Année académique 2013-2014 Session de
Juin
HAUTE ECOLE DE LA VILLE DE LIEGE CATEGORIE PARAMEDICALE
COMPTINES SUR LE BOUT DE LA
LANGUE L'apport des comptines dans l'apprentissage du lexique
chez des enfants de migrants scolarisés en maternelle
Comparaison entre un atelier « bain de langage » et un
atelier « comptine »
Travail de Fin d'Études présenté
par Lisa Martin en vue de l'obtention du baccalauréat en
logopédie
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HAUTE ECOLE DE LA VILLE DE LIEGE CATEGORIE PARAMEDICALE
COMPTINES SUR LE BOUT DE LA
LANGUE L'apport des comptines dans l'apprentissage du lexique
chez des enfants de migrants scolarisés en
maternelle Comparaison entre un atelier « bain de langage »
et un atelier « comptine »
Travail de Fin d'Études présenté par Lisa
Martin en vue de l'obtention du baccalauréat en logopédie
Année académique 2013-2014 Session de Juin
3
REMERCIEMENTS
Seule avec mes dix doigts, cette belle histoire n'aurait
jamais pu éclore. Il me tient à coeur de remercier :
Mon patron de mémoire, Madame Kaszas, pour l'apport de
ses conseils avisés, mais plus particulièrement pour avoir su
rester disponible à des moments-clés afin d'aiguiller mes choix,
et ce, malgré une extrême sollicitation de toute part durant cette
année scolaire.
Madame Piniau, mon Maître de Formation Pratique pendant
ce stage, qui a toujours fait preuve d'enthousiasme quant à ce travail,
et dont les recommandations constructives pullulaient.
Mesdames Degroot et Sabrina, pour m'avoir si chaleureusement
accueillie au sein de leur établissement.
Necati, Dilahan, Ansarollah et Naïsha, les quatre bouts de
choux acteurs du projet, pour leur appétence à la vie et sans qui
rien n'aurait été possible.
Mes amis, pour leurs diverses contributions, aussi bien
pratiques qu'affectives, ne tarissant jamais sur les idées
& ma famille, pour m'avoir fait confiance en me donnant la
chance de réaliser ces études. Vos soutiens respectifs demeurent
à mes yeux les plus précieux.
Un titanesque MERCI
À Francesca.
4
Table des matières
Introduction générale
6
UN PEU DE THÉORIE 8
Chapitre 1 : La comptine 8
1.1 Définitions et origines 9
1.2 Les caractéristiques de la comptine 10
1.3 Les différents types de comptines 10
1.4 La comptine dans le développement de l'enfant 11
· Intérêt affectif 11
· Intérêt gestuel 12
· Intérêt social 12
· Intérêt scolaire 12
· Intérêt mnésique 13
· Intérêt langagier 13
Conclusion 14
Chapitre 2 : Le bilinguisme 15
2.1 Définitions 15
· Lexique 15
· Bilinguisme 16
2.2 Les types de bilinguisme 17
2.3 Développement lexical d'un enfant au «
bilinguisme séquentiel » 17
· Acquisition du lexique en langue maternelle 18
· Acquisition du lexique en langue seconde 19
2.4 Facteurs d'influences sur l'apprentissage d'une autre langue
21
2.5 Différences entre enfants et adultes 21
2.3 Une stratégie d'aide à l'intégration :
le « bain de langage » 22
Conclusion 23
POUR MIEUX PRATIQUER ! 24
Chapitre 1 : Cadre méthodologique 26
1.1 La population 26
? Critères d'inclusion et création de
l'échantillon 26
? Le lieu d'accueil 27
1.2 Le matériel 27
? Les lignes de base 28
? La cotation 29
? La création de comptines 29
Chapitre 2: Présentation des participants
31
2.1 Necati 31
2.2 Dilahan 32
2.3 Naïsha 34
2.4 Ansarollah 36
Chapitre 3: Exposition des activités
logopédiques 38
3.1 L'atelier « bain de langage » 39
3.2 L'atelier « comptine » 44
Chapitre 4 : Présentation des résultats
48
4.1 Necati 48
4.2 Dilahan 48
4.3 Naïsha 49
4.4 Ansarollah 50
Conclusion 50
Discussion 52
Conclusion générale
57
Bibliographie 58
5
ANNEXES
6
Introduction
Depuis de nombreuses années, le monde connaît un
véritable essor en matière de flux migratoires. Les origines de
l'envol sont multiples : misère économique, crise politique,
guerre, famine... La détresse, elle, est commune. Dans ces conditions de
vie, comment ne pas se laisser envahir par le désespoir ? Tout adulte
subissant cette situation aspire à un avenir meilleur, pour lui et
surtout pour sa descendance.
En ces temps, la Belgique compte parmi les cinq pays
d'accueil les plus attractifs. De ce fait, les écoles maternelles des
territoires wallons reçoivent de plus en plus d'enfants dont la langue
maternelle, toujours pratiquée au domicile, n'est pas le
français.
À l'heure actuelle où ces établissements
scolaires ne disposent pas de moyens adéquats pour optimiser
l'intégration culturelle, sociale et linguistique de ces jeunes,
l'opération s'annonce rude. La finalité primordiale serait de
leur faciliter l'entrée au primaire, minimiser les
inégalités avec leurs pairs francophones, et éviter
l'échec scolaire.
Ce travail de fin d'études, fondamentalement
logopédique, s'est initialement axé sur le handicap majeur que
rencontre, par fatalité, un enfant de migrant dès le jour de la
rentrée scolaire : la langue. Parmi les cinq composantes
caractérisant une langue n'étant autre que la phonologie, le
lexique, la morpho-syntaxe, la sémantique et la pragmatique, il me
fallait faire un choix ciblé. Ma sélection s'est
immédiatement portée sur le domaine du lexique, entité
égale à la quintessence linguistique. Dépourvu de mots,
l'Homme se retrouverait dans une impasse communicationnelle.
L'accroissement du stock lexical chez un individu peut
s'établir de deux façons : soit par un apprentissage explicite
(enseignement drastique traditionnel), soit via un apprentissage implicite
(naturel, inconscient, engendré par les interactions sociales, la
lecture, etc.). Je corrobore les propos de la littérature scientifique
en considérant que le second s'avère tout aussi précieux,
efficace, et actif que le premier. C'est pourquoi cette étude appliquera
ce procédé.
L'avantage avec la logopédie, pour les grands comme
pour les petits, est qu'elle positionne le Jeu sur un piédestal,
convaincue de ses vertus thérapeutiques. Le « bain de langage
», type de rééducation ordinaire couramment usité en
école maternelle, ne recourt qu'à des activités ludiques.
Son credo : « Jouer en apprenant, apprendre en jouant ».
7
Approuvant ce principe, j'ajouterais une persuasion
personnelle qui toutefois acquiert davantage de notoriété au fil
des années : la musique et le chant peuvent véritablement servir
de panacée à tous niveaux. En effet, l'art-thérapie gagne
du terrain. J'en suis venue à m'interroger : « Comment adapter
cette discipline à des enfants de 5 ans ? Quel est l'emblème
musical enfantin par excellence ? » Le terme est tombé : la
comptine. Il n'est pas exceptionnel qu'adultes, nous nous souvenions encore des
chansonnettes que l'on entendait autrefois. Cela signifie qu'à partir de
rythmes simples, d'une mélodie entraînante, des mots peuvent venir
se loger aisément dans notre mémoire à long terme. User de
cette méthode ludique et amusante avec de très jeunes apprenants
d'une langue seconde ne serait-il pas bénéfique pour
l'apprentissage du vocabulaire?
L'idée de cette étude est née. Des
questions ont été soulevées : « La «
comptine » et le « bain de langage » agissent-ils de la
même manière au niveau de l'apprentissage d'un vocabulaire
donné ? L'un ne s'avérerait-il pas plus efficace que l'autre ?
»
Pour mener à bien ce projet, une comparaison entre les
deux domaines était nécessaire, afin d'observer si l'un
s'avérait plus bénéfique que l'autre en matière de
construction du lexique en langue française, sur les versants productif
et réceptif. L'hypothèse de départ penchait vers une
efficacité plus marquée de la comptine, pour son
côté ritualisé, établi, l'air musical apportant
également une aide considérable au niveau de l'intégration
et la récupération en mémoire. Cette supposition se
concrétisera-t-elle ?
Quatre enfants, scolarisés en grande section de
maternelle (GSM), ayant entre 5 et 6 ans contribueront à l'obtention de
la réponse. Deux d'entre eux s'adonneront aux joies de l'atelier du
« bain de langage », tandis que les deux autres rejoindront l'atelier
« comptine ».
Au cours de ce travail, une partie théorique vous sera
premièrement exposée. Elle contera une fraction de l'Histoire de
la comptine, et traitera ensuite du bilinguisme et de ses répercussions
tout en amenant quelques informations sur l'acquisition du lexique. La seconde
partie sera basée sur la pratique, puisque je vous ferai part de la
méthodologie employée, ainsi que les résultats et leurs
analyses. Enfin, une discussion annexée à une vision plus intime
clôturera ce projet.
8
UN PEU DE THÉORIE...
« La langue est un théâtre dont les mots
sont les acteurs »
Ferdinand BRUNETIERE
9
Chapitre 1
La comptine
1.1 Définitions et origines
Depuis la nuit des temps, les formules chantées ou
récitées accompagnent l'enfant dans sa découverte de la
vie. La date d'apparition comme les auteurs demeurent énigmatiques.
C'est le peintre Pierre Roy qui, en 1922, instaure le terme de « comptine
» dans la langue française (Resmond-Wenz, 2008). Le mot
comptine serait intimement lié au vocable compter,
puisque tous deux puisent leur source dans l'expression latine computare
signifiant conter. (Soussan, 2007)
En effet, comme le rappelle la définition
généralisée inscrite dans les dictionnaires parus
récemment, le jeu serait élu comme le lieu
privilégié d'emploi de la comptine, cette dernière servant
à « désigner, en comptant les syllabes, celui qui devra
sortir du jeu, courir après les autres, etc. » (Le Grand Larousse
illustré, 2014, p.280).
Celle de Lescout (1985) s'en approche, puisqu'elle la
considère comme une « formule enfantine chantée ou
parlée servant à désigner celui à qui sera
attribué un rôle particulier dans un jeu », à quoi
Bruley & Painset (2007) ajoutent : « Il leur faut [...]
dénombrer, éliminer, désigner ».
J'en m'en tiendrais personnellement au commentaire de Gauthier
et Lejeune (2008), témoignant de la pluralité des
définitions concernant ce vocable en constante mutation. Rares sont
celles faisant preuve d'exhaustivité. Agglomérons cependant les
grands traits communs aux multiples explications de la comptine:
- Assignée au monde de l'enfance
- Majoritairement chantonnée
- Instituée pour compter
Sachez que les appellations, vérifiées par
Soussan (2007) pullulent : « enfantines, dodiques, jeux de nourrice,
fariboles, rimailles, rimettes, rimes, rengaines, ritournelles, refrains,
sornettes, kyrielles, drôleries, virelangues, bouts rimés,
devinettes ». Le choix d'emprunt est large.
10
Après ce bref éclaircissement, tentons de
comprendre l'engouement des jeunes enfants envers cette discipline. Pourquoi
adhèrent-ils autant ? Quelles sont ses particularités ?
1.2 Les caractéristiques de la comptine
La comptine éveille et joue avec la langue. Le
phrasé de Bruley & Painset (2007, p. 15) frôle la perfection
descriptive : « Les enfants les aiment pour leur
brièveté, mais aussi pour leur rythme et leur
musicalité, pour leurs rimes et leurs assonances
». Il en découlerait un apprentissage dépourvu
d'efforts, selon Resmond-Wenz (2008). Le rythme intimement inhérent
à l'Homme est simple et permet un découpage syllabique
spontané.
Beaucoup valorisent le dénuement de sens des
formulettes en encourageant l'aspect imaginaire et irrationnel qui plaît
tant à l'enfant (Bruley & Painset ; Gauthier & Lejeune, 2008).
Mon étude s'oppose littéralement à ce point de vue, mon
objectif étant justement de rendre le texte plus accessible à la
compréhension.
La malléabilité de la comptine, justifiant
jadis sa spécificité, tend à s'éteindre. Le
monopole de la transmission orale court à sa perte, supplanté par
l'arrivée massive des oeuvres écrites et illustrées
(Bruley & Painset).
1.3 Les différents types de comptines
La vaste étendue nous oblige à la concision.
« Ça se dit, ça se chante, ça se joue, ça se
mime les comptines », affirmait soigneusement Soussan (2007).
Effectivement, la comptine peut être parlée, chantée,
gestuelle (Pasquier & Vaillaut, 2007). Plusieurs catégories de
comptines coexistent, possédant chacune leur richesse singulière
(Gauthier & Lejeune, 2008). Parmi elles, on peut en citer quelques-unes
:
- « Les formulettes d'avant conter »
- Les comptines s'inscrivant dans les jeux de mots ou jeux de
sons. Exemples : « Une oie, deux oies, trois oies, quatre
oies, cinq oies, six oies, sept oies (c'est toi) » ou « Le jars est
jaloux des jolis jarrets »
- Les jeux de mains ou de doigts associant la
mimo-gestualité à la parole. Exemple : « Ainsi
font font font, les petites marionnettes... »
11
- Les jeux chantés ou rondes favorisant les repères
spatio-temporels de l'enfant.
(Soussan)
Au niveau structurel, on peut avoir affaire à des :
- « Comptines courtes à un couplet
- Comptines et chansonnettes à plusieurs couplets
(même air, paroles changent)
- Comptines et chansonnettes à couplets et refrains
(même air, paroles changent) »
(Lescout, 1985)
En pratique, j'ai choisi d'exploiter la deuxième
option, en associant les gestes et les mimes à haute dose. Au
départ, aucune règle n'était fixée, et les
comptines se créaient instinctivement. C'est en réalité un
vrai travail de composition.
