WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Analyse du rôle de l'organisation des nations unies et de l'union africaine dans le règlement du conflit en république centrafricaine.

( Télécharger le fichier original )
par Hervé BONGISA
Université Protestante au Congo (UPC) - Licence 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE I. PRESENTATION DE LA RCA, DE L'ONU ET DE L'UA

Ce chapitre va d'abord présenter brièvement la RCA (Section 1), et ensuite il va présenter l'ONU et l'UA (Section 2).

SECTION 1. PRESENTATION DE LA RCA

En règle générale, il sied de comprendre que le conflit centrafricain renferme diverses réalités au point que son étude devient de fois complexe et fascinante.12(*)

Faisant nôtre l'approche polémologique, nous somme persuadé de ce que la maitrise de ligne maitresse et point fondamentaux de ce conflit passe inévitablement par la compréhension de ses origines et de ses acteurs.

En effet, il n'y an point de doute sur le fait que la RCA connait une histoire qui justifie les affres et les calamités qu'elle est entrain de subir de nos jours. Depuis son accession à la souveraineté tant nationale qu'internationale, elle a toujours accusé certaines faiblesses qui à n'en douter, se trouvent au centre de toutes les situations néfastes.13(*)Aussi, est-il vrai de rappeler que la connaissance des acteurs de ce conflit permet également d'en cerner la portée et l'étendue. Ce conflit n'est pas le fruit du hasard ; il est justifié par plusieurs paramètres qu'ils importent de passer en revue. Comme nous pouvons le comprendre, entant qu'un Etat, la Centrafrique ne saurait échapper à l'approche systémique, c'est-à-dire elle est un ensemble d'élément qui constituent un tout indissociable, de sorte que si l'un deux est affectée, les autres les seront également. Ce qui va nous pousser à examiner les enjeux de ce conflit dans toutes leurs acceptions.

La République Centrafricaine, aussi appelée Centrafrique, en Sango Ködörösêse tî Bêafrîka, est un pays  d'Afrique centrale en voie de développement, dont la population est estimée à 4 500 000 habitants, pour une superficie d'environ 623 000 km². Il est entouré par le Cameroun à l'ouest, le Tchad  au nord, le Soudan  et le Soudan du sud  à l'est, la République Démocratique du Congo  et la République du Congo au sud. Le pays est membre de l'Union Africaine, de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique centrale  et de la Communauté des Etats sahélo-sahariens.

Le pays est partagé entre savanes  et forêt équatoriale (au sud), et connaît pour l'essentiel un climat tropical14(*). La République Centrafricaine dispose par ailleurs de nombreuses ressources naturelles, notamment l'uranium, l'or et les diamants. Le pétrole et l'énergie hydroélectrique sont d'autres ressources potentiellement importantes inexploitées à ce jour.

Le territoire de la République Centrafricaine recouvre celui de la colonie française d'Oubangui-Chari, qui fait partie de l'Afrique-Equatoriale française de 1910 à 1960. Après l'indépendance, le pays a eu à sa tête différents régimes autoritaires, notamment celui de Jean Bedel Bokassa, président, puis empereur autoproclamé. L'ancienne puissance coloniale continue d'y jouer un rôle important. Les premières élections libres dans le cadre du multipartisme  ont eu lieu en 1993. Elles portent au pouvoir Ange-Félix Patassé, renversé en 2003 par François Bozizé. Celui-ci, réélu en 2005 et 2010, est à son tour renversé en 2013 par la Seleka, une alliance de milices, pendant la deuxième guerre civile de Centrafrique.

La Centrafrique est un pays enclavé sans accès à la mer. L'essentiel de la frontière sud du pays suit le cours du fleuve Oubangui et de son affluent le Mbomou.

