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Le microcrédit au Maroc. Tensions entre performance commerciale et finalité sociale.

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par Brahim NAHI
Université Mohamed 5 _Faculté de droit Agdal Rabat  - Master spécialisé en Management de développement social  2012
  

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Partie I : Le Microcrédit au Maroc, un outil

émergent de la politique publique sociale

Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 28

Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 29

Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

INTRODUCTION

La première partie du rapport se compose de deux chapitres, le 1er chapitre est une présentation succincte de la politique publique sociale au Maroc y compris certains projets phares dédiés à l'amélioration des infrastructures de base. Le second chapitre examine la promotion du MC comme un levier de développement socio-économique permettant création de la richesse, amélioration des conditions de vie, émancipation sociale, réduction des pauvretés, ...etc. Il tente, aussi, de nuancer les deux acceptions du MC : est-il un dispositif de développement social ou juste un instrument financier plus ajusté à l'échelle micro pour répondre aux besoins d'une clientèle particulière.

Dans cette partie on examine l'importance de la valeur qu'accordent les pauvres au MC dont l'utilité se démarque notamment en tant que filet de sécurité permettant de «transiter» la zone de vulnérabilité. Elle conclut en outre que le MC diffère de l'assistanat et admet le financement de l'investissement productif à l'instar des AGR participant à la création de la richesse.

Chapitre I : Présentation et analyse de la politique publique sociale au Maroc

La dimension sociale a toujours fait partie des préoccupations du pouvoir public au Maroc. Ceci est affirmé par l'affectation d'une part significative du budget de l'Etat aux secteurs sociaux. Les dernières années ont été marquées par la forte émergence de la société civile et le renforcement de la solidarité nationale. De nombreux acteurs participent activement à l'effort développementaliste sociétal en partenariat avec l'Etat.

Certes, le bilan social du PAS (Programme d'Ajustement Structurel appliqué au Maroc durant les années 1980) était lourdement déficitaire chose qui a exigé une expansion des programmes publics ou « privés » (société civile) à caractère social. Etant donné le déficit important enregistré au niveau des indicateurs sociaux, l'Etat a ouvert divers chantiers sociaux en appelant d'importants investissements afin d'atténuer les carences et y remédier aux manques constatés.

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Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

Le 1er chapitre se propose de présenter sommairement la politique publique sociale au Maroc (section 1), de faire son analyse avant d'aborder dans la 2ème section le cadre réglementaire et institutionnel de ladite politique (PPSM) pour en terminer avec le cas de l'INDH (Initiative Nationale pour le Développement Humain) et la place qu'elle a réservé au microcrédit dans ce projet décrit comme chantier de règne.

Section 1 : Le référentiel social de la politique publique

§ 1 : Présentation de la politique publique sociale au Maroc

Dans le domaine social, le Maroc a mis en place, depuis les années cinquante, une stratégie de développement social basée sur l'élargissement de l'accès des populations défavorisées aux services sociaux de base, l'accroissement des opportunités d'emploi et de revenu et le renforcement de l'intégration sociale des précaires. Cette stratégie a été mise en oeuvre à travers un certain nombre de programmes tels que le programme d'équipement rural, de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, de logement social et de lutte contre l'habitat insalubre, programme national pour l'emploi, programme ville sans bidonville ... et aussi par l'initiation d'un certain nombre de réformes : réforme du secteur de l'Education, de la Santé, de l'emploi, de la protection sociale, ...etc.

Point 1 : Conception d'une vision du développement social

Dans les années 80 du dernier siècle, la crise économique des PVD a été marquée par le poids de la dette extérieure. Les instances de Brettons Woods sont entrées en ligne en proposant à ces pays des plans de relève. A l'instar des pays touchés par cette crise, le Maroc s'est lancé en 1983 sous l'impulsion du FMI et de la BM dans un programme d'ajustement structurel (PAS), « pour faire face aux faiblesses de l'économie marocaine au niveau interne et externe ainsi que pour rétablir ses grandeurs macro-économiques au niveau de la balance des paiements et de la dette extérieure »33.