1.4 La comptine dans le développement de
l'enfant
La comptine n'appartient qu'à l'univers de l'enfant
(Lescout, 1985). Selon Gauthier & Lejeune (2008), elle fournit un excellent
biais de soutien pour « les apprentissages surtout cognitifs,
psychomoteurs et sociaux ».
? Intérêt affectif :
D'après Lescout (1985) ,Resmond-Wenz (2008), et
Gauthier & Lejeune (2008), la part affective gravitant autour de la
comptine est capitale. Par exemple, l'enfantine émise au moment du
coucher alliée à la proximité corporelle amène un
plus à la relation. Il s'agit là d'un moment intime empli
d'échanges, indispensable pour consolider les liens entre parents et
enfants.
À l'école, l'enfant a besoin de se sentir en
sécurité. L'entrée en maternelle s'apparente à un
lourd « déracinement ». Le changement, déjà
radical pour un petit possédant la langue officielle du pays, devient
bouleversant pour un enfant de migrant. Lescout poursuit en parlant de «
groupe familial réparateur », qui rallierait les écoliers
fraîchement débarqués autour de la comptine, dans une
atmosphère chaleureuse et réconfortante leur permettant de mieux
percevoir la transition. Aménager spécialement un endroit en
instaurant un instant musical comme celui-ci et en faire une coutume ne serait
qu'avantageux. Dans ma partie pratique, j'ai tenté d'appliquer ce
principe avec les ressources disponibles sur place, ainsi qu'avec des
accessoires personnels (coussins...).
12
? Intérêt gestuel . ·
Si un jeune enfant possède quelques difficultés
d'expression verbale, la mimo-gestualité associée aux enfantines
ne pourra que le rassurer et l'encourager dans un autre canal de communication.
Les échanges ne seront pas rompus. Il pourra ainsi patienter sereinement
en attendant d'acquérir le code verbal, plus usité en
société. Gauthier & Lejeune (2008) prétendent qu'un
mime spontané témoigne d'une écoute attentive.
Par ailleurs, une comptine se doit d'être vécue
en plus de vivre (Goëtz-Georges, 2006 ; Lescout, 1985). Gauthier &
Lejeune mentionnent une de leurs études démontrant une
progression générale de l'enfant bien qu'il n'ait jamais
souhaité chanter la formulette, se contentant d'y associer les
gestes.
? Intérêt social . ·
Comme dit précédemment, le jeu semble
être la discipline considérée par la croyance populaire
comme la plus appropriée pour énoncer des comptines. Or, il n'y a
pas qu'un seul et unique environnement propice à la comptine. Que ce
soit dans les cours de récréation, dans le cadre familial, dans
les colonies de vacances : la chansonnette réunit, rassemble. Un pur
instant de partage se créé autour de ces comptines. Il serait
aberrant de penser à déloger ce folklore de l'école
maternelle. Former des groupes et solliciter le vécu permettrait de
minimiser les différences interindividuelles (Gauthier & Lejeune,
2008 ; Lescout, 1985).
? Intérêt scolaire . ·
Les formulettes sont désormais couramment
employées à des fins pédagogiques, en vue des
différents apprentissages conceptuels (nombres, espace, temps...)
(Gauthier & Lejeune, 2008). Afin de mieux appréhender la lecture,
l'utilisation de la comptine est préconisée en maternelle.
Goëtz-Georges (2006) atteste de sa présence dans les programmes
officiels français depuis peu. Sa représentation sur un support
écrit est appréciable, dans la mesure où les images, les
dessins ou les photos sont situés non loin du mot symbolisé.
Ainsi, les enfants auront un premier aperçu du patron
général du terme écrit. Ils commencent également
à prendre conscience de la correspondance entre l'oral et
13
l'écrit, comme le soulignent Lescout (1985) et Gauthier
& Lejeune. L'expérience réalisée avec Dilahan et
Naïsha illustrera ces dires.
? Intérêt mnésique.
L'appropriation d'une comptine ne pourra s'ancrer solidement
que si l'enfant est confronté à une répétition
régulière de celle-ci. L'idéal serait de l'exercer 10
à 15 fois pour une mémorisation relativement correcte. Ainsi,
l'enfant pourra « anticiper, prévoir, intérioriser et
traiter les données » (Lescout, 1985, p.36). Savoir une comptine
sur le bout des doigts permet également aux parleurs les plus timides
d'oser prendre la parole. Exploiter ainsi des enfantines entraîne
excellemment la mémoire, cette dernière étant cruciale
pour tout apprentissage de la vie. Sans mémoire, on ne peut apprendre
(Robert, 2011). Enfin, l'aspect musical permettrait une mémorisation
plus efficiente engendrant une vive reconnaissance avec un nombre
d'écoutes pourtant limité (Resmond-Wenz, 2008). Ce phrasé
vient motiver mon hypothèse initiale.
? Intérêt langagier .
C'est le gain mis le plus en évidence, puisque la
comptine intervient à différents niveaux dans ce domaine. Rien
que l'écoute donnera une idée à l'infans (qui ne parle
encore pas) de l'allure prosodique de sa langue.
Les virelangues et les sonorités qui se taquinent
familiarisent l'enfant et lui inculquent tout naturellement le système
phonologique cible.
Exemple : « Am Stram Gram, Pic et Pic et
Colégram, Bour et Bour et Ratatam
Am Stram Gram »
L'attention affinée grâce à la
répétition, il parviendra plus aisément à
distinguer les sons de sa langue pour plus tard les manipuler.
La comptine optimisera également la rencontre avec de
nouveaux mots, et participera à l'augmentation de son stock lexical.
L'articulation doublée de la prononciation ne s'en trouveront
qu'améliorées. (Gauthier et Lejeune, 2008).
Entraîner l'enfant à apprendre une comptine de
façon cadencée l'emmène progressivement sur le chemin
syntaxique de sa langue maternelle. L'exploration ludique d'une structure
linguistique permet une imprégnation plus efficace (Goëtz-Georges,
2006).
14
L'assertion de Gauthier & Lejeune disant qu'avoir recours
à des chants, spécifiquement des comptines, serait d'un
bénéfice extrême lorsqu'il s'agit d'apprendre
précocement une langue étrangère. Cet
élément milite en faveur de la pratique qui suivra.
En conclusion , cet « art mineur » mêlant
« verbe et poésie » sublimé si l'instrumental se greffe
à la parole (Bruley & Painset, 2007), conduit au plein
épanouissement de l'enfant, et contribue à son éducation
et à son développement global dès le plus jeune âge
(Gauthier & Lejeune, 2008). La comptine n'est qu'un contexte parmi d'autres
opérant dans l'acquisition d'une langue, différant des
méthodes classiques par son originalité. (Lescout, 1985)
15
Chapitre 2
Le bilinguisme
Avant d'entamer ce chapitre, laissez-moi vous délester
d'une idée préconçue. Le monolinguisme fait partie d'une
époque révolue. Les multilingues représentent
désormais entre « 60 à 75% de la population mondiale»
(Baker cité par Daviault, 2011 ; Defays, 2003). Par
l'intermédiaire de ce chapitre, les grandes particularités du
bilinguisme vous seront présentées. L'espace me manquant, je ne
m'étendrai pas à l'explication de la totalité des
composantes d'une langue à acquérir, mais prendrai soin de
traiter l'une d'entre elles : le lexique. Daviault et Bassano (1998)
témoignent du rôle majeur que joue le lexique, car sans mots, il y
a absence de sens. « L'acquisition du lexique comprend non seulement celle
de l'ensemble des mots compris et produits, mais aussi de la nature de leurs
liens » (Daviault).
2.1 Définitions
? Lexique :
Le terme « lexique » dérive de la
formule grecque « lexikon » signifiant « mot
». Le lexique constituerait « l'ensemble des mots formant la
langue d'une communauté », mais également « l'ensemble
du vocabulaire employé par quelqu'un » et serait l'appellation pour
« la liste alphabétique de mots placée à la fin d'un
ouvrage ». Les définitions du Grand Larousse illustré (2014,
p.662) sont multiples.
En outre, il est également « la composante de
base de la syntaxe » (Neveu, 2009, p.178). Le Dictionnaire d'Orthophonie
(2011, p.156) vient apporter à cela une nuance intéressante :
« lexique s'oppose à vocabulaire », dans la mesure où
le vocabulaire est considéré comme un sous-ensemble du lexique.
En effet, le Centre Régional de Documentation Pédagogique (CRDP,
2012) parle de vocabulaire lorsque « ce sont des mots dont une personne
dispose pour s'exprimer » activement et passivement. Le lexique est ainsi
réservé à la « langue », tandis que le
vocabulaire est caractéristique du
16
« discours » (Dictionnaire d'Orthophonie). Il est
préférable, dans ces circonstances, d'employer le terme de
vocabulaire dans cette étude.
Le lexique mental se doit d'être mentionné ici,
Daviault (2011) l'exposant comme « l'ensemble des connaissances d'un
individu qui inclue tous les mots compris et produits dans une langue, ainsi
que le réseau organisé de liens sémantiques, syntaxiques,
morphologiques et phonologiques qui les relie ». Il s'amplifie et se
précise tout au long de la vie, mais une période d'intense
accroissement est localisée entre 1 et 3 ans. Son importance est
capitale, puisque la reconnaissance d'un mot s'effectue par son biais.
Boysson-Bardies (1996) établit un consensus en arguant
l'existence d'un lexique unique aux « voies d'accès
différentes pour la production et la perception », ne se
consolidant pas à la même vitesse. Les résultats obtenus
lors de ce travail confirmeront cette assertion.
? Bilinguisme :
Taly, Salaün, Serre, Moro (2008) voient le bilingue
comme celui « pratiquant deux langues », soit de manière
active (utilise les deux langues de façon égale) ou bien passive
(une des deux langues est comprise et non produite). Neveu (2009, p.57)
contredit cette idée en prétendant qu'une personne bilingue
« utilise deux systèmes linguistiques de fréquence et de
manière égale ». Le Grand Larousse illustré (2014,
p.158) n'entre pas dans les détails et corrobore la définition de
Neveu en caractérisant le bilinguisme comme une « pratique usuelle
de deux langues par un individu ou une collectivité ». Nous allons
peaufiner ces explications sous peu avec les diverses formes de
bilinguismes.
Mais avant cela, des formules étroitement liées
au bilinguisme doivent également être éclaircies. Parmi
elles, on retrouve la « langue première » (LP) plus connue
sous l'appellation de langue maternelle (LM) et abrégée « L1
» : il s'agit de la langue dans laquelle l'enfant est bercé depuis
sa naissance. Quant à la « langue seconde » (LS) (formellement
opposée à « seconde langue ou deuxième langue »)
symbolise une langue d'intégration différant d'une langue
étrangère (LE), apprise successivement à la LM pour des
raisons d'ordre social ou professionnel, aussi évoquée par «
L2 » (Defays, 2003).
La clarification des mots-clés faite, je vais
maintenant m'attacher à l'énumération accompagnée
d'une brève description des différents types de bilinguisme.
17
2.2 Les types de bilinguismes
Parler d'un « bilinguisme » unique serait
réducteur, puisque Daviault (2011) stipule que chaque personne bilingue
possède son propre bilinguisme. Afin de mieux cerner celui figurant au
coeur de ce travail, une importante distinction est nécessaire :
- Le « bilinguisme simultané » ou
« bilinguisme précoce simultané » ou
« bilinguisme familial » : l'enfant apprend deux langues
premières de front avant 3 ans. Il est issu de parents façonnant
une mixité linguistique.
- Le « bilinguisme séquentiel » ou
« bilinguisme précoce consécutif » ou
« bilinguisme institutionnel » : l'enfant acquiert deux
idiomes l'un à la suite de l'autre. Il possède une LM
inculquée par la famille, ainsi qu'une LS développée en
société. Ses origines sont diversifiées : «
déménagement, émigration, entrée à
l'école... » (Groux cité par Attout, 2007 ; Owens
cité par Daviault ; Taly , Salaün, Serre, Moro, 2008).
Il est maintenant possible de qualifier le bilinguisme des
quatre enfants de ce projet. Tous entrent dans la seconde catégorie. Par
conséquent, les prochains sous-chapitres s'attarderont
particulièrement sur ce dernier.
2.3 Développement lexical d'un enfant au «
bilinguisme séquentiel »
Le nourrisson, auditivement actif dès la vie foetale,
commence à s'imprégner des sons constituant sa propre langue
(Neveu, 2009, p.11). Passé le babillage débutant vers 7 mois
(Boysson-Bardies, 1996), il en arrive tout doucement à la
compréhension et production de mots. L'enfant considéré
comme « bilingue précoce consécutif »,
situé à la croisée d'une « double culture
», n'apprend pas sa LP et sa LS pareillement, mais Boysson-Bardies est
sûre d'une chose : « tous les bébés de la Terre
parlent aux mêmes âges ».
18
? Acquisition du lexique en langue maternelle :
Les théories innéistes (Chomsky), behavioristes
(Skinner, Bates, Wallon) et constructivistes/interactionnistes (Piaget, Bruner)
s'affrontent pour expliquer l'acquisition du langage (Docquier, 2012). À
l'heure actuelle, la science appuie assurément le pouvoir de
l'interaction entre l'inné et l'acquis. En effet, pour s'exprimer dans
un idiome quelconque, le petit d'Homme a besoin d'un système nerveux et
d'organes périphériques intégraux, mais également
d'un modèle linguistique de qualité procuré par
l'entourage (Docquier, 2013). C'est précisément l'environnement
« maternel et socio-économique » qui donne naissance à
des contrastes interindividuels dans l'acquisition d'une langue, et par
conséquent du lexique (Bassano, 1998).
