I.3.2. LES CAUSES PHYSIQUES ET ANTHROPIQUES
RESPONSABLES DES GLISSEMENTS DE TERRAIN
Les glissements de terrain sont causés par deux
catégories de facteurs : les facteurs naturels qui sont exacerbés
par l'empreinte humaine.
I.3.2.1. LES FACTEURS LIÉS AU MILIEU
PHYSIQUE
I.3.2.1.1. La gravité et la pente
Selon la théorie de la gravitation universelle de
Newton (formulée par Isaac Newton en
1687), à tous les corps massifs, dont les corps
célestes et la Terre, est associé un champ de gravitation (ou
gravité) responsable d'une force attractive sur les autres corps
massiques. L'essentiel de la pesanteur est d'origine gravitationnelle,
c'est-à-dire qu'elle est due à l'attraction mutuelle entre corps
massifs. Autrement dit un corps attire un autre avec une force dont
l'intensité est proportionnelle au produit de leurs masses et
inversement proportionnelle au carré de la distance qui les
sépare.
Cette force permet de définir la notion de
verticalité : on observe qu'en un lieu donné tous les corps
libres tombent en direction du sol suivant la même direction
appelée verticale du lieu.
C'est ce qui explique que les matériaux se trouvant sur
des reliefs à forte pente ont généralement tendance
à suivre une trajectoire descendante vers les zones à faible
pente.
La pente topographique est la tangente de l'inclinaison d'un
terrain donc de son angle vis-à-vis de l'horizontale (figure
11). Le terme pente est parfois directement assimilé à
l'inclinaison, pour ce qui est du cas de figure à l'inclinaison du
versant.
49
Figure 11: Détermination de la pente
topographique Source : Brunet (1993)
C'est un facteur essentiel des glissements de terrain.
Celle-ci détermine la susceptibilité d'un terrain à
glisser si les autres conditions sont réunies. Cela signifie
théoriquement les zones à fortes pentes sont potentiellement plus
susceptibles aux glissements et inversement
I.3.2.1.2. La nature des sols
Le relief de la zone d'étude est accidenté et
s'étend plusieurs collines hautes de 25-50 m au dessus du plateau
(Bachelier 1959). Sur le plan géologique, le sol
dérive d'un matériau quartzo-feldspathique plus ou moins
micacé. (Pelletier, 1969). De nature rouge
latéritique et forestier classique, le sol de la zone présente un
horizon rouge plus ou moins superficiellement lessivé qui peut atteindre
dans les conditions favorables une profondeur de 4 à 10 m ; puis un
horizon gravillonaire, un horizon tacheté et un horizon
d'altération de la roche-mère. (Bachelier 1985).
La structure du sol présente cependant une répartition
inégale de profondeur de la base des versants vers le sommet des
collines. Les versants pentus portent une couche superficielle de
matériaux non complètement consolidés et fragilisée
par la double influence de l'érosion et de la déforestation.
Cette couche superficielle majoritairement constituée de lithosols sont
peu profonds et par conséquent sensibles aux interventions humaines qui
combinés aux autres facteurs entraineraient leur rupture.
Mt. Mvog-Betsi, 902 m
Mt. Akok-Ndoué, 957 m
50
Figure 12: Localisation des Monts
Akok-Ndoué et Mvog-Betsi
51
I.3.2.1.2. La pluviométrie
La survenance des glissements de terrain est dans la majeure
partie des cas corrélée à la présence de l'eau.
L'eau, associée à un épisode pluvieux
important est le principal facteur aggravant, en raison des pressions
interstitielles qu'elle développe dans le sol et le sous-sol.
Le tableau 7 montre la répartition
annuelle de la hauteur d'eau dans la ville entre 20062010. L'analyse qui
découle est que l'apport en eau sur les versants est important durant
les 2 saisons de pluies. Toutefois, il faut préciser que les mois
d'octobre, septembre et mars enregistrent les plus grandes quantités de
précipitations. Cela traduit en théorie les mois les plus
vulnérables car l'apport en eau est conséquent.
