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Comptines sur le bout de la langue.

( Télécharger le fichier original )
par Lisa Martin
HEL  - Baccalauréat en logopédie-orthophonie 2014
  

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Année académique 2013-2014 Session de Juin

HAUTE ECOLE DE LA VILLE DE LIEGE
CATEGORIE PARAMEDICALE

COMPTINES SUR LE BOUT DE LA LANGUE
L'apport des comptines dans l'apprentissage du lexique chez des enfants de
migrants scolarisés en maternelle

Comparaison entre un atelier « bain de langage » et un atelier « comptine »

Travail de Fin d'Études présenté par Lisa Martin en vue de l'obtention du baccalauréat en logopédie

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HAUTE ECOLE DE LA VILLE DE LIEGE
CATEGORIE PARAMEDICALE

COMPTINES SUR LE BOUT DE LA LANGUE
L'apport des comptines dans l'apprentissage du lexique chez des enfants de
migrants scolarisés en maternelle
Comparaison entre un atelier « bain de langage » et un atelier « comptine »

Travail de Fin d'Études présenté par Lisa Martin en vue de l'obtention du baccalauréat en logopédie

Année académique 2013-2014
Session de Juin

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REMERCIEMENTS

Seule avec mes dix doigts, cette belle histoire n'aurait jamais pu éclore. Il me tient à coeur de remercier :

Mon patron de mémoire, Madame Kaszas, pour l'apport de ses conseils avisés, mais plus particulièrement pour avoir su rester disponible à des moments-clés afin d'aiguiller mes choix, et ce, malgré une extrême sollicitation de toute part durant cette année scolaire.

Madame Piniau, mon Maître de Formation Pratique pendant ce stage, qui a toujours fait preuve d'enthousiasme quant à ce travail, et dont les recommandations constructives pullulaient.

Mesdames Degroot et Sabrina, pour m'avoir si chaleureusement accueillie au sein de leur établissement.

Necati, Dilahan, Ansarollah et Naïsha, les quatre bouts de choux acteurs du projet, pour leur appétence à la vie et sans qui rien n'aurait été possible.

Mes amis, pour leurs diverses contributions, aussi bien pratiques qu'affectives, ne tarissant jamais sur les idées

& ma famille, pour m'avoir fait confiance en me donnant la chance de réaliser ces études. Vos soutiens respectifs demeurent à mes yeux les plus précieux.

Un titanesque MERCI

À Francesca.

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Table des matières

Introduction générale 6

UN PEU DE THÉORIE 8

Chapitre 1 : La comptine 8

1.1 Définitions et origines 9

1.2 Les caractéristiques de la comptine 10

1.3 Les différents types de comptines 10

1.4 La comptine dans le développement de l'enfant 11

· Intérêt affectif 11

· Intérêt gestuel 12

· Intérêt social 12

· Intérêt scolaire 12

· Intérêt mnésique 13

· Intérêt langagier 13

Conclusion 14

Chapitre 2 : Le bilinguisme 15

2.1 Définitions 15

· Lexique 15

· Bilinguisme 16

2.2 Les types de bilinguisme 17

2.3 Développement lexical d'un enfant au « bilinguisme séquentiel » 17

· Acquisition du lexique en langue maternelle 18

· Acquisition du lexique en langue seconde 19

2.4 Facteurs d'influences sur l'apprentissage d'une autre langue 21

2.5 Différences entre enfants et adultes 21

2.3 Une stratégie d'aide à l'intégration : le « bain de langage » 22

Conclusion 23

POUR MIEUX PRATIQUER ! 24

Chapitre 1 : Cadre méthodologique 26

1.1 La population 26

? Critères d'inclusion et création de l'échantillon 26

? Le lieu d'accueil 27

1.2 Le matériel 27

? Les lignes de base 28

? La cotation 29

? La création de comptines 29

Chapitre 2: Présentation des participants 31

2.1 Necati 31

2.2 Dilahan 32

2.3 Naïsha 34

2.4 Ansarollah 36

Chapitre 3: Exposition des activités logopédiques 38

3.1 L'atelier « bain de langage » 39

3.2 L'atelier « comptine » 44

Chapitre 4 : Présentation des résultats 48

4.1 Necati 48

4.2 Dilahan 48

4.3 Naïsha 49

4.4 Ansarollah 50

Conclusion 50

Discussion 52

Conclusion générale 57

Bibliographie 58

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ANNEXES

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Introduction

Depuis de nombreuses années, le monde connaît un véritable essor en matière de flux migratoires. Les origines de l'envol sont multiples : misère économique, crise politique, guerre, famine... La détresse, elle, est commune. Dans ces conditions de vie, comment ne pas se laisser envahir par le désespoir ? Tout adulte subissant cette situation aspire à un avenir meilleur, pour lui et surtout pour sa descendance.

En ces temps, la Belgique compte parmi les cinq pays d'accueil les plus attractifs. De ce fait, les écoles maternelles des territoires wallons reçoivent de plus en plus d'enfants dont la langue maternelle, toujours pratiquée au domicile, n'est pas le français.

À l'heure actuelle où ces établissements scolaires ne disposent pas de moyens adéquats pour optimiser l'intégration culturelle, sociale et linguistique de ces jeunes, l'opération s'annonce rude. La finalité primordiale serait de leur faciliter l'entrée au primaire, minimiser les inégalités avec leurs pairs francophones, et éviter l'échec scolaire.

Ce travail de fin d'études, fondamentalement logopédique, s'est initialement axé sur le handicap majeur que rencontre, par fatalité, un enfant de migrant dès le jour de la rentrée scolaire : la langue. Parmi les cinq composantes caractérisant une langue n'étant autre que la phonologie, le lexique, la morpho-syntaxe, la sémantique et la pragmatique, il me fallait faire un choix ciblé. Ma sélection s'est immédiatement portée sur le domaine du lexique, entité égale à la quintessence linguistique. Dépourvu de mots, l'Homme se retrouverait dans une impasse communicationnelle.

L'accroissement du stock lexical chez un individu peut s'établir de deux façons : soit par un apprentissage explicite (enseignement drastique traditionnel), soit via un apprentissage implicite (naturel, inconscient, engendré par les interactions sociales, la lecture, etc.). Je corrobore les propos de la littérature scientifique en considérant que le second s'avère tout aussi précieux, efficace, et actif que le premier. C'est pourquoi cette étude appliquera ce procédé.

L'avantage avec la logopédie, pour les grands comme pour les petits, est qu'elle positionne le Jeu sur un piédestal, convaincue de ses vertus thérapeutiques. Le « bain de langage », type de rééducation ordinaire couramment usité en école maternelle, ne recourt qu'à des activités ludiques. Son credo : « Jouer en apprenant, apprendre en jouant ».

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Approuvant ce principe, j'ajouterais une persuasion personnelle qui toutefois acquiert davantage de notoriété au fil des années : la musique et le chant peuvent véritablement servir de panacée à tous niveaux. En effet, l'art-thérapie gagne du terrain. J'en suis venue à m'interroger : « Comment adapter cette discipline à des enfants de 5 ans ? Quel est l'emblème musical enfantin par excellence ? » Le terme est tombé : la comptine. Il n'est pas exceptionnel qu'adultes, nous nous souvenions encore des chansonnettes que l'on entendait autrefois. Cela signifie qu'à partir de rythmes simples, d'une mélodie entraînante, des mots peuvent venir se loger aisément dans notre mémoire à long terme. User de cette méthode ludique et amusante avec de très jeunes apprenants d'une langue seconde ne serait-il pas bénéfique pour l'apprentissage du vocabulaire?

L'idée de cette étude est née. Des questions ont été soulevées : « La « comptine » et le « bain de langage » agissent-ils de la même manière au niveau de l'apprentissage d'un vocabulaire donné ? L'un ne s'avérerait-il pas plus efficace que l'autre ? »

Pour mener à bien ce projet, une comparaison entre les deux domaines était nécessaire, afin d'observer si l'un s'avérait plus bénéfique que l'autre en matière de construction du lexique en langue française, sur les versants productif et réceptif. L'hypothèse de départ penchait vers une efficacité plus marquée de la comptine, pour son côté ritualisé, établi, l'air musical apportant également une aide considérable au niveau de l'intégration et la récupération en mémoire. Cette supposition se concrétisera-t-elle ?

Quatre enfants, scolarisés en grande section de maternelle (GSM), ayant entre 5 et 6 ans contribueront à l'obtention de la réponse. Deux d'entre eux s'adonneront aux joies de l'atelier du « bain de langage », tandis que les deux autres rejoindront l'atelier « comptine ».

Au cours de ce travail, une partie théorique vous sera premièrement exposée. Elle contera une fraction de l'Histoire de la comptine, et traitera ensuite du bilinguisme et de ses répercussions tout en amenant quelques informations sur l'acquisition du lexique. La seconde partie sera basée sur la pratique, puisque je vous ferai part de la méthodologie employée, ainsi que les résultats et leurs analyses. Enfin, une discussion annexée à une vision plus intime clôturera ce projet.

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UN PEU DE THÉORIE...

« La langue est un théâtre dont les mots sont les acteurs »

Ferdinand BRUNETIERE

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Chapitre 1

La comptine

1.1 Définitions et origines

Depuis la nuit des temps, les formules chantées ou récitées accompagnent l'enfant dans sa découverte de la vie. La date d'apparition comme les auteurs demeurent énigmatiques. C'est le peintre Pierre Roy qui, en 1922, instaure le terme de « comptine » dans la langue française (Resmond-Wenz, 2008). Le mot comptine serait intimement lié au vocable compter, puisque tous deux puisent leur source dans l'expression latine computare signifiant conter. (Soussan, 2007)

En effet, comme le rappelle la définition généralisée inscrite dans les dictionnaires parus récemment, le jeu serait élu comme le lieu privilégié d'emploi de la comptine, cette dernière servant à « désigner, en comptant les syllabes, celui qui devra sortir du jeu, courir après les autres, etc. » (Le Grand Larousse illustré, 2014, p.280).

Celle de Lescout (1985) s'en approche, puisqu'elle la considère comme une « formule enfantine chantée ou parlée servant à désigner celui à qui sera attribué un rôle particulier dans un jeu », à quoi Bruley & Painset (2007) ajoutent : « Il leur faut [...] dénombrer, éliminer, désigner ».

J'en m'en tiendrais personnellement au commentaire de Gauthier et Lejeune (2008), témoignant de la pluralité des définitions concernant ce vocable en constante mutation. Rares sont celles faisant preuve d'exhaustivité. Agglomérons cependant les grands traits communs aux multiples explications de la comptine:

- Assignée au monde de l'enfance

- Majoritairement chantonnée

- Instituée pour compter

Sachez que les appellations, vérifiées par Soussan (2007) pullulent : « enfantines, dodiques, jeux de nourrice, fariboles, rimailles, rimettes, rimes, rengaines, ritournelles, refrains, sornettes, kyrielles, drôleries, virelangues, bouts rimés, devinettes ». Le choix d'emprunt est large.

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Après ce bref éclaircissement, tentons de comprendre l'engouement des jeunes enfants envers cette discipline. Pourquoi adhèrent-ils autant ? Quelles sont ses particularités ?

1.2 Les caractéristiques de la comptine

La comptine éveille et joue avec la langue. Le phrasé de Bruley & Painset (2007, p. 15) frôle la perfection descriptive : « Les enfants les aiment pour leur brièveté, mais aussi pour leur rythme et leur musicalité, pour leurs rimes et leurs assonances ». Il en découlerait un apprentissage dépourvu d'efforts, selon Resmond-Wenz (2008). Le rythme intimement inhérent à l'Homme est simple et permet un découpage syllabique spontané.

Beaucoup valorisent le dénuement de sens des formulettes en encourageant l'aspect imaginaire et irrationnel qui plaît tant à l'enfant (Bruley & Painset ; Gauthier & Lejeune, 2008). Mon étude s'oppose littéralement à ce point de vue, mon objectif étant justement de rendre le texte plus accessible à la compréhension.

La malléabilité de la comptine, justifiant jadis sa spécificité, tend à s'éteindre. Le monopole de la transmission orale court à sa perte, supplanté par l'arrivée massive des oeuvres écrites et illustrées (Bruley & Painset).

1.3 Les différents types de comptines

La vaste étendue nous oblige à la concision. « Ça se dit, ça se chante, ça se joue, ça se mime les comptines », affirmait soigneusement Soussan (2007). Effectivement, la comptine peut être parlée, chantée, gestuelle (Pasquier & Vaillaut, 2007). Plusieurs catégories de comptines coexistent, possédant chacune leur richesse singulière (Gauthier & Lejeune, 2008). Parmi elles, on peut en citer quelques-unes :

- « Les formulettes d'avant conter »

- Les comptines s'inscrivant dans les jeux de mots ou jeux de sons. Exemples : « Une oie, deux oies, trois oies, quatre oies, cinq oies, six oies, sept oies (c'est toi) » ou « Le jars est jaloux des jolis jarrets »

- Les jeux de mains ou de doigts associant la mimo-gestualité à la parole. Exemple : « Ainsi font font font, les petites marionnettes... »

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- Les jeux chantés ou rondes favorisant les repères spatio-temporels de l'enfant.

