3.2 Les leviers d'action pour atténuer l'ICU :
végétation, eau et bâti
Les moyens d'atténuer l'ICU en ville passent par la
création d'îlots de fraîcheur. Si la
végétation apparaît comme un des moyens les plus efficaces
à ce niveau, il reste cependant à en définir la nature et
la répartition. Quant à l'eau, c'est un paramètre dont on
a encore du mal à mettre en avant les améliorations d'un point de
vue thermique.
Plusieurs articles ont démontré que le
problème de l'îlot de chaleur urbain s'est accentué
à cause de la réduction de la densité des espaces verts
(Gauthiez, 2003).
Le rôle de la trame verte dans la régulation
climatique urbaine est de ce fait très important. Le besoin de la
quantifier apparaît de plus en plus dans les villes et notamment par
rapport à son rôle d'îlot de fraîcheur. Plusieurs
études ont permis de montrer le rôle bénéfique des
parcs urbains sur le confort thermique en ville. En 2010, Bowler a notamment
démontré qu'un parc était en moyenne plus frais de
0,94°C par rapport à la ville. Mieux que cela, s'il est
suffisamment grand, il peut exercer une influence sur les canyons urbains
alentours et pourrait donc diminuer les écarts entre zone urbaine et
zone rurale. À Berlin, une étude sur l'influence d'un parc sur le
rafraîchissement d'un quartier a révélé que des
petits parcs d'un hectare étaient préférables à un
grand parc en ville. De plus, il a été évalué qu'un
parc pouvait rafraîchir les bâtiments à proximité sur
un rayon de 300 m maximum.
25 Pouvoir réfléchissant d'une
surface
31
Il n'y a pas qu'en Europe qu'on apporte un
intérêt tout particulier au bénéfice de la
végétation. Dans la ville de Taipei, il a été
observé que les parcs de plus de trois hectares étaient
généralement plus frais que les espaces urbains alentours, tandis
que les différences de température étaient plus variables
pour les parcs de moins de trois hectares.
Selon la même étude, on sait que le pourcentage
d'arbres et d'arbustes expliquent les différences de température
entre les parcs et leurs alentours et ce n'est pas seulement dû à
l'ombre portée par les arbres (Chang & al., 2007).
La circulation de l'eau en ville doit également
être repensée. L'absorption des eaux pluviales par des sols
perméables facilite la régulation de la température lors
d'épisodes chauds. De plus, la rétention d'eau par le sol et la
végétation permet des échanges entre le sol et l'air, ce
qui constitue un élément d'atténuation de l'ICU. Ces deux
éléments doivent donc être pensés conjointement.
Le type d'essence végétale au sein même
d'une zone végétalisée a également une influence
sur le comportement des températures (surface et densité
foliaire). Ces distinctions restent cependant difficiles à
démontrer. En revanche, on recense également certains aspects
souvent mal renseignés. Il existe en effet des espèces d'arbres
qui peuvent être néfastes pour le confort et la santé en
zone urbaine. C'est notamment le cas du saule pleureur, ce dernier
émettant de grandes quantités d'hydrocarbures qui, lorsqu'ils
sont combinés avec des oxydes d'azote (gaz d'échappement),
peuvent créer un smog d'ozone lors des journées
ensoleillées (Chameides & al., 1988 ; Gillespie &
Brown, 2007). À l'inverse, l'érable à sucre n'émet
que de très petites quantités et ne contribuent donc pas à
la pollution de l'air.
Au final, c'est un véritable travail interdisciplinaire
que doivent mener climatologues, urbanistes, écologues et autres, afin
d'organiser au mieux le territoire en tenant compte de toutes les
spécificités liées à la végétation,
à l'eau et au bâti.
La végétation apparaît cependant comme un
des moyens les plus accessibles pour lutter contre l'ICU et améliorer
l'ambiance thermique urbaine (ombrage et évapotranspiration). En plus de
cet effet bénéfique, le végétal apporte en
parallèle d'autres services aux habitants des villes, tout aussi
importants.
3.2.1 Les autres effets de la
végétation
Selon l'APPA26 (2014), la végétation
apporte un effet bénéfique sur plusieurs composantes :
26 Association pour la Prévention de la
Pollution Atmosphérique
A. 32
Sur la qualité de l'air
Les composés gazeux pénètrent dans les
feuilles via les stomates et peuvent ainsi être
métabolisés. Les végétaux sont donc capables
d'absorber et de dégrader les hydrocarbures aromatiques polycycliques
(HAP).
Les particules peuvent être quant à elles
être fortement interceptées par les feuilles, même si la
majorité reste retenue à la surface.
Les arbres et forêts en périphérie des
villes permettraient également une diminution des concentrations d'ozone
(O3) dans l'air. Seulement, cette molécule phytotoxique peut provoquer
des effets à long terme sur les végétaux. De plus, les
arbres sont aussi émetteurs de composés organiques volatiles
(COV), en quantité variable selon les espèces, qui sont
précurseurs de l'ozone.
En ce qui concerne les grosses particules et PM10
(diamètre inférieur à 10 microns), le piégeage est
plus important pour les espèces qui possèdent une importante
surface foliaire. Les conifères seraient alors plus efficaces (grande
surface de dépôt et surface foliaire adhésive). Les arbres
isolés sont plus efficaces pour l'accumulation des particules par
rapport aux arbres de forêts urbaines. En effet, une densité trop
forte d'arbres (surtout dans les rues encaissées et mal
ventilées) peut entraîner une concentration de la pollution.
Enfin, les arbres, les plantes grimpantes (lierre) et les
toitures végétalisées avec des herbacées
(dispositif intensif) semblent capables de piéger les particules plus
fines (PM 2.5 - PM 1) avec un bon rendement.
B. Sur la santé et le bien être
La végétation permet ainsi d'améliorer la
santé physique au travers de son action de captage des particules
polluantes. On note clairement une correspondance entre santé publique
et espaces végétalisés. Ceux-ci permettent une
activité physique via les parcs et procurent dans un même temps un
bien-être psychologique (esthétisme). Ils apportent
également confort thermique, phonique et protègent contre les
conditions climatiques peu intenses (blocage des déplacements d'air).
Les espaces verts permettent également de créer
du lien social à travers les jardins familiaux27, les jardins
partagés28, ou encore les jardins d'insertion sociale et
professionnelle, pour les personnes en situation précaire.
27 Parcelles mises à disposition des
personnes souhaitant cultiver la terre pour leur propre consommation
(Fédération Nationale des Jardins Familiaux)
28 Parcelles ouvertes au public et entretenues
collectivement par les habitants d'un quartier (Agence Régionale de
l'Environnement de Haute-Normandie)
33
En revanche, les problèmes allergiques restent assez
préoccupants dans certaines villes et font d'ailleurs l'objet d'une
attention particulière depuis quelques années, notamment en
Ile-De-France.
Les différentes propriétés du
végétal, citées précédemment, sont
évidemment recherchées par les professionnels de
l'aménagement, notamment pour lutter contre les épisodes
caniculaires. Les questions liées aux méthodes de
végétalisation employées se posent alors.
Cette partie a permis de décrire les principales
variables qui démontrent le changement climatique. La ville de Rennes
n'est pas épargnée, même si elle apparaît moins
touchée jusqu'à présent, par rapport à d'autres
régions françaises. Le changement climatique a des effets sur
l'environnement « physique », mais aussi sur l'environnement urbain
et les villes, qui voient leur vulnérabilité augmenter. C'est en
partie à cause de cette vulnérabilité face aux
évènements extrêmes et aux évolutions climatiques
qu'émerge de plus en plus de réflexions concernant l'adaptation,
en lien avec la végétation et l'aménagement du territoire.
Les collectivités se doivent d'anticiper et de mettre en place des
stratégies réfléchies en fonction des potentiels impacts
climatiques, eux-mêmes influencés par la localisation
géographique et les conditions météorologiques
associées.
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