Analyse du rôle de l'organisation des nations unies et de l'union africaine dans le règlement du conflit en république centrafricaine.( Télécharger le fichier original )par Hervé BONGISA Université Protestante au Congo (UPC) - Licence 2016 |
§2. ActeursIl y a eu de relever que le conflit centrafricain est nos seulement polysémique mais aussi et surtout multidimensionnelle. Pour le saisir, nous sommes dans l'obligation d'insisté sur ces acteurs tant interne(A) qu'internationaux (B). A. Acteurs internesDepuis début décembre 2012, et à la suite du coup d'Etat de mars 2013, la Centrafrique sombre dans l'anarchie, avec des conséquences néfastes sur la population civile. Depuis janvier 2014 le conflit politique prend la tournure d'un conflit religieux. Nous allons essayer d'analyser les relations entre différents acteurs dans ce conflit afin de mettre en évidence sa complexité. Nous avons souhaité dans un premier temps analyser la situation fin 2012, à la veille du coup d'Etat contre M. Bozizé, à travers l'utilisation de l'outil «oignon» qui permet de présenter les différentes positions publiques, ainsi que les divers intérêts et besoins des deux parties prenantes principales à l'origine du conflit (La Seleka et le gouvernement de M. Bozizé). En effet, cet outil permet de révéler la face cachée des intérêts et des besoins des deux parties, très éloignées de leurs positions officielles. En ce qui concerne le gouvernement, malgré des effets d'annonce répétés promettant une réforme de l'armée, rien n'a été réellement effectué dans ce sens. En effet, l'intérêt du gouvernement est de maintenir une armée faible, dans le but de conserver un monopole politique. Du côté de la Seleka, les revendications publiques concernent la tenue des promesses du gouvernement par rapport aux accords internationaux de Birao - 200736(*). La Seleka demande également la restitution des matières premières qui sont accaparées par l'Etat et dont l'exploitation ne bénéficie pas à la population. Les intérêts sous-jacents de la Seleka sont tout d'abord la vengeance face à l'exclusion de M. Djotodia, fondateur de l'UFDR, de la scène politique par M. Bozizé en 2006. La rébellion recherche donc une place sur l'échiquier politique, mais également, et avant tout, à reprendre une certaine mainmisse sur les matières premières. En effet, les besoins réels de la Seleka sont de renverser le président Bozizé afin de maximiser son profit et d'obtenir une représentativité politique pour la région du Nord-est, jusqu'à présent négligée par l'Etat. Après avoir analysé la situation fin 2012, nous allons maintenant exposer la situation actuelle, c'est-à-dire en février 2014, afin de montrer l'évolution rapide du conflit : multiplication des acteurs impliqués, passage d'un conflit politique à un conflit interconfessionnel, escalade de la violence... 1. Ex-Seleka La rébellion Seleka, qui est une coalition de plusieurs groupes très hétérogènes, est officiellement dissoute en septembre 2013 par son leader Michel Djotodia. Seule l'Union des forces démocratiques pour le rassemblement reste sous les ordres de M. Djotodia. Les autres groupes combattants d'ex-Seleka continuent à semer la terreur dans le pays, multipliant les exactions, les actes de torture, les pillages et violences sexuelles vis-à-vis de la population chrétienne. Certains groupes de l'ex- Seleka se retirent vers le Nord du pays en laissant leurs armes à des musulmans qui s'en prennent aux chrétiens37(*). 2. Les « anti-balaka » et les fidèles au Président déposé Bozizé Face à des exactions commises contre la population chrétienne, des groupes d'autodéfense appelés « anti-balaka» se sont créés. Très rapidement, ces groupes n'ont plus cherché seulement à se défendre face à des Seleka, mais ont commencé à commettre des exactions contre la communauté musulmane. Cela provoque des batailles à répétition et une répression antichrétienne meurtrière par la Seleka38(*). Depuis mi-janvier les exactions contre les musulmans se sont intensifiées. Les « anti-balaka » embrigadent les jeunes désoeuvrés et en souffrance pour semer des troubles. Toutefois, ces milices ne sont pas véritablement homogènes. Il y a une tendance qui réclame le retour du président destitué Bozizé. L'autre tendance exige le départ de Djotodia qui est musulman du Nord et s'était autoproclamé chef de l'Etat en mars 2013. Aujourd'hui, on assiste à une véritable rupture entre les « anti-balaka » qui ont rendu les armes (et ceux qui souhaitent le faire) et ceux qui veulent poursuivre la lutte armée39(*). 3. La population civile Les « anti-balaka » ont exacerbé dans le pays le sentiment anti-musulman. Ce sentiment a pris une telle ampleur qu'il s'agit, selon certaines ONG, d'une épuration ethnique dont les communautés musulmanes sont les victimes. Certaines exactions se passent sous les yeux des autorités de transition (lynchage d'un centrafricain de confession musulmane lors de la célébration de la renaissance des forces armées centrafricaines). Par ailleurs, les communautés musulmanes elles-mêmes se livrent à la violence en s'attaquant aux communautés chrétiennes. Il est à noter que jusqu'à présent les deux communautés cohabitaient pacifiquement. Il existait des tensions latentes entre chrétiens et musulmans mais qui n'étaient pas exprimées. 4. Les autorités religieuses Les abbayes et les mosquées deviennent souvent des lieux de refuge pour les populations civiles qui fuient la violence. Les autorités religieuses chrétiennes ou musulmanes ont une position ambiguë. En effet, de part et d'autre certaines tentent de réconcilier la population civile et d'autres exacerbent la haine envers l'autre communauté. 5. Les ONG Elles ont le soutien moral de la communauté internationale mais pas les moyens réels d'accomplir leur mission auprès de la population civile. Les ONG et même les agences onusiennes sont victimes de pillage de la part des groupes soutenant le président déchu Bozizé. Elles restent souvent les seules informatrices de la situation et sont en dialogue permanent avec la communauté internationale et le gouvernement de transition. Par ailleurs, étant donné que les populations civiles trouvent leur refuge dans les mosquées ou églises, le travail des ONG est concentré dans ces zones. D'autant plus que l'accès à la population civile en dehors de ces sanctuaires est rendu extrêmement difficile en raison des pillages et d'un climat d'insécurité. 6. Le gouvernement de transition Après la destitution de M. Djotodia, c'est Catherine Samba Panza, la seule candidate ayant le soutien des deux groupes armés ennemis, qui est élue à la présidence intérimaire de la Centrafrique le 20 janvier 2014. Après avoir été élue, elle lance un appel à déposer les armes et cherche à établir un dialogue entre les communautés musulmane et chrétienne. Son gouvernement intègre également des membres de l'ex-Seleka. En ce moment, le gouvernement de transition soutenu par la communauté internationale cherche à réintégrer les milices « anti-balaka » mais aussi les ex-Seleka soit dans l'armée régulière, soit dans la vie civile à travers le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). Cependant, certaines factions issues des deux milices refusent de se rendre d'où la persistance du conflit avec le gouvernement. * 36 Voir page 7-8, Rapport, République centrafricaine : Les urgences de la transition, International Crisis Group, 11 juin 2013. * 37 RFI « Centrafrique : vaste opération Sangaris-Misca à bangui », 15 février 2014 * 38 MUNIE Vincent « Agonie silencieuse de la Centrafrique », le Monde diplomatique, n°14, octobre 2013, p. 79 * 39 RFI « RCA : Quelques « gros poissons » anti-balaka aux mains de la Misca, 16 février 2014 |
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