(Soussan)

Au niveau structurel, on peut avoir affaire à des :

- « Comptines courtes à un couplet

- Comptines et chansonnettes à plusieurs couplets (même air, paroles changent)

- Comptines et chansonnettes à couplets et refrains (même air, paroles changent) »

(Lescout, 1985)

En pratique, j'ai choisi d'exploiter la deuxième option, en associant les gestes et les mimes à haute dose. Au départ, aucune règle n'était fixée, et les comptines se créaient instinctivement. C'est en réalité un vrai travail de composition.

1.4 La comptine dans le développement de l'enfant

La comptine n'appartient qu'à l'univers de l'enfant (Lescout, 1985). Selon Gauthier & Lejeune (2008), elle fournit un excellent biais de soutien pour « les apprentissages surtout cognitifs, psychomoteurs et sociaux ».

? Intérêt affectif :

D'après Lescout (1985) ,Resmond-Wenz (2008), et Gauthier & Lejeune (2008), la part affective gravitant autour de la comptine est capitale. Par exemple, l'enfantine émise au moment du coucher alliée à la proximité corporelle amène un plus à la relation. Il s'agit là d'un moment intime empli d'échanges, indispensable pour consolider les liens entre parents et enfants.

À l'école, l'enfant a besoin de se sentir en sécurité. L'entrée en maternelle s'apparente à un lourd « déracinement ». Le changement, déjà radical pour un petit possédant la langue officielle du pays, devient bouleversant pour un enfant de migrant. Lescout poursuit en parlant de « groupe familial réparateur », qui rallierait les écoliers fraîchement débarqués autour de la comptine, dans une atmosphère chaleureuse et réconfortante leur permettant de mieux percevoir la transition. Aménager spécialement un endroit en instaurant un instant musical comme celui-ci et en faire une coutume ne serait qu'avantageux. Dans ma partie pratique, j'ai tenté d'appliquer ce principe avec les ressources disponibles sur place, ainsi qu'avec des accessoires personnels (coussins...).

12

? Intérêt gestuel .
·

Si un jeune enfant possède quelques difficultés d'expression verbale, la mimo-gestualité associée aux enfantines ne pourra que le rassurer et l'encourager dans un autre canal de communication. Les échanges ne seront pas rompus. Il pourra ainsi patienter sereinement en attendant d'acquérir le code verbal, plus usité en société. Gauthier & Lejeune (2008) prétendent qu'un mime spontané témoigne d'une écoute attentive.

Par ailleurs, une comptine se doit d'être vécue en plus de vivre (Goëtz-Georges, 2006 ; Lescout, 1985). Gauthier & Lejeune mentionnent une de leurs études démontrant une progression générale de l'enfant bien qu'il n'ait jamais souhaité chanter la formulette, se contentant d'y associer les gestes.

? Intérêt social .
·

Comme dit précédemment, le jeu semble être la discipline considérée par la croyance populaire comme la plus appropriée pour énoncer des comptines. Or, il n'y a pas qu'un seul et unique environnement propice à la comptine. Que ce soit dans les cours de récréation, dans le cadre familial, dans les colonies de vacances : la chansonnette réunit, rassemble. Un pur instant de partage se créé autour de ces comptines. Il serait aberrant de penser à déloger ce folklore de l'école maternelle. Former des groupes et solliciter le vécu permettrait de minimiser les différences interindividuelles (Gauthier & Lejeune, 2008 ; Lescout, 1985).

? Intérêt scolaire .
·

Les formulettes sont désormais couramment employées à des fins pédagogiques, en vue des différents apprentissages conceptuels (nombres, espace, temps...) (Gauthier & Lejeune, 2008). Afin de mieux appréhender la lecture, l'utilisation de la comptine est préconisée en maternelle. Goëtz-Georges (2006) atteste de sa présence dans les programmes officiels français depuis peu. Sa représentation sur un support écrit est appréciable, dans la mesure où les images, les dessins ou les photos sont situés non loin du mot symbolisé. Ainsi, les enfants auront un premier aperçu du patron général du terme écrit. Ils commencent également à prendre conscience de la correspondance entre l'oral et

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l'écrit, comme le soulignent Lescout (1985) et Gauthier & Lejeune. L'expérience réalisée avec Dilahan et Naïsha illustrera ces dires.

? Intérêt mnésique.

L'appropriation d'une comptine ne pourra s'ancrer solidement que si l'enfant est confronté à une répétition régulière de celle-ci. L'idéal serait de l'exercer 10 à 15 fois pour une mémorisation relativement correcte. Ainsi, l'enfant pourra « anticiper, prévoir, intérioriser et traiter les données » (Lescout, 1985, p.36). Savoir une comptine sur le bout des doigts permet également aux parleurs les plus timides d'oser prendre la parole. Exploiter ainsi des enfantines entraîne excellemment la mémoire, cette dernière étant cruciale pour tout apprentissage de la vie. Sans mémoire, on ne peut apprendre (Robert, 2011). Enfin, l'aspect musical permettrait une mémorisation plus efficiente engendrant une vive reconnaissance avec un nombre d'écoutes pourtant limité (Resmond-Wenz, 2008). Ce phrasé vient motiver mon hypothèse initiale.

? Intérêt langagier .

C'est le gain mis le plus en évidence, puisque la comptine intervient à différents niveaux dans ce domaine. Rien que l'écoute donnera une idée à l'infans (qui ne parle encore pas) de l'allure prosodique de sa langue.

Les virelangues et les sonorités qui se taquinent familiarisent l'enfant et lui inculquent tout naturellement le système phonologique cible.

Exemple : « Am Stram Gram, Pic et Pic et Colégram, Bour et Bour et Ratatam

Am Stram Gram »

L'attention affinée grâce à la répétition, il parviendra plus aisément à distinguer les sons de sa langue pour plus tard les manipuler.

La comptine optimisera également la rencontre avec de nouveaux mots, et participera à l'augmentation de son stock lexical. L'articulation doublée de la prononciation ne s'en trouveront qu'améliorées. (Gauthier et Lejeune, 2008).

Entraîner l'enfant à apprendre une comptine de façon cadencée l'emmène progressivement sur le chemin syntaxique de sa langue maternelle. L'exploration ludique d'une structure linguistique permet une imprégnation plus efficace (Goëtz-Georges, 2006).

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L'assertion de Gauthier & Lejeune disant qu'avoir recours à des chants, spécifiquement des comptines, serait d'un bénéfice extrême lorsqu'il s'agit d'apprendre précocement une langue étrangère. Cet élément milite en faveur de la pratique qui suivra.

En conclusion , cet « art mineur » mêlant « verbe et poésie » sublimé si l'instrumental se greffe à la parole (Bruley & Painset, 2007), conduit au plein épanouissement de l'enfant, et contribue à son éducation et à son développement global dès le plus jeune âge (Gauthier & Lejeune, 2008). La comptine n'est qu'un contexte parmi d'autres opérant dans l'acquisition d'une langue, différant des méthodes classiques par son originalité. (Lescout, 1985)

15

Chapitre 2

Le bilinguisme

Avant d'entamer ce chapitre, laissez-moi vous délester d'une idée préconçue. Le monolinguisme fait partie d'une époque révolue. Les multilingues représentent désormais entre « 60 à 75% de la population mondiale» (Baker cité par Daviault, 2011 ; Defays, 2003). Par l'intermédiaire de ce chapitre, les grandes particularités du bilinguisme vous seront présentées. L'espace me manquant, je ne m'étendrai pas à l'explication de la totalité des composantes d'une langue à acquérir, mais prendrai soin de traiter l'une d'entre elles : le lexique. Daviault et Bassano (1998) témoignent du rôle majeur que joue le lexique, car sans mots, il y a absence de sens. « L'acquisition du lexique comprend non seulement celle de l'ensemble des mots compris et produits, mais aussi de la nature de leurs liens » (Daviault).

2.1 Définitions

? Lexique :

Le terme « lexique » dérive de la formule grecque « lexikon » signifiant « mot ». Le lexique constituerait « l'ensemble des mots formant la langue d'une communauté », mais également « l'ensemble du vocabulaire employé par quelqu'un » et serait l'appellation pour « la liste alphabétique de mots placée à la fin d'un ouvrage ». Les définitions du Grand Larousse illustré (2014, p.662) sont multiples.

En outre, il est également « la composante de base de la syntaxe » (Neveu, 2009, p.178). Le Dictionnaire d'Orthophonie (2011, p.156) vient apporter à cela une nuance intéressante : « lexique s'oppose à vocabulaire », dans la mesure où le vocabulaire est considéré comme un sous-ensemble du lexique. En effet, le Centre Régional de Documentation Pédagogique (CRDP, 2012) parle de vocabulaire lorsque « ce sont des mots dont une personne dispose pour s'exprimer » activement et passivement. Le lexique est ainsi réservé à la « langue », tandis que le vocabulaire est caractéristique du

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« discours » (Dictionnaire d'Orthophonie). Il est préférable, dans ces circonstances, d'employer le terme de vocabulaire dans cette étude.

Le lexique mental se doit d'être mentionné ici, Daviault (2011) l'exposant comme « l'ensemble des connaissances d'un individu qui inclue tous les mots compris et produits dans une langue, ainsi que le réseau organisé de liens sémantiques, syntaxiques, morphologiques et phonologiques qui les relie ». Il s'amplifie et se précise tout au long de la vie, mais une période d'intense accroissement est localisée entre 1 et 3 ans. Son importance est capitale, puisque la reconnaissance d'un mot s'effectue par son biais.

Boysson-Bardies (1996) établit un consensus en arguant l'existence d'un lexique unique aux « voies d'accès différentes pour la production et la perception », ne se consolidant pas à la même vitesse. Les résultats obtenus lors de ce travail confirmeront cette assertion.

? Bilinguisme :

Taly, Salaün, Serre, Moro (2008) voient le bilingue comme celui « pratiquant deux langues », soit de manière active (utilise les deux langues de façon égale) ou bien passive (une des deux langues est comprise et non produite). Neveu (2009, p.57) contredit cette idée en prétendant qu'une personne bilingue « utilise deux systèmes linguistiques de fréquence et de manière égale ». Le Grand Larousse illustré (2014, p.158) n'entre pas dans les détails et corrobore la définition de Neveu en caractérisant le bilinguisme comme une « pratique usuelle de deux langues par un individu ou une collectivité ». Nous allons peaufiner ces explications sous peu avec les diverses formes de bilinguismes.

Mais avant cela, des formules étroitement liées au bilinguisme doivent également être éclaircies. Parmi elles, on retrouve la « langue première » (LP) plus connue sous l'appellation de langue maternelle (LM) et abrégée « L1 » : il s'agit de la langue dans laquelle l'enfant est bercé depuis sa naissance. Quant à la « langue seconde » (LS) (formellement opposée à « seconde langue ou deuxième langue ») symbolise une langue d'intégration différant d'une langue étrangère (LE), apprise successivement à la LM pour des raisons d'ordre social ou professionnel, aussi évoquée par « L2 » (Defays, 2003).

La clarification des mots-clés faite, je vais maintenant m'attacher à l'énumération accompagnée d'une brève description des différents types de bilinguisme.

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2.2 Les types de bilinguismes

Parler d'un « bilinguisme » unique serait réducteur, puisque Daviault (2011) stipule que chaque personne bilingue possède son propre bilinguisme. Afin de mieux cerner celui figurant au coeur de ce travail, une importante distinction est nécessaire :

- Le « bilinguisme simultané » ou « bilinguisme précoce simultané » ou « bilinguisme familial » : l'enfant apprend deux langues premières de front avant 3 ans. Il est issu de parents façonnant une mixité linguistique.

- Le « bilinguisme séquentiel » ou « bilinguisme précoce consécutif » ou « bilinguisme institutionnel » : l'enfant acquiert deux idiomes l'un à la suite de l'autre. Il possède une LM inculquée par la famille, ainsi qu'une LS développée en société. Ses origines sont diversifiées : « déménagement, émigration, entrée à l'école... » (Groux cité par Attout, 2007 ; Owens cité par Daviault ; Taly , Salaün, Serre, Moro, 2008).

Il est maintenant possible de qualifier le bilinguisme des quatre enfants de ce projet. Tous entrent dans la seconde catégorie. Par conséquent, les prochains sous-chapitres s'attarderont particulièrement sur ce dernier.

2.3 Développement lexical d'un enfant au « bilinguisme séquentiel »

Le nourrisson, auditivement actif dès la vie foetale, commence à s'imprégner des sons constituant sa propre langue (Neveu, 2009, p.11). Passé le babillage débutant vers 7 mois (Boysson-Bardies, 1996), il en arrive tout doucement à la compréhension et production de mots. L'enfant considéré comme « bilingue précoce consécutif », situé à la croisée d'une « double culture », n'apprend pas sa LP et sa LS pareillement, mais Boysson-Bardies est sûre d'une chose : « tous les bébés de la Terre parlent aux mêmes âges ».

