II.1.4. CONCEPTION CLASSIQUE ET KEYNESIENNE SUR L'EPARGNE
ET LE TAUX D'INTERET
La théorie économique est fortement
marquée par le débat entre les libéraux et Keynes sur le
facteur explicatif de l'épargne des ménages. Avant Keynes, les
économistes libéraux considèrent que l'acte
d'épargne consiste à renoncer à une consommation
immédiate au profit d'une consommation future ; comme l'individu
préfère le présent d'autant que le futur est marqué
d'incertitude, celui qui accepte de reporter sa consommation dans le temps est
dédommagé par un taux d'intérêt. Dans cette
perspective, on dit que le taux d'intérêt rémunère
l'abstinence qui est le prix du temps, la récompense de l'entente,
l'expression de la préférence pour le présent.
L'épargne est donc une « offre de fonds
prêtable » qui dépend comme toute autre offre de son prix,
c'est-à-dire du taux d'intérêt : plus le taux
d'intérêt est élevé, plus l'offre de fonds,
l'épargne est élevée.
Sur les marchés des fonds prêtables, cette offre
est confrontée à une demande. Cette analyse considère que
l'investissement qui compose la demande de fonds : seules les entreprises
investissent et comme on suppose qu'elles ne font pas d'autofinancement tout
investissement se traduit par une demande de fonds mais de façon
décroissante des taux d'intérêt : selon une
hypothèse qui parait vraisemblable financé par l'emprunt est
d'autant plus fort que le taux d'intérêt est faible.
Il existe dès lors un taux d'intérêt
d'équilibre qui égalise l'investissement et l'épargne, cet
équilibre n'est possible que parce que l'épargne et
l'investissement dépendent tous deux d'une même variable qui est
le taux d'intérêt, l'un de façon croissante l'autre
décroissante.
Keynes remet en cause cette construction grâce à
deux innovations :
D'une part, il met en évidence des déterminants
différents de l'investissement et de l'épargne : si
l'investissement est bien toujours selon lui fonction décroissante du
taux d'intérêt, en revanche, l'arbitrage entre l'épargne et
la consommation ne s'opère pas en fonction du taux
d'intérêt mais du revenu, dans ce cas la propension marginale qui
est la part du revenu consacrée à l'épargne croit avec le
revenu. Dès lors un déséquilibre entre épargne et
investissement est possible.
Arbitrage par le taux
Revenu
Consommation
Épargne
22 Jean Pierre Faugère et Collette Voisin,
op.cit., p50-51
Placement
Arbitrage par le taux
Détention de la
monnaie
Epargne
Arbitrage fx du revenu
Revenu
29
Toute fois et c'est la deuxième innovation de Keynes,
à partir de ce déséquilibre ex hant qui entraine un
processus d'équilibrage macroéconomique par une variation du
revenu global : si l'épargne est supérieur à
l'investissement, le revenu se contracte, ce qui entraine une diminution de
l'épargne qui s'ajuste ainsi à l'investissement.
Selon la théorie du producteur, un investissement
additionnel autonome I0 entraine une croissance du revenu Y, avec Y=k Y, k
étant
l'inverse de la propension à épargner du revenu.
Il en résulte une croissance de l'épargne E égale à
I0.
L'investissement engendre une épargne qui lui est
égale. L'équilibre atteint peut être un équilibre de
sous emploi, mais les pouvoirs publics peuvent, en stimulant l'investissement
intervient afin de permettre d'atteindre un équilibre de plein
emploi.
Par ailleurs, le taux d'intérêt qui ne permet
plus dans la théorie keynésienne un ajustement entre
l'épargne et l'investissement intervient dans un autre arbitrage entre
actifs placés qui sont mobilisés et rapportent un
intérêt et actifs liquides qui peuvent être utilisés
immédiatement mais qui n'apportent aucun revenu.
Pour Keynes, détenir de la monnaie c'est se priver
d'intérêt lié à un placement comme nous l'avons
démontré au premier chapitre sur le coût de la
détention de la monnaie, le taux d'intérêt est alors la
prime de la renonciation à la liquidité.22.
Au total, pour les classiques, l'épargne est fonction
du taux d'intérêt qui est le prix du renoncement à la
consommation alors que pour le keynésien, l'épargne est fonction
du revenu et le taux d'intérêt est le renoncement à la
liquidité, comme le montrent les figures ci-après :
a) pour les classiques b) pour les keynésiens
Epargne
Io, épargne
Ie
i
Ie
Investissement
30
Investissement
Epargne
Revenu
Re
A partir de ces figures, nous constatons que pour les
classiques, l'arbitrage entre consommation et épargne ne dépend
que des variations de la seule variable : taux d'intérêt tandis
que pour les keynésiens, au premier degré, c'est le revenu qui
explique l'arbitrage entre la consommation et l'épargne ; en second
lieu, c'est-à-dire au niveau de l'épargne, l'individu
opère un choix entre le placement ou la détention de la monnaie
selon que la variable « taux d'intérêt » subit des
fluctuations.
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