Avant de produire un mot, l'enfant le comprend. Benedict
(citée par Daviault, 2011) soutient qu'il comprend « cinq fois plus
de mots qu'il n'en produit ». L'apparition des premiers mots de
vocabulaire tant attendus par les parents s'effectue généralement
entre 1 an et 2 ans (Bassano, 1998). Daviault poursuit en affirmant que les 50
premiers mots de l'enfant appartiennent au « lexique précoce
», dont l'acquisition extrêmement lente s'étale sur une
période de 6 mois. Il s'ensuit une phase de « boom lexical »
surgissant à l'école maternelle, où le rythme
d'acquisition des mots s'accélère fortement puisque l'enfant peut
produire de « 4 à 10 nouveaux mots par jour »
(Boysson-Bardies, 1996). On peut dire que le « lexique précoce
» et le « boom lexical » demeurent les paliers phares du
développement lexical chez l'enfant, étant donné
l'abondance des informations partagées dans la littérature
scientifique.
Nelson (cité par Bassano, 1998 et Docquier, 2012) met
en évidence une « variabilité stylistique » des
productions de l'enfant, et identifie deux genres : les jeunes possédant
un style « référentiel » dont les mots
principaux sont des noms (d' « objets, communs ») axés sur la
concrétude de la vie, et ceux au style « expressif »
détenant un vocabulaire plus étoffé, davantage
orienté vers l'aspect pragmatique (exemples : « bonjour »,
« merci », « allô ? »). Il faut savoir que le sens
initial donné à des représentations lexicales
inédites est complètement approximatif, mais s'affinera avec
l'expérience et les corrections adultes (Bruley & Painset, 2007 ;
Daviault).
Figure 1. Différentes manières
d'apprendre (Defays, 2003)
19
Il est intéressant de préciser
qu'universellement, les enfants franchissent les mêmes grandes
étapes du développement langagier, et ce, relativement aux
mêmes âges bien que « la variabilité des langues, le
mode de transmission et le tempérament » importent. En revanche, le
rythme d'acquisition lexicale est interdépendant de la structure
générale de l'idiome. Par exemple, l'élaboration du
vocabulaire d'un jeune enfant français se réalisera nettement
plus lentement que celle d'un anglais, ceci s'expliquant par la
complexité structurelle de la langue française (Bassano, 1998 ;
Daviault, 2011). Boysson-Bardies (1996) stipule que « les variations
individuelles, l'influence de la culture et la structure de la langue modulent
déjà le choix et la distribution des premiers mots de l'enfant
». Bassano l'illustre en affirmant que la fréquence de production
de noms domine chez les Français, tandis que les Chinois et les
Coréens préfèrent énoncer des verbes.
? Acquisition du lexique en langue seconde :
Defays (2003) adhère à l'idée que l'
« on peut très bien se passer d'enseignement pour acquérir
une langue étrangère ». Le schéma voisin
détaille ce phrasé.
Il distingue « l'apprentissage non-guidé,
spontané, inconscient » de « l'apprentissage guidé
à l'école sous le contrôle du professeur ». Le premier
s'assimile à la façon d'apprendre une LM, en écoutant
l'autre, en le plagiant et en tenant compte de ses feed-back : il permet
d'entrer aisément en communication et de répondre aux besoins
sociaux. Quant au second, il ne permet pas d'accéder d'emblée
à une « situation réelle » communicationnelle
étant beaucoup plus formel et dépourvu de naturel (à
l'exception de l'immersion qui offre toute la communication dans la langue
cible ou seconde, livrant des résultats plus probants) (Daviault, 2011).
Par ailleurs, si un individu est soumis à ce type d'apprentissage, il
est recommandé à l'instructeur de choisir des thèmes
fonctionnels à étudier avec un certain nombre de mots
associés (CRDP, 2012), et se fier à la fréquence de ces
mots dans ladite langue. Plus un mot est fréquent, plus il sera
fonctionnel pour celui qui l'apprend (Prince, 1999). Ces éléments
occuperont une place importante dans ma pratique.
Il précise qu'une « participation active »
et « une motivation personnelle » de l'apprenant sont indispensables,
quelle que soit l'approche adoptée, pour acquérir un nouvel
idiome et son lexique.
20
Prince (1999) indique que les rapports entre L1 et L2 sont
étroits. En effet, l'apprenant s'appuie sur sa langue première
pour modeler sa langue seconde. Le « concept » d'un mot en LS sera
déjà ancré, mais le réel travail réside dans
son association à une « forme lexicale ». Un mot en L2 est
automatiquement relié à son semblable L1 au niveau du
réseau lexical. L'auteur ajoute que les liens sémantiques se
renforcent généralement à vive allure, au gré des
redondantes rencontres lexicales. Il spécifie qu'entrer en contact 6 ou
7 fois avec un même vocable, dans divers contextes, suffit à
détenir sa vraie signification et à le produire
spontanément. Le mot se place ainsi dans la mémoire à long
terme de la personne, à son insu.
Le « code-switching est un phénomène
typique des bilingues adultes et enfants » (Daviault, 2011). Le principe
est que le locuteur emploie dans la même phrase des mots provenant des
deux vocabulaires de ses deux langues, ce qui arrivait souvent en
séance. Ceci amène certains auteurs à penser que les
individus ne discernent pas les deux langues convenablement, à l'inverse
de ceux qui pointent du doigt l'imitation du modèle parental (Daviault
cite Genesee, 2001 ; Pert & Letts, 2006). Selon l'étude de Nicoladis
et Genesee (1997) mise en avant par Daviault, les enfants âgés de
2 ans savent déjà quelle langue emprunter lorsqu'ils s'adressent
à telle ou telle personne.
Un certain nombre de parents se persuade que l'apprentissage
de l'idiome d'accueil, considéré comme plus prestigieux en raison
des portes professionnelles qu'il permettra d'ouvrir ultérieurement
à leur enfant, est néfaste non seulement pour la conservation de
la culture originelle et LM, mais également pour la qualité de
chacune des langues. Il faut mettre un terme à ces poncifs. De
légères « interférences » naissent en toute
normalité, mais aucun dommage linguistique n'est commis si ce n'est le
rythme d'acquisition du vocabulaire futilement diminué (Defays, 2003 ;
Rayna, 2011).
21
2.4 Facteurs d'influences sur l'apprentissage d'une
autre langue
L'égalité humaine ne trône pas face aux
apprentissages linguistiques: des processus
internes et externes entrent en scène afin d'encourager
ou de freiner ces derniers. Daviault
(2011) en énumère quelques-uns:
- « Âge »
- « Intérêt et motivation » : les signes
avant-coureurs de la démotivation sont
dépeints par « la démobilisation, le
mutisme, le chahut » (Defays, 2003). Necati
illustrera ce point.
- « Aptitude à apprendre une langue » : une
bonne mémoire phonologique à court
terme avantage fortement le développement du vocabulaire
(Attout, 2007).
- « Degré de similitude entre L1 et L2 »
- « Fréquence et modalités d'exposition
»
- « Qualité linguistique entendue »
- « Degré de valorisation sociale »
- « Opportunité de pratiquer sa langue »
Le milieu socio-économique compte également. Ne
pas diaboliser la langue cible et vivre
harmonieusement en acceptant sa « double culture »
ferait partie du secret pour éviter un
quelconque rejet identitaire et favoriser l'apprentissage de la
langue.
2.5 Différences entre enfants et adultes
« La plasticité cérébrale dans le
domaine linguistique décline à l'âge de 9 ans »
(Rondal & Comblain cités par Attout, 2007). Cet argument explique la
facilité qu'a le jeune enfant à acquérir une autre langue
par rapport à ses pairs plus âgés. L'absence d'accent est
totale si l'apprentissage se déroule avant cette période. Aussi,
l'enfant, apprenant fréquemment sa LS par l'intermédiaire de
l'école, au travers du jeu, des diverses interactions sociales et
baignant pleinement dans une situation de communication est encore une fois
avantagé face à la personne adulte qui bien souvent, doit
s'aventurer dans des cours publics ou privés pour espérer
progresser (Daviault, 2011). De plus, l'apprentissage de la langue chez le tout
jeune se réalise parallèlement au « développement
cognitif, psychologique et social », contrairement à ses
aïeux. (Defays, 2003).
22
Quel que soit l'âge, Daviault garantit qu'une LS ne se
maîtrise réellement qu'en l'ayant pratiquée durant 5
années.
2.6 Une stratégie d'aide à
l'intégration : le « bain de langage »
L'appellation est inhérente à la
métaphore « l'enfant tel un corps plongé dans un liquide
s'imprégnerait du langage » selon Petit & Laroche (2003). Ils
déclarent également que le « bain est la condition de
passage de la compétence (aptitude à parler) à la
performance (acquisition d'une langue).
Braibant (2013) corrobore en qualifiant le « bain de
langage » comme un moyen très apprécié des enfants,
de par son caractère ludique, pour faire émerger le langage oral
lorsque ce dernier peine à se construire. Il est estimable notamment
pour l'enrichissement lexical, mais également pour la construction
syntaxique qu'il apporte au jeune. Si l'enfant est victime de troubles
articulatoires, ceux-ci seront envisagés une fois un certain niveau
lexical acquis. La visée principale de cette méthode est de
« donner du sens à ce que l'on verbalise ».
En logopédie, ce type de stimulation est très
usité étant donné l'importante proximité avec une
situation communicationnelle naturelle. Et comme l'expriment si bien Gauthier
& Lejeune (2008) « l'exploitation d'activités se rapprochant le
plus possible des situations naturelles d'acquisition de la langue et
favorisant les interactions entre enfants à partir d'un vécu
stimulant et en petit groupe s'avère utile ». La méthode
s'apparente au jeu, avec quoi les enfants s'exprimeraient davantage,
apprendraient tout en fondant leur identité (Rayna, 2011) mais où
dominent certaines règles.
Docquier (2013) préconise quelques directives que tout
bon thérapeute doit
appliquer :
- « L'auto-verbalisation » : oraliser ce que le
thérapeute est en train de faire
- « La verbalisation parallèle » :
oraliser ce que l'enfant est en train de faire
- « La reformulation » : reprendre le sens de
l'énoncé original en apportant une
correction de la prononciation ou de la construction de la
phrase
- « L'allongement » : apporter une idée
neuve pour enrichir la phrase de départ
23
- « L'incitation » : attendre ou faire
répéter un mot cible par le choix, la phrase en suspens,
l'ébauche orale, l'absurde, par une question
Daviault (2011) ajoute que la répétition d'un
mot à maintes reprises, le placement de l'adulte à hauteur de
l'enfant, le fait de lire avec lui et de chanter des comptines en y ajoutant
l'expression corporelle favorisent le développement lexical. Le CRDP
(2012) peaufine en disant que l'enfant doit être guidé par un
« parler professionnel modélisant » incluant une accentuation
de l'articulation, des phrases brèves et un ralentissement du
débit.
Enfin, il est indiqué de faire passer l'enfant par le
« niveau vécu », le « niveau manipulé » et le
« niveau représenté » en vue d'optimiser la
mémorisation et le transfert du vocabulaire (Bringier, 2012).
Pour conclure, la situation que vit un enfant dans un cas de
« bilinguisme séquentiel » est loin d'être
évidente. L'école maternelle représente une
véritable période de transition où émergent des
différences interindividuelles à tous niveaux. La
découverte d'une culture différente de la sienne à
laquelle il faudra s'adapter et d'une langue aux mots barbares qu'il devra la
plupart du temps s'auto-approprier pour espérer communiquer avec ses
camarades de classe sont les renversements les plus marquants. Taly et al.
(2008) soulignent qu'une intégration réussie dépendrait de
la présence d'« adultes-guides », d'un « milieu riche et
sécurisant » où il s'agirait de « transcender la
vulnérabilité et faire de ses faiblesses une force
créatrice ». Tel est le cadre qu'une logopède en herbe peut
modestement essayer d'instituer.
24
POUR MIEUX PRATIQUER !
« Si la poésie est universelle, il est certain
que chaque pays a ses images, ses couleurs, sa
particularité »
Evelyne RESMOND-WENZ
25
De l'école maternelle à l'école primaire,
le pont est large. Le primaire, point de rencontre avec la lecture,
l'écriture, les maths... Tous ces apprentissages essentiels,
puisqu'utiles au quotidien. Afin de pénétrer ce nouveau monde
dans les meilleures conditions, il est nécessaire d'avoir en
réserve quelques prérequis. Le rôle premier de
l'école maternelle est de fournir les recettes les plus
délicieuses pour une acquisition optimale du langage oral. Le
vocabulaire constitue la substance linguistique à acquérir en
priorité dans n'importe quelle langue (CRDP, 2012).
Une logopède témoignera toujours des bienfaits
des activités ludiques au sein de notre profession, destinées
à rééduquer. J'ai pris la décision d'en cibler deux
en particulier, plus connues sous le nom de « comptine » et «
bain de langage ». En effectuant une comparaison, je souhaitais amener une
réponse à ma problématique initiale : « La «
comptine » et le « bain de langage » agissent-ils de la
même manière au niveau de l'apprentissage d'un vocabulaire
donné ? L'un ne s'avérerait-il pas plus efficace que l'autre
?»
Quatre enfants non francophones, entre 5 et 6 ans,
scolarisés en grande section de maternelle ont participé à
ce projet. Les groupes ont été formés de manière
équitable (deux pour l'atelier « comptine », et deux pour
l'atelier « bain de langage ») en fonction de la personnalité
des sujets, et de leur attrait pour l'un ou l'autre domaine. Aborder la
première primaire sans séances privilégiées
axées sur le langage oral me paraissait totalement inconcevable, et
n'aurait fait que nuire à leur scolarité. Dans une
société où l'école s'apparente à des rails
sur lesquels il est préférable de rouler le plus vite possible en
évitant les écarts, le mot d'ordre était urgence.