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? Acquisition du lexique en langue maternelle :

Les théories innéistes (Chomsky), behavioristes (Skinner, Bates, Wallon) et constructivistes/interactionnistes (Piaget, Bruner) s'affrontent pour expliquer l'acquisition du langage (Docquier, 2012). À l'heure actuelle, la science appuie assurément le pouvoir de l'interaction entre l'inné et l'acquis. En effet, pour s'exprimer dans un idiome quelconque, le petit d'Homme a besoin d'un système nerveux et d'organes périphériques intégraux, mais également d'un modèle linguistique de qualité procuré par l'entourage (Docquier, 2013). C'est précisément l'environnement « maternel et socio-économique » qui donne naissance à des contrastes interindividuels dans l'acquisition d'une langue, et par conséquent du lexique (Bassano, 1998).

Avant de produire un mot, l'enfant le comprend. Benedict (citée par Daviault, 2011) soutient qu'il comprend « cinq fois plus de mots qu'il n'en produit ». L'apparition des premiers mots de vocabulaire tant attendus par les parents s'effectue généralement entre 1 an et 2 ans (Bassano, 1998). Daviault poursuit en affirmant que les 50 premiers mots de l'enfant appartiennent au « lexique précoce », dont l'acquisition extrêmement lente s'étale sur une période de 6 mois. Il s'ensuit une phase de « boom lexical » surgissant à l'école maternelle, où le rythme d'acquisition des mots s'accélère fortement puisque l'enfant peut produire de « 4 à 10 nouveaux mots par jour » (Boysson-Bardies, 1996). On peut dire que le « lexique précoce » et le « boom lexical » demeurent les paliers phares du développement lexical chez l'enfant, étant donné l'abondance des informations partagées dans la littérature scientifique.

Nelson (cité par Bassano, 1998 et Docquier, 2012) met en évidence une « variabilité stylistique » des productions de l'enfant, et identifie deux genres : les jeunes possédant un style « référentiel » dont les mots principaux sont des noms (d' « objets, communs ») axés sur la concrétude de la vie, et ceux au style « expressif » détenant un vocabulaire plus étoffé, davantage orienté vers l'aspect pragmatique (exemples : « bonjour », « merci », « allô ? »). Il faut savoir que le sens initial donné à des représentations lexicales inédites est complètement approximatif, mais s'affinera avec l'expérience et les corrections adultes (Bruley & Painset, 2007 ; Daviault).

Figure 1. Différentes manières d'apprendre (Defays, 2003)

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Il est intéressant de préciser qu'universellement, les enfants franchissent les mêmes grandes étapes du développement langagier, et ce, relativement aux mêmes âges bien que « la variabilité des langues, le mode de transmission et le tempérament » importent. En revanche, le rythme d'acquisition lexicale est interdépendant de la structure générale de l'idiome. Par exemple, l'élaboration du vocabulaire d'un jeune enfant français se réalisera nettement plus lentement que celle d'un anglais, ceci s'expliquant par la complexité structurelle de la langue française (Bassano, 1998 ; Daviault, 2011). Boysson-Bardies (1996) stipule que « les variations individuelles, l'influence de la culture et la structure de la langue modulent déjà le choix et la distribution des premiers mots de l'enfant ». Bassano l'illustre en affirmant que la fréquence de production de noms domine chez les Français, tandis que les Chinois et les Coréens préfèrent énoncer des verbes.

? Acquisition du lexique en langue seconde :

Defays (2003) adhère à l'idée que l' « on peut très bien se passer d'enseignement pour acquérir une langue étrangère ». Le schéma voisin détaille ce phrasé.

Il distingue « l'apprentissage non-guidé, spontané, inconscient » de « l'apprentissage guidé à l'école sous le contrôle du professeur ». Le premier s'assimile à la façon d'apprendre une LM, en écoutant l'autre, en le plagiant et en tenant compte de ses feed-back : il permet d'entrer aisément en communication et de répondre aux besoins sociaux. Quant au second, il ne permet pas d'accéder d'emblée à une « situation réelle » communicationnelle étant beaucoup plus formel et dépourvu de naturel (à l'exception de l'immersion qui offre toute la communication dans la langue cible ou seconde, livrant des résultats plus probants) (Daviault, 2011). Par ailleurs, si un individu est soumis à ce type d'apprentissage, il est recommandé à l'instructeur de choisir des thèmes fonctionnels à étudier avec un certain nombre de mots associés (CRDP, 2012), et se fier à la fréquence de ces mots dans ladite langue. Plus un mot est fréquent, plus il sera fonctionnel pour celui qui l'apprend (Prince, 1999). Ces éléments occuperont une place importante dans ma pratique.

Il précise qu'une « participation active » et « une motivation personnelle » de l'apprenant sont indispensables, quelle que soit l'approche adoptée, pour acquérir un nouvel idiome et son lexique.

20

Prince (1999) indique que les rapports entre L1 et L2 sont étroits. En effet, l'apprenant s'appuie sur sa langue première pour modeler sa langue seconde. Le « concept » d'un mot en LS sera déjà ancré, mais le réel travail réside dans son association à une « forme lexicale ». Un mot en L2 est automatiquement relié à son semblable L1 au niveau du réseau lexical. L'auteur ajoute que les liens sémantiques se renforcent généralement à vive allure, au gré des redondantes rencontres lexicales. Il spécifie qu'entrer en contact 6 ou 7 fois avec un même vocable, dans divers contextes, suffit à détenir sa vraie signification et à le produire spontanément. Le mot se place ainsi dans la mémoire à long terme de la personne, à son insu.

Le « code-switching est un phénomène typique des bilingues adultes et enfants » (Daviault, 2011). Le principe est que le locuteur emploie dans la même phrase des mots provenant des deux vocabulaires de ses deux langues, ce qui arrivait souvent en séance. Ceci amène certains auteurs à penser que les individus ne discernent pas les deux langues convenablement, à l'inverse de ceux qui pointent du doigt l'imitation du modèle parental (Daviault cite Genesee, 2001 ; Pert & Letts, 2006). Selon l'étude de Nicoladis et Genesee (1997) mise en avant par Daviault, les enfants âgés de 2 ans savent déjà quelle langue emprunter lorsqu'ils s'adressent à telle ou telle personne.

Un certain nombre de parents se persuade que l'apprentissage de l'idiome d'accueil, considéré comme plus prestigieux en raison des portes professionnelles qu'il permettra d'ouvrir ultérieurement à leur enfant, est néfaste non seulement pour la conservation de la culture originelle et LM, mais également pour la qualité de chacune des langues. Il faut mettre un terme à ces poncifs. De légères « interférences » naissent en toute normalité, mais aucun dommage linguistique n'est commis si ce n'est le rythme d'acquisition du vocabulaire futilement diminué (Defays, 2003 ; Rayna, 2011).

21

2.4 Facteurs d'influences sur l'apprentissage d'une autre langue

L'égalité humaine ne trône pas face aux apprentissages linguistiques: des processus

internes et externes entrent en scène afin d'encourager ou de freiner ces derniers. Daviault

(2011) en énumère quelques-uns:

- « Âge »

- « Intérêt et motivation » : les signes avant-coureurs de la démotivation sont

dépeints par « la démobilisation, le mutisme, le chahut » (Defays, 2003). Necati

illustrera ce point.

- « Aptitude à apprendre une langue » : une bonne mémoire phonologique à court

terme avantage fortement le développement du vocabulaire (Attout, 2007).

- « Degré de similitude entre L1 et L2 »

- « Fréquence et modalités d'exposition »

- « Qualité linguistique entendue »

- « Degré de valorisation sociale »

- « Opportunité de pratiquer sa langue »

Le milieu socio-économique compte également. Ne pas diaboliser la langue cible et vivre

harmonieusement en acceptant sa « double culture » ferait partie du secret pour éviter un

quelconque rejet identitaire et favoriser l'apprentissage de la langue.

2.5 Différences entre enfants et adultes

« La plasticité cérébrale dans le domaine linguistique décline à l'âge de 9 ans » (Rondal & Comblain cités par Attout, 2007). Cet argument explique la facilité qu'a le jeune enfant à acquérir une autre langue par rapport à ses pairs plus âgés. L'absence d'accent est totale si l'apprentissage se déroule avant cette période. Aussi, l'enfant, apprenant fréquemment sa LS par l'intermédiaire de l'école, au travers du jeu, des diverses interactions sociales et baignant pleinement dans une situation de communication est encore une fois avantagé face à la personne adulte qui bien souvent, doit s'aventurer dans des cours publics ou privés pour espérer progresser (Daviault, 2011). De plus, l'apprentissage de la langue chez le tout jeune se réalise parallèlement au « développement cognitif, psychologique et social », contrairement à ses aïeux. (Defays, 2003).

22

Quel que soit l'âge, Daviault garantit qu'une LS ne se maîtrise réellement qu'en l'ayant pratiquée durant 5 années.

2.6 Une stratégie d'aide à l'intégration : le « bain de langage »

L'appellation est inhérente à la métaphore « l'enfant tel un corps plongé dans un liquide s'imprégnerait du langage » selon Petit & Laroche (2003). Ils déclarent également que le « bain est la condition de passage de la compétence (aptitude à parler) à la

performance (acquisition d'une langue).

Braibant (2013) corrobore en qualifiant le « bain de langage » comme un moyen très apprécié des enfants, de par son caractère ludique, pour faire émerger le langage oral lorsque ce dernier peine à se construire. Il est estimable notamment pour l'enrichissement lexical, mais également pour la construction syntaxique qu'il apporte au jeune. Si l'enfant est victime de troubles articulatoires, ceux-ci seront envisagés une fois un certain niveau lexical acquis. La visée principale de cette méthode est de « donner du sens à ce que l'on verbalise ».

En logopédie, ce type de stimulation est très usité étant donné l'importante proximité avec une situation communicationnelle naturelle. Et comme l'expriment si bien Gauthier & Lejeune (2008) « l'exploitation d'activités se rapprochant le plus possible des situations naturelles d'acquisition de la langue et favorisant les interactions entre enfants à partir d'un vécu stimulant et en petit groupe s'avère utile ». La méthode s'apparente au jeu, avec quoi les enfants s'exprimeraient davantage, apprendraient tout en fondant leur identité (Rayna, 2011) mais où dominent certaines règles.

Docquier (2013) préconise quelques directives que tout bon thérapeute doit

appliquer :

- « L'auto-verbalisation » : oraliser ce que le thérapeute est en train de faire

- « La verbalisation parallèle » : oraliser ce que l'enfant est en train de faire

- « La reformulation » : reprendre le sens de l'énoncé original en apportant une

correction de la prononciation ou de la construction de la phrase

- « L'allongement » : apporter une idée neuve pour enrichir la phrase de départ

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- « L'incitation » : attendre ou faire répéter un mot cible par le choix, la phrase en suspens, l'ébauche orale, l'absurde, par une question

Daviault (2011) ajoute que la répétition d'un mot à maintes reprises, le placement de l'adulte à hauteur de l'enfant, le fait de lire avec lui et de chanter des comptines en y ajoutant l'expression corporelle favorisent le développement lexical. Le CRDP (2012) peaufine en disant que l'enfant doit être guidé par un « parler professionnel modélisant » incluant une accentuation de l'articulation, des phrases brèves et un ralentissement du débit.

Enfin, il est indiqué de faire passer l'enfant par le « niveau vécu », le « niveau manipulé » et le « niveau représenté » en vue d'optimiser la mémorisation et le transfert du vocabulaire (Bringier, 2012).

Pour conclure, la situation que vit un enfant dans un cas de « bilinguisme séquentiel » est loin d'être évidente. L'école maternelle représente une véritable période de transition où émergent des différences interindividuelles à tous niveaux. La découverte d'une culture différente de la sienne à laquelle il faudra s'adapter et d'une langue aux mots barbares qu'il devra la plupart du temps s'auto-approprier pour espérer communiquer avec ses camarades de classe sont les renversements les plus marquants. Taly et al. (2008) soulignent qu'une intégration réussie dépendrait de la présence d'« adultes-guides », d'un « milieu riche et sécurisant » où il s'agirait de « transcender la vulnérabilité et faire de ses faiblesses une force créatrice ». Tel est le cadre qu'une logopède en herbe peut modestement essayer d'instituer.

24

POUR MIEUX PRATIQUER !

« Si la poésie est universelle, il est certain que chaque pays a ses images, ses couleurs, sa

particularité »

Evelyne RESMOND-WENZ

25

De l'école maternelle à l'école primaire, le pont est large. Le primaire, point de rencontre avec la lecture, l'écriture, les maths... Tous ces apprentissages essentiels, puisqu'utiles au quotidien. Afin de pénétrer ce nouveau monde dans les meilleures conditions, il est nécessaire d'avoir en réserve quelques prérequis. Le rôle premier de l'école maternelle est de fournir les recettes les plus délicieuses pour une acquisition optimale du langage oral. Le vocabulaire constitue la substance linguistique à acquérir en priorité dans n'importe quelle langue (CRDP, 2012).

Une logopède témoignera toujours des bienfaits des activités ludiques au sein de notre profession, destinées à rééduquer. J'ai pris la décision d'en cibler deux en particulier, plus connues sous le nom de « comptine » et « bain de langage ». En effectuant une comparaison, je souhaitais amener une réponse à ma problématique initiale : « La « comptine » et le « bain de langage » agissent-ils de la même manière au niveau de l'apprentissage d'un vocabulaire donné ? L'un ne s'avérerait-il pas plus efficace que l'autre ?»

