B. Dobbas
Cette région assure le quart des exportations
ukrainiennes en valeur. Cela peut sembler paradoxal puisque tous les reportages
y montrent un appareil industriel vétuste et une population pauvre.
L'industrie d'époque soviétique n'y survit que grâce aux
subventions d'État. Ces subsides sont cependant attribués aux
travailleurs en monnaie ukrainienne, en papier, alors que le produit de
l'exportation est perçu en devises, mais par les dirigeants politiques
et les oligarques. Le contrôle des oblasts de Donetsk et Lougansk est
donc essentiel pour Kiev.
En revanche, le Donbass n'apporterait rien à la Russie
dont elle ne dispose déjà en abondance (charbon, produits
métallurgiques, excédent
1 Maurice, V., op.cit., p.321
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commercial) et il n'occupe pas une position clef sur la carte.
Dans l'ordre stratégique, un autre élément est à
considérer. Sans la Crimée, le poids des russophones en Ukraine
est déjà réduit à 27,4 % (contre 29,6 au
recensement de 2001). Si les oblasts de Donetsk et de Lougansk s'excluaient, la
part des russophones dans ce qui resterait de l'Ukraine serait ramenée
à 19,7 %, ce qui représenterait un net affaiblissement de
l'influence russe. Il est utile de ce point de vue pour Moscou que le Donbass
reste dans une Ukraine fédéralisée1.
Il y a donc des éléments objectifs pour
comprendre la détermination de Kiev à garder le Donbass comme la
réserve de Moscou face au séparatisme de cette région
entre mars et juin. Dans le courant de l'été, deux
éléments nouveaux sont intervenus : le succès des forces
de Kiev face à des séparatistes mal armés a fait planer la
menace de leur écrasement, et l'utilisation de l'artillerie et des
bombardements aériens contre les villes a fait bondir le nombre de
victimes, surtout civiles. Pour le Kremlin, qui a tant affirmé se poser
en protecteur des populations russes, il en allait de sa
crédibilité tant à l'extérieur qu'à
l'intérieur même de la Russie.
Quelle que soit l'issue de la crise au Donbass,
imprévisible à cause de l'importance que le facteur
émotionnel y a pris, l'annexion de la Crimée pose à elle
seule le problème de l'avenir des relations entre Kiev et Moscou.
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