CONCLUSION GENERALE
A travers un ensemble de travaux théoriques et
empiriques variés, ce mémoire donne plusieurs résultats
sur la soutenabilité des finances publiques au Tchad, à travers
une approche d'analyse descriptive et économétrique.
Il ressort que la politique budgétaire du Tchad est sur
une trajectoire insoutenable à moyen terme. La dette publique, en
dépit de son stock relativement faible dans le PIB, fait peser par ses
charges d'intérêts d'énormes tensions sur le budget de
l'Etat et constitue une lourde hypothèque pour l'avenir, dans la mesure
où elle réduit de manière inter temporelle la consommation
des générations futures.
Le déficit primaire hors pétrole, qui mesure
l'ampleur du déficit structurel et par conséquent l'effort
d'ajustement, s'établit durablement au delà de 5% du PIB hors
pétrole et sa trajectoire connaît une tendance explosive au cours
des dernières années.
Depuis 2003, les pays africains producteurs de pétrole
dans leur ensemble enregistrent des plus values pétrolières
considérables. Plus qu'une simple bouffée d'oxygène, ces
pays ont une chance historique d'amorcer un retour à l'équilibre
permanent de leurs finances publiques et d'enclencher la dynamique d'un
développement durable.
Le Tchad en particulier se trouve actuellement
à un stade décisif de son évolution : celui du
stade ou dix (10) contrats de partage de production ont été
signés en 2011 et 2012 avec de nouveaux acteurs internationaux, dont
certains sont assortis du paiement de bonus de signature significatifs.
Dans ce contexte d'élargissement des champs
d'exploitations , des risques de retournement de conjoncture et de
dérives des finances publiques liées à la pression
politique et sociale, le Tchad doit profiter des revenus pétroliers
futurs pour : « réduire son déficit structurel » et
assurer la viabilité de la politique économique.
Ainsi, cette étude préconise t-elle à court
terme :
- le prépaiement de la dette extérieure afin de
favoriser une réduction importante des charges d'intérêts
annuelles afin d'atténuer la vulnérabilité de
l'économie aux chocs futurs et d'accroître l'espace
budgétaire au profit des investissements et de l'épargne.
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Soutenabilité des finances publiques dans les pays
exportateurs de pétrole de la zone Cemac : cas du
Tchad
Cette étude suggère que la priorité soit
accordée à l'épargne publique. Car, sans stabilité
macroéconomique et sans une bonne gestion des finances publiques, une
forte augmentation des dépenses d'investissement ne saurait être,
ni efficace, ni soutenable.
Pour ces raisons, il est essentiel d'économiser le gros
des marges budgétaires supplémentaires qui seraient
libérées par l'opération de rachat de dette et de la manne
pétrolière à venir, tout en veillant à la
diversification des moyens de placement de cette "cagnotte". Il conviendrait
dans à cet effet de mettre en place un cadre institutionnel plus
efficace aux fins de l'accumulation d'actifs financiers.
A moyen terme, l'étude recommande :
- de ramener sur 5 ans le déficit structurel à
son niveau soutenable en permanence en réduisant la croissance des
dépenses courantes en volume, en remédiant à
l'érosion des recettes non pétrolières et par une gestion
plus efficace des recettes publiques ;
- d'élaborer une trajectoire pluriannuelle soutenable
grâce à la mise en oeuvre avec le budget A venir d'un cadre de
dépenses à moyen terme (CDMT)19 ;
- en amorçant une étape décisive dans la
modernisation de l'Etat grâce à la mise en oeuvre de la gestion
par la performance en utilisant un cadre de viabilité de la dette (CVD)
.20
Après les mesures de court et moyen terme dont le
principal pilier est l'opération de rachat de la dette extérieure
pour placer les finances publiques sur une trajectoire soutenable, cette
étude propose des reformes structurelles visant à maintenir cette
trajectoire à long terme à
19 (CDMT) fourni un horizon de pilotage
à la gestion des finances publiques, permet d'assurer une meilleure
traçabilité des dépenses réalisées et,
contribue à la transparence et à l'efficience des processus
budgétaires en permettant d'assurer la cohérence des projections
macroéconomiques des différents ministères et directions ;
de préparer le budget pour 2014 dans un cadre de dépenses
à moyen terme pour 20014-19 ; Hiérarchiser les priorités
des projets d'investissement figurant au Programme d'investissement public
(PIP) pour établir un système de sélection cohérent
;Veiller à ce que la classification fonctionnelle des dépenses
soit finalisée et entre en application avec le budget 2014.