Cependant, suivant l'approche historique, les glissements de
terrain dans la ville de Yaoundé sont survenus lors des épisodes
orageux d'une rare intensité.
Tableau 7: Répartition mensuelle des
précipitations et des températures de Yaoundé
MOIS
|
J
|
F
|
M
|
A
|
M
|
J
|
Jt
|
A
|
S
|
O
|
N
|
D
|
TOTAL
|
Moy.
|
P (mm)
|
24,2
|
45,2
|
139,9
|
181,1
|
208
|
156,7
|
66,5
|
110,1
|
228,4
|
292,3
|
113,7
|
20,8
|
1586,9
|
132,2
|
T (°c°)
|
25,4
|
26,5
|
25,3
|
25,1
|
24,8
|
24,5
|
23,3
|
23,8
|
23,6
|
23,3
|
24,1
|
25,7
|
295,4
|
24,6
|
Source: Station de Nkolbisson et de
l'aéroport militaire de Mvan 2006-2010
I.3.2.2. LES FACTEURS ANTHROPIQUES
À côté du milieu physique, les facteurs
humains précipitent, aggravent ou exacerbent les glissements de
terrain
I.3.2.2.1. L'urbanisation accélérée
: un facteur aggravant
L'exposition aux glissements de terrain dans la zone
s'explique également par la forte anthropisation du milieu dans ce front
d'urbanisation. La croissance spatiale de la ville entraine l'occupation et la
mise en place d'une multiplicité d'activités humaines qui
contribuent à accroître la susceptibilité de la zone
à subir des glissements de terrain.
Cette croissance urbaine vertigineuse se traduit par
l'installation des populations sur les flancs des montagnes.
52
Notre zone d'étude présente en effet presque les
mêmes caractéristiques démographiques et
socio-économiques que l'ensemble des quartiers des zones à
risques de la ville de Yaoundé à savoir: population nombreuse et
hétérogène, croissance démographique
élevée, etc. La population de ces trois quartiers est
estimée à 51 761 habitants en 2007
sur une superficie totale d'environ 6,006 Km2 soit
environ 600,6 ha.
Ce constat est d'autant plus vrai que lorsqu'on observe la
figure 14 qui met en évidence l'évolution du
tissu urbain de la ville de Yaoundé entre 1980 et 2001,
la superficie urbaine de cette ville au cours de ladite période
aurait été multipliée par plus de 4, passant ainsi de
3 807 ha en 1980 à environ 15 919 ha en 2001
(CUY, 2010). La zone d'étude tout comme la ville a subit un
rythme d'urbanisation quasi-similaire. Presqu'inhabitée au début
des années 80, celle-ci est quasi occupée aujourd'hui. Les flancs
des montagnes, les bas-fonds marécageux et inondables ne sont
guère épargnés par les constructions et les
aménagements humains. Or la ville de Yaoundé qualifiée de
« ville aux sept collines » a un relief parsemé de
collines (jusqu'à plus de 1 200 m d'altitude) avec des pentes parfois
abruptes (Sietchiping, 2003), sur lesquelles
prédominent des habitats informels. Ainsi, les espaces «
inconstructibles », pentus (plus de 30 %) et marécageux
sont densément bâtis (Assako Assako, 1998 b).
53
Figure 13: Classification supervisée par
méthode « Maximum Likelihood » de 2 images de la zone
: 2002 (A) et 2013(B)
De l'illustration qui suit où la classification
orientée a été réalisée sur deux images
multi dates (3 février 2002 (A) et 3 mars 2013(B))
à partir de la méthode « Maximum Likelihood »
ou de « Maximum de vraisemblance », la progression de l'habitat
(couleur magenta) et des sols nus (couleur
marronne) sont observables. Le recul de la végétation
(couleur verte), d'autre part observée et
l'augmentation des surfaces nues, est un marqueur de l'explosion
démographique dans ce secteur, qui par ailleurs est un front
d'urbanisation.
