIOUF, op. cit., p. 363.
271 AUSCGIE, art.181, al. 3 préc.
272 Il est vrai que la transformation de la
SCS en une SNC engrangerait mieux les chances d'éventuels
créanciers, mais il faut aussi rechercher et appliquer les
mécanismes pouvant favoriser la pérennisation de
l'activité sociale.
273 Les régimes juridiques de ces
sociétés sont respectivement prévus dans l'AUSCGIE comme
suit : la SARL, des articles 309 à 384 ; la SA, des articles 385
à 853 et enfin la SAS régie par les articles 853-1 à
853-23 compétés par le régime de la SA.
69
société en commandite simple en une
société à risque limité, n'éteint pas des
droits qu'ont les créanciers sociaux contre la société et
ses associés antérieurement à l'opération de
transformation274. Les associés de la
nouvelle société, pour autant qu'ils appartiennent à la
catégorie des commandités, restent alors indéfiniment et
solidairement responsables des dettes contractées par la
société antérieurement à sa
transformation275.
Par ailleurs, la transformation est également favorable
à la pérennisation de l'activité sociale, en ce qu'elle
n'est pas synonyme de remplacement du personnel de l'ancienne
société dans la mesure où l'objet social et
l'activité sociale n'auraient pas changé.
Quand bien même elle est méconnue de la pratique
du droit des sociétés commerciales dans l'espace OHADA, la
société en commandite simple ne bénéficie pas
uniquement à l'entrepreneur, elle constitue un véritable atout
économique mis à la portée de l'investisseur.
SECTION II. LES POTENTIALITÉS DE LA COMMANDITE
SIMPLE POUR LES INVESTISSEURS
Pour mieux cerner en quoi la société en
commandite simple revêt des potentialités pour les investisseurs,
il est important de préciser le sens des notions d'investisseur et
d'investissement. Le terme « investisseur » désigne
« toute personne physique ou morale, togolaise, ou
étrangère réalisant un investissement dans les conditions
définies par le présent Code, sur le territoire national
»276. L'investissement désigne la
« mobilisation de capitaux pour l'acquisition de biens mobiliers,
immobiliers, matériels et immatériels rendus nécessaires
à l'occasion de la création d'entreprise nouvelle ou dans le
cadre d'un programme d'extension d'une entreprise existante
»277.
Au regard des objectifs278 que
poursuit tout investisseur, la société en commandite simple
constitue un outil d'investissement efficace pour ce dernier (§
I) et une opportunité de collaboration entre celui-ci et
l'entrepreneur qu'est le commandité (§ II).
274 AUSCGIE, art. 186, al. 3, préc.
275 A. FENEON, op. cit. p. 762.
276 V. Loi n° 2019-005 du 17 juin
2019-005 portant Code des investissements en République togolaise, art.
2, paragraphe 9.
277 V. Loi n° 2019-005 du 17 juin
2019-005 portant Code des investissements en République togolaise, art.
2, préc., paragraphe 8.
278 Réseau Entreprendre, « Selon
quels critères les investisseurs analysent-ils les projets ? »,
disponible sur
https://business.lesechos.fr/outils-et-services/guides/guides-levee-de-fonds/selon-quels-criteres-les-investisseurs-analysent-ils-les-projets-200225.php,
posté le 28/07/2015, consulté le 22 janvier 2021, à 16h
20'.
70
§ I. UN OUTIL D'INVESTISSEMENT EFFICACE POUR
L'INVESTISSEUR
Investir dans une société en commandite simple
est une bonne occasion de faire des bénéfices à long
terme. Cette forme sociale ne présente pratiquement pas de risque pour
l'investisseur (A). Elle offre à ce dernier l'occasion
de contrôler l'économie de la société
(B).
A. L'absence de risque majeur pour l'investisseur
La commandite simple est très flexible et peut donc
être utilisée pour diverse raison. En effet, dans beaucoup de cas,
lorsqu'un investisseur acquiert des parts ou injecte de l'argent dans une
entreprise, il exige souvent que l'équipe dirigeante participe
également à cet investissement. Ce sont surtout des
sociétés de capitaux qui ont été utilisées
avec les inconvénients qu'elles représentent.
