Pierre George (2009) dans la
10ème édition du dictionnaire de la géographie
considère l'aléa comme étant un «
évènement incertain qui dépend du hasard » ; en
d'autres termes l'aléa désigne la probabilité d'occurrence
d'un évènement dangereux.
L'aléa est un phénomène qui se
caractérise par son imprévisibilité. Ce concept
récent est emprunté au langage des probabilités et qui se
traduit par la probabilité d'occurrence d'un phénomène.
L'aléa peut être naturel (éruption
volcanique, mouvement de terrain, coulée de boue), technologique
(explosion chimique, accident nucléaire), il peut tout de
même aussi relever de la violence des rapports sociaux
(guerres, manifestations) ou provenir d'autres espèces vivantes
(épidémies, etc.), Heitz (2005)
Son imprévisibilité, est fonction de :
? L'intensité du phénomène
: qui se traduit par l'importance d'un phénomène
(Dauphiné, 2001). Cette intensité est
difficilement prévisible et ce malgré les efforts techniques mis
en place aujourd'hui. L'intensité de phénomènes sociaux
(d'une guerre civile, par exemple) ou de phénomènes naturels tels
que des orages localisés, gardent un caractère souvent
imprédictible. Toutefois, des calculs statistiques ou des simulations
tentent de prévoir les intensités de certains
phénomènes naturels à partir de plusieurs
paramètres tels que l'analyse des évènements
passés, les conditions actuelles du milieu, etc. Dans le cas des
précipitations, des modélisations du fonctionnement du
système à petite échelle tentent de prévoir les
intensités d'événements significatifs (de durée de
retour de 10, 50 ou 100 ans) en fonction de paramètres environnementaux
précis.
26
? Son occurrence spatiale (Où aura
lieu le phénomène ?) : la probabilité d'occurrence
spatiale est conditionnée par des facteurs de prédisposition ou
de susceptibilité (géologique, géomorphologique ou
climatique par exemple).
? Son occurrence temporelle (Quand ?): nul
ne peut prévoir avec exactitude, le moment où un
phénomène va se produire et même la durée de ce
dernier. Dans certains cas, des régularités temporelles de
survenance peuvent être observées (pour les crues, par exemple).
Parfois, des signes annonciateurs peuvent faire redouter l'arrivée d'un
phénomène, sans qu'il soit pour autant possible de
déterminer exactement le moment où il va se produire (les
glissements de terrain, les éruptions volcaniques). Enfin, certains
phénomènes, tels les accidents technologiques ou les
séismes sont totalement imprévisibles. Par retour
d'expérience, il est possible de retracer le cheminement de
l'aléa après la catastrophe et de conclure, à ce
moment-là, à la nécessité de mener à bien
des aménagements futurs pour protéger les populations.
? Sa durée (Quelle durée ?):
L'aléa peut avoir des échelles de grandeur différentes
selon les phénomènes. La cinétique d'un
événement fait référence à cette
durée par rapport à l'échelle de vie humaine.
? Les enjeux et la vulnérabilité
: Ceux-ci sont liés à la présence humaine
(personnes, habitations, activités économiques, infrastructures,
etc.) et sont difficiles à définir. Pour certains
phénomènes, il est possible de prévoir des aires
susceptibles d'être touchées ; permettant ainsi d'identifier les
zones les plus sensibles de celles moyennement sensibles et peu ou pas
sensibles. Il est cependant difficile de savoir où se manifestera
exactement l'aléa. S'il est possible de dresser des cartes des
régions menacées par les séismes par exemple, personne ne
peut prévoir quel sera le prochain site touché. De plus, chaque
aléa possède un mode de diffusion spatiale qui lui est propre,
sur lequel il est parfois impossible d'avoir un impact. Ce qui est le cas pour
les trajets de cyclones ou des nuages toxiques, par exemple. Les aléas
se combinent parfois entre eux, rendant leurs conséquences encore plus
redoutables. De même, les sociétés par leur comportement,
peuvent aggraver l'intensité ou la fréquence de certains
aléas et l'étendue de leurs effets. La figure 3
présente une simulation de l'aléa (inondation pour le
cas de figure).
