II.I.3. L'humanisme ou l'universalité de
l'homme'.
Si nous supposons un « autre » comme un point de
départ : il arrive, il est là, mon besoin devient alors
jouissance, je suis à nouveau libre, « j'existe, moi ; j'existe,
homme ». Mais tant que le monde change, et il changera, lui, l'«
autre » aussi peut changer ; et alors, la compagnie qui est liberté
ne se résume pas à un sujet seulement. Le monde doit être
mon compagnon. Ce monde qu'on appelle l'homme...c'est ma
liberté dans cette vie incohérente, c'est moi. Sans
oublier que l'homme est liberté.
« Maintenant, je ne pense plus pour personne...
»2 ; les « gens » libres « ne se troublent
pas » et je ne connais plus que moi à présent,
moi qui implique, « l'autre », autrui, l'homme,
l'existence et le monde,..., une responsabilité, une contraste
correspondance. La responsabilité qui n'est ni d'un raison, ni d'une
raison à moi, mais d'une obligation existentielle bien raisonnable dans
ce monde incohérent où tout le monde existe condamné dans
sa situation. D'autre part, le terme « moi-homme » est lié
très étroitement à un autre non-relatif «
exister-pour-autrui » qui sont tous deux caractéristiques de
l'identité humaine parée à toute situation contingente ou
ordinaire.3
Sinon, « rien ne peut être bon pour nous sans
l'être-pour-tous »4 ; autant que l'homme, chez Kant, est
un concept universel dont chaque homme en est un exemple particulier.
Cependant, ici, cet universalisme n'est pas inné du droit mais
plutôt de l'existence qui s'affluera donc avec le droit naturel humain.
C'est-à-dire que l'homme est l'homme et que chacun est homme, mais
l'existence individuelle est une existence et non pas une nature
déterminée pour tous : chacun part de son existence et de sa
propre conscience, c'est universel ; mais chacun se projette
catégoriquement pour construire son essence
selon son choix.5 D'où, il y a donc surtout « un
être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun
concept (...) »6 ; et l'habille ne fera ainsi donc pas le
moine, malgré une égalité apparente qui constitue
l'universalisme humain. D'un côté l'existentialisme (...)
conçoit et perçoit l'univers à partir de la
réalité humaine. Ce qui fait à peu près que
l'homme soit l'univers : tributairement,
l'homme est l'homme, parce que l'univers est l'ensemble des « res
» existants,
1 SARTRE, L'Existentialisme,
Op.cit., pp.69-70.
2 SARTRE, La Nausée,
Op.cit.
a Sartre parle plus clairement de l' «
être-pour-tous », un « être » comme seul
possibilité d'une bonne chose de
la vie, puisqu'il s'agit d'une existence « sociale ».
Voir SARTRE, L'Existentialisme, Op.cit., p.26.
4Loc.cit.
51bid. p. 20.
6lbid. 21.
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« unusversum »1.
Ainsi, la valeur n'est ni dans le droit encore, ni en
Dieu, mais dans l'existence, dans la façon et le comment d'être...
parmi les hommes « Cela signifie que l'homme existe d'abord (...) et il se
définit après »2. Il n'est
pas dans le «un », il se verse dedans ou dehors ou
à côté... L'homme est ainsi lui-même, mais il n'est
rien de plus définissable que ce qu'il se fait par sa
subjectivité, et non donc pas ce qu'il voudra, mais ce qu'il aura
projeté d'être. En d'autre terme, l'humanisme n'est autre que
l'humanité comme égalité d'existence et de liberté
entre tous les hommes Les échanges ne se limite ainsi donc plus au
sujet, le tout de l'intersubjectivité se développe de
façon libre, effective, et sans altération. Le courageux engage
le monde dans le courage, le propre engage le monde dans la propreté, la
corruption engage la corruption, le choix engage dans la responsabilité,
et l'univers engage dans l'unité. Toute formulation et toute sentence
s'applique alors non à un homme, mais à l'homme à ce stade
: ainsi, la sentence qui s'applique au voleur doit être une sentence
à laquelle le voleur lui-même s'engage ; et lorsque l'homme
s'engage ou ne s'engage pas, alors celui qui ne s'engage pas ou s'engage n'est
plus dans cette unité, il devient altérité, un
être-en-soi. Mais il faut que cette unité soit libre : il s'agit
d'un pont flottant ou d'une résolution entre l'individuation et
l'indifférenciation de l'action et de la pensée originelle de ces
actions, fondé sur la dignité et la nature libre de l'homme Si le
bouddhisme a ces préceptes pacifistes, le christianisme sa communion,
... il s'agit désormais d'un comment pratique ?
Dans le temps, l'éducation enseigne que lorsque les
« gens » appelaient, les enfants devaient répondre tout de
suite, quoique cet appel est l'assurance d'une attente, d'un engagement
(désiré ou non : des tâches, des cadeaux, des reproches,
etc.). Il fallait répondre en toute circonstance, et c'est un principe
de vie, un phénomène égalitaire régit par le
concept général de réciprocité, par la philosophie
de l'unité. Une réponse inconvenante serait alors tout simplement
une insolence : c'est-à-dire un non respect ou une anomalie
étrange qui agite, plutôt qu'une réponse qui allie. Une
réponse est réponse quand elle est modérée. Ces
temps de paix, symbole de la consistance subjective, sont presque
révolus, oubliés dans les traditions anciennes ; mais le monde
appelle encore incessamment. C'est cet état d'unité qui
caractérise l'homme au-delà des discours ontologiques des
sciences : telle est l'universalité humaine.
Pourtant, à un objet extérieur qui apparait, on
constate phénoménologiquement une interaction du sujet avec
l'objet. L'objet peut atteindre chaque sujet d'une façon à une
autre
1 Mots latins. Tourné (versus)
ou allant de manière à former un ensemble, un tout
(unus). 2lbid., pp. 22-23. [«
L'homme est responsable de ce qu'il est »]
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selon le sujet. Que ce soit par une haine, une
indifférence, une fascination,... pour les uns ; que ce soit, par le
plaisir, l'excitation, la douleur, la souffrance,... pour les autres ; cette
connexion se limite-t-elle à une simple phénoménologie ?
« Un jour parfait pour faire un retour sur soi »l, dit
Sartre. On peut se demander si les sentiments viennent de l'extérieur ou
de l'intérieur. Lorsque la nausée est comprise en effet,
comme une des chemins vers la liberté, pour en faire un
quatrième livre, cela a fortement ses raisons. « Il faut prendre le
dessus[sinon on souffrira], en avare »2. Si la
vérité se trouve inévitablement dans « la
fermeté et la consistance », et qu'il s'ensuit après que
l'homme qui m'intéresse pourra bien plus
m'ennuyer3 : certes, c'est parce que je ne me sens plus
libre du tout à force de m'intéresser4. Cela
signifie que l'intérêt est ce phénomène qui fait que
le rapport sujet à sujet devienne un rapport subjectif d'objets et
d'intérêts. Mais la rencontre intersubjective, aussi ennuyeuse
qu'elle puisse être, conduit vers une réciprocité qui
appelle nécessairement à une responsabilité quelconque :
négative ou positive, violente ou pacifique, effective ou factice, etc.
Ces responsabilités considèrent toutes, sans exception, la
possibilité d'une liberté, d'une aise, ou à tout le moins
d'un sursit, d'un répit. Reste à savoir, laquelle est
succès, et laquelle est échec au vu de cet objectif naturel et
irréfléchi. Tout cela est strictement ontologique, de l'en-soi
humain, au pour-tous. Mais comme la vérité est dans la
consistance, seul le succès compte pour une ontologie de la
liberté : les échecs ne seront pas des réponses comme il
convient, mais autres choses. C'est tout brièvement le problème
vécu de nos jours : l'on pense répondre, mais on n'y est
aucunement. Rien ne correspond à rien, et l'homme devient alors un
inconnu pour l'homme puisque le tout repose sur cet être que l'homme ou
la liberté universelle est5.
Et on en vient à la question : Qu'est-ce donc la
liberté humaine, en réalité ? Puisque tout homme est
liberté, et que tout homme est unique par distinction (en tant que
être-pour-soi) et par humanisme (en tant que sujet-total :
être-pour-soi et être-pour-autrui dans le monde), malgré son
universalité. Ce, pour dire que chacun paraît avoir sa
liberté, pour laisser concevoir une nième de libertés
antagonistes contre l'unité humanitaire. La liberté est
l'universalité (hormis l'égalité apparente), et
l'universalité implique une unité ; or, la liberté
1 SARTRE, La Nausée,Op.cit., p.30.
2SARTRE, Ibid. p. 26.
31bid. p.28.
a A quoi consiste en effet que s'intéresser,
mis à part s'ennuyer ? L'ennui est la ferme consistance de
l'intérêt : c'est la vérité, et c'est sa
vérité.
s Que ce « soit
» signifie que ce est statique,
qualificativement stable, fini, certain, etc. : ce qui « est » ne
change pas, ce qui « est » n'agit pas, « ça » reste
ce qu'il « est ». Et l'homme qui « est»
avant l'achèvement de son existence est qualifié
d'inauthentique ou de réifié par l'Existentialisme.
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est individuellement personnelle : il manque donc une
correspondance entre l'« individu » et la «personne ». La
question est : De quelle côté est la liberté ?
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