2.5. Végétariens,
végétaliens et végans : entrepreneurs de morale ?
A travers ces différentes parties, nous avons pu
constater que l'influence semble être un facteur important dans la
décision d'une conversion à l'une des trois pratiques
d'alimentations et de modes de vie. Par conséquent, si les
expériences des végétariens, des végétaliens
et des végans constituent un support dans la conversion et dans
l'entrée d'une carrière des végétarismes,
peuvent-ils représenter des entrepreneurs de morale ?
C'est-à-dire avoir pour but de faire adopter une nouvelle norme.
« L'influence emprunte des ressorts différents.
C'est ce que le sens commun reconnaît quand il associe par synonymie
influence et manipulation. Influencer quelqu'un, ce n'est pas le
contraindre par la représentation ou l'ostentation de la force qu'on est
en mesure de mobiliser contre lui pour qu'il « amène le pavillon
» ; c'est conduire « en douce » l'influencé à voir
les choses du même oeil que l'influenceur. On peut donc considérer
l'influence
55 En raison de l'inexistence d'individu
n'étant pas « passé » par le végétarisme
dans le cadre des entretiens, ce fait a pu être observé lors des
nombreuses interactions au cours de différentes manifestions sur Paris
et Amiens, de 2014 à 2016.
41
comme une forme très spécifique de pouvoir, dont la
ressource principale est la persuasion »56.
Comme il a pu être précisé, les
connaissances acquises permettant de vivre dans les meilleures conditions
à la fois pour entamer une conversion et y rester peuvent
représenter un facteur important dans une carrière. De plus, la
durée de la pratique peut être également source de
légitimité aux yeux d'un végétarien, d'un
végétalien, d'un végan ou d'un omnivore souhaitant adopter
un nouveau régime alimentaire sans produit carné. La
participation des végétariens, des végétaliens et
des végan dans les débats, les discussions ou les questions ne
peut donc être sans conséquences. En mettant en avant leurs
connaissances, des articles, des images, des vidéos ou des reportages,
ils dirigent les autres individus vers leurs points de vue, leurs
représentations, leurs visions sur les pratiques alimentaires, les
questions environnementales, les questions en lien avec les animaux, etc.
Néanmoins, des convergences peuvent apparaître
notamment chez les végans. En ce sens, certains discours peuvent
être perçus comme trop « extrêmes » chez certains
végétariens ou autres puisque dans ces discours, la pratique du
végétalisme et surtout du végétarisme fait souvent
face aux attaques des végans, étant taxé de pratiques
« incomplètes ». Les arguments misent en avant concernent
l'exploitation des animaux. Ainsi, un végétarien continuerait de
participer à l'exploitation animale en consommant des produits laitiers,
du miel et des oeufs alors qu'un végétalien continuerait cette
exploitation à travers les loisirs et l'achat de cuire, laine, etc.
Cependant cela ne doit pas être perçu comme un aspect
réducteur de ces pratiquants puisque ce n'est pas représentatif
de cette population. Il ne s'agit ici que de souligner l'existence de
discordances chez une même population dans la manière d'informer
les végétariens ou les individus souhaitant arrêter la
viande.
Pour finir, certaines personnalités publiques jouissent
d'une certaine médiatisation et d'une légitimité
auprès du public végétarien, végétalien et
végan, mais aussi d'un public n'étant pas converti à l'une
de ces pratiques. Apportant leurs contributions dans la cause animale, dans
l'éthique ou bien dans l'environnement, voici une liste non-exhaustive
de ces personnalités : le duo Paul Watson et Pamela Anderson, le
journaliste Aymeric Caron, le célèbre moine bouddhiste Matthieu
Ricard, le philosophe Peter Singer et l'activiste Gary Yourofsky. De plus,
l'apport de diverses associations depuis le XIXe siècle quant
à la cruauté envers les animaux de rente57, les
animaux domestiqués et de compagnie ainsi que les espèces
sauvages et leurs milieux naturels n'est pas en vain en ce qui concerne les
représentations des hommes envers les animaux et leurs traitements.
L'ensemble de ces acteurs participe alors en tant
qu'entrepreneurs de morale envers les individus omnivores. Les entrepreneurs de
morale peuvent alors être défini de trois façons :
? Les végétariens, les végétaliens et
les végans participant à la conversion des omnivores
56 Boudon, R., & Bourricaud, F. (1982).
Dictionnaire critique de la sociologie. Presses universitaires de
France, p. 318.
57 Cf. La création de la
Société protectrice des animaux (SPA) en 1845 et loi Grammont de
1850 qui sanctionne les mauvais traitements commis en public sur les animaux
domestiques.
42
? Les végétariens, les végétaliens et
les végans participant à la conversion interne
(végétarisme à végétalisme -
végétalisme à véganisme)
? Les associations et les personnes publiques pouvant
influencer un individu dans sa conversion (même si elles ne constituent
pas à elles seules l'unique moyen de conversion)
|