Description des consequences des violations de coutumes luba-kasai et leurstherapies( Télécharger le fichier original )par Augustin MUBIAYI MAMBA Université de Kinshasa - DIPLOME D'ETUDES SUPERIEURES (DES) EN PSYCHOLOGIE 2014 |
4.1.2. Résolution des frustrations/le défoulement4.1.2.4. Cas MankashiMankashi est une tante qui a deux filles, Tshibola, âgée de 14 ans, et Kapinga, âgée de 16 ans, orphelines de père et de mère, et qui vivent avec elle. Mankashi est âgée d'une soixantaine d'années et n'a jamais eu d'enfants. Son mari est un ivrogne qui n'a pas de temps de suivre ce qui se passe à la maison. Mankashi traite ses deux nièces comme des esclaves. Les deux nièces de Mankashi font tous les travaux ménagers (la vaisselle, la cuisine, la blanchisserie, etc.). Chaque jour est un calvaire pour ces deux filles. Mais puisqu'elles sont obligées de rester soumises à leur tante et supporter leurs sévices, elles n'ont que le moment de piler le maïs, le manioc et les feuilles de manioc (matamba/kaleji), pour exprimer leur frustration. Voici comment les deux filles arrivent à surmonter leur dépression en pilant et en chantant harmonieusement : « Tubatuile, tubatuile, tubatuile bana nzubu yabo, batutuilatuila kabasuasua Tubatuile, tubatuile, tubatuile bena nzubu yabo, batutuilatuila kasuasua Tutue bababidi, tutue babidi, tutue babidi tupande tshinu etshi, bena tshinu bakutamba diamba Tutue babidi, tutue babidi tupande tshinu etshi, bena tshinu bakutamba diambu (et quand la tante approche) Wabitutua, wabitua, wabitua biateketa nseke, wamona mua kulua kubidia, wabidia ne nyama wa mbuji Wabitutua, wabitua, wabitua biateketa nseke, wamona mua kulua kubidia, wabidia ne nyama wa mbuji. » Ce qui se traduit par : « Pilons pour eux, pilons pour eux, les propriétaires, ceux pour qui on pile ne l'acceptent (ne le reconnaissent) pas Pilons pour eux, pilons pour eux, ceux pour qui on pile ne l'acceptent (ne le reconnaissent) pas ; Pilons à deux, pilons à deux, pilons à deux et écrasons ce mortier, Pilons à deux, pilons à deux, pilons à deux et écrasons ce mortier, les propriétaires du mortier parlent trop (et quand la tante approche) Pilons, pilons, pilons jusqu'à rendre la semoule épaisse, afin qu'on puisse bien le manger, qu'on le mange avec la viande de chèvre Pilons, pilons, pilons jusqu'à rendre la semoule épaisse, afin qu'on puisse bien la manger, qu'on la mange avec la viande de chèvre. » L'analyse du cas Mankashi nous montre comment les deux nièces frustrées par leur tante cherchent un mécanisme pour pouvoir exprimer leur frustration et vivre dans l'harmonie. Leur chanson est subdivisée en trois phases. La première phase est l'expression de la frustration. La deuxième exprime l'agressivité qui résulte de leur frustration. Comme elles ne peuvent pas s'attaquer à leur tante, elles orientent cette agressivité vers le mortier qu'elles sont prêtes à écraser et casser en morceaux. Et la troisième phase c'est le contentement qu'elles manifestent après s'être rendues compte que leur message est parvenu au destinataire. La frustration selon le dictionnaire international de psychanalyse désigne l'état dans lequel se trouve une personne qui se refuse, ou à qui l'on refuse, dans l'immédiat ou à jamais une satisfaction pulsionnelle. Elle concerne quelque chose qui est désiré et qui n'est pas tenu, mais qui est désiré sans nulle référence à aucune possibilité de sa satisfaction ni acquisition (A. de Mijolla, 2007, pp. 704-705). Les deux nièces de Mankashi peuvent bien vouloir revivre avec leurs parents biologiques, mais jamais cela deviendra une réalité. Mais pour Freud, la frustration trouverait toute son utilité à la l'épanouissement de l'individu. Elle serait à l'origine des plaisirs, et susciterait ainsi le désir. C'est ce que l'on constate dans la troisième phase de la chanson de ces deux nièces de Mankashi. En consultant le dictionnaire Dico-Psycho ( www.psychologies .com) on définit la frustration comme un état d'insatisfaction provoqué par le sentiment de n'avoir pu réaliser un désir. C'est comme les deux nièces de Mankashi qui éprouvent un désir de se sentir aimées et être traitées comme des enfants que tante Mankashi n'a pas pu avoir, mais cela n'arrivera pas un jour. On constate que la frustration place l'individu dans l'attente de la réalisation de quelque chose qui ne se fera pas. Cette frustration, comme conflit intérieur entraine le manque de confiance en soi. Et comme cela devient une obsession chez les deux filles, elle réveille la colère et la tristesse. Le manque de tendresse déclenche immanquablement des sentiments d'infériorité, de frustration chez les enfants, comme chez les adolescents. Cela arrive souvent quand un parent humilie, domine, infériorise ou abandonne visiblement son enfant (Daco, P., 1973, P. 211). Il suffit d'être attentif et d'avoir un coup d'oeil clinique pour déceler dans les chants de nos mamans qui pillent dans les villages, les conflits intra psychiques, les problèmes existentiels ainsi que toutes formes des frustrations auxquelles elles sont exposées. Les chansons luba referment toujours un aspect d'expression de son for intérieur, un message-réponse à une provocation, un conseil, ou un cri de désespoir. Et dans cette culture, il a été conçu un jeu des marionnettes constitué de deux femmes, un mortier et deux pilons. Les deux femmes sont en train de piller en chantant. En écoutant attentivement les chansons des femmes lors de cet exercice, le matin ou le soir, elles expriment toujours soit leurs angoisses, leurs frustrations, leurs problèmes qu'elles ne sont pas capables de résoudre directement. Donc, ce jeu de marionnette peut nous servir de « technique de mortier et pilon » en vue de soulager les stress, les frustrations, l'angoisse et beaucoup d'autres troubles psychiques qui sont enfuis dans l'inconscient et peuvent facilement être extériorisé en jouant ce jeu et en chantant au rythme cadencé des marionnettes. |
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