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L'aide légale aux détenus : avant,
pendant, après leur condamnation
Auteur : Maillard, Margot
Promoteur(s) : Fierens, Jacques
Faculté : Faculté de Droit, de
Science Politique et de Criminologie
Diplôme : Master en droit à
finalité spécialisée en droit social (aspects belges,
européens et internationaux)
Année académique : 2015-2016
URI/URL :
http://hdl.handle.net/2268.2/1196
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FACULTE DE DROIT, DE SCIENCE POLITIQUE ET DE
CRIMINOLOGIE Département de Droit
« L'aide légale aux détenus : avant,
pendant, après leur condamnation »
Margot MAILLARD
Travail de fin d'études
Master en droit à finalité
spécialisée en droit social
Année académique 2015-2016
Recherche menée sous la direction de : Monsieur Jacques
FIERENS
Professeur à l'Université de Liège et
extraordinaire à l'Université de Namur
Résumé
Préalablement à la question de la
détention, il convient de se pencher sur la problématique de
l'accès à la justice et à une défense effective qui
permet pour tout un chacun d'avoir un procès équitable. Il n'est
plus à démontrer que la justice coûte cher et que seules
les personnes ayant des ressources financières suffisantes peuvent
concrètement et effectivement se défendre devant les cours et
tribunaux. Partant de ce constat, il devient indispensable de trouver des
mécanismes qui permettront aux plus démunis d'entre nous de
bénéficier d'une réelle défense, surtout lorsqu'ils
risquent une peine privative de liberté. Le droit à l'aide
juridique devient ainsi le complément nécessaire du droit
à un procès équitable et est indispensable pour
l'inculpé, le prévenu ou le condamné dans ses rapports
avec la justice.
Ensuite, entrer en prison n'est pas seulement une peine
privative de liberté mais bien plus. Le législateur belge a fait
le choix de suspendre tout ou partie des allocations de sécurité
sociale des détenus au motif que ceux-ci sont pris en charge par le SPF
Justice. Il faut cependant souligner que les prestations fournies en prison
sont loin d'être équivalentes aux prestations de
sécurité sociale dans le monde libre. Cette situation a pour
conséquence que le détenu sera contraint de s'offrir certains
biens ou certains services pour améliorer son quotidien ou tout
simplement pour faire en sorte de vivre conformément à la
dignité humaine. Mais qu'en est-il pour les détenus indigents ?
Ceux-ci pourront-ils demander de l'aide à leur famille ou travailler au
sein de la prison ? Mais si cela n'est pas possible, quelles sont les solutions
qui s'offrent à eux ? La caisse de solidarité des détenus
et l'aide sociale au sens strict par le CPAS sont les pistes envisagées
dans ce travail. Il faut cependant souligner que les défaillances de
l'Etat fédéral pèsent lourd sur le budget et la charge de
travail des CPAS lorsque les établissements pénitentiaires ne
parviennent pas à garantir des conditions de détention conformes
à la dignité humaine.
En ce qui concerne la réinsertion sociale, celle-ci
peut commencer en prison. En effet, il existe plusieurs possibilités
pour les détenus d'obtenir diverses aides en passant par les services
d'aide sociale aux détenus qui leur fourniront une aide
spécialisée en matière de formation, de gestion
psychologique de la peine, etc. Lors de la sortie de prison, ces
différents services seront toujours présents pour venir en aide
aux détenus nécessiteux notamment quant aux démarches
à réaliser lors de leur retour à la liberté. Les
ex-détenus pourront aussi avoir recours au service du CPAS en
matière d'intégration sociale et d'aide sociale s'ils remplissent
les conditions prévues à cet effet.
De manière générale, il est important de
ne pas laisser ces personnes livrées à elles-mêmes avant,
pendant et après leur séjour en prison car cela risque
d'entraîner une grande détresse individuelle, un risque plus
important de récidive ainsi qu'un déclin de notre
société. Il est donc nécessaire de renforcer le lien
social entre les personnes ayant commis une infraction et la
société toute entière. Le renforcement de ce lien passe
par la solidarité entre tous les acteurs du système.
TABLES DES MATIERES
INTRODUCTION 9
1 L'AIDE JURIDIQUE 10
1.1 CONTEXTE 10
1.1.1 Problématique 10
1.1.2 Obligations internationales 10
1.2 FOCUS SUR LA JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPÉENNE
DES DROITS DE L'HOMME ET LE DROIT
DE L'UNION EUROPÉENNE 11
1.2.1 La jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l'homme 11
1.2.1.1 L'article 6 de la CEDH : le droit fondamental de se
défendre seul ou avec l'aide d'un avocat 11
1.2.1.2 L'effectivité du droit à l'assistance
d'un avocat 11
1.2.1.3 Le droit à l'aide juridictionnelle : un droit
conditionné 12
1.2.1.3.1 Le droit à l'aide juridique :
réservé aux prétentions sérieuses 12
1.2.2 Le droit de l'Union européenne 13
1.2.2.1 La directive 2013/48/UE 13
1.2.2.2 Effectivité du droit d'accès à un
avocat à travers la proposition de directive relative à l'aide
juridictionnelle provisoire et la recommandation relative
à l'aide juridictionnelle 14
1.2.2.2.1 La proposition de directive sur l'aide
juridictionnelle provisoire 14
1.2.2.2.2 La recommandation sur l'aide juridictionnelle 15
1.2.2.3 Aide juridictionnelle : un pari presque gagné
par l'Union européenne 18
1.3 QUID DU DROIT BELGE ? 18
1.3.1 Les différents types d'aide et leurs conditions
18
1.3.1.1 L'accueil social de première ligne 18
1.3.1.2 L'assistance judicaire 19
1.3.1.2.1 L'assistance judiciaire en matière
répressive 19
1.3.1.2.1.1 Pas d'assistance judiciaire prévue au sens
des articles 664 à 699 du Code judiciaire 19
1.3.1.2.1.2 Nuances 19
1.3.1.3 Aide juridique de première ligne 20
1.3.1.3.1 Définition 20
1.3.1.3.2 Organisation et conditions d'accès 20
1.3.1.4 Aide juridique de deuxième ligne 21
1.3.1.4.1 Définition 21
1.3.1.4.2 Organisation 21
1.3.1.4.3 Conditions d'accès 21
1.3.1.4.3.1 Insuffisance des ressources 22
1.3.1.4.3.2 Demande manifestement mal fondée 23
1.3.1.4.4 Procédure 23
1.3.1.4.5 Retrait de l'aide juridique et recouvrement 24
1.4 CONCLUSION RELATIVE À L'AIDE JURIDIQUE 24
2 LES AIDES LEGALES DURANT LA DETENTION 26
2.1 SÉJOUR EN PRISON : PEINE PRIVATIVE DE
LIBERTÉ MAIS PAS SEULEMENT 26
2.1.1 Suspension des allocations de sécurité
sociale 26
2.1.1.1 Principe 26
3.1 OBJECTIFS 47
3.2 DISPENSAIRES D'AIDES 47
2.1.1.2 Choix du législateur 26
2.1.1.3 Raison de ce choix politique 27
2.1.1.4 Critiques de ce choix politique 27
2.1.1.4.1 Manque de cohérence 27
2.1.1.4.2 Double peine 27
2.1.1.4.3 Situation familiale du détenu 28
2.1.1.5 Le travail pénitentiaire ouvre-t-il un droit
aux allocations sociales durant la détention ? 28
2.1.1.5.1 Définition 28
2.1.1.5.2 Cadre juridique de cette relation de travail 29
2.1.1.6 Création d'une situation de grande
précarité 30
2.1.2 Aide sociale sensu lato 31
2.1.2.1 Le CPAS 31
2.1.2.1.1 Compétence territoriale du CPAS 31
2.1.2.1.1.1 Principe 31
2.1.2.1.1.2 Exception 31
2.1.2.2 Intervention du CPAS 32
2.1.2.2.1 Le droit à l'intégration sociale 32
2.1.2.2.1.1 Principe généraux de
l'intégration sociale 32
2.1.2.2.1.2 Maintien du droit à l'intégration
sociale mais suspension du paiement du revenu d'intégration 33
2.1.2.2.1.2.1 Quid des différentes modalités
d'exécution de la peine ? 33
2.1.2.2.1.2.1.1 Le statut des personnes en semi-liberté
ou semi-détention ainsi que celle bénéficiant d'un
bracelet
électronique 34
2.1.2.2.1.2.1.2 Libération conditionnelle et provisoire
34
2.1.2.2.1.2.2 Impact sur la Famille 35
2.1.2.2.1.3 Incidence du nouveau statut juridique externe des
personnes condamnées et internées sur la suspension du
paiement du revenu d'intégration 35
2.1.2.2.1.3.1 Focus sur les détenus sous surveillance
électronique 35
2.1.2.2.1.3.2 Quid des autres modalités
d'exécution de la peine ? 36
2.1.2.2.2 Aide sociale au sens strict 37
2.1.2.2.2.1 Principes généraux 37
2.1.2.2.2.2 Etat de besoin du détenu 37
2.1.2.2.2.3 Demande auprès du CPAS 39
2.1.2.2.2.4 Critiques 40
2.1.2.2.2.5 Caractère subsidiaire de l'aide sociale
41
2.1.2.2.2.6 Incidences du nouveau statut juridique externe des
personnes condamnées sur le paiement de l'aide
sociale 42
2.1.2.3 L'aide spécialisée dispensée par
la Fédération Wallonie-Bruxelles 43
2.1.2.3.1 Compétence 43
2.1.2.3.2 Intervention des ASBL durant la détention
44
2.1.2.3.2.1 Missions 44
2.1.2.3.2.2 Critique 45
3 LES AIDES LEGALES APRES LA DETENTION 47
3.2.1
|
La caisse d'aide aux détenus
|
47
|
3.2.2
|
L'aide spécialisée
|
47
|
3.2.2.1
|
Missions
|
48
|
3.2.3
|
CPAS
|
48
|
3.2.3.1
|
Revenu d'intégration
|
49
|
3.2.3.2
|
Aide sociale sensu stricto
|
50
|
3.2.3.2.1
|
Logement
|
50
|
3.2.3.2.2
|
Autres
|
50
|
3.2.4
|
Critiques
|
51
|
|
CONCLUSION
|
53
|
|
BIBLIOGRAPHIE
|
55
|
9
INTRODUCTION
« Bien plus que des détenus, ce sont des hommes
et des femmes...1»
Ces personnes ayant commis des actes
répréhensibles sont-elles considérées comme des
êtres humains dans notre société » ? Qui n'a jamais
entendu « qu'ils soient bien contents d'être logés, nourris
et blanchis après ce qu'ils ont fait » ? De manière
générale, le citoyen lambda n'a pas ou peu de
considération pour les détenus car il ne voit que l'aspect
répressif et non humain des choses. La question est donc de savoir si ce
désintérêt des citoyens se traduit au niveau du statut
juridique et social du détenu. La société est-elle
prête à aller encore plus loin en aidant les détenus les
plus démunis ?
Avant d'analyser les aides dont peuvent
bénéficier les détenus indigents en prison, il est
nécessaire de procéder à un examen de l'aide juridique.
Dans le cadre du processus pénal, il est indispensable qu'une personne
puisse avoir un procès équitable et cela n'est possible que si
celle-ci bénéficie d'un avocat pour la défendre.
Cependant, avoir un avocat n'est pas possible pour tout le monde en raison du
coût que cela engendre alors que ce problème est essentiel lorsque
l'on aborde la question des peines privatives de liberté. Dès
lors, quels sont les mécanismes mis en place afin que ce droit
d'accès à un avocat soit effectif in concreto pour aider
le prévenu, l'inculpé ou le condamné dans ses rapports
avec la justice ?
Nous aborderons ensuite les conséquences de la
détention et plus précisément la question de la suspension
des allocations de sécurité sociale. L'offre de travail
pénitentiaire diminuant de plus en plus, les familles des détenus
étant de plus en plus pauvres, ce problème suscite une grande
paupérisation de la population carcérale qui n'a alors plus aucun
moyen de vivre dans des conditions de vie conformes à la dignité
humaine. Il est donc nécessaire de venir en aide aux détenus les
plus nécessiteux afin qu'ils puissent vivre dans de meilleures
conditions que celles que l'on retrouve dans les prisons belges. Quels sont
alors les différents dispensaires d'aide qui interviendront et sous
quelles formes ?
Ces derniers ont aussi un rôle à jouer lors de la
libération des détenus. La prison étant un lieu en dehors
du temps et de l'espace, bien des personnes se retrouvent démunies d'un
point de vue social et psychologique en retrouvant le monde « libre
». Il est donc primordial de les soutenir de manière à
renforcer le lien social existant entre eux et la société afin
que leur réinsertion donne les meilleurs résultats possibles.
1 C., OUMALIS, Le droit des détenus au
travail et à la sécurité sociale en Belgique,
Mémoire Master en droit UCL, 2014-2015, en ligne.
10
1 L'AIDE JURIDIQUE
1.1 CONTEXTE
1.1.1 Problématique
« Ce ne sera pas un des moindres paradoxes de notre
époque que d'avoir rêvé le règne de la justice
là où régnait déjà l'argent ».
Alfred Capus
Avoir des droits est une chose mais pouvoir les exercer en est
une autre. Le droit à un procès équitable en
matière pénale, comme dans d'autres matières, ne pourra
prendre tout son sens que s'il est assorti de l'aide
juridictionnelle2. L'inculpé et le prévenu, qu'ils
soient en détention préventive ou non, doivent avoir la
possibilité de faire valoir concrètement et effectivement leurs
droits devant les cours et tribunaux tout comme le condamné durant sa
peine.
1.1.2 Obligations internationales
De nombreux instruments internationaux consacrent le droit
à un procès équitable sans oublier que pour atteindre cet
objectif, il est nécessaire d'avoir des ressources financières
suffisantes. C'est pourquoi ils reconnaissent le droit à l'aide
juridictionnelle comme étant au coeur du droit à un procès
équitable.
Ainsi, la Déclaration universelle des droits de l'homme
du 10 décembre 1948 proclame divers principes tels que
l'égalité devant la loi3, la présomption
d'innocence4, le droit à un procès
équitable5, ainsi que le droit d'obtenir les garanties
nécessaires à la défense de toute personne qui est
accusée d'une infraction pénale6. Malgré son
absence de portée juridique, elle est considérée comme
obligatoire7 dans le monde entier.
Dans cette lancée, en 1950, le Conseil de l'Europe a
consacré le droit à un procès équitable tant en
matière civile qu'en matière pénale ainsi que le droit
à l'aide juridictionnelle.
Toujours en matière répressive, l'Union
Européenne a consacré le droit à l'aide juridictionnelle
dans le cadre de procédures pénales de manière explicite
lors de l'adoption de
2 Aussi aide juridique.
3 D.U.D.H., 10 décembre 1948, art.
10.
4 D.U.D.H., 10 décembre 1948, art.
11.
5 D.U.D.H., 10 décembre 1948, art.
10.
6 D.U.D.H., 10 décembre 1948, art.
11.
7 En vertu du droit coutumier.
11
la Charte des droits fondamentaux de l'Union
Européenne8 du 7 décembre 2000, laquelle a valeur de
traité depuis le traité de Lisbonne.
Enfin, l'article 14§3 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques mentionne à son tour le droit à
l'aide juridictionnelle dans ce domaine9.
1.2 FOCUS SUR LA JURISPRUDENCE DE LA COUR
EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME ET LE DROIT DE L'UNION
EUROPÉENNE
1.2.1 La jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme
1.2.1.1 L'article 6 de la CEDH : le droit fondamental de
se défendre seul ou avec l'aide d'un avocat
Le droit pour tout prévenu d'être effectivement
défendu par avocat figure parmi les éléments constitutifs
du procès équitable tel que défini par la Convention
européenne des droits de l'homme'0.
1.2.1.2 L'effectivité du droit à
l'assistance d'un avocat
La CEDH ayant pour objectif de protéger des droits non
pas théoriques mais concrets et effectifs, il est important d'avoir des
mécanismes qui permettront aux justiciables, in concreto,
d'accéder réellement et effectivement aux cours et tribunaux afin
de faire valoir leurs droits''. Le droit à l'assistance
juridique gratuite d'un avocat est un élément incontournable
compris dans le concept de procès équitable'2.