La gestion de la société en commandite simple
garantit une efficacité qui permet d'écarter des risques de
pertes liés à l'incompétence des dirigeants. Le
législateur OHADA, a confié exclusivement la gestion de la
commandite simple au commandité. C'est l'associé ayant la
qualité de commerçant. Il ne s'agit pas seulement de
récompenser celui-ci du risque qu'il court. L'autre finalité de
cette spécificité est d'assurer à la commandite simple une
gestion efficace assumée par un gérant professionnel. Cet aspect
de la gestion qui fonde la confiance et l'optimisme des investisseurs.
L'habilité de l'entrepreneur-commandité à
fournir des projections financières influence la conviction de
l'investisseur-commanditaire, même si cela n'est effectif que lorsque le
projet est devenu réalité279. C'est
donc au regard de la compétence des commandités que
l'investisseur, potentiel commanditaire, accorde son affectio societatis
et la confiance dans l'équipe dirigeante pour atteindre ses
objectifs de création de bénéfices. L'affectio
societatis est présente dans la définition de la
société elle-même280 et permet
de faire la distinction entre un contrat de société et tout autre
type de contrat281. Par ailleurs, le régime
juridique de la société en commandite simple fixe et rassure
l'investisseur quant à l'ampleur du risque qu'il court par rapport
à l'entrepreneur. C'est une grande facilité pour l'investisseur
de savoir qu'en cas de faillite, contrairement à l'entrepreneur, il
n'assumerait la perte ou le paiement de la dette sociale qu'à hauteur de
la somme d'argent déboursée au titre de son investissement. La
279 Business les Echos, « Selon quels
critères les investisseurs analysent-ils les projets ? », dans
Guide de Levée de fonds, posté le 28 juillet 2015,
disponible sur
https://business.lesechos.fr,
consulté le 9 mars 2021, à 20 h 10'.
280 V. AUSCGIE, art. 4 préc. ; Code
civil, art. 1832, préc.
281 Th. RIVOIRE, « Qu'est-ce que
l'affectio societatis ? », disponible sur
https://www.legalife.fr/guides-juridiques/affectio-societatis/,
consulté le 11 mars 2021, à 18h 43'.
71
limitation de la responsabilité prônée par
le régime juridique de la commandite simple constitue une grande
motivation pour l'investisseur282.
Dans la commandite simple, l'investisseur reste
protégé contre d'éventuelles actions des tiers, même
lorsque le gérant outrepasse le cadre légal de son mandat social.
Professeur le Professeur F. K. DECKON, l'affirmation selon laquelle « les
pouvoirs des dirigeants de sociétés à risque
illimité sont dépendants de l'objet social doit être
nuancée, parce que certains actes accomplis en dépassement de
l'objet social, ont, en droit français, la faveur de la jurisprudence
qui en admet la validité »283.
En dehors de la limitation du risque économique que
peut courir l'investisseur, le législateur accorde également
à celui-ci plusieurs moyens de contrôler l'économie de la
société.
B. La facilité de contrôle de la
société
Le commanditaire n'est pas un simple investisseur friand des
dividendes. A l'instar d'un actionnaire « contrôlaire », il est
aussi intéressé par la gestion sociale bien que le
législateur la lui interdise pour ce qui est des actes de gestion
externe. Il contrôle l'orientation économique ou financière
de la société à travers l'exercice de son droit de
contrôle.
Le privilège accordé à
l'investisseur-commanditaire par le régime juridique de la
société en commandite simple est très efficace. L'AUSCGIE
qui est le siège des prérogatives accordées à
l'investisseur de contrôler la vie économique de la SCS dispose :
« les associés commanditaires et les associés
commandités non gérants ont le droit, deux (2) fois par an,
d'obtenir communication des livres et des documents sociaux et de poser par
écrit des questions sur la gestion sociale, auxquelles il doit
être répondu également par écrit
»284.
