1.2 Les gains financiers des coupes européennes pour
les clubs
La ligue des Champions ou Champions League (en anglais) est
considérée en Europe comme le championnat le plus prestigieux.
Fondée en 1993, elle remplace la « Coupe des Clubs Européens
» qui était une coupe où les vainqueurs des championnats
nationaux et le vainqueur en titre de cette coupe de l'édition
précédente pouvaient se rencontrer. La Champions League regroupe
trente-deux des meilleurs clubs européens.
Ce tournoi est très prisé par les
différents clubs car il s'avère être très lucratif
financièrement. En effet, l'Union Européenne des Associations de
Football (UEFA), qui est la haute instance de régulation du football
européen, procède de manière autonome à ses propres
appels d'offre pour la vente des droits de retransmission TV des
compétitions européennes. Elle génère donc une
masse d'argent considérable. De plus, c'est le comité de cette
même instance qui décide de la redistribution des recettes. A
titre d'exemple, sur la saison 2012-2013, 905 millions d'euros ont
été perçus par les 32 clubs ayant disputé la
Champions League, le reste des gains ayant été
redistribués à diverses associations et à l'UEFA pour les
frais administratifs et d'organisations.
Comme le révèle les archives de la haute
instance européenne, la seule participation à une phase de poule
du tournoi assurait un gain de 8,6 millions d'euros par club. Chaque victoire
représentait un million d'euro de gain et 500 000 euros pour des matchs
nuls. A cela s'ajoute une prime variable, appelée « market-pool
», correspondant aux gains perçus par chaque club grâce aux
retransmissions TV, versées par les chaînes de
télévision nationales.
Cela a un impact économique considérable.
Reprenons l'exemple du Paris-Saint-Germain. Avec un budget annuel estimé
à 400 millions d'euros, le PSG est de loin le club français le
plus riche de France. Il existe une corrélation entre la richesse d'un
club et son classement au championnat, lui assurant l'année suivante une
place directe en Champions League et ainsi pouvant profiter des dotations
financières juteuses qui lui sont associées.
Comment sont décomposées les dotations
financières lorsqu'un club participe à cette compétition
?
17
L'équation est simple. Les dotations financières
sont composées de l'addition des primes de participation, des primes de
performance et du fameux « market-pool ».
Lors de l'édition 2013-2014, le PSG et l'Olympique de
Marseille ont perçu respectivement 33,9 et 23,8 millions d'euros de
« market-pool » alors que le total des dotations s'élevait
à 54,4 millions pour le PSG et 32,4 millions pour l'OM. Il est donc
facile de conclure que le « market-pool » constitue la majeure partie
des revenues des clubs. De surcroît, on peut facilement conclure que
seulement quelques clubs captent la majeure partie des dotations
redistribuées par l'UEFA.
Participer à une compétition européenne,
telle que la Champions League, résulte d'un mécanisme dit
« auto-entretenu ». En effet, participer
à ce tournoi permet d'accumuler des gains que d'autres clubs ne peuvent
obtenir. A long terme, l'écart financier se creuse entre les clubs et
plus riches et ceux qui le sont moins. Ce mécanisme donne ainsi moins de
chance aux clubs moins riches de concurrencer les plus forts. C'est pour cette
raison que la Champions League réunit quasiment chaque année les
mêmes clubs. Les dotations financières provenant de cette
compétition sont par la suite reversées aux clubs, permettant
d'acheter de nouveaux joueurs ou d'investir dans de nouveaux projets
d'infrastructures et donc de donner plus de chance à ces clubs de finir
en haut de classement l'année suivante. On peut donc dire que ce
mécanisme laisse de côté ceux qui se retrouvent dans une
spirale qui ne leurs permettent pas d'accéder à ce genre de
compétition. Ces clubs dits de « second plan » sont souvent
ceux que l'on retrouve dans le ventre mou du classement du championnat national
c'est à dire des clubs qui ne gagnent rien mais ne perdent rien non
plus. D'après l'étude menée par l'économiste
Pavlovski en 2010, la probabilité de se qualifier pour la Champions
League est de 0,84 pour les équipes ayant participé la saison
précédente alors qu'elle n'est que de 0,03 pour les clubs n'y
ayant pas participé. Cela crée donc des disparités entre
les championnats nationaux.
Après avoir analysé ce qu'était la
Champions League et son fonctionnement, il semble intéressant de
s'attarder sur la puissance financière de cette compétition.
Comme le révèle les récentes publications
du site de l'UEFA, les recettes de droit de la Champions League et de l'Europa
League se sont accrues de 57 millions d'euros.