La Cour européenne des droits de l'homme'3 a
précisé'4 cela à de nombreuses reprises en
reconnaissant explicitement le droit à l'aide juridique en tant que
véritable droit économique
8 Une aide juridictionnelle est accordée
à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure
où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité
de l'accès à la justice, Ch.Dr.Fond.UE., 7
décembre 2000, art. 47§3 ; Ci-après la Charte.
9 A être présente au procès et
à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d'un
défenseur de son choix ; si elle n'a pas de défenseur, à
être informée de son droit d'en avoir un, et, chaque fois que
l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer
d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le
rémunérer, P.I.D.C.P., 16 décembre 1966, art.
14§3, d).
10 F. KUTY., Justice pénale et
procès équitable, t. II, Bruxelles, Larcier, 2006, p. 395 ;
Ci-après CEDH.
11 Conseil des barreaux européen,
Recommandations du CCBE sur l'aide juridique, 22 octobre 2010, p. 2,
en ligne.
12 C.E.D.H., 4 novembre 1950, art. 6§3,
c).
13 Ci-après la Cour.
14 C.E.D.H., 9 octobre 1979, aff.
Airey contre Irlande, n°6289/73 et C.E.D.H., 21
février 1975, aff. Golder contre Royaume-Unis,
n°4451/70.
12
et social indissociable de la notion de procès
équitable au sens de l'article 6 de la CEDH15. Il est donc
crucial pour l'équité du système pénal que
l'accusé soit adéquatement défendu16.
1.2.1.3 Le droit à l'aide juridictionnelle : un
droit conditionné
A travers sa jurisprudence, la Cour a développé
les mesures positives que les Etats membres devaient prendre concernant le
droit à l'aide juridictionnelle.
Ainsi, la Cour n'a pas manqué de spécifier que
l'octroi de cette aide pouvait être assorti de conditions17
comme la démonstration de l'absence de ressources suffisantes ou
nécessaires pour faire face aux frais de justice18. De plus,
l'attribution de cette aide doit, in concreto, être
indispensable à un accès effectif au juge et servir les
intérêts de la justice19.
A cet égard, je pense que l'intérêt de la
justice est toujours atteint à partir du moment où l'on aide une
personne indigente à se défendre quel que soit les faits.
1.2.1.3.1 Le droit à l'aide juridique :
réservé aux prétentions sérieuses
La Cour a admis que le bénéfice d'une aide
juridictionnelle en matière pénale comme en matière civile
pouvait être réservé aux prétentions
sérieuses tout en respectant l'intérêt de la justice. En
raison des limites des ressources disponibles, il est possible de limiter
l'accès à l'aide juridictionnelle « aux demandeurs dont
le recours a une chance raisonnable de
succès20».
Cependant, je pense que l'intérêt de la justice
ne peut pas être respecté si l'on prive une personne de se
défendre uniquement parce que certaines instances considèrent que
le dossier en question n'a pas de chance raisonnable de succès.
La Cour a néanmoins considéré que cela
n'était pas incompatible avec l'exigence du procès
équitable21. Elle a par exemple décidé cela
dans la situation où une personne est condamnée
équitablement en première instance et n'a aucune chance
objective de succès en appel22.
Les juges dissidents TULKENS et LOUCAIDES voient dans ce
système de contrôle « quelque chose d'inéquitable
pour les justiciables puisque eux seuls sont soumis à un examen
préalable
15 C.E.D.H., 9 octobre 1979, aff.
Airey c. Irlande, n°6289/73 et C.E.D.H., 21 février
1975, aff. Golder c. Royaume-unis, n°4451/70.
16 C.E.D.H., 22 septembre 1994, aff. Lala
c. Pays-Bas, n° 14861/89, §33.
17 C.E.D.H., 9 juin 1998, aff. Twalib c.
Grèce, n°24294/94.
18 C.E.D.H., 25 septembre 1992,
aff. Croissant c. Allemagne, n°13611/88.
19 G. DE LEVAL, Le droit processuel &
judiciaire européen, Bruxelles, La Charte, 2002, p. 301 ; F. KUTY.,
Justice pénale et procès équitable, t. II,
Bruxelles, Larcier, 2006, p. 395.
20 C.E.D.H., 19 septembre 2000, aff.
Gnahoré c. France, n°40031/98, § 41.
21 C.E.D.H., 19 septembre 2000, aff.
Gnahoré c. France, n°40031/98, § 41.
22 F. KUTY., Justice pénale et
procès équitable, t. II, Bruxelles, Larcier, 2006, p. 401 ;
C.E.D.H., 26 février 1997, Lorthioir c. France.
13
du caractère sérieux de leur
recours23». De plus, « si la personne poursuit
néanmoins, sans l'assistance judiciaire refusée, la
procédure (...), elle le fait nécessairement avec un
préjugé quant au caractère sérieux des moyens
soulevés, ce qui la place dans une situation de désavantage par
rapport au justiciable qui n'a pas formulé de demande au titre de l'aide
juridictionnelle24».
Enfin, selon F. KUTY, cette jurisprudence est un «
regrettable infléchissement de la jurisprudence de la
Cour25». En effet, limiter le droit à l'aide
juridictionnelle pour les causes considérées comme « perdues
» constitue, selon moi, une entaille au droit à un procès
équitable.
1.2.2 Le droit de l'Union européenne
Dans le cadre de la procédure pénale, l'Union
européenne a voulu marquer le coup en consacrant de manière
explicite le droit à l'aide juridictionnelle lors de l'adoption de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
Par la suite, elle a proposé une directive relative
à l'aide juridictionnelle provisoire et une recommandation relative
à l'aide juridictionnelle afin de donner plus d'effectivité
à la directive 2013/48/UE relative au droit d'accès à un
avocat dans le cadre des procédures pénales et les
procédures relatives au mandat d'arrêt
européen26.
1.2.2.1 La directive 2013/48/UE
En 2009, le Conseil européen a voté une mesure
dite « Feuille de route27» visant à garantir les
droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le
cadre des procédures pénales28. A la suite de cette
mesure, trois directives ont été adoptées29.
23 Opinion dissidente des juges TULKENS et
LOUCAIDES in C.E.D.H., 19 septembre 2000, aff. Gnahoré c.
France, n°40031/98.
24 Opinion dissidente des juges TULKENS et
LOUCAIDES in C.E.D.H., 19 septembre 2000, aff.
Gnahoré c. France, n°40031/98.
25 F. KUTY., Justice pénale et
procès équitable, t. II, Bruxelles, Larcier, 2006, p.
404.
26 Directive 2013/48/UE du Parlement
européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit
d'accès à un avocat dans le cadre des procédures
pénales et les procédures relatives au mandat d'arrêt
européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de
liberté, au droit des personnes privées de liberté de
communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires,
J.O., L 294, 6 novembre 2013, p. 1-12.
27 Résolution du Conseil européen
relative à la feuille de route visant à renforcer les droits
procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, 30 novembre 2001, 2009/C 295/01.
28 E. LESAGE, « La transposition des
directives européennes en matière de procédure
pénale et de garantie des droits fondamentaux », Obs. Bxl,
2015/1, n°99, p. 49.
29 Directive (UE) 2010/64 du Parlement
européen et du Conseil du 20 octobre 2010 relative au droit à
l'interprétation et à la traduction dans le cadre des
procédures pénales, J.O.U.E., L 280, du 26 octobre 2010,
p. 1-7 ; Directive 2012/13 (UE) du Parlement européen et du Conseil du
22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des
procédures pénales, J.O.U.E., L 142 du 1er juin 2012, p.
1-10 ; Directive 2013/48 (UE) du Parlement européen et du Conseil du 22
octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre
de procédures pénales et les procédures relatives au
mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès
la privation de liberté, au droit des personnes
14
Parmi ces trois directives, l'article 3 de la directive
2013/48/UE30 relative au droit d'accès à un avocat
retiendra notre attention.
1.2.2.2 Effectivité du droit d'accès
à un avocat à travers la proposition de directive relative
à l'aide juridictionnelle provisoire et la recommandation relative
à l'aide juridictionnelle
Le droit à l'aide juridictionnelle est abordé
par la Commission européenne à travers une proposition de
directive relative à l'aide juridictionnelle provisoire31
ainsi qu'une recommandation sur l'aide juridictionnelle dans toutes les
procédures pénales accordées aux personnes
soupçonnées ou poursuivies dans la cadre d'une procédure
pénale.
Ces dernières ont pour objectif de rendre plus effectif
et concret le droit d'accès à un avocat tel que consacré
par la directive 2013/48/UE et, plus généralement, le droit au
procès équitable qui est l'une des bases fondamentales des
différents systèmes judiciaires européens. Je ne peux que
saluer cette initiative européenne en matière
d'effectivité du droit d'accès à un avocat pour les
personnes indigentes.
1.2.2.2.1 La proposition de directive sur l'aide
juridictionnelle provisoire
L'aide juridictionnelle provisoire peut être
définie comme l'aide juridictionnelle accordée à une
personne privée de liberté32 jusqu'à l'adoption
d'une décision définitive sur l'octroi de l'aide
juridictionnelle33.
La proposition de directive34 souhaiterait imposer
aux Etats membres l'établissement de divers mécanismes afin de
garantir aux personnes privées de liberté, un aide
juridictionnelle de qualité et un accès rapide à un avocat
dès leur arrestation35.
privées de liberté de communiquer avec des tiers
et avec les autorités consulaires, J.O.U.E., L 294 du 6
novembre 2013, p. 1-12.
30 « Les Etats membres doivent veiller à ce que
les suspects et les personnes poursuivies disposent du droit d'accès
à un avocat dans un délai et selon les modalités
permettant aux personnes concernées d'exercer les droits de la
défense de manière concrète et effective » in
Directive 2013/48 (UE) du Parlement européen et du Conseil du 22
octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre
de procédures pénales et les procédures relatives au
mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès
la privation de liberté, au droit des personnes privées de
liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités
consulaires, art. 3, J.O.U.E., L 294 du 6 novembre 2013, p. 1-12
31 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
COM/2013/0409.
32 Les suspects et les personnes accusées
privées de liberté ; Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
art. 4§1, a), COM/2013/0409.
33 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
art. 3, b), COM/2013/0409 ; L'aide juridictionnelle devant être
définie à son tour comme étant le concours financier et
l'assistance fournis par les Etats membres en vue d'assurer l'exercice effectif
du droit d'accès à l'avocat.
15
En raison du caractère provisoire de cette aide, les
Etats membres auraient la possibilité de réclamer son
remboursement si les personnes qui en ont bénéficié ne
remplissent pas les critères d'admission en vertu du droit
national36.
En ce qui concerne le mandat d'arrêt européen,
l'Etat membre d'exécution et l'Etat membre d'émission pourraient
soumettre l'attribution de l'aide juridictionnelle provisoire à une
évaluation des ressources de la personne concernée et/ou en
fonction de l'intérêt de la justice eu égard aux
critères d'admissibilité qui sont appliqués dans l'Etat
membre en question37.
1.2.2.2.2 La recommandation sur l'aide
juridictionnelle
Cette recommandation38 concerne l'aide
juridictionnelle39 de manière générale. Ainsi,
les personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre d'une
procédure pénale et les personnes faisant l'objet d'un mandat
d'arrêt européen devraient bénéficier, lorsqu'elles
sont nécessiteuses, de l'aide juridictionnelle dès qu'elles sont
poursuivies ou considérées comme suspectes et ce, jusqu'à
la fin de la procédure pénale. Cela est nécessaire
à l'intérêt de la justice afin de garantir
l'effectivité de la directive 2013/48/UE40 et du droit
à un procès équitable41.
34 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
COM/2013/0409.
35 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
art. 4§2, COM/2013/0409.
36 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
art. 4§5, COM/2013/0409 ; «Droit pénal, garanties
procédurales, aide juridictionnelle provisoire», Obs.
Bxl., 2014/1, n°95, p. 64.
37 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
art. 5§3, COM/2013/0409 ; X., «Droit pénal, garanties
procédurales, aide juridictionnelle provisoire», Obs.
Bxl., 2014/1, n°95, p. 64.
38 Bien que n'étant pas un acte juridique
contraignant pour les Etats membres de l'Union européenne, la
recommandation jouit toutefois d'une force politique considérable.
39 L'aide juridictionnelle est définie comme
étant le concours financier et l'assistance fournis par les Etats
membres en vue d'assurer l'exercice effectif du droit d'accès à
l'avocat ; Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
du 27 novembre 2013 concernant l'aide juridictionnelle provisoire pour les
suspects et les personnes poursuivies privés de liberté, ainsi
que l'aide juridictionnelle dans le cadre des procédures relatives au
mandat d'arrêt européen, art. 3, a), COM/2013/0409 ;
Recommandation de la Commission du 27 novembre 2013 relative au droit à
l'aide juridictionnelle accordé aux personnes soupçonnées
ou poursuivies dans le cadre de procédures pénales, cons. 6,
2013/C 378/03.
40 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, cons. 1, 2013/C 378/03.
41 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 3, 2013/C 378/03.
16
La recommandation fixe les critères minimums que les
Etats membres devraient adopter pour déterminer si la personne a droit
à l'aide juridictionnelle42. Ces critères, issus de la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, se basent sur
les ressources43 de la personne concernée et sur la
nécessité de cette aide par rapport aux intérêts de
la justice44.
A cet égard, je pense que seul le critère des
ressources devrait être appliqué car quel que soit la raison pour
laquelle la personne indigente se retrouve devant les tribunaux, elle doit
pouvoir bénéficier de cette aide.
Si l'appréciation du droit à l'aide
juridictionnelle venait à se fonder sur le critère « des
ressources », la recommandation énonce que « la situation
économique du demandeur devrait s'appuyer sur des facteurs objectifs
tels que le revenu, le capital, la situation familiale, le niveau de vie et le
coût d'un avocat de la défense45».
Concernant les personnes faisant l'objet d'un mandat
d'arrêt européen, toutes les circonstances pertinentes doivent
être prises en compte afin de déterminer si ces personnes
disposent ou non de ressources financières suffisantes46 sans
qu'elles n'aient à prouver au-delà du doute raisonnable qu'elles
ne disposent pas desdites ressources pour couvrir les coûts de la
défense et de la procédure47.
Il est dommage que seules les personnes faisant l'objet d'un
mandat d'arrêt européen n'aient pas à prouver
au-delà du doute raisonnable qu'elles ne disposent pas de ressources
suffisantes. En effet, que l'on soit arrêté dans le cadre d'un
mandat d'arrêt européen ou non la situation est la même, la
personne n'a pas d'argent pour se défendre.
Ensuite, dans l'hypothèse où l'aide
juridictionnelle serait octroyée sur base de l'intérêt de
la justice, il faudrait l'apprécier « au regard de la
complexité de l'affaire, de la situation sociale et personnelle de la
personne soupçonnée, poursuivie ou dont la remise est
demandée, de la gravité de l'infraction et de la
sévérité de l'éventuelle sanction
encourue48».
42 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 4, 2013/C 378/03.
43 Critère des ressources.
44Critère du bien fondé ;
Recommandation de la Commission du 27 novembre 2013 relative au droit à
l'aide juridictionnelle accordé aux personnes soupçonnées
ou poursuivies dans le cadre de procédures pénales, rec. 4,
2013/C 378/03.
45 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 6, 2013/C 378/03.
46 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 8, 2013/C 378/03.
47 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 10, 2013/C 378/03.
48 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 11, 2013/C 378/03.
17
Dès lors, une personne qui a commis une infraction
moins grave a-t-elle moins le droit à cette aide ? C'est, entre autre,
pour cette raison que j'estime que le critère du bien fondé est
critiquable.
D'après la recommandation, l'octroi de l'aide
juridictionnelle sera toujours considéré comme étant dans
l'intérêt de la justice si la personne soupçonnée ou
poursuivie risque d'encourir une peine d'emprisonnement49, peu
importe la gravité des faits. Ce dernier point permet de me rassurer par
rapport à ce critère. En effet, je pense que seule la situation
sociale et personnelle de la personne soupçonnée devrait
être prise en considération dans l'hypothèse où l'on
se fonderait sur le critère de l'intérêt de la
justice50.
