Le microcrédit au Maroc. Tensions entre performance commerciale et finalité sociale.( Télécharger le fichier original )par Brahim NAHI Université Mohamed 5 _Faculté de droit Agdal Rabat - Master spécialisé en Management de développement social 2012 |
Partie II : le microcrédit, entre un discours articulésur la finalité sociale et une pratique orientée versla performance commercialeEtudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 77 Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance) INTRODUCTIONDepuis plus de trente ans, le microcrédit est devenu un véritable secteur159 économique qui pèse vingt milliards de dollars. Aujourd'hui, il touche tous les continents et se pratique dans plus de 150 pays. Il a non seulement gagné en extension géographique, mais il est aussi devenu industriel et on comptait déjà en 2006 plus de dix-mille programmes160 et institutions de microcrédit de par le monde servant plus de 150 millions de bénéficiaires. Cette industrie connaît une croissance fulgurante de 30 %161 par an et de 100 %162 dans certains pays comme l'Inde. Elle est organisée en deux chapitres, le 1er est consacré à un examen thématique au sujet du microcrédit. Il comprend une présentation des fondements référentiels et cadres régissant le secteur, une analyse des mesures promotionnelle du MC et de renforcement des capacités des AMC ainsi que leur action quant à l'atténuation de la pauvreté. De plus, on relate le cas de l'Association Alamana prise comme modèle dans ce mémoire à travers son organisation, sa stratégie de financement et sa politique de croissance. Aussi, la réalisation d'une enquête de terrain a-t-elle, bel et bien, été l'occasion de s'approcher plus de la réalité du MC pratiquée par cette institution dans la région de Rabat dont résultats et recommandations feront l'objet de la 2ème section de ce chapitre. Cependant, le chapitre 2 présente une analyse critique des effets de l'adoption du paradigme marchand sur le devenir du MC et ses dérives sur le plan opérationnel et leurs effets sur les clients. Chapitre I : Le microcrédit au Maroc, un secteur en expansionCe chapitre vise à mettre en relief les performances du secteur par un benchmarking des réalisations des AMC qui le composent. Il se propose de présenter une radioscopie analytique du secteur du microcrédit. Pour ce faire, deux axes seront examinés : le cadre 159 DE LUTZEL, Emmanuel. (2007). « La microfinance, Une industrie socialement responsable ». Magazine Échanges, Juillet 2007, N° 245. 160 JEGOUREL, Yves. (2008). « La microfinance : entre performance sociale et performance financière », La Découverte.| Regards croisés sur l'économie, 2008/1 - n° 3 pp.197-205 Url : http://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie 161 DE LUTZEL, Emmanuel. Op.cit. 162 Idem. Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 78 Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance) réglementaire et institutionnel régissant le secteur (section 1), et la présentation du secteur au Maroc (section 2) à travers sa genèse, ses acteurs opérants et ses mutations profondes. Section 1 : Présentation du secteur au MarocLe microcrédit au Maroc a connu un accroissement extraordinaire à « deux chiffres entre 2004 et 2007 »163 le situant parmi les pays plus actifs dans ce domaine ; les AMC ont été soutenues amplement par la communauté internationale. De plus « environ un tiers des emprunteurs des institutions de microfinance actives dans un pays arabe habitent au Maroc »164 puisqu'il comptait, fin 2003, environ 42 %165 des emprunteurs actifs pour toute la région Moyen Orient/Afrique du nord (MENA). De la sorte qu'à la fin de 2007, le Maroc a servi environ 1,5166 millions de bénéficiaires actifs du microcrédit ce qui lui a permis d'avoir un meilleur classement et par conséquent « en 2006, le PNUD l'a élevé au premier rang mondial »167. § 1 : Cadre réglementaire et institutionnelPoint 1 : Cadre réglementaire du MC 1. Présentation de la réglementation régissant les activités de MC :Le secteur de microcrédit est régi par le droit des associations (15 novembre 1958) tel que modifié et complété en 2002 et principalement par la loi 18-97 relative au microcrédit. Le secteur bénéficie d'un environnement favorable à son développement168, grâce surtout à cette loi. Elle a été promulguée par le dahir du 5 février 1999 qui a créé un nouveau type d'association spécialisé dans le microcrédit et autorise les associations agréées à octroyer seulement les microcrédits, sans pouvoir collecter l'épargne. La loi relative au microcrédit a été amendée, pour la 1ère fois, en 2004 afin de permettre aux associations de microcrédit de financer, en plus des activités productives et des services, 163 SERVET, Jean-Michel. (2010). L'inclusion financière au Maroc par la microfinance : une responsabilité sociale sous tensions. Compte-rendu de mission au Maroc du 19 au 29 juin 2010 /Projet IRD/UMR n°201 164 Idem. 165 REILLE, Xavier et LYMAN, R. Timothy (2005). Diagnostic de l'environnement juridique et réglementaire de la Microfinance au Maroc. 