Par ailleurs, l'investisseur peut librement émettre des
points de vue sur toutes questions de la vie sociale. Il peut donner des
conseils, avis et toutes autres orientations aux dirigeants de la
société sans en être tenu puisque la loi dispose que «
les avis et conseils, les actes de contrôle et de surveillance
n'engagent pas les associés commanditaires
»285. Or, il peut arriver que, par ses
orientations, l'investisseur donne des conseils qui finalement induisent le
gérant
282 AUSCGIE, art. 293, préc.
283 F. K. DECKON, « Les pouvoirs du
dirigeant de société commerciale en droit uniforme de l'OHADA
», disponible sur
http://www.ohada.com, Ohdata D-13-47,
p. 14, consulté le 06 mars 2021, à 13h 25.
284 AUSCGIE, art. 307. préc.
285 AUSCGIE, art. 301.
72
commandité en erreur, une erreur qui le plus souvent
peut avoir des conséquences économiques lourdes sur la vie
sociale.
Il faut remarquer, en outre, que le véritable dirigeant
d'une entreprise n'est pas forcément celui qui en a le titre, mais celui
qui, par ses avis, conseils et actes de contrôle, parvient à
influencer les choix économiques de l'entreprise. C'est celui dont
l'aval est nécessaire pour l'accomplissement des actes excédants
les pouvoirs donnés au mandataire social.
Or, dans la société en commandite simple, «
toutes les décisions qui excèdent les pouvoirs des
gérants sont prises par la collectivité des associés
»286, c'est-à-dire en
présence des commanditaires et commandités. En
conséquence, l'investisseur qui est à la recherche d'une forme
sociale dans laquelle il aurait plus de pouvoirs, sans courir le risque des
effets d'une responsabilité illimitée, devra choisir la
société en commandite que de s'orienter vers la SARL, la SA ou la
SAS. Ces dernières comportent plus d'inconvénients que de
qualités en ce qui concerne les droits des
associés287.
La SCS, en plus d'être un instrument efficace pour
l'investissement, constitue aussi un outil de collaboration entre
l'associé commanditaire qui est l'investisseur et le commandité,
l'entrepreneur.
§ II. UN OUTIL DE COLLABORATION ENTRE INVESTISSEUR ET
ENTREPRENEUR
La SCS est un outil de coopération pouvant favoriser la
coentreprise (A). Elle constitue également un moyen de
participation d'une même personne dans plusieurs entreprises
(B).
A. Un outil de coopération par la coentreprise
Le régime juridique de la SCS, tel que conçu par
le législateur OHADA, est favorable à la collaboration entre les
sociétés commerciales nationales et étrangères. La
société en commandite simple favoriserait mieux la
réussite de la coentreprise ou le joint-venture. C'est un
mécanisme de coopération commerciale des entreprises au plan
international. Comment appréhender cette opération à
laquelle la société en commandite simple est
prédisposée ? La coentreprise, également appelée
l'entreprise commune, l'entreprise en participation ou Joint-
286 AUSCGIE, art. 302, al. 1er.
287 Les sociétés de capitaux
présentent des inconvénients tels que la violation des droits des
minoritaires, le manque de flexibilité pour l'émission d'actions
sans droit de vote, la révocabilité ad nutum des
administrateurs, les limitations en termes de restrictions de transferts des
actions, de rachats d'actions, de distributions de dividendes. Au niveau des
SARL, l'interdiction d'émettre des parts sociales sans droit de vote, la
double majorité pour les décisions de modifications des statuts,
etc. sont les inconvénients souvent déplorés.
73
Venture, en anglais, « consiste en un contrat de
collaboration entre deux ou plusieurs entreprises dans le but de mettre en
commun une stratégie. Son objectif est généralement la
conquête d'un nouveau marché ou d'un nouveau pays grâce
à la complémentarité des entreprises membres de la
Joint-Venture. La fiscalité de la coentreprise dépend de sa forme
juridique. L'avantage de la Joint-venture est la complémentarité
des entreprises »288.