Quatre enfants non francophones, entre 5 et 6 ans, scolarisés en grande section de maternelle ont participé à ce projet. Les groupes ont été formés de manière équitable (deux pour l'atelier « comptine », et deux pour l'atelier « bain de langage ») en fonction de la personnalité des sujets, et de leur attrait pour l'un ou l'autre domaine. Aborder la première primaire sans séances privilégiées axées sur le langage oral me paraissait totalement inconcevable, et n'aurait fait que nuire à leur scolarité. Dans une société où l'école s'apparente à des rails sur lesquels il est préférable de rouler le plus vite possible en évitant les écarts, le mot d'ordre était urgence. Il fallait agir rapidement afin qu'ils puissent amorcer les bases éducatives et formatrices d'une manière plus simpliste, et d'atténuer leurs difficultés de divers ordres. Le langage oral et le langage écrit s'influencent énormément : l'un a besoin de l'autre pour se développer.

Cette seconde partie du travail offrira, dans un premier temps, une présentation des quatre enfants ne prétendant pas à l'exhaustivité. Il s'ensuivra un descriptif des activités et objectifs choisis pour les deux domaines, et ce, pour chaque séance. Enfin, je m'attacherai à exposer les différents résultats, tant qualitatifs que quantitatifs, couplés à une analyse permettant ainsi d'étudier la progression.

26

Chapitre 1

Présentation du cadre méthodologique

1.1 La population

· Critères d'inclusion et création de l'échantillon :

Je souhaitais, dans la mesure du possible, obtenir une certaine homogénéité des compétences entre les participants, éloigner les écarts importants sur le plan linguistique comme social afin d'éviter le faussement des résultats ultérieurs. Ceci crédibilise davantage les tests.

Les acteurs de cette étude n'ont pas été choisis en fonction d'un mauvais résultat à un test étalonné. Ceux sélectionnés pour participer à cette étude devaient :

· Être scolarisés en classe de GSM

· Avoir des parents non francophones

· Avoir une expression et une compréhension verbales en français très faibles, voire nulles

· Être solitaires/isolés du reste de la classe

· Être réticents à l'envie de communiquer sous n'importe quelle forme

L'authenticité a été contrôlée grâce à une observation minutieuse, les dires du corps enseignant, les renseignements du centre Psycho-Médico-Social (PMS), ainsi que l'accès aux parties consultables des dossiers des élèves présents sur place.

L'échantillon est certes faible, mais convenable pour espérer une pluralité des performances. Il se compose de deux garçons pour la participation à l'atelier « bain de langage », et deux fillettes pour l'atelier « comptine ». Notons que la répartition des groupes n'est pas due au hasard. Les filles se sont montrées plus réceptives à l'écoute de différentes musiques et du chant, tandis que l'absence et le rejet des garçons envers cette discipline furent perceptibles (onomatopées de dégoût, ou simple passivité).

27

Il n'y avait pas de langue maternelle pointée. De ce fait, les trois langues premières de cette étude sont : l'arabe, le turc ainsi qu'un dialecte pakistanais.

? Le lieu d'accueil:

Une école fondamentale belge, à « discrimination positive », destinée à donner des enseignements allant de la PSM à la 6e primaire m'a chaleureusement accueillie. La pédagogie mise en vigueur au de l'établissement n'est autre que celle de Freinet, dite « pédagogie active ». Elle consiste en une responsabilisation de l'enfant qui accélèrerait le processus d'autonomie, en une exonération de la pression scolaire et vise à placer une solide confiance de l'adulte envers l'enfant. La liberté d'expression enfantine est à l'honneur.

La plupart des parents dont les élèves peuplent cette école proviennent de l'immigration. Bien souvent, et malgré le cahier créé à cet effet, la communication entre professionnels de l'éducation et parents ne s'établit pas toujours correctement, empêchée par les contrastes langagiers.

Les séances logopédiques se déroulent le matin (capacités attentionnelles à leur apogée, cf. Masy, 2013) dans un immense réfectoire, tantôt dépourvu de vie, tantôt occupé par la psychomotricienne de l'école. Parfois, nous avons été contraintes à la cohabitation, par manque d'espace. Ceci rend compte de l'imperfection du terrain, et entraîne nos facultés d'adaptation. Néanmoins, malgré le désordre proximal, les enfants des deux ateliers se laissaient peu distraire.

1.2 Le matériel

? Le choix du test

Il appert que tester un enfant dans un cas de bilinguisme n'est pas une chose évidente. Tout d'abord, la compréhension de consignes risque de s'avérer laborieuse, ensuite parce que le marché actuel ne dispose pas d'un test adapté et étalonné pour ce type de population.

Évaluer l'évolution du lexique d'un enfant à travers des lignes de base réalisées sur mesure me paraissait plus pertinent que d'octroyer des épreuves de vocabulaire en

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dénomination et désignation situées dans la N-EEL (Nouvelles Épreuves pour l'Examen du Langage), ou encore d'user du TVAP (Test de Vocabulaire Actif-Passif). En effet, les listes de mots généralement proposées dans les tests de vocabulaire étalonnés ne me convenaient pas, dans la mesure où les sens des mots sont démesurément dispersés (exemple : « Vocabulaire 1 de la N-EEL forme P ? brouette, parachute, ampoule, passoire, noix, masque, cuillère »). Il est vrai, cependant, que les épreuves « Lexique » de la N-EEL forme P regroupent les vocables par champs sémantiques, mais le nombre d'items et de catégories sont insuffisants à mon sens. Je me suis alors lancée dans la création de lignes de base pour les cinq champs sémantiques à travailler.

? Les lignes de base

Docquier (2013) rappelle les règles de construction d'une ligne de base : « Après avoir identifié la cible du traitement, sélectionner une tâche et des items qui permettront d'évaluer les performances du patient avant de commencer le traitement et ultérieurement ». Le type de lignes de base approprié à l'étude ne porte pas sur l'apprentissage d'une « stratégie », mais sur celui d' « items spécifiques ». Il y aura donc des items travaillés et des items contrôles afin de mettre en avant l'efficacité des ateliers par rapport à l'apprentissage spontané.

Concernant le choix des champs sémantiques, je me suis d'abord demandé : « Quels sont les thèmes susceptibles d'être les plus fonctionnels pour un enfant dans cette situation ? ». L'orientation temporelle, essentielle pour sécuriser l'enfant, n'a pas été élue, car elle était travaillée journellement en classe, avec l'institutrice. Afin de parfaire ma démarche, je me suis référée aux programmes scolaires de maternelle afin de savoir quel vocabulaire était attendu en cette phase (Portail national des professionnels de l'éducation, 2014). Je me suis également inspirée des thèmes utilisés en cours de Français Langue étrangère (FLE) (Le Point du FLE, n.d.).

Les thématiques gagnantes sont proposées dans un ordre d'importance décroissant, personnellement réfléchi : le schéma corporel, l'orientation spatiale couplée à la météo, les émotions/états/sentiments, le langage scolaire comprenant les objets et verbes d'action, et enfin les vêtements.

La tâche de sélection des 24 mots par champ sémantique, 12 Mots Travaillés (MT) et 12 Mots Contrôles (MC) fut beaucoup plus ardue. L'effet de fréquence jouant un rôle important dans l'apprentissage d'une langue, il fallait mesurer consciencieusement la fréquence de chaque mot potentiel pour déterminer sa participation à l'étude ou non. Je tiens à rappeler que la fréquence correspond au nombre d'apparitions d'un mot à l'intérieur d'un corpus. Pour cela, la base lexicale « NovLex » mise au point par Lambert & Chesnet en 2001 m'a été d'un précieux secours.

La « Novlex » m'a permis de choisir 12 mots fréquents par champ sémantique dont 6 apparaissent dans les MT et les 6 autres dans les MC, et 12 mots moins fréquents soumis au même système. Les tableaux ci-après présentent les vocables admis pour la composition des cinq lignes de base.

J'ai tenté dans la mesure du possible de répartir équitablement les mots de part et d'autre des MT et MC. Après réflexion tardive, le champ sémantique des émotions comporte des mots démesurément inappropriés pour des enfants de maternelle (et plus encore pour des enfants non francophones !) comme « douleur, perdu » ainsi que les synonymes « heureux-gai » et « fâché-en colère ». Pour ma défense, même si ce thème me semble essentiel à explorer avec des enfants, il n'en reste pas moins le plus complexe à aborder de par son caractère abstrait.

Le testing débutera par la phase expressive où les enfants dénommeront les photos qu'ils aperçoivent, puis s'enchaînera avec la phase réceptive leur demandant de désigner. L'élection des photos a triomphé face aux images, reflétant un aspect plus réel des éléments.

? La cotation

1 point est accordé pour un mot correctement dénommé ou désigné, 0.5 pour une dénomination acceptable énoncée à l'aide d'une ébauche orale phonémique, et 0 lorsqu'il y a absence de réponse ou réponse erronée. La prononciation ne sera pas prise en considération puisque ce n'est ni une épreuve de phonologie, ni une évaluation de l'articulation.

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? La création de comptines

SCHEMA
CORPOREL

Mots fréquents
travaillés

Mots moins
fréquents
travaillés

Mots fréquents
contrôles

Mots moins
fréquents
contrôles

 

Coude

Pied

Talon

 

Oeil

Cheveux

Ongle

 

Front

Bras

Narine

 

Nombril

Dos

Menton

 

Orteil

Dent

Genou

 

Pouce

Épaule

Cuisse

 

ORIENTATION
SPATIALE ET
METEO

Mots fréquents
travaillés

Mots moins
fréquents
travaillés

Mots fréquents
contrôles

Mots moins
fréquents
contrôles

 

Arc-en-ciel

Vent

En face

 

Chaud

Au milieu

Autour

 

Froid

Bas

Éclair

 

Neige

Haut

Lune

 

Carte

Dans

Pluie

 

Étoile

Loin

Nuage

 

EMOTIONS,
ETATS ET
SENTIMENTS

Mots fréquents
travaillés

Mots moins
fréquents
travaillés

Mots fréquents
contrôles

Mots moins
fréquents
contrôles

 

Dégoûté

Peur

Gai

 

Déçu

Surpris

Nerveux

 

Timide

Perdu

Fâché

 

Jaloux

Tranquille

Étourdi

 

Amoureux

En colère

Excité

 

Pressé

Malheureux

Douleur

 

LANGAGE
SCOLAIRE
(objets et
verbes
d'action)

Mots fréquents
travaillés

Mots moins
fréquents
travaillés

Mots fréquents
contrôles

Mots moins
fréquents
contrôles

 

Toilette

Regarder

Casser

 

Cahier

Montrer

Armoire

 

Ciseaux

Écouter

Ranger

 

Crayon

Feuille

Récréation

 

Découper

Jouer

Donner

 

Colle

Chaise

Gomme

 

VÊTEMENTS

Mots fréquents
travaillés

Mots moins
fréquents
travaillés

Mots fréquents
contrôles

Mots moins
fréquents
contrôles

 

Gilet

Chaussures

Veste

 

Moufle

Robe

Collant

 

Short

Bonnet

Cravate

 

Pull-over

Manteau

Anorak

 

Salopette

Casquette

Sandale

 

Maillot

Chemise

Blouson

 

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Ce projet était ambitieux, mais malheureusement je ne m'en suis pas aperçue de suite. En effet, une comptine a beau être courte et simple en surface, mais le temps et les ressources accordés à l'aménagement le sont moins.

Une comptine demande : d'intégrer les 12 vocables à travailler, d'adapter les autres mots de la formulette au niveau de vocabulaire d'un enfant de maternelle, de fabriquer une syntaxe peu complexe, de trouver des rimes et du sens au texte, d'élaborer des mélodies et rythmes différents pour chaque thématique en tenant compte du découpage syllabique marqué, de respecter la forme brève caractérisant les enfantines... Le parcours fut semé d'embûches. Je suis parvenue à les survoler, mais le manque de qualité s'en ressent.

Inventer des comptines, comme créer des chansons, demande beaucoup de temps, car c'est un véritable et rude exercice de composition. Il s'agit d'un métier à part entière. Elles vous seront présentées lors des activités logopédiques.

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Chapitre 2

Présentation des participants

Le recueil des informations ci-après a été effectué à partir d'un questionnaire parental, des parties consultables des dossiers, des connaissances de l'équipe scolaire ainsi que du Centre Psycho-Médico-Social (PMS) et d'une observation consciencieuse.

2.1 Necati

Brève anamnèse

- Prénom de l'enfant : Necati

- Date de naissance : 17 avril 2008

- Âge en début de prise en charge : 5 ans 8 mois

- Nationalité : Turque

- Langue parlée à la maison : le turc

- Fratrie : Mohamed (25 ans), et Dilahan (soeur jumelle, 5 ans 8 mois)

Il fréquente l'école Liberté depuis la Moyenne Section de Maternelle (MSM). Ses

parents, provenant de Turquie, lui parlent uniquement dans la langue turque au domicile.