La partie nord du pays constitue le haut bassin du fleuve Chari, le mont Ngaoui avec ses 1 420 m est le point culminant. Le pays est partagé entre savanes et forêt équatoriale (au sud). Le pays souffre d'inondations en raison du manque d'entretien des fleuves et des débits impressionnants qu'engendre la saison des pluies en Afrique centrale. La déforestation est, quant à elle, constatée dans les zones de brousse (où les paysans utilisent le bois pour leur nourriture et les constructions), mais semble endiguée dans les zones forestières (voir aussi : Foret du bassin du Congo). Les sources du ministère des forêts et du développement rural de la République Centrafricaine semblent prouver que depuis 30 ans, la forêt gagne sur la savane, cas exceptionnel dans le monde. De gros efforts d'aménagement et de protection des forêts sont en effet engagés durablement, avec pour objectif d'éviter l'érosion, de protéger la faune et de préserver cette richesse rare qu'est la grande forêt centrafricaine.

Le climat tropical domine l'essentiel du pays avec une saison humide de mai à octobre et une saison sèche de novembre à avril. Au sud, la frontière des deux Congo, le climat est de type équatorial, intertropical de Carnot à Berberati à l'ouest, subsaharien vers Birao  au nord avec une saison sèche pouvant aller de 8 à 9 mois, et intertropical mais frais et orageux sur les reliefs.

La limite sud des territoires où l'Islam est majoritaire passe au nord du pays. Par ailleurs, la République Centrafricaine est entourée des pays dont les tensions se répercutent sur son territoire. Un mouvement dit « Armée de Résistance du Seigneur (LRA) », originaire d'Ouganda pourrait être présent dans le sud-est du pays, proche du Soudan du sud. Enfin, le pays servirait parfois de base arrière à des « groupes de trafiquants et de braconniers ».15(*)

Les français colonisèrent la région à la fin du XIXe siècle et l'administrèrent sous le nom d'Oubangui-Chari. À l'époque, c'est un territoire stratégique dans le projet colonial français, qui a pour objectif de traverser le continent africain d'ouest à l'est. Ce projet est stoppé net en 1898 à Fachoda, lorsque la mission française est repoussée par une expédition britannique remontant vers le Caire depuis le sud du continent et la crise de Fachoda qui suivit. Le territoire devient partie intégrante de l'Afrique-Equatoriale Française (AEF) dès 1910, jusqu'à son indépendance.

Durant la seconde guerre mondiale, la colonie se joignit aux Forces alliées, le pays devient la République Centrafricaine le 1er décembre 1958 et proclame son indépendance le 13 août 1960.16(*)

Depuis, le pays a conservé le français comme langue officielle, utilisée dans les documents administratifs, alors que le sango, langue véhiculaire, agit comme unificateur du pays, permettant à chacun de se comprendre, même sans éducation scolaire avancée.

Le premier chef de l'État, Barthélemy Boganda, est considéré comme le père de la nation centrafricaine. Parlementaire à Paris, il fut l'auteur de  « brûlots réguliers et de demandes de maintien » de tous les droits français au peuple d'Afrique équatoriale française. Parlementaire français véhément, il prônait depuis longtemps l'indépendance des colonies et avait proposé la création d'un État d'Afrique centrale unique, groupant Gabon, Congo, Cameroun et République Centrafricaine. Il y voyait la seule solution permettant d'éviter l'éclatement de la région en territoires trop petits, non viables, et sans rôle à jouer sur la scène internationale. Il meurt le 29 mars 1959, peu après son élection, dans un accident d'avion dont les causes n'ont jamais été élucidées.

En 1965, lors du « coup d'Etat de la Saint-Sylvestre», Jean-Bedel Bokassa renverse son cousin David Dacko et prend le pouvoir. Le 4 décembre 1976, il s'autoproclame empereur Bokassa Ier. Il met alors en place une politique très répressive dans tout le pays.

En septembre 1979, « l'opération Barracuda », organisée par la France, renverse Bokassa et remet au pouvoir David Dacko. En effet, depuis quelque temps Bokassa se rapprochait de plus en plus de Kadhafi dont la politique au Tchad est en contradiction complète avec les intérêts français.