En ce qui concerne l'application du critère du
bien-fondé, les coûts de cette aide pourraient être
réclamés en cas de condamnation définitive si la personne
qui en a bénéficié dispose des ressources
suffisantes51 au moment du recouvrement52. La
recommandation différencie encore ces deux critères alors que le
but premier de l'aide juridictionnelle est d'aider des personnes indigentes au
moment de leur passage devant les cours et tribunaux.
Pour terminer, afin de renforcer l'effectivité et la
qualité de l'aide juridictionnelle, les Etats membres devraient assurer
la qualité des avocats à travers un système
d'accréditation53 et une formation
spécifique54.
Toute personne a le droit d'être défendue
correctement quel que soit son état de fortune. Il s'agit là d'un
espoir de la part de l'Union européenne car dans les faits, l'on verra
que l'aide juridictionnelle est bien souvent dispensée par des avocats
fraichement diplômés. Convaincue de leur motivation et de l'envie
d'aider les plus nécessiteux, je pense néanmoins que dans
certaines matières, il faut pouvoir recourir à des personnes plus
expérimentées. Par exemple, lorsqu'il s'agit d'un demandeur
d'asile qui est impliqué dans une affaire pénale.
Concernant l'avocat qui s'occupera de la défense, il
convient de souligner que les préférences et les choix de la
personne suspectée ou recherchée devraient être pris en
compte au moment de la désignation de l'avocat55.
49 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 12, 2013/C 378/03.
50 Par exemple, une personne ayant les moyens
financiers sur son compte mais avec une très grande famille à
nourrir.
51 Critère des ressources.
52 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 13, 2013/C 378/03.
53 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 19, 2013/C 378/03.
54 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 21 et 23, 2013/C 378/03.
55 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 25, 2013/C 378/03.
18
1.2.2.3 Aide juridictionnelle : un pari presque
gagné par l'Union européenne
L'Union européenne va dans la même direction que
les différentes prescriptions et institutions internationales en ce qui
concerne l'aide juridictionnelle car celle-ci participe à la
concrétisation d'un des objectifs principaux de l'Union, à savoir
le respect des droits de l'homme et l'accès à la justice
comprenant le droit à procès équitable.
Nous n'avons plus qu'à espérer que la
proposition de directive relative à l'aide juridictionnelle provisoire
se transforme en une directive contraignante et que les recommandations faites
concernant l'aide juridictionnelle soient suivies par les Etats membres car
celles-ci permettraient une plus grande effectivité et une plus grande
concrétisation du droit à un procès équitable.
Cependant, je prône un système qui imposerait aux
Etats membres d'octroyer l'aide juridictionnelle uniquement sur base du
critère des ressources. Celui-ci me semble le plus adapté pour
évaluer si une personne est dans le besoin ou non tout en
considérant que la situation sociale et personnelle56 est
aussi très importante. Un mélange des deux serait parfait selon
moi.
1.3 QUID DU DROIT BELGE ?
Comment le législateur belge a-t-il
concrétisé le droit à l'aide juridictionnelle afin de
rendre les droits de la défense concrets et effectifs pour
tous57 ? Consacré par l'article 23, alinéa 3, 2°
de la Constitution belge, le droit à l'aide juridique est un droit
fondamental garanti à tous mais quels sont les mécanismes mis
à disposition du justiciable ?
1.3.1 Les différents types d'aide et leurs
conditions
1.3.1.1 L'accueil social de première ligne
L'accueil social de première ligne consiste à
accueillir et à informer les justiciables lorsque ceux-ci ont des
questions ou rencontrent des problèmes liés aux matières
pour lesquelles les maisons de justice sont compétentes58.
Plus précisément, il s'agit d'une information
donnée aux justiciables sur les différentes possibilités
qui leur sont offertes, en une orientation vers les services
spécialisés adéquats ou
56 Reprise dans le critère du bien
fondé.
57 Notamment dans le cadre du processus pénal
car il s'agit du thème du présent travail.
58 Service public fédéral Justice,
Un meilleur accès à la justice, p. 3, en ligne ; A.R. du
13 juin 1999 portant organisation du service des maisons de justice du
Ministère de la Justice, art. 2§1, 2°, M.B., 29 juin
1999, p. 24386 ; Il est à différencier de l'aide juridique de
première ligne qui consiste en un premier avis juridique lors d'une
brève consultation dispensée par des professionnels du droit.
19
en une aide afin de préciser les éléments
d'une demande dans leur relation avec la police ou le pouvoir
judiciaire59.
En matière pénale, le justiciable pourra obtenir
des informations par rapport à la médiation pénale, les
alternatives à la détention préventive, la probation, les
peines de travail, la libération conditionnelle, la surveillance
électronique, le congé pénitentiaire, la grâce
etc60.
Ce service s'adresse gratuitement et anonymement61
à toutes personnes entrant en contact avec la justice qu'elles soient
inculpées en liberté, condamnées en liberté,
ex-détenues ou simplement une de leurs proches62.
1.3.1.2 L'assistance judicaire
L'assistance judiciaire dispense en tout ou en partie, de payer
les frais d'une procédure63 pour les personnes qui ne
disposent pas de revenus suffisants64.
1.3.1.2.1 L'assistance judiciaire en matière
répressive
1.3.1.2.1.1 Pas d'assistance judiciaire prévue au
sens des articles 664 à 699 du Code judiciaire
L'assistance judiciaire organisée par les articles 664
à 699 du Code judiciaire n'est applicable que dans le cadre d'une
procédure civile et non dans le cadre d'une procédure
pénale sauf pour la partie civile65.
1.3.1.2.1.2 Nuances
Malgré l'inapplicabilité de principe de
l'assistance judiciaire en matière pénale, le
prévenu66 pourra tout de même solliciter l'assistance
judiciaire sur base des articles 664,§1, 665,8° et 671 du Code
judiciaire afin de pouvoir s'entourer d'un conseiller technique au cours d'une
expertise ordonnée dans le cadre d'un procès
pénal67.
59 Service public fédéral Justice,
Un meilleur accès à la justice, p. 3, en ligne.
60 Service public fédéral Justice,
Un meilleur accès à la justice, p. 4, en ligne.
61 Service public fédéral Justice,
Un meilleur accès à la justice, p. 5, en ligne.
62 Service public fédéral Justice,
Un meilleur accès à la justice, p. 5, en ligne.
63 Judiciaire ou extrajudiciaire ; Les droits
d'enregistrements, de greffe et d'expédition ainsi que les frais
d'huissiers de justice et d'experts sont notamment compris dans la notion de
frais de procédure ainsi que la gratuité du ministère des
officiers publics et ministériels ; C. Jud., art. 664 et 665.
64 C. Jud., art. 664.
65 M., FRANCHIMONT, A., JACOBS, A.,MASSEt,
Manuel de procédure pénale, coll. de la faculté
de droit de l'Université de Liège, Larcier, Bruxelles, 2012, p.
858-859.
66 En droit pénal, le prévenu est une
personne qui est poursuivie devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de
police.
67 M., FRANCHIMONT, A., JACOBS, A.,MASSEt,
Manuel de procédure pénale, coll. de la faculté
de droit de l'Université de Liège, Larcier, Bruxelles, 2012,
p.859 ; C. Jud., art. 664 ; T. Civ., Verviers, 28 février 2007,
J.T., 2007, p. 228.
20
Quant à l'inculpé68, il a la
possibilité de demander l'assistance judiciaire afin d'obtenir une copie
de son dossier répressif69. L'Arrêté royal du 18
décembre 200370 détermine qui sont les
bénéficiaires de l'assistance judiciaire71 à
cette fin.
Enfin, l'article 296 du Code d'instruction criminelle a
prévu la délivrance d'une copie gratuite du dossier pour les
accusés72 sans condition de fortune.
1.3.1.3 Aide juridique de première ligne
1.3.1.3.1 Définition
L'aide juridique de première ligne73 est
définie comme « l'aide juridique accordée sous la forme
de renseignements pratiques, d'information juridique, d'un premier avis
juridique ou d'un renvoi vers une instance ou une organisation
spécialisée74».
1.3.1.3.2 Organisation et conditions
d'accès
L'aide juridique de première ligne est organisée
par les différentes commissions d'aide juridique75 et est
assurée par des professionnels du droit, le plus souvent par des avocats
lors de permanence76.
L'aide juridique de première ligne est gratuite et
accessible à tous sans condition de revenu. Par conséquent,
toutes les personnes inculpées en liberté, condamnées en
liberté (et ex-détenues) peuvent en bénéficier afin
d'obtenir un premier avis quant à leur situation.
Ce type d'aide est un premier accès à
l'information juridique mais les avocats présents lors des permanences
sont souvent de jeunes diplômés et donc sans expérience. La
présence de personnes ayant plusieurs années de pratique n'y
ferait pas de mal mais les avocats les plus expérimentés n'ont
pas forcément envie de le faire en raison de la faible
rémunération s'y rapportant. Dès lors, il faudrait que
l'Etat Belge se pose la question de l'augmentation du prix des prestations
d'aide juridique.
68 L'inculpé quant à lui est la
personne contre laquelle il existe des indices sérieux de
culpabilité et contre laquelle une instruction est menée ; C. I.
Cr., art. 61 bis.
69 C. Jud., art. 674 bis.
70 Modifié par l'Arrêté royal
du 26 avril 2007 qui augmente les seuils d'accessibilité à l'aide
juridique de deuxième ligne et à l'assistance judiciaire et par
les arrêtés royaux des 19 août 2011 et 31 août
2011.
71 L'assistance judiciaire peut être totale ou
partielle comme dans le cadre de l'aide juridique de deuxième ligne.
72 Les personnes poursuivies devant la Cour
d'Assises.
73 A ne pas confondre avec l'accueil juridique de
première ligne.
74 C. Jud., art. 508/1,1°.
75 Il existe une commission d'aide juridique dans
chaque arrondissement judiciaire ; C. Jud., art. 508/2.
76 Ces permanences se tiennent au palais de
justice, dans les justices de paix et dans les maisons de justice mais aussi
dans certaines administrations communales, CPAS ou ASBL qui disposent d'un
service juridique.
21
1.3.1.4 Aide juridique de deuxième ligne
1.3.1.4.1 Définition
Les articles 446bis et 508/1 à 508/23 du Code
judiciaire et l'article 184bis du code d'instruction criminelle permettent
à tout inculpé, à tout prévenu ou à tout
accusé indigent, d'obtenir l'assistance gratuite d'un
avocat77.
L'assistance gratuite d'un avocat relève de l'aide
juridique de deuxième ligne. Celle-ci est définie par l'article
508/1 du Code judiciaire comme étant « l'aide juridique
accordée à une personne physique sous la forme d'un avis
juridique circonstancié ou l'assistance juridique dans le cadre ou non
d'une procédure ou l'assistance dans le cadre d'un procès y
compris la représentation au sens de l'article 72 ».
Un avocat est donc désigné afin de
procéder à un examen approfondi du dossier et, si cela
s'avère nécessaire, de représenter le justiciable indigent
devant les cours et tribunaux78.
1.3.1.4.2 Organisation
L'aide juridique de deuxième ligne est organisée
par le Bureau d'aide juridique79. C'est à ce dernier qu'il
appartient de désigner un avocat d'office afin d'assurer la
défense du justiciable indigent80. Le Bureau d'aide juridique
sera notamment chargé de contrôler la qualité des
prestations effectuées par l'avocat de manière à assurer
l'effectivité de ce droit81. Selon moi, ce système de
contrôle permet de pallier le manque d'expérience dans les
prestations d'aide juridique.
1.3.1.4.3 Conditions d'accès
Cette aide est octroyée à toute personne faisant
la preuve de son indigence sans condition de nationalité82.
Les Arrêtés royaux des 18 décembre 2003, 10 juin 2006, 7 et
19 juillet 200683 en définissent les conditions.
77 M., FRANCHIMONT, A., JACOBS, A., MASSEt,
Manuel de procédure pénale, coll. de la faculté
de droit de l'Université de Liège, Larcier, Bruxelles, 2012,
p.860.
78 Il s'agit là de la plus grande
concrétisation du droit à l'aide juridique consacré par
les différents instruments internationaux et par l'article 23 de la
Constitution Belge.
79 C. Jud., art. 508/7.
80 C. Jud., art. 508/13 ; Elle peut être
totalement ou partiellement gratuite.
81 C. Jud., art. 508/8.
82 Directive 2003/8/CE du Conseil du 27 janvier
2003 visant à améliorer l'accès à la justice dans
les affaires transfrontalières par l'établissement de
règles minimales communes relatives à l'aide juridique
accordée dans le cadre de telles affaires, J.O.C.E., L 26 du 31
janvier 2003, p.41 transposée en droit belge par les lois du 15 juin
2006, M.B., 31 juillet 2006, p. 37182 et du 1er juillet 2006,
M.B., 10 août 2006, p. 39178.
83 M., FRANCHIMONT, A., JACOBS, A.,MASSEt,
Manuel de procédure pénale, coll. de la faculté
de droit de l'Université de Liège, Larcier, Bruxelles, 2012, p.
861.
22
Dès que celles-ci sont remplies, l'Etat est dans
l'obligation de prendre en charge la rémunération des avocats des
personnes indigentes. Il faut souligner que l'Etat Belge prend en compte,
à juste titre selon moi, tant les ressources de la personne que sa
situation sociale.
1.3.1.4.3.1 Insuffisance des ressources
Seules les personnes n'ayant pas de ressources suffisantes
peuvent bénéficier, totalement ou partiellement84, de
l'aide juridique de deuxième ligne85. C'est le revenu mensuel
net86 du ménage au moment de la demande87 qu'il
faut prendre en compte afin d'octroyer ou non l'aide juridique de
deuxième ligne. L'Arrêté royal du 18 novembre
200388 en fixe les montants89 ainsi que les pièces
à produire90.
Relevons toutefois que les montants91 prévus
par la loi sont assez faibles. Par conséquent, certaines personnes
disposeront d'un revenu légèrement suffisant par rapport à
la loi mais seront précarisées dans les faits.
En effet, celles-ci devront choisir entre renoncer au service
d'un avocat (ce qui revient à dire que le droit d'avoir recours à
un avocat pour assurer sa défense n'est pas effectif, in
concreto, en droit belge) ou s'ils recourent à un avocat sans aide
juridique, ceux-ci seront placés dans une situation précaire,
notamment s'ils ont une famille à nourrir.
L'arrêté royal du 18 novembre 2003 comprend une
liste de personnes qui, en raison de leur situation, ont le droit de
bénéficier soit totalement soit partiellement de l'aide juridique
de deuxième ligne92.
Est présumé jusqu'à preuve du contraire
être une personne ne bénéficiant pas de ressources
suffisantes, la personne en détention, le prévenu visé par
les articles 216 quinquies à 216 septies du code
d'instruction criminelle, la personne malade mentale ayant fait l'objet d'une
mesure de protection, l'étranger, le demandeur d'asile ou la personne
qui a introduit une
84 L'article 2 de l'Arrêté royal du 18
novembre 2003 prévoit les cas où l'aide juridique de
deuxième ligne est accordée partiellement. Dans ces
différentes hypothèses, l'avocat, sous le contrôle du
bureau d'aide juridique, pourra demander une intervention modérée
au justiciable afin de couvrir ses prestations.
85 C. Jud., art. 508/13.
86 C. trav. Liège, 2 avril 2001, Chron.
D.S., 2002, p. 352.
87 Trib. trav. Liège (10e ch.), 17
janvier 2006, J.L.M.B., 2006, p. 288.
88 A. R. du 18 novembre 2003 déterminant les
conditions de la gratuité totale ou partielle du bénéfice
de l'aide juridictionnelle de deuxième ligne et de l'assistance
judiciaire, art. 1er et 2, M.B., 24 décembre 2003,
p. 60559.
89 Ainsi, la gratuité partielle sera
accordée si le revenu net du ménage se situe entre 953 et 1224
€ pour une personne isolée, et entre 1224 et 1439 € par mois
pour une personne isolée avec famille à charge. La
gratuité totale sera accordée dans l'hypothèse ou le
revenu du ménage net est inférieur à 1224 € par mois
pour les personnes isolées et 1056 € pour les personnes
isolées avec famille à charge (Du 1er avril 2016 au 21
août 2016).