Il fallait agir rapidement afin qu'ils puissent amorcer les bases
éducatives et formatrices d'une manière plus simpliste, et
d'atténuer leurs difficultés de divers ordres. Le langage oral et
le langage écrit s'influencent énormément : l'un a besoin
de l'autre pour se développer.
Cette seconde partie du travail offrira, dans un premier
temps, une présentation des quatre enfants ne prétendant pas
à l'exhaustivité. Il s'ensuivra un descriptif des
activités et objectifs choisis pour les deux domaines, et ce, pour
chaque séance. Enfin, je m'attacherai à exposer les
différents résultats, tant qualitatifs que quantitatifs,
couplés à une analyse permettant ainsi d'étudier la
progression.
26
Chapitre 1
Présentation du cadre méthodologique
1.1 La population
· Critères d'inclusion et création de
l'échantillon :
Je souhaitais, dans la mesure du possible, obtenir une
certaine homogénéité des compétences entre les
participants, éloigner les écarts importants sur le plan
linguistique comme social afin d'éviter le faussement des
résultats ultérieurs. Ceci crédibilise davantage les
tests.
Les acteurs de cette étude n'ont pas été
choisis en fonction d'un mauvais résultat à un test
étalonné. Ceux sélectionnés pour participer
à cette étude devaient :
· Être scolarisés en classe de GSM
· Avoir des parents non francophones
· Avoir une expression et une compréhension
verbales en français très faibles, voire nulles
· Être solitaires/isolés du reste de la
classe
· Être réticents à l'envie de
communiquer sous n'importe quelle forme
L'authenticité a été
contrôlée grâce à une observation minutieuse, les
dires du corps enseignant, les renseignements du centre
Psycho-Médico-Social (PMS), ainsi que l'accès aux parties
consultables des dossiers des élèves présents sur
place.
L'échantillon est certes faible, mais convenable pour
espérer une pluralité des performances. Il se compose de deux
garçons pour la participation à l'atelier « bain de langage
», et deux fillettes pour l'atelier « comptine ». Notons que la
répartition des groupes n'est pas due au hasard. Les filles se sont
montrées plus réceptives à l'écoute de
différentes musiques et du chant, tandis que l'absence et le rejet des
garçons envers cette discipline furent perceptibles (onomatopées
de dégoût, ou simple passivité).
27
Il n'y avait pas de langue maternelle pointée. De ce
fait, les trois langues premières de cette étude sont : l'arabe,
le turc ainsi qu'un dialecte pakistanais.
? Le lieu d'accueil:
Une école fondamentale belge, à «
discrimination positive », destinée à donner des
enseignements allant de la PSM à la 6e primaire m'a chaleureusement
accueillie. La pédagogie mise en vigueur au de l'établissement
n'est autre que celle de Freinet, dite « pédagogie active
». Elle consiste en une responsabilisation de l'enfant qui
accélèrerait le processus d'autonomie, en une exonération
de la pression scolaire et vise à placer une solide confiance de
l'adulte envers l'enfant. La liberté d'expression enfantine est à
l'honneur.
La plupart des parents dont les élèves peuplent
cette école proviennent de l'immigration. Bien souvent, et malgré
le cahier créé à cet effet, la communication entre
professionnels de l'éducation et parents ne s'établit pas
toujours correctement, empêchée par les contrastes langagiers.
Les séances logopédiques se déroulent le
matin (capacités attentionnelles à leur apogée, cf. Masy,
2013) dans un immense réfectoire, tantôt dépourvu de vie,
tantôt occupé par la psychomotricienne de l'école. Parfois,
nous avons été contraintes à la cohabitation, par manque
d'espace. Ceci rend compte de l'imperfection du terrain, et entraîne nos
facultés d'adaptation. Néanmoins, malgré le
désordre proximal, les enfants des deux ateliers se laissaient peu
distraire.
1.2 Le matériel
? Le choix du test
Il appert que tester un enfant dans un cas de bilinguisme
n'est pas une chose évidente. Tout d'abord, la compréhension de
consignes risque de s'avérer laborieuse, ensuite parce que le
marché actuel ne dispose pas d'un test adapté et
étalonné pour ce type de population.
Évaluer l'évolution du lexique d'un enfant
à travers des lignes de base réalisées sur mesure me
paraissait plus pertinent que d'octroyer des épreuves de vocabulaire
en
28
dénomination et désignation situées dans
la N-EEL (Nouvelles Épreuves pour l'Examen du Langage), ou encore d'user
du TVAP (Test de Vocabulaire Actif-Passif). En effet, les listes de mots
généralement proposées dans les tests de vocabulaire
étalonnés ne me convenaient pas, dans la mesure où les
sens des mots sont démesurément dispersés (exemple :
« Vocabulaire 1 de la N-EEL forme P ? brouette, parachute, ampoule,
passoire, noix, masque, cuillère »). Il est vrai, cependant, que
les épreuves « Lexique » de la N-EEL forme P regroupent les
vocables par champs sémantiques, mais le nombre d'items et de
catégories sont insuffisants à mon sens. Je me suis alors
lancée dans la création de lignes de base pour les cinq champs
sémantiques à travailler.
? Les lignes de base
Docquier (2013) rappelle les règles de construction
d'une ligne de base : « Après avoir identifié la cible
du traitement, sélectionner une tâche et des items qui permettront
d'évaluer les performances du patient avant de commencer le traitement
et ultérieurement ». Le type de lignes de base
approprié à l'étude ne porte pas sur l'apprentissage d'une
« stratégie », mais sur celui d' « items
spécifiques ». Il y aura donc des items travaillés et des
items contrôles afin de mettre en avant l'efficacité des ateliers
par rapport à l'apprentissage spontané.
Concernant le choix des champs sémantiques, je me suis
d'abord demandé : « Quels sont les thèmes susceptibles
d'être les plus fonctionnels pour un enfant dans cette situation ?
». L'orientation temporelle, essentielle pour sécuriser l'enfant,
n'a pas été élue, car elle était travaillée
journellement en classe, avec l'institutrice. Afin de parfaire ma
démarche, je me suis référée aux programmes
scolaires de maternelle afin de savoir quel vocabulaire était attendu en
cette phase (Portail national des professionnels de l'éducation, 2014).
Je me suis également inspirée des thèmes utilisés
en cours de Français Langue étrangère (FLE) (Le Point du
FLE, n.d.).
Les thématiques gagnantes sont proposées dans
un ordre d'importance décroissant, personnellement
réfléchi : le schéma corporel, l'orientation spatiale
couplée à la météo, les
émotions/états/sentiments, le langage scolaire comprenant les
objets et verbes d'action, et enfin les vêtements.
La tâche de sélection des 24 mots par champ
sémantique, 12 Mots Travaillés (MT) et 12 Mots Contrôles
(MC) fut beaucoup plus ardue. L'effet de fréquence jouant un rôle
important dans l'apprentissage d'une langue, il fallait mesurer
consciencieusement la fréquence de chaque mot potentiel pour
déterminer sa participation à l'étude ou non. Je tiens
à rappeler que la fréquence correspond au nombre d'apparitions
d'un mot à l'intérieur d'un corpus. Pour cela, la base lexicale
« NovLex » mise au point par Lambert & Chesnet en 2001
m'a été d'un précieux secours.
La « Novlex » m'a permis de choisir 12
mots fréquents par champ sémantique dont 6 apparaissent dans les
MT et les 6 autres dans les MC, et 12 mots moins fréquents soumis au
même système. Les tableaux ci-après présentent les
vocables admis pour la composition des cinq lignes de base.
J'ai tenté dans la mesure du possible de
répartir équitablement les mots de part et d'autre des MT et MC.
Après réflexion tardive, le champ sémantique des
émotions comporte des mots démesurément
inappropriés pour des enfants de maternelle (et plus encore pour des
enfants non francophones !) comme « douleur, perdu » ainsi que les
synonymes « heureux-gai » et « fâché-en
colère ». Pour ma défense, même si ce thème me
semble essentiel à explorer avec des enfants, il n'en reste pas moins le
plus complexe à aborder de par son caractère abstrait.
Le testing débutera par la phase expressive où
les enfants dénommeront les photos qu'ils aperçoivent, puis
s'enchaînera avec la phase réceptive leur demandant de
désigner. L'élection des photos a triomphé face aux
images, reflétant un aspect plus réel des
éléments.
? La cotation
1 point est accordé pour un mot correctement
dénommé ou désigné, 0.5 pour une
dénomination acceptable énoncée à l'aide d'une
ébauche orale phonémique, et 0 lorsqu'il y a absence de
réponse ou réponse erronée. La prononciation ne sera pas
prise en considération puisque ce n'est ni une épreuve de
phonologie, ni une évaluation de l'articulation.
29
? La création de comptines
SCHEMA CORPOREL
|
Mots fréquents travaillés
|
Mots
moins fréquents travaillés
|
Mots fréquents contrôles
|
Mots
moins fréquents contrôles
|
|
Coude
|
Pied
|
Talon
|
|
Oeil
|
Cheveux
|
Ongle
|
|
Front
|
Bras
|
Narine
|
|
Nombril
|
Dos
|
Menton
|
|
Orteil
|
Dent
|
Genou
|
|
Pouce
|
Épaule
|
Cuisse
|
|
ORIENTATION SPATIALE ET METEO
|
Mots fréquents travaillés
|
Mots
moins fréquents travaillés
|
Mots fréquents contrôles
|
Mots
moins fréquents contrôles
|
|
Arc-en-ciel
|
Vent
|
En face
|
|
Chaud
|
Au milieu
|
Autour
|
|
Froid
|
Bas
|
Éclair
|
|
Neige
|
Haut
|
Lune
|
|
Carte
|
Dans
|
Pluie
|
|
Étoile
|
Loin
|
Nuage
|
|
EMOTIONS, ETATS ET SENTIMENTS
|
Mots fréquents travaillés
|
Mots
moins fréquents travaillés
|
Mots fréquents contrôles
|
Mots
moins fréquents contrôles
|
|
Dégoûté
|
Peur
|
Gai
|
|
Déçu
|
Surpris
|
Nerveux
|
|
Timide
|
Perdu
|
Fâché
|
|
Jaloux
|
Tranquille
|
Étourdi
|
|
Amoureux
|
En colère
|
Excité
|
|
Pressé
|
Malheureux
|
Douleur
|
|
LANGAGE SCOLAIRE (objets
et verbes d'action)
|
Mots fréquents travaillés
|
Mots
moins fréquents travaillés
|
Mots fréquents contrôles
|
Mots
moins fréquents contrôles
|
|
Toilette
|
Regarder
|
Casser
|
|
Cahier
|
Montrer
|
Armoire
|
|
Ciseaux
|
Écouter
|
Ranger
|
|
Crayon
|
Feuille
|
Récréation
|
|
Découper
|
Jouer
|
Donner
|
|
Colle
|
Chaise
|
Gomme
|
|
VÊTEMENTS
|
Mots fréquents travaillés
|
Mots
moins fréquents travaillés
|
Mots fréquents contrôles
|
Mots
moins fréquents contrôles
|
|
Gilet
|
Chaussures
|
Veste
|
|
Moufle
|
Robe
|
Collant
|
|
Short
|
Bonnet
|
Cravate
|
|
Pull-over
|
Manteau
|
Anorak
|
|
Salopette
|
Casquette
|
Sandale
|
|
Maillot
|
Chemise
|
Blouson
|
|
30
Ce projet était ambitieux, mais malheureusement je ne m'en
suis pas aperçue de suite. En effet, une comptine a beau être
courte et simple en surface, mais le temps et les ressources accordés
à l'aménagement le sont moins.
Une comptine demande : d'intégrer les 12 vocables
à travailler, d'adapter les autres mots de la formulette au niveau de
vocabulaire d'un enfant de maternelle, de fabriquer une syntaxe peu complexe,
de trouver des rimes et du sens au texte, d'élaborer des mélodies
et rythmes différents pour chaque thématique en tenant compte du
découpage syllabique marqué, de respecter la forme brève
caractérisant les enfantines... Le parcours fut semé
d'embûches. Je suis parvenue à les survoler, mais le manque de
qualité s'en ressent.
Inventer des comptines, comme créer des chansons,
demande beaucoup de temps, car c'est un véritable et rude exercice de
composition. Il s'agit d'un métier à part entière. Elles
vous seront présentées lors des activités
logopédiques.
31
Chapitre 2
Présentation des participants
Le recueil des informations ci-après a
été effectué à partir d'un questionnaire parental,
des parties consultables des dossiers, des connaissances de l'équipe
scolaire ainsi que du Centre Psycho-Médico-Social (PMS) et d'une
observation consciencieuse.
2.1 Necati
Brève anamnèse
- Prénom de l'enfant : Necati
- Date de naissance : 17 avril 2008
- Âge en début de prise en charge : 5 ans 8 mois
- Nationalité : Turque
- Langue parlée à la maison : le turc
- Fratrie : Mohamed (25 ans), et Dilahan (soeur jumelle, 5 ans 8
mois)
Il fréquente l'école Liberté depuis la
Moyenne Section de Maternelle (MSM). Ses
parents, provenant de Turquie, lui parlent uniquement dans la
langue turque au domicile.
Le père est arrivé 40 ans auparavant, tandis que
la mère ne vit ici que depuis 5 ans.
Comportement en classe
Il joue seul, ou avec sa soeur. Il communique peu, mais
seulement dans sa LM, n'utilise pas la gestuelle, et ne s'adresse jamais aux
autres enfants. Les niveaux expressif et compréhensif en langue
française sont fortement atteints. Enfant dit « étrange,
mutique » selon le corps enseignant. Cela va à l'encontre de la
description des parents qui atteste d'un garçon agité, bavard,
s'amusant énormément avec sa soeur et appréciant l'univers
scolaire.