![](Exposition-aux-risques-morpho-hydrologiques-dans-deux-secteurs-periurbains-de-la-ville-de-Yaounde5.png)
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Sens probable de
submersion par les eaux
Cours d'eau pouvant être affecté par des
crues
Figure 3: Illustration de l'aléa
(inondations)
Source : Bureau des Risques
Géologiques et Miniers, octobre 2006 X.2.2. La
vulnérabilité
C'est une notion complexe qui exprime la sensibilité
globale d'une société vis-à-vis d'un aléa,
l'importance potentielle des dommages subis, la capacité de
réaction de cette société face aux aléas. Les
ingénieurs, les aménageurs, les assureurs s'en tiennent à
une conception étroite, analytique et quantitative de la
vulnérabilité, définie comme « le niveau de
conséquences prévisibles d'un phénomène sur des
enjeux (hommes, biens, bâtiments, infrastructures, etc.» C'est
aussi la probabilité de souffrir des conséquences
d'événements imprévus ou encore la sensibilité aux
chocs extérieurs. C'est assurément une notion plus vaste que
celle de la pauvreté au sens traditionnel (Lipton et Ravallion,
1995). De ce point de vue, la vulnérabilité est
essentiellement physique, économique, sociale, environnementale et
évaluable en tant que telle. Ne faut-il pas dans la définition de
la vulnérabilité, la prise en compte des dommages psychologiques,
moraux, brefs immatériels ? C'est au regard de ce postulat que nombreux
sociologues et géographes, notamment anglo-saxons (Fabiani,
Theys, 1987 ; Alexander, 1993), ont élargi la notion de
vulnérabilité à l'ensemble des modalités d'atteinte
et de réaction d'une société face à un ou des
aléas.
Dans cette perspective plus synthétique et plus
sociale, la vulnérabilité exprime alors la sensibilité
globale d'une société face à un aléa en fonction de
l'intensité et de la fréquence du phénomène en
cause, de la valeur des biens et du nombre de personnes potentiellement
affectés, des capacités de résistance au
phénomène et des capacités de rétablissement des
conditions minimales de fonctionnement de la société. Dans cette
acception, la vulnérabilité est sociale,
globale (elle implique l'ensemble de la société
et de son fonctionnement), et elle est difficile à quantifier en tant
que telle. La vulnérabilité s'inscrit dans un système qui
englobe les préjudices
28
corporels et moraux aux personnes et l'endommagement
potentiel des éléments exposés (biens de production,
activités socio-économiques et patrimoine).
On peut donc considérer comme vulnérable toute
société qui peut être facilement touchés par un
aléa. Cela peut être une atteinte physique (corporelle),
structurelle (biens ou enjeux matériels) ou encore psychologique. Le
risque et la catastrophe éventuelle n'ont de sens que lorsque
l'aléa survient dans un espace vulnérable : un aléa majeur
n'engendrera aucune catastrophe s'il survient dans un endroit désert.
Cette notion est donc un élément essentiel de la réflexion
théorique sur les risques et les catastrophes. Elle nous rappelle son
étroite relation à une géographie « sociale
».
Cette notion très délicate a été
définie diversement, mais nous nous intéresserons
particulièrement aux deux approches développées par
D'Ercole (1996) et réutilisées dans plusieurs
méthodes de cartographie de la vulnérabilité.
D'Ercole définit la vulnérabilité selon
une approche analytique ou synthétique. L'approche analytique
considère la prévision de niveaux de conséquences pour un
événement naturel sur des enjeux représentés par
les vies humaines, les biens et les activités. Pour chaque enjeu, il
faut une évaluation des dommages en fonction des niveaux d'aléas.