Le père est arrivé 40 ans auparavant, tandis que la mère ne vit ici que depuis 5 ans.

Comportement en classe

Il joue seul, ou avec sa soeur. Il communique peu, mais seulement dans sa LM, n'utilise pas la gestuelle, et ne s'adresse jamais aux autres enfants. Les niveaux expressif et compréhensif en langue française sont fortement atteints. Enfant dit « étrange, mutique » selon le corps enseignant. Cela va à l'encontre de la description des parents qui atteste d'un garçon agité, bavard, s'amusant énormément avec sa soeur et appréciant l'univers scolaire.

Comportement au prétest

Avant de débuter, je lui pose de simples questions, ouvertes comme fermées : Necati me répondait toujours par un signe de tête signifiant « oui ». Il baisse la tête, ne me

Résultats obtenus au prétest

 

Dénomination

Désignation

Schéma corporel

MT : 0/12
MC : 0/12

MT : 3/12
MC : 0/12

Orientation spatiale et météo

MT : 0/12
MC : 0/12

MT : 1/12
MC : 0/12

Émotions, états, sentiments

MT : 0/12
MC : 0/12

MT : 2/12
MC : 1/12

Langage scolaire

MT : 0/12
MC : 0/12

MT : 2/12
MC : 1/12

Vêtements

MT : 2/12
MC : 2/12

MT : 4/12
MC : 1/12

 

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regarde pas dans les yeux. Il est très intimidé et se demande sans doute ce qu'il va se passer dans les prochaines minutes. Il me montre un désintéressement complet face à ce qui est disposé sur la table, et préfère regarder ailleurs. De lourdes expirations reflètent son envie d'en finir. La passation se vit comme un supplice extrême. À aucun moment il ne tente de communiquer. Lors de la dénomination, tous les éléments sont énoncés dans sa langue maternelle.

Commentaires relatifs au tableau

En dénomination, il n'est pas en possession de tout le vocabulaire adéquat, puisqu'il répète à de maintes reprises le même mot pour des images singulières, comme s'il ne voulait pas voir le détail que je m'évertuais à lui indiquer (exemple : [gebek] octroyé à « ventre » et « nombril », l'unique signification du mot étant « ventre »).

Les scores obtenus proviennent du hasard d'une part, en utilisant une stratégie consistant à constamment pointer de droite à gauche, et de la ressemblance phonétique entre certains mots français et des mots de la langue turque d'autre part. Je ne perçois aucune motivation à faire des efforts. Il se contente d'utiliser sa stratégie. Cela signifie que le niveau de compréhension est nul.

Necati est globalement en grande difficulté langagière. La barrière de la langue est un réel handicap pour lui, particulièrement sur le plan social. Je crains que le manque de motivation puisse lui jouer des tours en ce qui concerne l'apprentissage de la langue française. L'atelier « bain de langage » l'accueillera, pour avoir assisté à un moment de forte réticence lors de l'instant consacré à l'éveil musical, se déroulant en classe.

2.2 Dilahan

Brève anamnèse

- Prénom de l'enfant : Dilahan

- Date de naissance : 17 avril 2008

- Âge en début de prise en charge : 5 ans 8 mois

- Nationalité : Turque

- Langue parlée à la maison : le turc

Résultats obtenus au prétest

 

Dénomination

Désignation

Schéma corporel

MT : 0,5/12
MC : 0/12

MT : 0/12
MC : 2/12

Orientation spatiale et météo

MT : 0,5/12
MC : 0/12

MT : 2/12
MC : 0/12

Émotions, états, sentiments

MT : 0/12
MC : 0/12

MT : 3/12
MC : 5/12

Langage scolaire

MT : 0/12
MC : 0/12

MT : 1/12
MC : 2/12

Vêtements

MT : 2/12
MC : 1/12

MT : 8/12
MC : 5/12

 

33

- Fratrie : Mohamed (25 ans), et Necati (frère jumeau, 5 ans 8 mois)

Elle est arrivée également à l'école Liberté en MSM, mais elle ne parvient toujours pas à produire de mots en langue française de manière spontanée. Le père des deux enfants possède de vagues connaissances en langue française, qui lui ont permis de répondre à mes diverses demandes (questionnaire, autorisation). Cependant, la compréhension ainsi que l'expression de la mère sont nulles.

Comportement en classe

L'élément majeur qui la différencie de son frère réside dans le caractère et le comportement social. Elle n'hésite pas à participer non verbalement aux activités de la classe. En effet, Dilahan est souriante, volontaire, très enthousiaste par rapport aux animations musicales. Le mutisme et la passivité ne lui correspondent absolument pas. Lorsqu'elle entend un mot nouveau, elle tente de le répéter. La compréhension semble extrêmement réduite.

Comportement au prétest

Dilahan est très attentive à ce qui l'entoure, et paraît impatiente de réaliser ce que je m'apprête à lui demander. Sur le plan linguistique, tout comme son frère, elle communiquera ses réponses uniquement par le biais de sa LM. Nonobstant, elle use de son corps pour s'exprimer et transmettre toutes ses idées. Elle possède l'esprit de communication, et ne demande qu'à entrer en interaction avec autrui.

Commentaires relatifs au tableau

Lors de la dénomination, elle s'efforce de décrire entièrement l'image/l'objet, et ne me donne jamais qu'un seul mot. À cela, elle ajoute des gestes afin de corroborer ses propos. Malheureusement, je ne pouvais faire autrement que de l'encourager dans ce sens, toutefois en français. Il lui arrive d'utiliser un même mot pour plusieurs images différentes, et ses réponses ne sont pas toujours identiques à celles de son frère. Je ne possède tristement pas les ressources nécessaires dans la langue turque pour étudier ceci en profondeur.

L'explication des scores obtenus en désignation est la même explication que pour son frère. Il s'agit d'un mélange entre hasard, puisqu'elle pointait plusieurs fois la même

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image, et phonétique (exemples : toilettes, botte, pantalon, pyjama, cravate). Elle observait

sans arrêt mon regard, en espérant une approbation.

Les résultats expressifs et réceptifs indiquent que Dilahan a besoin d'une prise en charge logopédique de toute urgence. La compréhension déficitaire démontre que la langue française s'apparente à l'inconnu. L'ayant surprise à de nombreuses reprises à fredonner de jolies mélodies en classe, je l'ai alors dirigée vers l'atelier « comptine ».

Tentative d'analyse concise des réponses données en langue turque

Grâce à un outil de traduction internet (Google traduction, n.d.), j'ai souhaité savoir si les réponses données par les enfants dans leur LM correspondaient au mot cible attendu en français. Au moyen de mon clavier, je tapais le mot en langue française afin que l'outil le traduise à l'écrit, pour que je puisse finalement l'entendre oralement.

D'après mes légères recherches, les mots usités par Dilahan correspondraient en grande majorité aux mots attendus en français. Cependant, elle a tendance à généraliser en énonçant un unique mot pour deux images distinctes (exemple : [ajak] attribué à « jambe » et à « pied », alors que la signification du mot est « pied »).

Parler ici d'hyperonyme où « le jeune enfant ne possédant pas encore un vocabulaire suffisant, utilise fréquemment un terme pour plusieurs autres de la même catégorie » pourrait être admis (Dictionnaire d'Orthophonie, 2011).

En revanche, les réponses délivrées par Necati ne coïncident qu'exceptionnellement avec celles de sa jumelle. J'ai remué mes méninges pour savoir à quelle entité ses énoncés faisaient référence, mais en vain. Une plausible hypothèse permettant d'éclaircir ce mystère sera dévoilée un peu plus tard.

2.3 Naïsha

Brève anamnèse

- Prénom de l'enfant : Naïsha

- Date de naissance : 13 novembre 2008

- Âge en début de prise en charge : 5 ans 2 mois

Résultats obtenus au prétest

 

Dénomination

Désignation

 
 

Schéma corporel

MT : 1/12
MC : 1/12

MT : 11/12
MC : 9/12

Orientation spatiale et météo

MT : 4/12
MC : 0/12

MT : 11/12
MC : 2/12

Émotions, états, sentiments

MT : 1,5/12
MC : 2,5/12

MT : 5/12
MC : 4/12

Langage scolaire

MT : 3/12
MC : 5/12

MT : 11/12
MC : 11/12

Vêtements

MT : 2/12
MC : 1/12

MT : 8/12
MC : 8/12

 

-

35

- Nationalité : Pakistanaise

- Langue parlée à la maison : un dialecte ( le nom m'est inconnu)

- Fratrie : information non connu

Elle fréquente l'école Liberté depuis la MSM. Ses parents n'ont pas été en mesure de répondre à mes interrogations portant sur la vie familiale et le comportement de leur fille dans un cadre plus intimiste, ne maîtrisant absolument pas la langue française.

Comportement en classe

Très réservée, elle s'exprime très peu en classe et n'éprouve aucun plaisir à contribuer aux activités, excepté le moment libre où je peux l'observer danser sur les oeuvres musicales à succès ces derniers temps. Elle se dispute sans arrêt avec ses copines, notamment Dilahan (ceci s'est accentué avec le temps).

Comportement au prétest

Naïsha est très discrète. Elle est tellement timide qu'elle chuchote dès qu'elle donne une réponse, étant presque inaudible. Ses yeux trahissent son envie de communiquer, mais la barrière de la langue l'en empêche. Elle n'utilise pas la stratégie non verbale.

Commentaires relatifs au tableau

Si Naïsha ne parvient pas à donner de réponse, elle semble très triste et déçue d'elle-même. J'essayais de lui fournir des paroles aussi rassurantes que possible. J'ai pu remarquer qu'en désignation, elle procédait par élimination. Cependant, elle pouvait pointer une même image plusieurs fois, ce qui prouve bien que les points réussis ne sont pas toujours le fruit d'une réflexion, ni d'une connaissance. Fréquemment, son [?] se transforme en [s]. Elle inverse, omet, substitue des phonèmes (exemple : [saseynesap?]). Une syntaxe « sujet+verbe » apparaît quelquefois, ainsi que l'ajout d'un article devant le nom. Néanmoins, cela reste relativement rare.

Concernant les émotions, épreuve la plus difficile, car non concrète, elle ne proposait aucun mot en dénomination (excepté ceux où elle a obtenu les points). Sa réception est excellente concernant le domaine du langage scolaire.

36

Les scores en réception sont nettement supérieurs à ceux de ses copains de testing, en tenant bien compte qu'ils ne résultent pas toujours d'une connaissance réelle. Quant à l'aspect expressif, très pauvre, il n'est pas à négliger. Étant donné son engouement corporel lorsqu'une musique retentit en classe, j'ai pris le soin de placer Naïsha dans l'atelier « comptine ».

2.4 Ansarollah

Brève anamnèse

- Prénom de l'enfant : Ansarollah

- Date de naissance : 1er janvier 2008

- Âge en début de prise en charge : 6 ans

- Nationalité : Afghane

- Langue parlée à la maison : l'arabe

- Fratrie : 2 frères (un de 3 ans, l'autre de 7 ans)

Il fréquente l'école Liberté depuis le 25 novembre 2013. Sa mère ne s'exprime que

dans la LP, tandis que son père ne comprend que très peu de mots en français. C'est

pourquoi ils n'ont pu répondre à aucune de mes demandes.

Comportement en classe

À son arrivée, il paraissait perdu, sans repères. Les premières semaines, il ne s'adressait à personne. Mais nous avons pu finalement percevoir le son de sa voix, et constater qu'il n'était finalement pas si fermé que cela. Il aime la compétition : son but n'est pas de participer, mais de gagner. Il est, malgré les tours de parole non respectés, très attentif et curieux. Il se sociabilise de plus en plus. Avec ses copains, il parle tantôt en français, tantôt en arabe étant donné que plusieurs d'entre eux en ont la capacité.

Comportement au prétest

Ansarollah est très vif, extrêmement volontaire. Il ne reste pas muet et donne une réponse la plupart du temps, en émettant toutefois des erreurs phonétiques (exemple : remplace constamment le [?] qui n'a jamais été produit par [s]), et phonologiques

Résultats obtenus au prétest

 

Dénomination

Désignation

 
 

Schéma corporel

MT : 2,5/12
MC : 3/12

MT : 8/12
MC : 9/12

Orientation spatiale et météo

MT : 3/12
MC : 1/12

MT : 8/12
MC : 6/12

Émotions, états, sentiments

MT : 1/12
MC : 1,5/12

MT : 5/12
MC : 6/12

Langage scolaire

MT : 7/12
MC : 4,5/12

MT : 12/12
MC : 10/12

Vêtements

MT : 3/12
MC : 0,5/12

MT : 6/12
MC : 8/12

 

37

(inversion de phonèmes et syllabes, et omission de phonèmes). Il considère le testing comme un jeu, jalonné par plusieurs « J'ai gagné ? ». Ses yeux s'écarquillent lorsqu'il pense avoir trouvé la réponse attendue. Cette étude ne vise pas à s'attarder sur ce type d'erreurs, mais cela n'empêche pas de le signaler. Il mime beaucoup lors de la phase expressive, utilise le langage corporel pour appuyer ses dires. J'ai perçu une grande motivation de sa part lors de ces deux séances.