David Dacko lui succède encore brièvement. Il sera chassé du pouvoir le 1er septembre 1981 par le général André Kolingba, qui établit un régime militaire. André Kolingba restera au pouvoir jusqu'en 1993, année où, suivant le courant de démocratisation lancé par le sommet de La Baule, les premières élections multipartites ont lieu et Ange-Félix Patassé est élu président de la République. À la fin des années 1990, les « compagnies juniors » canadiennes, investies dans plus de 8000 propriétés minières, dans plus 100 pays, pour la plupart encore à l'état de projet, multiplient les contrats avec des pays africains parmi lesquels la République Centrafricaine, où elles ont cependant du mal à se faire une place, la Colombe Mines, possédant les principaux sites diamantifères.

En 2001, une tentative de coup d'État provoque de violents affrontements dans la capitale, Bangui. Après une nouvelle série de troubles et malgré l'intervention de la communauté internationale (MINURCA), le 15 mars 2003, le général François Bozizé réussit, avec l'aide de militaires français (deux avions de chasse de l'armée française survolaient Bangui pour filmer les positions des loyalistes pour le compte de Bozizé) et de miliciens tchadiens (dont une bonne partie va rester avec lui après son installation au pouvoir), un nouveau coup d'Etat et renverse le président Patassé. Le général Bozizé chasse alors les rebelles congolais, auteurs de méfaits et crimes innombrables, notamment dans et autour de Bangui.17(*)

§1. Causes

De toute évidence, est enlisant de prés, le conflit Centrafricain, nous nous apercevons, combien il est utile de jeter un regard considérable sur ses origines.

Par ailleurs, il ne faudra pas perdre de vue de ce conflit qui oppose divers acteurs dont l'étude s'avère incontournable pour la bonne compréhension du sujet sous examen. Epiloguer sur les origines d'un conflit dans le cadre d'une approche polémologique, affirme le professeur NDESHYO RURIHOSE consiste à en rechercher les causes, mieux les raisons de son existence18(*). C'est pour nous l'occasion de répondre à la question de savoir d'où vient le conflit centrafricain et quelles en sont la justification profonde.

Les études ont démontré qu'un Etat ne vaut en fonction de ce qui a été hier.

En d'autre terme, la crise que traverse la Centrafrique traduit l'idée que ce pays coeur de l'Afrique a connu une histoire peu heureuse au point que le tribalisme a hanté les moeurs et a divisé substantiellement les populations.

Pour atteindre le résultat escompté et saisir la quintessence de la section sous rubrique, il est d'un intérêt majeur de subdivisé ces causes en deux points :

· Les causes lointaines (A) ;

· Les causes proches ou récentes (B)

A. Les causes lointaines

Avant l'an dernier, la Centrafrique n'avait jamais connu de conflits religieux -contrairement à d'autres pays plus ou moins lointains, comme le Nigeria ou le Mali, où des insurrections djihadistes ont fait éclater des tensions religieuses qui couvaient depuis longtemps, voire au Soudan voisin, où l'opposition entre musulmans et chrétiens était très ancienne19(*). En Centrafrique, les croyants de religions différentes vivaient en paix depuis des siècles.

Si sa population fut dévastée par l'esclavagisme arabe, à l'inverse de nombreux pays subsahariens, la rancune des Centrafricains ne se faisait pas sentir.

Quand en 1976, après une visite en Libye, le président centrafricain Jean-Bedel Bokassa prêta allégeance au Coran et changea de nom pour Salah Eddine Ahmed, ses compatriotes majoritairement chrétiens (à 85%, contre environ 15% de musulmans) ne lui en tinrent pas grief. Ils savaient que sa conversion visait à attirer les largesses de Mouammar Kadhafi et ils avaient bien conscience que Bokassa, avec son harem de femmes étrangères qu'il n'appelait pas par leur nom, mais par leur nationalité, n'avait rien d'un saint. Et ils ne furent pas surpris et encore moins scandalisés quand, peu de temps après, il regagna le giron de l'Eglise catholique.20(*)

Après avoir obtenu de la France son indépendance, le pays allait connaître cinq coups d'Etat et jouir d'une seule véritable élection, en 1993, mais aucun de ses présidents n'est mort dans l'exercice de ses fonctions. Les vaincus ne cherchent pas querelle s'ils ploient sous les adieux du peuple et les usurpateurs, en quantités généralement familières, restent sur leurs gardes quand les accueils sont pacifiques. 