90 G., DE LEVAL (dir.), Droit judiciaire - Manuel
de procédure civile, t. II, Bruxelles, Larcier, 2015, p.
263-264.
91 Arrêté royal du 18 novembre 2003
déterminant les conditions de la gratuité totale ou partielle du
bénéfice de l'aide juridictionnelle de deuxième ligne et
de l'assistance judiciaire, 2003, M.B., 24 décembre 2003, p.
60559.
92 C. Jud., art. 508/13.
23
demande de statut de personne déplacée, la
personne en cours de règlement collectif de dettes au même titre
que la personne surendettée93.
On voit donc que le détenu et le prévenu
bénéficient, en tant que tel et jusqu'à preuve du
contraire, de l'aide juridique de deuxième ligne. Ce choix du
législateur est judicieux car il prend en compte, de façon
limitée, l'impact financier d'une détention ou d'une
inculpation94.
1.3.1.4.3.2 Demande manifestement mal
fondée
Il est toutefois possible pour le bureau d'aide juridique de
rejeter les demandes « farfelues » ou concernant une action n'ayant
manifestement aucune chance d'aboutir95. Dans cette
hypothèse, le bureau d'aide juridique procède à un premier
examen du fond du dossier.
Comme le rappelle le professeur G. DE LEVAL, « cette
condition pose toutefois de nombreuses difficultés
d'appréciation, la loi ne donnant aucune précision quant à
cette notion96».
De plus, un premier examen du fond du dossier serait
inéquitable car seules les personnes précarisées y
seraient soumises puisque les personnes ayant les ressources financières
suffisantes n'auront, par définition pas recours l'aide juridique. A ce
titre, les remarques formulées préalablement en ce qui concerne
le droit européen s'appliquent mutadis mutandis.
1.3.1.4.4 Procédure
En cas d'octroi, le bureau d'aide juridique désigne un
avocat spécialisé dans le domaine concerné et dans la
langue du justiciable. S'il n'est pas possible de désigner un avocat
parlant la même langue, un interprète sera éventuellement
désigné97.
Il est capital que la personne poursuivie comprenne la
procédure à laquelle elle est soumise afin de faire valoir au
mieux ses droits de la défense. Dans les faits, le recours à un
interprète est très rare et les avocats sont contraints de parler
en anglais mais faut-il encore que le justiciable sache s'exprimer dans cette
langue. Dès lors, des problèmes de compréhension se
93 Ainsi que les bénéficiaires de
sommes payées à titre de revenu d'intégration ou à
titre d'aide sociale, les bénéficiaires de sommes payées
à titre de revenu garanti aux personnes âgées (GRAPA), les
bénéficiaires d'allocations de remplacement de revenu
handicapé, les personnes qui ont a leur charge une enfant
bénéficiant de prestations familiales garanties, les locataires
sociaux qui paient un loyer égal à la moitié du loyer de
base ou un loyer minimum, les personnes mineures ; A. R. du 18 novembre 2003
déterminant les conditions de la gratuité totale ou partielle du
bénéfice de l'aide juridictionnelle de deuxième ligne et
de l'assistance judiciaire, art. 1§2, M.B., 24 décembre
2003, p. 60559.
94 En tant que détenu cela se comprend plus
facilement car la détention suspend les allocations sociales. En tant
qu'inculpé, les saisies et les perquisitions menées durant
l'enquête peuvent avoir pour conséquence de priver
l'inculpé de certains revenus.
95 G., DE LEVAL, Droit judiciaire - Manuel de
procédure civile, t. II, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 266.
96 G., DE LEVAL, Droit judiciaire - Manuel de
procédure civile, t. II, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 266.
97 C. Jud., art 508/10 ; Service public
fédéral Justice, Un meilleur accès à la
justice, p. 14, en ligne.
24
font ressentir et peuvent avoir pour effet de rendre moins
effective la défense des droits du justiciable98.
Si la demande d'aide juridique de deuxième ligne est
rejetée, le justiciable a la possibilité d'introduire un recours
au greffe le tribunal du travail par requête écrite ou verbale. Ce
recours doit être introduit dans un délai d'un mois à
partir de la notification de la décision de refus du bureau d'aide
juridique99.
1.3.1.4.5 Retrait de l'aide juridique et
recouvrement
Le bureau d'aide juridique peut mettre fin à l'aide
juridique de deuxième ligne si le bénéficiaire ne
collabore manifestement pas à la défense de ses
intérêts100 ou s'il ne satisfait plus aux conditions de
revenus101/102.
L'Etat a la possibilité de récupérer
l'indemnité payée à l'avocat auprès du
bénéficiaire de l'aide juridique lorsqu'intervient une
modification de ses revenus103 et lorsqu'elle aura été
accordée suite « à de fausses déclarations ou
d'autres moyens frauduleux, lorsqu'il aura retiré un profit de
l'intervention de l'avocat qui lui aura été désigné
dans la mesure où, si ce profit avait existé au moment de la
désignation, l'aide ne lui aurait pas été
accordée104».
La récupération aura lieu par l'avocat qui
réclamera au bénéficiaire un état de frais et
honoraire que le BAJ aura lui-même dressé105.
J'estime que ce système est vicieux lorsque
l'indemnité est récupérée pour cause de
modification de revenus car il créé une dette pour le (ou
l'ancien) bénéficiaire alors qu'il sort à peine la
tête de l'eau au niveau financier.
1.4 CONCLUSION RELATIVE À L'AIDE JURIDIQUE
La procédure pénale a tendance à
stigmatiser la personne qui la subit, à savoir l'inculpé, le
prévenu ou le condamné. L'aide juridique permet de leur garantir
un accès effectif à un avocat et participe dès lors
à un objectif plus grand qui est celui du droit à un
procès équitable. Aider
98 Témoignage de Maître M. COUNE, avocate
au barreau de Liège.
99 C. Jud., art 508/16 ; Service public
fédéral Justice, Un meilleur accès à la
justice, p. 14, en ligne.
100 Absence de collaboration du justiciable avec les
autorités du Bureau d'aide juridique ou d'une absence de collaboration
du justiciable avec son conseil ; C. Jud., art. 508/20 ; G., DE LEVAL,
Droit judiciaire - Manuel de procédure civile, t. II,
Bruxelles, Larcier, 2015, p. 269.
101 Augmentation des revenus ou changement de situation ; C.
Jud., art. 508/20 ; G., DE LEVAL, Droit judiciaire - Manuel de
procédure civile, t. II, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 269.
102 C. Jud., art. 508/18.
103 Une modification de son patrimoine, de ses revenus ou de ses
charges.
104 C. Jud., art. 508/20 ; G., DE LEVAL, Droit judiciaire
- Manuel de procédure civile, t. II, Bruxelles, Larcier, 2015, p.
270.
105 C. Jud., 508/20 §1 in fine.
25
les plus nécessiteux tant au niveau judiciaire
qu'à d'autres niveaux est une véritable question de justice
sociale.
De plus, le fait d'avoir accès à une aide
financière afin d'être défendu renforce selon moi, le lien
social qui existe (ou existait) entre l'individu concerné par une
procédure pénale et la société. En effet, via le
mécanisme de l'aide juridique la société vient en aide
à l'individu malgré ces méfaits et participe à la
reconstruction (ou construction) du lien social entre eux. Cette approche prend
tout son sens notamment en matière de réinsertion sociale.
26
2 LES AIDES LEGALES DURANT LA DETENTION
2.1 SÉJOUR EN PRISON : PEINE PRIVATIVE DE
LIBERTÉ MAIS PAS SEULEMENT
Etre condamné à une peine de prison
représente bien plus qu'une « simple » privation de
liberté. La détention entraîne bien plus de choses comme la
suspension des allocations de sécurité sociale.
2.1.1 Suspension des allocations de sécurité
sociale
2.1.1.1 Principe
En Belgique, le versement de la plupart des prestations de
sécurité sociale telles que le revenu
d'intégration106, les allocations de chômage, les
allocations aux personnes handicapées et la garantie des revenus aux
personnes âgées, sont suspendues en tout ou en partie en cas de
détention107/108.
2.1.1.2 Choix du législateur
Le droit à la protection sociale est un droit
fondamental y compris pour les détenus. Cependant, il n'existe aucune
norme quant à la manière dont cette protection sociale doit
être assurée109. Ainsi, le législateur disposant
d'une grande liberté d'appréciation va concrétiser cela
soit par un système de sécurité sociale soit par un
mécanisme alternatif.
Le législateur belge a fait le choix de confier le sort
des détenus au SPF Justice. En conséquence, durant leur
détention, leurs prestations de sécurité sociale sont
suspendues110.
106 Voy infra.
107 X., « Les limitations au droit à la
sécurité sociale des détenus: une double peine ? »,
in V. VAN DER PLANCKE, G. VAN LIMBERGHEN (sous la direction de),
R.D.P.C., 16, La Charte, 2010, Bruxelles, p. 54.
108 En 2015, la loi-programme Tommelein a suscité une
grande colère de la part des associations protectrices des Droits de
l'homme. En effet, cette loi programme a pour objectif de suspendre les
indemnités mutuelles des détenus. Il est déplorable qu'en
2015, les économies d'un gouvernement se fassent sur le dos des
détenus, une population déjà très
précarisée ; L. programme du 10 août 2015, M.B.,
18 août 2015, p. 53834.
109 X., « Les limitations au droit à la
sécurité sociale des détenus: une double peine ? »,
in V. VAN DER PLANCKE, G. VAN LIMBERGHEN (sous la direction de),
R.D.P.C., 16, La Charte, 2010, Bruxelles, p. 54.
110 La CEDH semble accepter ce système de suspension au
motif que les Etats membres jouissent d'une grande liberté
d'appréciation par rapport à leurs politiques
socioéconomiques ; Voy C.E.D.H., 24 avril 2015, aff, S. S.
c. Royaume-Uni, n°40356/10 et C.E.D.H., 24 avril 2015,
aff. F. a. et autres c. Royaume-Uni, n°5446/10 où elle a
considéré comme irrecevable la requête de détenus
internés en établissement psychiatrique qui ne pouvaient pas
recevoir les prestations sociales durant leur détention à
l'inverse des patients non-détenus ; X., « Les limitations au droit
à la sécurité sociale des détenus: une double peine
? », in V. VAN DER PLANCKE, G. VAN LIMBERGHEN (sous la direction de),
R.D.P.C., 16, La Charte, 2010, Bruxelles, p. 55.
27
2.1.1.3 Raison de ce choix politique
Le principal objectif du législateur est de
préserver l'égalité entre les allocataires détenus
vis-à-vis des allocataires « libres » et vis-à-vis des
autres détenus qui ne jouissaient pas d'allocations sociales avant leur
détention111.
Dans les faits, cela se traduit malheureusement par une
inégalité entre les détenus qui ont ou n'ont pas de
famille pouvant les soutenir financièrement.
2.1.1.4 Critiques de ce choix politique 2.1.1.4.1
Manque de cohérence
Les dispositions concernant la suspension des allocations de
sécurité sociale en cas de détention diffèrent
énormément entre elles. Il en résulte qu'un secteur de la
sécurité sociale est suspendu entièrement, partiellement
ou voire pas du tout en fonction des dispositions112.
En plus de créer une situation de grande
précarité, ce système créé une certaine
angoisse en raison de la multitude des normes applicables.
2.1.1.4.2 Double peine
L'article 23 de la Constitution Belge consacre le droit
fondamental à la sécurité sociale pour toute personne.
Plus particulièrement et conformément à l'article 6§1
de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, «
le détenu ne peut subir d'autres restrictions de ses droits sociaux
que celles qui résultent de la privation de liberté ou qui lui
sont indissociablement liées, et celles qui sont
déterminées par ou en vertu de la loi ».
Par conséquent, il n'est possible de suspendre le droit
à la sécurité sociale que si les mécanismes
alternatifs qui les prennent en charge assurent, effectivement, une protection
équivalente113.
A y regarder de plus près, l'intervention du SPF
Justice ne peut pas être considérée comme
équivalente aux régimes d'assistance et d'assurance sociale. Le
principe de suspension est
111 X., « Les limitations au droit à la
sécurité sociale des détenus: une double peine ? »,
in V. VAN DER PLANCKE, G. VAN LIMBERGHEN (sous la direction de),
R.D.P.C., 16, La Charte, 2010, Bruxelles, p. 56.
112 Par ailleurs, l'entrée en vigueur de la suspension
aura lieu directement ou de façon différée et s'appliquera
tantôt aux allocataires détenus en prison, tantôt aux
détenus au sens large. De plus, lors de la remise en liberté, la
suspension des différentes allocations de sécurité sociale
sera levée de façon différente en fonction du type
d'allocations ; Voir à cet effet VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN,
G., La sécurité sociale des (ex)-détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 150, 178, 193, 207, 231, 258, 286,
304, 312, 347 et 361.
113 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 50 et 70.
28
alors vu comme une sanction supplémentaire
résultant de la détention114. Or, il paraît que
l'on ne peut pas être puni deux fois pour les mêmes faits.
2.1.1.4.3 Situation familiale du
détenu
La justification selon laquelle la suspension des allocations
sociales réside dans la prise en charge du détenu par le SPF
Justice perd tout son sens dans la mesure où le SPF Justice ne couvre
que les besoins de la personne détenue et non de sa famille.
En effet, si l'allocataire venait à être
emprisonné, ses prestations seraient suspendues totalement ou
partiellement ce qui entrainerait des conséquences catastrophiques pour
sa famille. Cette situation violerait le principe de limitation des effets
préjudiciables de la détention consacré par la loi de
principes du 12 janvier 2005 qui exclut que la famille du détenu souffre
de privations qui découleraient de la détention de l'un de ses
proches115.
Il est donc nécessaire que toutes les dispositions
relatives à la suspension des allocations de sécurité
sociale en cas de détention prennent en considération l'existence
des membres de la famille détenu116. Or, tel n'est pas le cas
à l'heure actuelle.
2.1.1.5 Le travail pénitentiaire ouvre-t-il un
droit aux allocations sociales durant la détention ?
2.1.1.5.1 Définition
La loi du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire117 ainsi que le statut juridique des
détenus118 règlemente le travail pénitentiaire
et consacre le droit pour les détenus de travailler dans la prison ou
à l'extérieur dans la mesure des
disponibilités119.
Le travail pénitentiaire n'est pas
obligatoire120, il s'agit d'une faculté laissée au
détenu qui doit en faire la demande121. L'objectif est donner
aux détenus un sens à leur détention, de
114 X., « Les limitations au droit à la
sécurité sociale des détenus: une double peine ? »,
in V. VAN DER PLANCKE, G. VAN LIMBERGHEN (sous la direction de),
R.D.P.C., 16, La Charte, 2010, Bruxelles.
115 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex)-détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008.
116 X., « Les limitations au droit à la
sécurité sociale des détenus: une double peine ? »,
in V. VAN DER PLANCKE, G. VAN LIMBERGHEN (sous la direction de),
R.D.P.C., 16, La Charte, 2010, Bruxelles, p. 72.
117 Le travail pénitentiaire en tant que source de revenu
sera analysé infra.
118 L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus,
M.B., 1er février 2005, p. 2815.
119 L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, art. 81,
M.B., 1er février 2005, p. 2815.
120 Sauf les détenus visés par l'article 30bis
du Code pénal.
121 L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, art. 84,
M.B., 1er février 2005, p. 2815.
29
renforcer ou d'acquérir des compétences afin
d'assurer leur subsistance après leur libération, d'assumer des
responsabilités, le cas échéant, vis-à-vis de leur
famille ou des victimes122.
Ce type de travail participe de façon
considérable à la réinsertion sociale des détenus
et ne doit pas être négligé contrairement à ce qui
se passe aujourd'hui.
2.1.1.5.2 Cadre juridique de cette relation de
travail
Jusqu'à l'abrogation de l'article 30ter du
Code pénal, le travail pénitentiaire était
considéré comme obligatoire de sorte qu'il était difficile
d'admettre que les détenus travaillaient dans le cadre d'un contrat de
travail puisqu'il existait une incompatibilité entre le travail
obligatoire et le contrat de travail123.
Malgré cela, une grande majorité des auteurs de
doctrine considère qu'il n'est toujours pas possible de
considérer le travail pénitentiaire comme étant un travail
en exécution d'un contrat de travail en raison de la faible
rémunération que reçoivent les détenus. La
jurisprudence124 n'incite pas non plus à croire que cela
pourra se réaliser sans croiser le fer.