Commentaires relatifs au tableau

En désignation, il montre plusieurs fois une même image pour deux mots différents. Le temps de latence est important, et semble souvent pointer au hasard (domaine des émotions, notamment). Très bonne compréhension des termes scolaires. Parfois, il ajoute l'article au nom : il commet presque toujours des erreurs de genre. Il obtient davantage de points si les mots ont une fréquence plus marquée.

Bien que ses résultats, tant en expression qu'en compréhension, soient supérieurs à ceux de ses camarades, Ansarollah éprouve d'importantes difficultés à s'exprimer en langue française. En raison de son esprit compétiteur, et grâce à mon précieux temps d'observation en classe m'ayant appris que l'enfant n'appréciait pas spécialement la musique, il bénéficiera de l'atelier « bain de langage ».

Les différents scores obtenus lors de ce premier testing font ressortir les difficultés lexicales de ces enfants. À présent, il est temps d'apprendre en jouant...ou en chantant !

38

Chapitre 3

Exposition des activités logopédiques

Mon souhait le plus cher à travers ce travail était de parvenir à intégrer les petits d'Homme les moins aptes à s'exprimer verbalement dans la langue officiellement usitée en Wallonie, le français. L'objectif principal consistait à leur fournir un premier répertoire de mots fonctionnels de deux manières : soit à l'aide d'un atelier « bain de langage » comme à l'accoutumée, ou bien grâce à un atelier « comptine ». Dans les deux cas, je vise un enrichissement du vocabulaire.

Le langage verbal combiné au non verbal fonde, de mon point de vue, la recette idéale pour une communication emplie d'échanges variés. C'est pourquoi il me paraissait judicieux d'insérer, au sein des diverses activités ultérieurement développées, autant que possible le corps et la gestuelle. Cet autre support communicationnel pourrait également leur servir de sous-pape si le langage verbal peine à éclore.

Afin de répondre à mon questionnement originel : « La « comptine » et le « bain de langage » agissent-ils de la même manière au niveau de l'apprentissage d'un vocabulaire donné ? L'un ne s'avérerait-il pas plus efficace que l'autre ? », deux groupes composés de deux enfants chacun ont été confrontés aux 60 mots à travailler constituant les cinq champs sémantiques suivants :

- Le schéma corporel : « doigt, nez, oreille, bouche, ventre, jambe, coude, oeil, front, nombril, orteil, pouce ».

- L'orientation spatiale et la météo : « soleil, devant, derrière, sur, sous, entre, arc-en-ciel, chaud, froid, neige, carte, étoile ».

- Les émotions, états, sentiments : « heureux, malade, curieux, inquiet, triste, fatigué, dégoûté, déçu, timide, jaloux, amoureux, pressé ».

- Le langage scolaire (objets+verbes d'action) : « dessiner, fermer, ballon, libre, ouvrir, table, toilette, cahier, ciseaux, crayon, découper, colle ».

- Les vêtements : « chapeau, botte, jupe, pantalon, écharpe, pyjama, gilet, moufles, short, pull-over, salopette, maillot ».

Un même champ sémantique sera abordé pendant quatre séances matinales consécutives afin de hiérarchiser la progression. Une séance dure, comme à l'accoutumée, 30 minutes.

39

3.1 L'atelier « bain de langage »

L'énumération des champs sémantiques sera réalisée selon un ordre d'importance qui m'est propre. Afin de favoriser la communication et optimiser l'apprentissage du vocabulaire lors de ces séances, je pratiquais naturellement les consignes thérapeutiques destinées « bain de langage » développées dans la partie théorique (Docquier, 2013).

- Schéma corporel

Date de
la séance
(30 mn)

Objectifs où l'enfant sera capable

de...

Activités et consignes

20/01/14

- Joindre les deux parties du corps entendues

- Reconstruire le bonhomme en collant les dessins représentant les

12 parties du corps aux bons
endroits sur consigne verbale du thérapeute

« Jeu des statues »

 
 

10/02/14

- Se mettre dans ladite position en touchant/ joignant les parties du corps entendues

- Compléter sa planche en nommant

les différentes parties du corps

représentées par les photos
piochées

« Jacques a dit »

 
 

17/02/14

- Compléter le bonhomme en

dessinant les parties du corps
manquantes au tableau

- Déposer le plus rapidement
possible leurs cartes sur le tas en dénommant le symbole commun

« Dessine-moi »

 
 

24/02/14

- Nommer la partie du corps que le dé affiche

- Placer le stéthoscope sur la partie du corps en question

- Énoncer la phrase « J'écoute
mon/ma... »

« Allô docteur ? »

 
 

40

- Orientation spatiale et météo

Date de
la séance
(30 mn)

Objectifs où l'enfant sera capable

de...

Activités et consignes

24/02/14

- Compléter sa planche en nommant les différents éléments topologiques et météorologiques représentés par les photos piochées

« Loto d'orientation spatiale et météo »

 

10/03/14

-Apparier cartes où la souris occupe une même place

-Dénommer la position de la souris -Déposer le plus rapidement possible leurs cartes sur le tas en dénommant le symbole commun

« Où est la souris ? »

 
 

12/03/14

- Apparier les photos où l'élève et l'objet occupent la même position, et dénommer la position

- Reproduire le modèle photo en

dénommant et en plaçant
correctement les images mobiles

« Dis ma position ! »

 
 

14/03/14

-Dénommer la position représentée sur la carte, puis l'imiter avec le matériel disponible

- Placer l'élément énoncé par le

thérapeute le plus rapidement
possible dans la salle

« Mime et je devine ! »

 
 
 

41

- Émotions, états, sentiments

Date de
la séance
(30 mn)

Objectifs où l'enfant sera capable

de...

Activités et consignes

17/03/14

- Déposer le plus rapidement

possible leurs cartes sur le tas en dénommant le symbole commun

- Brandir la photo qui correspond à

leur ressenti à l'écoute d'une

musique tout en dénommant

l'émotion/l'état/ le sentiment
représenté

« Dobble des émotions »

 
 

18/03/14

- Associer 2 photos où deux

personnes différentes représentent

la même émotion tout en
dénommant cette dernière

- Sélectionner et coller plusieurs

photos représentant la même
émotion sur une page dédiée ladite émotion

« Associe-nous »

 
 

19/03/14

- Compléter sa planche en nommant

les différentes émotions

représentées par les photos
piochées

- Faire deviner une émotion à son camarade en la mimant

- Deviner l'émotion et énoncer son nom

« Loto des émotions »

 
 

21/03/14

- Apparier les photos identiques, et dénommer l'émotion représentée

« Memory des émotions »

 
 

- Langage scolaire (objets + verbes d'action)

Date de
la séance
(30 mn)

Objectifs où l'enfant sera capable

de...

Activités et consignes

21/03/14

- Retrouver l'action/l'objet cible

sur la photo, la/le nommer puis déposer l'élément mobile sur la photo

« OEil de lynx »

 
 

42

24/03/14

- Mimer l'objet ou l'action dictés

« Mime et je devine »

 

par la photo piochée pour les faire deviner à son camarade

- Les enfants, à l'aide des photos du loto, doivent mimer les objets/actions affichés pour

 

- Nommer l'objet ou l'action mimés

que leur camarade puisse les identifier et les

 

- Compléter sa planche en nommant

nommer.

 

les différents éléments scolaires

« Loto du langage scolaire »

 

représentés par les photos piochées

- Les enfants doivent placer les photos mobiles piochées sur ses deux planches de six éléments afin de la remplir entièrement.

26/03/14

- Toucher l'objet dans le sac

« Touche et devine »

 

opaque, deviner son identité et le

- Les enfants doivent reconnaître l'objet caché

 

nommer

dans un sac opaque au moyen de leur sens du

 

- Demander à son camarade la carte

toucher.

 

qu'il désire obtenir pour gagner une

« O-pairez »

 

paire

- Les enfants doivent se demander à tour de rôle les photos souhaitées pour reconstituer les paires. Chacun a 4 cartes en main, le reste étant la pioche.

27/03/14

- Déposer le plus rapidement

« Dobble du langage scolaire »

 

possible leurs cartes sur le tas en

- Les enfants doivent se débarrasser rapidement

 

dénommant le symbole commun

de leurs cartes comportant 3 photos

 

- Dessiner (recopier)

représentant un élément du langage scolaire.

 

approximativement l'image/la

Une photo d'une carte sera toujours commune

 

photo afin de faire deviner

à une celle d'une autre.

 

l'objet/l'action à son camarade

« Pictionnary »

 

- Énoncer l'objet/l'action lorsqu'il

- Les enfants doivent recopier au tableau

 

pensera avoir deviné

l'élément du langage scolaire situé sur la carte pour que le camarade puisse le deviner et l'énoncer. Si trop compliqué, ils peuvent s'aider des mimes.

 

- Vêtements

Date de
la séance
(30 mn)

Objectifs où l'enfant sera capable

de...

Activités et consignes

28/03/14

- Déposer les cartes-vêtements sur l'arbre de la saison approprié en dénommant l'habit

- Apparier deux mêmes cartes, et les dénommer pour les gagner

« Respectons la saison »

 
 
 

43

31/03/14

- Déposer le plus rapidement

possible leurs cartes sur le tas en dénommant le symbole commun - Vêtir leur personnage avec les habits énoncés par le thérapeute

« Dobble des vêtements »

 
 

02/04/14

- Compléter sa planche en

nommant les différents vêtements représentés par les photos piochées - Dénommer le vêtement affiché sur la carte, aller le chercher dans le bac, puis s'en vêtir

« « Loto des vêtements »

 
 

04/04/14

- Être le plus rapide à se

débarrasser de ses cartes en
retrouvant le vêtement similaire sur le plateau et en le nommant

« OEil de lynx »

 
 

44

3.2 L'atelier « comptine »

Une comptine correspond à un champ sémantique, il y en a donc cinq. Ceci me semblait être le meilleur compromis pour favoriser la mémorisation. Nous répétions entièrement la formulette 3 à 4 fois par séance. Au fur et à mesure, le nombre d'objectifs augmente, ces derniers étant censés s'automatiser progressivement. Le premier contact avec une comptine s'établit généralement avec un média audiovisuel : moment d'écoute où je leur présente la comptine entière avec l'instrument, à tempo normal dans un premier temps puis ralenti ensuite où l'articulation des mots est davantage marquée. Une vidéo est uniquement consacrée à l'instrumentale, afin que je puisse chanter et mimer avec les filles. Les mots cibles étaient entourés de différentes couleurs. Concernant les illustrations, j'utilisais au départ des représentations dessinées, pour les supplanter ultérieurement par des photos se rapprochant davantage de la réalité. Les « blancs » correspondent aux mots cibles.

- Schéma corporel

Date de la séance
(30 mn)

Objectifs où l'enfant sera
capable de...

Comptine

20/01/14

- Écouter la nouvelle comptine - Fredonner la mélodie

- Associer les gestes aux mots entourés

« Un peu de gym »

Je touche mon nez avec mon pouce

10/02/14

- Associer les gestes aux mots entourés

- Pointer le dessin approprié à l'écoute du mot cible

 

17/02/14

- Associer les gestes aux mots entourés

- Pointer le dessin approprié à l'écoute du mot cible

- Compléter les « blancs » de la comptine en s'aidant des dessins

 
 
 
 
 

24/02/14

- Associer les gestes aux mots entourés

- Pointer le dessin approprié à l'écoute du mot cible

- Compléter les « blancs » de la comptine en s'aidant des dessins

 
 

45

- Orientation spatiale et météo

Date de la séance
(30 mn)

Objectifs où l'enfant sera
capable de...

Comptine

26/02/14

- Écouter la nouvelle comptine - Fredonner la mélodie

- Associer les gestes/mimes aux mots entourés

« Le temps rêvé »

Je me réveille, il y a du soleil

10/03/14

- Associer les gestes/mimes aux mots entourés

- Pointer le dessin approprié à l'écoute du mot cible

 

12/03/14

- Associer les gestes/mimes aux mots entourés

- Pointer le dessin approprié ou se placer correctement (parcours créé pour la topologie) à l'écoute du mot cible

- Compléter les « blancs » de la comptine en s'aidant des dessins

 
 
 
 
 
 
 
 

14/03/14

- Associer les gestes/mimes aux mots entourés

- Pointer le dessin approprié ou se placer correctement (parcours créé pour la topologie) à l'écoute du mot cible

- Compléter les « blancs » de la comptine en s'aidant des dessins

 
 
 
 

- Émotions, états, sentiments

Date de la séance
(30 mn)

Objectifs où l'enfant sera
capable de...

Comptine

14/03/14

- Écouter la nouvelle comptine - Fredonner la mélodie

- Associer les gestes/mimiques aux mots entourés

« États d'âme ! »
Aujourd'hui, je suis heureux

 

17/03/14

- Associer les gestes/mimiques aux mots entourés

- Brandir la photo représentative du mot entendu

 
 
 

18/03/14

- Associer les gestes/mimiques aux mots

- Brandir la photo représentative du mot entendu

- Compléter les « blancs » de la comptine en s'aidant des photos

 
 
 
 
 

19/03/14

- Associer les gestes/mimiques aux mots

 
 
 

- Brandir la photo représentative du mot entendu

- Compléter les « blancs » de la comptine en s'aidant des photos

 

46

- Langage scolaire ( objets + verbes d'action)

Date de la séance
(30 mn)

Objectifs où l'enfant sera
capable de...