Depuis 1995, la lutte contre la pauvreté a été retenue au Maroc comme une priorité nationale et est devenue l'une des préoccupations majeures de l'État. Ainsi et en général, en matière de lutte contre la pauvreté, deux axes d'intervention ont été identifiés. Le premier

33 BENJELLOUN, Mohammed Amine. (2006). Impact du microcrédit sur l'activité économique : cas de l'ASMSSF/MC. Université Sidi Mohammed Ben Abdellah - FES - Mémoire de Licence fondamentale.

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axe couvre des programmes de court terme avec des actions à caractère concret et parfois urgent tandis que le second constitué des actions de long terme qui forment ce que l'on peut appeler de façon large la politique de développement économique et social.

En effet, le développement social au Maroc a pris une nouvelle ampleur par l'appui de l'Etat et la mobilisation des ONG. La part du budget de l'Etat accordée au social est passée de 3934% à plus de 47% entre 1993 et 2002 pour atteindre plus de 50% en 2010. Les secteurs sociaux font ainsi l'objet de programmes d'envergure, particulièrement l'éducation, la formation et les infrastructures de base.

En parallèle, le Maroc s'est lancé dans l'amélioration de son système de prévoyance sociale et la modernisation de ses filets de sécurité. De plus de nombreuses institutions gouvernementales (Fonds Hassan II pour le développement économique et social, l'Agence Nationale de Promotion de l'Emploi et des Compétences, l'Agence de Développement Social,...) ont été créées pour mettre en oeuvre une stratégie dans le domaine social.

Ainsi, une réorientation de la politique de développement économique et sociale35 s'est opérée. Déjà au niveau du discours, les mots pauvreté et exclusion sociale ont remplacé ce qui était dit dimension sociale de l'ajustement. Plus concrètement, des politiques spécifiques de lutte contre la pauvreté ont vu le jour. Les pressions intérieures et le contexte international ont favorisé l'émergence et l'usage de nouveaux concepts.

L'axe développement du capital humain met de l'avant le fait que la vraie lutte contre la pauvreté dépend de la mise en valeur de ce dernier à travers l'accès des populations aux différents services sociaux de base et à toutes les infrastructures. L'objectif de long terme vise à renforcer les capacités des populations à générer des revenus durables qui les aident à sortir du cap de la pauvreté.

Certains des programmes de cet axe ont été mis en place depuis l'indépendance et ont été toujours reconduits et parfois ajustés. Ils ont en fait constitué le noyau de ce qui est devenu

34 Rapport du Ministère d'Economie et des Finances. Année 2002.

35 ABDELKHALEK, Touhami. (2009). Cadre stratégique national de réduction de la pauvreté au Maroc : à propos du concept de pauvreté et analyse de la situation. Septembre 2009.

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par la suite des filets de sécurité (l'Entraide Nationale, la Promotion Nationale, la Caisse de Compensation, les Cantines scolaires, ..., etc.). Au fil des années, ces programmes ont plus ou moins réussi à toucher une partie assez importante de la population défavorisée. Au niveau de leur financement, plusieurs de ces programmes ont été soutenus par des apports d'organisations internationales.

L'axe assistance sociale des pauvres, au niveau de cette stratégie, est peut-être le plus visible pour la population. Pour éviter que cette assistance n'incite à la dépendance, source d'une plus grande vulnérabilité dans le futur, la stratégie de lutte contre la pauvreté n'adopte ce type d'interventions que pour des strates spéciales de la population défavorisée : les enfants abandonnés ou sans familles, les personnes âgées sans assistance, les mères de familles sans ressources régulières, les sans abri, les personnes handicapées inactives, les femmes célibataires sans revenu ..., etc.