Durant les neuf derniers mois, ce qui restait de l'Etat centrafricain s'est effondré avec de graves conséquences humanitaires (400 000 personnes sont déplacées et presque la moitié de la population a besoin d'aide humanitaire). Le gouvernement de transition et la force de sécurité régionale ont été incapables de freiner la chute dans l'anarchie aussi bien en zone rurale qu'en zone urbaine et notamment à Bangui.

L'histoire politique de ce pays d'environ 3,5 millions d'habitants, est jalonnée de soubresauts politiques, entraînant une instabilité institutionnelle et conjoncturelle défavorable à son développement.

La République Centrafricaine couvre une superficie de 622 000 km2, caractérisée par l'usage de la langue sango et ayant pour voisins, le Cameroun à l'ouest, la République du Congo et la République Démocratique du Congo au sud, le Soudan à l'Est et le Tchad au nord. Sur le plan externe, la RCA vit dans un environnement marqué par l'instabilité, tous ces voisins sauf le Cameroun, ayant connu un conflit armé. Sur le plan interne, elle a subi pendant une dizaine d'années des crises militaro-politiques à répétition qui ont affecté le tissu socio-économique et les forces de défense et de sécurité.

Aujourd'hui, la Centrafrique affiche le visage d'un pays politiquement instable, économiquement faible, et dans lequel le niveau d'insécurité dans l'arrière-pays reste une source de préoccupation. L'instabilité politique domine et dès l'indépendance les conditions posées pour que s'installe un conflit latent sur les bases de l'absence de jeu démocratique. David Dacko est porté au pouvoir et met rapidement en place un régime autoritaire à parti unique. Dès lors, le recours à la force s'impose comme « le mode ordinaire d'accession et de maintien au pouvoir »21(*). Les coups d'Etats se succèdent sur fond de manipulations et d'enrichissement personnel des dirigeants africains soutenus par les services secrets français, c'est ce que Verschave désigne sous le nom de Françafrique22(*).

Le multipartisme est autorisé tardivement (en 1991), force est de constater qu'il y a peu d'alternance, les élections sont contestées et se déroulent dans un climat très tendu, émaillées d'émeutes et de pillages sans lendemain. Les trois mutineries de 1996 vont entrainer le pays dans le cycle de la violence armée entre opposition et dirigeants en place.

La gestion tribale de l'état initiée par Kolingba va aboutir à la première guerre civile à partir de 2002 et va marquer l'entrée dans le conflit ouvert. Comme le définit Brice Arsène Mankou23(*), le tribalisme résulte avant tout de l'incapacité et de l'impuissance des leaders politiques africains à asseoir les principes démocratiques dans leur pays, et de poursuivre : « Ils deviennent ainsi des dictateurs capables de sacrifier leur peuple pour leurs propres intérêts ». Philippe Hugon, directeur de l'institut stratégique des relations internationales affirme «  les satrapes centrafricains ont toujours manqué de légitimité et ont ethnicisé leur pouvoir dans une logique néo patrimoniale »24(*).

C'est ainsi que jusqu'en 2007, les interventions françaises parviendront à désamorcer l'escalade des violences mais à partir de 2010 la France reste à l'écart, et ce, malgré les appels de Bozize en 2012, dont le pouvoir est menacé par l'avancée rapide du mouvement Seleka que les Forces Armées Centrafricaines (FACA) fantoches sont incapables de stopper. Le 25 mars Djotodia est élu par « acclamation », ce président illégitime et sans autorité sur la Seleka sera incapable de mettre un terme aux exactions des miliciens démobilisés comme à celles des milices anti-balaka désormais animées par un sentiment de vengeance.

Le conflit prend alors une toute nouvelle dimension. Il s'est opéré en RCA un glissement d'un conflit politique à un conflit multidimensionnel. Le conflit prend actuellement une tournure religieuse avec une escalade des violences entre communautés chrétiennes et communautés musulmanes. On assiste donc à une transformation du conflit initial.

Afin de comprendre le conflit qui se déroule aujourd'hui en RCA, nous avons choisi de nous intéresser aux causes profondes du conflit et à ses symptômes, à savoir aux différentes formes de violences. Il s'agit donc ici de décrypter le contexte de la formation de l'Etat centrafricain depuis son indépendance en 1960 afin d'identifier les facteurs chrysogènes. Leur identification ainsi que leur interprétation permettra donc en dernier lieu de mieux appréhender la situation actuelle. Il semble également intéressant de se pencher sur la mise en place d'une culture de la violence en RCA et sur ses conséquences présentes.

Dans une première partie, il sera question de traiter le caractère instable du contexte centrafricain afin d'identifier les causes profondes du conflit actuel, les motivations et la présence des différents acteurs et montrer, dans une seconde partie que la conjonction de ces éléments génèrent une violence permanente massive qui revêt de multiples formes qui vont entrainer le conflit dans une nouvelle phase, celle du conflit interreligieux.

La république Centrafricaine est aujourd'hui qualifiée d'Etat fantôme par de nombreux auteurs. Bien que cela soit un concept occidental, il semble tout de même nécessaire de souligner en RCA l'absence de toute forme de fonctionnement étatique. Selon notre analyse, quel que soit le modèle d'Etat adopté, cette qualification d'Etat fantôme signifie un Etat creux/vide sans capacité de diriger d'une façon ou d'une autre. Il faut souligner l'inadaptation du modèle étatique wébérien aux dynamiques locales d'organisation sociétale.

Afin de comprendre la situation dans laquelle se trouvent le pays et en particulier le conflit qui a éclaté en 2012 et qui se poursuit aujourd'hui, il semble pertinent de s'intéresser au contexte de la République Centrafricaine depuis son indépendance.

L'instabilité chronique en RCA et la rupture actuelle reposent sur de nombreuses causes :

Depuis l'indépendance du pays, il y a eu pas moins de sept coups d'Etats. Cette récurrence des prises de pouvoir violentes a institué en RCA une culture de la violence et de l'impunité politique. Par ailleurs cette prolifération des coups d'Etat témoigne en RCA d'une incompétence politique et de l'absence d'une culture démocratique. On assiste donc en République Centrafricaine à l'accaparement du pouvoir par un seul homme et au profit de sa famille élargie. On parle même de personnalisation du pouvoir. Ainsi, il existe en RCA une réelle absence de légitimité politique. Cependant cette légitimité s'acquiert par les armes, la répression et la manipulation de l'opposition.25(*)

Par ailleurs, ces coups d'Etats successifs ont été soutenus par la France, ancienne puissance coloniale. La France a, à de maintes reprises, cautionné le pillage des ressources, la corruption au sein du gouvernement, la prédation de l'aide au développement. Valery Giscard d'Estaing, par exemple, entretenait des relations étroites avec l'Empereur Bokassa et en a même profité (scandale des diamants).

L'héritage colonial est aussi pesant en République centrafricaine comme dans les autres pays de la région. Ainsi la colonisation a été très brutale pour la population. On mentionne souvent la maltraitance coloniale (travaux forcés, esclavagisme, perturbations des cultures traditionnelles, chocs épidémiques ou encore diffusion massive d'armes à feux). Cette brutalité coloniale a eu pour conséquence l'augmentation du mécontentement et le développement d'une culture de la résistance en RCA contre la domination.

Par ailleurs, on peut noter un sous-investissement chronique dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la politique et de l'administration pendant la période coloniale. Enfin, l'Etat centrafricain a été créé au mépris des réalités géographiques et démographiques. Ainsi le concept de l'Etat comme on l'attend dans le monde occidental a été plaqué en Centrafrique et nécessite d'être questionné.

La RCA se trouve également dans une région très instable. Le pays est enclavé et possède des frontières avec le Tchad, le Soudan, le Soudan du sud, la République Démocratique du Congo, le Congo, et le Cameroun.26(*)

Entourée de pays en trouble, on observe très fréquemment le déplacement de ces conflits sur le territoire centrafricain. Ainsi, on a pu noter en RCA la présence de mouvements rebelles de la République Démocratique du Congo comme le Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba qui appuya la répression de Patassé après la tentative de coup d'Etat du Général Kolingba. Les mouvements rebelles tchadiens sont également présents comme le Front Uni pour le Changement (FUC) qui tenta en 2006 de renverser le président Tchadien Idriss Deby. On note également la présence de la Lord Resistance Army (LRA) de Joseph Kony en 2008. Enfin, la RCA est aussi prise dans le jeu des rivalités régionales (par exemple entre Tchad et le Soudan).27(*)

La RCA, surnommée à l'époque coloniale « la cendrillon de l'empire » et disposant d'une position stratégique lors de la guerre froide, a été négligée par la communauté internationale depuis le début des années 1990. La communauté internationale a souvent été préoccupée par d'autres conflits.

Cependant, la RCA a très rapidement accumulé les facteurs chrysogènes qui mèneront à l'éclatement du conflit de 2012 (absence d'état de droit, situation humanitaire alarmante, culture de la violence et de l'impunité, prolifération des mouvements rebelles pour n'en citer que quelques-uns).

Dès l'arrivée au pouvoir d'Ange-Félix Patassé en 1993, le pays se retrouve dans un état de rébellion permanente qui se traduit par une rupture avec l'opposition légaliste et la fin de la compétition politique pacifique. On assiste donc à un cercle vicieux où le seul moyen d'accéder au pouvoir se fait par les armes. Cet état de rébellion permanente est entretenu par le fléau de la mauvaise gouvernance qui selon M. Ziguelé, du Mouvement pour la Libération de Peuple Centrafricain et Ex-Premier Ministre, est le premier mal de l'Afrique avec la gabegie. Il y a en RCA et cela depuis l'époque coloniale une confusion entre les intérêts privés et publics et donc entre pouvoir économique et politique. 28(*)

On parle également en RCA de malédiction des ressources. Le pays est riche en matières premières comme le bois, l'or, l'uranium ou encore les diamants.

Cependant le pays ne réussit pas à en tirer parti et ce pour plusieurs raisons comme l'absence d'infrastructures, l'enclavement mais aussi l'exploitation illégale de ces ressources et le détournement de leurs revenus. Ainsi, on observe en République centrafricaine un effort déséquilibre en matière de développement. Ainsi le développement du nord et ses populations ont été négligés. Il existe dans cette région un manque cruel de services publics (administration, éducation, santé) et une absence de voies de communication.

Dans la gestion de l'Etat, on peut également mentionner la négligence des forces de sécurité comme facteur d'instabilité en RCA. Ainsi, la garde présidentielle a souvent été privilégiée par les dirigeants centrafricains au détriment des Forces Armées Centrafricaines (FACA). Le régime de François Bozize en est une parfaite illustration, sa garde présidentielle était essentiellement composée de membres appartenant à sa famille élargie et étaient reversées dans les FACA toutes les personnes lui étant hostiles.

Enfin, pendant la période coloniale, les colons français ont créé la notion d'ethnicité et ont figé les identités des peuples indigènes. Ces mêmes identités seront plus tard instrumentalisées par Patassé ou encore Bozize pour accentuer les clivages entre peuple du fleuve ou peuple de la savane, autrement dit entre peuple du sud et peuple du nord afin de diaboliser les opposants.29(*)

Enfin, il semble que la population centrafricaine souffre du « syndrome barracuda ». Cette dernière n'a plus d'emprise sur son destin depuis la période coloniale. La multiplication des prises de pouvoir violentes et le soutien français aux régimes répressifs font de la violence le seul recours pour la population.

