Section 2- L'importance des pactes d'actionnaires pour
la pérennité de l'acquisition
L'expérience enseigne que les pactes d'actionnaires
sont le plus souvent méconnus ou insuffisamment utilisés dans
l'espace OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires). Pourtant ces clauses extrastatutaires peuvent s'avérer
nécessaires (P1) surtout pour organiser les relations entre les
associés (P2) d'une société commerciale.
Paragraphe 1- La nécessité des pactes
d'actionnaire
Les pactes d'actionnaires sont des instruments conventionnels
qui sont efficace mais d'une grande complexité car soumis à des
règles qui les encadrent, ils permettent une fois valables
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80 G. Farjat, Droit économique , op. cit ,
p.560
Acquisition par la holding de reprise : un mode de
financement des opérations de restructuration Gassim Diallo
(A) de mettre en place un certain nombre de mécanismes
de contrôle qui s'avéreraient efficaces dans la prévention
des conflits entre actionnaires (B).
A- La validité des pactes d'actionnaires
Les incidents de fonctionnement internes ont le plus souvent
à leur origine un conflit plus ou moins aigu entre actionnaires. Les
exemples ne manquent pas : deux groupes devenus antagonistes bloquent toute
décision qui permettrait de reconstituer le conseil d'administration ;
les dirigeants refusent pendant de très nombreuses années toute
distribution de dividendes, se rémunérant grâce aux jetons
de présence ou à des salaires substantiels que leur procurent
leur contrat de travail ; ou encore un actionnaire disposant d'une
minorité de blocage en assemblée générale
extraordinaire interdit toute modification statutaire, pourtant indispensable
à la survie de la société, etc.
Dans l'espace OHADA, le droit des sociétés est
très méticuleux et laisse trop peu de place à la
volonté individuelle. L'une des caractéristiques essentielles de
l'Acte uniforme de l'OHADA sur les sociétés commerciales et le
GIE, c'est que ses dispositions sont impératives81 (AU, art.
2). Les lois n'offrant pas des solutions à tout conflit pouvant survenir
entre actionnaires.
Par définition, le pacte d'actionnaires est «
une convention réunissant les principaux associés d'une
société et visant à créer à leur profit un
certain nombre de prérogatives ne résultant pas de l'application
de la législation des sociétés »82.
La matière des pactes d'actionnaires englobe d'une part les conventions
qui restreignent la cessibilité des titres, et d'autre part celles qui
portent sur l'exercice du droit de vote.
Les premières recouvrent les clauses
d'inaliénabilité, d'agrément et de préemption, et
les autres clauses issues de la pratique et dont on ne trouve guère
mention dans aucun code (clause de sortie commune, clause de promesse d'achat,
clause de promesse de vente, clause américaine, clause de blocage
partiel, et le cas particulier des conventions de portage). En assurant la
stabilité de l'actionnariat, les clauses limitant la
négociabilité des actions sont considérées comme un
moyen par excellence de prévention interne des conflits.
Le champ d'application de ces clauses est
particulièrement large. Toute forme de clause restrictive de
cessibilité est autorisée qu'elle soit contenue dans les statuts,
dans les actes authentiques d'émission de droits de souscription, et
toutes autres conventions limitant la cessibilité des actions
nominatives ou au porteur ou des actions dématérialisées.
A cet égard,
81Article2 « les statuts de la
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique ne peuvent déroger aux disposition du présent
acte uniforme sauf dans les cas où celui-ci autorise expressément
l'associés unique ou les associés , soit à substituer
â substituer des clauses statutaires aux disposition du présent
acte uniforme , soit â compléter par des clauses statutaires aux
dispositions du présent acte uniforme .
Est réputée non écrite toute clause
statutaire contraire â une disposition du présent acte uniforme
»
82GUILLEN R. et VINCENT J., Lexique des termes
juridiques, 1999, Paris Dalloz
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ces clauses pourront être stipulées, soit au
moment de la constitution de la société, soit en cours
d'existence. Elles pourront en outre être insérées dans des
conventions, non seulement entre actionnaires mais également à
l'égard des tiers.