Les différents axes de cette stratégie ont été déclinés en plusieurs mesures et actions. Certaines, d'ordre structurel, visaient principalement l'amélioration de l'accès des populations pauvres actives à des emplois et à des ressources productives. Un deuxième groupe de mesures cherche à renforcer et à améliorer le niveau de ciblage des différents filets de sécurité mis en place pour venir en aide aux pauvres. D'autres, plus macroéconomiques, cherchaient à rationaliser les dépenses publiques sociales en essayant de les infléchir en faveur des secteurs sociaux.

Sur le plan pratique, un premier programme de priorités sociales a été rapidement conçu et mis en place baptisé BAJ1. Dans celui-ci, les provinces36 les plus pauvres ont été retenues pour bénéficier de trois projets intégrés : l'éducation de base, la santé de base et les actions de la promotion nationale.

« En 20 ans, des progrès notables ont été accomplis, attestés par l'évolution positive de la plupart des indicateurs sociaux et socioéconomiques. Mais les progrès enregistrés sont constamment meilleurs en milieu urbain qu'en milieu rural où les déficits sociaux persistent

36 Au nombre de 14 provinces à l'époque (Année 1997)

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Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

s'accompagnant d'une recrudescence de la pauvreté rurale observée dans la décennie 90. Pourtant depuis le milieu de cette décennie, les dépenses publiques dans les secteurs sociaux ont connu une forte progression, particulièrement dans le milieu rural et les provinces défavorisées. D'ambitieux programmes d'infrastructure à orientation rurale comme le PERG, le PAGER, le PNCRR sont venus compléter les dépenses publiques sociales sectorielles et les autres programmes de développement rural (...) 37»

Dans le domaine de la santé, l'action publique a permis d'améliorer sensiblement la situation, ce qui est démontré par l'évolution de l'offre publique de soins de santé et des indicateurs sanitaires.

L'extension de la couverture médicale de base pour toucher l'ensemble de la population doit en partie être résolue par l'allocation de ressources nécessaires pour relever ce dilemme d'accès aux soins. Une Loi cadre38 a été adoptée par le Parlement pour la création de deux systèmes d'assurance maladie : un régime d'assurance maladie obligatoire (AMO) destiné à couvrir les salariés des secteurs public et privé et des titulaires de pension ainsi que leurs ayants droit, et un régime d'assistance médicale couvrant les populations défavorisées (RAMED).

Outre l'éducation et la santé, le bien être de la population nécessite la garantie de conditions de vie décentes. Malgré les efforts publics dans les domaines sociaux, la problématique de pauvreté présente un réel souci pour l'Etat, passé de 13% à 19% entre 1990 et 1999 pour régresser à 9,2% en 2010 selon le Haut Commissariat au Plan.

En plus de ces actions d'autres mesures visent à améliorer les infrastructures de base et faciliter l'insertion économique des personnes défavorisées telles que le renforcement des programmes d'alphabétisation ou l'institution du microcrédit.

Concernant les infrastructures sociales, le Maroc a lancé, au cours des dernières années, d'importants programmes d'amélioration des conditions de vie, tant en milieu rural qu'en milieu urbain. En milieu rural, ces programmes ont visé l'amélioration du taux d'accès à

37 GREFFT-ALAMI Abdeljalil, JAIDI Laârabi et BENALI Driss. Pour une Politique de Développement Social Intégré. Mission d'appui du PNUD au Ministère du Développement Social de la Famille et de la Solidarité Travail. p.10.

38 Loi 65-00 promulguée par Dahir 1-02-296 du 21/11/02relative à l'AMO et du RAMED.

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Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

l'eau potable et le taux d'électrification rurale. Le rythme des réalisations est accéléré grâce à l'adoption d'une approche participative permettant l'adhésion des populations à ces projets. Alors qu'en milieu urbain, la lutte contre l'habitat insalubre est activée par l'élaboration d'une nouvelle stratégie pour faire face aux déficits dans ce domaine au profit des ménages nécessiteux.

Toutefois, la garantie de sources de revenus reste indispensable pour améliorer les conditions de vie et réduire les inégalités. L'emploi constitue la source la plus répandue de revenu et un des facteurs importants de redistribution des richesses.