En droit québécois, la coentreprise n'est pas
toujours une société en participation. Mais, elle pourrait en
être une si les trois critères de l'article 2186 du Code civil du
Québec sont remplis289. Ainsi, elle peut se
présenter sous la forme d'une société en commandite simple
ou comme un contrat290 sui
generis291. Pour M. G. JEAN-BAPTISTE,
« la distinction qui existait entre société civile et
société commerciale a disparu, de même que le
caractère obligatoirement commercial des sociétés en nom
collectif et des sociétés en commandite
»292.
Les opérations de coentreprises ont souvent une
durée de vie limitée. Leur existence tient au rôle bien
précis qui leur a été assigné, souvent pour une
alliance entre les entreprises qui les ont créées. Elles sont
très utilisées dans les industries pétrolières.
L'illustration des sociétés existant en
Côte d'Ivoire sous la forme de sociétés en commandite
simple en témoigne suffisamment293. En se
regroupant, ces entreprises commanditaires et commandités mettent en
commun leurs connaissances, leurs technologies ou leurs ressources pour ainsi
atteindre des objectifs qu'elles ne pourraient avoir, ou difficilement si elles
étaient
288 L-Expert-Comptable, « La
Joint-Venture ou coentreprise », mis à jour le 23/04/21 disponible
sur
https://www.l-expert-comptable.com/a/534346-la-joint-venture-ou-coentreprise.html,
consulté le 26 mai 2021, à 20h 45'.
289 L'article 1286 du Code civil du
Québec, tout comme l'article 4 de l'AUSCGIE, pose trois conditions
spécifiques d'existence d'une société. Il s'agit de
l'apport, l'intention de s'associer et le partage des
bénéfices.
290 G. JEAN-BAPTISTE, Les
sociétés de personnes et la problématique de l'intuitus
personae, en France et au
Québec, Mémoire, Université de
Montréal, 2005, p. 23, disponible sur hhps//
www.papyrus.bib.umontrreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/2434/11733223.P,
consulté le 17 mars 2021, à 19h 12'.
291 La locution latine sui generis,
désigne une situation juridique dont la nature singulière
empêche de la classer dans une catégorie déjà
connue.
292 G. JEAN-BAPTISTE, op. cit., note
n° 69.
293 En Côte d'Ivoire, il existe plusieurs
sociétés en commandite simple qui ont réussi à
impacter l'économie
nationale, la consultation du site d'annonces légales
Business.Abidjan.net, sur
https://business.abidjan.net/AL/cat.asp?id=21,
permet de constater l'existence de plusieurs sociétés en
commandite simple qui fonctionnent sans difficultés jusqu'à nos
jours, la preuve est l'annonce légale N° 13664 portant constitution
de JURISMEDIA SCS, publiée le 28 mai 2009, JURISMEDIA SCS au capital de
5 000 000 FCFA dont le siège social se trouve à Abidjan, au
Plateau, Avenue Noguès, rue A 43, 25 BP 36, Abidjan 25; La Compagnie
Africaine pour la Réalisation et la Gestion des Infrastructures
Publiques « CARGIP EN CI » est une SCS enregistrée à
Abidjan le 27 septembre 2005 au registre SSP Volume 33 Folio 143 2353 Bordereau
1148/24 également vérifiable sur le même site,
consulté le 20 mars 2021 à 09 h 20 minutes.
74
seules. Cela peut également être un moyen pour
une entreprise de stopper progressivement une de ses activités. Une
joint-venture permet, par ailleurs, à l'investisseur d'accéder
à un marché national relativement fermé.
En effet, la création de co-entreprises internationales
est fonction de la législation en vigueur dans les pays d'accueil. Elle
peut être un passage souhaité pour accélérer son
implantation locale, ou un point de passage obligé si la
législation locale n'offre pas d'autres solutions de s'implanter aux
industriels étrangers.
