La francophonie et la médiation dans la crise ivoirienne de 2002 à 2010.( Télécharger le fichier original )par Sika Gautier ADOMON Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 2014 |
CONCLUSION GENERALEA l'issue de notre travail, nous pouvons indiquer que la crise qui a secoué la Côte d'Ivoire de 2002 à 2010 a mobilisé la communauté internationale au chevet du pays. Que ce soit l'organisation universelle (ONU), régionale (UA), sous régionale (CEDEAO) et géoculturelle (OIF), chacune selon ses mécanismes et méthodes, a joué sa partition dans la médiation de la crise ivoirienne.Mais, particulièrement quel a été l'apport de la Francophonie dans cette médiation ? Car notre démarche vise à répondre à cette interrogation. La fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin ont marqué considérablement l'histoire des relations internationales. En Afrique, ces faits ont coïncidé avec les processus de démocratisation entachés de violence et une montée en puissance des guerres et conflits intra étatiques. Plusieurs facteurs sont mis en cause dans ces conflits, allant des conditions socio-économiques des pays, à la mauvaise répartition des richesses, à la confiscation du pouvoir et au manque de culture démocratique. L'Afrique francophone n'est pas épargnée par ce lot de conflits qui plombent son développement. Cette situation ne peut laisser indifférente la communauté internationale qui a pris des mesures depuis la fin de la seconde guerre mondiale pour résoudre les conflits. « Ces mesures ont évolué au cours des dernières années, tant en ce qui concerne les concepts, la méthodologie et les moyens, que les modalités de la coopération internationale sur ce terrain162(*) ». En dépit du caractère complexe des conflits survenus dans l'espace francophone depuis les années 1990, la méthode la plus utilisée est celle du règlement pacifique par la médiation et dans un cadre de coopération. L'OIF, qui a décidé d'accompagner ses membres dans les processus de démocratisation, s'est imposée au fil des années, comme un acteur majeur de résolution des conflits.Organisation à vocation technique et culturelle, la Francophonie a exprimé sans aucune ambigüité son ambition politique. Elle a donc accompagné les processus de démocratisation dans les pays africains francophones depuis 1990, et plus tard,elle s'est dotée d'un système institutionnel permettant de répondre à leurs besoins. Depuis lors, l'organisation est sollicitée pour participer à la résolution des conflits qui éclatent chez ces membres. Les Déclarations de Bamako et de Saint Boniface sont venues renforcer son mécanisme, et placent le règlement des conflits et la consolidation de la paix au centre des préoccupations de la Francophonie depuis 2000. En effet, la multiplication des crises a rendu nécessaire le développement et l'adaptation aux nouvelles contingences des dispositifs de prévention et de médiation.Ainsi, l'OIF joue différents rôles dans la résolution des conflits en utilisant plusieurs moyens. En intervenant dans la médiation de la crise ivoirienne, la Francophonie a su apporter sa contribution faite de diplomatie douce et d'appui à la consolidation des institutions. Cela s'est manifesté d'abord par une déclaration des instances condamnant la tentative de coup d'état et par l'envoi d'un envoyé spécial, nommé plus tard Représentant spécial du Secrétaire général. A cela, il convient d'ajouter les visites du Secrétaire général aux protagonistes et à tous les acteurs de la crise ivoirienne. Ensuite, l'OIF a apporté son soutien au renforcement des institutions de la gouvernance démocratique et aux médias et sollicité une appropriation, par les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, des normes et engagements internationaux et francophones. Ces missions de la Francophonie visent donc à entretenir le contact permanent avec les belligérants et tous les acteurs de la vie socio-politique afin de trouver une solution pacifique et consensuelle qui garantit les droits de l'Homme et une vie politique apaisée. En outre, elle a siégé au sein des comités internationaux de suivi mis en place lors des différents accords de paix signés. Toutefois, notre étude a permis de relever les difficultés rencontrées dans la médiation de la Francophonie. D'abord, dans la pratique de son mécanisme (prévention/réaction) et du déphasage qui existe entre ses ambitions et ses moyens. En effet, la modicité des moyens alloués à ce programme « paix, démocratie et droits de l'Homme » et le manque d'appropriation de ces actions par ces états membres jouent sur la crédibilité de l'OIF vis à vis de ses partenaires. Ensuite, dans le cadre de coopération et de partage d'expériences, où plusieurs médiateurs sont appelés à jouer un rôle. Car, la multiplicité et la diversité des initiatives posent plutôt la question cruciale de la coordination ou harmonisation des intervenants, et elles sont parfois source de compétition entre les médiateurs qui vont vouloir tirer profit de leur intervention. Au regard de notre étude, nous pouvons affirmer que l'apport dela Francophonie dans la médiation de la crise ivoirienne reste marginale et mitigée. Son apport n'a pas été à la hauteur des espoirs quant à la prévention et au règlement des conflits, et l'action de l'OIF est souvent tributaire de son secrétaire général. En dépit de ces insuffisances, la médiation de la Francophonie a encore de beaux jours devant elle, dans son espace. Car loin d'imposer des solutions comme pour la plupart des organisations, l'OIF facilite aux côtés de protagonistes, la recherche de solutions consensuelles. Toutefois, tirant les leçons des expériences des crises et conflits, l'OIF doit être à mesure de procéder à des réformes de son mécanisme de prévention et de suivi pour une meilleure application sur le terrain et surtout en l'adaptant à la nouvelle nature des conflits. En effet, l'étude de plusieurs cas de conflits dans l'espace francophone indique leur nature transfrontalière. L'OIF doit prendrecompte l'environnement des conflits dans son espace en créant un état-major de liaison, comme l'a souligné Babacar Gaye, ancien chef d'état-major du Sénégal. Une autre voie que la Francophonie doit explorer est celle d'associer des expertises des autres pays membres de l'organisation hors des zones de conflits.Car de tout temps, son approche est de privilégier des personnalités proches des zones de conflits, surtout africaine. Quant à son mécanisme de prévention de conflits, elle doit veiller à le rendre plus efficace et opérationnel. Cela passe par le renforcement des capacités en ressources de la structure en charge de la collecte des informations. Mais aussi, l'OIF doit étendre son réseau d'information en se référant plus au centre d'études. En outre, l'OIF doit songer à une définition plus claire des concepts déclenchant son action, surtout au niveau de la rupture de démocratie. Elle ne doit pas limiter cette rupture au seul coup d'état, mais doit se pencher sur la pratique de la démocratie et la gestion de la chose publique, souvent à la base des coups d'état. Pour conclure, nous nous interrogeons pourquoi l'OIF ne se positionne pas comme une puissance d'influence dans sa fonction sécurité, à l'image de son rôle joué pour l'adoption de la résolution sur la diversité culturelle. Car, quelle approche de prévention et de gestion de conflits la Francophonie doit-elle adopter à l'heure des guerres asymétriques? * 162 Op, cit,p.299 |
|