Cette hausse considérable doit son explication dans
l'avantage des gains de change. D'un point de vue purement financier,
l'affaiblissement de l'euro face au dollar américain et de la
18
livre sterling sont responsables de cette évolution
positive.
De surcroît, les droits de retransmission et les droits
commerciaux ont également augmentés. Les recettes ont atteint
1,47 milliards d'euros pour la saison 2013/2014, soit une hausse de 3,3% par
rapport à l'édition précédente où les gains
s'élevaient à hauteur de 1,42 milliards d'euros.
L'UEFA met en place chaque année une prévision
des recettes. Il s'avère que pour l'exercice 2014/2015, un
excédent de +83,3 millions était disponible en fin de saison. Ce
surplus de gain a permis à l'UEFA de les redistribuer de la
manière suivante :
- aux clubs ayant participé à la Champions
League.
- aux clubs ayant disputé les matchs de barrages de
cette compétition, soit au total 32 clubs.
- aux clubs ayant participé à la Super Coupe de
l'UEFA.
Ce résultat qui ne laisse personne indifférent,
montre que cette compétition est toujours plus appréciée
du grand public.
Les deux clubs qui disputent la Super Coupe de l'UEFA (le
gagnant de la Champions League contre le gagnant de l'Europa League) sont
également financièrement récompensés par un montant
fixe.
Comment se font les versements aux clubs ayant disputé la
compétition ?
Selon les règles de l'UEFA « les
versements aux clubs de l'UEFA Champions League sont les parts de
marchés proportionnels à la valeur des recettes des droits de
diffusion au sein des territoires respectifs des associations nationales
»10.
Cette règle signifie que chaque club ne recevra pas les
mêmes revenus puisque le système de distribution est variable
selon chaque pays. Ainsi, il est tout à fait possible que deux clubs
ayant atteint le même palier de stade d'une compétition
européenne, ne soient pas forcement rémunéré au
même montant.
Par ce cheminement analytique, il est même fortement
probable que le gagnant de cette compétition ne soit pas celui qui gagne
le plus.
10« Rapport financier 2014/2015 », UEFA,
février 2015
19
Cependant, on observe que les recettes augmentent
continuellement. Le graphique « recette de l'UEFA relative
à la Champions League (en million d'euros)
»11 retranscrit nos propos.
![](Les-strategies-politico-economiques-du-football-professionnel-depassent-elles-celles-des-terrains2.png)
Il est tout aussi intéressant d'analyser
financièrement les gains selon les échelles de la
compétition. Le tableau ci-dessous est tiré du livre
« Economie du Football professionnel » de
Bastien Drut.
Pour ce faire, nous avons retenus deux éditions
(2011/2012 et 2014/2015) pour pouvoir comparer ces évolutions de gains
selon les paliers atteints lors de la compétition.
En millier d'EUR
|
Cycle courant 2014/15
|
Cycle précèdent 2011/2012
|
Matches de barrage
|
2100
|
2100
|
Montant fixe
|
8600
|
7200
|
Prime de résultat - victoire
|
1000
|
800
|
Prime de résultat - match nul
|
500
|
400
|
Huitième de finale
|
3500
|
3000
|
Quart de finale
|
3900
|
3300
|
Demi-finale
|
4900
|
4200
|
Deuxième de la finale
|
6500
|
5600
|
Vainqueur de la finale
|
10500
|
9000
|
L'interprétation du tableau est simple : Elle ne fait
qu'affirmer notre analyse précédente. La compétition de la
Champions League est toujours plus profitable puisque l'on constate qu'à
chaque palier, les gains ont été plus importants. Le vainqueur de
la finale se voit gagner le
11 DRUT BASTIEN, Economie du football professionnel,
collection repère, 2014, p. 43
20
pactole. En plus de tous les gains déjà
récupérés grâce aux précédents
paliers, ce dernier remporte en plus près de 10,5 millions d'euros. De
quoi réinvestir aisément la saison suivante pour encore plus de
profit.
Pour conclure, l'aspect purement sportif et le challenge que
propose la Champion League sont bien évidemment la principale motivation
des clubs à accéder à ce genre de compétition. De
plus, participer à ce tournoi est une forme de reconnaissance à
l'échelle internationale et permet de faire de la publicité
autour des clubs qui y participent. Néanmoins, il est fort à
parier que les clubs prennent aussi en compte l'aspect purement financier de
cette compétition.
La question que l'on pourrait se poser est la suivante :
Est-il possible pour un club moins prestigieux d'exister sur la scène
européenne ?