Comptine

19/03/14

- Écouter la nouvelle comptine - Fredonner la mélodie

- Associer les gestes/mimes aux mots entourés

« Jour d'école ! »

Ce matin s'ouvre la porte

21/03/14

- Associer les gestes/mimes aux mots entourés

- Brandir la photo représentative du mot cible et la coller à proximité de ce dernier

 
 
 

24/03/14

- Associer les gestes/mimes aux mots

- Brandir la photo représentative du mot cible et la coller à proximité de ce dernier

- Compléter les « blancs » de la comptine en s'aidant des photos

 
 
 
 
 
 

26/03/14

- Associer les gestes/mimes aux mots

- Brandir la photo représentative du mot cible et la coller à proximité de ce dernier

- Compléter les « blancs » de la comptine en s'aidant des photos

 
 

47

- Vêtements

Date de la séance
(30 mn)

Objectifs où les enfants seront
capables de...

Comptine

28/03/14

- Écouter la nouvelle comptine - Fredonner la mélodie

- Sauter sur les vêtements étalés par terre à l'écoute du mot cible

« Pas tout nu, une tenue ! »
En été, pas besoin de gilet

31/03/14

- Sauter sur les vêtements étalés par terre à l'écoute du mot cible - Brandir le vêtement entendu et l'enfiler

 
 

02/04/14

- Sauter sur les vêtements étalés par terre à l'écoute du mot cible - Brandir la photo représentative du mot cible entendu et la coller à proximité de ce dernier

- Compléter les « blancs » de la comptine en s'aidant des photos

 
 
 
 
 

04/04/14

- Sauter sur les vêtements étalés par terre à l'écoute du mot cible - Brandir la photo représentative du mot cible entendu et la coller à proximité de ce dernier

- Compléter les « blancs » de la comptine en s'aidant des photos

 
 

Les 20 séances respectives des ateliers « bain de langage » et « comptine » ont-elles amélioré le stock lexical (en expression et en réception) des enfants de la même manière ? Pour le savoir, les enfants ont été confrontés derechef à la passation du test de départ. Le chapitre suivant examine la question.

Comparaison prétest/postest :

 

Dénomination

Désignation

 
 
 

POSTEST

PRETEST

POSTEST

Schéma corporel

MT : 0
MC : 0

MT : 5,5
MC : 2

MT : 3
MC : 0

MT : 12
MC : 7

Orientation spatiale et
météo

MT : 0
MC : 0

MT : 4
MC : 3,5

MT : 1
MC : 0

MT : 10
MC : 3

Émotions, états, sentiments

MT : 0
MC : 0

MT : 2
MC : 0,5

MT : 2
MC : 1

MT : 2
MC : 0

Langage scolaire

MT : 0
MC : 0

MT : 9
MC : 6,5

MT : 2
MC : 1

MT : 12
MC : 7

Vêtements

MT : 2
MC : 2

MT : 6,5
MC : 3,5

MT : 4
MC : 1

MT : 8
MC : 3

 

48

Chapitre 4

Présentation des résultats

Cette partie permettra d'exposer, d'analyser, de comprendre et de comparer les résultats obtenus au testing final.

4.1 Necati

Observation du comportement en séance et en classe :

Necati fut absent trois séances. Sur les deux activités proposées en séance, il participait à l'une, quelquefois à l'autre. Il était généralement renfermé, et n'ouvrait quasiment pas la bouche. Les techniques d'aide à la production ne fonctionnaient que très rarement avec lui. Il appréciait particulièrement les Lotos et les Dobbles, puisqu'il ne se sentait pas forcé d'énoncer un mot pour remporter le jeu. Je ne percevais pas de motivation chez lui. Il préférait regarder en l'air plutôt que d'être attentif à l'activité. Néanmoins, lorsqu'il ne souhaitait plus jouer, il venait tout de même en aide à son copain en lui soufflant la réponse correcte (très impressionnant puisqu'inattendu). Au niveau de la classe, une progression sur le plan pragmatique est indéniable : il regarde désormais les personnes qui l'entourent, et n'hésite pas à ouvrir une communication. Il utilise cependant constamment sa LM pour s'exprimer, mais cela ne freine aucunement les échanges avec ses camarades qui lui répondent en français (très drôle à contempler). Les progrès de Necati sont présents, mais demeurent modestes. Il me paraît essentiel de préciser qu'au cours de l'année, divers professionnels de la santé ont suspecté de l'autisme. Aujourd'hui, ceci n'est pas encore confirmé.

4.2 Dilahan

Observation du comportement en séance et en classe :

Dilahan, tout comme son frère, a été absente à trois reprises. Elle venait toujours le sourire aux lèvres en séance. Elle se montrait très volontaire, extrêmement enthousiaste à

Comparaison prétest/postest (Dilahan) :

 

Dénomination

Désignation

 

POSTEST

PRETEST

POSTEST

Schéma corporel

MT : 0,5
MC : 0

MT : 8,5
MC : 1

MT : 0
MC : 2

MT : 12
MC : 6

Orientation spatiale et
météo

MT : 0,5
MC : 0

MT : 11
MC : 0,5

MT : 2
MC : 0

MT : 12
MC : 6

Émotions, états, sentiments

MT : 0
MC : 0

MT : 8,5
MC : 3

MT : 3
MC : 5

MT : 10
MC : 2

Langage scolaire

MT : 0
MC : 0

MT : 7,5
MC : 3

MT : 1
MC : 2

MT : 12
MC : 9

Vêtements

MT : 2
MC : 1

MT : 7
MC : 1,5

MT : 8
MC : 5

MT : 10
MC : 4

 

Comparaison prétest/postest (Naïsha) :

 

Dénomination

Désignation

 

POSTEST

PRETEST

POSTEST

Schéma corporel

MT : 1
MC : 1

MT : 9
MC : 5,5

MT : 11
MC : 9

MT : 12
MC : 12

Orientation spatiale et
météo

MT : 4
MC : 0

MT : 10
MC : 4

MT : 11
MC : 2

MT : 12
MC : 12

Émotions, états, sentiments

MT : 1,5
MC : 2,5

MT : 9
MC : 4

MT : 5
MC : 4

MT : 12
MC : 10

Langage scolaire

MT : 3
MC : 5

MT : 12
MC : 8

MT : 11
MC : 11

MT : 12
MC : 12

Vêtements

MT : 2
MC : 1

MT : 11
MC : 3

MT : 8
MC : 8

MT : 12
MC : 12

 

49

l'idée de chanter. Elle aimait toucher au ukulélé (grande source de motivation) en début de séance, pour se défouler : elle était bien plus attentive ensuite. Souvent, elle s'inspirait des dires et mouvements qu'exécutait Naïsha. Elle a toujours su associer son langage non verbal au verbal. Ses productions se réalisent majoritairement en langue turque. Il était très difficile et frustrant pour ma part de ne pas la comprendre, mais je ne la laissais pourtant jamais sans retour oral. Sa concentration s'estompait lors des dernières séances, se disputant sans cesse avec Naïsha pour être « la première » à montrer et donner la réponse (bien qu'ayant instauré le tour de parole). Elle est parvenue à s'intégrer dans plusieurs groupes, et a su se faire une place au sein de la classe. Dès qu'elle me voyait entrer, elle aimait dire les mots, tout en me montrant leur représentation concrète, qu'elle avait retenus de la fois passée (signe de transfert hors contexte). Je l'entendais souvent fredonner la mélodie d'une comptine lorsqu'elle jouait. Les séances privilégiées (lorsque Naïsha était absente) semblaient favoriser ses capacités attentionnelles. Les progrès de Dilahan sont incontestables : l'atelier « comptine » lui convenait parfaitement et semble avoir porté ses fruits.

4.3 Naïsha

Observation du comportement en séance et en classe :

Quatre séances se sont déroulées sans la présence de Naïsha. Elle venait en séance logopédique en fredonnant la comptine du moment, et avec plaisir, certainement parce qu'elle se sentait écoutée. Sa timidité s'est atténuée au fur et à mesure. La séance s'amorçait avec son désir de nous conter un événement qui l'avait marquée. Elle s'exprimait avec une syntaxe déstructurée faite de mots-clés. Elle a pris confiance elle, et le risque de commettre une erreur verbale de l'effrayait plus. Sa curiosité l'amenait à s'intéresser d'emblée à la nouvelle comptine proposée, ainsi qu'aux illustrations/photos. L'instant de ukulélé animé par Dilahan dévoilait les talents de danseuse de Naïsha : un rituel de début de séance s'est installé. Au début régnait une complicité flagrante avec sa camarade, mais les querelles finales l'ont emportée et l'atmosphère s'est dégradée au profit des discordes. L'atelier « comptine » paraissait adéquat pour Naïsha, Une belle évolution ressort également.

Comparaison prétest/postest :

 

Dénomination

Désignation

 
 
 

POSTEST

PRETEST

POSTEST

Schéma corporel

MT : 2,5
MC : 3

MT : 10
MC : 2

MT : 8
MC : 9

MT : 10
MC : 9

Orientation spatiale et météo

MT : 3
MC : 1

MT : 12
MC : 3

MT : 8
MC : 6

MT : 12
MC : 12

Émotions, états, sentiments

MT : 1
MC : 1,5

MT : 9,5
MC : 4

MT : 5
MC : 6

MT : 11
MC : 10

Langage scolaire

MT : 7
MC : 4,5

MT : 12
MC : 11

MT : 12
MC : 10

MT : 12
MC : 12

Vêtements

MT : 3
MC : 0,5

MT : 10,5
MC : 4

MT : 6
MC : 8

MT : 12
MC : 12

 

50

4.4 Ansarollah

Observation du comportement en séance et en classe :

Ansarollah n'a jamais été absent, est était excité et motivé à l'idée de venir jouer. Il a également eu droit à des séances privilégiées, où, beaucoup moins influencé par les comportements de son copain, il était plus attentif et participatif. Il répétait le mot en français dès que j'en énonçais, et s'essayait à faire des phrases de temps en temps. Compétiteur et absorbé par le jeu, il en oubliait le tour de paroles. Il s'exprimait énormément, verbalement comme corporellement. Le « code- switching » était particulièrement présent chez lui.

Actuellement, Ansarollah s'est intégré et s'entend avec la majeure partie de la classe. Il ne craint plus d'aller vers les autres et aime le contact social. Régulièrement, j'ai pu observer qu'il réalisait des transferts puisqu'il me demandait de faire le « jeu du docteur », le « jeu des statues » (alors que je n'ai prononcé ces mots à de rares occasions) et s'amusait à regarder et oraliser les diverses émotions de ses camarades lors de la collation (exemple : « Rafael est dégoûté, il n'aime pas »). Sur le plan lexical, il a nettement progressé. La syntaxe se met doucement en place. On peut dire que l'atelier « bain de langage » lui fut véritablement profitable.

Au cours de ces 20 séances, j'ai pu apercevoir une évolution globale des enfants. En revanche, l'apparition d'une variabilité interindividuelle pourrait s'expliquer notamment par l'intérêt, la motivation, et la personnalité de chacun. Cette expérience me permet d'affirmer que ces facteurs jouent un rôle déterminant dans une telle prise en charge.

Concernant les filles, toutes les deux se sont ouvertes à moi, ainsi qu'aux autres élèves de la classe. Désormais, aucune ne reste dans son coin. Lors des dernières séances plus particulièrement, elles se mettaient à essayer de me conter leurs activités de la veille, tentaient de me confier leurs états d'âme. La syntaxe ne se construisait pas convenablement, mais elles parvenaient à énoncer des mots clés que nous n'avions pas forcément vus ensemble. J'ai pu m'apercevoir que l'apprentissage de la comptine dans son entièreté était impossible. Le vocabulaire retenu résidait essentiellement dans les mots

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travaillés, et ceux situés en fin de vers. J'ai pu également constater que les rimes apportaient une aide considérable en matière de restitution de mots. Cet « éveil » au langage musical et verbal semblait adapté à leur tempérament.

Quant aux garçons, malgré une forte timidité ambiante au départ, Ansarollah s'est montré beaucoup plus réceptif que son camarade tout au long de l'aventure. Il participait de bon coeur se livrant à l'apprentissage par essais et erreurs, tandis que Necati au tempérament plus réservé, réticent, méfiant et distrait préférait rester en retrait. L'indifférence de ce dernier l'a conduit à ne produire que très peu de mots en séance, et la faible progression s'en ressent. Il m'est impossible de partager un avis sur la syntaxe, puisqu'il ne s'est jamais essayé à la combinaison de plusieurs mots. En revanche, Ansarollah créait, au fur et à mesure, ses propres phrases de plus en plus étoffées en y plaçant spontanément les vocables travaillés. La méthode de rééducation classique du langage oral autrement appelée « bain de langage » n'a malheureusement pu profiter à l'ensemble du binôme en dépit de son aspect ludique et diversifié.

Les comptines se sont révélées être un moyen efficace dans l'apprentissage d'un vocabulaire donné. Cependant, elles ne surpassent pas l'efficacité du « bain de langage » dans la matière, mais se contentent de l'égaler.

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Il est temps d'avoir une

DISCUSSION

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À travers cette étude, je me suis passionnée pour les jeunes enfants non francophones, déracinés de leur culture et de leur langue maternelle dès le processus de fréquentation scolaire enclenché. Des difficultés langagières découlent des complications pragmatiques, donc d'intégration. Je me suis penchée sur l'utilité du « bain de langage » et de la « comptine », deux procédés opérant en rééducation logopédique du langage oral, dans la phase d'apprentissage du vocabulaire, afin de savoir lequel des deux s'avérait être le plus fructueux.

Quatre enfants ont été sélectionnés, répondant aux critères d'inclusion précédemment cités. La seule observation permettait de dire que ces jeunes avaient un niveau de vocabulaire, en expression comme en production, beaucoup plus faible que celui des autres élèves de classe. Par conséquent, je n'ai pas jugé pertinent de leur administrer un test étalonné comme la N-EEL (dont l'échantillon se compose d'enfants francophones) pour effectuer une comparaison, sachant que les résultats allaient obligatoirement être égaux ou inférieurs à -2 ET (écart-type) et que l'interprétation allait se résoudre à une analyse qualitative. Par ailleurs, les items intégrant les différentes épreuves de lexique et de vocabulaire n'étaient pas indiqués pour la suite des événements, d'où la création de cinq lignes de base bâties uniquement sur des épreuves de dénomination et désignation.

Le choix des champs sémantiques, au nombre réduit, m'a paru difficile. Evidemment, l'attrait fonctionnel a déterminé la sélection. Les notions temporelles, importantes car rassurantes, devaient être inculquées mais, trop difficiles à illustrer et déjà abordées un minimum en classe, j'ai préféré laisser ce concept à l'enseignante.

Les résultats au prétest, logiquement attendus, ne font pas l'objet d'un franc succès. On peut assimiler la détresse de Necati et Dilahan à un gouffre lexical. La réception est aussi atteinte que la production, et l'effet de fréquence d'un mot en langue française ne semble pas avoir d'impact chez eux. Les quelques réussites sont dues à aux ressemblances phonétiques de quelques mots turcs et français (exemples : bottes, pantalon, pyjama, toilettes), mais également à la part de hasard qu'on ne peut écarter. Il est à noter que Necati utilise, pour la désignation (sélection d'une photo parmi quatre), sa stratégie consistant à désigner quasi constamment les photos en allant de droite à gauche. En ce qui concerne

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Naïsha et Ansarollah, légèrement plus avancés lexicalement que leurs camarades, les scores en réception surpassent nettement ceux en production. L'effet de fréquence semble, ici aussi, jouer un rôle minime dans la connaissance du vocabulaire.

Concernant la fréquence des mots présente au sein de cette expérience, il faut savoir que le but premier n'était pas de démontrer l'impact qu'elle pouvait avoir sur l'apprentissage lexical. Si des mots fréquents et moins fréquents apparaissent, c'est simplement parce qu'il est extrêmement difficile de trouver 24 mots appartenant à un même champ sémantique et de fréquence approximativement égale. La question était plus d'ordre pragmatique ici. Aussi, les effets de fréquence ne ressortaient pas suffisamment dans les résultats finaux, justifiant ainsi l'absence d'évocation de la fréquence dans les tableaux. L'essentiel était de s'attarder davantage sur la comparaison entre les mots travaillés et les mots contrôles, afin de souligner les bénéfices d'une prise en charge logopédique en langage oral, quelle qu'elle soit.

L'objectif d'augmenter le stock lexical des enfants en production et en réception était commun aux deux méthodes. Au départ, je ne souhaitais pas réaliser les séances si le binôme n'était pas au complet. Ceci m'a fait perdu un temps précieux, puisque j'ai pu remarquer que le taux d'absentéisme à l'école maternelle était très élevé. De cette perte de temps, il en découle des séances logopédiques très rapprochées et régulières entraînant sans aucun doute des répercussions mélioratives sur l'apprentissage des jeunes avec une rétention plus efficiente en comparaison avec une séance hebdomadaire. En m'adaptant suite aux conseils de professionnels, quelques séances se sont déroulées en compagnie d'un seul élève.

Le « bain de langage » m'a paru tout à fait adapté pour les deux participants du projet. Il semble convenir aux enfants compétiteurs et introvertis. La relation patient-thérapeute a été difficile à établir au début en raison de la méfiance des enfants et de l'incompréhension de la langue française. Les consignes précises et souvent redondantes installaient progressivement un climat de sécurité, poussant l'enfant à s'exprimer de plus en plus aisément. Lorsque la timidité s'atténuait, la prise de parole spontanée devenait régulière créant ainsi un temps d'échanges particuliers. Un atout non négligeable est le fait que la séance comporte deux activités, captivant davantage l'enfant et signifiant qu'il est

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confronté plus d'une fois au vocabulaire cible, ce qui renforce la mémorisation. Enfin, les diverses techniques d'aide à l'expression verbale (exemple : la verbalisation parallèle), également pratiquées en guidance parentale, permettent au thérapeute d'intervenir lorsque cela est nécessaire et ne laissent pas l'enfant dans l'erreur.

La « comptine », quant à elle, stimule grandement l'oreille musicale et donne des indices sur la structure syntaxique de la langue, bien que l'opportunité d'expression naturelle et spontanée ne soit pas forcément offerte aux enfants. Dans ces conditions, il est

ardu de s' « entraîner » à la construction syntaxique. La répétition favorise la
mémorisation engendrant l'ancrage des mots, certes. Il est alors possible d'absorber du vocabulaire dans un contexte unique, mais il est fort probable que le transfert en soit moins facilité. Contrairement au « bain de langage », les enfants ne peuvent pas appliquer la méthode des essais et erreurs puisque la « comptine » pédagogique est déjà établie : l'improvisation n'y a pas réellement sa place. En revanche, un point plus que profitable associé aux comptines est la gestuelle. Celle-ci constitue un moyen d'aide excellent pour encourager la compréhension, et amuse les enfants de surcroit. Elle a entièrement sa place en logopédie, mais il faudrait préférer son incorporation dans le « bain de langage » plutôt que de l'utiliser seule.

Cette expérience m'a appris à relativiser. Il y a des bienfaits à saisir dans toute chose, mais des limites surgissent inévitablement.

Il est certain que ce projet dans sa globalité présente, lui aussi, certaines limites. La taille de l'échantillon extrêmement réduite, l'absence de tests étalonnés réservés aux jeunes bilingues pour évaluer les difficultés langagière précises et les capacités cognitives des enfants représentent les principales imperfections de la méthodologie. En effet, en cours d'année, des spécialistes médicaux ont détecté des anomalies de développement chez Necati, ce qui pourrait expliquer la faiblesse des derniers résultats par rapport à ses camarades. D'autre part, les supports des comptines ont été améliorés graduellement. La création de comptines aurait pu être accompagnée d'un livre d'illustrations conçues par un professionnel, pour un affinement de la compréhension doublé d'un attrait et d'une évasion encore plus intenses. Par ailleurs, la qualité ne s'en trouverait qu'améliorée. Il ne s'agirait

56

pas pour autant de supprimer la mimo-gestualité contribuant également à la compréhension.

Ce mémoire me permet désormais de répondre à ma problématique de départ. Les résultats ne mettent manifestement pas en évidence une différence d'efficacité dans l'apprentissage du vocabulaire entre l'atelier « bain de langage » et l'atelier « comptine ». Tous deux demeurent complémentaires. Au-delà du fait de valider ou d'invalider mon hypothèse initiale, j'affirmerais qu'une telle expérience sur le terrain enrichit inéluctablement autant les connaissances que les compétences logopédiques.

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Conclusion générale

Ce cheminement était destiné à fournir une réponse à l'hypothèse de départ, penchant pour une efficacité supérieure de la pratique des comptines dans l'apprentissage du lexique chez des enfants de migrants âgés de 5 à 6 ans, par rapport à l'activité du « bain de langage ».

L'expérience réalisée ne vient pas corroborer cette supposition : les apports lexicaux livrés chez tous les enfants, bien que l'échantillon soit limité, rencontrent des similitudes. La « comptine » et le « bain de langage » semblent agir de manière équivalente. Tous deux permettent de faciliter les apprentissages, et ce, à un degré analogue. Néanmoins, on ne pourra pas enlever au « bain de langage » sa spécificité des contextes multiples permettant sans aucun doute un meilleur transfert.

Les recherches théoriques ont su m'éclairer et ont permis d'appuyer mes dires. Les savoirs au niveau des forces émanant de la comptine et les connaissances sur le développement langagier (centré sur le lexique) d'un jeune enfant en une situation particulière de bilinguisme se sont consolidés.

Dans ce travail, le point personnel essentiel à retenir pour une future pratique professionnelle est que l'évolution des enfants diffère en raison de facteurs variés dont font partie la personnalité, la motivation, sans négliger les capacités cognitives présentes à l'instar de la mémoire. Aussi, le développement de l'enfant ne peut être abordé sans parler de l'intelligence, de qui il dépend fortement. La diversité humaine entraîne obligatoirement une prise en charge adaptée à chacun, ce qui rend compte de la richesse du métier de logopède.

Si je devais poursuivre un travail axé sur la comptine, le « bain de langage » ayant déjà fait ses preuves à maintes reprises, je pense qu'il serait intéressant de se focaliser sur d'autres aspects spécifiques de cette dernière, par exemple les rimes et les conséquences engendrées sur la métaphonologie. Aussi, les comptines nommées virelangues et les relations entretenues avec l'acquisition du système phonologique chez un enfant de migrant pourraient annoncer un projet fascinant. Enfin, les débuts de liens tissés ici entre comptine et lecture devraient connaître un approfondissement.

58

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ANNEXES

ANNEXE 1. Testing schéma corporel

II

ANNEXE 2. Testing orientation spatiale et météo

III

ANNEXE 3. Testing émotions, états, sentiments

ANNEXE 4. Testing langage scolaire

IV

52

V

ANNEXE 5. Testing vêtements

VI

ANNEXE 6. Questionnaire remis aux parents en début d'année scolaire

Liège, le 5 mars 2014

he

· be

 
 

VII

Chers parents,

Dans le cadre de mon Travail de Fin d'Etudes, j'organise depuis plusieurs semaines diverses activités logopédiques au sein de la classe de 36' maternelle à l'école Liberté. Il se pourrait fortement que je prenne des photos/vidéos de ces exercices, où votre enfant apparaîtrait également, afin d'illustrer mes propos lors d'une prochaine présentation orale.

Cependant, cela ne peut se faire sans votre approbation. Ci-dessous vous est présenté un formulaire que je vous laisse le soin de remplir, qui me permettra de connaître votre décision et de m'y adapter.

Je vous prie d'agréer, chers parents, l'expression de mes salutations distinguées.

Lisa MARTIN, stagiaire logopède en 3`°e bac

Je soussigné (e)

!~ ~.... utorise n'autorise pas Lisa Martin,

étudiante en logopédie à la HEL, à utiliser dans le cadre de son TFE, tout support sonore, vidéo ou photo de mon enfan_lki.ATr!...., à des fins exclusivement pédagogiques.

Date et signature : îi.9/9 1 J 4 i/

ANNEXE 7. Demande d'autorisation parentale pour le droit à l'image

VIII

Lel~,

Liège, le 5 mars 2014

Chers parents,

Dans le cadre de mon Travail de Fin d'Etudes, j'organise depuis plusieurs semaines diverses activités logopédiques au sein de la classe de 3eme maternelle à l'école Liberté. Il se pourrait fortement que je prenne des photos/vidéos de ces exercices, où votre enfant apparaîtrait également, afin d'illustrer mes propos lors d'une prochaine présentation orale.

Cependant, cela ne peut se faire sans votre approbation. Ci-dessous vous est présenté un formulaire que je vous laisse le soin de remplir, qui me permettra de connaître votre décision et de m'y adapter.

Je vous prie d'agréer, chers parents, l'expression de mes salutations distinguées.

Lisa MARTIN, stagiaire logopède en Sème bac

Je soussigné (e). (autori / n'autorise pas Lisa Martin,

étudiante en logopédie à la TEL, à utiliser dans le cadre de son TFE, tout support sonore, vidéo ou photo de mon enfant _ 4.4iMS., à des fins exclusivement pédagogiques.

Date et signature :

ANNEXE 8. Demande d'autorisation parentale pour le droit à l'image

Résumé :

Ce travail se consacre à l'étude de l'efficacité respective du « bain de langage » et de la « comptine » en ce qui concerne l'enrichissement du vocabulaire chez un enfant de migrant scolarisé en grande section de maternelle. Pour ce faire, deux ateliers constitués de deux enfants chacun ont été créés afin d'effectuer une comparaison entre les deux domaines. L'un prévaut-il l'autre ?

Mots-clés : immigration - enfant - lexique - vocabulaire - comptine - bain de langage






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo