UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE DE L'OUEST
FACULTE DE DROIT CIVIL
MEMOIRE
EN VUE DE L'OBTENTION DU MASTER EN DROIT
PUBLIC OPTION : RECHERCHE DROIT PUBLIC FONDAMENTAL
THEME :
L'ACCORD DE PARIS DANS L'ENJEU
CLIMATIQUE
PRESENTE PAR :
OBROU ASSIRI Amangoua Ephraïm
|
SOUS LA DIRECTION DE :
M. ASSI BENIE JOSEPH Maître de
conférences Agrégé de Droit public et science
politique
|
Abidjan, mars 2021
I
AVERTISSEMENT
La faculté de droit civil de l'Université
Catholique de l'Afrique de l'Ouest-Unité Universitaire à Abidjan
n'entend donner ni approbation, ni improbation aux opinions émises dans
ce travail. Ces dernières doivent être considérées
propres à leur auteur.
II
DEDICACE
Ce mémoire est dédié principalement
à
Mes parents, M. OBROU Assomotché et Mme OBROU
N'GUESSAN EBY A. Jeannette, pour leur soutien indéfectible tout le long
de ces années d'études et pour m'avoir transmis les valeurs
essentielles pour mener une bonne vie
Secondairement, à toutes ces personnes qui ont
contribué d'une manière quelconque à la réalisation
de ce travail.
III
REMERCIEMENTS
La concrétisation de ce travail a été le
fruit du concours de plusieurs personnes que nous aimerions citer.
D'abord, nous souhaiterions diriger nos remerciements vers
notre directeur de mémoire, le Professeur ASSI BENIE Joseph qui en
dépit de ses nombreuses activités a bien voulu consacrer son
temps à l'encadrement de nos travaux. Grâce à ses
observations pertinentes, l'amélioration de la qualité de notre
rendu a été grandement amélioré.
Par la suite, nous voudrions adresser nos plus humbles
remerciements à l'Université Catholique d'Afrique de
l'Ouest-Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) et sa
faculté de Droit civil avec à sa tête le Père
Constantin YATALA, pour la formation dispensée.
Enfin, nous remercions notre famille, nos amis et
connaissances pour le soutien qu'ils nous ont apporté tout le long de
notre parcours.
1IV
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
Al. : alinéa
Art. : Article
CCNUCC : Convention-cadre des Nations-Unies
sur les changements climatiques
CIDCE : Centre International du Droit
Comparé de l'Environnement
CNRS : Centre National de Recherche
Scientifique
Coll. : Collection
Ed. : Édition
Et al. : Et autres
GIEC : Groupe d'Experts Intergouvernemental
sur l'Evolution du Climat
I4CE : Institute For Climate Economics
IDDRI : Institut de développement
durable et des relations internationales
LGDJ : Librairie générale de
droit et de jurisprudence
N° : Numéro
OGEOD : Observatoire Géopolitique de
la Durabilité
§ : Paragraphe
P. : Page
PUF : Presses Universitaires de France
RADE : Revue Africaine de Droit de
l'environnement
Vol. : Volume
V
SOMMMAIRE
INTRODUCTION 1
PARTIE 1 : LES INNOVATIONS CONTENUES DANS L'ACCORD
8
CHAPITRE 1 : LE CARACTERE PROPORTIONNEL DES ACTIONS DES
ETATS
PARTIES 9
Section 1 : Une démarche commune renouvelée 9
Section 2 : Un traitement différencié en faveur
des pays en développement Parties
19
CHAPITRE 2 : LA COLLABORATION DES ACTEURS NON ETATIQUES 29
Section 1 : L'implication de la société civile
30
Section 2 : L'implication du secteur privé 38
PARTIE 2 : LES INSUFFISANCES DE L'ACCORD
48
CHAPITRE 1 : UN CADRE MULTILATERAL INSUFFISAMMENT PRECISE
49
Section 1 : Des obligations multilatérales mal
définies 49
Section 2 : Un système financier mal posé 57
CHAPITRE 2 : DES MATIERES NEVRALGIQUES HORS DU TEXTE 66
Section 1 : Une neutralité carbone citée mais
vidée 66
Section 2 : L'oubli d'un système contentieux 75
CONCLUSION 85
1
INTRODUCTION
Le réchauffement climatique est trop grave pour que le
monde ignore plus longtemps son danger disait Tony Blair, premier ministre
britannique à l'époque. Ainsi, l'importance particulière
de la protection environnementale a été affirmée de longue
date au niveau internationale1. Lors du Sommet de la Terre en 1992
à Rio de Janeiro, les États ont reconnu l'existence d'un
changement climatique d'origine humaine et se sont engagés à
lutter dans le cadre d'une convention internationale. Cependant, bien avant de
parvenir à ces résolutions, tout au long du XXème
siècle, les scientifiques ont d'abord pris conscience que certaines
activités humaines avaient une incidence sur les équilibres
atmosphériques et climatiques et pourraient à long terme
transformer le climat de la planète2. Parmi ces changements,
il y a la pollution de l'air, la destruction de la couche d'ozone et le
réchauffement climatique. Les catastrophes naturelles à
répétition à cette époque ont, par la même
occasion, révélé que le problème environnemental
qui prend le pas sur tous les autres est celui de la protection de l'air et de
l'atmosphère3. Les changements climatiques sont des
problèmes qui par nature dépassent les frontières
d'où la nécessité d'un accord international4.
La découverte de problèmes planétaires affectant
l'environnement a indubitablement constitué un élément
décisif qui a modifié la vision que l'on pouvait avoir de
l'environnement5. Prenant acte de la nature globale et
interdépendante de la planète, les nations rassemblées
dans le cadre du Sommet vont définir les bases d'un développement
durable et adopter une série de principes sur les orientations futures
en matière de développement. Ces principes vont reconnaître
les droits des peuples au développement et souligner leurs
responsabilités vis-à-vis de la sauvegarde de
l'environnement6. C'est chose faite la même année avec
la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques. Par la
suite, le Protocole de Kyoto va entrer en scène en 1997. Les pays qui
s'y sont engagés cherchent à réduire leurs
émissions de gaz à effet de serre de 5%.
1 BAUDRY S.), « La réglementation
environnementale », Regards croisés sur l'économie,
Vol. 2, n°6, 2009, p. 176
2 FOURNIER (C.), Enjeux climatiques et changements
climatiques et atmosphériques, 18 octobre 2018
https://youmatter.world/fr/enjeux-climatiques-changements-climatiques/
3 BOISSON (L.), DESGAGNE (R.), Protection
internationale de l'environnement, Editions A. Pedone, p. 533
4 PIEDERRIERE (M.), Lutte contre le changement
climatique : la stratégie du droit, 30 août 2017
5 BEURIER (J-P.), KISS (V.A.), Droit international
de l'environnement, Pedone, 2004, p. 14
6 Sommet de Rio ou le 3ème Sommet de
la Terre, 03 novembre 2016
https://www.novethic.fr/lexique/détail/sommet-de-rio-html/
2
La sécurité environnementale qui compte les
ressources renouvelables et non renouvelables, la protection des
éléments contre la pollution et la réduction maximale des
dangers liés aux activités industrielles devient le maitre mot
des sujets de droit international7. Il est important de
préciser que plusieurs conventions, précédant la
Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques et son
protocole de Kyoto, ont approché subtilement la thématique du
réchauffement climatique. C'est dire qu'elles n'ont pas abordé
cette matière de manière frontale mais s'y rapprochent lorsqu'on
les analyse. On peut exemplifier avec la Convention sur la pollution
atmosphérique transfrontière à longue distance8
et ses huit protocoles additionnels, la Convention de Vienne pour la protection
de la couche d'ozone et son Protocole additionnel de Montréal.
Seulement, toutes les conventions citées sont antérieures au
XXIème siècle.
Ainsi plus de 19 ans après le troisième Sommet
de la Terre, les réalités climatiques ont radicalement
changé. Les dernières décennies se sont
révélées être le théâtre de multiples
catastrophes naturelles et celles-ci, dans la majorité, sont
liées à la dégradation de l'atmosphère due aux
activités polluantes humaines. Le souci de préserver le milieu de
l'homme mais surtout le milieu naturel a repris le dessus. Depuis l'an 2000, 7
348 désastres naturels ont été recensés dans le
monde faisant 1,23 millions de morts9. Le tsunami de 2004 dans
l'océan indien a été le plus meurtrier faisant plus de 220
000 victimes. L'écoulement du temps a laissé se profiler des
réalités nouvelles. La lutte contre le réchauffement est
dès lors devenue plus complexe car les différents instruments
juridiques qui l'encadraient jadis, arboraient des insuffisances. Tout d'abord
ces déficits se sont dessinés au niveau des Parties
elles-mêmes. Les conventions en matière de protection de l'air et
donc du climat sèment, dans leur grand nombre, une différence
entre les Parties de sorte à faire réapparaître les
clivages Nord-Sud. Elles laissent ainsi en dehors d'elles les actions des pays
en développement et ne donnent le rôle principal, pour ne pas dire
unique, aux pays développés. Aussi, la convention
environnementale pouvait imposer à toutes les Parties des obligations
identiques. C'était donc soit les obligations s'appliquent à tous
soit l'autre cas dans lequel une section des Parties en présence qui
devait remplir toutes les obligations. De cette manière, même
lorsqu'elles réunissent un nombre impressionnant de
7 FREDERICK (M.), « La sécurité
environnementale : éléments de définition »,
Études Internationales, vol. 24, n°4, 1993, p. 755
8 Convention sur la pollution atmosphérique
à longue distance, Genève (Suisse), adoptée en 1979,
entrée en vigueur en janvier 1988
9 « Les catastrophes naturelles ont doublé en 20
ans sous l'effet du réchauffement climatique », France inter,
12 octobre 2020
https://www.franceinter.fr/amp/environnement/les-catastrophes-naturelles-ont-double-en-20-ans-sous-l-effet-du-rechauffement-climatique/,
3
Parties, les conventions environnementales ne font participer
que ceux qu'elles jugent capables de fournir des efforts importants dans la
lutte pour la protection du climat.
Inquiets donc de l'avenir de la planète et de ses
habitants, et aussi soucieux de ne pas reprendre les défaillances des
précédentes conventions sur les changements climatiques, les
États du monde ont cru bon de se réunir en 2015 à Paris-Le
Bourget pour trouver une solution. C'est sous la coupole de la Convention-cadre
des Nations-Unies sur les changements climatiques que les Etats et d'autres
acteurs vont se rassembler. La vingt-et-unième conférence des
Parties ou COP 21 va débuter et courir du lundi 30 novembre au samedi 12
décembre 201510. Elle va regrouper plus de 195 États
et l'Union européenne ainsi que de nombreux acteurs de la
société civile. Durant la COP 21, les États vont marquer
à nouveau leur désir de parvenir à un nouvel accord global
en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Cette COP
suit, il faut le dire, celles de Varsovie en 2013 (COP 19) et Lima en 2014 (COP
20) qui contenaient des considérations qu'elle a consolidées.
C'est à l'occasion de la conférence de Lima que l'ambition de
parvenir l'année suivante à un accord contraignant sera mise sur
le plateau. Ainsi, au terme de la COP 21, une nouvelle convention verra le jour
: c'est l'Accord de Paris sur le climat11. Il se donne comme une
planche de salut, un départ nouveau que les Parties se sont
engagées à respecter pour parer de façon radicale au
réchauffement de la planète. C'est le résultat de cette
conférence qui nous a conduit à mener notre réflexion sur
: l'Accord de Paris dans l'enjeu climatique.
Suivant la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques, l'objectif ultime de celle-ci et des instruments
connexes, est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre
dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute
perturbation anthropique dangereuse du système
climatique12. Ainsi, le but de la CCNUCC n'est autre que la
réduction des gaz à effet de serre pour éviter la hausse
des températures. L'Accord de Paris, qui constitue son protocole
additionnel, reste dans cette veine. En effet, le principal enjeu de celui-ci
est de contenir l'élévation de la température moyenne
de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport au niveau
préindustriels étant entendu que cela réduirait
sensiblement les risques et les effets des changements
climatiques13. Le thème que nous allons aborder se situe
dans le
10 « Qu'est-ce que la COP 21 ? »
https://www.apc-paris.com/cop21
11 Accord de Paris sur le climat, Paris (France),
adopté en décembre 2015, entré en vigueur en novembre
2016
12 Art. 2 Convention-cadre des Nations Unies sur
les changements climatiques, New York (Etats-Unis), adoptée en 1992,
entrée en vigueur en mars 1994
13 Art. 2 § 1 al. b), Accord de Paris
adopté en décembre 2015, entré en vigueur en novembre
2016
4
domaine du droit international public, mais plus exactement
dans la veine du droit international de l'environnement.
Il existe des liens étroits entre les aspects nationaux
et internationaux dans l'enjeu climatique14. Les actions
envisagées doivent être en parfaite symbiose pour accroître
non seulement leur effectivité mais pour faciliter l'atteinte des
objectifs. Il est donc nécessaire que les Parties adoptent des mesures
internes qui favorisent la mise en oeuvre des objectif internationaux. Lesdites
mesures vont s'appliquer à des acteurs non étatiques qui sont
plus nombreux. Leur intégration dans la lutte contre le
réchauffement climatique se présente de plus en plus comme une
nécessité.
Les acteurs non étatiques ont aujourd'hui un rôle
important. Ils permettent désormais d'évaluer les progrès
accomplis et les lacunes à combler au niveau des politiques
environnementales des Etats15. Ils constituent des alliés
solides dans la réalisation du développement durable. Leur
participation au processus de lutte contre le réchauffement climatique
ne saurait être ignorée.
Des difficultés se posent régulièrement
dans les conventions environnementales au niveau de leur caractère
contraignant. Basé le plus souvent sur le soft-law16, il
n'est pas rare qu'elles évitent de se prononcer franchement sur la
question d'une responsabilité internationale environnementale. Pourtant,
cette matière épineuse n'a pas manqué de revenir sur la
scène internationale ces dernières années. Malgré
tout, la convention environnementale évite tout système
contentieux alors que sa création est un impératif de plus en
plus pressant pour donner pleine puissance aux dispositions internationales
dans le domaine environnemental. Car comme on le sait, la protection de
l'environnement reste un domaine spécifique qui bouleverse les
règles traditionnelles de la responsabilité
internationale17.
Il y a aussi l'ambition de neutralité carbone qui pose
de nombreux défis. La neutralité carbone est un concept qui
revient sur la table en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement
climatique. Elle occupe une place importante et croissante dans les
réflexions et débats sur
14 SAND (P.), La législation international
en matière d'environnement, https://www.fao.org/
15 MAKOWIAK (J.) « La participation de la
société civile au développement durable »,
Revue juridique de l'environnement, n°37, vol. 4, 2012
16 Droit mou : « cette soft law
peut avoir une influence considérable sur la vie internationale parce
que les Etats peuvent accepter de l'appliquer s'ils considèrent qu'il
exprime un consensus sur les normes qui devraient guider leur comportement. Une
telle acceptation et le respect de règles non-obligatoires peuvent
conduire à la création d'un droit coutumier, qui devient alors
obligatoire », KISS (A.), Introduction au droit international de
l'environnement : cours 1, UNITAR : Genève, 1999
17 DOUMBE-BILLE (S.), MIGAZZI (C.) et al.,
Droit international de l'environnement, Larcier, 2013, p. 172
5
l'action climatique18. Toutefois, certaines de ses
dérivations comme l'utilisation d'énergies renouvelables et les
émissions négatives de gaz à effet de serre que la
convention environnementale est censée défendre ne se retrouvent
pas clairement exprimées dans ses lignes. Ces notions sont soit mal
définies, soit écartées alors qu'elles sont toutes
complémentaires pour la réalisation de la neutralité
carbone tant chérie par la convention environnementale. Et pourtant,
l'amélioration de l'environnement doit être perçue comme un
impératif catégorique pour assurer un avenir à long terme
aux pays en voie de développement19.
S'intéresser à l'Accord de Paris revient
à se pencher sur un instrument juridique important dans la mesure
où il a recueilli l'assentiment de presque tous les États du
monde. Les dispositions qui s'y trouvent témoignent de la volonté
des acteurs des relations internationales de sortir la planète de cette
impasse climatique. L'Accord de Paris s'avère pour plusieurs raisons,
apporter des solutions idoines aux problèmes climatiques. De ce fait, il
nous semble judicieux d'approcher en profondeur celui-ci afin de le comprendre.
Il nous importe de chercher à mieux cerner les éléments
qui s'y trouvent et de découvrir dans quelle mesure ses dispositions
peuvent impacter positivement ou pas le combat contre le réchauffement
de la planète. Toutes ces considérations sont au coeur du propos
qui va suivre.
Nous pensons que le sujet portant sur l'Accord de Paris sur le
climat présente plusieurs intérêts. Tout d'abord, il se
dégage un intérêt théorique. Parler de cette
convention, c'est se pencher sur les différents aspects juridiques qui
l'entourent et les implications que celle-ci peut avoir sur la lutte contre le
réchauffement climatique.
Ensuite, un intérêt pratique car les mesures qui
sont dans l'Accord impliquent une modification profonde des politiques
climatiques pour parvenir à un environnement sain.
Encore, ce thème relève un intérêt
historique en ce sens que l'Accord de Paris sur le climat fixe le premier cadre
global et universel en matière de coopération et de
solidarité climatique20. Enfin, il est impérieux de
dire que ce sujet est d'une actualité récente et donc non
négligeable. Cela, dans la mesure où, avec la montée des
températures et à l'accroissement de leurs conséquences,
l'Accord de Paris se retrouve au centre de toutes les attentes. Il se
présente ainsi
18 RANKOVIC (A.), RÜDINGER (A.), et
al., « La neutralité carbone, défis d'une ambition
planétaire », Institut du Développement Durable et des
Relations Internationales (IDDRI), n°10, 18 septembre 2018, p. 5
19 CRUSE (G.), « La prise en compte de
l'environnement comme facteur de développement », Revue du
Tiers-monde, 1994, p. 157
20 « COP 21 : notre analyse de l'accord »,
France Nature Environnement
https://www.fne.asso.fr/dossiers/cop-21-notre-analyse-de-laccord/
6
comme un carrefour décisif pour la réglementation
climatique spécifiquement et plus généralement du droit
international de l'environnement. Au vu de tout ce qui a été dit,
une question se soulève : quelle est la portée juridique de
l'Accord de Paris sur le climat dans l'enjeu climatique ?
Cette question fait surgir impérativement d'autres
interrogations :
Quels sont les éléments novateurs contenus dans cet
accord par rapport aux conventions précédentes qui touchent au
domaine du climat ? Quels peuvent en être les manques ou les
imprécisions ? Les mécanismes mis en place par cet Accord
sont-ils sans faille ?
Il est important, avant de s'immerger dans cette étude,
de préciser qu'on se bornera à analyser les caractères
juridiques déterminants de l'Accord et les impacts que ceux-ci peuvent
avoir dans l'enjeu climatique. Afin de mener à bien notre
démarche, nous aurons à consulter l'élément phare
qui n'est rien d'autre que l'Accord de Paris lui-même et la
Décision21 qui le précède.
Puisque ce sujet est au carrefour du droit et des sciences
sociales, ces aspects seront nécessairement abordés. Etant
donné que nous recherchons la portée juridique de l'Accord, nous
aurons à le comparer avec les précédentes conventions qui
touchent au plus près la problématique du réchauffement
climatique. Il sera ainsi question d'étudier l'Accord à la
lumière du Protocole de Kyoto22 à la Convention-cadre
sur les changements climatiques, de la Convention de Vienne sur la protection
de la couche d'ozone23 et son Protocole de Montréal sur les
substances qui appauvrissent la couche d'ozone24. Notre étude
laissera en dehors d'elle, pour ne pas entacher son caractère
précis, la Convention sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance25 en raison de ses
huit protocoles additionnels en vigueur. Encore, cette étude ne se
penchera pas sur les conventions bilatérales ou régionales qui
s'intéressent de près ou de loin au réchauffement
climatique. Notre souci étant de rester fidèle au
caractère global de l'Accord de Paris sur le climat.
21 Décision 1/ CP 21, Paris (France),
décembre 2015
22 Protocole de Kyoto à la Convention-cadre
des Nations-Unies sur les changements climatiques, Kyoto (Japon), adopté
en 1997, entré en vigueur en février 2005
23 Convention de Vienne sur la protection de la
couche d'ozone, Vienne (Autriche), adoptée en mars 1985, entrée
en vigueur en septembre 1988
24 Protocole de Montréal sur les substances
qui appauvrissent la couche d'ozone, Montréal (Canada), adopté en
septembre 1987, entré en vigueur janvier 1989
25 Convention sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance, Genève (Suisse),
adoptée en décembre 1979, entrée en vigueur en mars
1983
7
Aussi nous nous éclairerons, pour rendre plus poignante
notre approche, de sources documentaires telles que les ouvrages
généraux en Droit public et spécialisés en Droit de
l'environnement. Les articles de doctrine qui abordent de façon intime
les grandes thématiques qui ressortent de l'Accord de Paris nous serons
bien évidemment d'une aide monumentale.
Enfin, il est utile d'ajouter que notre analyse ne portera pas
sur l'effectivité de l'Accord de Paris. En raison de la seconde
période d'engagement du Protocole de Kyoto approuvée pendant la
COP 18 à Doha26 et couvrant les années 2013 à
2020, l'application de l'Accord de Paris a été repoussée
jusqu'à son expiration. Notre étude n'aura pas non plus dans sa
ligne de mire l'efficacité de l'Accord car comme relevé plus
haut, son application a été différée même si
la Décision demande aux Parties de se mettre dans la dynamique. En
effet, cela ne fait que 5 ans qu'il est entré en vigueur et n'est
appliqué que partiellement.
Notre étude aura pour principal but de montrer que
l'Accord de Paris contient des nouveautés mais que celles-ci sont
étouffées par les trop importantes carences ce qui fait que sa
portée est limitée. Au vu de tout ce qui précède,
nous proposons deux axes majeurs pour mener à bien notre étude.
C'est dans ce sens que nous nous pencherons d'abord sur les innovations
contenues dans l'Accord de Paris sur le climat (Partie I),
avant de nous appesantir sur les insuffisances perçues dans le
dispositif de celui-ci (Partie II).
26 Sommet de Doha, COP 18 de la Convention-cadre
des Nations-Unies sur les changements climatiques, Doha (Qatar), 26 novembre au
08 décembre 2012
PARTIE 1 :
LES INNOVATIONS CONTENUES DANS L'ACCORD
L'Accord de Paris adopte une approche nouvelle dans la lutte
contre le réchauffement climatique. Le contenu de ses articles
témoigne d'une vision plus aboutie de faire participer toutes les
strates de la société à la lutte pour
l'amélioration du climat. Il se fonde sur l'équité, le
principe des responsabilités communes mais différenciées
et des capacités respectives, eu égard aux différentes
situations nationales27. La position des Etats est importante
dans l'accomplissement des objectifs de lutte contre le réchauffement
climatiques. Cependant, les capacités nationales ne leur permettent pas
de s'engager sur les mêmes sentiers. En raison de leurs situations
nationales particulières, les pays développés et les pays
en développement ne peuvent subir les contraintes similaires. C'est en
ce sens que l'Accord adopte une approche différenciée suivant la
qualité des Parties. Ce traitement suppose que les actions communes sont
revisitées. Aussi, l'Accord approche différemment la lutte contre
le réchauffement climatique en intégrant de nouveaux acteurs. Il
ne limite plus la question du réchauffement aux seuls États
Parties. Son ambition est de faire communier toutes les dimensions de la
société pour arriver à freiner la hausse des
températures. L'implication des acteurs non étatiques, entre
autres la société civile et le secteur privé, est une
question qui n'est pas écartée par l'Accord. Tous ces points
seront étudiés au regard des précédentes
conventions tels que la Convention de Vienne, le Protocole de Montréal
et le Protocole de Kyoto. Deux divisions essentielles sont à retenir
ici. Il s'agit du caractère proportionnel des actions des Etats Parties
(Chapitre I) et de la collaboration des acteurs non
étatiques (Chapitre II).
8
27 Art. 2 § 2 Accord de Paris, adopté en
décembre 2015, entré en vigueur novembre 2016
9
CHAPITRE I : LE CARACTERE PROPORTIONNEL DES
ACTIONS DES ETATS PARTIES
La communauté internationale est connue pour la
diversité des acteurs qu'elle contient. Les principaux étant bien
évidemment les Etats. Le principe de justice climatique28
laisse comprendre que les pays développés sont les principaux
pollueurs et pour cette raison, ils doivent être au-devant de la lutte
contre le réchauffement climatique. Quant aux pays en
développement, ils sont encore aux premiers pas dans
l'amélioration de leur structure économique et subissent de plein
fouet les impacts de la dégradation de l'environnement. Sur cette base
donc, l'Accord porte un regard nouveau sur le rôle de chaque État
dans la lutte contre le réchauffement climatique. Désormais, les
obligations sont différenciées entre pays
développés et pays en développement. Cette approche,
comparativement à celle des précédentes conventions, est
inédite. Ainsi, on retrouvera dans l'Accord de Paris un traitement
différencié en faveur des pays en développement
(Section 2) après avoir vu que celui-ci prévoit,
contrairement aux conventions antérieures, une démarche commune
renouvelée (Section 1).
Section 1 : Une démarche commune
renouvelée
L'Accord prévoit que les Parties abordent la lutte
contre le dérèglement climatique en adoptant une démarche
concertée. Cette approche collective des problèmes que traverse
la planète et tous ses habitants est une variable qui ne saurait
être ignorée et minorée car elle diffère de
l'approche des conventions précédentes. C'est dans ce sens qu'une
coopération stratégique (Paragraphe 2) est
définie afin de mieux solutionner la crise dont les conséquences
sont de plus en plus alarmantes. Celle-ci est préparée en amont
par un cadre de transparence respectueux de la différence entre
États Parties (Paragraphe 1).
28 § 13 Préambule de l'Accord de Paris
10
Paragraphe 1 : Un cadre de transparence respectueux de la
différence entre États Parties
Le cadre de transparence de l'Accord respecte le contraste qui
se mêle entre les différentes Parties. Il implique la
réunion de plusieurs composantes. Ainsi, le cadre posé par
l'Accord se fonde-t-il sur l'échange des informations
(A) qui à son tour facilite le bilan mondial
(B).
A- L'échange des informations
L'information est indispensable au bon fonctionnement d'une
convention. En matière de lutte contre le réchauffement
climatique, elle est nécessaire à la bonne coordination des
actions des Parties.
Le Protocole de Kyoto a partiellement répondu à
cette préoccupation en prévoyant des dispositions
spécifiques. Dans certaines de ses lignes, il traduit le fait que les
Parties sont astreintes à l'obligation de fournir des renseignements
clairs. Il présente les différents domaines sur lesquels doivent
porter les informations qui sont requises. Cependant, il ne situe cette
obligation qu'uniquement du côté des Pays
développés contenus dans l'Annexe I de la Convention-cadre des
Nations-Unies sur les changements climatiques29. C'est ce que
l'on retire de l'analyse de l'article 7.1 du Protocole de Kyoto. Il
établit que chacune des Parties visées à l'Annexe I
fait figurer dans son inventaire annuel les émissions anthropiques par
les sources et de l'absorption par les puits des gaz à effet de serre
non réglementés par le Protocole de
Montréal30. En somme, les Parties telles que
visées à l'Annexe I communiquent des informations sur les mesures
prises y compris les programmes nationaux31. Ici, les pays en
voie de développement sont complètement exilés du cadre de
transparence. La posture adoptée par le Protocole laisse comprendre que
la participation des pays en voie de développement n'est pas essentielle
pour assurer l'efficacité du mécanisme de transparence. Ils sont
écartés du dispositif le plus nécessaire à
l'atteinte des objectifs du Protocole de Kyoto.