C'est par exemple le cas en Chine, où les
joint-ventures associent souvent pour moitié une entreprise
étrangère et une entreprise pouvant être proche des
autorités locales, surtout s'il s'agit d'une entreprise
d'Etat294. En effet, la Chine permet à des
sociétés étrangères, à des entreprises,
à d'autres organisations économiques ou à des individus de
s'associer avec des sociétés, d'accéder à certains
secteurs et industries en Chine, de profiter de l'expérience et de la
connaissance du marché du partenaire chinois pour faciliter
l'intégration culturelle de
l'entreprise295.
Or, la politique du législateur OHADA est de favoriser
l'investissement des étrangers dans l'économie des Etats membres
de cette organisation. Ceux-ci en ont très vite compris l'enjeu
économique en prévoyant des réglementations favorables aux
investisseurs de tous bords, la teneur des dispositions du Code togolais des
investissements illustre bien cette orientation296.
D'où l'intérêt de la société en commandite
simple, d'autant plus qu'elle est l'une des formes sociales qui
présentent moins de risque pour les investisseurs.
L'implantation effective de la société en
commandite simple dans l'espace OHADA devra passer par cette opération
de collaboration qu'est la coentreprise ou le joint-venture. Les quelques rares
sociétés en commandite simple qui existent dans certains Etats de
l'espace OHADA comme l'exemple en Côte
d'Ivoire297. Le succès économique que
connaissent ces
294 INS Global Consulting, « En Chine,
trouver le bon partenaire peut vous permettre de réussir dans les
affaires ! », disponible sur
https://ins-globalconsulting.com/fr/joint-venture-chine/.,
consulté le 22 mai 2021, à 22h05'.
295 INS Global Consulting, « En Chine,
trouver le bon partenaire peut vous permettre de réussir dans les
affaires ! », disponible sur
https://ins-globalconsulting.com/fr/joint-venture-chine/.,
consulté le 22 mai 2021, à 22h05'.
296 V. Loi n° 2012-001 du 20 janvier
2012 portant Code des investissements en République togolaise. La
lecture de chacune des dispositions de ce texte permet de percevoir l'ouverture
du législateur togolais aux investisseurs.
297 Ces Etats connus sont en premier la
Côte d'Ivoire et le Sénégal en second lieu. En Côte
d'Ivoire, il existe des sociétés en commandite simple tel qu'il
est précisé précédemment, V. supra. p.
74.
75
sociétés en commandite simple au plan
continental est indéniable, du moins, pour ce qui concerne leur secteur
d'activité298.
B. Un moyen de participation dans
diverses sociétés
L'investisseur-commanditaire n'est lié à la
société que par son apport. Vu qu'il ne peut pas y faire un
apport en industrie, en raison de l'interdiction légale, celui-ci se
trouvera libre de participer à la vie d'autres sociétés
commerciales. C'est un avantage qui est plus attaché à la
qualité d'associé commanditaire qu'à toute autre
catégorie d'associés des sociétés commerciales.
En effet, le commanditaire, n'étant pas invité
dans la gestion, il serait difficile de pouvoir contrôler ses
activités à l'extérieur de la société,
activités qu'aucune disposition n'interdit. Tout investisseur est
attiré par une telle liberté morale qui constitue le soubassement
de son indépendance économique. Par ailleurs, il a
été démontré que le commanditaire ne peut
être tenu par une clause de non concurrence vis-à-vis de la
société299, comparé à
l'associé commandité contre qui l'interdiction de non-concurrence
est légalement envisagée et susceptible d'être
aggravée par les statuts et un contrat de
travail300.
Seul le commanditaire peut être totalement affranchi de
toutes contraintes ou d'interdiction possible. Il pourra donc investir dans
plusieurs autres sociétés commerciales en vue d'augmenter ses
revenus. Il pourra même investir dans des sociétés
exerçant dans le même secteur d'activité et même.