Cependant, la loi du 12 janvier 2005125 consacrant
le principe de protection juridique126 prévoit que
« la mise au travail des détenus doit s'opérer, dans la
mesure du possible, dans les mêmes circonstances que le monde
extérieur127». Il devient donc nécessaire
que le législateur considère que le travail effectué en
prison est assimilable à un travail réalisé sous contrat
de travail et qu'il donne au « travailleur » pénitentiaire les
mêmes droits à la sécurité sociale que ceux qui sont
liés par contrat à une profession dans le monde « libre
».
A ce jour, le travail effectué en prison n'est toujours
pas exécuté sur base d'un contrat de travail et aussi longtemps
que cette situation perdurera, celui-ci ne pourra pas donner lieu à
l'application de la loi O.N.S.S.128.
122 L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, art. 82,
M.B., 1er février 2005, p. 2815.
123 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 99.
124 X., « Les limitations au droit à la
sécurité sociale des détenus: une double peine ? »,
in V. VAN DER PLANCKE, G. VAN LIMBERGHEN (sous la direction de),
R.D.P.C., 16, La Charte, 2010, Bruxelles, p. 88.
125 L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus,
M.B., 1er février 2005, p. 2815.
126 L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, art. 6,
M.B., 1er février 2005, p. 2815.
127 L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, art. 83,
M.B., 1er février 2005, p. 2815.
128 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 112.
30
2.1.1.6 Création d'une situation de grande
précarité
Le détenu privé de ses allocations, sans
possibilité de les retrouver via le mécanisme du travail
pénitentiaire risque de se retrouver dans une situation de
précarité, voire de vivre dans des conditions non-conformes
à la dignité humaine lors de son séjour en prison
malgré la prise en charge de celui-ci par le SPF Justice.
En effet, il n'est pas possible de déduire de la prise
en charge par le SPF Justice l'absence de besoin du détenu car d'autres
dépenses nécessaires ne sont pas prises en compte par
l'établissement pénitentiaire notamment les frais relatifs aux
différents modes de communication, à l'hygiène, aux
loisirs etc. Toutes ces choses étant considérées comme
participant à la dignité humaine, il faudra dès lors que
le détenu subvienne à ses propres besoins en prison.
Mais quid du travail pénitentiaire en
lui-même ? Il est illusoire de penser que le travail pénitentiaire
permet au détenu de vivre conformément à la dignité
humaine. La rémunération129 du travail
pénitentiaire pourra permettre aux détenus de financer certaines
choses mais pas tout130.
De plus, il est important de rappeler que l'offre de travail
en prison faiblit au fil des années et que certaines personnes n'y ont
pas accès en raison de leur handicap131. Il ne faut donc pas
considérer que le fait pour un détenu de travailler lui permette
d'office de pouvoir accéder à des conditions de détention
conformes à la dignité humaine.
Quid de la famille du détenu ? La famille du
détenu peut lui venir en aide pour faire face à ses besoins.
Cependant, il ne faut pas oublier que certaines familles, lorsqu'elles
existent, n'ont pas ou peu de possibilités financières. Dans ces
différentes situations, il est très difficile pour certains
détenus de s'offrir les services compris dans la notion de
dignité humaine.
Dès lors, l'absence de travail pénitentiaire ou
le faible revenu généré par celui-ci et le manque de
moyens financiers des familles des détenus ont pour conséquence
que le détenu se retrouvera dans une situation de
précarité à partir du moment où l'administration ne
garantit pas des prestations équivalentes à celle du
régime de sécurité sociale.
Quelles sont alors les solutions offertes aux détenus
afin qu'ils puissent mener une vie conforme à la dignité humaine,
même si celle-ci est vécue en prison ?
129 Très faible rémunération (entre 80 et
180 € par mois).
130 En effet, une partie de la rémunération du
détenu sert à indemniser les victimes et les biens en vente
à la cantine de la prison leur permettant d'améliorer leur
quotidien sont très chers.
131 NEVE, M., Le guide du prisonnier, Bruxelles, Labor,
2002, p. 99.
31
2.1.2 Aide sociale sensu lato
L'article 103 de la loi de principes du 12 janvier 2005
concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique
des détenus prévoit que le détenu a droit à l'offre
présente en prison en matière d'aide sociale ainsi qu'à
celle disponible dans le monde libre. Quels sont donc les différents
organismes pouvant intervenir et avec quels types d'aide ?
2.1.2.1 Le CPAS
2.1.2.1.1 Compétence territoriale du CPAS
2.1.2.1.1.1 Principe
Le CPAS compétent sera celui du lieu où le
détenu était inscrit dans les registres de la population à
titre principal lors de son entrée en détention132.
Cela se justifie par le fait qu'il serait inéquitable de faire peser le
coût de l'aide sociale accordée aux détenus exclusivement
sur les communes sur lesquelles se trouve un établissement
pénitentiaire133.
Concernant les détenus bénéficiant d'une
modalité d'exécution de la peine en dehors de la prison, le CPAS
compétent sera celui de leur résidence habituelle et effective
car l'article 2 de la loi du 2 avril 1965, étant une exception à
la règle de compétence générale des
CPAS134, est de stricte interprétation. Seuls les
détenus qui séjournent en prison entrent dans son champ
d'application135.
2.1.2.1.1.2 Exception
Si le détenu n'est pas ou plus inscrit dans un registre
à la suite d'une radiation au moment de son
incarcération, la doctrine136 et la
jurisprudence137 recommandent d'appliquer le principe
général de compétence territoriale des CPAS. Par
conséquent, le CPAS compétent sera celui
132 L. du 2 avril 1965 relative à la prise en charge
des secours accordés par les commissions d'assistance publique, art
2§1er, al 1er,5°, M.B., 6 mai 1965, p.
5161. Ce principe continue à s'appliquer même si, à la
suite d'une radiation pendant sa détention, le domicile du détenu
a été déplacé à la prison voy. Trib. Trav.
Bruges (7e ch.), 13 novembre 2002, J.T.T., 2003, p. 602 ;
X., Aide sociale - intégration sociale : le droit en pratique,
H. MORMONT ET K. STAGHEERLIN (sous la direction de), La Charte, Bruxelles,
2011, p. 450.
133 J-F., FUNCK, Droit de la sécurité
sociale, Bruxelles, Larcier, 2006, p.554.
134 L. du 2 avril 1965 relative à la prise en charge
des secours accordés par les commissions d'assistance publique, art 1er
1° et 2°, M.B., 6 mai 1965, p. 5161
135 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 366-367. ; X., Aide sociale -
intégration sociale : le droit en pratique, H. MORMONT ET K.
STAGHEERLIN (sous la direction de), La Charte, Bruxelles, 2011, p. 451.
136 THOMAES-LODEFIER, M-C., « Les CPAS et les personnes
privées de liberté », CPAS Plus,
n°4/2006, p. 51.
137 C.E, 27 novembre 1953 dans VAN DER PLANCKE, V., VAN
LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex)-détenus
et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 367.
32
du lieu de résidence habituelle et effective du
détenu au moment de la demande d'aide sociale. Cette résidence
sera, le plus souvent, le lieu de l'établissement
pénitentiaire138.
Cette exception est assez critiquable dans la mesure où
elle pèse lourdement sur le budget des CPAS des communes sur lesquelles
un établissement pénitentiaire existe. Ce n'est pas à un
pouvoir local d'assumer les carences du fédéral. S'il y a
création d'un besoin en prison c'est parce que le SPF Justice n'assume
pas totalement les besoins du détenus139/140.
2.1.2.2 Intervention du CPAS
2.1.2.2.1 Le droit à l'intégration
sociale
Le droit à l'intégration sociale sous la forme
d'un emploi ou d'un revenu d'intégration (ci-après RI) est un
droit pour tous141. Les allocations de sécurité
sociale étant suspendues totalement ou partiellement lors de la
détention, les détenus n'ayant pas de famille, n'ayant pas
accès au travail pénitentiaire142, peuvent rapidement
se retrouver dans une situation difficile. Quel est le statut du RI à
leur égard ?
2.1.2.2.1.1 Principe généraux de
l'intégration sociale143
Le demandeur doit remplir plusieurs conditions afin de
bénéficier du droit à l'intégration sociale
à savoir :
- avoir sa résidence principale en
Belgique144 ;
- avoir soit la nationalité belge soit être un
étranger inscrit au registre de population soit être un
réfugié reconnu ou un apatride soit bénéficier d'un
droit de séjour de plus de trois mois145 ;
138 T. trav. Namur, 26 novembre 2004, R.G.,
n°6738/2000 ; C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre
2013, R.G., n°2012/AN/217.
139 Voy infra.
140 Règle de continuité : En ce qui concerne les
détenus admis successivement et sans interruption dans plusieurs
établissements pénitentiaires, si l'on applique la règle
de principe concernant les détenus, le CPAS compétent lors de
l'incarcération demeure compétent même en cas de transfert
du détenu vers une autre prison et ce, de manière à ce
qu'il ne doive pas réaliser une deuxième demande d'aide sociale.
Cependant, une enquête sociale sera tout de même
réalisée afin de déterminer si le détenu est
toujours dans un état de besoin dans le nouvel établissement
pénitentiaire. Par contre, si c'est la règle d'exception qui
s'applique, le CPAS compétent sera celui du nouveau lieu de
détention. Lorsqu'il y a une interruption entre le séjour dans
deux établissements pénitentiaires différents, le CPAS
compétent pour accorder l'aide sociale sera celui de la commune
où la personne qui a besoin d`assistance est habituellement
présente au moment de son admission, qui suit l'interruption, dans le
second établissement précité ; VAN DER PLANCKE, V., VAN
LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex)-détenus
et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 366-369.
141 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 2, M.B., 31 juillet 2002, p.
33610.
142 Ou pas de revenu suffisant issu de ce travail pour faire
face aux diverses dépenses ou pas de possibilité d'exercer ce
type de travail en raison d'un handicap ou d'une interdiction.
143 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 3, M.B., 31 juillet 2002, p. 33610
pour plus de précisions.
144 Résider habituellement et en permanence sur le
territoire belge.
33
- être majeur ou mineur émancipé par le
mariage'46 ;
- ne pas disposer de ressources suffisantes, ni pouvoir y
prétendre ni être en mesure de se les procurer soit par des
efforts personnels soit par d'autres moyens'47 ;
- être disposé à travailler'48
;
- faire valoir ses droits aux aliments ainsi que ses droits aux
allocations sociales dont il peut bénéficier en vertu du droit
belge ou étranger.
En ce qui concerne les bénéficiaires de moins de 25
ans, ceux-ci ont droit à l'intégration sociale par un emploi
adapté à leurs capacités et à leur situation
personnelle'49.
Le revenu d'intégration est un montant forfaitaire que
l'on fixe par rapport à la situation personnelle et familiale du
bénéficiaire'50. De plus, il existe une aide
spécifique octroyée'5' par le CPAS pour les personnes
redevables d'une pension alimentaire'52.
2.1.2.2.1.2 Maintien du droit à
l'intégration sociale mais suspension du paiement du revenu
d'intégration
En ce qui concerne détenu, le droit à
l'intégration sociale n'est pas supprimé mais le paiement de
celui-ci est suspendu. Ceci est justifié, à tort selon moi, par
le fait que les détenus intra et extra
muros153 seraient entièrement à charge du SPF
Justice'54.
Cette suspension vaut pendant toute la période de
détention pour les personnes détenues en exécution d'une
décision judiciaire et qui sont inscrites au rôle de
l'établissement pénitentiaire.
2.1.2.2.1.2.1 Quid des différentes modalités
d'exécution de la peine ?
Certaines peines s'exécutent en tout ou en partie à
l'extérieur de la prison. L'objectif étant de diminuer les
coûts et de favoriser la réinsertion sociale.
En ce qui concerne l'interruption de peine, il s'agit d'une
véritable interruption et non d'une modalité d'exécution
de la peine ce qui a pour conséquence que la peine du détenu
ne
145 En tant que citoyen de l'Union européenne ou en
tant que membre de sa famille qui l'accompagne ou le rejoint (voy L. du 15
décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour,
l'établissement, et l'éloignement des étrangers, M.B.,
31 décembre 1980, p.14584)
146 Les mineur(e)s qui ont un ou plusieurs enfants à
charge ainsi que les mineures enceintes peuvent aussi prétendre au droit
à l'intégration sociale.
147 Cela sera établi via une enquête sociale
effectuée par le CPAS compétent. Toutes les ressources seront
prises en considération ; L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 19, M.B., 31 juillet 2002, p.
33610.
148 À moins que des raisons de santé ou
d'équité ne l'en empêchent.
149 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 6-11, M.B., 31 juillet 2002, p.
33610.
150 Personne cohabitante, isolée ou avec famille à
charge.
151 Ne s'agissant pas formellement d'une majoration du RI.
152 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action
social, art. 68 quinquies, 5 août 1976, p. 9876.
153 Situation de semi-liberté, semi-détention ou
sous surveillance électronique.
154 Voy supra.
34
s'écoule pas et qu'il n'est plus inscrit au rôle
de la prison. Ainsi, il récupérera totalement son droit au
paiement du RI durant cette interruption.
2.1.2.2.1.2.1.1 Le statut des personnes en semi-liberté
ou semi-détention ainsi que celle bénéficiant d'un
bracelet électronique
Quant aux personnes en semi-liberté ou en
semi-détention ainsi que celles bénéficiant d'un bracelet
électronique'55, elles ne peuvent pas non plus obtenir le
paiement du revenu d'intégration car, selon la circulaire
ministérielle du 6 septembre 2002, elles sont toujours inscrites au
rôle de la prison. Ceci est critiquable car premièrement, la loi
sur le revenu d'intégration suspend seulement ce paiement pour les
personnes détenues en prison'56 et deuxièmement, les
difficultés rencontrées par les détenus extra muros
à la suite à la suspension du revenu d'intégration ne
sont plus à démontrer'57.
Toutefois, un détenu bénéficiant d'une
modalité d'exécution de la peine en dehors de la prison
(extra muros) pourra solliciter que son droit à
l'intégration sociale se concrétise par une offre d'emploi.
Cependant, si cela n'est pas possible, le droit à l'intégration
sociale ne pourra donner lieu au paiement d'un revenu d'intégration.
Il faudrait alors prévoir la possibilité de
maintenir une quote-part forfaitaire du RI au bénéfice du
détenu afin que celui-ci ne se retrouve pas dans une situation de totale
précarité lorsqu'il purgera sa peine
extra-muros'58. Cette solution éviterait un recours
nécessaire vers les CPAS afin de pouvoir survivre en dehors de la
prison.
2.1.2.2.1.2.1.2 Libération conditionnelle et provisoire
En revanche, et même si la circulaire du 6 septembre
2002 prévoit bizarrement le contraire'59, si le détenu
est en libéré provisoirement ou sous conditions'60, le
paiement du revenu d'intégration est rétablit'6'. Cela
se justifie par le fait que la personne en libération provisoire ou
conditionnelle ne remplit plus les conditions de suspension du paiement du
revenu d'intégration car elle n'est plus inscrite au rôle de la
prison. De plus, la simple utilisation du vocable « libération
» rendrait la suspension du paiement du revenu d'intégration mal
aisé.
155 Le dispositif extra muros est
considéré comme une modalité d'exécution de la
peine et non comme une peine autonome. Non-incarcérée dans les
fait, cette personne est considérée comme subissant sa peine
privative de liberté en dehors.
156 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 23§3, M.B., 31 juillet 2002,
p. 33610.
157 Cependant, les personnes sous surveillance
électronique retrouvent leurs droits quant aux revenus de remplacement
ou allocations, encoure mais faut-il qu'ils en aient.
158 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 405.
159 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 375.
160 Ne sont plus considérés comme subissant une
peine privative de liberté.
161 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 39, M.B., 31 juillet 2002, p.
33610.
35
2.1.2.2.1.2.2 Impact sur la Famille
Le détenu ayant une famille voit aussi le paiement de
son RI suspendu. Le fait d'avoir une famille à sa charge ne fait donc
pas exception. La seule solution est que son partenaire (conjoint) fasse valoir
à son tour ses droits au RI162. La détention d'un chef
de famille a pour conséquence qu'il faudra à nouveau faire les
démarches relatives au RI. Ces démarches seront d'autant plus
difficiles à réaliser et à vivre lorsqu'un proche se
trouve en prison.
L'aide spécifique octroyée par le CPAS à
la personne détenue redevable d'une pension alimentaire est maintenue.
Seul le paiement du revenu d'intégration est suspendu163.
Toutefois, l'une des conditions d'octroi de cette aide est le
paiement intégral de la pension alimentaire par le
débiteur164. Il est dès lors fort probable que le
débiteur en détention ne puisse satisfaire cette
condition165. Il faudrait donc que pour les détenus, cette
aide spécifique soit plutôt conditionnée à une
contribution selon ses capacités financières et non au paiement
intégral de la pension alimentaire166.
2.1.2.2.1.3 Incidence du nouveau statut juridique
externe des personnes condamnées et internées sur la suspension
du paiement du revenu d'intégration
La loi du 17 mai 2006 relative au statut externe des personnes
condamnées à une peine privative de liberté a notamment
pour objectif une meilleure prise en compte des peines alternatives extra
muros.
2.1.2.2.1.3.1 Focus sur les détenus sous surveillance
électronique
Pour rappel, ces personnes ne peuvent bénéficier
du paiement du revenu d'intégration car elles sont
considérées comme exerçant un peine privative de
liberté bien qu'à l'extérieur de la prison. Il a
été nécessaire de prévoir une solution pour ces
personnes afin d`éviter toute discrimination sociale. Les personnes
indigentes ne devraient pas se voir refuser la surveillance électronique
au motif qu'elles n'ont pas les moyens financiers d'assurer les divers
coûts que cela engendre.
162 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 376.
163 VERSAILLES, P., « Aide sociale/Droit à
l'intégration sociale », in sécurité
sociale: commentaires - partie III, Livre I, titre III et IV, coll. Guide
social permanent, R1620 ; VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 377.
164 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action
social, art. 68 quinquies, 5 août 1976, p. 9876.
165 Pour des raisons déjà invoquées:
Pénurie de travail pénitentiaire ou faible revenu
généré par celui-ci, suspension des allocations de
sécurité sociale etc.
166 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 405.
36
Ainsi, le 16 octobre 2002, le conseil des ministres à
décider de leur octroyer une aide spécifique par le SPF Justice
sous la forme d'une allocation journalière complète
appelée « allocation d'entretien167».
A cette époque, pour le détenu isolé,
cette indemnité s'élevait à 522 euros par mois. Il faut
toutefois relever que ce montant était inférieur au RI de
l'époque (625 euros) et qui était considéré comme
le seuil minimum pour vivre conformément à la dignité
humaine. Il était dès lors impossible pour le détenu de
faire face à ses frais fixes tels que la connexion
téléphonique et le loyer168. Par conséquent, on
reconnaît indirectement que le détenu indigent sous surveillance
électronique ne vit pas dans des conditions conformes à la
dignité humaine. Ceci impliquerait un recours nécessaire
auprès des CPAS afin d'obtenir un complément.
Cette situation risquait de créer un endettement quasi
certain du détenu sous surveillance électronique et
n'était, par conséquent, pas favorable à sa
réinsertion dans la société169. De plus, cela
allait entrainer une augmentation des sollicitations par les détenus
auprès des CPAS afin d'obtenir une aide sociale financière en
complément, ce qui n'était pas prévu et donc pas
budgétisé170. Encore une fois, ce sont les CPAS qui
doivent assumer les carences de l'Etat belge en ce qui concerne la politique de
gestion des prisons et des peines alternatives.
A la suite de nombreuses critiques, c'est seulement en 2007
que le SPF Justice a augmenté cette allocation d'entretien de
manière à fournir aux détenus les moyens suffisants pour
mener une vie conforme à la dignité humaine et à ne pas
créer de discrimination entre les détenus extra-muros et
les citoyens libres percevant le RI171. Toutefois, cette allocation
reste insuffisante en raison des frais spécifiques relatif à la
surveillance électronique.
Le système mis en place et la faible allocation
accordée permettent, encore une fois, de démontrer que les
personnes détenues ne sont pas prises en compte dans notre
société et que la réinsertion sociale n'y est pas une
question primordiale.
2.1.2.2.1.3.2 Quid des autres modalités
d'exécution de la peine ?
La loi relative au statut juridique externe des détenus
a permis une meilleure prise en considération de la situation du
détenu sous surveillance électronique mais qu'en est-il des
autres modalités d'exécution de la peine ? Cette question n'a
été abordée que
167 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 379.
168 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 379.
169 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 381.
170 Une vie conforme à la dignité humaine pour
chacun - Mémorandum fédéral des CPAS, 2014, en
ligne.
171 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 382.
37
superficiellement par les parlementaires ; ceux-ci ne
s'intéressant qu'à la situation des personnes sous surveillance
électronique.
Heureusement, certains juges, soucieux des conditions de vie
des personnes bénéficiant d'une modalité
d'exécution de la peine autre que la surveillance
électronique'72, ont condamné, à plusieurs
reprises, les CPAS à leur verser une aide sociale équivalente au
RI tout en confirmant la suspension du RI pour les personnes
bénéficiant d'un régime de semi-liberté. Ce type de
décision, contra-legem, met en lumière les
difficultés rencontrées par ces personnes qui ne sont pas prises
en charge par le SPF Justice parce qu'ils ne sont plus inscrit au rôle de
la prison.
La solution la plus simple serait de lever la suspension du
paiement du RI pour le détenu sous surveillance électronique, en
semi-détention ou en semi-liberté. Dans cette hypothèse,
il est nécessaire de prévoir un transfert entre le budget du SPF
Justice et celui du CPAS afin que ce dernier ne subisse pas encore le poids des
erreurs politiques commises au niveau fédéral.
En attendant, à défaut de droit au revenu
d'intégration (ou à son paiement durant la détention) ou
à toute autre allocation équivalente, le détenu pourra
toujours essayer de demander une aide sociale.
2.1.2.2.2 Aide sociale au sens strict 2.1.2.2.2.1
Principes généraux
Conformément à l'article 1er de la
loi relative aux CPAS, le droit à l'aide sociale est ouvert à
toute personne, quel que soit sa situation. L'objectif est de permettre
à tout être humain de vivre conformément à la
dignité humaine'73.
Concernant les personnes détenues, bien que des textes
légaux prévoient expressément la suspension du paiement du
revenu d'intégration en cas de détention'74, la loi
sur les CPAS ne prévoit aucune suspension concernant le droit à
l'aide sociale car celui constitue le dernier filet protecteur de la vie
conforme à la dignité humaine.
2.1.2.2.2.2 Etat de besoin du détenu
La prise en charge du détenu par la prison ou
l'attribution d'une allocation d'entretien par le SPF Justice ne crée
pas une présomption d'absence d'état de besoin du
détenu.
En effet, le détenu est logé, nourri et blanchi
par l'administration pénitentiaire mais il existe d'autres
dépenses nécessaires qui ne sont pas prises en compte par les
prisons. De plus, il
172 Semi-détention ou semi-liberté.
173 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre
2013, R.G., n°2012/AN/217.
174 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action
social, art. 68 quinquies, 5 août 1976, p. 9876.
38
n'est plus à démontrer que les prisons ne
remplissent pas leur obligation en ce qui concerne la fourniture de biens de
première nécessité et d'hygiène175.
Afin d'améliorer ses conditions de vie en
détention, le détenu a la possibilité de s'offrir certains
services dits de « cantine »176. Par exemple, une carte de
GSM pour communiquer avec l'extérieur, une radio ou une
télévision, des jeux de sociétés ainsi que des
produits d'hygiène.
Les produits d'hygiène sont, en principe177,
pris en charge par les établissements pénitentiaires avec la
possibilité pour les détenus de se procurer d'autres produits
à la cantine. Cependant, dans bien des cas, le « kit hygiène
» ainsi que d'autres produits ne leur sont pas fournis178.
Dès lors, les détenus devront acheter eux-mêmes ces biens
de première nécessité à la cantine de la prison.
Au sein de certaines prisons, il existe une caisse d'aide aux
détenus financée par les bénéfices de la
cantine179. Elle a notamment pour objectif de soutenir les plus
nécessiteux dans l'achat de biens que ce soit pour améliorer leur
quotidien ou simplement avoir accès aux produits
élémentaires qu'ils ne reçoivent pas en raison d'une
carence des établissements pénitentiaires.
Cependant, bien que certaines règles soient
établies par circulaire180, les critères pour
être considéré comme indigent ou nécessiteux varient
très fortement en fonction des prisons. De plus, les montants
octroyés sont loin d'être exceptionnels.
En outre, il est important de souligner que l'aide issue de la
caisse d'aide aux détenus doit, en principe, être
remboursée par le détenu lorsqu'il pourra prétendre
à un revenu. Dans les faits, récupération sur cette base
est toutefois très peu probable181.
Afin d'augmenter leur chance de récupérer les
sommes avancées aux détenus nécessiteux, certaines prisons
conditionnent l'octroi de cette aide à l'introduction d'une demande
d'aide sociale au CPAS compétent ainsi qu'à un engagement de
remboursement de la caisse dans l'hypothèse où le détenu
obtiendrait l'aide sociale182. Si le détenu venait à
bénéficier d'une aide sociale de la part du CPAS, les prisons
récupéreraient alors les avances précédemment
octroyées.
175 C.E.D.H., 25 novembre 2014, aff. Vasilescu c.
Belgique, n°64681/12.
176 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre
2013, R.G., n°2012/AN/217 ; NEVE, M., Le guide du
prisonnier, Bruxelles, Labor, 2002, p. 95 ; L. du 12 janvier 2005
concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique
des détenus, art. 47, M.B., 1er février 2005,
p. 2815.
177 Cir. min. n°1507 du 29 octobre 1986.
178 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17
septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.
179 Circ. 1620/VIII du 23 décembre 1993.
180 Q.E. n°5-2131 de M. BERT ANCIAUX du 20/04/2011 ; Q.R.,
Sénat, 2010-2011, 18.10.2011, en ligne.
181 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.),
17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217 ; Pénurie de
travail depuis de nombreuses années.
182 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17
septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.
39
L'Etat Belge et la jurisprudence183 voient cette
pratique comme une dérive malsaine et rejettent ce système mis en
place par certaines prisons. En conséquence, l'aide octroyée par
le CPAS n'interviendra qu'à titre complémentaire, afin de couvrir
les besoins vitaux du détenu qui ne sont pas couverts par l'avance
mensuelle que la caisse de solidarité octroie au
détenu184.
2.1.2.2.2.3 Demande auprès du CPAS
La jurisprudence, trop restrictive, considère à
tort selon moi que le service185 accordé par le SPF Justice
doit suffire pour vivre conformément à la dignité
humaine186. Or, certains biens et services minimums ne sont pas
fournis ou assurés.
La jurisprudence rappelle que les missions des CPAS et du SPF
Justice ne sont pas les mêmes car le SPF Justice a l'obligation d'assurer
des conditions de détentions conformes à la
dignité humaine au sens de l'article 3 de la CEDH187. De ce
point de vue, la jurisprudence estime que le SPF Justice remplit sa mission
même si il n'assure pas tous les besoins d'un détenu.
En effet, parmi les conditions de détentions conformes
à la dignité humaine au sens de l'article 3 de la CEDH figure le
droit de cantiner dans certaines limites. Ainsi, les prisons ont l'obligation
de fournir les produits d'hygiène188 nécessaires sans
que les détenus n'aient à se les procurer eux-mêmes. Pour
le reste, c'est à eux de se débrouiller.
Les CPAS, eux, ont pour mission d'offrir aux demandeurs d'aide
la possibilité de vivre dans des conditions conformes à
la dignité humaine. Ceci peut se traduire par l'octroi de moyens
financiers en plus de l'aide octroyée par la caisse de solidarité
des détenus189.
Depuis de nombreuses années, les demandes d'aide
sociale auprès des CPAS sont en constante augmentation. Ceci se justifie
même si une caisse d'aide aux détenus existe au sein de la prison
car l'argent de poche reçu de cette caisse ne permet pas au
détenu d'acheter beaucoup de chose à la cantine surtout s'il doit
lui-même financier ses produits d'hygiène.
Lorsqu'une demande est introduite auprès du CPAS, il
est procédé à une enquête sociale pour voir si le
montant alloué par le service social190 de la prison est
suffisant ou non pour vivre
183 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17
septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.
184 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17
septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.
185 Ou l'allocation d'entretien dans le cadre de la
détention sous surveillance électronique.
186 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 390 ; L. de principes du 12
janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le
statut juridique des détenus, art. 5§1, M.B., 1er
février 2005, p. 2815.
187 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17
septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.
188 L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, art. 42,
M.B., 1er février 2005, p. 2815.
189 C. trav. Liège sect. Liège, (5e
ch.), 2 décembre 2009 ; Pour rappel, il n'existe pas de caisse de
solidarité dans toutes les prisons.
190 Ou caisse des détenus ou caisse de
solidarité.
40
conformément à la dignité humaine. Si ce
n'est pas le cas, le juge condamnera le CPAS à prendre en charge le
complément nécessaire191.
Pour déterminer ce montant, il faudra garder à
l'esprit que la vie en prison est une vie très différente de ce
que l'on peut retrouver à l'extérieur. Ainsi, les besoins des
détenus peuvent être suffisamment rencontrés par un
dispositif collectif plutôt que privatif comme l'accès à la
télévision par exemple192. Toutefois, il a
été jugé, à juste titre selon moi, que
l'accès privatif à une télévision pour une personne
en chaise roulante était valable car il s'agissait du seul passe temps
cette personne dans l'univers carcéral193.
En outre, dans toutes les circonstances rencontrées, il
convient de prendre en considération le temps à vivre en prison
car les besoins d'un détenu en détention préventive sont
moindres que ceux d'un détenu de longue durée. En effet, pour ce
dernier l'établissement pénitentiaire devient un véritable
lieu de vie sans oublier que durant sa détention, la personne en
détention préventive doit assumer certains frais194 en
dehors de la prison.
Enfin, en cas de sorties autorisées, les besoins
rencontrés par le détenu sont plus importants de sorte que l'aide
accordée sous forme d'argent de poche doit être
majorée195.
L'aide pourra consister en une prise en charge d'honoraires de
médecin ou de psychologue, de remboursement de prothèse, de
lunettes, de frais de formations, de remboursement de l'aide aux victimes, de
produits de première nécessité, d'achat de journaux, de
cartes de téléphone, etc. Bien souvent cela se
concrétisera par une aide sous forme d'argent de poche allant de 50
à 100 euros par mois.
2.1.2.2.2.4 Critiques
Sur le principe, cette situation revient à faire peser
sur les CPAS le choix du législateur de suspendre les allocations de
sécurité sociale et de ne pas fournir aux détenus des
biens de première nécessité.
A partir du moment où il existe des détenus qui
n'ont pas les moyens de s'offrir des services pourtant dû par la prison,
on ne peut pas imposer aux CPAS d'en payer le prix car les
191 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.),
17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217 ; On reconnaît le
caractère subsidiaire de l'aide sociale octroyée par le CPAS par
rapport à la caisse de solidarité.
192 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 394-397.
193 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 397.
194 Maintien du logement, des abonnements de
télévision, paiement de diverses assurances etc.
195 Trib. Trav. Mons, 7e ch., 12 mai 2005 ; VAN DER
PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des
(ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p.
392.
41
dépenses non-réalisées196 par
l'Etat fédéral ont un impact trop lourd sur leur budget et leur
charge de travail197.
Un moyen d'éviter ce recours en constante augmentation
auprès des CPAS serait simplement de ne plus suspendre les allocations
de sécurité sociale198. Ainsi, le nombre de
détenus faisant appel au CPAS afin d'obtenir une aide sociale leur
permettant de vivre conformément à la dignité humaine
diminuerait et cela rendrait la vie des CPAS plus facile sur le plan
organisationnel et financier.
2.1.2.2.2.5 Caractère subsidiaire de l'aide
sociale
L'aide sociale est une aide subsidiaire qui ne sera
accordée au demandeur que s'il démontre qu'il n'est pas en mesure
de se procurer d'autres ressources soit par son travail ou ses biens, soit en
faisant valoir ses droits aux aliments ou aux autres prestations de
sécurité sociale.
Le Cabinet VANDE LANOTTE s'était étonné
des demandes d'aide sociale provenant des personnes détenues «
dans la mesure où, pour pouvoir bénéficier de ce
régime résiduaire, le détenu devrait prouver son
état de besoin ; or, pouvant travailler en prison, l'état de
besoin ne devrait en principe pas exister ».
Il suffit d'allumer la télévision ou la radio
pour comprendre que ce type de raisonnement est totalement à
côté de la réalité. En effet, il existe une
pénurie de travail en prison et ce depuis de nombreuses années.
La jurisprudence prévoit néanmoins que ce n'est que si un travail
pénitentiaire est proposé et qu'il est refusé par le
détenu que l'aide sociale sera refusée199.
De plus, préalablement à une demande d'aide
sociale auprès du CPAS, le détenu devra faire valoir ses droits
auprès de ses différents débiteurs
d'aliments200.
La fédération Wallonne201 des CPAS
précise que « le détenu doit, avant de s'adresser au
CPAS, introduire une demande auprès de la caisse des détenus
». Mais encore faut-il qu'une telle caisse existe au sein de
l'établissement pénitentiaire.
Je m'interroge : est-il légitime de considérer
que le CPAS n'interviendra que de façon subsidiaire par rapport à
la caisse des détenus ?
En 1995, la Cour du travail de Mons l'avait admis mais est
revenue sur sa position lors d'un arrêt rendu en 2005 où elle a
estimé que la caisse d'entraide de la prison doit être
assimilée à
196 La suspension des allocations de sécurité
sociale et les faibles prestations des prisons.
197 Une vie conforme à la dignité humaine pour
chacun - Mémorandum fédéral des CPAS, 2014, en
ligne.
198 Ou de les diminuer de manière à ne pas
créer de discrimination entre les détenus et les personnes
libres.
199 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 398.
200 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action
social, M.B., 5 août 1976, p. 9876.
201 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 399.
42
de la charité privée ce qui n'avait pas pour
conséquence d'exonérer le CPAS de dispenser une telle
aide202.
Heureusement et afin de soulager les CPAS, une circulaire
ministérielle de 2011 précise clairement qu'« afin
d'éviter que les détenus s'adressent au CPAS pour de tels
besoins, il convient de les aider par l'entremise de la caisse d'entraide de la
prison203».
Par conséquent, la caisse d'aide aux détenus
doit intervenir prioritairement en ce qui concerne prise en charge des
détenus indigents. Ainsi, dans l'hypothèse d'une demande d'aide
sociale, le CPAS n'interviendra qu'à titre complémentaire
uniquement.
2.1.2.2.2.6 Incidences du nouveau statut juridique
externe des personnes condamnées sur le paiement de l'aide
sociale
Pour rappel, les détenus extramuros n'ont pas
droit au paiement du revenu d'intégration lorsqu'ils
bénéficient d'une mesure de détention ou de liberté
limitée et de surveillance électronique car ceux-ci demeurent
inscrits au rôle de la prison et sont, à cette occasion, pris en
charge par le SPF Justice.
Quid de l'aide sociale ? Si l'on s'accorde à
croire que le SPF Justice fournit aux détenus tout ce dont ils ont
besoin, ils ne devraient pas, en théorie, avoir à effectuer une
demande d'aide sociale auprès du CPAS. Mais qu'en est-il
réellement ?
L'allocation d'entretien octroyée aux détenus
indigents sous surveillance électronique ne peut être
considérée comme suffisante par rapport aux frais
engendrés par ce type de dispositif. Après avoir payé la
connexion internet, le logement, etc., il ne reste pas grand chose pour vivre
lorsque l'on reçoit une somme équivalente au RI.
En ce qui concerne le détenu en régime de
semi-liberté, celui-ci a la possibilité de quitter tous les jours
la prison pour le temps nécessaire à son activité. Il y
retourne chaque jour après son activité. Selon les
représentants de l'époque204, tous les besoins du
détenu sont alors assurés par le SPF Justice mais l'on oublie
souvent que les détenus en semi-liberté doivent se nourrir et se
déplacer lorsqu'ils sortent de la prison.
202 CH. VANDERLINDEN, « Travail pénitentaire et
sécurité sociale du détenu », Rev. Dr.
Pén. Crim., 2003, p. 682.
203 Circ. min. 30.8.2011 (n°1812) du Min. Just. relative
à l'intervention de la caisse d'entraide de la prison en faveur des
détenus indigents.
204 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 403 ; Réponse du
Vice-premier ministre et du ministre du Budget, de l'Intégration sociale
et de l'Economie sociale du 24 janvier 2003 à la question n°119 de
M. DAAN SCHALCK du 11mars 2002 (N.), Bull. Q. R., Ch. repr., sess.
Ord. 2002-2003, n°153, p. 19557 - 19559.
43
Concernant la semi-détention, celle-ci ne sera
accordée que si le condamné exerce une activité
professionnelle205. Cette activité professionnelle lui
devrait lui permettre de subvenir à ses besoins en dehors de la
prison.
Enfin, depuis la loi sur le nouveau statut juridique externe
des détenus, le congé pénitentiaire est devenu une
modalité d'exécution de la peine alors qu'il était une
mesure d'interruption de peine. Par conséquent, les CPAS exigeront de la
part du SPF Justice qu'il intervienne directement dans les frais
occasionnés par le détenu si une demande d'aide sociale
financière est formulée206 car ceux-ci exercent
toujours leur peine.
Toutefois, dans la pratique, une aide sociale sera
octroyée par le CPAS si elle s'avère indispensable à la
prise en charge des dépenses non-couvertes par le SPF Justice.
Après avoir effectué une enquête sociale qui
établira l'existence et l'importance des besoins du détenu, le
CPAS accordera une aide pouvant prendre diverses formes207 en
fonction de ses besoins.
2.1.2.3 L'aide spécialisée
dispensée par la Fédération Wallonie-Bruxelles 2.1.2.3.1
Compétence
La Fédération Wallonie-Bruxelles est
compétente en ce qui concerne l'aide sociale aux
détenus208 en vue de leur réinsertion
sociale209. Elle délègue cette mission à des
services agréés (ASBL) qui se trouvent au sein de chaque
arrondissement judiciaire et qui bénéficient de subsides afin de
remplir cette mission210.
Leur mission est d'apporter une aide sociale211 et
psychologique212 à tout détenu qui le
demande213 que ce soit à l'intérieur ou à
l'extérieur de la prison214.
205 Réponse du Vice-premier ministre et ministre du
Budget, de l'Intégration sociale et de l'Economie sociale du 24 janvier
2003 à la question n°119 de M. DAAN SCHALCK du 11mars 2002 (N.),
Bull. Q. R., Ch. repr., sess. Ord. 20022003, n°153, p. 19557 -
19559.
206 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 403.
207 Payer une garantie locative, colis alimentaire, etc.
208 Dans le cadre du décret du décret du 19
juillet 2001 relatif à l'aide sociale aux détenus en vue de leur
réinsertion, il faut entendre par détenu toutes les personnes
privées de liberté intra ou extra muros
à l'exception de celles en libération conditionnelle ou
provisoire qui relèvent de la région ; BEERNAERT, M-A.,
Manuel de droit pénitentiaire, Anthémis, Limal, 2013, p.
32.
209 Décr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide
sociale aux détenus en vue de leur réinsertion, M.B., 28
août 2001, p. 28255.
210 Décr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide
sociale aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 4-9,
M.B., 28 août 2001, p. 28255.
211 Toute action individuelle ou de groupe destinée
[à préparer et favoriser une réinsertion active dans la
vie familiale, sociale], économique, politique et culturelle,
conformément aux droits de l'homme, ainsi qu'une compréhension
critique des réalités de la société, notamment par
le développement des capacités d'analyse, d'action et
d'évaluation ; Décr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide
sociale aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 2§2,
M.B., 28 août 2001, p. 28255.
212 Toute aide de nature psychologique destinée
à soutenir les personnes confrontées aux conséquences
directes et indirectes de la détention ou de problèmes
particuliers en rapport avec le comportement délinquant, [à
l'exception de
44
2.1.2.3.2 Intervention des ASBL durant la
détention
Ces ASBL jouent le rôle d'intermédiaire entre
l'univers carcéral et le monde libre215. L'objectif principal
est de rendre la détention la plus humaine possible et de
préparer le retour à la vie sociale.
2.1.2.3.2.1 Missions
Durant la détention216, l'aide sociale
fournie par les ASBL consiste en une information générale, une
orientation vers des services extérieurs, l'organisation d'une rencontre
avec un visiteur de prison ainsi qu'un soutien social dans les domaines du
logement, de la formation, de l'emploi, des démarches administratives
à réaliser une fois en prison217, de l'endettement ou
encore des recours en grâce.
De plus, elles collaborent à la mise en oeuvre du plan
de détention et du plan de réinsertion sociale des détenus
en vue de leur sortie de prison218. En matière de
détention préventive, elles apportent aussi une aide aux
détenus dans l'élaboration de leur proposition d'alternative
à la détention219.
En ce qui concerne les relations familiales, elles soutiennent
et encadrent les demandes du parent détenu qui ont pour objectifs de
maintenir et de restaurer la relation entre lui (ou elle) et son
enfant220. A cet égard, un service spécialisé
appelé le « service-lien » a été mis en place
par le Décret du 28 avril 2004 afin d'accompagner les détenus
dans leurs démarches vis-à-vis de leurs enfants, d'organiser
l'accueil, d'accompagner les enfants lors de leurs visites en prison et de
collaborer avec d'autres services compétents dans cette
matière221.
toute intervention d'ordre thérapeutique ou clinique,
Décr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale aux
détenus en vue de leur réinsertion, art. 2§3, M.B.,
28 août 2001, p. 28255.
213 Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale
aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 2, M.B., 23
août 2001, p. 26007.
214 Voy infra.
215 Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale
aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 5, M.B., 23
août 2001, p. 26007.
216 Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale
aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 3§1,
M.B., 23 août 2001, p. 26007.
217 En matière d'emploi, allocations diverses, de
mutuelle, de domicile etc ; Flyers de l'A.S.B.L. «AIDE et
RECLASSEMENT» - Service d'Aide aux Détenus et à leurs
proches, 22 rue Rioul 4500 Huy, ed. René Stassart, Président.
218 Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale
aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 3§1, 3°,
M.B., 23 août 2001, p. 26007.
219 Decr. du 18 juillet 2001 relatif à l'aide sociale
aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 3§1, 2°,
M.B., 23 août 2001, p. 26007.
220 Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale
aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 3§1, 9°,
M.B., 23 août 2001, p. 26007.
221 Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale
aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 3bis, M.B.,
23 août 2001, p. 26007 ; BEERNAERT, M-A., Manuel de droit
pénitentiaire, Anthémis, Limal, 2013, p. 34.
45
Au niveau psychologique, le détenu va pouvoir
bénéficier d'un soutien durant la détention et en vue de
sa réinsertion222. Les ASBL veilleront à ce que le
détenu comprenne sa délinquance, prenne conscience de son
comportement et à ce qu'il améliore sa connaissance de
lui-même223. Elles aideront aussi le détenu à
clarifier certaines situations problématiques comme une dispute
familiale.
Quant à l'indemnisation des parties civiles, les ASBL
ont aussi leur rôle à jouer car elles fournissent une information
sur la problématique de la partie civile, permettent une prise de
contact avec la victime et aident le détenu à réaliser un
plan de remboursement224. Ces ASBL entrent donc en
contact avec d'autres personnes que les détenus et leurs proches.
En outre, un soutien psycho-social centré sur la
toxicomanie ainsi qu'une écoute individualisée avec des
informations adaptées à chaque situation permettent un
accompagnement spécifique pour tous les détenus désireux
de sortir d'une situation de dépendance225. Cette aide est
très importante par rapport à la réinsertion sociale.
Enfin, en ce qui concerne la formation226, les ASBL
ont aussi un rôle de promotion du droit à l'éducation, de
l'éducation physique et sociale, de la formation professionnelle ainsi
que de l'enseignement. Il convient de souligner un
désintérêt de notre société par rapport
à l'aide aux détenus en matière de formation. En effet, le
rapport « Humanisation des prisons et approche sociale de la
délinquance » a révélé de grandes lacunes dans
ce domaine par rapport aux règles minimums définies par le droit
européen concernant le traitement des détenus227.
2.1.2.3.2.2 Critique
De manière générale, les services
agréés ont un rôle capital tout au long de la
détention car ils s'efforcent de mettre en place des conditions
favorables à un nouveau départ pour le détenu lors de sa
sortie mais encore faut-il qu'ils puissent atteindre efficacement le
détenu.
222 Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale
aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 1er, M.B.,
23 août 2001, p. 26007.
223 Flyers de l'A.S.B.L. «AIDE et RECLASSEMENT» -
Service d'Aide aux Détenus et à leurs proches, 22 rue Rioul 4500
Huy, ed. René Stassart, Président.
224 A condition d'être à un an minimum de la date
d'admissibilité à la libération conditionnelle et de
commencer l'indemnisation pendant la détention ; Decr. du 19 juillet
2001 relatif à l'aide sociale aux détenus en vue de leur
réinsertion, art. 3§1, M.B., 23 août 2001, p.
26007.
225 Flyers de l'A.S.B.L. «AIDE et RECLASSEMENT» -
Service d'Aide aux Détenus et à leurs proches, 22 rue Rioul 4500
Huy, ed. René Stassart, Président.
226 Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale
aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 3§1, 6°
M.B., 23 août 2001, p. 26007.
227 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 411 ; W. MEYVIS ET D. MARTIN,
Humanisation des prisons et approche sociale de la délinquance,
in Prison et société, Bruxelles, Fondation Roi Baudoin,
1991, p. 129.
46
En effet, les prisons n'informent pas assez les détenus
quant aux aides disponibles provenant de l'extérieur de la prison durant
la détention228. Ce service étant sur demande, les
ABSL ne peuvent pas procéder à une sorte de «
démarchage » au sein des prisons. D'un point de vue individuel et
collectif, une pratique de « démarchage » de la part des ASBL
serait souhaitable.
228 Il s'agit là d'un manquement à l'article
19§1 qui stipule que « lors de son accueil, le détenu sera
informé de ses droits et de ses devoirs, des règles en vigueur
dans la prison ou dans la section, du rôle du personnel ainsi que des
possibilités existant sur place ou accessibles à partir de
là en matière d'aide médicale, juridique, psychosociale et
familiale, en matière de soutien moral, philosophique ou religieux ainsi
qu'en matière d'aide sociale » ; L. du 12 janvier 2005 concernant
l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des
détenus, M.B., 1er février 2005, p. 2815.
47
3 LES AIDES LEGALES APRES LA DETENTION
3.1 OBJECTIFS
Tout détenu sera amené à sortir de prison
un jour. C'est la raison pour laquelle une aide post-pénitentiaire est
nécessaire afin que l'ex-détenu se réinsère le plus
rapidement, le plus aisément dans la société et pour
éviter la récidive229.
Certains n'ont jamais connu l'euro, les
téléphones mobiles, et parfois n'ont même jamais
utilisé de compte bancaire électronique tellement leur
séjour a été long230. La réinsertion
sociale n'est pas gagnée pas du jour au lendemain, elle doit être
préparée et accompagnée. Dès lors, quelles sont les
différentes institutions et aides à disposition des plus
démunis d'entre eux ?
3.2 DISPENSAIRES D'AIDES
Tout comme durant leur séjour en prison, les deux
principaux dispensaires d'aide sont le CPAS et les ASBL231. La
caisse d'aide aux détenus peut également intervenir à
l'occasion de la sortie de prison.
3.2.1 La caisse d'aide aux détenus
Si le détenu est démuni lors de sa sortie de
prison, la caisse d'aide aux détenus pourra lui attribuer une aide
matérielle afin qu'il puisse subvenir à ses besoins lors de sa
libération jusqu'au lieu où il pourra bénéficier
des moyens de subsistance232. L'aide matérielle pourra se
concrétiser par la fourniture de vêtement, d'argent pour s'en
procurer ou par le paiement partiel ou total d'un ticket de
transport233. Cette aide est donc la bienvenue pour les
détenus lors de leur libération mais quid s'ils n'ont
pas d'endroit où aller ? Pas d'endroit où ils pourront faire
valoir des moyens de subsistance ?
3.2.2 L'aide spécialisée
L'aide spécialisée est une aide en nature
apportée aux ex-détenus234 en vue de leur
réinsertion sociale. Cette aide est indispensable lorsque les
détenus ne savent pas où aller, lorsqu'ils ne savent pas quelles
sont les formalités à réaliser lors de leur
libération.
229 La récidive entraîne des coûts
supplémentaires ; PINTO, R., « Sortie de prison: difficile
réinsertion », analyse de Vivre ensemble éducation,
mai 2012, en ligne.
230 Selon le témoignage d'un assistante sociale à
l'ASBL AIDE ET RECLASSEMENT Huy.
231 Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale aux
détenus en vue de leur réinsertion, M.B., 23 août
2001, p. 26007.
232 Encore faut-il encore que ce lieu existe ; NEVE, M.,
Le guide du prisonnier, Bruxelles, Labor, 2002, p. 302 ; Circ.
1620/VIII du 23 décembre 1993.
233 NEVE, M., Le guide du prisonnier, Bruxelles, Labor,
2002, p. 302.
234 Voy supra pour les développements relatifs aux
services agréés par la Fédération
Wallonie-Bruxelles ; Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale
aux détenus en vue de leur réinsertion, art. 2, M.B., 23
août 2001, p. 26007.
48
Ce sont les organismes agrées235 (ASBL)
intervenus durant la détention qui interviendront lors de la
libération. Leur rôle est capital car ils vont pouvoir, sur
demande, accompagner l'ancien détenu dans ses démarches à
la suite d'une peine d'emprisonnement.
3.2.2.1 Missions
Les ASBL aident l'ancien détenu à
réaliser les formalités indispensables après sa
libération comme l'inscription à l'administration
communale236, s'inscrire ou se réinscrire à une
mutuelle, s'inscrire comme demandeur d'emploi afin d'obtenir ou de maintenir
les droits sociaux comme les allocations de chômage ou les allocations
familiales, ouvrir un compte en banque237.
Ces tâches nous paraissent simples mais peuvent
être très contraignantes et parfois difficiles à comprendre
pour celui qui sort de prison.
En ce qui concerne l'emploi, les ASBL réorienteront et
aideront les ex-détenus vers des centres de formation, les aideront
à chercher un emploi.
Elles les aident également à retrouver un
logement définitif ou provisoire comme les logement d'insertion ou de
transit. Elles les informent sur les différentes aides fournies dans ce
domaine par le CPAS comme la garantie locative ou la prime
d'installation238.
Enfin, elles orienteront les anciens détenus vers
différents services afin qu'il puisse se vêtir, lessiver, se
soigner ou se meubler239. En effet, certains n'ont plus rien
à se mettre, n'ont plus d'endroit où aller ni de perspective
d'avenir.
3.2.3 CPAS
Les personnes dans le besoin lors de leur sortie de prison
pourront s'adresser au CPAS de la commune où elles étaient
inscrites à titre de résidence principale avant leur
incarcération ou dans la commune où elles se trouvent si elles
n'étaient pas préalablement inscrites dans une commune à
titre de résidence principale240. Ils pourront alors faire
valoir leur droit à
235 Les ASBL qui vont intervenir sont les mêmes que celles
qui interviennent durant la détention.
236 Si l'on est sans domicile ou que celui-ci a changé
durant la détention.
237 ASBL AIDE et RECLASSEMENT, « Guide pratique de la
réinsertion pour Huy et sa région », 2012-2013, p. 4-5 ;
Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale aux détenus en
vue de leur réinsertion, art. 3§2, M.B., 23 août
2001, p. 26007.
238 Voy infra ; Decr. du 19 juillet 2001 relatif à
l'aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion, art.
3§2, 2°, M.B., 23 août 2001, p. 26007.
239 ASBL AIDE et RECLASSEMENT, « Guide pratique de la
réinsertion pour Huy et sa région », 2012-2013, p. 4-5 ;
Decr. du 19 juillet 2001 relatif à l'aide sociale aux détenus en
vue de leur réinsertion, art. 4, M.B., 23 août 2001, p.
26007.
240 L. du 2 avril 1965 relative à la prise en charge
des secours accordés par les commissions d'assistance publique, art. 1
et 2,1°, M.B., 6 mai 1965, p. 5161 ; X., Aide sociale -
intégration sociale : le droit en pratique, H. MORMONT ET K.
STAGHEERLIN (sous la direction de), La Charte, Bruxelles, 2011, p. 409.
49
l'intégration sociale ou à l'aide sociale et
bénéficier des autres services pour lesquels les CPAS sont
compétents.
3.2.3.1 Revenu d'intégration
Lors de sa libération le détenu va pouvoir
à nouveau percevoir le RI pour autant qu'il remplisse les
critères d'octroi241. Etant donné que seul le paiement
du RI a été suspendu durant la détention et non pas le
droit au RI242, l'ex-détenu ne devra pas réintroduire
une nouvelle demande auprès du CPAS compétent lors de sa
libération243.
Le paiement du RI intervient d'office244,
dès la remise en liberté sauf si des éléments
nouveaux interviennent comme l'argent épargné en
détention245 ou des revenus produits par le capital. Ces
hypothèses sont très rares vu les développements
précédents.
Par contre, si l'ancien détenu ne reste pas dans la
même commune que celle qui lui avait octroyé le RI, il devra
introduire une nouvelle demande auprès du CPAS de la commune de sa
nouvelle résidence246.
De plus, comme le précise CH. VANDERLINDEN, «
dans l'hypothèse où l'ex-détenu fait une
première demande lors de sa sortie de prison, le fait d'avoir un casier
judiciaire où apparaissent les différentes peines
d'emprisonnement ou d'avoir accompli un travail d'intérêt
général comme peine alternative ne constituent pas des raisons
sociales impératives dispensant l'ex détenu de devoir apporter la
preuve d'une disposition au travail247». Il devra
démontrer concrètement qu'il a effectué des
démarches non fructueuses en raison de ses antécédents
judiciaires248.
Il ne faut pas oublier que le droit à
l'intégration sociale peut se concrétiser non pas par l'octroi du
revenu d'intégration mais par l'offre d'un travail249. Cette
démarche est à privilégier dans la mesure du possible car
cela participe de manière très importante à la
réinsertion sociale de l'ex-détenu.
241 A.R. du 11 juillet 2002 portant règlement
général en matière de droit à l'intégration
sociale, art. 39 al. 2, M.B., 31 juillet 2002, p. 33622.
242 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 23§3, M.B., 31 juillet 2002,
p. 33610.
243 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 387.
244 Il suffit de se présenter au CPAS avec une attestation
de détention si l'on reste dans la même commune.
245Il est rare qu'un détenu arrive à
économiser ; VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 387.
246 Site internet du SPP Intégration sociale, en ligne.
247 CH., VANDERLINDEN, « Travail pénitentiaire et
sécurité sociale du détenu », Rev. dr.
pén. crim., 2003, p.678.
248 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 387.
249 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 6 et 13, M.B., 31 juillet 2002, p.
33610 ; VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité
sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles,
2008, p. 389.
50
3.2.3.2 Aide sociale sensu stricto
Une fois libéré, si l'ex-détenu rentre
dans les conditions d'octroi, il pourra solliciter l'aide sociale du CPAS comme
n'importe quelle autre personne250. Cette matière pouvant
faire l'objet d'un travail à elle seule, j'examinerai les aides que
j'estime le plus en rapport avec la qualité d'ex-détenu.
3.2.3.2.1 Logement
Le CPAS peut octroyer une prime d'installation à toute
personne qui perd sa qualité de sans-abri pour occuper un logement
à titre de résidence principale251. Les coûts
d'une installation représentent l'achat des meubles comme un lit ou un
frigo par exemple.
Selon la circulaire ministérielle du 27 avril 1995,
« la personne qui quitte un lieu où elle résidait
obligatoirement en exécution d'une décision judiciaire ou
administrative, sera qualifiée de personne sans abri si elle le
demande252».
L'ex-détenu qualifié de sans-abri devra
s'adresser au CPAS de la commune où il demeure inscrit à titre de
résidence principale ou au CPAS de la commune où il réside
effectivement s'il a été radié des registres de la
population253. Il est dommage qu'une personne n'ait pas droit
à ce type d'aide uniquement en sa qualité d'ex-détenu
indigent car le fait de demander à être qualifié de
sans-abri peut être mal vécu d'un point de vue psychologique par
la personne qui sort de prison.
Par ailleurs, le CPAS peut intervenir pour payer la garantie
locative ainsi que le premier loyer du logement futur. Il s'agit là
d'une belle aide fournie par le CPAS et constitue l'un des pas les plus
importants dans la réinsertion d'une personne dans le monde libre. A
partir du moment où l'on dispose d'un logement, l'on peut avoir un
travail et une vie sociale propice à la réinsertion.
3.2.3.2.2 Autres
Les personnes qui connaissent des problèmes
d'endettement ont la possibilité de s'adresser au service de
médiation de dettes organisé dans tous les CPAS254.
Afin que l'ex-détenu puisse repartir du bon pied dans le monde libre, ce
service va établir un plan d'apurement des dettes et va prendre contact
avec les différents créanciers. L'objectif sous-jacent est de
rendre à ces personnes la maîtrise de leur situation
budgétaire. Cet aspect n'est pas à négliger en
matière
250 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action
social, M.B., art. 1er, 5 août 1976, p. 9876.
251 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action
social, M.B., art. 57bis, 5 août 1976, p. 9876.
252 Circ. min. du 27 avril 1995 déterminant le CPAS
compétent pour accorder l'aide sociale aux personnes sans-abri et aux
rapatriés belges.
253 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 404.
254 En matière d'eau, de gaz, d'électricité
et de loyer.
51
de réinsertion sociale car une personne croulant sous
les dettes aura plus tendance à retomber dans la criminalité.
S'il a des difficultés à se nourrir ou à
nourrir ses proches, un ex-détenu pourra demander une aide alimentaire
sous la forme de colis ou de bons d'achat au même titre que les personnes
qui n'ont pas séjourné en prison.
En matière culturelle, l'ASBL article 27 permet «
à toute personne de prendre part librement à la vie
culturelle de la communauté, de jouir des arts (...) et des bienfaits
qui en résultent ». Via les CPAS les ex-détenus
indigents pourront bénéficier au même titre que les
autres255 de cette offre culturelle. Je trouve cela très
profitable car cela participe directement à la réinsertion de
l'ex-détenu dans la société.
3.2.4 Critiques
Les ex-détenus sont avant tout des hommes et des femmes
avec une histoire à raconter. Il ne faut donc pas se
désintéresser de leur situation en dehors de la prison car d'un
point de vue individuel, ces aides256 leur permettent de se sentir
acceptés dans la société malgré leurs
méfaits ce qui facilite également leur réinsertion. D'un
point de vue général, une meilleure insertion dans la
société diminue le risque de récidive, les coûts
supplémentaires257 que cela engendre et participe à la
création d'une société plus solidaire envers les plus
démunis d'entre nous.
Par conséquent, un meilleur financement des CPAS et des
ASBL agréées en vue d'aider les ex-détenus est fortement
souhaitable dans cette optique. En effet, c'est principalement le manque de
moyens qui est mis en avant, notamment par l'ASBL AIDE ET
RECLASSEMENT. Il est donc important que notre société change
le regard qu'elle porte sur la personne détenue.
De plus, les assistants sociaux de l'ASBL AIDE ET
RECLASSEMENT déplorent aussi le manque d'information chez les
détenus ou ex-détenus par rapport à l'offre en
matière en réinsertion sociale que ce soit à
l'intérieur ou à l'extérieur de la prison. Les prisons ne
mettent pas un point d'honneur à ce qu'ils soient au courant des
différents aides disponibles pendant et après leur
séjour.
La principale critique que je formule à propos de ce
système est qu'il est aussi nécessairement actionné par
une demande de l'ex-détenu. Par contre, lorsqu'il sollicite l'aide d'une
ASBL ou du CPAS, un suivi individuel et personnalisé est apporté
par les assistants sociaux et les juristes pour permettre une meilleure
réinsertion.
255 Pour autant qu'ils remplissent les conditions d'octroi.
256 Qu'elles soient financières, matérielles,
psychosociales, alimentaires ou encore médicales.
257 Un détenu coûte 125 €/jour selon PINTO, R.,
en ligne.
52
Toujours selon l'ASBL AIDE ET RECLASSEMENT, les
personnes ayant eu recours à leur service ont mieux évolué
que les personnes n'ayant pas réalisé cette
démarche258. Par conséquent, le législateur
devrait imposer un suivi obligatoire259, à tout le moins
durant la première année. Cela serait bénéfique
pour les ex-détenus et la société toute entière
malgré le coût que cela impliquerait260.
258 Témoignages d'assistants sociaux de l'ASBL AIDE ET
RECLASSEMENT à Huy.
259 En opposition au système sur demande.
260 Aucun suivi n'est réalisé lorsqu'un
détenu est remis en liberté sauf dans le cadre d'une
libération provisoire ou conditionnelle ; Cela entrainerait directement
des coûts supplémentaires mais aussi, indirectement, des
économies en raison de la diminution de la récidive.
53
CONCLUSION
Suite aux précédents développements,
force est de constater que les droits sociaux des détenus, lorsqu'ils
existent, se trouvent confrontés à plusieurs obstacles qui
rendent leur effectivitéì très incertaine dans
les faits.
En ce qui concerne l'aide juridique, il existe une
véritable volonté tant au niveau supranational que national de
rendre effectif le droit à procès équitable. Cependant, si
l'on voulait aller encore plus loin dans l'effectivité de ce droit cela
nécessiterait plus de moyens afin de pouvoir financier le recours
à des avocats spécialisés. Cette question est essentielle
à partir du moment où l'on parle de peine privative de
liberté car une personne risque d'être confrontée à
l'univers carcéral.
S'agissant de la vie en prison, il existe ici encore de grands
idéaux concernant les conditions de détention conformes à
la dignité humaine mais rien de cela n'est respecté. Le
législateur continue261 de suspendre la plupart des droits
sociaux lors de la détention et la carence des prisons au sujet des
standards de vie décents entraine une grande précarité
chez les détenus. Pour les plus démunis d'entre eux, il existe
certains mécanismes qui permettent de mieux prendre en compte leurs
besoins mais de manière insuffisante.
Lorsque le législateur prend une décision, il
n'a aucune idée de ce qu'il se passe sur le terrain, de ce qu'il se
passe dans la vie d'un détenu intra ou extra muros.
Cette absence de considération a pour conséquence que de nombreux
détenus se dirigent vers les CPAS. Ce sont ces derniers qui payeront
encore une fois le prix des défaillances de l'autorité
fédérale. Nous ne pouvons qu'espérer une plus grande
attention pour la population carcérale et un meilleur financement
à cet égard.
Au-delà de la détention, c'est la
réinsertion sociale qui pose surtout problème car les
ex-détenus accèdent peu et difficilement aux dispositifs sociaux.
Qu'il s'agisse de l'emploi, de la formation, du logement ou d'un soutien
psychologique, les aides fournies par les différents dispensaires
d'aides262 ne le sont que sur demande. Par ailleurs, il existe un
manque de promotion de ces aides au sein des prisons ce qui a pour
conséquence que peu de personne y recourent. Un suivi263
obligatoire lors du retour à la liberté est donc
nécessaire afin d'obtenir les meilleurs résultats possibles au
niveau de la réinsertion sociale et de la récidive.
En conclusion, tout cela revient à confirmer un manque
de considération de notre société envers les
détenus uniquement sur base des actes qu'ils ont commis. Cette
manière de penser
261 Récemment en matière d'indemnités
mutuelle.
262 CPAS, ASBL, caisse d'aide aux détenus etc.
263 Un suivi obligatoire existe lors de la libération
conditionnelle ou provisoire mais pas dans l'hypothèse d'une
«vraie» libération.
54
ne favorise pas la réinsertion sociale de ceux-ci et ne
permet à personne d'avancer sur le plan individuel et collectif que ce
soit les détenus, la population « libre » ou les
autorités.
56
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