Comportement au prétest
Avant de débuter, je lui pose de simples questions,
ouvertes comme fermées : Necati me répondait toujours par un
signe de tête signifiant « oui ». Il baisse la tête, ne
me
Résultats obtenus au prétest
|
Dénomination
|
Désignation
|
Schéma corporel
|
MT : 0/12 MC : 0/12
|
MT : 3/12 MC : 0/12
|
Orientation spatiale et
météo
|
MT : 0/12 MC : 0/12
|
MT : 1/12 MC : 0/12
|
Émotions, états, sentiments
|
MT : 0/12 MC : 0/12
|
MT : 2/12 MC : 1/12
|
Langage scolaire
|
MT : 0/12 MC : 0/12
|
MT : 2/12 MC : 1/12
|
Vêtements
|
MT : 2/12 MC : 2/12
|
MT : 4/12 MC : 1/12
|
|
32
regarde pas dans les yeux. Il est très intimidé
et se demande sans doute ce qu'il va se passer dans les prochaines minutes. Il
me montre un désintéressement complet face à ce qui est
disposé sur la table, et préfère regarder ailleurs. De
lourdes expirations reflètent son envie d'en finir. La passation se vit
comme un supplice extrême. À aucun moment il ne tente de
communiquer. Lors de la dénomination, tous les éléments
sont énoncés dans sa langue maternelle.
Commentaires relatifs au tableau
En dénomination, il n'est pas en possession de tout le
vocabulaire adéquat, puisqu'il répète à de maintes
reprises le même mot pour des images singulières, comme s'il ne
voulait pas voir le détail que je m'évertuais à lui
indiquer (exemple : [gebek] octroyé à « ventre » et
« nombril », l'unique signification du mot étant « ventre
»).
Les scores obtenus proviennent du hasard d'une part, en
utilisant une stratégie consistant à constamment pointer de
droite à gauche, et de la ressemblance phonétique entre certains
mots français et des mots de la langue turque d'autre part. Je ne
perçois aucune motivation à faire des efforts. Il se contente
d'utiliser sa stratégie. Cela signifie que le niveau de
compréhension est nul.
Necati est globalement en grande difficulté
langagière. La barrière de la langue est un réel handicap
pour lui, particulièrement sur le plan social. Je crains que le manque
de motivation puisse lui jouer des tours en ce qui concerne l'apprentissage de
la langue française. L'atelier « bain de langage »
l'accueillera, pour avoir assisté à un moment de forte
réticence lors de l'instant consacré à l'éveil
musical, se déroulant en classe.
2.2 Dilahan
Brève anamnèse
- Prénom de l'enfant : Dilahan
- Date de naissance : 17 avril 2008
- Âge en début de prise en charge : 5 ans 8 mois
- Nationalité : Turque
- Langue parlée à la maison : le turc
Résultats obtenus au prétest
|
Dénomination
|
Désignation
|
Schéma corporel
|
MT : 0,5/12 MC : 0/12
|
MT : 0/12 MC : 2/12
|
Orientation spatiale et
météo
|
MT : 0,5/12 MC : 0/12
|
MT : 2/12 MC : 0/12
|
Émotions, états, sentiments
|
MT : 0/12 MC : 0/12
|
MT : 3/12 MC : 5/12
|
Langage scolaire
|
MT : 0/12 MC : 0/12
|
MT : 1/12 MC : 2/12
|
Vêtements
|
MT : 2/12 MC : 1/12
|
MT : 8/12 MC : 5/12
|
|
33
- Fratrie : Mohamed (25 ans), et Necati (frère jumeau,
5 ans 8 mois)
Elle est arrivée également à
l'école Liberté en MSM, mais elle ne parvient toujours pas
à produire de mots en langue française de manière
spontanée. Le père des deux enfants possède de vagues
connaissances en langue française, qui lui ont permis de répondre
à mes diverses demandes (questionnaire, autorisation). Cependant, la
compréhension ainsi que l'expression de la mère sont nulles.
Comportement en classe
L'élément majeur qui la différencie de
son frère réside dans le caractère et le comportement
social. Elle n'hésite pas à participer non verbalement aux
activités de la classe. En effet, Dilahan est souriante, volontaire,
très enthousiaste par rapport aux animations musicales. Le mutisme et la
passivité ne lui correspondent absolument pas. Lorsqu'elle entend un mot
nouveau, elle tente de le répéter. La compréhension semble
extrêmement réduite.
Comportement au prétest
Dilahan est très attentive à ce qui l'entoure,
et paraît impatiente de réaliser ce que je m'apprête
à lui demander. Sur le plan linguistique, tout comme son frère,
elle communiquera ses réponses uniquement par le biais de sa LM.
Nonobstant, elle use de son corps pour s'exprimer et transmettre toutes ses
idées. Elle possède l'esprit de communication, et ne demande
qu'à entrer en interaction avec autrui.
Commentaires relatifs au tableau
Lors de la dénomination, elle s'efforce de
décrire entièrement l'image/l'objet, et ne me donne jamais qu'un
seul mot. À cela, elle ajoute des gestes afin de corroborer ses propos.
Malheureusement, je ne pouvais faire autrement que de l'encourager dans ce
sens, toutefois en français. Il lui arrive d'utiliser un même mot
pour plusieurs images différentes, et ses réponses ne sont pas
toujours identiques à celles de son frère. Je ne possède
tristement pas les ressources nécessaires dans la langue turque pour
étudier ceci en profondeur.
L'explication des scores obtenus en désignation est la
même explication que pour son frère. Il s'agit d'un mélange
entre hasard, puisqu'elle pointait plusieurs fois la même
34
image, et phonétique (exemples : toilettes, botte,
pantalon, pyjama, cravate). Elle observait
sans arrêt mon regard, en espérant une
approbation.
Les résultats expressifs et réceptifs indiquent
que Dilahan a besoin d'une prise en charge logopédique de toute urgence.
La compréhension déficitaire démontre que la langue
française s'apparente à l'inconnu. L'ayant surprise à de
nombreuses reprises à fredonner de jolies mélodies en classe, je
l'ai alors dirigée vers l'atelier « comptine ».
Tentative d'analyse concise des réponses
données en langue turque
Grâce à un outil de traduction internet (Google
traduction, n.d.), j'ai souhaité savoir si les réponses
données par les enfants dans leur LM correspondaient au mot cible
attendu en français. Au moyen de mon clavier, je tapais le mot en langue
française afin que l'outil le traduise à l'écrit, pour que
je puisse finalement l'entendre oralement.
D'après mes légères recherches, les mots
usités par Dilahan correspondraient en grande majorité aux mots
attendus en français. Cependant, elle a tendance à
généraliser en énonçant un unique mot pour deux
images distinctes (exemple : [ajak] attribué à « jambe
» et à « pied », alors que la signification du mot est
« pied »).
Parler ici d'hyperonyme où « le jeune
enfant ne possédant pas encore un vocabulaire suffisant, utilise
fréquemment un terme pour plusieurs autres de la même
catégorie » pourrait être admis (Dictionnaire d'Orthophonie,
2011).
En revanche, les réponses délivrées par
Necati ne coïncident qu'exceptionnellement avec celles de sa jumelle. J'ai
remué mes méninges pour savoir à quelle entité ses
énoncés faisaient référence, mais en vain. Une
plausible hypothèse permettant d'éclaircir ce mystère sera
dévoilée un peu plus tard.
2.3 Naïsha
Brève anamnèse
- Prénom de l'enfant : Naïsha
- Date de naissance : 13 novembre 2008
- Âge en début de prise en charge : 5 ans 2 mois
Résultats obtenus au prétest
|
Dénomination
|
Désignation
|
|
|
Schéma corporel
|
MT : 1/12 MC : 1/12
|
MT : 11/12 MC : 9/12
|
Orientation spatiale et
météo
|
MT : 4/12 MC : 0/12
|
MT : 11/12 MC : 2/12
|
Émotions, états, sentiments
|
MT : 1,5/12 MC : 2,5/12
|
MT : 5/12 MC : 4/12
|
Langage scolaire
|
MT : 3/12 MC : 5/12
|
MT : 11/12 MC : 11/12
|
Vêtements
|
MT : 2/12 MC : 1/12
|
MT : 8/12 MC : 8/12
|
|
-
35
- Nationalité : Pakistanaise
- Langue parlée à la maison : un dialecte ( le nom
m'est inconnu)
- Fratrie : information non connu
Elle fréquente l'école Liberté depuis la
MSM. Ses parents n'ont pas été en mesure de répondre
à mes interrogations portant sur la vie familiale et le comportement de
leur fille dans un cadre plus intimiste, ne maîtrisant absolument pas la
langue française.
Comportement en classe
Très réservée, elle s'exprime
très peu en classe et n'éprouve aucun plaisir à contribuer
aux activités, excepté le moment libre où je peux
l'observer danser sur les oeuvres musicales à succès ces derniers
temps. Elle se dispute sans arrêt avec ses copines, notamment Dilahan
(ceci s'est accentué avec le temps).
Comportement au prétest
Naïsha est très discrète. Elle est
tellement timide qu'elle chuchote dès qu'elle donne une réponse,
étant presque inaudible. Ses yeux trahissent son envie de communiquer,
mais la barrière de la langue l'en empêche. Elle n'utilise pas la
stratégie non verbale.
Commentaires relatifs au tableau
Si Naïsha ne parvient pas à donner de
réponse, elle semble très triste et déçue
d'elle-même. J'essayais de lui fournir des paroles aussi rassurantes que
possible. J'ai pu remarquer qu'en désignation, elle procédait par
élimination. Cependant, elle pouvait pointer une même image
plusieurs fois, ce qui prouve bien que les points réussis ne sont pas
toujours le fruit d'une réflexion, ni d'une connaissance.
Fréquemment, son [?] se transforme en [s]. Elle inverse, omet, substitue
des phonèmes (exemple : [saseynesap?]). Une syntaxe « sujet+verbe
» apparaît quelquefois, ainsi que l'ajout d'un article devant le
nom. Néanmoins, cela reste relativement rare.
Concernant les émotions, épreuve la plus
difficile, car non concrète, elle ne proposait aucun mot en
dénomination (excepté ceux où elle a obtenu les points).
Sa réception est excellente concernant le domaine du langage
scolaire.
36
Les scores en réception sont nettement
supérieurs à ceux de ses copains de testing, en tenant bien
compte qu'ils ne résultent pas toujours d'une connaissance
réelle. Quant à l'aspect expressif, très pauvre, il n'est
pas à négliger. Étant donné son engouement corporel
lorsqu'une musique retentit en classe, j'ai pris le soin de placer Naïsha
dans l'atelier « comptine ».
2.4 Ansarollah
Brève anamnèse
- Prénom de l'enfant : Ansarollah
- Date de naissance : 1er janvier 2008
- Âge en début de prise en charge : 6 ans
- Nationalité : Afghane
- Langue parlée à la maison : l'arabe
- Fratrie : 2 frères (un de 3 ans, l'autre de 7 ans)
Il fréquente l'école Liberté depuis le 25
novembre 2013. Sa mère ne s'exprime que
dans la LP, tandis que son père ne comprend que
très peu de mots en français. C'est
pourquoi ils n'ont pu répondre à aucune de mes
demandes.
Comportement en classe
À son arrivée, il paraissait perdu, sans
repères. Les premières semaines, il ne s'adressait à
personne. Mais nous avons pu finalement percevoir le son de sa voix, et
constater qu'il n'était finalement pas si fermé que cela. Il aime
la compétition : son but n'est pas de participer, mais de gagner. Il
est, malgré les tours de parole non respectés, très
attentif et curieux. Il se sociabilise de plus en plus. Avec ses copains, il
parle tantôt en français, tantôt en arabe étant
donné que plusieurs d'entre eux en ont la capacité.
Comportement au prétest
Ansarollah est très vif, extrêmement volontaire.
Il ne reste pas muet et donne une réponse la plupart du temps, en
émettant toutefois des erreurs phonétiques (exemple : remplace
constamment le [?] qui n'a jamais été produit par [s]), et
phonologiques
Résultats obtenus au prétest
|
Dénomination
|
Désignation
|
|
|
Schéma corporel
|
MT : 2,5/12 MC : 3/12
|
MT : 8/12 MC : 9/12
|
Orientation spatiale et
météo
|
MT : 3/12 MC : 1/12
|
MT : 8/12 MC : 6/12
|
Émotions, états, sentiments
|
MT : 1/12 MC : 1,5/12
|
MT : 5/12 MC : 6/12
|
Langage scolaire
|
MT : 7/12 MC : 4,5/12
|
MT : 12/12 MC : 10/12
|
Vêtements
|
MT : 3/12 MC : 0,5/12
|
MT : 6/12 MC : 8/12
|
|
37
(inversion de phonèmes et syllabes, et omission de
phonèmes). Il considère le testing comme un jeu, jalonné
par plusieurs « J'ai gagné ? ». Ses yeux s'écarquillent
lorsqu'il pense avoir trouvé la réponse attendue. Cette
étude ne vise pas à s'attarder sur ce type d'erreurs, mais cela
n'empêche pas de le signaler. Il mime beaucoup lors de la phase
expressive, utilise le langage corporel pour appuyer ses dires. J'ai
perçu une grande motivation de sa part lors de ces deux
séances.
Commentaires relatifs au tableau
En désignation, il montre plusieurs fois une même
image pour deux mots différents. Le temps de latence est important, et
semble souvent pointer au hasard (domaine des émotions, notamment).
Très bonne compréhension des termes scolaires. Parfois, il ajoute
l'article au nom : il commet presque toujours des erreurs de genre. Il obtient
davantage de points si les mots ont une fréquence plus
marquée.
Bien que ses résultats, tant en expression qu'en
compréhension, soient supérieurs à ceux de ses camarades,
Ansarollah éprouve d'importantes difficultés à s'exprimer
en langue française. En raison de son esprit compétiteur, et
grâce à mon précieux temps d'observation en classe m'ayant
appris que l'enfant n'appréciait pas spécialement la musique, il
bénéficiera de l'atelier « bain de langage ».
Les différents scores obtenus lors de ce premier testing
font ressortir les difficultés lexicales de ces enfants. À
présent, il est temps d'apprendre en jouant...ou en chantant !
38
Chapitre 3
Exposition des activités logopédiques
Mon souhait le plus cher à travers ce travail
était de parvenir à intégrer les petits d'Homme les moins
aptes à s'exprimer verbalement dans la langue officiellement
usitée en Wallonie, le français. L'objectif principal consistait
à leur fournir un premier répertoire de mots fonctionnels de deux
manières : soit à l'aide d'un atelier « bain de langage
» comme à l'accoutumée, ou bien grâce à un
atelier « comptine ». Dans les deux cas, je vise un enrichissement du
vocabulaire.
Le langage verbal combiné au non verbal fonde, de mon
point de vue, la recette idéale pour une communication emplie
d'échanges variés. C'est pourquoi il me paraissait judicieux
d'insérer, au sein des diverses activités ultérieurement
développées, autant que possible le corps et la gestuelle. Cet
autre support communicationnel pourrait également leur servir de
sous-pape si le langage verbal peine à éclore.
Afin de répondre à mon questionnement originel
: « La « comptine » et le « bain de langage »
agissent-ils de la même manière au niveau de l'apprentissage d'un
vocabulaire donné ? L'un ne s'avérerait-il pas plus efficace que
l'autre ? », deux groupes composés de deux enfants chacun ont
été confrontés aux 60 mots à travailler constituant
les cinq champs sémantiques suivants :
- Le schéma corporel : « doigt,
nez, oreille, bouche, ventre, jambe, coude, oeil, front, nombril, orteil, pouce
».
- L'orientation spatiale et la météo
: « soleil, devant, derrière, sur, sous, entre,
arc-en-ciel, chaud, froid, neige, carte, étoile ».
- Les émotions, états, sentiments
: « heureux, malade, curieux, inquiet, triste, fatigué,
dégoûté, déçu, timide, jaloux, amoureux,
pressé ».
- Le langage scolaire (objets+verbes
d'action) : « dessiner, fermer, ballon, libre, ouvrir, table, toilette,
cahier, ciseaux, crayon, découper, colle ».
- Les vêtements : « chapeau,
botte, jupe, pantalon, écharpe, pyjama, gilet, moufles, short,
pull-over, salopette, maillot ».
Un même champ sémantique sera abordé
pendant quatre séances matinales consécutives afin de
hiérarchiser la progression. Une séance dure, comme à
l'accoutumée, 30 minutes.
39
3.1 L'atelier « bain de langage »
L'énumération des champs sémantiques
sera réalisée selon un ordre d'importance qui m'est propre. Afin
de favoriser la communication et optimiser l'apprentissage du vocabulaire lors
de ces séances, je pratiquais naturellement les consignes
thérapeutiques destinées « bain de langage »
développées dans la partie théorique (Docquier, 2013).
- Schéma corporel
Date de la séance (30 mn)
|
Objectifs où l'enfant sera capable
de...
|
Activités et consignes
|
20/01/14
|
- Joindre les deux parties du corps entendues
- Reconstruire le bonhomme en collant les dessins
représentant les
12 parties du corps aux bons endroits sur consigne verbale
du thérapeute
|
« Jeu des statues »
|
|
|
10/02/14
|
- Se mettre dans ladite position en touchant/ joignant les
parties du corps entendues
- Compléter sa planche en nommant
les différentes parties du corps
représentées par les
photos piochées
|
« Jacques a dit »
|
|
|
17/02/14
|
- Compléter le bonhomme en
dessinant les parties du corps manquantes au tableau
- Déposer le plus rapidement possible leurs cartes sur
le tas en dénommant le symbole commun
|
« Dessine-moi »
|
|
|
24/02/14
|
- Nommer la partie du corps que le dé affiche
- Placer le stéthoscope sur la partie du corps en
question
- Énoncer la phrase «
J'écoute mon/ma... »
|
« Allô docteur ? »
|
|
|
40
- Orientation spatiale et météo
Date de la séance (30 mn)
|
Objectifs où l'enfant sera capable
de...
|
Activités et consignes
|
24/02/14
|
- Compléter sa planche en nommant les différents
éléments topologiques et météorologiques
représentés par les photos piochées
|
« Loto d'orientation spatiale et météo
»
|
|
10/03/14
|
-Apparier cartes où la souris occupe une même
place
-Dénommer la position de la souris -Déposer le
plus rapidement possible leurs cartes sur le tas en dénommant le symbole
commun
|
« Où est la souris ? »
|
|
|
12/03/14
|
- Apparier les photos où l'élève et
l'objet occupent la même position, et dénommer la position
- Reproduire le modèle photo en
dénommant et en plaçant correctement les
images mobiles
|
« Dis ma position ! »
|
|
|
14/03/14
|
-Dénommer la position représentée sur la
carte, puis l'imiter avec le matériel disponible
- Placer l'élément énoncé par le
thérapeute le plus rapidement possible dans la
salle
|
« Mime et je devine ! »
|
|
|
|
41
- Émotions, états, sentiments
Date de la séance (30 mn)
|
Objectifs où l'enfant sera capable
de...
|
Activités et consignes
|
17/03/14
|
- Déposer le plus rapidement
possible leurs cartes sur le tas en dénommant le symbole
commun
- Brandir la photo qui correspond à
leur ressenti à l'écoute d'une
musique tout en dénommant
l'émotion/l'état/ le
sentiment représenté
|
« Dobble des émotions »
|
|
|
18/03/14
|
- Associer 2 photos où deux
personnes différentes représentent
la même émotion tout en dénommant cette
dernière
- Sélectionner et coller plusieurs
photos représentant la même émotion sur
une page dédiée ladite émotion
|
« Associe-nous »
|
|
|
19/03/14
|
- Compléter sa planche en nommant
les différentes émotions
représentées par les photos piochées
- Faire deviner une émotion à son camarade en la
mimant
- Deviner l'émotion et énoncer son nom
|
« Loto des émotions »
|
|
|
21/03/14
|
- Apparier les photos identiques, et dénommer
l'émotion représentée
|
« Memory des émotions »
|
|
|
- Langage scolaire (objets + verbes d'action)
Date de la séance (30 mn)
|
Objectifs où l'enfant sera capable
de...
|
Activités et consignes
|
21/03/14
|
- Retrouver l'action/l'objet cible
sur la photo, la/le nommer puis déposer
l'élément mobile sur la photo
|
« OEil de lynx »
|
|
|
42
24/03/14
- Mimer l'objet ou l'action dictés
|
« Mime et je devine »
|
|
par la photo piochée pour les faire deviner à
son camarade
|
- Les enfants, à l'aide des photos du loto, doivent
mimer les objets/actions affichés pour
|
|
- Nommer l'objet ou l'action mimés
|
que leur camarade puisse les identifier et les
|
|
- Compléter sa planche en nommant
|
nommer.
|
|
les différents éléments scolaires
|
« Loto du langage scolaire »
|
|
représentés par les photos piochées
|
- Les enfants doivent placer les photos mobiles
piochées sur ses deux planches de six éléments afin de la
remplir entièrement.
|
26/03/14
|
- Toucher l'objet dans le sac
|
« Touche et devine »
|
|
opaque, deviner son identité et le
|
- Les enfants doivent reconnaître l'objet caché
|
|
nommer
|
dans un sac opaque au moyen de leur sens du
|
|
- Demander à son camarade la carte
|
toucher.
|
|
qu'il désire obtenir pour gagner une
|
« O-pairez »
|
|
paire
|
- Les enfants doivent se demander à tour de rôle
les photos souhaitées pour reconstituer les paires. Chacun a 4 cartes en
main, le reste étant la pioche.
|
27/03/14
|
- Déposer le plus rapidement
|
« Dobble du langage scolaire »
|
|
possible leurs cartes sur le tas en
|
- Les enfants doivent se débarrasser rapidement
|
|
dénommant le symbole commun
|
de leurs cartes comportant 3 photos
|
|
- Dessiner (recopier)
|
représentant un élément du langage
scolaire.
|
|
approximativement l'image/la
|
Une photo d'une carte sera toujours commune
|
|
photo afin de faire deviner
|
à une celle d'une autre.
|
|
l'objet/l'action à son camarade
|
« Pictionnary »
|
|
- Énoncer l'objet/l'action lorsqu'il
|
- Les enfants doivent recopier au tableau
|
|
pensera avoir deviné
|
l'élément du langage scolaire situé sur la
carte pour que le camarade puisse le deviner et l'énoncer. Si trop
compliqué, ils peuvent s'aider des mimes.
|
|
- Vêtements
Date de la séance (30 mn)
|
Objectifs où l'enfant sera capable
de...
|
Activités et consignes
|
28/03/14
|
- Déposer les cartes-vêtements sur l'arbre de la
saison approprié en dénommant l'habit
- Apparier deux mêmes cartes, et les dénommer pour
les gagner
|
« Respectons la saison »
|
|
|
|
43
31/03/14
- Déposer le plus rapidement
possible leurs cartes sur le tas en dénommant le symbole
commun - Vêtir leur personnage avec les habits énoncés par
le thérapeute
|
« Dobble des vêtements »
|
|
|
02/04/14
|
- Compléter sa planche en
nommant les différents vêtements
représentés par les photos piochées - Dénommer le
vêtement affiché sur la carte, aller le chercher dans le bac, puis
s'en vêtir
|
« « Loto des vêtements »
|
|
|
04/04/14
|
- Être le plus rapide à se
débarrasser de ses cartes en retrouvant le
vêtement similaire sur le plateau et en le nommant
|
« OEil de lynx »
|
|
|
44
3.2 L'atelier « comptine »
Une comptine correspond à un champ sémantique, il
y en a donc cinq. Ceci me semblait être le meilleur compromis pour
favoriser la mémorisation. Nous répétions
entièrement la formulette 3 à 4 fois par séance. Au fur et
à mesure, le nombre d'objectifs augmente, ces derniers étant
censés s'automatiser progressivement. Le premier contact avec une
comptine s'établit généralement avec un média
audiovisuel : moment d'écoute où je leur présente la
comptine entière avec l'instrument, à tempo normal dans un
premier temps puis ralenti ensuite où l'articulation des mots est
davantage marquée. Une vidéo est uniquement consacrée
à l'instrumentale, afin que je puisse chanter et mimer avec les filles.
Les mots cibles étaient entourés de différentes couleurs.
Concernant les illustrations, j'utilisais au départ des
représentations dessinées, pour les supplanter
ultérieurement par des photos se rapprochant davantage de la
réalité. Les « blancs » correspondent aux mots
cibles.
- Schéma corporel
Date de la séance (30 mn)
|
Objectifs où l'enfant sera capable
de...
|
Comptine
|
20/01/14
|
- Écouter la nouvelle comptine - Fredonner la
mélodie
- Associer les gestes aux mots entourés
|
« Un peu de gym »
Je touche mon nez avec mon pouce
|
10/02/14
|
- Associer les gestes aux mots entourés
- Pointer le dessin approprié à l'écoute du
mot cible
|
|
17/02/14
|
- Associer les gestes aux mots entourés
- Pointer le dessin approprié à l'écoute du
mot cible
- Compléter les « blancs » de la comptine en
s'aidant des dessins
|
|
|
|
|
|
24/02/14
|
- Associer les gestes aux mots entourés
- Pointer le dessin approprié à l'écoute du
mot cible
- Compléter les « blancs » de la comptine en
s'aidant des dessins
|
|
|
45
- Orientation spatiale et météo
Date de la séance (30 mn)
|
Objectifs où l'enfant sera capable
de...
|
Comptine
|
26/02/14
|
- Écouter la nouvelle comptine - Fredonner la
mélodie
- Associer les gestes/mimes aux mots entourés
|
« Le temps rêvé »
Je me réveille, il y a du soleil
|
10/03/14
|
- Associer les gestes/mimes aux mots entourés
- Pointer le dessin approprié à l'écoute du
mot cible
|
|
12/03/14
|
- Associer les gestes/mimes aux mots entourés
- Pointer le dessin approprié ou se placer correctement
(parcours créé pour la topologie) à l'écoute du mot
cible
- Compléter les « blancs » de la comptine en
s'aidant des dessins
|
|
|
|
|
|
|
|
|
14/03/14
|
- Associer les gestes/mimes aux mots entourés
- Pointer le dessin approprié ou se placer correctement
(parcours créé pour la topologie) à l'écoute du mot
cible
- Compléter les « blancs » de la comptine en
s'aidant des dessins
|
|
|
|
|
- Émotions, états, sentiments
Date de la séance (30 mn)
|
Objectifs où l'enfant sera capable
de...
|
Comptine
|
14/03/14
|
- Écouter la nouvelle comptine - Fredonner la
mélodie
- Associer les gestes/mimiques aux mots entourés
|
« États d'âme ! » Aujourd'hui, je
suis heureux
|
|
17/03/14
|
- Associer les gestes/mimiques aux mots entourés
- Brandir la photo représentative du mot entendu
|
|
|
|
18/03/14
|
- Associer les gestes/mimiques aux mots
- Brandir la photo représentative du mot entendu
- Compléter les « blancs » de la comptine en
s'aidant des photos
|
|
|
|
|
|
19/03/14
|
- Associer les gestes/mimiques aux mots
|
|
|
|
- Brandir la photo représentative du mot entendu
- Compléter les « blancs » de la comptine en
s'aidant des photos
|
|
46
- Langage scolaire ( objets + verbes d'action)
Date de la séance (30 mn)
|
Objectifs où l'enfant sera capable
de...
|
Comptine
|
19/03/14
|
- Écouter la nouvelle comptine - Fredonner la
mélodie
- Associer les gestes/mimes aux mots entourés
|
« Jour d'école ! »
Ce matin s'ouvre la porte
|
21/03/14
|
- Associer les gestes/mimes aux mots entourés
- Brandir la photo représentative du mot cible et la
coller à proximité de ce dernier
|
|
|
|
24/03/14
|
- Associer les gestes/mimes aux mots
- Brandir la photo représentative du mot cible et la
coller à proximité de ce dernier
- Compléter les « blancs » de la comptine en
s'aidant des photos
|
|
|
|
|
|
|
26/03/14
|
- Associer les gestes/mimes aux mots
- Brandir la photo représentative du mot cible et la
coller à proximité de ce dernier
- Compléter les « blancs » de la comptine en
s'aidant des photos
|
|
|
47
- Vêtements
Date de la séance (30 mn)
|
Objectifs où les enfants seront capables
de...
|
Comptine
|
28/03/14
|
- Écouter la nouvelle comptine - Fredonner la
mélodie
- Sauter sur les vêtements étalés par terre
à l'écoute du mot cible
|
« Pas tout nu, une tenue ! » En
été, pas besoin de gilet
|
31/03/14
|
- Sauter sur les vêtements étalés par
terre à l'écoute du mot cible - Brandir le vêtement entendu
et l'enfiler
|
|
|
02/04/14
|
- Sauter sur les vêtements étalés par terre
à l'écoute du mot cible - Brandir la photo représentative
du mot cible entendu et la coller à proximité de ce dernier
- Compléter les « blancs » de la comptine en
s'aidant des photos
|
|
|
|
|
|
04/04/14
|
- Sauter sur les vêtements étalés par terre
à l'écoute du mot cible - Brandir la photo représentative
du mot cible entendu et la coller à proximité de ce dernier
- Compléter les « blancs » de la comptine en
s'aidant des photos
|
|
|
Les 20 séances respectives des ateliers « bain de
langage » et « comptine » ont-elles amélioré le
stock lexical (en expression et en réception) des enfants de la
même manière ? Pour le savoir, les enfants ont été
confrontés derechef à la passation du test de départ. Le
chapitre suivant examine la question.