L'action des pouvoirs publics pour la lutte contre le chômage s'inscrit dans la création d'un environnement favorable à la croissance et aux investissements générateurs d'emplois. D'autres mesures de promotion de l'emploi direct ont été mises en oeuvre et ont concerné la formation des ressources humaines ou l'encouragement à l'auto-emploi.

Point 2 : Elaboration d'une stratégie de développement social (SDS)

Pour concrétiser cette tendance, les pouvoirs publics marocains ont élaboré et mis en place une première stratégie de développement social. Elle a comme objectif explicite la réduction de la pauvreté, notamment en milieu rural. Cette stratégie a vu le jour en janvier 2002, a fait appel à un partenariat renforcé entre l'Etat, les Collectivités Locales et les bénéficiaires. Ce programme devrait s'étaler sur dix ans et nécessite un investissement global de près de 29 milliards de dirhams.

Les infrastructures et services sociaux de base ont fait ainsi l'objet de programmes d'envergure qui visent l'amélioration des indicateurs de développement humain.

Cette stratégie est fondée sur l'évaluation du bilan social du pays, les nouveaux concepts et paradigmes animant les politiques modernes de développement (développement durable, développement humain, inclusion et cohésion sociale), les nouvelles règles régissant l'action publique (coresponsabilité sociale, implication, partenariat, transparence, efficacité et responsabilité de l'action publique) et la dimension territoriale du développement pour des interventions groupées dans l'espace et le temps.

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Présentée comme étant une stratégie intégrée, elle s'articule autour de plusieurs axes. En effet trois principaux angles d'attaque ont été identifiés ; un angle de nature économique, un autre de développement du capital humain et un troisième d'assistance sociale directe aux populations dépourvues.

L'axe économique de cette SDS considère que la véritable lutte contre la pauvreté à long terme passe par une croissance économique forte et soutenue, couplée avec une répartition plus correcte de ses effets. Cette croissance était supposée aider directement, au moins en partie, les pauvres à travers les nouvelles opportunités d'emplois et des revenus générés, mais aussi indirectement puisqu'elle permet à l'État de mettre en oeuvre et financer des programmes de lutte contre la pauvreté.

Depuis la mise en place de cette stratégie nationale, la tendance s'est accentuée et s'est traduite par un renforcement des actions de lutte contre la pauvreté. Les secteurs sociaux ont été placés au centre des priorités, même sur le plan budgétaire. Sont présentées ci-après certaines actions entreprises en la matière :

- la création de l'Agence de Développement Social (ADS) (1999/2000) qui a pour mission la contribution à l'amélioration durable des conditions de vie des populations les plus vulnérables ;

- la mise en place du Fonds Hassan II qui se charge d'améliorer l'habitat social, les infrastructures routières, les projets d'irrigation, le secteur touristique, le sport et la culture, les projets de microcrédit, ... ;

- l'adoption et la mise en place de la réforme de l'enseignement (année 2000);

- l'adoption en 1998 de la loi sur le mode de fonctionnement des structures financières impliquées dans le microcrédit;

- la promotion de l'emploi à travers la mise en place de nouveaux dispositifs et instruments susceptibles de dynamiser la création d'emplois (l'insertion directe, la formation-insertion, l'insertion par la promotion de l'entreprise et la réforme de l'intermédiation au niveau du marché du travail «ANAPEC») et d'autres mesures plus stratégiques visant les petites entreprises ou l'emploi des jeunes.

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- Lancement de l'INDH en 2005 en tant que chantier de règne pour le pays dont l'objectif principal est de résorber les déficits sociaux que connaît le Maroc d'aujourd'hui ; à court et moyen terme par la réduction de la pauvreté, la vulnérabilité, la précarité et l'exclusion sociale alors qu'à long terme par l'instauration d'une dynamique pérenne en faveur du développement humain et du bien-être de la population.

Après avoir présenté dans la section précédente le référentiel de la PPSM, on va analyser par la suite cette politique à la lumière de son contenu ainsi que ses effets en relation avec les aspects du développement du pays.

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