2.2 Les stratégies des clubs sur le marché
des transferts
En vingt ans, les stratégies des clubs concernant le
marché des transferts des joueurs de football ont significativement
évoluées.
Comme le précise l'article d'Eurosport46,
l'arrêt Bosman est l'expression utilisée pour définir le
football moderne et justifier la fuite des talents vers l'étranger.
Véritable révolution dans le
46MORIN CYRIL « l'arrêt Bosman a 20 ans, on
vous explique tout en une image », Eurosport, 15/12/2015
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système de transfert des joueurs sur le marché
Mercato, il est donc important de s'y attarder un instant.
Remontons 20 ans en arrière. Avant l'arrêt
Bosman, le règlement des ligues de football autorisait tout au plus
trois joueurs étrangers sur le terrain. A cela s'ajoutait une seconde
règle : le club pouvait demander une indemnité financière
pour chaque joueur en fin de contrat, si ce dernier souhaitait rejoindre un
autre club.
En 1990, Jean-Marc Bosman (plus célèbre par son
nom que par ses talents de footballeur) jouait pour le club du RFC
Liège. Son contrat arrivant à terme, ce dernier souhaite
rejoindre le club de Dunkerque en D2 française. Son club refuse cette
demande mais soumet une contre-proposition. Le club français doit verser
une compensation financière au club belge. Mécontent de sa
situation en raison de l'abus de pouvoir de son ancien club, Jean-Marc Bosman
saisit alors la Cours de Justice des Communautés Européennes. Le
15 Décembre 1995, la justice lui donne raison. Après son action
en justice, l'arrêt Bosman a révolutionné le football
moderne, permettant d'abandonner le principe reposant sur trois joueurs
étrangers sur le terrain. Les équipes anglaises, à l'image
du club d'Arsenal, ont profité de cette nouvelle règle pour
attirer des joueurs de toute l'Europe, ce qui a bien évidemment eu de
nombreuses conséquences sur le marché des transferts, aussi
appelé « Mercato ».
Il est important de rappeler une règle fondamentale. Si
la libre circulation entre les clubs est rendue possible pour les joueurs
européens, la règle est cependant différente pour les
joueurs extra-communautaires. En effet, les clubs sont toujours soumis à
des quotas par équipe pour les joueurs non européens, sauf ceux
qui sont rattaché à l'Espace Economique Européen (Suisse,
Russie) et ceux ayant ratifié « l'accord Cotonou
». 47 Par exemple en France, le nombre est
limité à quatre joueurs extra-communautaires.
C'est donc à partir de cette période que les
transferts de joueurs ont explosé avec une augmentation significative de
la mobilité de ces derniers.
Comme l'atteste l'étude réalisée par
l'Observatoire des footballeurs professionnels (PFPO) en 2009, les attaquants
sont les joueurs les plus mobiles. Environ 4,15 transferts en moyenne sur une
période de 10 ans. A contrario, la mobilité est plus
réduite pour les gardiens : 3,42 ou les défenseurs : 3,14.
47 L'accord rassemble les Etats d'Afrique, Caraïbes et du
Pacifique.
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L'arrêt Bosman est ainsi un bouleversement
économique dans le monde du football, notamment via des hausses des
salaires des joueurs « stars », permettant de les attirer aux
dépens des autres équipes. Cela a par ailleurs permit de
réorganiser les structures organisationnelles des clubs de football.
Comme le soulève le rapport mensuel de l'observatoire du football du
CIES48, les clubs les plus fortunés ne se soucient plus des
centres de formation, avec la relève des nouvelles
générations de footballeurs puisqu'il est possible aujourd'hui
d'acheter des joueurs venus de l'étranger.
Une autre conséquence économique de l'arrêt
Bosman : l'essor d'un marché noir des joueurs. En effet, la
possibilité de recrutement des joueurs n'ayant plus une limite spatiale,
certains clubs européens ont saisi cette opportunité pour
récupérer des joueurs dans des conditions plus que douteuses
notamment dans les pays en voie de développement (Afrique et
Amérique latine par exemple). Ceci étant, nous y reviendrons plus
amplement prochainement.
Les clubs n'hésitent donc plus à acheter des
joueurs qui seront « économiquement rentables » c'est à
dire avec un prix d'achat très faible et des salaires différents
selon les joueurs africains et européens. L'Afrique et l'Amérique
latine possèdent de nombreux talents. La formule pour les clubs est donc
simple : l'objectif est d'acheter un joueur sur ces continents à un prix
dérisoire et si ce dernier devient une « superstar », le
revendre à prix d'or. Cela permettra au club de dégager une
plus-value non négligeable.
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