La réponse est oui. Il existe pour cela une seconde
compétition européenne, certes moins prestigieuse mais avec des
possibilités de gagner de gros gains. Il s'agit de l'Europa League.
Petite soeur de la Champions League, l'Europa League fut créé en
2009 par l'organisme de régulation du football européen,
l'UEFA.
L'Europa League succède à la coupe UEFA, aussi
connue sous le nom de C3. Le fonctionnement de cette compétition de
« second rang » est très similaire à la Champions
League. La seule différence réside dans le prestige de la
compétition qui accueille des équipes moins connues.
A titre d'exemple, lors de l'édition 2012/2013, c'est
près de 209 millions d'euros qui ont été
redistribués aux cinquante-six clubs qui ont participés à
la phase finale de la compétition.
Le gain financier moyen pour un club qualifié pour la
compétition Europa League est de 3,7 millions d'euro. Pour la Champions
League la moyenne est autour de 28,3 millions d'euros. Contrairement à
la Champions League étudiée précédemment, l'Europa
League ne peut contribuer réellement et efficacement au
développement d'un club, ce qui explique son prestige moindre
comparé à sa grande soeur. Pour autant, la compétition
permet à certaines équipes que l'on connaît peu, de se
mesurer sur la scène européenne. Pour plusieurs grands clubs
européens, se qualifier « que » pour l'Europa League est un
manque à gagner voire même une forme de contre-performance. En
comparant le train de vie des clubs du Real de Madrid ou du Bayern de Munich et
les efforts pour parvenir à gagner cette compétition de
21
prestige moindre, il est parfois moins avantageux de
participer à cette compétition, tant les recettes seront maigres
par rapport à la puissance de ces clubs, habitués à jouer
la Champions League.
Prenons l'exemple suivant : lors de la participation à
l'Europa League pour la saison 2012/2013, le club du Rapid de Vienne avait
touché la dotation la plus faible : 1,9 millions d'euros. Cette somme
dérisoire n'a pas permis à l'équipe de subvenir à
des impératifs financiers tant on connaît la valeur de transfert
et de salaires de certains joueurs de cette équipe.
L'Europa League peut même paradoxalement
détériorer les performances d'une équipe. Chaque
championnat européen dispute en moyenne trente-cinq matchs par saison.
Ajouter ce tournoi dans un calendrier déjà bien chargé
peut engendrer des conséquences néfastes pour l'ensemble du club
: fatigue des effectifs, blessures, suspensions des joueurs clefs. Ces facteurs
peuvent avoir une influence sur les performances en championnat, dont
l'objectif premier est de terminer au meilleur classement pour prétendre
jouer la coupe aux grandes oreilles (Champions League). Dans une moindre
mesure, l'Europa League peut être un frein pour accéder à
cette compétition suprême. L'exemple le plus frappant fut sans
doute celui du Paris-Saint-Germain : le PSG aurait reçu 1,8 millions
d'euros en allant jusqu'en quart de finale de la coupe UEFA 2008/2009
(anciennement Europa League) pour 10 matchs de haute intensité.
L'accumulation de la fatigue et des nombreuses blessures peut expliquer le
relâchement en fin de saison du club, ayant terminé à la
6e place du classement, ne permettant pas de se qualifier pour une
compétition européenne la saison suivante.
Quel est donc l'avantage de cette compétition ?
Certains clubs se retrouvent dans cette compétition par
contre-performance tel que Liverpool ou Tottenham pour l'année
2015/2016, tandis que pour d'autres, participer à cette
compétition est une forme de bonus. On peut citer l'exemple de
l'En-Avant Guingamp, qui a eu la chance de disputer ce tournoi après sa
victoire en finale de la Coupe de France, synonyme de qualification directe
pour la compétition Européenne.
Néanmoins, pour un club plus prestigieux, seule la
victoire finale peut être un réel bénéfice.
Ceci nous amène à la conclusion suivante : le
football professionnel est un mélange de sport et d'argent. La
participation à une compétition européenne telle que la
Champions League ou l'Europa League relève autant d'un enjeu sportif que
d'un enjeu financier. Gagner des titres
22
c'est gagner de l'argent. C'est probablement le nouveau mot
d'ordre des plus grandes écuries européennes.
La juxtaposition des termes de recettes financières et
de résultats sportifs ne faisant plus aucun doute, il serait
intéressant d'en étudier le degré de corrélation.
Le football professionnel est-il devenu une multinationale où seuls les
gains sont gages de réussite à l'image de nos plus grands leaders
d'entreprises ?
Le modèle d'Andreff et Staudohar (2000) permet
d'apporter un premier élément de réponse. Comme
l'affirment les deux économistes, les clubs sont récemment
passés d'un modèle «
spectateurs-subventions-sponsors » à un modèle
«
média-corporate-merchandising-marché-globalisé
»12.
Comparons deux saisons :
- saison 1970/1971 : les revenus des clubs français
étaient composés de 81% de recettes de billetterie, 18% de
subventions municipales et 1% de sponsors.
- saison 2011/2012 : ces mêmes clubs
généraient près de 54% de recettes grâce aux droits
de retransmission télévisuelles, 16% pour les sponsors, 11% pour
les recettes de billetterie et 19% provenant d'autres recettes (exemple :
produits dérivés).
En comparant la saison 1996/1997 et 2011/2012, les chiffres
d'affaires des cinq plus grands championnats européens (Angleterre,
France, Allemagne, Italie et Espagne) sont passés respectivement de 2,5
milliards d'euros à 9,3 milliards d'euros en seulement 16 ans. Cela
représente une croissance annuelle de 10%, signe que ce secteur est en
voie de développement constant.
Comme le souligne le graphique issue des études de
l'agence de consulting Deloitte, le championnat anglais est de loin celui qui
génère le plus de revenus avec une recette d'environ 2,9
milliards d'euros pour la saison 2011-2012.
Graphique : Suprématie du football
anglais13
12 « Partie 2 : évolution du football français
», Institut numérique, 28/02/2013
13 DRUT BASTIEN, Economie du football professionnel,
collection repères, 2014 P.48
![](Les-strategies-politico-economiques-du-football-professionnel-depassent-elles-celles-des-terrains3.png)
23
Ce graphique suscite plusieurs commentaires.
Premièrement, force est d'admettre que les cinq championnats majeurs
européens écrasent de manière significative la concurrence
par rapport aux autres nations puisqu'ils captent près de 60% des
revenus totaux européens.
Le reste des recettes est partagé entre les
championnats moins attrayants qui sont la Russie, la Turquie, les Pays-Bas, le
Portugal, l'Ukraine et enfin la Belgique. De plus, il est important de
mentionner que la majeure partie des recettes ces cinq cadors sont
essentiellement dues aux recettes de droits TV. Cependant, il serait imprudent
de dire que tous les clubs d'un même championnat attirent les mêmes
revenus.
En réalité, seulement 25 clubs contribuent aux
recettes faramineuses dont six clubs anglais, quatre italiens, quatre
allemands, trois espagnols et un français : le Paris-Saint-Germain.
Le graphique de la page suivante représente la
répartition des revenus des clubs professionnels, saison 2012/2013.
![](Les-strategies-politico-economiques-du-football-professionnel-depassent-elles-celles-des-terrains4.png)
24
En s'attardant ce sur ce graphique on peut constater une large
carence économique des clubs français. Comment expliquer ce
déficit des clubs de l'hexagone, comparé aux autres championnats
majeurs ?
Selon les analyses de Deloitte, le deuxième club
français « phare » en termes de recettes lors de la saison
2012/2013 est l'Olympique de Marseille. Néanmoins, le club
phocéen ne se classe que 30e avec 104 millions d'euros de
budget annuel. Le club classé à la 29ème place
est celui de West Ham, club beaucoup moins en vue dans le championnat anglais.
L'Olympique Lyonnais, présent dans ce classement durant sept
années consécutives entre 2005 et 2012, correspondant à la
période de gloire du club rhodanien, ne figure désormais plus
dans ce classement.
Le tableau ci-dessous14 confirme les
déséquilibres financiers des clubs au sein de la Ligue 1. Il est
possible d'interpréter ce graphique en 3 catégories :
![](Les-strategies-politico-economiques-du-football-professionnel-depassent-elles-celles-des-terrains5.png)
14 ALYCE ANTHONY « Quelle est la répartition des
droits TV de Ligue 1 à l'issue de la saison 2014-15 ? »,
Ecofoot, 19 juin 2015
25
- la suprématie du PSG qui fait cavalier seul dans
cette catégorie. Les ressources financières du club parisien sont
incomparables avec ses concurrents français. Sa dimension
stratosphérique est semblable aux plus grands clubs européens
tels que le FC Barcelone, le Bayern de Munich ou encore le Real de Madrid.
- La seconde catégorie concentre quelques clubs qui se
concurrencent : Marseille, Lyon, Lille, Monaco et Saint-Etienne.
- La dernière catégorie rassemble tous les
autres clubs, dont les revenus sont parfois équivalents au salaire d'un
seul joueur du Paris Saint Germain...
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