1.7- Revue critique et thématique de la
littérature
Cette partie est essentiellement consacrée à la
recension des écrits se rapportant au présent sujet de recherche.
En effet de nombreuses recherches ont été réalisées
dans le domaine de l'adoption et de la vulgarisation des Nouvelles Technologies
de l'Information et de la Communication et particulièrement du
téléphone mobile. Cette démarche a donc pour but de faire
un bilan critique (état des lieux) de certains travaux significatifs qui
ont été réalisés dans ce domaine. C'est une
occasion pour nous de connaître la portée des concepts, de
découvrir les théories les plus explicatives des faits
observés et de participer de cette manière au débat
scientifique pour l'avancement des connaissances dans le domaine de la
sociologie urbaine et de la communication.
Les recherches réalisées dans le domaine des
usages des médias et des technologies se caractérisent par une
grande variété, à la fois dans les objets de recherches
privilégiés, les problématiques développées
et dans les positions théoriques qui les fondent. Nous subdivisons pour
notre part cette revue en deux grandes parties :
- La première est consacrée à quelques
approches explicatives de l'adoption des NTIC ;
- La deuxième partie est réservée
à la place des NTIC dans la problématique du développement
en Afrique.
1.7.1- Approches explicatives de l'adoption des NTIC
L'invention et la diffusion des Nouvelles Technologies de
l'Information et de la Communication ont généré, chez les
chercheurs, un large éventail d'idées et de points de vue sur la
façon dont elles sont adoptées et diffusées au sein d'un
groupe social. On peut diviser les prises de positions et les orientations
épistémologiques qui les sous-tendent en plusieurs
catégories. Mais dans le cadre de ce travail, nous avons retenu quatre
approches explicatives de l'adoption des NTIC.
1.7.1.1-Le paradigme diffusionniste
Le paradigme diffusionniste ou encore le modèle de la
diffusion date de la fin des années 1980. Les recherches qui
relèvent de ce type d'approche, analysent l'adoption d'une innovation
technologique au moment de sa diffusion, c'est-à-dire sans prêter
attention à l'étape de la conception de la technologie
étudiée. Le paradigme diffusionniste est né du paradigme
de la diffusion des innovations dont le principal instigateur est Rogers
(1962). Les travaux de ce dernier s'inscrivent dans une longue tradition
anthropologique placée sous le nom de
« diffusionnisme ». Kroeber (cité par Belanger,
1992), le père du diffusionnisme s'est intéressé à
la pénétration des innovations dans le tissu culturel.
Dans ce modèle qui contribue considérablement
à alimenter les connaissances sur la façon dont une innovation
circule à travers les réseaux sociaux, l'adoption est
perçue comme un processus caractérisé par plusieurs
phases, c'est-à-dire de l'exposition de l'usager à l'innovation
jusqu'à la confirmation ou le rejet de l'adoption.
Selon Rogers (op.cit), les caractéristiques de
l'innovation telles que perçues par les individus déterminent son
taux d'adoption et dans ce cadre, les médias et donc l'information joue
un rôle important, mais la communication interpersonnelle est
déterminante dans le processus de prise de décision quant
à l'adoption d'une innovation. Faisant appel à d'autres approches
théoriques comme celle de la mondialisation, le paradigme
diffusionniste identifie cinq attributs caractérisant une
innovation : son avantage relatif, sa compatibilité avec les
valeurs du groupe d'appartenance, sa complexité, la possibilité
de la tester, et sa visibilité. Les usagers sont classés selon
cinq profils types : les innovateurs, les premiers utilisateurs, la
première majorité, la deuxième majorité et les
retardataires. Cette typologie permet de suivre l'évolution du taux
d'adoption (qui décrit une courbe en forme de S). Le profil des
adoptants passerait d'un groupe marginal à un groupe plus large
d'adoptant, puis à un bassin de plus en plus représentatif de la
population en général.
Pour Flichy (1995), l'intérêt majeur du
modèle diffusionniste est d'avoir permis de décrire tout le
réseau social de circulation d'une innovation au sein d'une
société. En définitive, Rogers et ses partisans partent du
principe qu'il suffit d'introduire une technologie au sein d'un groupe pour que
celui-ci l'adopte soit dans l'immédiat ou à un rythme plus lent.
La technologie finit par s'imposer aux individus passifs. L'adoption d'une
technologie est facilitée par le discours de l'action et des promoteurs
qui magnifient ses bienfaits.
Replacée dans le cadre de l'adoption du
téléphone mobile, cette théorie implique qu'il suffit que
l'information soit divulguée sur cette technologie, et son adoption se
fera progressivement et parfois par le biais de ses promoteurs que sont les
opérateurs de téléphonie mobile à travers la
publicité.
Néanmoins, ce modèle de la diffusion en raison
de son déterminisme technologique a fait l'objet de nombreuses
critiques. Parmi les plus courantes, on peut citer le caractère
pro-innovateur de cette théorie, en particulier en ce qui concerne la
typologie des adoptants en « types- idéaux » (Bardini, 1996).
La présence de ce biais empêche de tenir compte
des phénomènes d'abandon après l'adoption, pourtant
très importants dans l'analyse ; l'usager peut décider en
effet de rejeter l'innovation à n'importe quel moment, et pas seulement
lors de la prise de décision.
La critique majeure faite au modèle diffusionniste
concerne le statut de la technique. Selon Boullier (1989), Rogers a
contribué à propager une conception fausse de la notion de
diffusion, à savoir celle selon laquelle la diffusion d'une innovation
interviendrait seulement lorsque l'innovation est achevée et prête
à être adoptée. Cette vision positiviste de la technologie
révèle une passivité chez les usagers, qui acceptent
l'innovation. Ce n'est qu'à la troisième édition de sa
théorie que Rogers a intégré la notion de «
réinvention » pour rendre compte de la façon dont les
usagers modifient le dispositif qu'ils adoptent.
En définitive, le paradigme diffusionniste met en avant
le caractère déterministe d'une innovation technologique qui
finit par s'imposer aux membres (considérés comme passifs) d'un
groupe social où il a été introduit. Mais, cette
théorie ne tient compte que des aspects techniques lors de la diffusion
d'une innovation technologique, occultant ainsi la dimension sociale,
très chère au modèle de la traduction.
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