La pratique révèle de nombreuses autres clauses
plus ou moins apparentées à celles que nous venons
d'évoquer. Il en est ainsi des clauses de sortie commune ; les clauses
d'interdiction d'acquérir ; les clauses d'options sur actions, les
conventions de portage (clause d'option de vente à prix plancher) ; les
conventions d'options croisées (clause américaine ou shotgun) .
Il n'existe pas de typologie unique des clauses issues de la
pratique83. Seules les clauses d'inaliénabilité,
d'agrément et de préemption sont visées par l'Acte
uniforme de l'OHADA sur les sociétés commerciales et le GIE,
à l'exclusion des autres clauses qui peuvent moduler la
cessibilité des titres.
Les pactes d'actionnaires recouvrent également les
conventions de vote qui portent sur l'exercice du droit de vote des
actionnaires à l'assemblée générale. Leur
portée varie de l'engagement ponctuel de concertation avant le vote
à l'une ou l'autre assemblée générale
jusqu'à des obligations plus larges, telles que celle de souscrire
à une augmentation du capital ou le recours à des
mécanismes qui affectent, aménagent ou infléchissent les
principes de fonctionnement de la société, tels que les clauses
de représentation proportionnelle des administrateurs ou celles qui
portent sur la révocabilité des administrateurs.
Sont considérées comme nulles les conventions
par lesquelles un actionnaire s'engage par avance à voter dans tel ou
tel sens. Ces engagements sont fréquents à l'occasion de cessions
d'actions. Est également nulle la convention qui ne laisse aucune
liberté de choix aux actionnaires pour la désignation des
administrateurs.
En revanche sont considérées comme valable par
la jurisprudence les conventions qui, certes, limitent la liberté de
vote des actionnaires, mais sont passées dans l'intérêt
social84.
En s'inspirant des leçons tirées du droit
comparé, les actionnaires dans l'espace OHADA devraient se montrer
prudents, soit par voie statutaire soit par voie de convention, et essayer de
restreindre tant que faire se peut la possibilité d'émergence des
conflits ainsi que, pour le cas où ils surviendraient, d'esquisser dans
les grandes lignes ou dans les détails, les mécanismes de
résolution de ces conflits.
Bien que le droit OHADA établisse, de façon
générale, une structure commune à toutes les
sociétés anonymes, le législateur africain laisse
toutefois le soin de compléter la structure
83PARLEANI G., « Les pactes d'actionnaires
», Revue des sociétés 1991, p.1.
84A. Constantin, Réflexions sur la
validité des conventions de vote, in Mélanges J.
Ghestin, LGDJ 2001, p.253.
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selon les besoins et objectifs particuliers des actionnaires.
L'élaboration de solutions qui leur sont propres, à
l'intérieur d'une convention entre actionnaires, s'avère un choix
judicieux pour prévenir les conflits et les situations fâcheuses
qui risquent de se présenter au cours de l'association. Selon les
besoins spécifiques de chacun, toutes sortes de clauses
préventives des conflits peuvent être inscrites dans une
convention entre actionnaires pourvu qu'elles ne heurtent pas les bonnes moeurs
et l'ordre public.
Une convention d'actionnaires doit être taillée
ou rédigée sur mesure en fonction des besoins précis et
spécifiques de la société et des actionnaires, et ce,
contrairement à d'autres types de contrat où certains
modèles standards sont utiles en y effectuant les adaptations d'usage.
En matière de convention d'actionnaires, il peut être
risqué de faire usage de modèles préconçus qui
pourraient ne pas correspondre aux besoins des actionnaires ou de la
société.
Le moment idéal pour négocier et signer une
convention d'actionnaires est au démarrage de l'entreprise ou
après acquisition de la société ciblée. A ce stade,
les clauses font habituellement l'objet de négociations objectives car
chaque actionnaire ignore s'il sera le débiteur ou le créancier
d'une obligation. Mais la convention peut devenir désuète, par
suite de développements subséquents (départ ou addition
d'un actionnaire, évolution de l'entreprise...).
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