8.4 Vers une compréhension de l'intuition
8.4.1 Modèle de l'intuition
D'après notre expérience et les théories
présentées dans la discussion, nous résumerons et
présenterons notre compréhension du processus intuitif. Pour
qu'il y ait intuition, une interrogation face à une situation
donnée serait nécessaire. Cette situation pourrait créer
une tension psychique qui pousserait (drive) l'individu à
vouloir
96 8 Environnement, Système nerveux autonome et Prise de
décision
résoudre la situation. Cette tension pourrait se
comprendre comme la tension qui résulte d'un abaissement de l'in-dice
glycémique, et qui pousse l'individu à chercher de la nourriture
afin de retourner à un état homéostatique stable. Dans le
cas de l'intuition, le manque de nourriture pourrait être
comparéau manque d'information.
Cette tension et la volontéde l'abaisser,
entraînerait une pré-activation des représentations
liées à la problématique, dans le but de trouver une
solution. Nous avons pris le parti de symboliser la mémoire comme un
réseau intercon-nectébasésur les théories
connexionnistes (Victori, 1995; Andler, 1990), c'est ainsi que chaque pattern
d'activation correspondrait à une/des représentation(s) (voir
partie 7.1). Le manque d'information face à la situation donnée
appellerait à lui toutes les représentations, les concepts
mémorisés, afin de créer un sens, une substance
représentable qui viendrait remplir cette absence. Nous pourrions dire
que pareil à un trou noir, le questionnement possèderait une
force de gravité, qui attire à lui tout ce qui serait susceptible
de créer du sens (voir la logothérapie de Franz, 1988). Ce
travail serait non-conscient et mobiliserait les fonctions cognitives
liées à l'attention, au raisonnement, et à l'association,
tout comme les structures impliquées dans les émotions que nous
aborderons dans un second temps (Bechara et al, 1997; Lieberman, 2007).
Dans la figure 8.1, nous avons tentéde
représenter les processus impliqués dans l'intuition. Tant que la
tension est activée, l'individu tendrait à chercher dans
l'environnement les indices, les représentations en lien avec l'objet
manquant. Et, tout ce qui pourrait nourrir l'instinct de savoir, et ainsi
maximiser la similaritéentre le questionnement interne, l'idée
que l'on se représente du monde, et l'environnement externe, serait
traitépar l'individu à des degrés
8.4 Vers une compréhension de l'intuition 97
plus ou moins conscients.
Figure 8.1. Processus de l'intuition
Le sentiment de familiarité, c'est à dire la
sensation de reconnaître à l'extérieur ce qui est à
l'intérieur, pourrait avoir un rôle majeur dans l'intuition. En
effet, lorsque l'individu serait en présence d'un objet externe qui lui
rappellerait une trace mnésique (une expérience), ce sentiment
pourrait émerger et imposer une émotion qui viendrait informer
l'individu de cette similarité. Plus la réaction
émotionnelle (marqueurs somatiques) serait importante, et plus
l'individu serait conscient de son intuition. Dans le cas, oùla
problématique serait résolue, la tension psychique retournerait
à un état d'équilibre, et l'individu ressentirait une
émotion associée. L'émotion qui accompagne ce moment est
souvent représentée comme une joie, une certitude rassurante, ou
encore une détente ( voir le livre de thèse de Petitmangin, 2002
pour une revue complète sur la phénoménologie de
l'intuition). Dans l'autre cas, oùla problématique,
l'interrogation, ne serait pas résolue, la tension et la
pré-activation persisteraient à travers le temps et pourraient
même se renforcer en présence ponctuelle d'indices dans
l'environnement. Ce qui pourrait
98 8 Environnement, Système nerveux autonome et Prise de
décision
expliquer que l'incubation pourrait persister plusieurs
années (Poincaré, 1908; Moss, 2002) et renforcerait la tension
psychique et l'instinct de connaissance, dans le but de trouver la solution.
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