Ainsi, un fonctionnaire d'Etat, il est vrai, ne peut pas être
associé d'une société commerciale en qualité de
commerçant. La loi le lui interdisant
formellement301. Toutefois, ce dernier voulant
vraiment capitaliser son salaire peut choisir de faire partie de plusieurs
sociétés dans lesquelles, il pourra librement être, soit
commanditaire, soit actionnaire.
Les règles de la SCS favorisent l'efficacité de
sa gestion avec l'avantage pour les associés non seulement de mieux
conserver le patrimoine mais de pouvoir le transmettre également
à leurs héritiers. Tant l'entrepreneur que l'investisseur
bénéficient des intérêts économiques du
298 Toujours en Côte d'Ivoire, c'est le
cas de CNR International West Africa SCS spécialisée dans
l'exploitation la production et le développement du pétrole et du
gaz naturel en Afrique.
299 V. supra. p. 16 s.
300 Pour la définition du contrat de
travail, V. loi n° 2021-012 du 18 juin 2021, portant Code du travail au
Togo, art. 36 : « le contrat de travail est un accord de
volonté par lequel une personne physique, dénommée (...)
».
301 AUDCG, art. 9 ; Sur les
incompatibilités, Voir également SANTOS (P. A.), (dir.) et
al., OHADA, Droit commercial général, op. cit.,
p. 65.
régime juridique de cette société. Elle
favorise mieux la collaboration et offre à l'investisseur des
facilités comme la possibilité de devenir associés au
côté des commerçants, ce qui lui permet de mieux
contrôler la gestion qui est faite des fonds investis.
La commandite simple est donc pour ce dernier un
véritable instrument d'investissement à haut risque, comme l'a
reconnu l'équipe ayant étudié, en France, les
sociétés en commandite et rendu un rapport au CREDA en
1983302. Le travail richement fourni par cette
équipe dirigée par Alain VIANDIER, est la référence
parfaite en ce qu'il présente la société en commandite
simple avec tous les aspects économiques qu'elle représente pour
les investisseurs.
302 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et
H. SERBAT, op. cit., p. 222, n° 288.
76
77
CONCLUSION GÉNÉRALE
78
En somme, la réflexion menée sur la
société en commandite simple en droit OHADA permet de dresser un
constat qui appelle à un renouveau du régime juridique de cette
forme sociétaire.
Au titre du constat, le régime juridique de la
société en commandite simple comporte des défauts qui
justifient son inapplication dans l'espace OHADA. Cette société
prône plusieurs situations d'inégalité qui favorisent
souvent l'une ou l'autre catégorie d'associé. Le commanditaire y
a moins de droits politiques, alors qu'il est habituellement le meilleur
financier de l'activité. Le commandité, qu'il soit gérant
ou pas, court le risque d'être poursuivi solidairement et infiniment
pendant que le commanditaire est paisible.
Dans la recherche des raisons qui expliquent la faible
adhésion des opérateurs économiques à la pratique
de la société en commandite simple dans l'espace OHADA, il est
important la préférence que nourrit tout opérateur pour
les sociétés à risque limité. Par ailleurs,
l'intuitus personae, la règle d'or des sociétés
de personnes, ne devrait pas s'appliquer au commanditaire de la commandite
simple. Ce dernier est plus un actionnaire qu'un associé d'une
société de personnes.
Par ailleurs, la constitution de toute société
commerciale exige des frais de création. Au Togo, par exemple, les frais
de création d'une SARL s'élèvent à 28 250 F CFA.
Or, la loi n'a pas fixé de capital social minimum en ce qui concerne la
commandite simple. Cela implique qu'un fondateur qui opte pour cette forme
sociale, avec un capital social de 10 000 F CFA par exemple, devra payer
presque le triple du capital comme frais de constitution au CFE. Une telle
situation paraît ironique, voire absurde. Mais elle n'est pas moins
importance pour qui connait le train de vie des populations
concernées.