166 AYOUCH, Noureddine. (2008). Zakoura récit d'un défi. Editions Tarek. p.84. 167 Idem. 168 DUVAL, Ann. (2001). Evaluation du secteur du MC au Maroc. PNUD. p.8. Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 79 Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance) l'accès des "personnes économiquement faibles" à l'acquisition et/ou la construction de logement et à son équipement en eau potable et en électricité. De plus, en date du 6 janvier 2011 un autre amendement de cette loi a vu le jour par la promulgation de la loi n° 53-10 qui vise la consolidation de l'arsenal juridique national régissant les microcrédits et la garantie de son évolution progressive. Ce dernier amendement a permis aux AMC d'exercer leurs activités, soit directement par une association de microcrédit, soit indirectement à travers une autre association de MC ou une société anonyme agréée169 par Bank Al-Maghreb. Le nouveau texte cherche également à permettre aux AMC d'intégrer, parmi leurs ressources, les produits des participations au capital des établissements de crédit dûment agréés. Aussi, de nouvelles dispositions170 viendront l'étoffer en vue de la soumission des opérations de fusion, d'absorption et d'octroi d'une nouvelle autorisation par le ministre chargé des finances sur avis du conseil consultatif des microcrédits. En plus, le secteur est régi par quatre décrets : - décret n° 2-99-1044 fixant le montant de microcrédit à 30.000 DH ; - décret n° 2-99-1045 chargeant le Ministre des Finances de fixer les modèles des états comptables des AMC ; - décret n° 2-99-1046 fixant la composition et les modalités de fonctionnement du Comité de Suivi des activités des AMC ; - et le décret n°2-00-138 fixant la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil Consultatif du Microcrédit. Selon la loi 18-97, le microcrédit est défini comme : «Tout crédit dont l'objet est de permettre à des personnes économiquement faibles de créer ou de développer leur propre activité de production ou de services en vue d'assurer leur insertion économique ». Ainsi pour exercer l'activité de microcrédit, selon les termes de la loi (18-97), il faut : - Etre constitué sous la forme juridique d'association ; - N'exercer comme activité que l'activité de microcrédit ; - Etre préalablement agréé par le Ministère des finances ; 169 En tant qu'établissement de crédit, selon la loi 34-03 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés 170 Article 7 bis de la loi 18-97 relatif au microcrédit Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 80 Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance) - Assurer sa viabilité financière au bout de 5 ans ; - Tenir une comptabilité régulière. Au terme du premier article de la loi 18-97: « est considéré comme association de microcrédit toute association constituée conformément aux dispositions du dahir n° 1-58376 du 3 Joumada I 1378 (15 novembre 1958) réglementant le droit d'association et dont l'objet est de distribuer des microcrédits dans les conditions prévues par la présente loi et les textes pris pour son application ». Au terme de l'article unique de la loi 58-03 du 6 mai 2004 modifiant et complétant la loi 1897 relative au microcrédit permettant l'extension de l'objet des prêts accordés aux bénéficiaires : « est considéré comme microcrédit tout crédit dont l'objet est de permettre à des personnes «économiquement faibles» : - de créer ou de développer leur propre activité de production ou de service en vue d'assurer leur insertion économique ; - d'acquérir, de construire ou d'améliorer leur logement ; - de se doter d'installations électriques ou d'assurer l'alimentation de leurs foyers en eau potable... ». La loi a également fixé le seuil des prêts à 50.000 DH, mais son décret d'application s'est contenté d'un plafond de 30.000 DH. Cette restriction a permis de segmenter le marché du crédit où les AMC servent essentiellement les petites activités génératrices de revenu et les microentrepreneurs. |
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