L'Accord de Paris aborde la question du cadre de transparence
d'une autre manière. En effet, le détail marquant dans celui-ci
est l'extension du devoir d'information aux pays en voie de
29 Convention-cadre des Nations-Unies sur le
réchauffement climatique, adoptée en mai 1992, entrée en
vigueur en mars 1994
30 Art. 7 § 1 Protocole de Kyoto
31 Art. 10 § b) al. ii) Protocole de Kyoto
11
développement. Contrairement au Protocole de Kyoto,
l'Accord de Paris fait peser l'obligation d'informations aussi bien sur les
pays développés que sur ceux qui sont en voie de
développement. Afin de rendre efficace le cadre de transparence,
l'Accord trace les contours d'une exigence aux dimensions variables. C'est en
cela que l'information qui est demandée des Parties sera plus exigible
du côté des pays développés que de celui des pays en
voie de développement. Tout compte fait, les choses sont
profondément différentes par rapport à ce que
prévoit le Protocole de Kyoto. Les pays en voie de développement
dans l'Accord de Paris sont placés au coeur du cadre de transparence.
Ils peuvent ainsi transmettre et recevoir des informations des pays
développés Parties sur divers domaines. Ces précieuses
données peuvent les aider à adopter une posture plus
adéquate face aux difficultés qu'ils traversent. Ses dispositions
ne se retrouvent pas, après analyse, dans le Protocole de Kyoto.
L'échange des informations décidé par l'Accord vient
insuffler une nouvelle dynamique au cadre de transparence. Cela a bien
évidemment pour conséquence d'assurer un traçage des
opérations effectuées dans le cadre de la réalisation des
ambitions de l'Accord.
Au niveau du contenu des informations, l'Accord adopte une
approche plus avenante. En effet, là où le Protocole de Kyoto ne
demande des informations que sur les programmes nationaux, l'Accord requiert
plus d'éclaircissements de la part de ses Parties. Afin de s'assurer de
la meilleure clarté des actions entreprises par les Parties, l'Accord de
Paris les incite à communiquer des données sur le transfert
des technologies32. Il met en avant la communication des
informations quantitatives et qualitatives tous les deux ans par les pays
développés à caractère indicatif33.
Ces indications touchent une panoplie importante de matières. Elles
pourront, ainsi, aussi bien concerner l'appui en matière de financement
que celui fourni par les pays développés aux pays en voie de
développement. Pour s'assurer de l'opérationnalisation de
l'apport en vue du renforcement des capacités, il est demandé aux
Parties à l'Accord de faire régulièrement
connaître ces mesures ou initiatives34. Cette disposition
permet de réunir une quantité impressionnante d'informations.
Elle signifie en outre que chaque fois qu'une Partie entreprendra des
activités aux fins de remplir ses obligations conventionnelles, elle
devra informer le secrétariat qui à son tour le fera savoir aux
Parties. Ces dernières, dans les informations qu'elles doivent faire
parvenir, mettent en lumière leurs difficultés et leurs
besoins
32 Art. 13 § 9 Accord de Paris
33 Art. 9 § 5, Accord de Paris
34 Art. 11 § 4 Accord de Paris
12
pour atteindre l'ambition de l'Accord. De cette façon,
tout le monde sait ce qui se passe chez l'autre.
La constance s'impose aux Parties dans la fourniture de ces
données. Alors que dans le Protocole de Montréal à la
Convention de Vienne, il est prévu un délai plus long que celui
qui est imposé par l'Accord. Le Protocole de Montréal donne
la possibilité à un pays en développement de surseoir
pendant 10 ans à l'observation de certaines
dispositions35. Cette période trop étendue rend
inévitable une dissonance entre les objectifs du Protocole et le
maintien du cadre de transparence. Ce préalable est essentiel aux pays
en développement et l'Accord répond positivement aux soucis de
permanence et de courte fréquence dans la transmission des informations
demandées des Parties. Il est important de préciser que les
pays en développement Parties devraient communiquer des informations sur
l'appui dont ils ont besoin et qu'ils ont reçu36. Cela
est impérieux car c'est à partir des déclarations des pays
en voie de développement que les pays développés Parties
pourront calibrer leurs aides.
C'est cette panoplie d'informations qui va permettre de faciliter
le bilan mondial.
B- La mise en commun des contributions nationales : le
bilan mondial
La lutte contre le réchauffement climatique
nécessite de revisiter continuellement les stratégies
adoptées afin de les améliorer. Sans cette révision, toute
progression dans la direction de l'amélioration des conditions
climatiques est impossible.
Les conventions que nous avons décidé d'utiliser
pour notre étude, dans leur majorité, ne fixent pas de
période exacte pour l'examen global de leur mise en oeuvre. Elles se
contentent d'indiquer que les Parties décideront d'examiner ladite
convention environnementale après avoir décidé d'un
délai lors de leur première réunion. C'est le cas de la
Convention de Vienne sur la protection de la couche d'ozone. Sur ses pages
noircies, on peut lire les brides de la mise en place d'une réunion des
Parties. Il est mentionné distinctement que la première session
aura lieu un an après la mise en application de la convention.
Cependant, une improbable observation est faite. Les réunions des
Parties ont lieu régulièrement selon la fréquence
déterminée par la Conférence à sa première
réunion37. Aussi, elle dénote la
possibilité de tenir
35 Art. 5 Protocole de Montréal
36 Art. 13 § 10 Accord de Paris
37 Art. 6 § 1 Convention de Vienne sur la
protection de la couche d'ozone
13
des réunions extraordinaires à la demande
des Parties38 sans apporter de lumières sur leur but.
L'absence de précision de la Convention de Vienne sur la
périodicité des réunions laisse planer une incertitude.
L'Accord de Paris introduit un élément original.
En plus des réunions régulières des Parties, il organise
une réunion qui a une teneur plus grande que celle que la Convention de
Vienne sur la protection de la couche d'ozone prévoit. En effet,
au-delà du cadre de transparence prévu par l'Accord, il existe
une réunion périodique dénommée bilan
mondial39. Il s'agit d'une assemblée qui doit se tenir
chaque cinq ans à compter de la mise en application de l'Accord en
question. Le premier bilan mondial de l'Accord de Paris aura lieu en 2023
et tous les cinq ans par la suite40. Les Parties à
l'Accord fournissent des contributions déterminées au niveau
nationales41. La réunion prévue par l'Accord a
pour ambition première de mettre en commun les différentes
contributions nationales des Parties. Le suivi des contributions
réalisées au niveau national ainsi mis en place est un moteur qui
peut favoriser l'atteinte des objectifs de l'Accord. Le bilan mondial vient
donner plein effet au cadre de transparence. Il suppose que toutes les Parties
ont préalablement donné des informations explicites sur la
réalisation de leurs contributions nationales et de l'appui dont elles
ont éventuellement bénéficié. Ces données
sont, pour ainsi dire, nécessaires au bon déroulement de la
réunion quinquennale. La finalité première est d'inciter
les Parties à mettre en pratique leurs engagements avant le point
névralgique qu'est le bilan mondial.
L'autre objectif recherché par cette réunion est
de renseigner les Parties sur l'état des lieux de l'action globale. Dans
la mesure du possible, le bilan donnera une vue d'ensemble sur le chemin
déjà parcouru. En outre, il permettra de vérifier
l'accomplissement des contributions au niveau national. Les bonnes
pratiques, les priorités et les lacunes42
constatées serviront de base pour reconsidérer les objectifs qui
avaient précédemment été fixés. Rendue
publique, l'information sur le respect ou non par les Parties de leurs
engagements permettra, du moins en théorie, que les pays qui ne
respectent pas les règles se sentent soumis à la pression de
leurs pairs, subissent l'attention négative des médias et soient
confrontés aux exigences de leurs propres citoyens en matière
d'action climatique43. L'Accord fait de la réduction des gaz
à effet de serre l'affaire de
38 Art. 6 § 2 Convention de Vienne sur la
protection de la couche d'ozone
39 Art. 14 § 1 Accord de Paris
40 Art. 14 § 2 Accord de Paris
41 Art. 3 Accord de Paris
42 Art. 13 § 5 de l'Accord de Paris sur le
Climat,
43 DEPREZ (A), « L'enjeu clé de
l'opérationnalisation du cadre de transparence de l'Accord de Paris sur
le Climat », Billet le blog, IDDRI, 9 juillet 2019
14
tous grâce à l'actualisation tous les 5 ans des
contributions44. Les efforts fournis peuvent être
aisément croisés afin de voir l'évolution de la marche
climatique. Le délai fixé pour la réunion quinquennale
constitue un point radiant pour les engagements des Parties. Aussi et surtout,
le bilan quinquennal peut favoriser le réajustement, en fonction des
efforts réalisés par les Parties à leur seul niveau
national, des objectifs phares de la lutte climatique.
On remarque aussi que dans la Convention de Vienne, la
forme et la fréquence de ces rapports sont déterminées par
les réunions des Parties45. La Convention de Vienne sur
la protection de la couche d'ozone laisse régner une instabilité
sur la communication des renseignements. Mais dans l'Accord de Paris, c'est en
considération de ce qui aura été déjà
réalisé que la Conférence des Parties, agissant comme
réunion des Parties, pourra revoir à la hausse les mesures et les
ambitions. Ce bilan collectif est d'une importance notable car il est
susceptible de donner une vision panoramique des progrès afin de
réagir collectivement si les efforts paraissent insignifiants au regard
des résultats recherchés46.
Paragraphe 2 : Une coopération stratégique
brisant les clivages Nord-Sud
Par coopération stratégique, et suivant
l'interprétation faite des dispositions de l'Accord, on peut se
représenter deux éléments qui la définisse à
savoir la redynamisation de la coopération volontaire des Parties
(A) et le transfert des technologies (B).
A- La redynamisation de la coopération volontaire
des Parties
La dimension globale de l'enjeu climatique implique une
collaboration plus forte de la part des États Parties. La mise sur pied
d'une coopération entre les différentes Parties à un
traité est un paramètre non négligeable. C'est ce qu'on
relève, après analyse, de quelques conventions portant sur le
climat.
44 « La COP 21 », 15 mai 2017
http://www.gouvernement.fr/
45 Art. 5, Convention de Vienne pour la protection de
la couche d'ozone
46 « La COP 21 », 15 mai 2017,
http://www.gouvernement.fr/
15
C'est le cas du Protocole de Kyoto à la
Convention-cadre des Nations-Unies sur le réchauffement climatique.
L'article 2 de celui-ci se montre assez détaillé. Il en ressort
que chacune des Parties visées à l'annexe I coopère
avec les autres Parties visées pour renforcer l'efficacité
individuelle et globale des politiques et mesures
adoptées47. Ainsi, cette collaboration est
conditionnée par le statut des Parties. Il ne s'agit pas d'une
obligation mais d'une possibilité laissée au libre dessein des
Parties. Dans cette collaboration, l'exclusion des pays en voie de
développement est criarde. Il n'y a que les pays
développés qui peuvent collaborer entre eux et céder
à tout autre partie ayant le même statut ou acquérir d'elle
des unités de réduction des émissions48.
Les pays en voie de développement ne peuvent valablement pas s'allier
à un pays développé pour mener à bien toutes leurs
politiques de réduction ou de limitation de pollution. Leur rôle
se limite, dans une certaine mesure, à observer les pays
développés se battre pour remplir les obligations qui sont les
leurs.
Tout comme son précédant le Protocole de Kyoto,
l'Accord de Paris dresse également l'armature d'une coopération
inter partes. Cependant, celle-ci est différente de celle
énoncée dans le Protocole de Kyoto. En effet, l'Accord de Paris
prévoit dans ses dispositions un mécanisme de coopération
entre les différentes Parties qu'il qualifie de volontaire49.
Le but de cette mutualité autorisée est impérativement de
parvenir plus rapidement à contenir l'élévation de la
température moyenne de la planète nettement en dessous de
2°C par rapport au niveau préindustriels50. On
relève dès ce moment, et avec plus de netteté, que les
Parties peuvent s'allier entre elles à la condition principale que ce
soit pour lutter contre le réchauffement climatique. Elles pourront
décider, sur cette base et d'une manière tout à fait
libre, de collaborer en vue de relever leurs ambitions au niveau
national51. Les dispositions laissent libre cours aux Parties
dans le choix de leurs partenaires. À l'inverse du Protocole de Kyoto,
l'Accord n'interdit pas aux pays développés de côtoyer ceux
qui sont en voie de développement pour élaborer des
stratégies communes. Les lignes de l'Accord n'astreignent les Parties
à aucun critère particulier concernant le choix de leur
allié. Elles ne commandent pas aux Parties de s'unir sur la base de la
classification Nord-Nord ou Sud-Sud. De cette manière, l'on peut
aisément considérer que les pays du Nord peuvent s'allier entre
eux et même avec les pays du
47 Art. 2 § 1 al. b), Protocole de Kyoto
48 Art. 6 § 1 Protocole de Kyoto
49 Art. 6 § 2 Accord de Paris
50 Art. 2 § 1 al. a), de Accord de Paris
51 Art. 6 § 1 de l'Accord de Paris
16
Sud. La collaboration entre les deux pôles n'est pas
rejetée. On constate avec brio que l'Accord, sur ce côté,
contribue à abattre les clivages Nord-Sud.
Aussi, l'Accord de Paris ne limite pas non plus
expressément le nombre de Parties à la coopération
volontaire. L'on peut ici approfondir la réflexion. C'est dans ce sens
qu'on dira qu'il pourrait bien s'agir d'une coopération
bilatérale ou multilatérale. Dans le cas de la coopération
bilatérale, les Parties sont libres de déterminer les conditions
de leur collaboration. Cependant, celle-ci ne devra pas déroger à
la ligne directrice tracée par l'Accord qui est d'atteindre l'objectif
de température à long terme énoncé dans son article
2. À côté de la coopération bilatérale, il y
a la coopération multilatérale. L'Accord porte son attention
principalement sur les organisations régionales d'intégration
économique. Ainsi les organisations régionales
d'intégration économique et leurs Etats membres qui se sont mises
d'accord pour agir conjointement notifient au secrétariat les termes de
l'accord pertinent52. Dans un tel cadre, les Parties à
l'Accord s'engagent à mener des politiques qui leur seront communes mais
toujours respectueuses des objectifs de l'Accord. C'est dans ce sens que la
France, si elle le souhaite, pourra remplir ses obligations conventionnelles
individuellement ou dans le cadre de l'Union européenne. Cela implique
la possibilité de s'unir dans n'importe quel domaine de la protection du
climat. Les matières qui ont des chances d'être discutées
ne sont pas précisées par l'Accord. Mais on peut croire que de
tels engagements ne sauraient contrevenir aux dispositions qui marquent
clairement les ambitions de l'Accord. Ce dernier fait montre d'une certaine
flexibilité car il autorise les Parties à s'aider dans le
périmètre d'une collaboration inter conventionnelle sans
opérer une ségrégation entre pays développés
et pays en développement. Les actions sont ainsi
démultipliées et les réalisations peuvent être
optimisées.
B- Le transfert des technologies
La capacité de résilience
climatique53 des Etats face aux changements climatiques n'est pas la
même. En plus des difficultés d'ordre économique et social
viennent s'ajouter celles qui sont d'ordre technique. N'ayant pas la technique
et la technologie suffisantes pour affronter les
52 Art. 4 § 16 Accord de Paris
53 « Capacité d'un système social ou
écologique d'absorber les perturbations tout en conservant sa structure
de base et ses modes de fonctionnement, la capacité de s'organiser et la
capacité de s'adapter au réchauffement climatique. »,
Quatrième rapport de synthèse sur les changements
climatiques, GIEC, 2007, p 86
17
effets du réchauffement planétaire, les pays en
développement se découvrent limités voire impuissants.
La plupart des conventions précédents celle de
Paris sur le climat prévoit le transfert des technologies. C'est le cas
du Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche
d'ozone. Un de ses articles est spécialement consacré au
transfert des technologies. Dans son contenu, il fait comprendre que chaque
Partie prend toutes les mesures possibles pour que les meilleurs produits de
remplacements et techniques connexes sans danger pour l'environnement soient
transférées54. Cependant, le Protocole de
Montréal n'expose pas les conditions d'un tel transfert. Autrement dit,
il n'apporte pas d'élucidations sur le fait de savoir si ce transfert se
base sur les modalités de marché ou de non marché. Cette
absence laisse supposer que les deux techniques peuvent être
employées. Aucune certitude ne peut donc être fondée sur
cette disposition brumeuse. Ce flou a pour corollaire le ralentissement du
processus de transfert des technologies. Pour cause, les pays en
développement manquent cruellement de ressources financières pour
acquérir des technologies écologiquement rationnelles. Le
handicap dont ils souffrent déjà n'est ainsi pas
solutionné par le Protocole de Montréal.
Ce vide, l'Accord de Paris le comble. Il affirme de
façon lumineuse que le transfert de technologies suit des
démarches non fondées sur le marché55. En
outre, l'Accord fonde le transfert de technologies sur une coopération
dépourvue de conditionnalités financières. Cette
précision ne se retrouve ni dans le Protocole de Kyoto, ni dans le
Protocole de Montréal. Cet indice est d'une nouveauté qui rassure
sur les facilités reconnues aux pays en voie de développement.
Ainsi, il ne sera pas imposé aux pays en développement d'utiliser
des crédits pour acquérir des technologies. Le cadre posé
par l'Accord est favorable aux pays en développement et, d'un autre
côté, contribue à établir les liens étroits
entre les Parties. Cela peut avoir pour conséquence évidente le
renforcement de la cohésion entre les différentes Parties. On
peut dès lors dire que les Parties, au travers de l'Accord,
reconnaissent l'importance qu'il y a à donner pleinement effet
à la mise au point et au transfert de technologies56.
Les actions à court terme dans le domaine des
technologies devaient combiner le déploiement rapide des technologies
existantes à faibles émissions avec des efforts parallèles
pour
54 Art. 10 § A al. a), Protocole de
Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche d'ozone,
adopté en septembre 1987, entré en vigueur janvier 1989
55 Art. 6 § 9 Accord de Paris sur le climat
56 Art. 10 § 1 Accord de Paris
18
développer et commencer à déployer un
large éventail de nouvelles technologies57. Aussi, l'Accord
insiste sur le renforcement de l'action de coopération concernant la
mise au point et le transfert de technologies. Tous ces indicatifs se
cristallisent dans la création expresse d'un cadre
technologique58. Sa mission, aux premiers abords, est simple.
Elle consiste à donner des directives pour les travaux entrepris par le
Mécanisme technologique. Ce cadre est un des nombreux piliers de
l'édification de l'Accord. Il se situe donc à côté
du mécanisme technologique créé par la CCNUCC sans
être en opposition avec lui. Ce nouveau constituant vient contraster avec
le Protocole de Kyoto. Ce dernier reconnaît le Mécanisme
technologique organisé par la CCNUCC sans toutefois tracer les contours
d'un cadre technologique propre à lui.
Un autre détail est relevable. Il porte sur
l'innovation technologique de pointe pour l'accélération et
l'amplification des efforts de mise en oeuvre des actions climatiques
nationales et la réalisation des objectifs de l'Accord de
Paris59. En effet, le réchauffement climatique a, ses
dernières années, suscité de nombreuses recherches sur des
technologies pour contrecarrer la hausse des températures. En
intégrant l'innovation technologique dans ses articles, l'Accord marque
son lien étroit avec les réalités du terrain. Le Protocole
de Montréal ne fait pas allusion à cet aspect des
compétences en matière technologique. Pourtant, l'Accord de Paris
évoque l'importance d'accélérer et permettre l'innovation
dans son article 10 § 5. Le dispositif instauré en matière
d'innovation et de déploiement des technologies offre un assortiment de
possibilités aux pays en développement. Désormais, ils ont
accès à des instruments qu'ils n'auraient probablement jamais pu
concevoir ou perfectionner étant donné le marasme
économique qui les gangrène.
Comme on peut le constater, l'Accord de Paris approche sous un
nouvel angle les questions de capacités entre Etats Parties
comparativement aux conventions précédentes auxquelles nous
l'avons comparé. La coopération entre les pays
développés et pays en développement, et le système
informationnel qu'il prône changent radicalement de ce que
prévoient les autres conventions.
57 WAISMAN (H.), « Le rôle des
technologies dans la transition bas-carbone : perspectives du rapport
1,5°C du GIEC », Billet le blog, IDDRI, 29 octobre 2019
58 Art. 10 § 4
59 GERSHINKOVA (D.), « L'innovation
technologique, catalyseur des ambitions climatiques », 04 octobre
2019 http://www.unifccc.int/
19
Section 2 : Un traitement différencié en
faveur des pays en développement
Le traitement différencié entre les Parties
à l'Accord se ressent au travers de divers indices. Il signifie que les
obligations qui pèsent sur les Parties s'appliquent de manière
distincte. Cette discordance est clairement voulue comme peuvent en
témoigner les dispositions de l'Accord. Elles portent une
considération particulière à la situation des pays en voie
de développement par rapport aux pays développés. C'est
ainsi que, dans l'Accord de Paris, les engagements de réduction vont
s'avérer à géométrie variable entre États
développés et États en développement
(Paragraphe 1). Mais aussi le mécanisme financier est
contrasté entre les Parties (Paragraphe 2) aux fins de
tenir les objectifs fixés par l'Accord à la différence
d'autres conventions.
Paragraphe 1 : Des engagements de réductions
à géométrie variable
Les engagements qui s'imposent aux Parties à l'Accord
concernent plusieurs domaines. Cela étant dit, les engagements de
réductions requis des Parties sont à géométrie
variable, c'est-à-dire différenciés. Cette approche est
fortement constatable dans les dispositions portant sur l'adaptation
(A) et l'atténuation (B).
A- Au niveau de l'adaptation
L'adaptation au changement climatique consiste en grande
partie à prendre les décisions qui s'imposent à la
lumière du changement climatique60. Le Groupe
Intergouvernemental d'Experts sur l'Evolution du Climat (GIEC) définit
la capacité d'adaptation comme le degré d'ajustement d'un
système à des changements climatiques afin d'atténuer les
dommages potentiels, de tirer parti des opportunités ou de faire face
aux conséquences61. Autrement dit, il est question de
l'ajustement des systèmes naturels ou
60« Adaptation au changement climatique »,
http://www.adaptationcomunity.net/adaptation-au-changement-climatique/
61 « Définition des termes principaux », IPCC,
http://www.ipcc.ch/publicationanddata/ar4/wg2/fr/spmsd.htlm/
20
humains en réponse à des stimuli climatiques
présents ou futurs ou à leurs effets, afin d'atténuer les
effets néfastes ou exploiter des opportunités
bénéfiques62.
La Convention de Vienne sur la protection de la couche d'ozone
et son Protocole de Montréal ne soufflent pas mot sur l'adaptation. Il
est cependant vrai que leurs articles laissent supposer que les
différents Parties doivent s'adapter sans toutefois aborder le sujet
frontalement. Quant au Protocole de Kyoto à la CCNUCC, il l'aborde mais
dans des termes vagues. Suivant ses lettres, les Parties mettent en place
des technologies et méthodes visant à améliorer
l'aménagement de l'espace qui permettraient de mieux s'adapter aux
changements climatiques63. Comme on peut le constater,
l'adaptation est limitée à un seul domaine. Bien que le Protocole
de Kyoto fasse allusion à plusieurs mesures d'adaptation, il ne se
concentre que sur celles qui touchent l'aménagement du territoire. Il
est vrai que l'aménagement du territoire a des dérivations
multiples mais il demeure limité. L'Accord de Paris, contrairement au
Protocole de Kyoto, énonce plusieurs domaines dans lesquels l'adaptation
est requise. Il le fait dans son article 7. Celui-ci constitue l'un des
articles les plus longs et précis du document. À la
lumière de ses dispositions, l'adaptation implique le renforcement des
systèmes institutionnels, l'amélioration des connaissances
scientifiques, le renforcement de la résilience des systèmes
socioéconomiques pour ne citer que ceux-là. Les mesures que
propose l'Accord de Paris pour atteindre l'adaptation sont assez importantes et
touchent un nombre élevé de domaines stratégiques.
Il est indubitable que la lutte contre le réchauffement
climatique engage des pays qui ne possèdent pas des armes égales.
Alors comment faire progresser les choses quand on sait pertinemment que les
Parties en présence n'ont pas les mêmes forces ? Faut-il les
exclure de la lutte ou les faire participer autrement ? Les réponses qui
s'échappent de ces questions font rejaillir une autre différence
entre le Protocole de Kyoto et l'Accord de Paris. Le premier fait de l'enjeu
climatique la seule affaire des pays développés. Il oblige
chacune des Parties visées à l'Annexe I à s'acquitter
de ses engagements de manière à réduire au minimum les
conséquences sociales, environnementales et économiques
néfastes pour les pays en développement
Parties64.
Dans l'Accord, on retrouve le souci de faire communier les
actions de toutes les Parties. Seulement, cette communion s'opère
à des degrés différents. Il est vrai que l'adaptation,
62 Deuxième rapport de synthèse sur
les changements climatiques du GIEC, B.M., 2001, p 173
63 Art. 10-b) i, Protocole de Kyoto à la
convention-cadre sur les changements climatiques, décembre 1997
64 Art. 3 § 14, Protocole de Kyoto
21
longtemps demeurée un tabou, a été
maintenue à la lisière des débats65. Son
importance a été longtemps minorée. Mais l'Accord de Paris
suit une approche mitigée de l'accomplissement par les pays
développés et pays en développement de l'objectif
d'adaptation. C'est de cette manière qu'il fait obligation à
toutes les Parties de se doter de plans nationaux
d'adaptation66. Cependant, les modalités de ce plan
ne sont pas les mêmes pour les Pays développés et ceux qui
sont considérés comme particulièrement vulnérables
aux effets néfastes des changements climatiques67. Il
indique que la démarche doit être impulsée par les
États développés. Ainsi, ceux-ci se retrouvent au-devant
de la lutte et leurs attitudes se présentent comme déterminantes
pour favoriser un effet d'entraînement. C'est dans cette veine qu'ils
doivent fournir leur aide aux pays en développement afin que ceux-ci
puissent atteindre les objectifs d'adaptation et relever leur ambition par la
suite. Ce soutien permettra aux pays vulnérables d'accroître
l'efficacité de leurs mesures d'adaptation. Ensuite, cette aide serait
dépourvue de sens si elle était amenée à
s'appliquer une seule fois ou pour une durée menue. On peut comprendre
dès lors que l'aide apportée sera continue et renforcée
pour accroître les efforts d'adaptation des pays en
développement68. Dans un autre sens, cela signifie que la
route sera donc beaucoup plus longue pour les pays en voie de
développement. Chaque réchauffement supplémentaire est
important, surtout parce qu'un réchauffement de 1,5 °C ou plus
augmente le risque de modifications de longue-durée ou
irréversibles, comme la perte de certains
écosystèmes69. L'adaptation est donc primordiale.
L'impact du réchauffement climatique est plus fort chez
les pays du Sud que chez ceux du Nord. Ils sont très vulnérables
et ne possèdent pas les capacités indispensables pour
résister seuls aux difficultés que peuvent déclencher la
montée des températures. Cette faiblesse, l'Accord en tient
compte sans les écarter des objectifs qu'il impose aux Parties. Aussi,
on relève la mention faite dans l'Accord de la nécessité
que les Parties privilégient les pratiques les mieux adaptées.
C'est ce que démontre le cas de la Birmanie qui en 2008, subit des
inondations qui
65 PIELKE (J), « Rethinking the role
of adaptation in climate policy », Global Environnemental Change,
1998, pp. 159-170
66 Art. 7 § 9 al. b) Accord de Paris
67 Art. 7 § 2 Accord de Paris
68 « Accord de Paris : le monde s'unit pour lutter contre le
changement climatique »,
http://www.ec.europa.eu/climat/policies/international/negociations/Paris_fr/
69 PORTNER H-O, « Réchauffement climatique
: pour la survie de l'humanité, un demi-degré peut tout
changer », octobre 2018
https://www.numerama.com//425767-rechauffement-climatique-pour-la-survie-de-lhumanite-un-demi-degre-peut-tout-changer.html/,
22
font plus de 16 000 morts à cause du défaut d'un
programme d'adaptation70. Il faut donc une aide mais une aide
réfléchie c'est-à-dire qu'elle doit répondre aux
réalités locales. Un bon plan d'adaptation peut faire la
différence dans la prévention et la gestion des catastrophes
naturelles71. Sans un bon cheval de bataille, toute entreprise
serait vouée à l'échec. La posture qu'adopte l'Accord
vis-à-vis des pays en voie de développement est positive et
visiblement justifiée.
B- Au niveau de l'atténuation
L'atténuation peut être appréhendée
comme une intervention humaine pour réduire les sources ou augmenter les
puits de gaz à effet de serre72. L'atténuation, tout
comme l'adaptation, constitue un volet essentiel de la lutte contre le
réchauffement climatique. Elle consiste également en des
initiatives et mesures prises pour réduire la
vulnérabilité des systèmes naturels aux effets des
changements climatiques réels ou prévus73.
Le Protocole de Kyoto mentionne l'atténuation.
Cependant, il restreint son champ d'application aux pays
développés Parties. Ils sont les seuls à
élaborer des programmes nationaux qui contiennent obligatoirement des
mesures destinées à atténuer les changements
climatiques74. Les pays en voie de développement sont
complètement écartés. Cet état des choses est
dangereux car il signifie que la participation de ceux-ci n'est pas
déterminante. Les pays en développement Parties sont
assimilés à des spectateurs qui observeraient les
réalisations des autres Parties tout en espérant tirer un
bénéfice. L'Accord de Paris procède autrement. Une
brève lecture de son article 4 laisse entendre que l'atténuation
se concrétise dans les actes ayant pour finalité de
réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et
humains. Et donc, ceux-ci visent à réduire ou à limiter
les émissions de gaz à effet de serre. Dans le cas précis
de la mise en oeuvre de l'atténuation, ne seront retenues que les
activités qui contribuent à la stabilisation des concentrations
de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui
empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système
climatique.
70 KHIN (M.W), Climat : l'adaptation étape
cruciale de l'application de l'Accord de Paris
http://www.novethic.fr/amp/actualite/environnement/climat/isr-rse/climat-l-adapatation-etape-critique-de-l-application-de-l-accord-de-paris-143844html/
71 Troisième rapport de synthèse du
GIEC, Bilan 2001 sur les changements climatiques, GIEC, 2001, p. 174
72 Résumé à l'intention des
décideurs du volume 2 du 5ème rapport
d'évaluation du GIEC, « Impacts, vulnérabilité et
adaptation », GIEC, 2014, p. 3,
http://www.développement-durable.gouv.fr/GIEC/
73 Quatrième rapport de synthèse sur
les changements climatiques du GIEC, B.M., 2007, p 76
74 Art. 10 § b Protocole de Kyoto
23
L'on peut heureusement pousser un soupir de soulagement quand
on pose un oeil averti sur l'article de l'Accord portant sur
l'atténuation. Il précise, en ses dispositions, que les Parties
sont astreintes à cette obligation qui est de résultat pour
certaines et est de moyen pour d'autres. L'Accord insiste sur le fait que
les pays développés montrent la voie en assumant des
objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus à
l'échelle de l'économie75. Cet impératif
prend une tournure différente en ce qui concerne les pays en voie de
développement. Ceux-ci, d'après les dispositions de l'article 4,
sont encouragés à continuer d'accroître leurs efforts
d'atténuation. Cette démarche globale mais aux proportions
malléables suivant la qualité des Parties en cause est une
innovation qui donne un aspect neuf à la lutte contre le
réchauffement climatique.
L'atténuation englobe toutes les actions de
réduction des sources de gaz à effet de serre ou
d'amélioration de la séquestration du carbone76. Cela
constitue, pour les pays, un engagement dont la réalisation ne peut se
construire que sur le long terme. Ici, il s'agit d'attaquer le problème
à la racine. Car les vagues de chaleur ont augmenté de 232%
depuis 199977. Plus de la moitié des émissions
mondiales sont liées à la consommation d'énergies
fossiles. Les stratégies de développement durable à faible
émissions de gaz à effet de serre sont donc prioritaires. Les
actions d'atténuation ne peuvent passer majoritairement que par la
réduction de ces consommations78. C'est pour cette raison que
les pays doivent, dans la mesure du possible, se doter de programmes nationaux
d'atténuation. Cependant, leurs objectifs doivent progresser en raison
du caractère changeant du réchauffement climatique. Le Protocole
de Kyoto touche cette thématique. Ainsi, les Parties audit Protocole
élaborent, appliquent, publient et mettent régulièrement
à jour des programmes nationaux79. Comme on le remarque,
il n'approfondit pas le caractère progressif ni la temporalité
des contributions insérées dans les programmes nationaux. Mais
l'Accord vient solutionner l'équation incomplète dressée
par le Protocole de Kyoto. Il indique que les contributions
déterminées au niveau national suivantes de chaque Partie
constitueront une progression par rapport à la contribution
déterminée au
75 Art. 4 § 4 Accord de Paris
76 « Atténuation et adaptation aux changements
climatiques »,
http://www.biodiversité-poitou-charentes.org/attenuation-et-adaptation-aux-changements-climatiques.html/
(28/08/2020)
77 GUHA-SAPIR (D.), Rapport du bureau des
Nations-Unies pour la réduction des risques de catastrophe
(UNSDIR), octobre 2020
78 « L'atténuation et l'adaptation », 09
août 2018,
http://www.ademe.fr/expertises/changement-climatique/quoi-parle-t/lattenuation-adaptation/
(28/08/2020)
79 Art. 10 § b Protocole de Kyoto
24
niveau national antérieure80. Il va
plus loin en ajoutant que cette dernière doit correspondre au niveau
d'ambition le plus élevé.
En outre, les contributions déterminées au
niveau national par chacune des Parties doivent atteindre les meilleurs
résultats possibles. L'Accord de Paris met en scène le principe
de non-régression81 que son précédant, le
Protocole de Kyoto, n'intègre pas à son armature. Si l'Accord
oblige les pays développés Parties à accroître
absolument leurs contributions, il invite cependant les pays en
développement à faire du mieux qu'ils peuvent. Il précise
enfin, qu'un appui est fourni aux pays en développement
Parties82 pour l'application de l'atténuation.
Grâce à ce soutien, ils pourront prendre des mesures plus
ambitieuses et continuer d'avancer dans l'amélioration de leurs
politiques.
À côté des engagements à
géométrie variable dans le cadre de l'adaptation et de
l'atténuation, nous avons un mécanisme financier qui tient compte
des aptitudes des États Parties.
Paragraphe 2 : Un mécanisme de financement
contrasté entre les Parties
La différence que l'Accord sème entre les pays
développés et ceux en voie de développement se ressent
dans le domaine financier. Le cadre financier fixé par l'Accord de Paris
diffère substantiellement du Protocole de Kyoto. Il contient un
financement global massif (A) et principalement
alimenté par les pays développés Parties
(B).
A- Un financement global massif
Le volet financier est omniprésent dans les
défis mondiaux et le domaine de l'environnement ne fait pas
l'exception.
Le mécanisme financier posé par la CCNUCC trouve
un retentissement dans les articles du Protocole de Kyoto et de l'Accord de
Paris tout en variant. Le Protocole de Kyoto ne fait pas
80 Art. 4 § 3, Accord de Paris
81 « Le principe selon lequel la protection de
l'environnement ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante,
compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment »,
DUTHEILLET DE LAMOTHE (L.), « Principe de non-régression »,
Revue juridique de l'environnement, vol. 43 n° 1, 2018
82 Art. 4 § 5 Accord de Paris
25
de commentaire sur la hauteur des financements
sollicités des pays développés. Il se cantonne à
annoncer que ceux-ci apporteront leur soutien financier aux fins
d'accomplissement des objectifs du Protocole par voie bilatérale,
régionale ou multilatérale83. Le Protocole
reprend par endroit les mécanismes de la CCNUCC relatifs au financement.
Il indique des montants attribuables à chacune des Parties en cas de
besoin, mais ne donne pas de plancher minimum du financement global
présumé assurer le fonctionnement dudit mécanisme.
L'Accord de Paris se montre relativement explicite sur cette
matière. En effet, l'Accord met en évidence le plancher du
financement requis des pays développés et qui s'attachera au
fonds prévu pour la mise en oeuvre des objectifs de l'Accord. Il fixe
le montant des financements demandés à un plancher de 100
milliards de dollars par an84. Cette somme relativement
colossale peut se justifier en raison du caractère incommensurable et
urgent des problèmes liés à la montée des
températures. Grâce au cadre de transparence établi,
l'Accord permet de savoir si les pays développés de qui le
financement est demandé ont effectivement apporté leur pierre
à l'édifice. Entre autres, il va faciliter l'inventaire des
sommes octroyées aux pays en développement. En définitive,
ce mécanisme servira de base pour l'attribution du financement aux pays
en développement. L'accent est plus mis sur les pays
développés car ils disposent de moyens suffisants comparés
aux pays en voie de développement.
S'agissant du caractère du financement, une distinction
démarque le Protocole de Kyoto de l'Accord de Paris. Le premier,
c'est-à-dire le Protocole de Kyoto, ne précise pas si les
financements doivent être constants ou évoluer avec le temps. En
l'absence de plus d'informations, on peut aisément croire que les
financements exigés des Parties doivent se situer dans la constance. A
ce niveau, une avancée est à relever dans l'architecture
financière que propose l'Accord de Paris. Comme
précédemment relevé, les pays développés
aussi bien Parties au Protocole que ceux Parties à l'Accord sont
censés financer durablement la lutte et l'adaptation au changement
climatique des pays en voie de développement85. Malgré
tout, l'Accord se montre plus percutant. En effet, il marque le
caractère croissant du financement. Ainsi, la mobilisation de moyens
financiers devrait représenter une progression par rapport aux efforts
antérieurs86. Le fonds de 100 milliards de dollars est
donc appelé à être revu à la hausse dans le but
d'aider les pays en développement Parties à réduire leurs
émissions de gaz
83 Art. 11 § 3 Protocole de Kyoto
84 § 54 de la Décision 1/COP 21, 12 décembre
2015
85 « La COP 21 sur le climat : définition, enjeux et
résumé », Agence Parisienne du Climat
http://www.apc-paris.com/
86 Art. 9 § 3 Accord de Paris
26
à effet de serre ainsi qu'à s'adapter et
à accroître leur résilience aux évolutions du
climat87. Cette précision n'est pas faite dans le Protocole
de Kyoto ce qui laisse croire que les financements sont statiques. Il est
important de noter que le plancher fixé à 100 milliards de
dollars est annuel. Le coût de l'adaptation englobe, dans l'Accord, celui
des projets de développement intégrant des fonctions
préventives face à de potentiels risques climatiques
élevés. Un fonds pour l'adaptation créé par le
Protocole de Kyoto est établi pour financer des programmes
concrets88. Contrairement à celui-ci, l'Accord de Paris prend
en compte, dans le financement, le coût de l'adaptation et de
l'atténuation. La principale difficulté ne réside pas dans
le coût global de l'action mais consiste à trouver un mode de
répartition efficace et équitable de ce
coût89.
Aussi, là où le Protocole de Kyoto demande aux
Parties développées de fournir des ressources
financières nouvelles et additionnelles90, l'Accord
impose à ses Parties d'accroître les ressources qu'elles allouent.
Il indique que l'effort financier est à pérenniser, il doit
augmenter dans la durée91. La finance doit être en
phase avec le long terme92. Cela requiert donc des pays Parties de
ne pas atrophier leurs contributions financières. C'est pour s'assurer
de l'effectivité de cette obligation qu'il est mis en place un jeu de
transparence au sein de l'Accord de Paris. Les pays développés
sont ainsi tenus de communiquer les informations cohérentes et
transparentes relatives à l'appui financier qu'ils ont fourni et qu'ils
fournissent. Capables d'élaborer des stratégies sur le long
terme, les pays développés sont ceux-là qui peuvent
soutenir et permettre à l'humanité d'arriver à
résorber les catastrophes liées au réchauffement
planétaire. Les pays en développement ont eux aussi le devoir de
faire parvenir les renseignements pertinents sur l'appui qu'ils ont
reçu.
B- Un fonds principalement alimenté par les pays
développés Parties
87 AUVERLOT (D.), « L'Accord de Paris : un
accord Bottom-up universel qui doit être traduit dans les actes
», 18 décembre 2015,
http://www.strategie.gouv.fr/point-de-vue/laccord-de-paris-un-accord-bottom-universel-etre-traduit-actes/
88 Le fonds pour l'adaptation relevant du Protocole de
Kyoto, Annexe I, Conférence de Bonn, 2001
89 DE PERTHUIS (C.), « Et pour quelques
degrés de plus...Nos choix économiques face au risque climatique
», Pearson Education France, Paris, 306p, 2009, p. 203
90 Art. 11 § 2 al. a) Protocole de Kyoto
91 HAINAUT (A.), LEDEZ (M.), PERRIER (Q), et
al., « Relance : comment financer l'action climat »,
I4CE, Paris, juillet 2020
92 CHENET (H.), ZAMARIOLI (L.), WINNING (M.),
« Finance after the Paris agreement: the necessary transformation of the
financial system », Policy Brief, IDDRI, Janvier 2020, p. 8
27
Le financement obtenu de la part des Parties est essentiel
pour l'accomplissement des stratégies de lutte contre le
réchauffement climatique. Il suppose que chaque Partie intervienne
à part égale.
Cette direction est suivie par le Protocole de Kyoto. Il y est
exposé que les pays développés Parties et les autres
Parties développées figurant à l'Annexe II de la
Convention fournissent des ressources financières nouvelles et
additionnels afin de couvrir la totalité des coûts convenus par
les pays en développement93. Une remarque s'impose. Le
Protocole laisse peser le financement sur les seules épaules des pays
développés Parties. Ceux-ci sont placés à
l'avant-garde du financement. Le Protocole de Kyoto ne s'appesantit sur les
pays en voie de développement qu'en tant que destinataires du
financement mobilisé par les Parties développées. Les pays
en voie de développement ne sont considérés que comme des
receveurs de financement comme le présente si bien l'article 11 § 2
al. b) du Protocole de Kyoto. Une différence notable est à
marquer entre le Protocole de Kyoto et l'Accord de Paris tous deux
placés sous l'égide de la CCNUCC. À la différence
du Protocole de Kyoto qui exclut les pays en développement du champ des
finances les condamnant à uniquement recevoir, l'Accord de Paris, lui,
n'oublie pas les pays en développement. Il reconnaît leur
participation au mécanisme financier.
Si l'Accord somme les pays développés de fournir
des ressources financières aux pays en développement, il incite
également les pays en voie de développement à participer
à ce transfert de ressources94. Il ne s'agit que d'une
invitation et pourtant elle constitue une innovation. Celle-ci est cependant
moindre étant donné les difficultés économiques qui
les gangrènent. L'Accord ne dit pas autre chose dans ses lignes quand il
avance que les autres Parties sont invitées à fournir ou
à continuer de fournir ce type d'appui à titre
volontaire95. Ces contributions, il faut y revenir, sont
purement volontaires et ne sont pas à négliger. L'Accord, en ne
fixant pas la hauteur de cette participation, reconnaît la
fragilité des pays en développement Parties. Il rechigne ainsi
à leur imposer un quota précis à la différence des
pays développés Parties dont les sommes attendues doivent
s'exprimer en chiffres absolus. Cela pour faire ressortir que l'appui financier
des autres Parties s'effectue de façon spontanée ce qui se
présente comme un paramètre positif pour l'application du
mécanisme financier. Le cadre ainsi posé est supposé
responsabiliser les pays développés Parties pour qu'ils
alimentent les stratégies des pays en
93 Art. 11 § 2 al. a) Protocole de Kyoto
94 LASSUS St-GENIES (G.), « L'Accord de
Paris sur le climat : quelques éléments de décryptage
», Revue québécoise de droit international,
2015, p. 47
95 Art. § 2 Accord de Paris
28
développement afin de tacler les effets du changement
climatique. Cela sans pour autant négliger l'éventuelle
participation financière des pays en développement.
L'assimilation des pays en développement Parties au mécanisme
financier de l'Accord est un indice qui marque le souci de
fédération des efforts de toutes les Parties proportionnellement
à leurs différentes capacités nationales. Tout ceci vise
à la concrétisation des mesures relatives à la riposte
climatique.
S'agissant de la destination des financements, il faut dire
que ce volet est largement abordé par le Protocole de Kyoto. Il souligne
le fait que les pays développés Parties fournissent les
ressources financières dont les pays en développement Parties ont
besoin pour couvrir la totalité des coûts supplémentaires
pour progresser dans l'exécution des engagements96. Le
mécanisme financier qu'il s'évertue à décrire prend
en considération les pays en développement Parties dans leur
globalité. Il les met tous sur la même ligne. Pourtant, au sein
même des pays en développement, il existe différentes
sous-catégories d'Etats en développement. Ceux-ci n'ont en fait
pas des capacités égales. L'Accord de Paris vient pallier cette
confusion. Tout comme le Protocole de Kyoto, l'Accord énonce clairement
que les pays développés Parties apportent une aide
financière pour permettre aux pays en développement de s'adapter
aux effets du changement climatique97. Mais, il signifiera que
la fourniture des ressources financières devrait viser les pays en
développement notamment ceux qui sont particulièrement
vulnérables comme les pays les moins avancés et les petits
États insulaires en développement98. Afin de
s'assurer de l'effectivité d'une telle mesure, l'Accord recommande aux
pays en développement destinataire des financements d'effectuer des
inventaires des fonds effectivement reçus. Le système
économique des pays développés bien enraciné n'est
pas assimilable à celui des pays en développement. L'on peut
aisément comprendre pourquoi est-ce que l'Accord les place au centre des
contributions financières. La prépondérance de leur
rôle est ici marquée. Ils sont ainsi appelés à
montrer la voie en mobilisant des moyens de financement de l'action
climatique99.
On peut distinguer relativement que l'Accord pose un cadre
dont les strates sont aussi étonnantes que percutantes comparées
à celles précédemment établies dans certaines
96 Art. 11 § 2 al. b) Protocole de Kyoto
97 LANG (G.), COP 21 : Les principaux points de
l'Accord sur le Climat, 12 décembre 2015
http://www.RTL.fr/
98 Art. 9 § 4 Accord de Paris
99 Art. 9 § 3, Accord de Paris
29
conventions sur l'environnement. Au travers de quelques
articles, il met clairement en exergue le caractère proportionnel des
actions des Parties à la différence du Protocole de Kyoto, de la
Convention de Vienne et du Protocole de Montréal. La
considération qu'il porte aux pays en développement Parties est
un élément nouveau qui ne manque pas de susciter
l'intérêt. Cela maintenant précisé, il va encore
plus loin en invitant les Etats à intégrer des acteurs en dehors
d'eux à participer au combat climatique.
30
CHAPITRE II : LA COLLABORATION DES ACTEURS NON
ETATIQUES
Les problèmes climatiques sont d'une importance
capitale pour presque tous les États. Les stratégies
encadrées par les dispositions juridiques qu'ils élaborent sont
censées s'appliquer à la population. On peut parler d'une
application du haut vers le bas. Elle suppose ainsi une bonne
compréhension des données climatiques par différents
acteurs de la société étatique. Cette approche est
adoptée dans l'Accord. Il intègre dans l'atteinte de ses
objectifs les acteurs non étatiques. La participation qui leur est
reconnue dans la lutte contre le dérèglement climatique est un
fait original car elle varie des dispositions contenues dans certaines
conventions précédents l'Accord de Paris. Ainsi, nous
découvrirons dans les lignes de l'Accord de Paris que sont
impliqués sous une dimension nouvelle la société civile
(Section 1) et le secteur privé (Section
2).
Section 1 : L'implication de la société
civile
Le rôle des acteurs non-étatique privés
désignés ici comme la société civile revêt
une importance toute particulière dans l'Accord de Paris. La
société civile n'est pas homogène, elle est polymorphe et
diversifiée100. Sa participation clairement mentionnée
dans le dispositif de l'Accord est absente des autres conventions qui
s'approche du climat. L'Accord de Paris invite ainsi les Parties à
s'aider de la société civile afin d'accomplir une mission
d'éducation climatique (Paragraphe 1) et de la faire
intervenir dans le processus décisionnel (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Une mission d'éducation
climatique
La société civile doit pouvoir être
sensibilisée au sujet des défis climatiques. La décision
précédant l'Accord de Paris précise que les Parties
s'engagent à ce que la formation (B) et la
sensibilisation (A) du public soient prises en compte dans
leur contribution au renforcement
100 Rapport du conseil économique et social,
2002
31
des capacités. Ces points que nous aurons
à éplucher marquent une profonde différence entre l'Accord
et certaines conventions climatiques antérieures.
A- La sensibilisation du public
La société civile comme préalablement
relevé, regroupe les organisations qui impliquent les citoyens dans la
vie locale et municipale. Elle dispose des outils du vivre
ensemble101.
Plusieurs sphères de la société sont
encore étrangères, sinon insensibles aux dures
réalités du réchauffement climatique. Et pourtant, elles
sont pour la majorité victimes de la hausse des températures.
Force est de constater qu'elles ne sont pas suffisamment renseignées sur
les causes des changements climatiques. Il est alors légitime de se
demander comment les individus peuvent appliquer les mesures de
réduction d'émissions de gaz à effet de serre s'ils ne
savent pas en quoi cela consiste ? Comment voudraient-ils mettre en oeuvre
correctement ce que les gouvernements leur recommandent s'ils ne sont pas
sensibles aux problèmes environnementaux ? C'est en ce sens que la
sensibilisation s'avère être le moyen le plus approprié. La
Convention de Vienne sur la protection de la couche d'ozone n'élude pas
ce sujet. Elle ne s'intéresse pas à un minime moment au volet de
la sensibilisation des peuples. Elle se borne à montrer les mesures
à appliquer pour favoriser la réduction de la pollution. Face
à un tel mutisme, on ose croire que les règles que
présente la Convention de Vienne reste au stade des entités
abstraites, c'est-à-dire les Etats. Alors que les règles ne
peuvent trouver meilleure application que si la population y est sensible.
L'Accord de Paris intervient pour solutionner cette situation.
Il renouvelle l'ambition de la CCNUCC de favoriser la sensibilisation du
public sur les changements climatiques et leurs effets102.
L'Accord ne dit pas autre chose quand il spécifie que les Parties
reconnaissent l'importance de la sensibilisation du public103.
Dans les pays en voie de développement, une grande partie de la
population est étrangère aux profondes implications du
réchauffement climatique. Aux fins d'atteindre tous les pôles de
la population, l'Etat pourra sur la base de la décision de l'Accord,
s'allier aux Organisations Non-Gouvernemental (ONG) et autres
101 BENRAHAR (M.), « Quelques rappels sur la
société sa place, son rôle et son lien avec la
démocratie », http://www.blogs.médiapart.fr/
102 Art. 6 § A al. ii), Convention-cadre sur le
réchauffement climatique
103 § 14, Préambule de l'Accord de Paris,
décembre 2015
32
associations pour renforcer la sensibilisation. Cette mesure
peut se justifier car se trouvant au coeur de la société, les ONG
peuvent approcher le mieux les populations et accroître leur
intérêt pour les sujets climatiques. Elles sont à
même de rendre les individus plus réceptifs au combat climatique.
Des ONG comme World Wide Fund for Nature (WWF) qui agissent afin de
protéger la nature et d'enrayer puis d'inverser le processus de
dégradation de la planète104.
Cela étant dit, avant même de procéder
à la sensibilisation du public, il est substantiel que soit mis en place
des stratégies. On peut sans doute affirmer que les populations ont un
pouvoir énorme aujourd'hui pour enclencher vraiment la transition
à partir du bas105. Sur cette matière la Convention de
Vienne reste encore de marbre. La consultation de ses lignes ne livre aucun
élément de réponse. Elle ne dit pas si la
société civile peut participer à l'élaboration de
stratégie pour amorcer la sensibilisation du public. Fort de ce manque,
on peut en déduire que l'implication de celle-ci n'est pas retenue.
Autrement dit, la Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone
met la société civile en quarantaine par rapport à
l'établissement de plans de sensibilisation.
Mais, l'Accord de Paris emprunte un chemin opposé. Il
confirme que les Parties doivent veiller à ce que la sensibilisation
soit bien prise en compte dans leurs contributions au renforcement des
capacités106. Cela a pour finalité
d'intégrer la société civile dans la construction de
politique de sensibilisation autour du réchauffement climatique. Il
s'agit ici de programmes que les Parties doivent établir pour stimuler
la population, la sensibiliser aux effets des changements climatiques. La
sensibilisation du public107, reconnue dans les stries de
l'Accord, vise dans une large mesure les professionnels de différents
secteurs de sorte à ce qu'ils jouent le rôle de dirigeants dans la
mise en place de méthodes efficaces et exhaustives d'atténuation
et d'adaptation. Seule une meilleure connaissance des risques et des
conséquences du changement climatique peut faciliter les changements de
comportements et inciter la société à soutenir les mesures
prises en vue de réduire les émissions de gaz à effet de
serre108. Cela peut rendre les populations plus enclines à
mettre en application des mesures et à poser les bons gestes pour guider
l'humanité vers un monde neutre en carbone. Aussi, les différents
organismes qui
104 LEBEL (D.), DESFORGES (D.), « ONG de défense
de l'environnement », Regards croisés sur
l'économie, n°6, vol 2, 2009, pp. 59-61
105 BARON (L.), « COP 21 : Quel pouvoir a la
société civile ? »,
http://www.informations.tv5monde.com/
106 § 82 Décision 1/COP 21 de l'Accord de Paris
107 Art. 12 de l'Accord de Paris
108 « Sensibilisation et mobilisation », Changement
climatique et santé humaine,
https://www.who.int/globalchange/who
workplan/advocate/fr/
33
constituent la société civile qui est une
entité non-partie109, pourront participer à
l'exécution des programmes de sensibilisation. Grâce à
l'Accord, les organisations de la société civile peuvent
commencer sinon continuer à sensibiliser sur les changements climatiques
en portant leur message sur une scène plus grande.
B- La formation du public
L'ignorance est le foyer de toute incompréhension et
donc de tout conflit. L'éducation est un pan déterminant dans la
lutte contre le réchauffement planétaire. Pour accroître
donc l'efficacité des mesures prises, il est impérieux de
procéder à la formation des populations.
Cette mission est clairement placée dans le cadre de la
compétence des pouvoirs publics. Principalement, ce rôle est le
leur. Suivant la Convention de Vienne sur la protection de la couche d'ozone,
les Parties coopèrent à plusieurs niveaux dont celui de la
formation. Ils doivent assurer la formation appropriée du personnel
scientifique et technique110. Ainsi, seuls les experts dans les
domaines du réchauffement climatique sont concernés par la
formation que sont censées assurer les Parties. Tout le dispositif
instructif est axé sur ces derniers. Il n'y a pas de place pour d'autres
acteurs. Comme on peut le voir, la Convention de Vienne restreint la formation
en matière de compréhension et de technique concernant les
changements climatiques au cercle pourtant limité des scientifiques. On
peut humblement avancer que ces scientifiques sont ceux qui appartiennent
à l'administration publique de chaque Etat partie. En outre, les
scientifiques privés sont fustigés. En allant plus loin, les
dispositions de la Convention de Vienne se révèlent en la
défaveur de la population. Tout ceci contribue à faire des
questions climatiques l'affaire des experts.
L'Accord de Paris suit une perspective différente.
C'est ce qui s'extirpe de la décision de l'Accord. Celle-ci invite
les Parties à étudier les moyens de développer la
formation du public de façon à renforcer l'action engagée
au titre de l'Accord111. Ainsi, la formation du public se situe
dans la veine de l'accomplissement des objectifs de l'Accord. Il s'agit ici
d'approcher le public afin de l'aider à mieux appréhender les
enjeux climatiques. La formation envisagée peut être
qualifiée de permanente. Elle englobe l'ensemble des processus
destinés à permettre à leurs bénéficiaires
d'actualiser, de compléter ou d'étendre leurs connaissances
théoriques ou
109 § 134 Décision 1/COP 21, décembre 2015
110 Art. 4 § 2 al. b) Convention de Vienne sur la protection
de la couche d'ozone
111 § 84 de la décision 1/COP 21 de l'Accord de
Paris
34
pratiques. Elle suppose donc une stabilité pour mener
à bien le renforcement des capacités. A cette lourde tâche,
les États Parties doivent s'adonner de sorte à rendre possible
l'atteinte des objectifs de l'Accord. Désormais, la population doit
être formée afin d'appliquer les bons gestes, c'est-à-dire
ceux qui sont susceptibles de canaliser la hausse des températures. Il
s'agit par exemple de la réduction de la pollution au niveau des
ménages ou des automobilistes. Il est urgent que la population soit bien
outillée pour participer efficacement et appliquer les mesures
d'adaptation et d'atténuation aux changements climatiques. Cependant,
l'État ne peut pas avoir la mainmise sur tout le système
éducatif, et qui plus est en matière environnementale. Il peut
tout au plus fixer le cadre général. C'est pour cela qu'il
pourra, dans sa mission, recourir à l'assistance des ONG et autres
associations qui possèdent des compétences certaines dans ce
domaine. Ces dernières décennies, les ONG sont devenues des
acteurs incontournables de la réflexion sur l'environnement. Le souci de
joindre la société civile à la lutte contre le
réchauffement climatique est nettement notable dans l'Accord.
La société civile s'empare de la cause
climatique d'une manière radicalement nouvelle. En accordant une place
à la société civile dans l'enjeu climatique, l'Accord par
truchement reconnait l'importance de sa participation à la lutte contre
le réchauffement climatique. Toutes les composantes de la
société civile sont ainsi impliquées dans les
stratégies de formation que peuvent échafauder les Etats Parties.
Il faut rajouter que cette dynamique a aussi pour but de renforcer les
capacités des pays en développement Parties. En
considérant davantage l'Accord de Paris, on peut dire que la question
climatique est devenue une cause citoyenne112. La
société civile est, comme précédemment
souligné, au coeur des questions environnementales. L'Accord, en les
mentionnant, leur accorde une place de choix. Si les domaines d'intervention
des ONG varient en fonction de leurs objectifs propres, ceux-ci s'organisent le
plus souvent autour de la lutte contre les changements climatiques. Ainsi,
vont-elles se pencher sur la formation des populations afin que celles-ci
adoptent les meilleures manoeuvres pour réduire leurs émissions
de gaz à effet de serre. Les ONG interviennent dans la sphère
publique par le biais de campagne de mobilisation et atelier de formation
visant le grand public113. Elles peuvent utiliser un large
éventail de méthodes pour galvaniser la population pour qu'elle
s'oriente vers des pratiques neutres en carbone. Il y va de la survie de la
planète et le respect
112 TORRE-SCHAUB (M.), « Changement climatique : la
société civile multiplie les actions en justice », 31
août 2018,
http://www.ritimo.org/
113 « La société civile et l'environnement
», pp 92-93, http://www.letudiant.fr/
35
des consignes permettra à la société
d'économiser de l'eau, de l'énergie, de limiter les rejets de gaz
à effet de serre, de recycler les déchets et tant d'autres
comportements utiles et nécessaires114.
Les dispositions de l'Accord viennent réorganiser la
lutte contre la hausse des températures. La société
civile, à qui l'Accord de Paris adresse une attention
particulière, se voit désormais reconnaître un rôle
majeur qui ne peut faire l'objet d'aucune autre interprétation.
Paragraphe 2 : La participation au processus
décisionnel
La participation est un principe d'aménagement du
fonctionnement des institutions qui consiste à associer au processus de
décision les intéressés ou leurs
représentants115. Elle implique nécessairement que les
composantes de la société civile aient accès à
l'information (A) afin de pouvoir aisément prendre part
aux débats climatiques (B).
A- L'accès à l'information
L'information est considérable dans toute
démarche complexe. Il est irrésistible d'avoir une bonne
information avant de s'engager sur les sentiers tortueux de la lutte contre le
réchauffement planétaire.
Cette information est, dans la majorité des conventions
sur l'environnement, requise des gouvernants par leurs administrés. Elle
doit pouvoir apporter des lumières aux lanternes du public. C'est ce qui
ressort de l'article 10 du Protocole de Kyoto. Il indique que les Parties
soutiennent et facilitent par leur coopération l'accès de
celui-ci aux informations concernant les changements
climatiques116. Jl n'énumère pas les
éléments qui sont censés être portés à
la connaissance du public. Cela laisse subsister des doutes qui ne peuvent
être éclaircis par l'analyse de ses lignes. Le défaut de
précision d'informations ne permet pas de savoir quel genre de
données sont en cause. Des questions se posent : les informations
transmises doivent-elles concernées les causes du réchauffement,
les taux d'émissions ou bien l'impact des
114 BIDOU (J.N.), « Ethique et éducation à
l'environnement », Éducation relative à
l'environnement, Centr'ERE, vol. 8, 2009
115 GUINCHARD (S.), DEBARD (T.), Lexique des termes
juridiques, Dalloz, 25ème éd, 2017-2018
116 Art. 10 § e) Protocole de Kyoto
36
mesures prises sur la hausse des températures ? Le
Protocole de Kyoto ne se prononce pas sur ces questions.
Tout comme le Protocole de Kyoto, l'Accord de Paris insiste
sur le fait que les Parties doivent tout mettre en place afin de faciliter
l'accès à l'information dans le domaine des changements
climatiques117. La large diffusion des informations en
matière environnementale est indispensable pour faire progresser la
lutte contre le réchauffement climatique. Cependant, une
différence notable se fait sentir entre le Protocole de Kyoto et
l'Accord de Paris. En effet, dans le deuxième, l'accès de la
population à l'information doit être fait de façon à
renforcer l'action engagée118. Autrement dit, les
informations auxquelles la population va accéder doivent lui permettre
de consolider les actions déjà entreprises contre le
réchauffement climatique. Cela suppose bien évidemment qu'une
catégorie précise d'informations doit être apportée.
Car en matière de hausse des températures toutes les informations
ne sont pas déchiffrables et compréhensibles par la population.
Bien qu'il s'agisse le plus souvent de données stratégiques, il
est indispensable que les Parties les rendent plus abordables avant de les
livrer à la population. De cette manière, le public peut demander
des informations sur les émissions anthropiques par les sources et des
absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre, le
renforcement des capacités, les mesures d'adaptation entreprises et bien
d'autres. On peut le comprendre, s'il n'y a pas transmission des informations
intelligibles, il ne peut y avoir aucune confiance entre les citoyens et les
pouvoirs publics qui organisent la participation, et sans confiance il ne peut
y avoir participation réellement utile119. Par le public, on
fait allusion à la société civile. La
société civile, faut-il y revenir, regroupe les organisations non
gouvernementales et d'autres associations qui impliquent les citoyens dans la
vie locale et municipale120. Ainsi, en vertu de l'article 12 de
l'Accord de Paris, chaque individu doit pouvoir toucher du doigt les
renseignements relatifs au réchauffement climatique. Pour la
société civile qui contient tous les citoyens, ce besoin vital
est étanché par l'Accord.
Les pouvoirs publics sont astreints au niveau national
à assurer une réelle information du public. Cela passe
inévitablement dans un premier temps par la publication de certains
documents comme ceux qui portent sur le taux de pollution national, et plus
spécifiquement
117 Art. 12, Accord de Paris
118 § 84 Décision 1/COP 21 de l'Accord de Paris
119 LEPAGE (C.), « La participation du public aux prises
de décision : une mutation incontournable », Annales
des Mines- Responsabilité et environnement, FFE, vol. 1, n°81,
2016, pp. 61-64
120 BENTAHAR (M.), Quelques rappels sur la
société civile, sa place son rôle et son lien avec la
démocratie, http://www.blogs.médiapart.fr/
37
des secteurs les plus générateurs de dioxyde de
carbone (CO2). Dans un second temps, cet accès à
l'information signifie que les registres de données environnementales
sont ouverts à la population. Le public pourra de cette manière
s'imprégner des réalités environnementales. Aussi, toutes
les couches sociales sans discrimination doivent bénéficier de ce
droit d'accéder aux bonnes informations. Cela, afin de savoir
l'état d'avancement de la lutte contre le réchauffement
climatique et les améliorations à apporter. Cela ramène
à l'idée suivant laquelle les particuliers et les associations
doivent avoir pleinement connaissance des politiques prévues par leurs
gouvernants. Cette démocratisation de l'information est une
avancée majeure car les décisions prises au sommet de
l'État pourront être absorbées par la population qui en
aura une nette connaissance. L'ouverture vers la société civile
permet aussi de renouveler le rôle de l'État comme arbitre
privilégié entre les intérêts des pouvoirs
économiques et les attentes des citoyens121. La
société civile peut être un allié solide dans la
diffusion des informations qui sont axées sur l'environnement. L'article
12 de l'Accord de Paris se présente comme une invitation à
inclure la vigilance citoyenne dans le cadre de transparence122.
Puisque c'est à lui que vont s'appliquer les mesures, il est essentiel
que le public sache les tenants et aboutissants des actions entreprises par les
gouvernants. Les ONG et autres associations de la société civile
serviront d'unité de mesures des progrès accomplis et permettront
par la même de combler les lacunes.
L'information est bien, mais en discuter est mieux. Ainsi,
toute bonne information doit pouvoir donner suite à un débat
équilibré entre les gouvernants et leur population.
B- Les débats environnementaux
Les plans d'actions que peuvent mettre en place les Parties
sont capitaux. Ce motif est largement suffisant pour que ceux-ci soient
confrontés à ceux qui devront les appliquer. Le mécanisme
de diffusion n'a d'utilité que s'il s'accompagne d'une transparence du
processus de prise de décision et permet au public d'exprimer ses
réticences avant qu'il ne soit trop tard123. Les
débats portant sur les plans dans le cadre de la lutte contre le
réchauffement climatique supposent ainsi une participation active de la
société civile.
121 SAMASSEKOU (A.), « La société civile,
acteur clé de l'information », Annuaire suisse de
politique de développement, novembre 2018
122 MISONNE (D.), « Access to information, the hidden
human rights touched of the Paris Agreement? », Intersentia, 2018
123 PRIEUR (M.), « Les principes généraux
du droit de l'environnement », Centre International du Droit
Comparé de l'Environnement, p. 44
38
Le Protocole de Kyoto reste silencieux sur ce sujet. Il ne
prévoit ni la participation publique à l'examen des
données sur les changements climatiques ni la contribution du public aux
débats qui touchent au climat. En aucune manière il n'aborde la
question. Cela démontre une nette volonté d'écarter la
population de l'établissement des stratégies de lutte contre le
réchauffement planétaire. Plus grave, l'allure du Protocole
semble vomir l'idée de discuter les stratégies établies
par les gouvernants au niveau étatique avec la société
civile. L'Accord de Paris admet, dans son article 12 et dans la décision
1/COP 21 en son paragraphe 84, que les Parties promeuvent la participation du
public. Cette participation ne peut être effective que s'il y a
possibilité de débattre librement sur les questions
environnementales. Elle ne concerne plus l'administré en tant qu'atteint
dans ses droits propres, mais le citoyen en tant que garant et protecteur d'une
valeur collective supérieure124. La participation devient
réellement un instrument au service de l'intérêt
général faisant de l'administré un citoyen actif. Cela
peut consister à construire les stratégies et essayer de mieux
les adapter aux situations locales particulières. La concertation et la
participation du public, dans le cadre de l'Accord, doivent se faire le plus en
amont possible.
Au niveau national, cela signifie que chaque personne doit
avoir la possibilité de participer au processus
décisionnel125. On sait déjà que la
société civile comprend aussi bien les individus que les
associations et ONG. Ces dernières sont représentatives des
différentes catégories sociales. Les pouvoirs publics ne
sauraient les écarter du processus de décision, tant l'expertise
qu'elles apportent est riche et l'image qu'elles véhiculent
positive126. Et la matière environnementale ne fait pas
l'exception. D'un côté, elles disposent de ressources et de
données d'une qualité précieuse. Ainsi, elles sont bien
outillées pour participer au processus décisionnel.
En effet, la participation des ignorants est un
alibi127. L'implication des ONG vient pallier les carences que
peuvent révéler les actions individuelles non-coordonnées.
Elles peuvent servir de courroie de transmission des informations. Les enjeux
de la participation du public sont d'améliorer la qualité et
l'acceptabilité des décisions128. La
société civile peut faire part de son expertise au niveau
international sans gâcher toutefois le caractère gouvernemental
des débats.
124PRIEUR (M.), « Le droit à
l'environnement et les citoyens : la participation », Revue juridique
de l'environnement, n°4, 1998, p. 403
125 LEME MACHADO (P.A.), Mondialisation et droit de
l'environnement, p. 23
126 DESFORGES (D.), LEBEL (D.), « Les ONG de défense
de l'environnement », Regards croisés sur l'économie, vol.
2, n°6, 2009, p. 1
127 MONEDAIRE (B.), « La décision publique en
matière d'environnement », Les Transformations de la
régulation juridique, Paris, RED, 1998
128 MAKOWIAK (J.), « La participation de la
société civile au développement durable », Revue
juridique de l'environnement, n°4, 2012, p. 621
39
Quelles soient activistes ou collaboratives, les ONG mettent
en lumière certaines défaillances du système
environnemental. Elles ont un rôle officieux important129.
Elles disposent le plus souvent d'une expertise affûtée que la
plupart des États ne possèdent pas. Elles savent, grâce aux
études approfondies qu'elles mènent, discerner les zones d'ombres
et proposer aux gouvernants des solutions idoines. Le fait que l'Accord
concède une place de choix à la société civile est
d'une modernité et d'un réalisme criard. Grâce à
l'Accord, elle est au-devant de la scène. Libres de mener leurs
investigations, les ONG sont à même de discuter en profondeur les
plans que souhaitent mettre en place les gouvernants. Leur impartialité
est un autre facteur qui joue en leur faveur. De cette manière, on peut
imaginer que la participation de la société civile favorisera
l'augmentation de l'intérêt général pour les
politiques environnementales130. Les individus les plus
isolés n'ont pas la facilité d'être écoutés
par les gouvernants et les entreprises. C'est pourquoi la participation des
associations et ONG qu'annonce l'Accord se présente comme un grand bond
en avant. Il est impérieux de préciser que celles-ci ne sont pas
concurrentes du système exécutif mais interviennent de
façon complémentaire en donnant leur contribution. À
l'issue des débats, les antagonistes trouveront probablement des
terrains d'entente.
Cette intégration de la société civile
dans les objectifs de l'Accord est essentielle pour la meilleure application
des décisions. À côté de la société
civile, l'Accord met en avant le rôle des acteurs du secteur
privé.
Section 2 : L'implication du secteur privé
Le secteur privé a longtemps été
rangé sur l'étagère des oubliés dans la lutte
globale contre le réchauffement climatique. Les dispositions qui les
impliquent dans le maintien de l'environnement au niveau mondial sont rares.
L'Accord, en admettant que le secteur privé constitue un pan de la lutte
contre le réchauffement climatique, franchit une étape
supplémentaire. Il agrandit ainsi le cercle des acteurs pouvant
accroître et améliorer les techniques favorables à la
stabilisation des températures. Les différents acteurs de ce
secteur
129 GEMENNE (F.), « COP 21 : Quel pouvoir a la
société civile ? »
130 CVETEK (N.), DAIBER (F.), « Qu'est-ce que la
société civile ? », http://www.issuelab.org/
40
sont, suivant les termes de l'Accord, invités à
s'impliquer aussi bien dans la planification (Paragraphe 1)
que dans la mise en oeuvre de leurs stratégies (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : L'implication dans la planification des
stratégies
Les acteurs du secteur privé, par le biais de l'Accord,
se retrouvent impliquer dans la lutte contre le réchauffement climatique
aux côtés des Etats Parties. Cependant, cette collaboration augure
l'amélioration du dispositif institutionnel (A) et un
partenariat placé sous la coupole des États Parties
(B).
A- L'amélioration des dispositifs institutionnels en
place
Les programmes nationaux sont vastes et complexes. Ils
touchent plusieurs structures de la société dont le secteur
privé. Afin donc de promouvoir l'implication du secteur privé
dans le processus des programmes nationaux de développement, les
gouvernements doivent chercher à s'assurer que les cadres juridique et
politique soient en place afin d'appuyer les investissements en matière
d'adaptation131.
Un partenariat avec les entités privées en vue
d'atteindre les objectifs de lutte contre la hausse des températures est
inéluctable pour les Etats Parties. La Convention de Vienne n'aborde
malheureusement pas la question. Elle s'attache à dire que les
Parties coopèrent, conformément à leur législation,
réglementation et pratiques nationales en tenant compte des pays en
développement132. Elle ne s'intéresse pas
explicitement au renforcement du dispositif institutionnel nécessaire
à l'implication du secteur privé dans la lutte contre le
réchauffement climatique. Ses lignes laissent comprendre que les
systèmes institutionnels dont il espère l'amélioration ne
concernent que les domaines publics des Parties. La Convention de Vienne se
limite à poser un cadre dans lequel les Parties coopèrent
pour harmoniser les politiques appropriées visant à
réglementer, limiter, réduire ou prévenir les
activités humaines relevant de leur juridiction ou de leur
contrôle s'il s'avère qu'elles sont néfastes pour la
couche
131 CRAWFORD (A.), CHURCH (C.) « Impliquer le secteur
privé dans les processus nationaux de planification de l'adaptation
», Institut International du Développement Durable (IISD),
2019, p. 4
132 Art. 4 § 2 Convention de Vienne sur la protection de la
couche d'ozone
41
d'ozone133. Comme on le voit, ses articles
ne disent pas expressément si ces mesures doivent avantager la
participation des acteurs du secteur privé. Les dispositions de la
Convention de Vienne circonscrivent les actions des Parties au seul niveau
international, et dans la sphère publique. On peut le constater, la mise
en place d'un système institutionnel favorable à l'implication du
secteur privé n'est pas une préoccupation prioritaire pour la
Convention de Vienne sur la protection de la couche d'ozone. Elle ne sollicite
pas et ne commande pas non plus aux Parties de créer un cadre qui
permettrait aux acteurs privés de participer à la lutte.
Inversement à celle-ci, l'Accord de Paris
remédie à ce déficit. En effet, il reconnaît
l'impérativité d'activer des possibilités de
coordination entre les instruments et dispositifs institutionnels
pertinents134. En outre, il met en avant le fait que les
Parties collaborent afin d'améliorer leurs différentes structures
institutionnelles aussi bien pour le secteur public que pour le secteur
privé. Ce nouveau paradigme favorise sans nul doute l'implication du
secteur privé dans la lutte globale contre la hausse des
températures. Ainsi, les politiques des Parties doivent tenir compte
du secteur privé et être étoffées par le biais de
dispositifs institutionnels appropriés visant à appuyer la mise
en oeuvre de l'Accord de Paris135. L'Accord est plus explicite
et promeut ainsi la création d'un environnement favorable à
l'insertion des acteurs privés dans le combat climatique. Les Parties
s'engagent à ce que le cadre juridique et réglementaire au sein
de leur territoire encourage les entreprises à s'investir dans des
mesures d'adaptation.
L'Accord invite aussi les gouvernements à veiller
à ce que les législations, politiques et réglementations
nationales bénéficient d'une stabilité. La
stabilité est un élément essentiel pour favoriser la
participation effective des entités privés. La variabilité
des normes d'un Etat Partie à un autre, et la précarité de
ces dernières ne vont pas sans compliquer les choses. Par le biais de
l'Accord, les gouvernements n'ont d'autre choix que de mettre en place un
encadrement réglementaire et incitatif vis-à-vis des acteurs
privés. Cela dans la perspective de pallier leurs déficiences
pour que leur participation soit plus efficace. Ces limites peuvent concerner
le manque de compréhension du changement climatique et de ses
incertitudes, horizon de décision à court terme, coûts des
mesures à long terme136. La charge dévolue aux Parties
contient donc plusieurs compartiments. D'un côté, elles doivent
intégrer le secteur privé afin
133 Art. 2 § 2 al. b) Convention de Vienne sur la protection
de la couche d'ozone
134 Art. 6 § 8 al. c) Accord de Paris
135 Art. 11 § 5 Accord de Paris
136 VAN GAMEREN (V.), WEIKSMANS (R.), et al., «
L'adaptation des acteurs privés », L'adaptation au changement
climatique, 2014
42
qu'il puisse participer à la lutte contre la
montée des températures. D'un autre côté, elles sont
obligées de l'informer en conséquence sur les implications
réelles des changements climatiques. Ce n'est que si les acteurs du
secteur privé sont bien armés qu'ils pourront aider utilement les
Parties à atteindre leurs objectifs nationaux et internationaux en
matière de réduction des émissions de gaz à effet
de serre. Cet appel à l'amélioration du dispositif institutionnel
retrouvé dans l'Accord, oblige les Parties à mettre tout en
oeuvre pour que le secteur privé soit de plein pied dans la lutte contre
le réchauffement climatique.
B- Un partenariat sous la coupole des États
Parties
La collaboration entre les gouvernements et les acteurs du
secteur privé suppose des modalités spécifiques. En outre,
celle-ci implique un encadrement précis évitant tout
débordement susceptible de nuire aux objectifs recherchés. Dans
le cadre des conventions qui portent sur le climat, la démarche s'est
révélée par moment saccadée.
Fort heureusement, l'on trouve réponse favorable dans
l'Accord de Paris et différente de celles annoncées par les
conventions précédentes. Il s'agit d'un partenariat nouveau entre
Etat et acteurs privés. L'Accord incite les Parties à
promouvoir la participation à l'atténuation des gaz à
effet de serre d'entités privées
autorisées137. Les termes de cette disposition laissent
entendre que l'implication des acteurs privés est beaucoup plus
importante. Cela signifie que les acteurs privés sont placés au
coeur des thématiques climatiques et qu'ils sont capables d'agir de
manière décisive sur les changements climatiques. Les actions
qu'ils auront à mener doivent avoir pour finalité de parvenir
à l'atténuation des gaz à effet de serre émis sur
le territoire de l'Etat Partie en cause. L'établissement de politique de
réduction de gaz à effet de serre par les acteurs privés
suppose un accord préalable avec la vision générale de
celle conçue par l'Etat Partie sur lequel ils se trouvent.
A ce niveau, une autre nouveauté émerge. En
effet, il est relevable qu'en dépit de tout, les entités
privées susceptibles de collaborer avec une Partie à l'Accord ne
le sont pas d'office. Elles doivent, avant de se lancer dans le
développement de politique de limitation des émissions de
CO2, recevoir une autorisation de la Partie en question. Cette
autorisation vise à contrôler les stratégies des
entités privées par rapport à la vision des gouvernements.
Cette formalité est nécessaire pour éviter une cacophonie
entre la démarche entreprise par le secteur privé et
137 Art. 6 § 4 al. b) Accord de Paris
43
l'approche beaucoup plus générale du secteur
public. La coordination entre les deux est la principale cible que l'Accord met
en exergue. Aussi, le partenariat tel qu'envisagé par l'Accord suppose
que l'Etat Partie reste maître dans le choix de ses collaborateurs. C'est
ce qui ressort de l'article 6 paragraphe 4 de l'Accord de Paris. Ainsi,
lorsqu'un État Partie à l'Accord décide de collaborer avec
une entité privée, les modalités du champ d'action seront
obligatoirement tracées par le premier. Il choisira ainsi le secteur, la
contribution qu'il attend de l'entreprise et certainement le délai de
l'accomplissement de sa mission. Aucune obligation n'est faite à l'Etat
de collaborer avec une quelconque entreprise privée. Chaque Etat Partie
est libre de collaborer avec toute entité privée de son choix aux
fins d'accroître ses capacités de résilience au
réchauffement climatique.
Ce chemin nouveau est quasiment opposé à celui
suivi antérieurement par le Protocole de Kyoto. En effet, ce dernier
oblige les Etats Parties et les entités privées qui souhaitent
collaborer à passer par une autorité conventionnelle. Il s'agit
du conseil exécutif du mécanisme pour un développement
propre138. La participation est soumise aux directives qui
peuvent être données par ledit conseil139. L'aval
du conseil exécutif est ici nécessaire pour que puissent se
réaliser véritablement les objectifs du mécanisme
à savoir aider les Parties visées à l'Annexe I à
remplir leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction
de leurs émissions prévues à l'article
3140. Les Parties n'ont pas la latitude de décider des
entités avec lesquelles elles souhaitent s'associer pour accoster les
objectifs chiffrés qui leurs sont imposés. Les complications
sont, dans ce cas spécifique, plus grandes. Car l'autorité, qui a
le dernier mot et donc qui peut tolérer cette coopération,
échappe totalement au contrôle des Parties. Le conseil
exécutif du mécanisme pour un développement propre
empiète sensiblement sur leur mobilité. Les Etats Parties sont,
en quelque sorte, contraints de s'aligner sur le choix des entités
privées qui est opéré par ledit conseil. Rajoutons que le
Protocole de Kyoto limite la coopération entre un État Partie et
une entité privée au seul domaine du mécanisme de
développement propre ce qui n'est pas le cas dans l'Accord de Paris.
138 « Il a deux objectifs aider les pays non visés
à l'Annexe I à parvenir à un développement durable
et à contribuer à l'objectif ultime de la Convention, et aider
les Parties visées à l'Annexe I à remplir leurs
engagements chiffrés de limitation et de réduction »,
Troisième rapport de synthèse du Groupe d'experts
intergouvernementale sur les changements climatiques (GIEC), 2001, p. 185
139 Art. 12 § 9 Protocole de Kyoto
140 Art. 12 § 2 Protocole de Kyoto
44
Suivant le Protocole de Kyoto, leur collaboration a pour
principale finalité de permettre l'acquisition d'unités de
réduction d'émissions141 par les Parties. L'Accord
n'opère pas une telle différence ce qui laisse entendre que les
Parties et les entités privées sont libres de déterminer
la sphère de leurs engagements communs pourvue que celle-ci vise
à gagner les objectifs d'atténuation et d'adaptation. Ici encore,
l'Accord de Paris aborde une dimension singulière de la lutte contre le
réchauffement climatique.
L'implication des acteurs du secteur privé dans le
processus de planification de programmes nationaux d'adaptation et
d'atténuation que l'Accord propose, peut permettre d'aligner sur le
moyen et long terme le travail de ceux-ci aux stratégies
étatiques.
Paragraphe 2 : L'implication dans la mise en oeuvre des
stratégies
La mise en oeuvre se perçoit à deux niveaux
spécifiques de l'Accord de Paris. Il est question du renforcement des
capacités (A) et de la participation financière
des entités privées (B).
A- Le renforcement des capacités
Le renforcement des capacités est le processus par
lequel les particuliers, les organisations et les sociétés
acquièrent, développent et entretiennent les aptitudes dont ils
ont besoin pour définir et réaliser leurs propres objectifs de
développement142. En matière environnementale, il
s'agit des méthodes capables de consolider et de pérenniser ces
fondations.
La Convention de Vienne se prononce sur le renforcement des
capacités des pays Parties. Afin de l'assurer, elle approuve la
participation des acteurs privés. Cependant, elle limite cette
dernière. Elle reconnait le besoin de leur implication dans le but de
mener des recherches dans le domaine du réchauffement climatique. Le
caractère scientifique de leur participation restreint leur rôle.
Il faut aussi rajouter que les entités privées ne sont pas toutes
expertes en
141 « Équivalent d'une tonne d'émissions de
dioxyde de carbone (CO2) réduite ou piégées
à la suite d'un projet de Mise en oeuvre conjointe calculée
à l'aide du Potentiel de réchauffement mondial »,
Troisième rapport de synthèse sur les changements climatiques du
GIEC, 2001, p. 196
142 Le renforcement de capacités, Note de
pratique du PNUD, octobre 2008, p. 2
45
matière de traitement de données scientifiques
sur le réchauffement climatique. Leurs activités
s'étendent à plusieurs secteurs. De l'industrie
sidérurgique en passant par l'industrie cotonnière, les
entités privées ont nécessairement un impact sur
l'environnement positif ou négatif. Mais dans la situation de la
Convention de Vienne, il n'y a que le volet scientifique de leurs
capacités qui est indexé comme nécessaire pour la lutte
contre le réchauffement climatique. Elle met en avant le fait que les
résultats de leurs prospections sont essentiels aux Etats Parties qui
les abritent. Ainsi, les recherches privées prévues ou en
cours143 constituent des renseignements que les Etats Parties
doivent transmettre aux autres. La Convention de Vienne, en dehors de ce cadre,
refuse toute interférence des entités privées dans les
actions entreprises par les Etats Parties aux fins de protéger la couche
d'ozone contre les rejets nocifs. La Convention de Vienne restreint le champ
d'action des entités privées en les condamnant à
uniquement participer aux recherches scientifiques pour trouver les meilleures
stratégies pour contrecarrer le réchauffement
planétaire.
L'Accord de Paris donne aussi l'opportunité aux acteurs
du secteur privé de se joindre aux Etats Parties dans la cause
climatique comme précédemment dit. Il les intègre à
la lutte en imposant aux Parties de les faire participer activement
à la mise en oeuvre des contributions déterminées au
niveau national144. Le rôle des acteurs privés est
on ne peut plus profond que celui qui est dessiné dans la Convention de
Vienne. Et pour cause, les entreprises ont montré ces dernières
années leur relative sensibilité aux questions environnementales.
Désormais, elles ont une grande capacité à intégrer
dans leurs stratégies les questions de développement durable. Il
est vrai qu'elles sont prises entre le développement durable et leur
propre durabilité145. Cependant, les deux ne sont plus
antinomiques. Ainsi, elles voient dans l'environnement une opportunité
pour rebondir et réorienter leurs stratégies. Parmi les
capacités techniques les plus importantes pour les acteurs du secteur
privé, citons la capacité à mener des évaluations
de risques climatiques et de vulnérabilité. Il s'agit ici
d'intervenir dans des activités à risques ou dangereuses qui ne
sont pas interdites par le droit international mais qui représentent un
risque significatif de destruction environnementale146. Les
entreprises sont multi sectorielles ce qui rend leurs actions encore plus
poignantes.
143 Annexe II § 3, Convention de Vienne sur la protection de
la couche d'ozone
144 Art. 6 § 8 al. b) Accord de Paris
145 BOST (F.), DARRIET (S.), « Entreprises et
environnement : quels enjeux pour le développement durable »,
Presse universitaire de Paris Nanterre, 2011, pp. 11-18
146 DOUMBE-BILLE (S.), MIGAZZI (C.), et al. Droit
international de l'environnement, Larcier, p. 114
46
On considère aussi les entreprises comme les principaux
acteurs des diverses pollutions. Mis à part cela, elles
détiennent les solutions nouvelles de protection de l'environnement.
Pour certains secteurs, il s'agit de changer radicalement de modèle ou
de technologie. Les entreprises se posent de plus en plus la question du
périmètre d'actions. Si la neutralité carbone est une
contrainte, c'est une contrainte créative invitant à
réaménager ce qui fait le coeur d'un produit ou d'un
service147. Il n'est plus rare de voir des entreprises s'aligner sur
les recommandations des scientifiques pour limiter la hausse de la
température148. Elles peuvent à leur niveau interne se
fixer des objectifs ambitieux. Elles pourront suivant leurs ambitions propres
adopter des mesures environnementales préventives et
palliatives149.
Les secondes reposent sur des équipements
destinés à traiter la pollution en aval des
procédés et n'impliquent pas de modification des méthodes
de productions. Ces équipements représentent des investissements
souvent coûteux dont l'impact sur la rentabilité ou la
productivité est nul la plupart du temps. A l'inverse, les actions
préventives impliquent des changements techniques et organisationnels
situés en amont du processus de production. Par exemple les mesures
visant à améliorer l'efficacité énergétique
ou à réduire les coûts et le gaspillage. Tout compte fait,
qu'elles utilisent l'une ou l'autre des mesures, les entreprises se lancent
dans une dimension nouvelle de la lutte contre le réchauffement
climatique. Les politiques des entreprises sont ainsi de plus en plus
indissociables d'activités visant directement l'amélioration de
la compétitivité et de la productivité.
L'utilité du secteur privé dans le renforcement
des capacités des pays n'est plus à reprouver et c'est ce que
l'Accord de Paris présente dans ses articles.
B- La participation financière du secteur
privé
Le secteur privé contient une pluralité
d'acteurs. Cela étant précisé, on peut les regrouper en
deux grandes catégories : les entreprises privées et les
financeurs privés.
147 DESPOUES (V.), GRANGER (F.), et al., «
Se situer dans la transition énergétique : un
impératif pour toutes les entreprises », I4CE, n°53,
Paris, mai 2018
148 JACQUE (M.), « Climat : de grandes entreprises
mondiales s'alignent avec l'Accord de Paris », 05/12/2019,
http://www.lesechos.fr/
149 DESMETTRE (S.), « La lutte contre le
réchauffement climatique et compétitivité »,
Regards croisés sur l'économie, n°6, 2009, pp. 207-208
47
Malgré leur relative intégration à la
lutte contre le réchauffement planétaire, le rôle des
financeurs privés est complètement éludé des
précédentes conventions. Face aux faiblesses du financement
public de l'adaptation, les pouvoirs publics n'ont d'autres choix que
d'admettre les contributions des entités privées150.
Le Protocole de Kyoto, malheureusement, s'y oppose. En effet, bien vrai que le
Protocole de Kyoto reconnaisse la participation des entités
privées au mécanisme de développement propre, ils ne les
autorisent seulement pas à financer les programmes d'adaptation des
Parties. Il ne retient que le volet technique de ce concours. Le Protocole de
Montréal et la Convention de Vienne, avant lui, n'ont eux aussi pas
étudié ce pan.
A travers leur offre dédiée de solutions
financières et techniques, les banques multilatérales de
développement jouent un rôle clé dans le soutien à
la résilience climatique151. Leur expérience montre
que le secteur privé peut aussi contribuer au financement de
l'adaptation climatique. L'Accord approuve expressément l'appui
financier du secteur privé152 contrairement à la
Convention de Vienne et au Protocole de Kyoto. Car les financeurs privés
sont ceux-là qui peuvent fournir aux entreprises privées un
financement direct pour les mesures d'adaptation et peuvent appuyer les
interventions gouvernementales par le biais de partenariat153.
S'agissant de la Convention de Vienne, il est utile de
spécifier qu'elle ne souffle pas mot sur l'éventuelle
participation des entreprises privées au financement des
activités et programmes visant à parer au réchauffement
climatique. Celle-ci se borne à n'apporter que les informations sur les
émissions, l'état de la couche d'ozone, les modifications et
leurs impacts sur la santé humaine, l'environnement et le climat. Le
même son de cloche retentit dans le Protocole de Kyoto. Il ne fait
mention que de l'instauration d'un environnement porteur pour le secteur
privé afin de faciliter et de renforcer l'accès aux technologies
écologiquement rationnelles ainsi que leur transfert154.
En d'autres termes, le rôle des acteurs privés dans la lutte
contre le réchauffement climatique est restreint à l'accès
et au transfert des technologies. Certaines entités
spécialisées dans la recherche sont intégrées dans
une certaine mesure dans la lutte contre le réchauffement climatique,
suivant le Protocole de Kyoto. Il s'agit par exemple des laboratoires de
recherches scientifiques. Leur apport est purement technique, ils ne vont
pas
150 SURMINSKI, SWENJA, et al., Flood insurance
schemes and climate adaptation in developing countries, International
Journal of Disaster Risk Reduction, 2013, pp. 154-164
151 KLINGEL (F.), DAVIES (C.), « L'adaptation au
changement climatique, une opportunité pour le secteur privé
», Secteur privé et développement, 12 novembre
2015, p. 1
152 § 55 Décision 1/COP21 décembre 2015 de
l'Accord de Paris
153 CRAWFORD (A.), CHURCH (C.) « Impliquer le secteur
privé dans les processus nationaux de planification de l'adaptation
», Institut International de Développement Durable
(IISD), 2019, p. 7
154 Art. 10 C) Protocole de Kyoto
48
au-delà, ils ne prennent donc pas part au financement
d'activités ou de programmes de lutte contre la hausse des
températures. Pourtant, la mise en oeuvre de certaines actions
d'adaptation décidées par les autorités publiques à
travers la participation financière du secteur privé assortie
d'instruments économiques adéquats155 n'est pas
négligeable pour parvenir à maintenir les températures
sous le seuil acceptable. Dans le Protocole de Kyoto, les Parties sont
exclusivement concernées par le mécanisme financier.
Comme précédemment relevé dans la
décision de l'Accord de Paris, les Parties reconnaissent nettement la
possibilité pour le secteur privé de participer
financièrement à la mise en oeuvre de l'Accord. Leurs apports
peuvent être affectés aux fins des objectifs d'atténuation
et d'adaptation. Les entreprises, qu'ils s'agissent de celles qui se situent
sur le territoire d'un pays développé ou en développement,
peuvent accroître leur financement à l'endroit de l'État en
visant des domaines favorables à la résilience en carbone. On le
sait, les entreprises multinationales disposent de capitaux importants capables
d'arrimer des projets des plus complexes. Elles peuvent ainsi, par le biais de
l'Accord, collaborer volontairement avec les acteurs étatiques en vue
d'améliorer la lutte contre le réchauffement
climatique156. Ce partenariat nouveau que prévoit l'Accord de
Paris varie de l'aménagement des précédentes conventions
et est précieux pour atteindre les objectifs fixés.
On retiendra partiellement que l'Accord de Paris suit une
direction similaire comparée à celle des
précédentes conventions car il se prononce sur la majorité
des grandes thématiques abordées par celles-ci. Cependant,
l'Accord porte un regard neuf sur ces matières et introduit dans le
même temps de nouveaux mécanismes. Il comporte des innovations
importantes et les domaines dans lesquels interviennent celles-ci redynamisent
la lutte globale contre le réchauffement climatique. Du caractère
proportionnel des actions des Etats Parties à la collaboration des
acteurs non étatiques, l'Accord de Paris vient renouveler la posture que
les précédentes conventions avaient adopté. Malgré
tout, la belle peinture que présente l'Accord de Paris comporte des
ombres impressionnantes. Les insuffisances que nous relèverons viennent
grandement contrebalancer ses étonnantes innovations.
155 AGRAWALA (S.), FANKHAUSER (S.), Aspects
économiques de l'adaptation au changement climatique, coûts,
bénéfices et instruments économiques, Paris, juillet
2008, 153 p.
156 FEDLER (L.), Les engagements des entreprises dans la COP
21, 24 février 2019, http://www.UE.delegfrance.org/
49
PARTIE 2 :
LES INSUFFISANCES DE L'ACCORD
La démarche entreprise par l'Accord pour atteindre son
objectif de limitation de la hausse des températures se dessine par
moment hésitante ou boiteuse. Les articles qu'elle contient et qui
constituent son cheval de course témoignent de certaines insuffisances
qui viennent contraster ses innovations. En effet, les obligations d'une
convention environnementale pour qu'elles soient exécutées de
manière efficace doivent être sans équivoque. En outre,
elles doivent suffisamment être claires pour que l'exécution par
les Parties soit davantage facilitée. A ce niveau, l'Accord de Paris
semble avoir manqué de cette précision si vitale à la
réalisation effective de son objectif de réduction des
émissions de gaz à effet de serre. Certaines obligations qu'il
impose aux Parties vont à contre-courant de l'ambition qu'il nourrit.
Aussi, nous détectons un problème de taille. La conférence
qui a donné naissance à l'Accord de Paris a été le
théâtre de plusieurs discussions. Les Parties présentes, et
principalement les pays en développement, nourrissaient le rêve de
voir des matières importantes prendre forme contraignante au sein de
l'Accord. Malheureusement, la lecture du résultat de la COP 21 laisse
comprendre que plusieurs matières essentielles à la lutte contre
le réchauffement climatique et chères aux pays en
développement ont simplement été jetées dans le
néant. En somme, des incompréhensions se soulèvent et des
vides sont découverts dans l'Accord de Paris. Ainsi, l'on se rend compte
que vis-à-vis des conventions précédentes
déjà étudiées, l'Accord sur certaines
matières clés stagne ou même avance à reculons. De
nombreux hiatus ressortent de son cadre multilatéral insuffisamment
précisé (Chapitre 1) et des matières
névralgiques hors du texte (Chapitre 2).
50
CHAPITRE I : UN CADRE MULTILATERAL INSUFFISAMMENT
PRECISE
Au sens du droit international, « tout traité
en vigueur lie les parties et doit être exécuté de bonne
foi »157. L'exécution de bonne foi exige que les
cocontractants usent de leurs prérogatives de manière raisonnable
en s'abstenant de toute mesure contraire aux buts du
traité158. Ainsi, pour que ces obligations puissent
être exécutées de manière efficace il est
nécessaire qu'elles soient clairement précisées. Or,
l'Accord de Paris ne livre pas tous les éléments indispensables
pour l'accomplissement de certaines obligations. Pourtant, celles-ci sont
vitales pour la bonne marche de la lutte contre le réchauffement
climatique. Le système financier établi par l'Accord comporte des
imprécisions d'une importance dangereuse. En somme, l'Accord de Paris
reprend par endroit les écueils des précédentes
conventions et semble même avoir reculé. Cela se ressent dans les
obligations multilatérales mal définies (Section
1) et dans le système financier partiellement
éclairé (Section 2).
Section 1 : Des obligations multilatérales mal
définies
L'Accord de Paris, comme certaines conventions en droit de
l'environnement, impose à ses Parties une panoplie d'obligations
censées faire progresser la lutte contre le réchauffement
climatique. Malheureusement, leur imprécision fait craindre la
progression de la lutte contre l'augmentation des températures. Ces
imprécisions se retrouvent dans la nature des contributions
déterminées au niveau national (Paragraphe 1) et
dans la périodicité défaillante du dépôt de
celles-ci (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'imprécision des contributions
déterminées au niveau national
Les contributions déterminées au niveau national
sont au coeur de l'Accord de Paris et de la matérialisation de ses buts
sur le long terme. Pourtant, celles-ci sont insuffisamment
157 Art. 26, Convention de Vienne sur le droit des
traités
158 ROCHE (C.), L'essentiel du droit international
public, 2019, Gualino, p. 26
51
précisées car les cibles qu'elles doivent
contenir sont incertaines (A) et leur rehaussement avant le
bilan (B) est imprécis.
A- Les cibles incertaines des contributions nationales
Comme nous l'avons relevé plus haut, l'Accord fait
mention des contributions nationales que sont censés établir les
États Parties.
Chaque partie est censée communiquer une
contribution déterminée au niveau national tous les 5
ans159. Elles ont ainsi l'obligation de préparer,
communiquer et de respecter celles-ci et de prendre des mesures à
l'échelle nationale en vue d'atteindre les objectifs qui y sont
fixés160. A ce niveau, on note une difficulté qui
s'attache au contenu des contributions déterminées au niveau
national. Il n'est expliqué nulle part dans l'Accord, le contenu de
telles contributions. La notion de contribution déterminée au
niveau national n'est pas exactement circonscrite par l'Accord. En outre, elle
n'est pas définie et sa qualification juridique reste incertaine. S'il
est vrai que l'établissement des contributions nationales des Parties
constitue une obligation de résultat, l'ensemble des
éléments se trouvant à l'intérieur ne sont
nullement abordés. Aucune disposition de l'Accord ne définit
clairement les éléments obligatoires qui doivent se retrouver
dans les contributions déterminées au niveau national. Nous avons
donc un contenant mais vidé de sa substance. L'Accord dit que les
contributions doivent être prises dans des domaines qui permettront
à la Partie en question d'atteindre ses engagements au sein de la
convention climatique. Quant à savoir quels sont les secteurs exacts sur
lesquels les Etats Parties devront s'appesantir pour prendre et honorer leurs
contributions nationales, on note une hésitation de l'Accord. Or, les
contributions déterminées au niveau national sont
impérieuses pour permettre aux Parties, dans leur globalité,
d'atteindre le but ultime de la Convention. Ainsi, les contributions
déterminées au niveau national, centrales pour atteindre les
objectifs de l'Accord, ne sont pas dans le traité ni en annexe de
celui-ci161. Il préfère laisser la latitude aux
États de choisir le domaine, les activités qu'ils pensent pouvoir
le mieux répondre aux objectifs majeurs qu'il leur indique en son
article 2.
159 Art. 4 § 9 de l'Accord de Paris sur le Climat
160 « Contributions déterminées au niveau
nationale et cycles d'évaluation »,
https://www.climat.be/politique-climatique/internationale/accord-de-paris/contributions-determinees-au-niveau-national-et-cycles-d-evaluation/
161 LAVALLEE (S.), MALJEAN-DUBOIS (S.), « L'Accord de
Paris : fin de la crise du multilatéralisme climatique ou
évolution en clair-obscur ? », Revue juridique de
l'environnement, 2016, p. 10
52
La difficulté est toute grande car le risque majeur est
de voir les Parties porter toute leur attention sur des domaines à
l'emprunte carbone quasi nulle. Le choix d'un secteur important peut être
décliné par les dirigeants au profit d'un autre162.
Cet éventail de possibilités ne garantit aucunement
l'efficacité et l'accomplissement des ambitions de l'Accord. On ne
saurait nier le caractère vital des contributions nationales. C'est
suivant elles que va s'opérer le réajustement des ambitions
prévu lors du bilan mondial. Alors, le fait qu'il n'y ait aucune
précision sur leur contenu se dénote comme un danger.
Quant à la forme du document supposé contenir
les contributions « déterminées au niveau national
» et confirmer leur mise en oeuvre, un autre problème surgit.
Le manque d'entrain de l'Accord pour une description ou pour l'adoption d'une
forme particulière du document est inquiétant. Tout porte
à penser que celle-ci est abandonnée au bon gré des
Parties. Autrement dit, l'Accord n'impose pas aux Parties une forme exacte de
l'instrument censé contenir les contributions déterminées
au niveau national. Tout ce que l'on peut tirer des dispositions de l'Accord de
Paris et de la décision qui le complète, c'est que les Parties
sont astreintes à l'obligation d'établir un instrument qui va
contenir leurs contributions nationales. C'est ce document dont la forme sera
choisie par la Partie, qui devra par la suite être transmis au
secrétariat qui se chargera de l'inscrire au registre public. Cette
autre imprécision de l'Accord est fort intrigante.
Lorsque l'on jette un regard averti sur le Protocole de Kyoto,
il s'avère plus avenant que l'Accord au sujet de la détermination
des contributions nationales. En effet, celui-ci énonce avec
limpidité les domaines dans lesquels les Parties sont obligées de
prendre des mesures. Les programmes qu'elles établissent doivent
impérativement prendre en compte plusieurs secteurs. Ils doivent
concerner les secteurs de l'énergie, des transports et de
l'industrie ainsi que de l'agriculture et la gestion des
déchets163. En somme, les Etats Parties sont astreints
à articuler leurs programmes autour de ces secteurs principalement. Il
faut ajouter à cela que les Parties ont la possibilité de se
pencher sur d'autres domaines dont les réductions de gaz à effet
de serre sont susceptibles de participer grandement à la lutte contre le
dérèglement climatique. Tout compte fait, les Parties au
Protocole de Kyoto doivent tout mettre en oeuvre pour que leurs contributions
touchent immédiatement les domaines énumérés. Comme
on peut le remarquer, les mesures telles que présentées dans les
dispositions du Protocole de Kyoto ne sont en aucune
162 LAVALLEE (S.), « Quelques réflexions sur
l'Accord de Paris et la souveraineté économique des États
», Protection du Climat et souveraineté étatique,
Vertigo, mai 2018
163 Art. 10 § b) al. i), Protocole de Kyoto
53
manière évasives comparées à
celles de l'Accord de Paris. Les secteurs déterminés constituent
des pans majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique. Comme
l'évidence se présente, les dispositions du Protocole de Kyoto
sont plus précises et par cela même ne laissent pas la latitude
aux Parties de trouver une échappatoire comme c'est le cas dans l'Accord
de Paris. Le Protocole met à charge des Parties des obligations
nettement circonscrites comme le requiert la matière climatique.
La teneur et les cibles des contributions sont incertaines
dans l'Accord. Tout ceci tend à prouver que les contributions
déterminées au niveau national ne sont pas dotées d'un
statut juridique précis164.
B- Le rehaussement imprécis des ambitions avant le
bilan
Le dépôt des contributions
déterminées au niveau national est essentiel à la
préparation du bilan mondial. Cela peut se justifier car elles sont
réputées présenter des politiques et mesures climatiques
des pays pour réduire aux mieux leurs émissions de gaz à
effet de serre et s'adapter au changement climatique.
L'Accord ne prémunit pas contre
l'éventualité dans laquelle une Partie pourrait avancer sa
contribution. Au contraire, il adopte une posture aux premiers abords
intéressante. Dans cet élan, une Partie, qu'elle soit
développée ou en développement, peut amener ses
contributions nationales à tout moment165.
Toutefois, après analyse, on s'aperçoit du danger que cette
attitude représente. En effet, déjà engagée sur une
lancée une Partie peut, sur la base de l'Accord, rehausser ses
engagements au titre des contributions. La difficulté est que ce
rehaussement n'est pas clairement déterminé. Or, le bilan mondial
se tient chaque cinq ans et les contributions doivent être amenées
une seule fois au cours de ce laps de temps. Si une Partie peut accroître
ses ambitions à quelques semaines du bilan mondial, pourra-t-elle
véritablement les mettre en oeuvre ? N'y aurait-il pas une discordance
entre l'accroissement de ses engagements et la réalité ? Le fait
qu'aucune limite ne soit expressément donnée par l'Accord jette
dans le plus grand flou. En plus, l'Accord en disant « une Partie peut
modifier »166 laisse entendre que les Parties ont la
possibilité et non l'obligation d'augmenter leurs contributions
déterminées au
164 HELLIO (H.), « Les contributions
déterminées au niveau national, instruments au statut juridique
en devenir », Revue juridique de l'environnement, 2017, pp.
33-48
165 Art. 4 § 11 Accord de Paris
166 Art. 4 § 9 Accord de Paris
54
niveau national avant le bilan. Il y va de leur bon vouloir.
Cette permission de relever leurs contributions déterminées au
niveau national n'est pas strictement encadrée par l'Accord de Paris.
Pourtant, la lutte contre le réchauffement climatique nécessite
des mesures urgentes. Ainsi, le fait que l'Accord n'impose pas aux Parties de
rehausser leurs obligations avant le bilan mondial prévu en son article
14 pose un véritable problème.
Sur un autre palier de l'Accord, on repère des
incohérences. En effet, les Parties après avoir
enregistrées leurs contributions au secrétariat de l'Accord
peuvent en quelque sorte se reposer sur leurs lauriers et attendre patiemment
le bilan quinquennal. Rien ne les engage à enrichir leurs contributions
déterminées au niveau national. L'Accord promeut une
démarche globale des Parties contre le réchauffement climatique.
Ainsi, le fait que l'Accord demande des Parties qu'elles communiquent une seule
fois leurs contributions déterminées au niveau national avant le
bilan mondial est un problème épineux. Ce jeu peut fausser la
comptabilisation des données et les efforts des Parties. Le suivi peut
perdre en efficacité car les informations transmises sur les
contributions nationales courent le risque d'être caduques par rapport
aux difficultés du terrain.
Si l'on jette un oeil furtif aux dispositions du Protocole de
Kyoto, on constate immédiatement que la démarche est
différente voire opposée à celle de l'Accord. Suivant le
Protocole de Kyoto, chacune des Parties visées à l'Annexe I
communique les informations sur les programmes qu'elle a pu établir et
mettre en application. C'est dans ce sens que chacune des Parties fait
figurer dans sa communication nationale les informations nécessaires
pour faire la preuve qu'elle s'acquitte de ses engagements167.
Au nombre de ces communications nationales se comptent les programmes nationaux
pour l'adaptation. Cette communication est requise chaque
année168 des Parties. Il est aisé de
déduire qu'au sein de ces communications l'on doit retrouver les
contributions déterminées au niveau national. Contrairement
à l'Accord de Paris, le Protocole de Kyoto impose un délai
maximum d'une année aux Parties afin que celles-ci puissent remplir
leurs obligations. Cette périodicité plus courte suppose de la
part des Etats Parties des actions promptes et efficaces pour atteindre les
obligations auxquelles ils sont astreints. Les Parties n'ont d'autre option que
de s'activer pour concrétiser leurs projets et en faire part le plus
rapidement possible au secrétariat.
167 Art. 7 § 2 Protocole de Kyoto
168 Art. 7 § 3 Protocole de Kyoto
55
Le manquement de l'Accord de Paris est troublant. Il semble
avoir nettement régressé sur ce point pourtant essentiel à
la réalisation des objectifs qu'il s'est fixé.
Paragraphe 2 : La périodicité
défaillante des contributions nationales
Le bilan quinquennal imposé par l'Accord de Paris
présente quelques tares à cause du dépôt au niveau
des Parties qui est distinct mais sans clarification (A) et du
délai trop large pour le dépôt des contributions nationales
(B).
A- Un dépôt distinct mais sans
clarification
L'Accord de Paris, dans ses dispositions, ordonne à
toutes les Parties de déposer leurs contributions
déterminées au niveau national avant le bilan mondial.
Les contributions déterminées au niveau national
sont censées incarner les efforts déployés par chaque pays
pour réduire ses émissions nationales et s'adapter aux effets
néfastes des changements climatiques169. Cependant, les
Parties en présence ne disposent pas des mêmes capacités.
C'est en ce sens que l'Accord procède à une
différenciation entre les pays développés et les pays en
voie de développement quant à la fourniture au secrétariat
de leurs contributions nationales. Le contraste qu'il peint, suivant ses
lignes, vise à mettre en avant le rôle prépondérant
des pays développés Parties. Ces derniers doivent montrer la voie
aux autres Parties en développement. Dans ce sens donc, leurs
contributions doivent être fournies dans les plus brefs délais.
C'est ce qui ressort de l'Accord lorsqu'il laisse échapper que les
pays développés Parties devraient continuer de montrer la voie en
assumant des objectifs de réduction des
émissions170. Cela étant dit, l'Accord ne donne
pas de date précise pour le dépôt des contributions
nationales des pays développés. Il jette ainsi dans le brouillard
les Parties qui peuvent être portées à faire une
interprétation de la disposition suivant leur bienveillance. Du
côté des pays en développement et des pays insulaires, on
relève que les contributions qu'ils auront entreprises doivent
être soutenues par les pays développés. Malheureusement,
aucune disposition ne les oblige également à déposer, dans
un laps de temps prédéfini, leurs contributions au registre du
secrétariat. Il n'est donc pas impossible qu'une Partie en
169 « L'Accord de Paris et les contributions
déterminées au niveau national », https://www.unfccc.int/
170 Art. 4 § 4 Accord de Paris
56
développement apporte ses contributions
déterminées au niveau national à la dernière
seconde. Cette possibilité peut mettre à mal le système de
transparence et compliquer le bilan mondial. Bien qu'il fasse le départ
entre la situation des pays développés et de ceux qui sont en
développement, l'Accord n'indique pas avec clarté les
délais respectifs de chacun. Ses articles ne font que poser un cadre
général plein de sous-entendus qui comme on le sait, peuvent
susciter de nombreuses interprétations divergentes.
Ainsi, l'Accord de Paris n'oblige pas les Etats Parties, peu
importe leur statut de pays développé ou en voie de
développement, à déposer à une date certaine leurs
contributions déterminées au niveau national. Tout ce qu'il
commande aux Parties c'est de mettre tout en oeuvre pour déposer leurs
contributions avant le bilan mondial. Les dispositions de l'Accord ne
préservent pas contre un dépôt tardif des contributions
déterminées au niveau national. Et même, un
dépôt des contributions trop prématuré n'est pas
exclu par les lignes de l'Accord. L'on est donc en mesure de s'interroger sur
l'actualité des contributions. Car si les Parties peuvent à tout
moment apporter la preuve de leurs contributions nationales, il n'est pas
impossible qu'il y ait un décalage temporel entre lesdites contributions
et l'actualité de la situation sur le terrain. En outre, la
possibilité offerte aux Parties d'apporter, à leur convenance
dans le canevas des cinq années précédant le bilan
mondial, leurs contributions nationales peut ralentir l'avancée dans la
direction de l'atteinte des objectifs de l'Accord. Car rappelons-le, l'Accord
de Paris se présente comme un cadre global qui a entre autres pour
objectif de faire communier tous les Etats à la lutte contre le
réchauffement climatique.
Il est vrai que l'Accord de Paris met en exergue, dans la
majorité de ses dispositions, le principe des responsabilités
communes mais différenciées et des capacités respectives
eu égard aux différentes situations
nationales171. Toutefois, il ne donne pas de lumière sur
le dépôt des contributions qui est réputé suivre la
voie de la différence entre les Etats Parties. On peut trouver cela
dangereux étant donné l'urgence climatique et la qualité
des Parties. Car l'approche différenciée constitue un maillon
fort de l'Accord. Le fait donc que l'Accord indique un dépôt
contrasté sans apporter plus de lucidité sur leur
déroulement suscite le trouble.
171 Art. 2 § 2 Accord de Paris
57
B- Un délai trop large pour le
dépôt
Les contributions déterminées au niveau national
fournies, comme précédemment noté, sont importantes. Elles
servent aussi bien à suivre l'évolution de la courbe climatique
de chaque Etat Partie qu'à informer toutes les Parties.
Chaque Partie à l'Accord les établit
obligatoirement. Ceci constitue une obligation de résultat pour les pays
développés, mais constitue une obligation de moyen du
côté des pays en développement. Le deuxième
élément recherché c'est de faire parvenir des informations
suffisamment claires pour permettre une révision efficace des ambitions.
C'est la raison pour laquelle elles sont consignées dans un registre
public tenu par le secrétariat172. L'Accord repose plus
par nécessité que par naïveté, sur la confiance
mutuelle173. Le cadre de transparence multilatéral implique
la soumission de données portant sur la mise en oeuvre des contributions
nationales à toutes les Parties. Chacune d'entre elle doit pouvoir
accéder aux données rapportées par les autres. Cela ne
peut que, bien évidemment, passer par une information actualisée.
Il est vrai que l'Accord astreint les pays développés Parties
à communiquer tous les deux ans des informations transparentes et
cohérentes sur l'appui fourni aux pays en développement Parties
et mobilisé par des interventions publiques174.
Cependant, la communication des contributions
déterminées au niveau national ne suit pas la même voie.
L'Accord prévoit un cycle quinquennal dans le cadre duquel chaque pays
est tenu de communiquer chaque fois une contribution nationale toujours plus
stricte175. C'est ainsi que chaque Partie communique une
contribution déterminée au niveau national tous les cinq
ans176. Une difficulté notoire ressort de cet article.
En effet, l'écart de temps requis des Etats Parties pour qu'ils
transmettent les indications sur leurs contributions nationales est trop grand.
L'urgence climatique nécessite de rapides prises de décision et
une application échelonnée des méthodes les plus
correctes. En donnant un délai aussi grand à courir aux Parties,
l'Accord met en danger la constance des mesures précieuses à la
lutte contre la hausse des températures. Mais ce n'est pas tout. Les
dispositions de l'article 4 de l'Accord de Paris vont encore plus loin. Elles
avancent que les contributions déterminées au niveau national
des Parties peuvent
172 Art. 4 § 12 de l'Accord de Paris
173 TABAU (A.S.), « Evaluation of the Paris Climate
Agreement According to a Global Standard of Transparency », Climate
Law Review, 2016, p. 24
174 Art. 9 § 7 de l'Accord de Paris
175 « Contributions déterminées au niveau
national »,
https://www.climat.be/politique-climatique/internationale/accord-de-paris/contributions-determinees-au-niveau-national-et-cycles-d-evaluation/
176 Art. 4 § 9 Accord de Paris
58
être requises à toutes les décisions
pertinentes de la Conférence des parties agissant comme réunion
des Parties à l'Accord177.
Malgré tout, lorsqu'on se plonge davantage dans les
lignes de l'Accord de Paris, on ne trouve en aucun endroit le moment
précis auquel vont être prises les décisions pertinentes
propres à l'Accord de Paris. Contre toute attente, cette vision est
opposée à celle précédemment adoptée par le
Protocole de Kyoto. En effet, celui-ci indique avec clarté que c'est
chaque année que les Parties doivent apporter les informations
spécifiques sur la réalisation de leurs engagements.
Section 2 : Un mécanisme de financement
partiellement
éclairé
Le caractère stratégique du mécanisme de
financement est indéniable pour l'accomplissement des ambitions de
l'Accord. Malgré les importantes innovations du système financier
que ce dernier prévoit, certaines zones obscures se profilent. Lorsqu'on
s'immerge un peu plus dans le mécanisme financier de l'Accord, on
découvre qu'il est quelque peu mal éclairé et ce pour
plusieurs raisons. Cette défaillance se repère aussi bien dans
l'absence de conditionnalités du financement (Paragraphe
1) que dans l'imprécision de la teneur du financement
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'absence de conditionnalités du
financement
L'Accord de Paris n'aborde pas avec franchise les
critères qui entourent le financement qu'il prévoit accorder aux
Parties qui en ont besoin. Son analyse révèle l'absence de
conditionnalités du financement qui se repère à deux
niveaux dont celui d'un éventail de bénéficiaires
difficilement saisissable (A), et celui d'une utilisation des
fonds peu circonscrite (B).
A- Un éventail de bénéficiaires
difficilement saisissable
177 Art. 4 § 9 Accord de Paris
59
Le financement constitue une partie capitale dans la
majorité des conventions environnementales. La détermination
exacte de son volume est immanquable pour l'accomplissement des objectifs
fixés. Ainsi, le mécanisme qui l'entoure se doit d'être
précis. Comment bénéficier du financement ? Voici la
question qui se pose lorsqu'il s'agit de mécanisme de financements dont
la finalité est de faciliter la lutte contre le réchauffement
climatique.
À certaines conditions et sous certaines
réserves, l'institution d'instruments économiques peut aussi
être un moyen d'assurer un contrôle, une évaluation et
surtout un suivi178. Cependant, l'Accord ne soumet pas le
financement à de quelconques conditions ce qui n'est pas sans susciter
l'inquiétude. En effet, en partant sur cette base, n'importe quel pays
en développement peut recevoir le financement de façon
répétitive sans qu'un suivi ne lui soit imposé. Une
allocation des financements est considérée comme équitable
si elle distribue les ressources selon une procédure juste en tenant
compte d'une condition donnée ; par opposition, une allocation des
ressources financières visant une stricte logique d'efficience
aboutirait à donner la priorité aux pays dans lesquels les
bénéfices nets attendus des actions sont les plus
grands179. Au vu de ces deux critères, on dira que l'Accord
fonde l'octroi des financements sur l'équité mais une
équité mal définie. L'équité à
laquelle il fait référence n'est pas clarifiée dans son
article 9 qui porte sur le financement. Aussi, il rajoute que c'est à la
lumière de la situation des pays en développement que le
financement sera attribué. Pourtant, l'Accord ne se donne pas pour
mission d'énumérer quelques situations susceptibles de
déclencher le mécanisme de financement.
Il n'y a pas d'indicateur formel qui puisse servir de base
à l'allocation des ressources qui sont dédiées à la
lutte contre le réchauffement climatique, plus précisément
aux fins du renforcement des capacités, de l'adaptation et de
l'atténuation. On ne sait donc pas sur quelle base le mécanisme
financier va s'appuyer pour attribuer les financements aux Parties qui feraient
appel à lui. En l'absence de critères d'attribution du
financement, l'on est en mesure de s'interroger sur l'efficacité dudit
mécanisme établi par l'Accord. En plus de cela, il ne dit pas
expressément qui sera en charge de vérifier la situation des pays
en développement. S'agit-il des experts du mécanisme du
financement ou s'agit-il d'une autorité affectée uniquement
à
178 ROMI (R.), « Les mécanismes juridiques de
contrôle et de suivi des mesures environnementales en droit
comparé », Vers un nouveau droit de l'environnement ? Centre
International de Droit Comparé de l'Environnement, p. 218
179 WEIKMANS (R.), « Dimensions éthiques de
l'allocation du financement international de l'adaptation au changement
climatique », Vertigo, Vol. 16 n°2, septembre 2016, p. 2
60
cette mission ? Aucune réponse n'apparaît dans
l'Accord ce qui laisse entendre que la disposition est lacunaire.
L'Accord de Paris, faut-il le rappeler, est un protocole
additionnel à la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements
climatiques (CCNUCC). Il lui emprunte donc l'essentiel des définitions
de termes clés. C'est en ce sens que son préambule renvoie
à la CCNUCC en la matière : « Reconnaissant aussi les
besoins spécifiques et la situation particulière des pays en
développement Parties, surtout de ceux qui sont particulièrement
vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques,
comme le prévoit la Convention ». Ainsi, l'Accord fait
plusieurs fois référence aux pays en développement qui
sont particulièrement vulnérables aux changements
climatiques180. Ces éléments se retrouvent avec
facilité dans le texte de la CCNUCC, notamment dans son article 4. La
CCNUCC considère comme particulièrement vulnérables les
pays suivants : « a) les petits Etats insulaires , · b) les
pays ayant des zones côtières de faible élévation
, · e) les petits pays ayant des zones sujettes à la
sécheresse et à la désertification , · f) les pays
ayant des zones de forte pollution de l'atmosphère urbaine , ·
h) les pays dont l'économie est fortement tributaire soit des revenus de
la production, de la transformation et de l'exportation de combustibles
fossiles et de produits apparentés à forte intensité
énergétique, soit de la consommation desdits combustibles et
produits , · i) les pays sans littoral et les pays de transit
»181. Comme on peut l'observer, presque tous les pays du
monde rentrent d'une façon ou d'une autre dans cette
catégorisation. La Convention-cadre ne donne pas de définition
opérationnelle de la notion de pays « particulièrement
vulnérables » et l'Accord de Paris reprend à son compte
ce défaut.
Le financement vert tant décrit par les dispositions de
l'Accord semble être mis en péril par le manque de
précision des critères devant être remplis par les
éventuels bénéficiaires.
B- Une utilisation des fonds peu circonscrite
Le cadre financier comme indiqué plus en amont de notre
analyse, se retrouve dans la plupart des conventions qui portent sur la
matière environnementale. L'Accord de Paris n'échappe pas
à cette nécessité. Un parcours soutenu de l'Accord permet
de déceler certains
180 Art. 6 § 6, art. 7 § 7, art. 9 § 4, art. 11
§ 1... Accord de Paris
181 Art. 4 § 8 Convention-cadre des Nations-Unies sur les
changements climatiques
61
problèmes sur l'utilisation des fonds que le
mécanisme de financement doit délivrer aux Parties.
Tout d'abord, l'assistance financière accordée
aux pays en développement n'est pas conditionnée au respect du
cadre de transparence des communications de leurs contributions
nationales182. En outre, un pays en développement Partie
n'honorant pas ses obligations en matière de transmission des
informations pour le cadre de transparence peut, contre toute attente,
bénéficier du financement. Aucune barrière n'est
posée pour l'emmener à suivre une conduite
déterminée afin de se voir alloué un financement
considérable.
Ensuite, l'Accord de Paris n'impose aucune ligne de conduite
aux Parties potentiellement aptes à bénéficier du
financement. Les ressources financières que peut mettre à
disposition des Parties l'Accord de Paris, relèvent d'une perspective
libérale183. Cela signifie que l'aide financière est
attribuée de façon quasi automatique. Elle a pour principal
déclencheur le niveau de besoin de la Partie concernée. Aussi
cela aboutit à une utilisation libre des ressources. Le risque d'une
telle disposition est que la Conférence des Parties agissant comme
réunion des Parties à l'Accord perd du regard les finances
octroyées. Les finalités auxquelles elles peuvent être
employées peuvent ne pas être portées à leur
connaissance et elles n'ont aucun moyen d'exiger la preuve attestant d'une
utilisation aux fins de la lutte contre le réchauffement climatique.
Pour les pays en développement Parties principaux destinataires du
financement, l'Accord demande seulement, pour assurer le bilan global,
qu'ils communiquent des informations sur l'appui qu'ils ont
reçu184. Cette courte ficelle n'est pas solide car
l'Accord n'oblige pas les Parties à détailler l'utilisation des
fonds reçus. Tout ce qu'ils doivent faire c'est de donner à peu
près le montant global des sommes obtenues et en aucune circonstance ce
qui a été utilisé et à quelle finalité.
A ce niveau, et par rapport au Protocole de Kyoto, l'Accord de
Paris accuse une rétrogression. En effet, le Protocole de Kyoto balise
l'utilisation des fonds alloués à l'adaptation. Selon ses mots,
les Parties coopèrent afin de promouvoir des modalités
efficaces pour faciliter et financer l'accès à ces ressources ce
qui passe notamment par l'élaboration de politiques et de
programmes185. Le constat est fait. Le Fonds pour l'adaptation
du Protocole de Kyoto a recours
182 LAVALLEE (S.), MALJEAN-DUBOIS (S.), « L'Accord de Paris
: fin de la crise du multilatéralisme climatique ou évolution en
clair-obscur ? », Revue juridique de l'environnement,
Société Française pour le Droit de l'Environnement
(SFDE), novembre 2016, p. 16
183 WEIKMANS (R.), « Dimensions éthiques de
l'allocation du financement international de l'adaptation au changement
climatique », Vertigo, vol. 16, n°2, p.
184 Art. 13 § 10 Accord de Paris
185 Art. 10 c) Protocole de Kyoto
62
à une allocation sélective de ses ressources
à la différence de l'Accord de Paris. Les pays, en effet, doivent
soumettre des propositions de projets et programmes qui sont ensuite
évaluées par le Conseil d'administration du Fonds. L'utilisation
des ressources est ainsi restreinte à la mise en oeuvre de projets et
programmes strictement définis.
Enfin, une autre difficulté se retrouve au niveau du
respect des droits de l'Homme. Le droit de l'environnement et les droits de
l'Homme ne sont pas antinomiques. Le premier doit impérativement se
réaliser en parfaite symbiose avec le deuxième. Dès lors,
on ne saurait parler de droit de l'environnement s'il y a ignorance voire
absence de respect des droits de l'homme. Lorsqu'on considère l'Accord
de Paris, on s'aperçoit qu'il aborde exhaustivement la sauvegarde des
droits de l'homme dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Selon ses termes, les Parties devraient promouvoir et prendre en
considération leurs obligations respectives concernant les droits de
l'Homme186. Ainsi les Parties, dans l'accomplissement de leurs
objectifs de réduction de gaz à effet de serre, ne doivent pas
évincer les droits de l'Homme. Ils sont essentiels au maintien de l'Etat
de droit et au respect de la dignité des hommes. Mais, l'Accord ne prend
pas les dispositions supplémentaires pour s'assurer que les droits de
l'Homme sont, à tout le moins, respectés par ses Parties. Pour
cause, le paragraphe qui contient la reconnaissance des droits de l'Homme ne se
situe que dans son préambule. Plus loin dans le texte, une
étonnante remarque se fait.
L'Accord qui prétend nécessaire de sauvegarder
les droits de l'Homme ne prend aucune mesure pour s'assurer de
l'effectivité de cette disposition en matière de financement. Il
ne se base pas sur leur respect pour conditionner le financement susceptible
d'être alloué aux Parties. Ce défaut de précision
laisse germer une incohérence. En effet, en ne conditionnant pas le
financement au respect effectif des droits de l'Homme, on peut aisément
croire que toute Partie qui ne les applique pas peut quand-même en
bénéficier. Un Etat en développement pourrait de cette
manière violer les droits de l'Homme sans être
inquiété de perdre le financement. L'agencement des choses ne
rend pas impossible l'utilisation des financements par les Parties aux fins de
résoudre leurs problèmes environnementaux au détriment du
respect des droits fondamentaux des individus.
186 § 11 Préambule de l'Accord de Paris
63
Paragraphe 2 : L'imprécision de la teneur des
financements
L'Accord de Paris sur le climat contient des
imprécisions sur la teneur du financement. Il ne donne pas le quota
dû par chaque pays développé (A) et
accouche une incertitude au niveau de l'équilibre financier entre
adaptation et atténuation (B).
A- L'inexactitude du quota dû par chaque pays
développé
L'Accord adopte une approche différenciée entre
les Parties. Il reconnait que les pays en voie de développement ont
besoin du soutien aussi bien technologique que financier des pays
développés. Ces derniers ont pour ainsi dire un rôle majeur
dans la réalisation des objectifs visés par l'Accord.
Comparés aux pays en développement, ils
possèdent la technologie et les ressources financières massives
pour respecter leurs engagements. C'est en ce sens qu'on peut comprendre que
l'Accord les place en amont du système financier. Leur participation est
indéniable. La Conférence agissant comme réunion des
Parties à l'Accord de Paris fixe un nouvel objectif chiffré
collectif à partir d'un niveau plancher de 100 milliards de dollars par
an, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en
développement187. Seuls les pays
développés se trouvent dans l'obligation de fournir le
financement qui devrait jouer un rôle de catalyseur dans la
réalisation des ambitions de l'Accord. Cependant, l'Accord ne livre pas
tous les indices qui permettront aux pays développés Parties
d'apporter effectivement leur soutien financier aux pays en
développement Parties. Il signale que les sources de financement sont
diverses. Ainsi, le financement peut provenir d'un vaste panier de sources
d'instruments et de filières compte tenu du rôle notable que
jouent les fonds publics et dons. Même ici, leur part n'est pas
précisée188. Ce qui laisse supposer que la
détermination de la hauteur des ressources publiques et des dons revient
à chacune des Parties.
A ce niveau, l'Accord bute contre une problématique
majeure : celle de la diversité des sources de financements. Il est
acquis que le mécanisme financier de l'Accord est principalement
entretenu par les Etats Parties, donc par les fonds publics. Il reconnait
aussi, dans une moindre mesure, la possibilité pour les acteurs
privés de participer au renflouement des caisses. Malgré
187 § 53 Décision de l'Accord de Paris
188 « Climat : COP 21 : ce que contient l'Accord de Paris
», 12 décembre 2015
https://www.novethci.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/cop21-un-projet-d-accord-ambitieux-et-equlibre-143779.html
64
tout, il est plus focalisé sur l'apport des Parties
elles-mêmes. Or, la majorité des Etats traversent à notre
époque des séries inextricables de crises financières. Les
préjudices entraînés par la crise ont eu des
répercussions générales en termes de pertes
financières189. D'un autre côté, on a les dettes
publiques. Les dettes publiques sont sous le coup de multiplication qui
débouchent sur des montants vertigineux. C'est à se demander si
les Parties pourront respecter leurs engagements sur une durée
relativement longue. Le danger probable est de voir les Parties s'essouffler en
chemin à cause des difficultés qu'elles n'arrivent pas à
dépasser. L'Accord manque d'anticipation sur des
évènements dont la réalisation n'est plus à
démontrer. Il n'a pas tenu compte des garde-fous mis en place par le
Protocole de Kyoto. En effet, ce dernier ne manque pas de trouver un palliatif
à l'éventuel essoufflement financier de ses Parties. Il s'agit du
mécanisme de développement propre. Le Protocole de Kyoto
reconnait que celui-ci aide à organiser le financement
d'activités certifiées selon que de besoin190.
Ainsi, les fonds qui servent au financement des activités de lutte
contre la hausse des températures ne proviennent pas uniquement des
ressources des Parties.
Aussi, l'Accord invite les Parties lorsqu'elles mobilisent
des financements à faire en sorte que ceux-ci représentent une
progression par rapport aux efforts antérieurs191. Mais,
comment les Parties pourraient faire progresser leurs financements s'il n'est
pas établi un plancher minimal individuel ? Plus encore, à quelle
hauteur chacune des Parties est censée majorer sa part de financement
dans le Mécanisme de l'Accord ? Ni la première, ni la
deuxième question ne trouvent d'écho favorable dans l'Accord. Il
ne dit pas en chiffres absolus, encore moins le pourcentage, de financement que
chaque pays développé Partie doit apporter. Une autre
interrogation qui taquine est de savoir comment la charge financière se
répartit entre les pays développés ? A cette question,
l'Accord n'apporte malheureusement aucune réponse satisfaisante. Il se
cantonne à dire que les pays développés fournissent
des ressources financières pour venir en aide aux pays en
développement192. Ainsi, la mobilisation des 100
milliards de dollars qui doivent servir de plancher au système financier
de l'Accord dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique
se décrit comme complexe. Si le cadre financier sera majoritairement
assuré par les pays développés Parties, nul indice ne met
à nu,
189 SARRA (J.), « Les leçons de la crise
financière mondiale », La lettre du Collège de France,
novembre 2015, pp. 55-56
190 Art. 12 § 6 Protocole de Kyoto
191 Art. 9 § 3 Accord de Paris
192 Art 9 § 1 Accord de Paris
65
ou n'explicite le montant requis par chacun. La hauteur des
financements sollicité par chaque pays développé est plus
que lettre morte, elle est néant.
B- L'incertitude de l'équilibre financier entre
atténuation et adaptation
L'Accord prévoit que le financement sera principalement
affecté aux mesures d'adaptation. En outre, les fonds qui seront
recueillis de la part des pays développés Parties seront
orientés dans une moindre mesure vers l'atténuation.
Le régime climatique que l'Accord de Paris met en place
cherche à mettre sur un pied d'égalité
l'atténuation et l'adaptation. Malgré tout, la démarche
que suit l'Accord peut être interprétée comme
saccadée. En effet, l'Accord juge que l'adaptation est plus urgente que
l'atténuation. Car les systèmes connus doivent d'abord
s'intégrer à la mouvance de la lutte contre le
réchauffement climatique avant de pouvoir atteindre l'atténuation
effective des effets néfastes de celui-ci. Il ajoute ensuite que le
fonds pour l'adaptation et celui doté pour l'atténuation sont
appelés à s'égaliser. La fourniture de ressources
financières accrues devrait viser à parvenir à un
équilibre entre l'appui à l'atténuation et l'appui
à l'adaptation193. Cet équilibre recherché
peut se comprendre en un sens. Les distorsions entre l'atténuation et
l'adaptation ne sont pas avantageuses dans le combat que souhaitent mener les
Parties. Le texte ne donne cependant pas de date nette à laquelle doit
se produire l'équilibre globale entre les financements de l'adaptation
et ceux affectés à l'atténuation. Rien ne prescrit le
moment auquel devra s'opérer ledit rééquilibrage. Il se
contente d'indiquer qu'il y aura un rééquilibrage des
financements entre atténuation et adaptation sans aucun
chiffre194. Sans indication temporelle exacte, l'Accord jette dans
la plus grande brume les Parties qui sont supposées recevoir le
financement. L'absence d'une telle clarification est dangereuse pour le
mécanisme de financement qui est pourtant fondamental.
Il est vrai que l'Accord de Paris diffère avec les
précédentes conventions citées en ce sens qu'il
s'intéresse de très près à l'atténuation. De
toutes celles vues, il n'y a que le Protocole de Kyoto qui fait vaguement
allusion à l'atténuation aux changements climatiques dans le
cadre du
193 Art. 9 § 4 Accord de Paris
194 « COP 21 : Notre analyse de l'accord »,
France Nature Environnement
https://www.fne.asso.fr//
mécanisme pour un développement
propre195. Malgré tout, sur l'équilibre financier
entre l'adaptation et l'atténuation, l'Accord est inopérant.
Plus intriguant encore, l'Accord semble laisser le soin aux
Parties de parvenir elles-mêmes à l'équilibre entre
l'adaptation et l'atténuation. Si l'on s'attache aux lettres de
l'Accord, on est tenté de dire que les Etats Parties ont un pouvoir
souverain de décider quand ils souhaiteront égaliser les finances
qu'ils perçoivent. Le tableau que l'Accord présente est assez
déroutant car en plus de ne pas donner d'indication exacte sur la
période durant laquelle doit se produire l'égalisation des
financements entre adaptation et atténuation, il abandonne aux Parties
le pouvoir de déterminer elles-mêmes ladite période. Ces
dernières ont en leur main un trop grand privilège qui pourrait
nuire à l'accomplissement des objectifs de l'Accord. Ayant
l'opportunité de juger l'heure propice pour ajuster les finances, il
n'est pas évitable que certaines Parties ne le fassent pas au moment le
plus critique. Elles pourraient ainsi faire trainer le processus sans avoir
besoin de se justifier étant donné que l'Accord leur donne la
capacité de décider quand elles souhaitent équilibrer
leurs finances entre adaptation et atténuation.
66
195 Art. 12 § 5 al. b) Protocole de Kyoto
67
CHAPITRE II : DES MATIERES NEVRALGIQUES HORS DU
TEXTE
L'Accord a une ambition colossale. Néanmoins, les voies
pour atteindre un tel objectif sont mal éclairées. Il
s'avère vague sur certaines notions dont la teneur profonde semble avoir
été travestie. Quelques principes que l'Accord contient,
contrairement à d'autres conventions environnementales
antérieures, sont flous. Les principes propres au droit de
l'environnement qui sont pourtant indispensables à l'accomplissement des
buts de l'Accord manquent de force ou ne sont pas abordés franchement.
Il en est de même pour le contentieux climatique que les Parties ont
longuement discuté et qui finalement n'apparait pas dans le texte de
l'Accord de Paris. Les lacunes qu'on y retrouve sont dangereuses et remettent
en cause la réalité des ambitions de l'Accord. Tous ces manques
se révèlent tant au niveau de la neutralité carbone
citée mais vidée (Section 1) qu'au niveau de
l'oubli d'un système contentieux (Section 2).
Section 1 : Une neutralité carbone citée
mais vidée
La neutralité carbone implique un équilibre
entre les émissions de carbone et l'absorption du carbone de
l'atmosphère par les puits de carbone196. L'Accord de Paris
aborde cette thématique sans pour autant être précis dans
la démarche à suivre pour l'atteindre. L'on constate ainsi que
l'Accord propose un objectif ambitieux sans réel fondement
(Paragraphe 1) et repousse la transition
énergétique (Paragraphe 2) pourtant
indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique.
Paragraphe 1 : Un objectif sans réel
fondement
L'objectif majeur de l'Accord de Paris est de contenir
l'élévation de la température en dessous des niveaux
préindustriels. Cependant, dans ses articles, il manque de
préciser les émissions en cause (A) et de
définir un objectif chiffré (B).
196 « Qu'est-ce que la neutralité carbone et comment
l'atteindre d'ici 2050 ? » http://www.europarl.europa.eu/
68
A- L'absence de précision des émissions en
cause
Les changements climatiques se font de plus en plus
oppressants. L'Accord, dans sa ligne de mire, cherche à promouvoir
la résilience à ces changements et un développement
à faible émission de gaz à effet de
serre197.
La neutralité carbone suppose un comportement
déterminé de la part des Etats et elle passe principalement par
la réduction des gaz à effet de serre. Elle ramène
à l'idée suivant laquelle les Parties doivent tout mettre en
oeuvre pour réduire leurs émissions de gaz à effet de
serre. Il est important de bien comprendre que l'augmentation de l'effet de
serre provient majoritairement de la combustion des combustibles
fossiles198. Naturellement ces gaz sont présents dans
l'atmosphère, mais l'effet de serre additionnel dû aux
activités humaines est responsable du réchauffement climatique.
L'Accord de Paris, malgré tout, ne donne pas un seul indice pour guider
les Parties dans le dessein d'atteindre la neutralité carbone. En outre,
il ne dit rien quant aux émissions que les Parties devront
réduire prioritairement. Il existe plusieurs types de gaz et chacun
possède une nocivité différente des autres. Ainsi,
l'incertitude prend le dessus. Si aucune précision n'est
concédée, il est légitime de penser que tous les gaz
à effet de serre ont vocation à être réduit. Cette
large panoplie de possibilités n'est aucunement rassurante. Car comme le
souligne les scientifiques du GIEC, certains gaz sont plus polluants que
d'autres. Le caractère lacunaire de ses dispositions sur une partie
aussi stratégique ne va pas sans mettre en doute l'ambition de la
neutralité carbone. Sans clarification, il n'est pas évitable que
certaines Parties s'emploient à atrophier seulement les rejets des gaz
dont l'emprunte carbone est relativement faible.
A l'inverse de l'Accord, le Protocole de Montréal ne
garde rien pour lui. Il expose explicitement dans ses annexes199 les
différents gaz et autres substances pour lesquels des réductions
de consommation sont impératives. Le Protocole de Montréal
s'offre comme un mécanisme qui contient le plus grand nombre de
substances néfastes pour la couche d'ozone. Après lui, vient le
Protocole de Kyoto complétant la CCNUCC. Il présente plusieurs
gaz à effet de serre qu'on retrouve dans son annexe A200. En
tout, il se penche sur six (06) gaz à effet de
197 Art. 2 § 1 al. b) Accord de Paris
198 MATHIS (P.), « Energie, gaz à effet de
serre et climat : un enjeu considérable », LES ENERGIES, 2011,
pp. 62-76
199 Annexes A, B, C, E et F sur les substances
règlementées par le Protocole de Montréal
200 « Gaz à effet de serre
69
serre préjudiciables pour la stabilisation des
températures sur la surface de la planète. Le Protocole de Kyoto
se penche sur l'un des gaz les plus dangereux pour l'atmosphère, le
dioxyde de carbone. Cette voie n'est en aucun moment empruntée par
l'Accord de Paris. Non seulement il n'impose pas aux Parties des
réductions de gaz déterminés, mais aussi il ne les incite
à aucune initiative.
En plus de ne pas s'avancer franchement sur les
émissions en cause, l'Accord ne met pas sur la table les secteurs
à fort potentiel de pollution. Ses lignes ne laissent pas entrevoir les
secteurs pour lesquels les Parties devront procéder à quelques
réaménagements pour parvenir à réduire leurs
émissions de gaz à effet de serre. Les secteurs pétrolier
et minier n'apparaissent pas. Et pourtant, leur impact sur la pollution de
l'air, des océans, et donc par truchement sur le réchauffement
climatique est considérable. Aussi, le secteur des transports est
ignoré201. Alors qu'il constitue à lui seul plus de 8%
de la pollution mondiale. Routier, maritime ou aérien, les
déclinaisons du domaine des transports sont nombreuses. Selon plusieurs
études, il est le premier consommateur d'énergies fossiles
après les ménages. Cependant, l'Accord n'en fait guère
mention. Aucun élément ne fait clairement référence
à ces secteurs dans ses articles, alors que leur incidence sur la
montée des températures est un secret de polichinelle. Ce
déficit de l'Accord, le Protocole de Kyoto n'en souffre pas. Il est
prévu dans ce dernier que chacune des Parties adopte des mesures
visant à limiter ou à réduire les émissions de gaz
non réglementées par le Protocole de Montréal dans le
secteur des transports202. Ses dispositions vont encore plus
loin que l'actuel Accord de Paris n'a osé le faire. C'est ainsi que,
suivant le Protocole de Kyoto, les programmes des Parties devraient
concerner les secteurs de l'énergie, des transports et de
l'industrie203.
L'on peut donc se risquer à dire qu'il y a, par rapport
à cette matière, un recul véritable du côté
de l'Accord de Paris.
Dioxyde de carbone (CO2)
Méthane (CH4)
Oxyde nitreux (N2O)
Hydrofluorocarbures (HFC)
Hydrocarbures perfluorés (PFC)
Hexafluorure de soufre (SF6) » Annexe A du Protocole de
Kyoto
201 « COP 21 : Ce que contient l'accord de Paris », 15
décembre 2015, http://www.novethic.fr/
202 Art. 2 § 1 al. a) vii) du Protocole de Kyoto
203 Art. 10 § al. b) i) Protocole de Kyoto
70
B- Le défaut d'objectif chiffré
L'Accord de Paris sur le Climat fixe le plafond de
l'élévation de la température de la planète
nettement en dessous de 2°C par rapport au niveau
préindustriels204.
Cette limite globale des émissions de gaz à
effet de serre est partiellement positive car elle contient plusieurs manques.
Bien qu'elle soit impressionnante, les moyens pour l'atteindre ne semblent pas
avoir été pris en compte dans l'Accord. D'abord, c'est le
défaut de précision des quantités d'émissions que
les Parties ne doivent pas dépasser qui pose un problème. Il ne
contient aucun objectif chiffré de réduction des émissions
de gaz à effet de serre205. Autrement dit, l'Accord ne
spécifie pas de seuils individuels que sont censés respecter les
Etats Parties. Parmi ses dispositions, il n'y a pas une seule qui
témoigne d'une quelconque répartition de l'effort mondial de
réduction d'émissions. Cela ne garantit pas l'atteinte de
l'objectif de limitation du réchauffement. Il s'agit là d'une
distorsion entre un objectif ambitieux de long terme et les moyens qui
pourraient être mis en oeuvre pour l'atteindre206. L'Accord
n'indique pas en chiffres absolus le plafond des tonnes de gaz à effet
de serre que les Parties devront respecter afin de pouvoir maintenir la hausse
des températures en dessous de 2°C. Il se cache dans l'ombre de la
limite globale qui devient, en raison de l'absence davantage
d'élucidation, inatteignable. Ainsi, l'on peut se demander si la
limitation de la hausse des températures est réalisable.
Aussi, suivant l'Accord, les Parties cherchent à
parvenir au plafonnement mondial des émission de gaz à effet de
serre dans les meilleurs délais207. Il est simplement
convenu que celles-ci devront atteindre un pic le plus rapidement possible. On
constate certainement que l'Accord propose de plafonner les émissions
mais sans date et sans moyen208. Il ne donne pas ouvertement de
délai raisonnable pour que les Parties s'activent afin de stabiliser et
réduire leurs émissions. La note qui ponctue
particulièrement les dispositions de l'Accord plonge plus loin dans les
ténèbres quand elle avance que l'équilibre entre les
émissions et les sources
204 Art. 2 § 1 al. a) de l'Accord de Paris
205 VEY (T.), « Accord de Paris : ce que disent les
points-clés », 12 décembre 2015,
https://www.lefigaro.fr/sciences/2015/12/12/01008-20151212ARTFIG00107-cop21-ce-que-disent-les-points-clés-du-texte-final-de-laccord.php/
206 « COP 21 Notre analyse de l'Accord »,
https://www.fne.asso.fr/dossiers/cop-21-notre-analyse-de-laccord/
207 Art. 4 § 1 Accord de Paris
208 MASSEMIN (E.), « Climat : qu'y a-t-il vraiment dans
l'Accord de Paris », 15 décembre 2015,
http://www.reporterre.net/
71
d'absorption doit s'opérer au cours de « la
deuxième moitié du siècle ». Ce point
d'achèvement est, comme on peut le remarquer, opaque. Ici, l'on comprend
que l'Accord fasse allusion à zéro émission carbone
étant donné l'objectif global qu'il énonce plus haut.
Cependant, il se prononce sans en défricher les contours. L'urgence
climatique réclame la mise en oeuvre de mesures rapides et efficaces ce
dont l'Accord de Paris semble se départir. En l'absence de délai
précis et donc impératif pour réduire leurs
émissions, il est envisageable que certaines Parties soient
poussées à ne pas réduire conséquemment les gaz
nocifs qu'elles émettent. Cet état peut ralentir de façon
néfaste la lutte contre le réchauffement climatique. Car on ne
saurait manquer de le dire, sans voile aucun vent n'est favorable.
Par rapport aux dispositions du Protocole de Kyoto, l'Accord
semble avoir reculé. De même que l'Accord de Paris, le Protocole
de Kyoto contient un objectif global. Cela étant dit, il a
emprunté un sentier que l'Accord de Paris adopté en 2015 n'a pas
suivi. En effet, le Protocole de Kyoto pose que les Parties visées
à l'Annexe I font en sorte que leurs émissions de gaz à
effet de serre indiqués à l'annexe A ne dépassent pas les
quantités qui leur sont attribuées. Ainsi, le Protocole de Kyoto
dispatche des quantités spécifiques que les Parties doivent
à tout prix respecter. L'on y retrouve aussi les périodes
d'engagements. Elles constituent des laps de temps durant lesquels les Parties
doivent accomplir leurs engagements chiffrés de réduction
d'émissions de gaz à effet de serre. Le Protocole de Kyoto
demande explicitement aux Parties visées à l'Annexe I de
prendre des mesures en vue de réduire le total de leurs émissions
de ces gaz d'au moins 5% par rapport au niveau de 1990 au cours de la
période d'engagements allant de 2008 à 2012209.
Comme on peut le constater, le Protocole de Kyoto définit des
délais précis que l'Accord de Paris qui lui succède ne
contient pas. Le Protocole de Kyoto, pour donner force à son propos,
contient dans son annexe B, les engagements chiffrés de limitation des
émissions et de réduction des gaz à effet de serre des
différentes Parties. Le Protocole de Kyoto souligne ainsi le niveau
respectif d'émissions attribuées à chacune des Parties.
Une telle démarche témoigne d'une plus grande volonté
d'atteindre le plus rapidement la stabilisation de la température
mondiale. Comparativement au Protocole, l'Accord se montre moins percutant.
Tout comme on l'a précédemment relevé,
l'Accord de Paris a avancé à reculons sur cette partie
essentielle car ne possédant pas d'objectif
chiffré210.
209 Art. 3 § 1 Protocole de Kyoto
210 JOUZEL (J.), « Apports et limites de la COP 21
», Etudes, n°4, 2016, p. 9
72
Paragraphe 2 : La transition énergétique
repoussée
Un puits de carbone est un réservoir qui capte et
stocke le carbone atmosphérique. Il désigne aussi le processus
qui extrait les gaz à effet de serre de l'atmosphère soit en les
détruisant par les procédés chimiques, soit en les
stockant sous une autre forme211. L'incursion que l'on opère
dans l'Accord nous révèle que celui-ci est entièrement
centré sur les forêts et ainsi met en marge certains puits de
carbone (A) et dénote un manque d'intérêt
pour les énergies renouvelables (B).
A- La mise en marge de certains puits de carbone
Les puits de carbone212 sont nombreux. Mais les
plus vitaux sont les sols, les forêts et les océans. Grâce
à leur capacité d'absorption de gaz à effet de serre
élevée, ils s'avèrent indispensables dans le maintien de
la température planétaire.
Malgré tout, nous remarquons que l'Accord ne
s'intéresse qu'à un seul de ces puits de carbone. Il s'agit bien
évidemment des forêts. Un article tout entier leur est
consacré. Il laisse entendre que les Parties sont invitées
à prendre des mesures pour appliquer et étayer les
démarches générales et les mesures d'incitation
positive213 concernant les activités liées aux
forêts. L'article fait savoir aux Parties les mesures à adopter
pour conserver les forêts et les invite à les mettre en pratique.
Les termes de l'article en question confirment une sélection qui ne
s'explique pas. C'est ce qui ressort des termes suivants « les Parties
doivent prendre des mesures pour conserver et renforcer les puits et
réservoirs de gaz à effet de serre comme le prévoit
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention notamment
les forêts »214. Lorsqu'on se rabat sur l'article 4
de la CCNUCC en question, nous constatons que celui-ci cite succinctement au
titre de la conservation et du renforcement des puits et réservoirs de
gaz à effet de serre tels que la biomasse, les forêts et les
océans.
On remarque que l'Accord n'a repris qu'un seul des puits de
gaz déterminés par la CCNUCC. En se concentrant uniquement sur
les forêts, l'Accord opère un déséquilibre dans la
lutte contre
211 « Puits de carbone-définition »,
http://www.actu-environnement.com/
212 « Tout processus, toute activité ou tout
mécanisme, naturel ou artificiel, qui élimine de
l'atmosphère un gaz à effet de serre, un aérosol ou un
précurseur de gaz à effet de serre », Article premier §
8, Convention-cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques
213 Art. 5 § 2 de l'Accord de Paris
214 Art. 5 § 1 Accord de Paris
73
le réchauffement climatique. Il est certain que les
forêts sont en dangers étant donné leur exploitation
massive par de grandes entreprises. Les hectares de celles-ci ont fortement
baissé au cours des siècles et leur destruction a
multiplié les rejets polluants dans l'atmosphère. Malgré
tout, comme spécifié plus haut, elles ne sont pas les seules
à être menacées par le réchauffement climatique.
Pourtant, l'Accord jette dans l'oubli les autres puits et réservoirs de
gaz à effet de serre que l'on sait substantiel pour opérer une
lutte efficace contre l'augmentation des températures. On ne retrouve
une mention faite de l'océan que dans le préambule de
l'Accord215.
Le préambule en parle de façon brève. Et
encore, ils ne sont nommés qu'en tant qu'écosystème
à protéger et non comme puits de carbone. Les forêts sont
ainsi les seuls réservoirs de gaz à effet de serre
expressément visés dans l'Accord. C'est dire combien de fois les
océans sont négligés voire écartés.
Seulement, de nombreuses études montrent que le puits océanique
est le principal puits de carbone car il absorbe entre 2 et 3 milliards de
tonne de carbone216. Le manque d'engagement de l'Accord sur la
situation et le rôle essentiel que présentent les océans
constitue un handicap sérieux. Les forêts, à elles seules,
ne peuvent pas suffire à réduire les gaz à effet de serre.
L'Accord semble malheureusement sur la même longueur d'ondes que le
Protocole de Kyoto qui le précède. Ce dernier ne se focalise
uniquement que sur les forêts. Nul regard n'est adressé aux autres
puits de carbone. L'Accord a repris sans se retenir les défaillances du
Protocole de Kyoto en ce qui concerne l'éventail des puits de carbone
réglementés.
Un autre indice est relevable tant dans le Protocole de Kyoto
que dans l'Accord de Paris. Bien que l'article 5 de l'Accord soit
entièrement dédié aux forêts, ce qui dénote
leur importance dans l'accomplissement des objectifs de l'Accord, ses
dispositions ne sont pas fermement posées. À l'examen de ses deux
paragraphes, on comprend qu'il n'y a pas d'avancée véritable avec
les dispositions du Protocole de Kyoto qui portent sur les forêts. Ce
dernier prévoit entre autres la promotion de méthodes
durables de gestion forestière, de boisement et de
reboisement217. C'est le même son de cloche qui retentit
dans l'Accord de Paris. Son article 5 se contente, comme celui du Protocole de
Kyoto, d'exposer les mesures à prendre pour protéger les
forêts et éviter
215 § 13 du préambule de l'Accord de Paris
216 « Définition-puits de carbone »,
http://www.futura-sciences.com/
217 Art. 2 § 1 al. A) ss al. ii), Protocole de Kyoto
74
leur annihilation. Il se courbe sur le reboisement et la lutte
contre le déboisement. Cependant à une limite près, l'on
note que l'Accord a reculé par rapport au Protocole de Kyoto.
La majorité des déboisements de forêts
sont la conséquence de l'expansion des projets agricoles. Le Protocole
de Kyoto, pour s'assurer que les terres forestières ne soient pas plus
agressées, souligne avec force de propos que chaque Partie en
fonction de sa situation nationale fait la promotion de formes d'agricultures
durables tenant compte des considérations relatives aux changements
climatiques218. Elles sont obligées d'insérer
dans leurs programmes nationaux des mesures concernant ce domaine. Or, une
telle disposition n'apparaît pas dans l'Accord et même dans la
décision qui le précède et qui est censée apporter
un peu de lumière. Le lien entre foresterie et agriculture est pourtant
étroit.
Il est évident que l'Accord porte une attention
particulière aux forêts, cependant, il ne s'avance pas plus en
profondeur. Les apports conséquents souhaités de l'Accord
vis-à-vis du Protocole de Kyoto et de la CCNUCC manquent à
l'appel.
B- Le manque d'entrain pour les énergies
renouvelables
La neutralité carbone va de pair avec la promotion et
l'utilisation des énergies renouvelables. L'Accord, dans son approche
globale, cherche à atteindre la neutralité carbone d'une
façon douteuse.
On cerne certainement avec beaucoup plus de facilités
l'entrain de l'Accord pour les technologies réputées faire
baisser les émissions de gaz à effet de serre. Il ne les
énumère malheureusement pas pour autant. Encore, il se
dévoile réticent en ce qui concerne les énergies
renouvelables. Par énergie renouvelable, on entend toute énergie
qui provient de sources que la nature renouvelle en permanence par opposition
à une énergie non renouvelable dont les stocks
s'épuisent219. Elles participent toutes à la lutte
contre l'effet de serre et les rejets de dioxyde de carbone (CO2)
dans l'atmosphère. On peut les considérer comme le contrepoids
des énergies fossiles. Comme on a pu le voir, les énergies
renouvelables ne font pas parties des cartes maîtresses de l'Accord de
Paris. Il n'y a qu'une précaire allusion aux énergies
218 Art. 2 § 1 al. a) iii) Protocole de Kyoto
219 « Qu'est-ce qu'une énergie renouvelable »,
http://www.EDF.fr/
75
renouvelables dans la décision220 qui le
précède. Cela dénote combien de fois elles sont
négligées voire méprisées. Il existe plusieurs
familles d'énergies renouvelables221 mais l'Accord ne se
passionne pour aucune d'elles. Il n'y a pas d'autre élément qui
ramène expressément à ce type de solution et pourtant leur
recours ne peut être évincé dans la lutte climatique.
Or, on ne saurait parler de neutralité carbone sans
mentionner les énergies renouvelables. Elles sont nombreuses et leur
efficacité a été éprouvée par les
études du GIEC. Alors des questions se soulèvent quant à
savoir la place des énergies renouvelables dans les progrès que
propose de réaliser l'Accord de Paris sur le Climat. Comment atteindre
l'objectif de zéro émission nette si l'Accord ne s'appuie pas
ouvertement sur les énergies renouvelables ? Comment parvenir à
un équilibre entre les émissions par les sources anthropiques et
les absorptions par les puits de gaz à effet de serre au cours de la
deuxième moitié du siècle sans des énergies de
transition ? Sans réponse explicite à ces différentes
questions, on se trouve dans l'impasse. On peut ainsi considérer que
nulle obligation ne pèse sur les Parties quant à intégrer
des énergies renouvelables dans leurs stratégies nationales. La
liberté semble conférer aux Parties de garder ou non leurs
énergies polluantes ce qui risque d'affecter grandement la stabilisation
des températures. La plupart des Etats Parties à l'Accord de
Paris, développés ou en développement, ont bâti
toute leur armature économique sur l'exploitation des énergies
fossiles telles que le charbon, le gaz naturel ou le
pétrole222. Sans barricades, il n'est pas impossible que les
Parties continuent à utiliser les énergies fossiles sans
ménagement.
L'Accord reprend en quelque sorte les carences de la CCNUCC.
Le dispositif de l'Accord ne s'attèle pas, à quelque endroit que
ce soit, à nommer les énergies renouvelables. Il en est de
même lorsqu'on se donne pour mission d'étudier la Convention de
Vienne sur la protection de la couche d'ozone. Celle-ci ne laisse pas
apparaître en quelque article les énergies renouvelables. Mais
encore, tout change radicalement lorsqu'on décide d'interroger le
Protocole de Kyoto. Inversement à toutes les conventions citées,
il approche les énergies renouvelables. Ainsi, oblige-t-il les Parties
à faire de la recherche, promotion, mise en valeur
220 « Considérant la nécessité de
promouvoir l'accès universel à l'énergie durable dans les
pays en développement, en particulier en Afrique, en renforçant
le déploiement d'énergies renouvelables », § 14 de la
décision 1/COP 21, décembre 2015
221 Il s'agit de l'énergie éolienne, la biomasse,
la géothermie, l'énergie solaire et l'énergie hydraulique,
« les 5 familles d'énergies renouvelables »,
L'Observatoire des énergies renouvelables,
http://www.energies-renouvelables.org/energies_renouvelables.asp/
222 « Énergie fossile : définition et
explications », 26 octobre 2018,
http://www.géo.fr/environnement/energie-fossile-definition-et-explications-193609?amp
(28/08/2020)
76
et utilisation des énergies
renouvelables223. Il va plus loin et incite les Parties
à aussi s'intéresser aux technologies de piégeage de
dioxyde224 de carbone et de technologies écologiquement
rationnelles225. Ces éléments d'une innovation majeure
ne sont malheureusement pas repris et encore moins améliorés par
l'Accord de Paris. Malgré le fait que le Protocole de Kyoto ne
détaille pas en profondeur les différentes énergies
renouvelables auxquelles les Parties doivent recourir, l'intérêt
qu'il leur porte est impressionnant. Encore là, l'Accord ne
dépasse pas ses prédécesseurs.
Comme on l'a relevé plus haut, l'Accord de Paris sur le
climat n'aborde pas frontalement la neutralité carbone. Il ne contient
pas les mesures qui sont fondamentales à son accomplissement ce qui
démontre un manque criard et une déficience dangereuse.
Section 2 : L'oubli d'un système contentieux
L'Accord de Paris approuve les dispositions de l'article
14 de la CCNUCC relatif au règlement des
différends226 qui opposent les Parties au sujet de
l'interprétation et l'application dudit accord. En dehors de ce cadre
qui se retrouve dans la majorité des conventions abordées au
cours de notre étude, nous notons que l'Accord manque de plusieurs
outils dans un domaine spécifique. Les différentes COP qui ont
précédé l'adoption de l'Accord de Paris ambitionnaient de
voir s'établir un système contentieux environnemental. Ainsi,
s'il est vrai que la règle du pacta sumt servanda s'applique
aux Parties à l'Accord de Paris, ledit accord n'introduit pas de
système contentieux qui constituait l'un des maillons primordiaux des
discussions entre les Etats Parties. Ses dispositions restent de marbre quant
à l'incrimination des violations (Paragraphe 1) et vont
même jusqu'à mettre le recours juridique hors propos
(Paragraphe 2).
223 Art. 2 § 1 al. A)
ss. al. iv), Protocole de Kyoto
224 « Processus consistant à extraire le dioxyde
de carbone des sources d'émissions industrielles et
énergétiques, à le transporter vers un site de stockage et
à isoler de l'atmosphère pendant une longue période de
temps », Quatrième rapport de synthèse du GIEC,
2007, p 84
225 « Technologies qui protègent l'environnement,
sont moins polluantes, utilisent toutes les ressources plus durablement
recyclent une partie importante de leurs déchets et de leurs produits
», Troisième rapport du GIEC, 2001, p 195
226 Art. 24 Accord de Paris
77
Paragraphe 1 : L'inexistence d'incrimination pour
violation des obligations
L'Accord de Paris demeure lacunaire sur certaines
matières importantes à la lutte contre le réchauffement
climatique. Il demeure ainsi indifférent vis-à-vis d'une
procédure de non-conformité (A) et
témoigne ainsi de l'absence totale de sanction (B).
A- L'indifférence d'une procédure de
non-conformité
L'Accord de Paris comporte un nombre de dispositions dont
l'ampleur stratégique ne peut être minorée.
Les comportements que l'Accord requiert des Parties ont une
teneur mondiale. Leurs actes ont, pour ainsi dire, des répercussions
colossales sur le réchauffement climatique. Cela implique donc que les
Parties doivent s'en tenir aux obligations qui leurs sont reconnues. Le moyen
le plus efficace pour parer aux écarts est, au-delà du
mécanisme de transparence, la prohibition de certaines activités
ou comportements assurée par une procédure spéciale.
Malheureusement, cette conception sonne creux dans le contenu de l'Accord. Il
n'y a pas d'infractions prévues dans l'Accord. Tout d'abord, il n'est
nulle part cité les interdictions. En outre, l'Accord ne prohibe pas
certains faits des Parties qui seraient en porte-à-faux avec les
objectifs recherchés. C'est par exemple le cas des contributions
déterminées au niveau national. De nombreuses interrogations se
soulèvent. Qu'adviendra-t-il des situations où les contributions
individuelles ne seraient pas renouvelées, des contributions qui
évolueraient à rebours de l'ambition envisagée ou des
contributions qui n'auraient aucun effet sur les pratiques internes
?227. La lecture de l'Accord de Paris n'apporte pas de
réponse à ces différentes questions. Aussi, on constate
qu'il n'y a pas une restriction précise des activités qui
favoriseraient la montée des températures. En définitive,
l'Accord ne dispose pas d'une procédure de non-conformité. C'est
dire qu'il ne possède pas de procédure administrative pour
encadrer les comportements désobligeants que pourraient avoir les
Parties quant à son respect. L'on peut y percevoir la volonté des
Parties de fonder l'Accord plus sur la solidarité que
l'efficacité.
Plus en amont de l'Accord de Paris, nous nous appesantissons
sur le Protocole de Montréal adopté en 1987 relatif aux
substances qui appauvrissent la couche d'ozone. Il faut le rappeler,
227 MISONNE (D.), L'ambition de l'Accord de Paris sur le
changement climatique, CEDRE, 09 octobre 2018, p. 20
78
il constitue le premier cadre dans lequel la procédure
de non-conformité a été expérimentée. Il y
est explicité qu'à leur première réunion, les
Parties examinent et approuvent des procédures et des mécanismes
institutionnels pour déterminer le non-respect des dispositions du
Protocole et les mesures à prendre à l'égard des Parties
contrevenantes228. C'est chose faite en 1990 par une
décision de la 2ème réunion des Parties. La
procédure sera améliorée par la dixième
réunion des Parties au Protocole de Montréal. Elle peut
être ouverte dans plusieurs hypothèses. Ainsi, chaque fois qu'un
ou plusieurs Etats ont des réserves quant à l'accomplissement par
une des Parties de ses obligations, ils peuvent transmettre celles-ci par
écrit. Le secrétariat informera la Partie concernée des
réserves et cette dernière devra lui apporter des explications.
Les informations recueillies sont ensuite transmises à un organe
politique qui va tenter de résoudre la situation à l'amiable. En
cas d'échec, c'est la Réunion des Parties qui s'enquiert de
l'affaire. Aussi, si au cours de l'établissement de son rapport, le
secrétariat constate qu'une Partie quelconque n'a peut-être pas
respecté les obligations que lui impose le Protocole, il peut demander
à ladite Partie de fournir des éclaircissements
nécessaires à ce sujet229. Comme il ressort de cette
disposition, la procédure de non-conformité peut être
déclenchée chaque fois qu'une Partie manque d'honorer un de ses
engagements.
De l'absence de la communication des données
générales à celle qui touchent l'année de
référence en passant par les ajustements des mesures de
réglementation, tous les devoirs qui reviennent aux Parties peuvent
déclencher le mécanisme de non-conformité dans le cadre du
Protocole de Montréal. On se demande dès lors pourquoi l'Accord
de Paris qui est plus récent ne tient pas compte d'un tel
mécanisme. Il n'y a pas de limitation clairement faite. L'Accord se
borne à dire aux États ce qu'il faut faire. Quant à savoir
ce qui leur arrivera en cas de manquement, pas une seule élucidation
n'est apportée.
B- L'absence totale de sanction
La sanction est une mesure de réaction à la
violation d'une obligation230. Par cela même, elle participe
au respect de ladite obligation.
228 Art. 8 Protocole de Montréal sur les substances qui
appauvrissent la couche d'ozone, 1987
229 Procédure de non-respect, Manuel du Protocole de
Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche
d'ozone, 7ème éd. 2006, p. 447
230 DEBART (T.), GUINCHARD (S.), Lexique des termes
juridiques, Dalloz, 25ème éd., 2017-2018
79
Mais comme nous l'avons précédemment
relevé, l'Accord, dans ses nombreux articles, n'arbore pas de
procédure de non-conformité et de ce fait ne procède pas
à l'administration d'une quelconque sanction. L'Accord n'énonce
pas de punition susceptible de frapper les comportements belliqueux que
pourraient avoir certaines Parties. En somme, il ne dispose pas d'un
mécanisme de sanction en cas de non-respect des engagements
avancés par les Etats231. Ainsi, on peut dire avec le pouls
tremblant que tout est permis. À première vue, nulle chose
n'oblige les États à se conformer aux dispositions de l'Accord
sinon la pression publique. Bien vrai que l'Accord constitue un traité
au sens du droit international et que ses Parties ont le devoir d'en assumer
les obligations, les règles contenues dans l'Accord sont à
catégoriser dans le droit mou. L'Accord institue un mécanisme
pour faciliter la mise en oeuvre et promouvoir le respect. Cependant, comme
précédemment relevé, le comité d'experts en
charge de ce mécanisme est axé sur la facilitation et fonctionne
d'une manière transparente, non accusatoire et non
punitive232. Sur cette base, on comprend mieux le fait que
l'Accord ne fasse pas peser de sanction sur ceux qui pourraient enfreindre les
règles. Aucune contrainte de n'importe quel genre ne pèse sur les
États233. Aucune sanction ne serait-ce que disciplinaire
n'est ouvertement spécifiée. Un autre danger est de voir les
Parties enfreindre ouvertement les obligations qui s'imposent à elles.
Ce fait peut avoir pour conséquence une étourderie
générale et conduire les Parties à ne pas honorer leurs
engagements.
Les contrevenants aux dispositions de l'Accord n'ont pas
à se préoccuper car il n'y a pas de garde-fou pour les ramener
à la raison. L'absence de sanction ne serait-ce que dissuasive vient
fragiliser l'armature jugée pourtant solide de l'Accord. Tout cela peut
vraisemblablement contribuer à l'amenuisement de son impact dans la
lutte contre le réchauffement climatique et dans le même temps
provoquer son effondrement.
Le Protocole de Kyoto qui précède toutefois
l'Accord de Paris semble plus abouti. Des sanctions spécifiques sont
dessinées au cours de la Conférence de Bonn en juillet 2001. Lors
de cette conférence, il a été précisé que
les conséquences du non-respect à appliquer par le groupe de
l'exécution ont pour but de remédier au non-respect pour assurer
l'intégrité de l'environnement, et tendent à inciter au
respect234. C'est en ce sens qu'une Partie qui ne
231 « Quelles conséquences de la sortie de l'Accord
de Paris pour les États-Unis », 25 juillet 2017
http://www.geostrategia.fr/quelles-consequences-de-la-sortie-de-l-accord-de-paris-pour-les-Etats-Unis/
232 Art. 15 § 2 Accord de Paris
233 GARRIC (A.), L'accord de Paris est-il vraiment
juridiquement contraignant ? 04 décembre 2015,
http://www.lemonde.fr/
234 VIII § 2, Conférence de Bonn, Juillet
2001, p. 50
80
respecte pas les dispositions du Protocole peut se voir
retirer le droit de procéder à des cessions. En principe, les
Parties visées à l'annexe B peuvent participer à des
échanges de droits d'émissions aux fins de remplir leurs
engagements235 qui sont contenus dans l'article 3 dudit
Protocole. Mais, en cas de non-respect des engagements qui sont contenus dans
l'article 3 ou de toute autre disposition du Protocole, les Parties en question
se voient retirer le droit de procéder à des échanges de
droits d'émission236. Cette sanction visiblement lourde est
l'une des nombreuses mesures que le Protocole de Kyoto prévoit
déclencher en cas de non-respect. Cette armature est faite de
paramètres essentiels qui obligent les Parties à respecter leurs
engagements tels que précisés par le Protocole de Kyoto.
Si l'on se penche sur le Protocole de Montréal, on
constate que lui aussi dispose de sanctions pouvant frapper tous ceux qui
manqueraient à leurs obligations conventionnelles. Il est utile
d'ajouter que les sanctions prévues sont purement administratives. Elles
sont administrées par un Comité d'application constitué de
10 Parties élues pour deux ans par la Réunion des Parties en
application du principe d'une répartition géographique
équitable237. Les lignes indiquées parlent
d'elles-mêmes. Le Protocole de Montréal met en avant la
nécessité de faire intervenir tous les pôles de puissance
dans l'administration des sanctions pour manquement. Cette mesure donne plus de
crédibilité aux décisions rendues et renforcer davantage
la cohésion au sein des Parties. L'Accord de Paris indique seulement que
le comité exerce ses activités selon les modalités et
procédures arrêtées par la Conférence des Parties
agissant comme réunion des Parties238.
Encore, il faut dire que la seule existence des sanctions
suffit elle seule à dissuader les Parties de faillir à leurs
obligations. L'autorité en charge d'assurer l'administration de sanction
au sein du Protocole de Montréal a le pouvoir de formuler des mises en
garde, suspension de droits et de privilèges spécifiques
découlant du Protocole pour une durée limitée ou
illimitée239 à l'endroit des contrevenants. Cette
procédure de non-conformité combine incitation, assistance et
sanction. Elle permet ainsi de répondre à un acte illicite,
à un manquement aux impératifs conventionnels. L'Accord de Paris
ne possède pas un tel système punitif. La construction de
235 Art. 17 Protocole de Kyoto
236 « Approche axée sur le marché pour
atteindre des objectifs environnementaux et permettant aux pays qui
réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre
au-dessous des niveaux requis d'utiliser ou d'échanger les
réductions excédentaires en compensation d'émission d'une
autre source à l'intérieur ou à l'extérieur du pays
», Troisième rapport de synthèse du GIEC, 2001, p.
179
237 Section 3.5 § 5, Manuel du Protocole de
Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche
d'ozone, 7ième éd. 2006, p. 448
238 Art. 15 § 3 Accord de Paris
239 Annexe V, Rapport de la quatrième Réunion
des Parties au Protocole de Montréal
81
ses dispositions laisse comprendre que le mécanisme de
facilitation tel que présenter ne pèse pas réellement sur
l'accomplissement des objectifs de l'Accord. Il rechigne à sanctionner
les Parties, à les dissuader de s'extirper de leurs engagements. Or,
comme l'a souligné le professeur Maurice KAMTO, un accord dont la
violation n'est susceptible d'entraîner aucune responsabilité est
dépourvue de toute portée pratique240.
Paragraphe 2 : Le recours juridique mis hors propos
L'Accord de Paris interdit le recours juridique à ses
Parties lorsque celui-ci a pour fondement son article 8 (A) et
par cette même occasion il rechigne l'application du principe du
pollueur-payeur (B).
A- Le déni de la responsabilité
fondée sur l'article 8 de l'Accord
La responsabilité environnementale est une occasion de
mettre en cause un Etat. Traditionnellement, ce dernier peut en effet
être condamné pour faits de pollutions ou d'atteintes à
l'environnement qui lui sont directement imputables241. Il suppose
ainsi qu'à chaque moment qu'un Etat provoquera du fait de ses
activités des dommages à l'environnement d'un autre Etat, il sera
indexé et condamné pour cette raison.
L'Accord de Paris s'engage sur ces sentiers mais pas de la
façon dont on l'espérait. En effet, il laisse hors de lui les
longues séries de discussions qui portaient jadis sur un système
contentieux environnemental. Il a préféré intégrer
à son dispositif un système ingénieux mais insuffisant
pour répondre aux attentes des Parties en développement. Il
s'agit du Mécanisme international de Varsovie sur les pertes et
préjudices liés aux incidences climatiques242
prévu antérieurement par la Conférence de Varsovie en
2013. Celui-ci est placé sous l'autorité de la Conférence
des Parties à la CCNUCC agissant comme réunion des Parties
à l'Accord de Paris. Il est principalement axé sur les dommages
dus aux changements climatiques. Ainsi, il vise à améliorer la
compréhension, l'action et l'appui nécessaire pour parer aux
effets néfastes des changements climatiques. Selon ce texte, le
préjudice serait réparable contrairement aux pertes
240 KAMTO (M.), Droit international de la gouvernance,
Paris, Pedone, 2013, pp. 74-75
241 FONBAUSTIER (L.), « L'Etat et la
responsabilité environnementale », Le droit et
l'environnement, Dalloz, 2010, p. 131
242 Art. 8 § 2 de Accord de Paris
82
qui seraient irréparables243. Les pertes
résulteraient d'impacts permanents, irrémédiables alors
que les préjudices seraient réversibles244. Comme on
le constate, l'obligation environnementale majeure qui réside dans le
mécanisme de Varsovie est une obligation d'anticipation et de
prévention dont le contenu exact peut varier d'une activité
à l'autre ou selon les moyens et progrès
techniques245. Le mécanisme de Varsovie laisse en dehors de
lui les considérations portant sur la réparation des dommages
environnementaux.
Plus loin, lorsqu'on passe en révision tous les
paragraphes de la décision qui précède l'Accord, on
constate un élément perturbant. Rajoutons que la Décision
et l'Accord lui-même sont à interpréter l'un par rapport
à l'autre. C'est dire combien de fois les deux instruments sont
liés. En effet, la Décision ponctue d'une manière
particulièrement vorace l'interdiction d'utiliser les dispositions de
l'Accord, plus précisément de l'article 8, pour donner lieu
à la responsabilité environnementale d'une quelconque Partie.
Suivant les termes de la décision de l'Accord de Paris, il est convenu
que l'article 8 de l'Accord ne peut donner lieu ni servir de fondement
à aucune responsabilité ni indemnisation246. En
outre, le mécanisme de Varsovie relatif aux pertes et préjudices
ne peut fonder le droit pour une Partie de réclamer réparation
pour les dommages.
En outre, les pays pauvres sont privés de recours
juridique247 pour les effets néfastes du réchauffement
qu'ils subissent sans pour autant en être les principaux responsables.
Les pollueurs historiques dont les activités sont à la base de la
hausse fulgurante des températures ces dernières décennies
ne sont pas inquiétés car les barrières qui ont
été posées par l'Accord les protègent de leurs
responsabilités. L'on note une fissure entre l'ambition de l'Accord de
faire participer tous les pays à la lutte contre le réchauffement
climatique et celui de l'application effective de la justice climatique. On
note sur cette position, une certaine stagnation de l'Accord. Il est acquis
qu'un dommage ne fonde un droit à réparation que s'il a une
existence certaine et s'il est ressenti par une victime. Dans l'Accord, le
refus de donner lieu à des poursuites sur la base de l'article 8, vient
se poser en muraille insurmontable. Toute Partie qui pourrait souffrir des
dommages environnementaux sur son territoire ne pourra pas se baser sur
l'Accord pour poursuivre au niveau international les pollueurs historiques.
Identiquement,
243 MALJEAN-DUBOIS (S.), « Le mécanisme de
Varsovie relatif aux pertes et préjudices lés aux changements
climatiques », p. 125
244 HUQ (S.), ROBERTS (E.), et al., « Loss and Damage
», n°3, vol. 11, Nature Climate Change, 2013, p. 948
245 DOUMBE-BILLE (S.), MIGAZZI (C.), et al., Droit
international de l'environnement, Larcier, 2013, p. 172
246 § 52 Décision 1/CP 21 de l'Accord de Paris
247 MASSEMIN (E.), « Climat : qu'y a-t-il vraiment dans
l'accord de Paris ? », 14 décembre 2015
https://reporterre.net/Climatqu-y-a-t-il-vraiment-dans-laccord-de-Paris/
83
le Protocole de Kyoto et la Convention de Vienne sur la
protection de la couche d'ozone ne disposent pas de mécanisme de mise en
cause de la responsabilité environnementale internationale de leurs
Parties. Les avancées, dans cette matière, que l'on
espérait de l'Accord de Paris ne sont visiblement pas au rendez-vous.
Les termes de la Décision de l'Accord constituent une reprise des
défaillances des conventions antérieures mais aussi un mur pour
les Etats Parties susceptibles d'être impactés par les
activités d'un autre Etat Partie. Toutes les négociations sur un
contentieux international environnemental semblent avoir avorté.
En refusant de donner droit à une Partie de soulever la
responsabilité d'une autre sur la base de son article 8, l'Accord
rechigne l'application du principe du pollueur-payeur.
B- Le refus de l'application du principe de
pollueur-payeur
Le principe du pollueur-payeur s'entend comme la compensation
des dommages causés par les pollueurs eux-mêmes. Il vise à
réduire l'impact de l'activité humaine sur l'environnement en
favorisant les activités non polluantes. Ainsi, les pollueurs vont
prendre en charge les dépenses relatives aux effets de leur
pollution248.
En principe, la responsabilité environnementale est un
principe qui fait que celui qui provoque une atteinte à l'environnement
doit être amené à réparer les dommages qu'il a
causés. Malheureusement, l'Accord, en interdisant de donner suite
à la responsabilité d'un Etat Partie pollueur, met à mal
la réalisation de ce principe. L'Accord ne reconnait pas que les pertes
et préjudices pourraient se traduire par une compensation de la part des
pays historiquement responsables des changements climatiques249.
Cela quand bien même la Partie atteinte aurait toutes les composantes qui
prouvent que les catastrophes climatiques qu'elle a subies ont provoqué
de graves dommages sur son territoire. Le défaut de réparation
s'annonce comme une conséquence du refus de la responsabilité
basée sur l'article 8 de l'Accord. Encore, c'est une autre
conséquence de l'absence de l'établissement d'un contentieux
international climatique. Son établissement aurait pu transcrire au
niveau international ce principe. En s'abstenant de mettre en pratique ce
principe, l'Accord laisse à l'abandon les victimes de potentielles
248 « Le principe du pollueur-payeur », 04 avril 2014,
http://www.novethic.fr/
249 « COP 21 : Notre analyse de l'accord »,
France Nature Environnement,
https://www.fne.asso.fr/dossiers/cop-21/notre-analyse-de-laccord/
84
pollutions. Le principe du pollueur-payeur est explicite, il
vise à faire payer celui qui pollue250. En effet,
privées de la mise en oeuvre du principe au niveau international, les
États touchés sont obligés de supporter la charge de la
pollution. Bien que le mécanisme de Varsovie prévoie la mise en
place de système d'alerte précoce, la préparation aux
situations d'urgences251, il ne peut pas servir de base à une
demande de réparation comme l'interdit la Décision de l'Accord.
Il constitue à l'analyse un appui plus technique que financier aux pays
du Sud, en particulier aux pays les plus vulnérables, pour faire face
aux changements climatiques. Autrement dit, le mécanisme international
de Varsovie n'est pas un mécanisme international de compensation des
dommages climatiques basé sur le principe du
pollueur-payeur252. Son rôle est relativement limité
à l'information, la coordination et l'échange de bonnes pratiques
entre les États Parties. On oserait, avec toute la prudence possible,
qualifier ce fait comme constituant une incohérence.
Pourtant, l'Accord de Paris ne propose aucun mécanisme
de compensation qu'elle soit sous forme économique, financière ou
en nature.
D'un autre côté, nous avons aussi la violation
d'un principe essentiel en droit de l'environnement. La Déclaration de
Rio reconnaît que c'est le pollueur qui doit, en principe, assumer le
coût de la pollution, dans le souci de l'intérêt public et
sans fausser le jeu du commerce international et de
l'investissement253. Il est vrai que la déclaration n'est pas
juridiquement contraignante254. Toutefois, il est vraisemblable que,
comme dans le cas des déclarations des Nations-Unies sur les droits de
l'homme, les gouvernements se sentent obliger d'y adhérer. En refusant
d'admettre une indemnisation directe des victimes par les coupables des
dommages, l'Accord s'inscrit en porte-à-faux du principe 16 de la
Déclaration de Rio. Et pourtant, celui-ci constitue l'un des piliers
essentiels du droit de l'environnement. Ce principe devait trouver sa
consolidation dans la construction d'un contentieux international climatique,
mais il n'en est rien. Les pollueurs historiques qui devaient en principe payer
pour les conséquences de la forte industrialisation qu'ils avaient
entamé par le passé, se trouvent délivrer de tout poids.
On peut affirmer sans sourciller que l'Accord témoigne d'un total
évitement des mesures réparatrices. La mise en application de ce
principe peut englober des
250 DOUMBE-BILLE (S.), MIGAZZI (C.), et al., Droit
international de l'environnement, Larcier, p. 69
251 Art. 8 § 4 Accord de Paris
252 MALJEAN-DUBOIS (S.), « Le mécanisme de
Varsovie relatif aux pertes et préjudices liés aux changements
climatiques », p. 128
253 Principe 16, Déclaration de Rio sur l'environnement et
le développement, juin 1992
254 Déclaration de Rio, http://www.un.org/
85
mesures réparatrices, telle la remise en état
des lieux, une action civile en réparation des dommages255.
Cependant, l'Accord ne permet pas une telle approche. Il condamne ainsi les
pays en voie de développement à subir les répercussions
d'une pollution à laquelle ils étaient totalement
étrangers.
On constate ici que la neutralité carbone chérie
par l'Accord est vidée de sa substance. Aussi, l'absence d'un
contentieux international climatique fait douter des mises à jour que
les Parties en développement espéraient voir se
matérialiser à l'issue de la COP 21. Tout ceci vient tirer en
arrière l'enjambée grandiose que semblait entamer l'Accord.
255 LITTMANN-MARTIN (M-J.), LAMBRECHTS (C.), « La
spécificité du dommage écologique », Le dommage
écologique en droit interne, communautaire et comparé, Economica,
Paris, 1991, p. 50
86
CONCLUSION
Sous le sceau de l'Accord de Paris, le régime
climatique, naguère clivé et bipolaire, tend à devenir
universel et solidaire, tout en recentrant la gouvernance du climat sur le
développement durable256. L'Accord de Paris dans son
ensemble, porte en lui les germes d'une nouvelle dynamique en matière de
réglementation internationale environnementale. En introduisant dans
l'enjeu climatique les acteurs non étatiques, il vient transformer la
vision des précédentes conventions qui touchent subtilement au
problème du climat. Les obligations différenciées des
États Parties ne laissent aucune place aux clivages car le
réchauffement climatique est l'affaire de tous. L'approche de l'Accord
permet de relancer la confiance mutuelle entre les Parties. Une confiance qui
avait été effritée par les précédentes
conventions.
Mais à ce magnifique tableau, il y a bien de nombreuses
ombres. Certaines dispositions de l'Accord se sont, tout au long de
l'étude, avérées insuffisantes. Elles ont ainsi
reculé sur certaines matières importantes par rapport aux
conventions climatiques antérieures. L'Accord ne donne pas ainsi de
précision sur les gaz qui devront faire l'objet de restriction. Or, il
n'y a qu'en réduisant les quantités de ceux-ci que l'on
parviendra à atteindre l'objectif fixé qui est de contenir
l'élévation de la température moyenne de la
planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux
préindustriels257. Cet état des choses peut
favoriser l'amenuisement des mesures prises par les Parties dans la mise en
oeuvre de l'Accord. En l'absence d'indication expresse des secteurs dont les
émissions sont prioritaires, les Parties peuvent être
tentées de situer leurs efforts dans des domaines aux émissions
moindres. Cela ne permettra pas de progresser dans la baisse des
émissions de gaz à effet de serre. On pourrait, au niveau
planétaire, être confronté à la manoeuvre du
surplace. Les températures, elles, continuent de grimper et
l'atmosphère se dégrade. C'est dire combien de fois le
défi se complexifierait au fur et à mesure que les années
passeraient. Car les actions des Parties ne seraient jamais suffisantes et ne
feraient que retarder l'inévitable. La transition
énergétique doit ainsi être rapide mais progressive et
contrôlée de sorte à ne pas fragiliser l'économie
mondiale258.
Il est donc indispensable que l'Accord fixe des objectifs
chiffrés à chacune de ses Parties. De cette manière,
chaque Partie, étant investie d'une mission individuelle, sera plus
encline à
256 MEKOUAR (M.A.), « La gouvernance mondiale du climat
entre New York, Paris et Marrakech : engagements, atteintes et défis
», Revue Africaine de droit de l'environnement (RADE), n°03,
2018, p. 81
257 Art. 2 § 1 al. a) Accord de Paris
258 PAUTHIER (A.), « Finance et climat, quels enjeux ?
», OGEOD, mars 2016, p. 9
87
l'accomplir. Et ces objectifs chiffrés de
réduction de gaz à effet de serre devront suivre
l'équité et le principe des responsabilités communes mais
différenciées des Parties259. En outre, cette
répartition de l'effort global devra être faite en fonction des
capacités de chacune des Parties. La dynamique générale ne
sera que plus positive. Aussi, l'utilisation des énergies renouvelables,
si impérieuse à l'atteinte de la neutralité carbone, doit
être clairement posée dans l'Accord.
La question longtemps discutée du mécanisme de
responsabilité internationale environnementale a été
écartée du texte de l'Accord. Ce manque ne fait que repousser
davantage la solidification du régime environnemental mondial. Aussi, il
manque à l'Accord les dispositions suffisantes pour faciliter son suivi.
Bien que le mécanisme de transparence fasse office d'épée
de Damoclès, les États Parties ne sont pas sans ignorer que le
tranchant de cette lame est émoussé. En outre, la pression
politique ne suffit pas à elle seule à engager franchement les
Parties dans la mise en oeuvre des dispositions de l'Accord. L'Accord de Paris
se caractérise par une intensité normative variable de nature
« dure-molle », pourrait-on dire. Combinant obligations
juridiques et prescriptions directives, il apparaît ainsi «
inégalement contraignant »260. En effet, le
non-respect des objectifs devrait être sanctionné. Il est
essentiel qu'un mécanisme de sanction soit mis en place avec des moyens
pour les faire appliquer261. Cette mesure essentielle sera
éprouvée dans la durée pour donner plus de force aux
lignes de l'Accord et impacter positivement la lutte contre le
réchauffement climatique.
Toutes ces réformes sont possibles. Mais pour l'heure
nous considérons que l'Accord a une portée limitée car ses
insuffisances viennent anéantir la qualité de ses innovations.
Nous osons espérer que, durant les COP suivantes, l'Accord de Paris
fasse l'objet d'améliorations conséquentes pour ne pas verser
dans l'oubli comme son principal précédent, le Protocole de
Kyoto. Il appartient à la Conférence des Parties agissant comme
réunion des Parties à l'Accord de décider d'apporter ces
améliorations.
En décembre 2020, les Parties ont
commémoré le 5ième anniversaire de l'Accord de
Paris. Elles ont fait un bilan partiel qui laisse comprendre que les mesures
existantes préparées il y a plus de cinq ans ne sont pas
suffisamment ambitieuses pour placer sur la voie de l'objectif bien en
259 Art. 2 § 2, Accord de Paris.
260 LEMOINE-SCHONNE (M.), « La
flexibilité de l'Accord de Paris sur les changements climatiques »,
Revue juridique de l'environnement, n°1, 2016, p. 55
261 PIEDERRIERE (M.), Lutte contre le changement climatique : la
stratégie du droit, 30 août 2017
88
dessous de 2°C262. Nous guettons le premier
bilan de l'Accord qui aura probablement lieu en 2023 et les suivants afin
d'apprécier avec plus de fermeté l'effectivité et
l'efficacité de l'Accord de Paris.
262 COLOMBIER (M.), TREYER (S.), « L'Accord de paris
sur le climat fête son cinquième anniversaire : qu'a-t-il
changé ? », Billet le blog, IDDRI, 24 novembre 2020
89
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+ Déclaration de Rio sur l'environnement et le
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+ Protocole de Montréal relatif à des substances
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l'accord de Paris », LA CROIX, 17/05/2017
100
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expliqué à ma collègue », 18 décembre
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(consulté le 11/08/2020)
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et ses points négatifs »,
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VI/ Autres documents
+ CORNU (G.), Vocabulaire juridique,
12ème édition mise à jour, PUF, France, 2018
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résilient face au changement climatique, février 2020, 38
p.
+ GUINCHARD (S.) DEBARD (T.), Lexique des termes
juridiques, Dalloz, 25ème éd, 2017-2018
+ KNOX (J.), Principes cadres relatifs aux droits de
l'homme et à l'environnement, 2018, 23 p.
+ Le droit et l'environnement, Dalloz, 2010, 178 p.
+ Le Guide de l'Accord de Paris sur le climat, Tunis,
2018
+ Le renforcement de capacités, Note de
pratique du PNUD, octobre 2008, 36 p. + Manuel du Protocole de
Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche
d'ozone, Programme des Nations-Unies pour l'Environnement
(PNUE), 7ème éd.,
2006, 512 p.
+ Sommet Climate chance, Déclaration
d'Agadir des acteurs non-étatiques, Maroc, 11-13 septembre 2017
v
101
Deuxième rapport de synthèse sur les changements
climatiques, Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat
(GIEC), 1996, 64 p.
v Troisième rapport de synthèse sur les
changements climatiques, GIEC, 2001, 204 p.
v Quatrième rapport de synthèse sur les
changements climatiques, GIEC, 2007, 113 p.
v Cinquième rapport de synthèse sur les
changements climatiques, GIEC, 2014, 161 p.
102
TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT I
DEDICACE II
REMERCIEMENTS III
SIGLES ET ABREVIATIONS IV
SOMMAIRE V
INTRODUCTION 1
PARTIE 1 : LES INNOVATIONS CONTENUES DANS L'ACCORD
8
CHAPITRE I : LE CARACTERE PROPORTIONNEL DES ACTIONS DES
ETATS
PARTIES 9
Section 1 : Une démarche commune renouvelée 9
Paragraphe 1 : Un cadre de transparence respectueux de la
différence entre Etats
Parties 10
A- L'échange des informations 10
B- La mise en commun des contributions nationales : le bilan
mondial
12
Paragraphe 2 : Une coopération stratégique brisant
les clivages Nord-Sud 14
A- La redynamisation de la coopération volontaire des
Parties 14
B- Le transfert des technologies 16
Section 2 : Un traitement différencié en faveur des
pays en développement Parties 19
Paragraphe 1 : Des engagements de réduction à
géométrie variable 19
A- Au niveau de l'adaptation 19
B- Au niveau de l'atténuation 22
Paragraphe 2 : Un mécanisme financier contrasté
entre les Parties 24
A- Un financement global massif 24
B- Un fonds principalement alimenté par les pays
développés Parties
26
CHAPITRE II : LA COLLABORATION DES ACTEURS NON ETATIQUES 29
Section 1 : L'implication de la société civile
29
Paragraphe 1 : Une mission d'éducation climatique 29
A- La sensibilisation du public 30
B- La formation du public 32
Paragraphe 2 : La participation au processus décisionnel
34
A- L'accès à l'information 34
B- Les débats environnementaux 37
Section 2 : L'implication du secteur privé 39
Paragraphe 1 : L'implication dans la planification des
stratégies 39
A- L'amélioration des dispositifs institutionnels en
place 39
B- Un partenariat sous la coupole des Etats Parties 41
Paragraphe 2 : L'implication dans la mise en oeuvre des
stratégies 43
A- Le renforcement des capacités 43
B- La participation financière du secteur privé
45
PARTIE 2 : LES INSUFFISANCES DE L'ACCORD 48
CHAPITRE I : UN CADRE MULTILATERAL INSUFFISAMMENT PRECISE 49
Section 1 : Des obligations multilatérales mal
définies 49
Paragraphe 1 : L'imprécision des contributions
déterminées au niveau national
49
A- Les cibles incertaines des contributions nationales 50
B- Le rehaussement imprécis des ambitions avant le bilan
52
Paragraphe 2 : La périodicité défaillante
des engagements 54
A- Un dépôt distinct mais sans clarification 54
B- Un délai trop large pour le dépôt 56
Section 2 : Un système financier mal posé 57
Paragraphe 1 : L'absence de conditionnalités du
financement 57
A- Un éventail de bénéficiaires
difficilement saisissable 58
B- Une utilisation des fonds peu circonscrite 59
Paragraphe 2 : L'imprécision de la teneur du financement
62
A- L'inexactitude du quota dû par chaque pays
développé 62
B- L'incertitude de l'équilibrage financier entre
atténuation et
adaptation 64
103
CHAPITRE II : DES MATIERES NEVRALGIQUES HORS DU TEXTE 66
104
Section 1 : Une neutralité carbone citée mais
vidée 66
Paragraphe 1 : Un objectif sans fondement 66
A- L'absence de précision des émissions en cause
67
B- Le défaut d'objectif chiffré 69
Paragraphe 2 : La transition énergétique
repoussée 71
A- La mise en marge de certains puits de carbone 71
B- Le manque d'entrain pour les énergies renouvelables
73
Section 2 : L'oubli d'un système contentieux 75
Paragraphe 1 : L'inexistence d'incrimination pour violation des
obligations .... 76
A- Une procédure de non-conformité mise à
l'écart 76
B- L'absence totale de sanction 77
Paragraphe 2 : Le recours juridique mis hors propos 80
A- Le déni de la responsabilité fondée sur
l'article 8 de l'Accord 80
B- Le refus de l'application du principe du pollueur-payeur
82
CONCLUSION 85
BIBLIOGRAPHIE 88
TABLE DES MATIERES 101
|