Aussi, il découle de cette analyse diachronique
que, la croissance démographique est telle que les versants abrupts de
l'Akok-Ndoué et du Mvog-Betsi ne sont guère
épargnés par les expansions humaines.
54
Figure 14: Évolution spatiale de la ville
de Yaoundé entre 1980 et 2001 Source : CUY,
2010
La figure 14 analyse
l'évolution de la surface humanisée de la ville de Yaoundé
entre 1980 et 2001. On s'aperçoit que la zone d'étude qui est
située au sud-ouest de la ville, était inhabitée au
début des années 1980. Mais cette zone en 2001, avait
déjà été presque consumée par les
installations humaines. Reliefs pentus des flancs des montagnes, bas-fonds
inondables sont occupés par les habitations.
I.3.2.2.2. Déforestation et exposition des sols
aux glissements de terrain
Corollaire de la croissance démographique que connait
la ville en général et la zone d'étude en particulier, la
déforestation est effectuée pour plusieurs raisons (cultures,
constructions des carrières de pierres, espaces pour habitat, etc.)
Cf. fig. 13 et planche photo 3. C'est le
facteur précipitant la survenance des glissements de terrain. Cette
activité menée
55
sans contrôle, favorise le ruissèlement.
L'absence de couverture végétale, en particulier arborescente,
expose les sols à la possibilité d'un drainage plus ou moins
important d'un volume de matériaux vers l'aval des versants sous
l'influence de la pente et de la gravité.
I.3.2.2.3. L'homme et ses aménagements
D'autres actions anthropiques sont également à
l'origine des glissements : travaux de terrassement, tels que
: surcharge en tête d'un talus ou d'un versant ou décharge
en pied supprimant une butée stabilisatrice. Ces travaux sont
habituellement réalisés sans respect préalable des
règles de génie civil. Ils ont pour conséquence de
faciliter la survenance de ce type de risque naturel.
Planche photo 2: Aménagements
inappropriés sur des versants (clichés Fofack Georges,
Août 2012)
Sur la planche photographique 2, on
observe des aménagements inappropriés en l'occurrence des travaux
de nivellement, de remblai sur des versants pentus sans respect des
règles. Ces travaux réalisés sans études
préalables, ont le mérite de fragiliser les talus et les
versants. Cela influence par effet de causalité, la stabilité de
ces derniers et accroit de fait la susceptibilité d'occurrence spatiale
des mouvements de terrain.
56
A
D
E
B
C
F
Planche photo 3: Recul de la
végétation sous l'influence des activités humaines
(Clichés Fofack Mujia Georges, Août 2012 et Juillet
2013)
57
Sur la planche photographique 3, on
observe une kyrielle d'activités humaines qui entraine le recul de la
couverture végétale. Sur les photos A ; B ; C ;
D, on s'aperçoit de l'intensification des constructions
d'habitations sur différents versants de la zone d'étude. Cet
essor de l'habitat sur les versants dû à la forte poussée
démographique que connait la ville de Yaoundé dans l'ensemble,
entraine une diminution significative de la couverture végétale
de ces secteurs. À cause donc des multiples terrassements, remblai,
déblai et du recul de la végétation, les couches
pédologiques sont fragilisées par l'infiltration et
potentiellement sujets à des glissements à court, moyen ou long
terme.
Sur la photo E, on aperçoit des
activités de terrassements pour l'extraction des pierres qui seront par
la suite vendus en blocs, soit concassées en gravier.
Sur la photo F, on observe le recul de la
végétation naturelle au profit des activités agricoles
(Pour ce cas de figure, on observe des champs de maïs sur un versant
à forte pente).
En somme, on peut affirmer à juste valeur que dans
la zone d'étude, la couverture végétale, au fil des
années subie les affres des actions humaines. Celle-ci est
détruite par l'homme pour de multiples fins qui peuvent aller des
constructions aux carrières de pierres en passant par
l'agriculture.
|