Néanmoins, la société en commandite
simple ne comporte pas que des inconvénients. Son régime
juridique offre plusieurs atouts. La responsabilité solidaire et
indéfinie des associés commandités est un gage de
confiance pour les créanciers sociaux. Cela stimule chez les
commandités gérants le sens de la bonne gestion sociale. Par
ailleurs, le législateur OHADA s'est démarqué du
législateur français en attribuant aux associés
commanditaires et commandités non gérants les mêmes droits
de contrôle de la gestion.
Cependant, le régime juridique de la
société en commandite simple nécessite une réforme
en droit OHADA. Au titre des règles à assouplir, il faut retenir
que la défense d'immixtion du commanditaire dans la gestion externe de
la société est un principe discriminatoire qui devient de moins
en moins rigide. Il est nécessaire de reconnaitre aux commanditaires le
droit de gérer la société en période de crise de
commandité, d'autant plus que le législateur n'a pas prévu
le sort de la gestion pendant le délai annuel imparti pour le
remplacement de l'unique
79
commandité décédé. Le principe de
la dissolution automatique de la société en commandite simple
doit être assoupli au profit des associés voire inverser.
L'automaticité de la dissolution de cette
société pour défaut de commandité, en l'absence
d'une clause de continuation, est un inconvénient majeur. S'il faut
dissoudre la commandite chaque fois qu'il y aura un défaut de
commandité, juste parce que la loi l'a prévue ainsi, sans prendre
en compte la volonté des associés survivant de poursuivre
l'activité sociale, il y'a lieu de se soucier. Avec l'atmosphère
qui est de plus de plus en hostile à la vie humaine du fait des crises
sanitaires ou des accidents morbides, qu'adviendrait-il si une
épidémie comme la Covid19 emportait des milliers de
commandités appartenant à différentes
sociétés en commandite simple et dont les rédacteurs des
statuts n'avaient pas pris soin d'y prévoir des clauses de continuation
?
Eu égard à l'importance des
sociétés commerciales dans la vie économique des Etats,
leur disparition de la sphère des affaires ne devrait plus être la
conséquence d'un décès ou du défaut d'une
catégorie d'associé, même en l'absence d'une clause
statutaire de continuation. Il n'appartient pas au législateur
communautaire d'interdire aux associés de poursuivre la gestion sociale
pour cause de décès d'un coassocié, que ce dernier
fût commandité ou commanditaire. Il convient donc
d'accroître les pouvoirs du juge national dans l'appréciation de
la nécessité de dissolution ou du maintien de la
société en l'absence d'une clause de continuation.
Le juge devrait donc prendre en compte la stabilité
financière actuelle et future de la société au
décès du commandité et surtout la volonté de la
majorité des associés survivants de continuer la vie sociale
nonobstant le défaut d'une clause de continuation. Ceci étant, le
législateur devrait donc ôter cet obstacle en inversant simplement
les données de l'article 308 de l'AUSCGIE en ce qui concerne la
dissolution automatique pour défaut de commandité. Le principe
devrait être désormais la continuation avec les héritiers
ou, à défaut, avec un tiers remplaçant, l'exception
étant la dissolution.
Pour une réussite de la pratique de la commandite
simple dans l'espace OHADA, les notaires ne doivent plus être les seuls
compétents pour la rédaction des statuts de cette forme sociale.
Le législateur OHADA devrait recommander les instances nationales de
libéraliser complètement les formalités de constitution
des sociétés avec la possibilité de déposer des
statuts sous seing privé lors de la constitution de la SCS.