20 La mise en place par les autorités d'un
cadre de viabilité de la dette (CVD) inspiré de celui
élaboré par la Banque mondiale et le FMI pour les pays à
faible revenu et éligibles à l'initiative d'allègement de
la dette multilatérale. Le CVD est élaboré pour aider ces
pays à mobiliser les ressources financières dont ils ont besoin
pour leur développement tout limitant les risques d'endettement
excessif.
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travers l'assainissement des finances publiques et au
renforcement des capacités de gestion de la dette.
Mais le meilleur gage pour maintenir les finances publiques
sur une trajectoire soutenable en permanence, est d'avoir plus de croissance et
d'augmenter son potentiel à long terme. Pour cela l'étude propose
une accélération de la diversification de l'économie
à travers le lancement des projets concrets dans cadre du DSCRP.
En guise de piste de réflexion, nous dirons que
l'endettement a appauvri des milliers d'habitants des pays africains. Alors que
les perspectives économiques s'améliorent, on assiste à la
fois à un réel espoir de sortir définitivement de cette
crise et une résurgence des risques surendettement du fait de
l'abondance de la liquidité mondiale et la diversité de ses
sources y compris de la part des pays émergeants qui s'illustrent par un
laxisme dans les conditionnalités d'octroi des crédits.
Il est indispensable pour les IFI de faire adopter aux pays
débiteurs et créanciers un code de bonne conduite fixant le
rapport à 20% à ne pas dépasser entre le service de la
dette et les recettes budgétaires. Car ce ratio donne une indication
plus juste des distorsions que la dette crée dans le système
économique, même si sa part dans le PIB est relativement
faible.
En outre, dans le cas des pays exportateurs de pétrole,
le ratio budgétaire permet de fonder une analyse sérieuse de la
viabilité de la dette dans la mesure où il constitue le seul lien
réel entre le secteur pétrolier et le secteur hors
pétrole.
Le maintien du ratio budgétaire à 20% constitue
une garantie offerte aux débiteurs et aux créanciers. Un Etat
arrivant à ce seuil, devra chercher des moyens intérieurs de
financement. Il appliquera, s'il le faut, une politique
d'austérité sans contraintes extérieures. En revanche, il
pourra emprunter davantage si les recettes d'exportations augmentent. Une
coordination des créanciers permettra d'examiner la rentabilité
financière et l'importance socio-économique du projet pour lequel
le prêt est consenti.
De même, l'exercice de surveillance multilatérale
de la CEMAC doit être renforcé. L'absence de sanctions,
l'inefficacité du mécanisme de pression par les pairs, l'absence
d'une structure indépendante des statistiques et la rivalité
entre les Etats favorisent le recours à la
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Tchad
comptabilité créatrice21 pour
respecter artificiellement les critères. Tout en remédiant
à ces insuffisances, l'apport supplémentaire de cette structure
communautaire serait de s'assurer de la rentabilité des projets
financés par emprunts en exigeant pour chaque Etat une analyse
coûts- avantages rigoureuse des projets d'investissements. Car l'on sait
que la mauvaise utilisation des prêts est la cause principale de la crise
de la dette dans les pays en développement et pour laquelle on n'a pas
encore trouvé de solution.
Le travail effectué dans ce mémoire
présente quelques limites et ouvre en même temps des pistes de
recherche.
La première limite réside au fait que Dans les
pays de la zone franc comme le Tchad, le problème de l'équilibre
de la balance des paiements est tout à fait secondaire en raison de la
garantie monétaire du trésor français qui assure une
disponibilité presque illimitée des devises. Ce qui conduit
à ce que La question du déficit budgétaire et de son
financement par l'emprunt reste en effet l'élément essentiel
d'appréciation de la soutenabilité des finances publiques.
La deuxième limite tient au fait que la collecte des
données statistiques au niveau de l'INSSED car l'exécution du
budget est soumise à de lourdes procédures, l'inefficacité
du contrôle de la conformité aux lois fiscales et l'absence d'un
système d'information financière performant, empêchent la
production de rapports réguliers et exacts permettant d'établir
avec certitude et dans les délais, les données annuelles. En
conséquence nous recommandons a l'INSSED de cordonnées ses
publications de données avec celle de la BEAC, de la CEMAC et des
institutions financières internationales (FMI et BANQUE MONDIALE).
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21 C'est-à-dire des manipulations statistiques ou
comptables visant à gonfler ou diminuer artificiellement les recettes
fiscales ou les dépenses -comme ce fut le cas de la Grèce en 1999
pour intégrer la zone euro et de l'Italie sous la présidence de
Berlusconi ou encore dans le cas du scandale Enron aux USA dans le secteur
privé.
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