La francophonie et la médiation dans la crise ivoirienne de 2002 à 2010.( Télécharger le fichier original )par Sika Gautier ADOMON Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 2014 |
B) L'influence de l'ancienne métropole dans la médiationL'influence de la France dans la médiation ivoirienne peut apparaître à la lumière de plusieurs faits. Mais dans le cas de notre étude, cette question sera analysée sous l'angle du rôle prépondérant qu'elle peut jouer sur la Francophonie en tant que grand contributeur et grande puissance. En rappel, aux paragraphes précédents, nous avons souligné les difficultés de financement que rencontre l'institution. D'abord, du défaut de cotisation de ses membres dont « les arriérés de cotisation s'élevaient fin 2005 à 11 millions d'euros127(*) ». Ensuite, la modicité du budget de la Francophonie, principalement les dépenses allouées au programme « démocratie et droits » qui était de 24,3% en 2007128(*). Enfin, le déséquilibre de la contribution des membres. En effet, pour l'année 2008 « plus de 93% (soit 30.808.206,51 euros) des contributions statutaires de l'OIF129(*) » étaient assurés par 6 Etats ou gouvernements(communauté française de Belgique, Canada, Canada-Québec, France, Grèce et Suisse). Cette situation rejaillie négativement sur l'activité de l'OIF en ce sens qu'elle joue sur la crédibilité de l'organisation vis-à-vis de ses partenaires dans la gestion de conflits et que le déséquilibre de contributions entraine un déficit de légitimité pour chacun des autres pays de l'organisation pour peser sur les décisions. En effet, il est reproché au financement de la Francophonie « qu'il est insuffisant et compliqué, qu'il n'est pas multilatéral, qu'il n'est pas mobilisé à temps ou qu'il ne sert pas la Francophonie, mais les intérêts de ceux qui baillent les fonds130(*) ». Et ceux qui baillent les fonds sont les 6 Etats ou gouvernements précédemment cités. Mais particulièrement la France, comme l'indique le tableau suivant. Tableau 2 : Pourcentage de la contribution française aux budgets 2006-2008 (en million d'euros)
*Calcul effectué = (Contribution de la France/Total des contribution) x 100 Source : Informations tirées dans PHAN (Trang) et al, Francophonie et mondialisation, Tome 1 :Histoire et institutions : des origines à nos jours. Editions : Belin 2011, Paris, p.235 Ce tableau présente la part de la contribution de la France au budget de la Francophonie sur la période 2006-2008. Elle s'élève à plus de 36% soit le tiers du total des contributions de l'ensemble des membres (plein droit (52), associés (2) et observateurs (13)) et 40,21% de la contribution des 6 Etats ou gouvernement qui baillent. Concernant les activités de l'OIF, en 2008, la part de la France était de 39,0%131(*). Naturellement, certains observateurs « voient en l'action de la Francophonie dans la crise, une sorte d'expression de la volonté française132(*) ». Cela vient confirmer l'approche du Hard realism133(*) qui« voit dans l'intervention du tiers dans les résolutions des conflits comme un fait des grandes puissances » et quant au structuraliste, « la médiation internationale est un moyen pour le médiateur d'affirmer sa domination en imposant une issue particulière au conflit134(*) ».Aussi, cette prépondérance de la France est-elle marquée par le fait qu'elle réussit à imposer aux partis politiques un accord de paix, à travers les négociations de Linas Marcoussis. En effet, après l'échec des médiations de la CEDEAO, la France a décidé de prendre les choses en main et convoquer les partis politiques (FPI, PDCI, RDR, UDPCI, PIT, UDCY et MFA135(*)) et les mouvements rebelles (MJP, MPCI et MPIGO)à une négociation à huis clos « qui s'est terminée, au centre Kléber, par l'imposition d'une solution politique proprement inapplicable136(*) ». Nous retenons de ce paragraphe que la médiation n'est pas une démarche aisée en plus si elle intervient dans un contexte international où plusieurs médiateurs sont appelés à jouer un rôle. Dans le cadre de notre étude, la multiplicité et la diversité des initiatives de médiation et les accords de paix signés n'ont pas favorisé le retour rapide à la paix. Mieux, elles posent plutôt la question cruciale de la coordination ou harmonisation des intervenants, et elles sont parfois source de compétition entre les médiateurs qui vont vouloir tirer profit de leur intervention. Dans ce contexte de jeu d'intérêt, l'intervention de la Francophonie est vue comme le fait de la grande puissance, la France. Car la France est de loin le premier contributeur des activités de l'organisation et l'action de l'OIF est ordonnée par elle, comme pour paraphraser un acteur politique ivoirien « la main qui donne, ordonne ». * 127Op,cit,p236 * 128Op,cit,p236 * 129 Op,cit,p236 * 130Op,cit,p233 * 131 Cf tableau 3 en annexe * 132 Rodrigue MATSE, p.58 * 133 Millena DIECKHOFF « la médiation internationale dans la résolution des conflits : un regard théorique », fichen°6 de l'IRSEM, p.7 * 134idem * 135 FPI (Front populaire ivoire), PDCI (Parti démocratique de Côte d'Ivoire), RDR (Rassemblement des républicains),UDPCI (Union pour la démocratie et la Paix en Côte d'Ivoire), PIT (Parti des travailleurs ivoiriens),UDCY (Union pour la démocratie et la citoyenneté) MFA (Mouvement des forces d'avenir) * 136Stephen SMITH, « la politique d'engagement de la France à l'épreuve de la Côte d'Ivoire » dans la Politique Africaine, 2003/1 n°89, p112-126 |
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