Comparaison prétest/postest :
|
Dénomination
|
Désignation
|
|
|
|
POSTEST
|
PRETEST
|
POSTEST
|
Schéma corporel
|
MT : 0 MC : 0
|
MT : 5,5 MC : 2
|
MT : 3 MC : 0
|
MT : 12 MC : 7
|
Orientation spatiale
et météo
|
MT : 0 MC : 0
|
MT : 4 MC : 3,5
|
MT : 1 MC : 0
|
MT : 10 MC : 3
|
Émotions, états, sentiments
|
MT : 0 MC : 0
|
MT : 2 MC : 0,5
|
MT : 2 MC : 1
|
MT : 2 MC : 0
|
Langage scolaire
|
MT : 0 MC : 0
|
MT : 9 MC : 6,5
|
MT : 2 MC : 1
|
MT : 12 MC : 7
|
Vêtements
|
MT : 2 MC : 2
|
MT : 6,5 MC : 3,5
|
MT : 4 MC : 1
|
MT : 8 MC : 3
|
|
48
Chapitre 4
Présentation des résultats
Cette partie permettra d'exposer, d'analyser, de comprendre et
de comparer les résultats obtenus au testing final.
4.1 Necati
Observation du comportement en séance et en classe :
Necati fut absent trois séances. Sur les deux
activités proposées en séance, il participait à
l'une, quelquefois à l'autre. Il était généralement
renfermé, et n'ouvrait quasiment pas la bouche. Les techniques d'aide
à la production ne fonctionnaient que très rarement avec lui. Il
appréciait particulièrement les Lotos et les Dobbles, puisqu'il
ne se sentait pas forcé d'énoncer un mot pour remporter le jeu.
Je ne percevais pas de motivation chez lui. Il préférait regarder
en l'air plutôt que d'être attentif à l'activité.
Néanmoins, lorsqu'il ne souhaitait plus jouer, il venait tout de
même en aide à son copain en lui soufflant la réponse
correcte (très impressionnant puisqu'inattendu). Au niveau de la classe,
une progression sur le plan pragmatique est indéniable : il regarde
désormais les personnes qui l'entourent, et n'hésite pas à
ouvrir une communication. Il utilise cependant constamment sa LM pour
s'exprimer, mais cela ne freine aucunement les échanges avec ses
camarades qui lui répondent en français (très drôle
à contempler). Les progrès de Necati sont présents, mais
demeurent modestes. Il me paraît essentiel de préciser qu'au cours
de l'année, divers professionnels de la santé ont suspecté
de l'autisme. Aujourd'hui, ceci n'est pas encore confirmé.
4.2 Dilahan
Observation du comportement en séance et en classe :
Dilahan, tout comme son frère, a été
absente à trois reprises. Elle venait toujours le sourire aux
lèvres en séance. Elle se montrait très volontaire,
extrêmement enthousiaste à
Comparaison prétest/postest (Dilahan) :
|
Dénomination
|
Désignation
|
|
POSTEST
|
PRETEST
|
POSTEST
|
Schéma corporel
|
MT : 0,5 MC : 0
|
MT : 8,5 MC : 1
|
MT : 0 MC : 2
|
MT : 12 MC : 6
|
Orientation spatiale
et météo
|
MT : 0,5 MC : 0
|
MT : 11 MC : 0,5
|
MT : 2 MC : 0
|
MT : 12 MC : 6
|
Émotions, états, sentiments
|
MT : 0 MC : 0
|
MT : 8,5 MC : 3
|
MT : 3 MC : 5
|
MT : 10 MC : 2
|
Langage scolaire
|
MT : 0 MC : 0
|
MT : 7,5 MC : 3
|
MT : 1 MC : 2
|
MT : 12 MC : 9
|
Vêtements
|
MT : 2 MC : 1
|
MT : 7 MC : 1,5
|
MT : 8 MC : 5
|
MT : 10 MC : 4
|
|
Comparaison prétest/postest (Naïsha) :
|
Dénomination
|
Désignation
|
|
POSTEST
|
PRETEST
|
POSTEST
|
Schéma corporel
|
MT : 1 MC : 1
|
MT : 9 MC : 5,5
|
MT : 11 MC : 9
|
MT : 12 MC : 12
|
Orientation spatiale
et météo
|
MT : 4 MC : 0
|
MT : 10 MC : 4
|
MT : 11 MC : 2
|
MT : 12 MC : 12
|
Émotions, états, sentiments
|
MT : 1,5 MC : 2,5
|
MT : 9 MC : 4
|
MT : 5 MC : 4
|
MT : 12 MC : 10
|
Langage scolaire
|
MT : 3 MC : 5
|
MT : 12 MC : 8
|
MT : 11 MC : 11
|
MT : 12 MC : 12
|
Vêtements
|
MT : 2 MC : 1
|
MT : 11 MC : 3
|
MT : 8 MC : 8
|
MT : 12 MC : 12
|
|
49
l'idée de chanter. Elle aimait toucher au
ukulélé (grande source de motivation) en début de
séance, pour se défouler : elle était bien plus attentive
ensuite. Souvent, elle s'inspirait des dires et mouvements qu'exécutait
Naïsha. Elle a toujours su associer son langage non verbal au verbal. Ses
productions se réalisent majoritairement en langue turque. Il
était très difficile et frustrant pour ma part de ne pas la
comprendre, mais je ne la laissais pourtant jamais sans retour oral. Sa
concentration s'estompait lors des dernières séances, se
disputant sans cesse avec Naïsha pour être « la première
» à montrer et donner la réponse (bien qu'ayant
instauré le tour de parole). Elle est parvenue à
s'intégrer dans plusieurs groupes, et a su se faire une place au sein de
la classe. Dès qu'elle me voyait entrer, elle aimait dire les mots, tout
en me montrant leur représentation concrète, qu'elle avait
retenus de la fois passée (signe de transfert hors contexte). Je
l'entendais souvent fredonner la mélodie d'une comptine lorsqu'elle
jouait. Les séances privilégiées (lorsque Naïsha
était absente) semblaient favoriser ses capacités
attentionnelles. Les progrès de Dilahan sont incontestables : l'atelier
« comptine » lui convenait parfaitement et semble avoir porté
ses fruits.
4.3 Naïsha
Observation du comportement en séance et en classe :
Quatre séances se sont déroulées sans la
présence de Naïsha. Elle venait en séance logopédique
en fredonnant la comptine du moment, et avec plaisir, certainement parce
qu'elle se sentait écoutée. Sa timidité s'est
atténuée au fur et à mesure. La séance
s'amorçait avec son désir de nous conter un
événement qui l'avait marquée. Elle s'exprimait avec une
syntaxe déstructurée faite de mots-clés. Elle a pris
confiance elle, et le risque de commettre une erreur verbale de l'effrayait
plus. Sa curiosité l'amenait à s'intéresser
d'emblée à la nouvelle comptine proposée, ainsi qu'aux
illustrations/photos. L'instant de ukulélé animé par
Dilahan dévoilait les talents de danseuse de Naïsha : un rituel de
début de séance s'est installé. Au début
régnait une complicité flagrante avec sa camarade, mais les
querelles finales l'ont emportée et l'atmosphère s'est
dégradée au profit des discordes. L'atelier « comptine
» paraissait adéquat pour Naïsha, Une belle évolution
ressort également.
Comparaison prétest/postest :
|
Dénomination
|
Désignation
|
|
|
|
POSTEST
|
PRETEST
|
POSTEST
|
Schéma corporel
|
MT : 2,5 MC : 3
|
MT : 10 MC : 2
|
MT : 8 MC : 9
|
MT : 10 MC : 9
|
Orientation spatiale et
météo
|
MT : 3 MC : 1
|
MT : 12 MC : 3
|
MT : 8 MC : 6
|
MT : 12 MC : 12
|
Émotions, états, sentiments
|
MT : 1 MC : 1,5
|
MT : 9,5 MC : 4
|
MT : 5 MC : 6
|
MT : 11 MC : 10
|
Langage scolaire
|
MT : 7 MC : 4,5
|
MT : 12 MC : 11
|
MT : 12 MC : 10
|
MT : 12 MC : 12
|
Vêtements
|
MT : 3 MC : 0,5
|
MT : 10,5 MC : 4
|
MT : 6 MC : 8
|
MT : 12 MC : 12
|
|
50
4.4 Ansarollah
Observation du comportement en séance et en classe :
Ansarollah n'a jamais été absent, est
était excité et motivé à l'idée de venir
jouer. Il a également eu droit à des séances
privilégiées, où, beaucoup moins influencé par les
comportements de son copain, il était plus attentif et participatif. Il
répétait le mot en français dès que j'en
énonçais, et s'essayait à faire des phrases de temps en
temps. Compétiteur et absorbé par le jeu, il en oubliait le tour
de paroles. Il s'exprimait énormément, verbalement comme
corporellement. Le « code- switching » était
particulièrement présent chez lui.
Actuellement, Ansarollah s'est intégré et
s'entend avec la majeure partie de la classe. Il ne craint plus d'aller vers
les autres et aime le contact social. Régulièrement, j'ai pu
observer qu'il réalisait des transferts puisqu'il me demandait de faire
le « jeu du docteur », le « jeu des statues » (alors que je
n'ai prononcé ces mots à de rares occasions) et s'amusait
à regarder et oraliser les diverses émotions de ses camarades
lors de la collation (exemple : « Rafael est dégoûté,
il n'aime pas »). Sur le plan lexical, il a nettement progressé. La
syntaxe se met doucement en place. On peut dire que l'atelier « bain de
langage » lui fut véritablement profitable.
Au cours de ces 20 séances, j'ai pu apercevoir une
évolution globale des enfants. En revanche, l'apparition d'une
variabilité interindividuelle pourrait s'expliquer notamment par
l'intérêt, la motivation, et la personnalité de chacun.
Cette expérience me permet d'affirmer que ces facteurs jouent un
rôle déterminant dans une telle prise en charge.
Concernant les filles, toutes les deux se sont ouvertes
à moi, ainsi qu'aux autres élèves de la classe.
Désormais, aucune ne reste dans son coin. Lors des dernières
séances plus particulièrement, elles se mettaient à
essayer de me conter leurs activités de la veille, tentaient de me
confier leurs états d'âme. La syntaxe ne se construisait pas
convenablement, mais elles parvenaient à énoncer des mots
clés que nous n'avions pas forcément vus ensemble. J'ai pu
m'apercevoir que l'apprentissage de la comptine dans son
entièreté était impossible. Le vocabulaire retenu
résidait essentiellement dans les mots
51
travaillés, et ceux situés en fin de vers. J'ai
pu également constater que les rimes apportaient une aide
considérable en matière de restitution de mots. Cet «
éveil » au langage musical et verbal semblait adapté
à leur tempérament.
Quant aux garçons, malgré une forte
timidité ambiante au départ, Ansarollah s'est montré
beaucoup plus réceptif que son camarade tout au long de l'aventure. Il
participait de bon coeur se livrant à l'apprentissage par essais et
erreurs, tandis que Necati au tempérament plus réservé,
réticent, méfiant et distrait préférait rester en
retrait. L'indifférence de ce dernier l'a conduit à ne produire
que très peu de mots en séance, et la faible progression s'en
ressent. Il m'est impossible de partager un avis sur la syntaxe, puisqu'il ne
s'est jamais essayé à la combinaison de plusieurs mots. En
revanche, Ansarollah créait, au fur et à mesure, ses propres
phrases de plus en plus étoffées en y plaçant
spontanément les vocables travaillés. La méthode de
rééducation classique du langage oral autrement appelée
« bain de langage » n'a malheureusement pu profiter à
l'ensemble du binôme en dépit de son aspect ludique et
diversifié.
Les comptines se sont révélées
être un moyen efficace dans l'apprentissage d'un vocabulaire
donné. Cependant, elles ne surpassent pas l'efficacité du «
bain de langage » dans la matière, mais se contentent de
l'égaler.
52
Il est temps d'avoir une
DISCUSSION
53
À travers cette étude, je me suis
passionnée pour les jeunes enfants non francophones,
déracinés de leur culture et de leur langue maternelle dès
le processus de fréquentation scolaire enclenché. Des
difficultés langagières découlent des complications
pragmatiques, donc d'intégration. Je me suis penchée sur
l'utilité du « bain de langage » et de la « comptine
», deux procédés opérant en rééducation
logopédique du langage oral, dans la phase d'apprentissage du
vocabulaire, afin de savoir lequel des deux s'avérait être le plus
fructueux.
Quatre enfants ont été
sélectionnés, répondant aux critères d'inclusion
précédemment cités. La seule observation permettait de
dire que ces jeunes avaient un niveau de vocabulaire, en expression comme en
production, beaucoup plus faible que celui des autres élèves de
classe. Par conséquent, je n'ai pas jugé pertinent de leur
administrer un test étalonné comme la N-EEL (dont
l'échantillon se compose d'enfants francophones) pour effectuer une
comparaison, sachant que les résultats allaient obligatoirement
être égaux ou inférieurs à -2 ET (écart-type)
et que l'interprétation allait se résoudre à une analyse
qualitative. Par ailleurs, les items intégrant les différentes
épreuves de lexique et de vocabulaire n'étaient pas
indiqués pour la suite des événements, d'où la
création de cinq lignes de base bâties uniquement sur des
épreuves de dénomination et désignation.
Le choix des champs sémantiques, au nombre
réduit, m'a paru difficile. Evidemment, l'attrait fonctionnel a
déterminé la sélection. Les notions temporelles,
importantes car rassurantes, devaient être inculquées mais, trop
difficiles à illustrer et déjà abordées un minimum
en classe, j'ai préféré laisser ce concept à
l'enseignante.
Les résultats au prétest, logiquement attendus,
ne font pas l'objet d'un franc succès. On peut assimiler la
détresse de Necati et Dilahan à un gouffre lexical. La
réception est aussi atteinte que la production, et l'effet de
fréquence d'un mot en langue française ne semble pas avoir
d'impact chez eux. Les quelques réussites sont dues à aux
ressemblances phonétiques de quelques mots turcs et français
(exemples : bottes, pantalon, pyjama, toilettes), mais également
à la part de hasard qu'on ne peut écarter. Il est à noter
que Necati utilise, pour la désignation (sélection d'une photo
parmi quatre), sa stratégie consistant à désigner quasi
constamment les photos en allant de droite à gauche. En ce qui
concerne
54
Naïsha et Ansarollah, légèrement plus
avancés lexicalement que leurs camarades, les scores en réception
surpassent nettement ceux en production. L'effet de fréquence semble,
ici aussi, jouer un rôle minime dans la connaissance du vocabulaire.
Concernant la fréquence des mots présente au
sein de cette expérience, il faut savoir que le but premier
n'était pas de démontrer l'impact qu'elle pouvait avoir sur
l'apprentissage lexical. Si des mots fréquents et moins fréquents
apparaissent, c'est simplement parce qu'il est extrêmement difficile de
trouver 24 mots appartenant à un même champ sémantique et
de fréquence approximativement égale. La question était
plus d'ordre pragmatique ici. Aussi, les effets de fréquence ne
ressortaient pas suffisamment dans les résultats finaux, justifiant
ainsi l'absence d'évocation de la fréquence dans les tableaux.
L'essentiel était de s'attarder davantage sur la comparaison entre les
mots travaillés et les mots contrôles, afin de souligner les
bénéfices d'une prise en charge logopédique en langage
oral, quelle qu'elle soit.
L'objectif d'augmenter le stock lexical des enfants en
production et en réception était commun aux deux méthodes.
Au départ, je ne souhaitais pas réaliser les séances si le
binôme n'était pas au complet. Ceci m'a fait perdu un temps
précieux, puisque j'ai pu remarquer que le taux d'absentéisme
à l'école maternelle était très
élevé. De cette perte de temps, il en découle des
séances logopédiques très rapprochées et
régulières entraînant sans aucun doute des
répercussions mélioratives sur l'apprentissage des jeunes avec
une rétention plus efficiente en comparaison avec une séance
hebdomadaire. En m'adaptant suite aux conseils de professionnels, quelques
séances se sont déroulées en compagnie d'un seul
élève.
Le « bain de langage » m'a paru tout à fait
adapté pour les deux participants du projet. Il semble convenir aux
enfants compétiteurs et introvertis. La relation
patient-thérapeute a été difficile à établir
au début en raison de la méfiance des enfants et de
l'incompréhension de la langue française. Les consignes
précises et souvent redondantes installaient progressivement un climat
de sécurité, poussant l'enfant à s'exprimer de plus en
plus aisément. Lorsque la timidité s'atténuait, la prise
de parole spontanée devenait régulière créant ainsi
un temps d'échanges particuliers. Un atout non négligeable est le
fait que la séance comporte deux activités, captivant davantage
l'enfant et signifiant qu'il est
55
confronté plus d'une fois au vocabulaire cible, ce qui
renforce la mémorisation. Enfin, les diverses techniques d'aide à
l'expression verbale (exemple : la verbalisation parallèle),
également pratiquées en guidance parentale, permettent au
thérapeute d'intervenir lorsque cela est nécessaire et ne
laissent pas l'enfant dans l'erreur.
La « comptine », quant à elle, stimule
grandement l'oreille musicale et donne des indices sur la structure syntaxique
de la langue, bien que l'opportunité d'expression naturelle et
spontanée ne soit pas forcément offerte aux enfants. Dans ces
conditions, il est
ardu de s' « entraîner » à la
construction syntaxique. La répétition favorise
la mémorisation engendrant l'ancrage des mots, certes. Il est alors
possible d'absorber du vocabulaire dans un contexte unique, mais il est fort
probable que le transfert en soit moins facilité. Contrairement au
« bain de langage », les enfants ne peuvent pas appliquer la
méthode des essais et erreurs puisque la « comptine »
pédagogique est déjà établie : l'improvisation n'y
a pas réellement sa place. En revanche, un point plus que profitable
associé aux comptines est la gestuelle. Celle-ci constitue un moyen
d'aide excellent pour encourager la compréhension, et amuse les enfants
de surcroit. Elle a entièrement sa place en logopédie, mais il
faudrait préférer son incorporation dans le « bain de
langage » plutôt que de l'utiliser seule.
Cette expérience m'a appris à relativiser. Il y
a des bienfaits à saisir dans toute chose, mais des limites surgissent
inévitablement.
Il est certain que ce projet dans sa globalité
présente, lui aussi, certaines limites. La taille de
l'échantillon extrêmement réduite, l'absence de tests
étalonnés réservés aux jeunes bilingues pour
évaluer les difficultés langagière précises et les
capacités cognitives des enfants représentent les principales
imperfections de la méthodologie. En effet, en cours d'année, des
spécialistes médicaux ont détecté des anomalies de
développement chez Necati, ce qui pourrait expliquer la faiblesse des
derniers résultats par rapport à ses camarades. D'autre part, les
supports des comptines ont été améliorés
graduellement. La création de comptines aurait pu être
accompagnée d'un livre d'illustrations conçues par un
professionnel, pour un affinement de la compréhension doublé d'un
attrait et d'une évasion encore plus intenses. Par ailleurs, la
qualité ne s'en trouverait qu'améliorée. Il ne
s'agirait
56
pas pour autant de supprimer la mimo-gestualité
contribuant également à la compréhension.
Ce mémoire me permet désormais de
répondre à ma problématique de départ. Les
résultats ne mettent manifestement pas en évidence une
différence d'efficacité dans l'apprentissage du vocabulaire entre
l'atelier « bain de langage » et l'atelier « comptine ».
Tous deux demeurent complémentaires. Au-delà du fait de valider
ou d'invalider mon hypothèse initiale, j'affirmerais qu'une telle
expérience sur le terrain enrichit inéluctablement autant les
connaissances que les compétences logopédiques.
57
Conclusion générale
Ce cheminement était destiné à fournir
une réponse à l'hypothèse de départ, penchant pour
une efficacité supérieure de la pratique des comptines dans
l'apprentissage du lexique chez des enfants de migrants âgés de 5
à 6 ans, par rapport à l'activité du « bain de
langage ».
L'expérience réalisée ne vient pas
corroborer cette supposition : les apports lexicaux livrés chez tous les
enfants, bien que l'échantillon soit limité, rencontrent des
similitudes. La « comptine » et le « bain de langage »
semblent agir de manière équivalente. Tous deux permettent de
faciliter les apprentissages, et ce, à un degré analogue.
Néanmoins, on ne pourra pas enlever au « bain de langage » sa
spécificité des contextes multiples permettant sans aucun doute
un meilleur transfert.
Les recherches théoriques ont su m'éclairer et
ont permis d'appuyer mes dires. Les savoirs au niveau des forces émanant
de la comptine et les connaissances sur le développement langagier
(centré sur le lexique) d'un jeune enfant en une situation
particulière de bilinguisme se sont consolidés.
Dans ce travail, le point personnel essentiel à
retenir pour une future pratique professionnelle est que l'évolution des
enfants diffère en raison de facteurs variés dont font partie la
personnalité, la motivation, sans négliger les capacités
cognitives présentes à l'instar de la mémoire. Aussi, le
développement de l'enfant ne peut être abordé sans parler
de l'intelligence, de qui il dépend fortement. La diversité
humaine entraîne obligatoirement une prise en charge adaptée
à chacun, ce qui rend compte de la richesse du métier de
logopède.
Si je devais poursuivre un travail axé sur la
comptine, le « bain de langage » ayant déjà fait ses
preuves à maintes reprises, je pense qu'il serait intéressant de
se focaliser sur d'autres aspects spécifiques de cette dernière,
par exemple les rimes et les conséquences engendrées sur la
métaphonologie. Aussi, les comptines nommées virelangues et les
relations entretenues avec l'acquisition du système phonologique chez un
enfant de migrant pourraient annoncer un projet fascinant. Enfin, les
débuts de liens tissés ici entre comptine et lecture devraient
connaître un approfondissement.
58
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linguistiques sous-tendant l'apprentissage précoce du lexique d'une
seconde langue dans un contexte d'immersion scolaire. Mémoire de
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l'Académie de Strasbourg (n.d.). Introduction. En ligne
http://www.crdp -
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59
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60
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018
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Bilan neuropsychologique de l'enfant aux multiples appartenances culturelles.
Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, volume 56 (4-5),
299-304.
ANNEXES
ANNEXE 1. Testing schéma corporel
II
ANNEXE 2. Testing orientation spatiale et
météo
III
ANNEXE 3. Testing émotions, états,
sentiments
ANNEXE 4. Testing langage scolaire
IV
52
V
ANNEXE 5. Testing vêtements
VI
ANNEXE 6. Questionnaire remis aux parents en
début d'année scolaire
Liège, le 5 mars 2014
he
VII
Chers parents,
Dans le cadre de mon Travail de Fin d'Etudes, j'organise
depuis plusieurs semaines diverses activités logopédiques au sein
de la classe de 36' maternelle à l'école
Liberté. Il se pourrait fortement que je prenne des photos/vidéos
de ces exercices, où votre enfant apparaîtrait également,
afin d'illustrer mes propos lors d'une prochaine présentation orale.
Cependant, cela ne peut se faire sans votre approbation.
Ci-dessous vous est présenté un formulaire que je vous laisse le
soin de remplir, qui me permettra de connaître votre décision et
de m'y adapter.
Je vous prie d'agréer, chers parents, l'expression de
mes salutations distinguées.
Lisa MARTIN, stagiaire logopède en 3`°e
bac
Je soussigné (e)
|
!~ ~.... utorise n'autorise pas Lisa Martin,
|
étudiante en logopédie à la HEL, à
utiliser dans le cadre de son TFE, tout support sonore, vidéo ou photo
de mon enfan_lki.ATr!...., à des fins exclusivement
pédagogiques.
Date et signature : îi.9/9 1 J 4 i/
ANNEXE 7. Demande d'autorisation parentale pour le
droit à l'image
VIII
Lel~,
|
Liège, le 5 mars 2014
|
Chers parents,
Dans le cadre de mon Travail de Fin d'Etudes, j'organise
depuis plusieurs semaines diverses activités logopédiques au sein
de la classe de 3eme maternelle à l'école Liberté. Il se
pourrait fortement que je prenne des photos/vidéos de ces exercices,
où votre enfant apparaîtrait également, afin d'illustrer
mes propos lors d'une prochaine présentation orale.
Cependant, cela ne peut se faire sans votre approbation.
Ci-dessous vous est présenté un formulaire que je vous laisse le
soin de remplir, qui me permettra de connaître votre décision et
de m'y adapter.
Je vous prie d'agréer, chers parents, l'expression de
mes salutations distinguées.
Lisa MARTIN, stagiaire logopède en Sème
bac
Je soussigné (e). (autori / n'autorise pas Lisa
Martin,
étudiante en logopédie à la TEL, à
utiliser dans le cadre de son TFE, tout support sonore, vidéo ou photo
de mon enfant _ 4.4iMS., à des fins
exclusivement pédagogiques.
Date et signature :
ANNEXE 8. Demande d'autorisation parentale pour le
droit à l'image
Résumé :
Ce travail se consacre à l'étude de
l'efficacité respective du « bain de langage » et de la «
comptine » en ce qui concerne l'enrichissement du vocabulaire chez un
enfant de migrant scolarisé en grande section de maternelle. Pour ce
faire, deux ateliers constitués de deux enfants chacun ont
été créés afin d'effectuer une comparaison entre
les deux domaines. L'un prévaut-il l'autre ?
Mots-clés : immigration - enfant - lexique - vocabulaire -
comptine - bain de langage
|