80
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90
TABLE DES MATIÈRES
91
LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES, ACRONYMES ET
ABRÉVIATIONS IV
SOMMAIRE VI
INTRODUCTION 1
PARTIE I. UNE SOCIÉTÉ AUX
INCONVÉNIENTS APPARENTS 10
CHAPITRE I. LES INÉGALITÉS ENTRE ASSOCIES
DANS LA SOCIÉTÉ EN
COMMANDITE SIMPLE 12
Section I. Les inégalités relatives aux obligations
des associés 13
§ I. L'inégalité inhérente à
l'obligation à la dette sociale 13
A. Une responsabilité objective pour le commandité
13
B. Une responsabilité subjective nuancée pour le
commanditaire 15
§ II. L'obligation de non-concurrence à la
société 16
A. Une obligation rigide pour le commandité 16
B. Une obligation souple pour le commanditaire 18
Section II. Les inégalités inhérentes aux
droits des associés 19
§ I. L'inégalité fondée sur les droits
individuels 19
A. L'inégalitaire droit de la cession des parts sociales
20
B. La répartition inadéquate du pouvoir de
contrôle des associés 21
§ II. Les discriminations collectives contre les
commanditaires 23
A. L'injustice légitime entre vifs contre le
commanditaire 23
B. La non incidence du décès du commanditaire sur
la vie sociétaire 25
Chapitre II. L'INCOMPLÉTUDE DE LA
LÉGISLATION PAR RENVOI DE LA SOCIÉTÉ
EN COMMANDITE SIMPLE 28
Section I. Les insuffisances liées aux règles de
fonctionnement de la commandite
simple 28
§ I. Le recours imprécis aux règles de gestion
de la société en nom collectif 29
A. Le manque de clarification du statut du gérant non
associé 29
B. L'incertitude du principe de la défense d'immixtion
31
§ II. L'imprécision du statut des membres devant
l'administration publique 34
A. La complexité du régime fiscal de la commandite
simple 34
B. Les difficultés liées au statut social du
gérant 36
92
Section II. Les inconvénients inhérents à la
fin de la commandite simple 38
§ I. La fragilité de l'existence de la commandite
simple 38
A. La multitude des facteurs de dissolution de la
société 38
B. La transformation comme facteur facile de disparition 40
§2. Le sort incertain de la commandite simple sans
commandité 41
A. Le défaut lié à l'exigence d'une clause
de continuation 41
B. L'insécurité juridique liée à la
dissolution de la commandite simple 42
PARTIE II. UNE SOCIÉTÉ AUX
POTENTIALITÉS MÉCONNUES 44
Chapitre I. LES QUALITÉS JURIDIQUES DE LA
SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE 46
Section I. Un gage de respect de la volonté des
associés 47
§ I. La promotion de la liberté des associés
47
A. La liberté dans la fixation du capital social 47
B. La liberté dans la rédaction des statuts 48
§ II. La souplesse relative à la personne du
commanditaire 50
A. L'assouplissement de l'exigence de la capacité 50
B. La rupture avec la règle des incompatibilités
52
Section II. Une garantie de la gestion efficace de la
société 53
§ 1. Les qualités inhérentes au statut de la
gérance 54
A. La stabilité des fonctions du gérant 54
B. Le renforcement des pouvoirs du gérant 55
§ II. Les qualités fondées sur le rôle
des associés non gérants 57
A. L'utilité résiduelle de la défense
d'immixtion 57
B. La fiabilité du mode de contrôle de la gestion
59
CHAPITRE II. LES QUALITÉS ÉCONOMIQUES DE
LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE
SIMPLE 61
Section I. Les potentialités de la commandite simple pour
l'entrepreneur 62
§ I. Un moyen de création de petites entreprises
62
A. La facilité de réunion et de maintien du
capital social 63
B. L'avantage lié à la gestion économique
de la commandite simple 64
§ II. Un instrument de transition économique 65
A. La transition patrimoniale entre les générations
66
93
B. La pérennité de l'activité sociale en cas
de transformation 68
Section II. Les potentialités de la commandite simple pour
les investisseurs 69
§ I. Un outil d'investissement efficace pour l'investisseur
70
A. L'absence de risque majeur pour l'investisseur 70
B. La facilité de contrôle de la
société 71
§ II. Un outil de collaboration entre investisseur et
entrepreneur 72
A. Un outil de coopération par la coentreprise 72
B. Un moyen de participation dans diverses
sociétés 75
CONCLUSION GÉNÉRALE 77
BIBLIOGRAPHIE 80
TABLE DES MATIÈRES 90
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