Ces nombreuses causes sont donc à la base de l'instabilité qui règne en RCA depuis son indépendance en 1960 mais également du conflit qui a éclaté en 2012 et qui semble se transformer aujourd'hui. Cette « absence de l'Etat » aura eu pour conséquences la perte du monopole de la violence légitime ainsi que la perte du contrôle sur l'ensemble du territoire et donc une prolifération des groupes armés, l'utilisation de la RCA comme base de repli pour les mouvements rebelles des pays limitrophes ou encore la prolifération des trafics illégaux en tout genre susceptibles d'alimenter le conflit. Par ailleurs, la tradition d'impunité et de violence politique, le naufrage économique de la RCA et la grande paupérisation de sa population exacerbent le mécontentement et créent un contexte de violence généralisée où la violence devient le seul recours.30(*)

La République Centrafricaine est aujourd'hui encore plus isolée et en passe de devenir une zone grise alors qu'elle se trouve dans une situation humanitaire alarmante (plus de 400 000 personnes déplacées et la moitié de la population nécessite une aide d'urgence). A partir de ces facteurs chrysogènes, on assiste à la montée des clivages religieux entre musulmans et chrétiens et un risque de basculement vers le nettoyage ethnique voire même le génocide.

* 12 Lire à cet effet NDESHYO RURIHOSE O., L'héritage de l'OUA à l'UA : La quête permanente de l'Unité africaine, Kinshasa, EUA, 2009, p. 125

* 13 ANDEMICAEL et BERHANY KUN, le règlement des différends survenus entre les Etats africains. Rôles respectifs de l'OUA et de l'ONU, New-York R, 1993, p.89

* 14 Yarisse Zoctizoum, op.cit, p.300.

* 15 Zoctizoum Yarisse, Histoire de la Centrafrique, L'Harmattan, Paris, 1983-1984, 1vol, tome II, 1879-1959, p.300.

* 16 MONUC Magazine, n°29, mai-juin 2005, pp.24-27

* 17 MONUC Magazine, n°37, mai-juin 2005, pp.34-38.

* 18 NDESHYO RURIHOSE O., op.cit, p. 225.

* 19 Lire à ce propos, MAVUNGU MVUMBI-di-NGOMA, Les relations interafricaines, Paris, PUF, 1990, p.109.

* 20 MAVUNGU MAVUMBI-di-NGOMA, op.cit., p. 110

* 21 Stéphane AKOA, ?La crise centrafricaine-Quels risques pour la région??, Conférence, 9 février 2014, UPMF, Grenoble.

* 22 François-Xavier Verschave, De la Françafrique à la Mafiafrique?», 2004, Tribord, 70 p.

* 23 Brice Arsène Mankou, «?Le tribalisme, », Le Portique, 5-2007 | Recherches, mis en ligne le 14 décembre 2007, in www.unitéafricaine.com, consulté le 15 décembre 2015.

* 24 Concept de JF MEDARD, l'Etat est une coquille bureaucratique héritée de la colonisation mais les détenteurs du pouvoir exercent des formes de domination patrimoniales (clientélisme, népotisme...), Paris, Dalloz, 2015 p.134

* 25 Lire à ce propos MAMADOU ALIOU BARRY, La prévention des Conflits en Afrique de l'ouest, Paris, Karthala, 1997, p. 176

* 26 Lire à ce propos NDESHYO RURIHOSE O et al. L'antidérive de l'Afrique en désarroi. Le plan d'action de Lagos, Kinshasa, 1985, p. 189

* 27 Idem, p. 190

* 28 Brice Arsène MANKOU, op.cit., p.39.

* 29 Idem., p. 111.

* 30 Brice Arsène MANKOU, op.cit., p. 112.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams