Chapitre 2 : Contraintes d'ordres fiscaux
Le levier fiscal consistant à organiser l'optimisation
financière de l'acquisition par la holding est confronté à
plusieurs limites que le repreneur doit éviter de franchir compte tenu
de l'importance des rehaussements d'impôts susceptibles de lui être
infligés, ce qui pourrait par ailleurs remettre en cause
l'intégrité structurel du montage. D'abord nous verrons que le
financement de l'acquisition se trouve encadré par la limite relative au
financement de l'opération qui est la sous-capitalisation (S1). Par
ailleurs, l'administration fiscale peut soumettre certaines opérations
accessoires au montage à des requalifications soit en acte anormale de
gestion soit en abus de droit (S2).
Section 1 : Le financement de l'opération :
prohibition de la sous-capitalisation
Le financement de l'acquisition de la cible est un levier sur
lequel s'appuis l'opération de rachat. Ce levier qui souriait aux
investisseurs, notamment la déduction de l'intérêt de
l'acquisition se trouve aujourd'hui restreint (P1). Cette restriction est
évasive dans le droit fiscal sénégalais certainement par
ce que ce type de montage est rare ou inexistant mais très
convoité en France, ce qui montre le traitement particulier que le
législateur français accorde à cette opération (P2)
.
Paragraphe 1 : La déduction des
intérêts
Le financement de l'acquisition se trouve encadré par
des limites relatives au financement de l'opération notamment la sous
capitalisation(A). Par ailleurs nous verrons que cette notion est relativement
traitée dans le code général des impôts
sénégalais (B).
A- Notion de sous-capitalisation
Pour financer leurs activités, les
sociétés ont recours soit à leurs capitaux propres, soit
à des apports effectués par les actionnaires ou associés
en augmentation du capital existant, soit par des emprunts par comptes courants
d'associés ou par l'intermédiaire d'établissements
financiers. Dans un contexte de groupe avec des prêts effectués
par des actionnaires, associés ou porteurs de parts, l'on peut
être amené à constater que le niveau du prêt est
déterminant au regard du capital social.
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Acquisition par la holding de reprise : un mode de
financement des opérations de restructuration Gassim Diallo
Les règles dites de « lutte contre la
sous-capitalisation » ont pour effet de limiter la déduction
fiscale des intérêts que les entreprises versent à des
entités qui leur sont liées. L'objectif de ce dispositif est de
faire obstacle a ce que les groupes ne transforment les apports en fonds
propres qu'ils consentent a leurs filiales en de simples prêts ou
avances, et ce, dans le but d'augmenter le montant des charges
financières déductibles des résultats imposables des
sociétés bénéficiaires.
Dans cette logique, la déductibilité des
intérêts versés par les entreprises au titre de
financements consentis par de véritables tiers (banques notamment) n'a a
priori pas vocation à être spécifiquement encadrée
dans la mesure où de tels financements ne devraient pas pouvoir
âtre requalifiés en fonds propres intra-groupe. Pourtant, le
législateur français est récemment allée plus loin
dans l'analyse et il considère désormais que, pour les besoins
des règles de lutte contre la sous-capitalisation, les emprunts
contractes au près de tiers mais garantis par des entreprises
liées doivent être assimiles a des emprunts consentis par des
entreprises liées. La volonté affichée est de pouvoir
ainsi appréhender les schémas dits de « back to back »
dans lesquels des prêts en apparence externes reflètent en
réalité des concours intra-groupe accordes aux emprunteurs. Le
cas typiquement visé est celui d'une société qui emprunte
auprès d'une banque mais dont les obligations sont cautionnées
par une autre entité de son groupe (sa société mère
par exemple qui a, par hypothèse, une surface financière plus
importante). Dans ce schéma, c'est la société mère
qui serait la véritable contrepartie de la banque et la filiale n'aurait
probablement pas obtenu le même financement de la part de la banque sans
le « soutien » de sa mère.
? Phénomènes entraînant une
sous-capitalisation
? Les pertes résultant d'une activité
temporairement non-rentable sont en principe épongées par les
capitaux propres. Mais plus ces capitaux propres sont faibles, plus
l'entreprise risque de faire faillite rapidement, même en cas de pertes
modestes.
? Les dépréciations d'actifs sont aussi des
pertes, qui peuvent apparaître très rapidement pour des montants
très élevés et consommer les capitaux propres en
très peu de temps. C'est ce qui est arrivé à plusieurs
banques lors de la crise des subprimes.
? Une fusion d'entreprise payée en liquide se traduit
en général par un plus grand risque de sous-capitalisation, sauf
si l'une des deux entreprises fusionnées n'a pas, ou peu, de dette. Pour
effectuer la fusion, l'une des deux entreprises doit en effet racheter l'autre
avec l'aide de crédits qui servent à payer les actionnaires : la
part des dettes au passif du nouveau groupe augmente.
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Acquisition par la holding de reprise : un mode de
financement des opérations de restructuration Gassim Diallo
? Pour les mêmes raisons, un rachat d'entreprise par LBO
c'est-à-dire par endettement, entraîne automatiquement une
diminution des capitaux propres et assez fréquemment une
sous-capitalisation, car la dette de l'ensemble augmente.
? Les rachats d'actions obligent l'entreprise à
dépenser une partie de ses réserves pour le rachat de ses propres
actions. Si le montant de ces rachats dépasse le montant du
bénéfice net de l'année, elle doit puiser dans ses
réserves et cette politique peut déboucher sur une
sous-capitalisation.
? Le versement de dividendes ne diminue pas les capitaux
propres car le dividende n'est qu'une partie du bénéfice net de
l'entreprise, dont il est issu. La partie du bénéfice net mise en
réserve, non versée en dividende, vient augmenter les fonds
propres de l'entreprise.
Les enjeux financiers de la sous-capitalisation ont en effet
conduit beaucoup d'Etats à adopter des politiques législatives et
fiscales en la matière. D'une part, prise isolément, la
disproportion entre les fonds propres et l'endettement d'une
société peut être signe de crise de solvabilité de
celle-ci et donc présenter un risque économique pour l'ensemble
de ses créanciers, dont l'Etat, du moins quand elles sont
bénéficiaires pour lequel la sous-capitalisation
représente une perte de recettes fiscales. D'autre part, le recours
à l'emprunt en tant que mode de financement des sociétés
au détriment de l'augmentation de capital ainsi que les flux
d'intérêts afférents à l'emprunt,
éventuellement reversés dans des pays à fiscalité
privilégiée, ont rapproché les enjeux de la
sous-capitalisation de ceux des déplacements de bénéfices
vers l'étranger. Plus récemment, le contexte de réduction
du déficit public a amené les législateurs à
réformer plusieurs dispositifs d'optimisation fiscale et, notamment, le
dispositif applicable à la sous-capitalisation.
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