L'approche synthétique consiste en une détermination de la
résilience, c'est-à-dire de la capacité d'un
écosystème à absorber le changement, à persister
au-delà d'une perturbation. La vulnérabilité est faible si
le niveau de résilience est élevé et inversement. Elle
pose alors la question de la durabilité d'un lieu anthropisé dans
des espaces à risques. La vulnérabilité dépend de
plusieurs facteurs :
? Le lieu où sont installés les hommes et
leur concentration en ces lieux. Il est
alors possible de tracer des lignes
d'iso-vulnérabilité (de même vulnérabilité)
autour de lieux à risques,
? Les hommes eux-mêmes :
c'est-à-dire des indicateurs socio-économiques : leur
niveau
de développement, leur santé, leur âge, etc, sont autant de
facteurs qui les rendent plus ou moins vulnérables.
? Divers facteurs humains susceptibles
d'amplifier ou de limiter la sensibilité des
hommes ou des
installations humaines aux aléas : la présence de postes de
secours, la qualité du bâti, la présence ou non des
structures de santé, etc.
Il n'existe pas de vulnérabilité
intrinsèque, mais une vulnérabilité pour chacun des
aléas concernés. La vulnérabilité dépend des
éléments exposés et de leur résistance. Elle est
caractéristique d'un site à un moment donné. Elle est
modulable et évolutive en fonction de l'activité humaine.
29
La figure 4 illustre les enjeux susceptibles
d'être endommagés ou de subir des détériorations,
des dégradations en cas de la montée rapide des eaux
(inondations).
![](Exposition-aux-risques-morpho-hydrologiques-dans-deux-secteurs-periurbains-de-la-ville-de-Yaounde6.png)
Enjeux
Figure 4: Illustration des enjeux
Source : Bureau des Risques
Géologiques et Miniers, octobre 2006
On se rend à l'évidence que la
vulnérabilité est ici variable en fonction de la position
topographique en particulier : plus les enjeux humains sont localisés
à proximité du lit du cours d'eau plus la
vulnérabilité est élevé indépendamment des
caractéristiques techniques des habitations et des conditions
micro-économiques des habitants des demeures et inversement.
Toutefois dans la perspective d'une analyse de la
vulnérabilité rendant compte de façon non exacte, mais
proche de la réalité de terrain, plusieurs échelles et
dimensions doivent être incorporées dans le schéma
d'analyse de celle-ci. La figure 5 suivante illustre les
dimensions à prendre en compte dans l'analyse de la
vulnérabilité.
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![](Exposition-aux-risques-morpho-hydrologiques-dans-deux-secteurs-periurbains-de-la-ville-de-Yaounde7.png)
INTENSITÉ DU
PHÉNOMÈNE
FACTEUR DE RESISTANCE
DOMMAGE
STRUCTUREL
BIEN
F
MODES ET NIVEAUX D'ENDOMMAGEMENT
FACTEURS
INSTITUTIONNELS
FACTEURS
SOCIO-
ÉCONOMIQUES
FACTEURS HUMAINS
VULNERABILITE
ÉLÉMENTS EXPOSES
PERTURBATION FONCTIONNELLE
PHÉNOMÈNE
ACTIVITÉ
F
FACTEURS
FONCTIONNELS
FACTEURS
CONJONCTURELS
FACTEURS TECHNIQUES
PERSONNE
PREJUDICE CORPOREL
: Niveau d'endommagement FS : Structurel FF :
Fonctionnel FC : Corporel
F
INTENSITÉ DU PHÉNOMÈNE
FACTEUR DE PROTECTION
FACTEUR DE MOBILITÉ
PERCEPTION
FACTEURS COGNITIFS
Figure 5 : Les facteurs à prendre en
compte dans l'analyse de la vulnérabilité Source :
Adaptation auteur à partir de Leone F., Asté J.P. ,
Leroi E. (1996) 13
13 « L'évaluation de la
vulnérabilité aux mouvements de terrains : pour une meilleure
quantification du risque » In Revue de géographie
alpine. 1996, Tome 84 N°1. pp. 35-46.
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Au regard de ce qui précède, le constat
apparent qui surgit, tient au fait que la vulnérabilité est un
concept plus complexe, et donc la compréhension et surtout
l'évaluation et l'analyse repose sur une pléthore de
critères et de paramètres notamment sociaux et économique
(André G., 2004)14