Discussion
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La discussion de nos hypothèses à la
lumière de nos résultats est nécessaire pour comprendre ce
qui s'est possiblement passédans cette expérience et ce qui
pourrait être compris des résultats recueillis. Nous rappelons
dans un premier temps l'ensemble de nos hypothèses et les
résultats associés :
L'hypothèse générale suppose que les
indices visuels et olfactifs de l'environnement naturel préactiveraient
de manière non-consciente des représentations internes qui
feraient émerger l'intuition, qui s'exprimerait dans la prise de
décision verbale. Pour investiguer cette hypothèse
générale, nous avons mesuréd'une part les variables
physiologiques (marqueurs somatiques) pouvant suggérer une influence
non-conscientes des amorces au niveau du système nerveux autonome, et
d'autre part, les données verbales suggérant une influence des
marqueurs somatiques sur une décision verbale consciente.
Les hypothèses nous aidant à résoudre
cette hypothèse générale sont :
1 Les individus amorcés auraient des variations de leurs
activités physiologiques (température et
activitéélectrodermale) plus importantes que les
individus du groupe non-amorcé.
Les résultats montrèrent que les
participants amorcés eurent une activitéélectrodermale
(médiane et fréquence des variations atypiques) statistiquement
plus élevée dans les conditions contrôle et
familiarisation, au contraire des participants non-amorcés. La
médiane des températures fut aussi plus élevées
chez les participants amorcés que les non-amorcés selon les trois
conditions.
2 Les individus du groupe amorcéayant eu un insight de
la solution, auraient des variations de leurs activités physiologiques
différentes des individus sans insight.
Les participants amorcés avec insight eurent leur
médiane de l'activitéélectrodermale statistiquement plus
élevée que les participants amorcés sans insight.
3 Les individus amorcés présentant des scores
élevés au test d'intuition énuméreraient plus de
lieux cibles que les individus présentant des scores faibles.
Les résultats montrèrent qu'il n'existait pas de
différence statistique entre les participants amorcés avec un
score élevéau test d'intuition et les participants amorcés
avec un score faible, pour le nombre de prises de décision intuitives
correctes.
4 Les participants amorcés auraient un nombre de
décisions intuitives correctes (»le café») plus
élevées que les participants non-amorcés. Les
participants amorcés identifièrent plus de
»cafés» que les participants non-
amorcés. Ils semble qu'ils eurent plus de
décisions verbales correctes que les participants
non-amorcés.
5 Il existerait une corrélation positive entre la prise
de décision et les activités physiologiques effectuées :
l'activitéphysiologique est d'autant plus élevée que la
prise de décision est correcte.
Les résultats montrèrent qu'il existerait
une corrélation positive entre le nombre de prises de décision
correctes et les variations atypiques de la température en condition
familiarisation et de l'activitéélectrodermale en condition
repos.
Nous rappelons aussi, que les indices visuels et olfactifs
présentés, étaient discrets sans être subliminales
et avaient comme thématique principale, le »café». Nous
supposions que les participants du groupe amorcé, comprennent de
façon intuitive que les lieux à nommer correspondaient aux quatre
cafés présents dans l'environnement virtuel, au contraire des
participants non-amorcés. Nous rappelons que l'insight est
l'émergence à la conscience du processus non-conscient intuitif
(Lieberman, 2000). C'est le moment, soudain et spontané, oùla
personne, face à un problème,
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comprend la solution. Par conséquent, nous parlons
d'insight, lorsqu'il y a un accès conscient et verbal de la
représentation, alors que nous parlons plutôt d'intuition, lorsque
la représentation demeure non-consciente, ou préconsciente, et
influence l'individu malgr~e-lui. La personne fait donc un choix conscient
juste sans savoir toutefois
pourquoi ce choix est juste (Damasio, 2000). A la
lumière de ces éléments, nous allons discuter nos
hypothèses àl'aide des résultats recueillis.
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Amorçage, traces mnésiques et intuition
7.1 Hypothèse générale
Les résultats montrèrent que les participants
amorcés ont nommé, en moyenne, plus de cafés que les
participants du groupe non-amorcé. Les participants amorcés ont
aussi nomméplus de lieux en général. Les matrices de
corrélations montrent que dans le cas du groupe amorcé, le nombre
de cafés nommés et le nombre de lieux total nommés ne
seraient pas dépendants, au contraire du groupe non-amorcé.
D'après les résultats de corrélations,
les participants non-amorcés qui nommèrent le plus de lieux,
nommèrent aussi le plus de cafés. Cette corrélation
positive n'est pas retrouvée dans le groupe amorcé. Cette
différence suggérait une sélection de la part des
participants amorcés, au contraire des participants non-amorcés
qui auraient nommés les cafés sans l'influence de l'effet
d'amorçage. Étant donnéque l'ensemble E1 cafés, est
inclus dans l'ensemble E lieux, une relation de probabilitéexiste entre
ces deux ensembles. C'est à dire qu'en tirant au sort dans l'ensemble E,
j'aurais une chance statistiquement calculable de tomber sur un
élément de l'ensemble E1. Par conséquent, dans le cas d'un
choix non dirigé, plus un individu nommerait de lieux présent
dans l'ensemble E, plus il nommerait aussi de cafés. Ceci pourrait
expliquer la corrélation positive retrouvée chez les participants
non-amorcés et l'absence de corrélations chez les participants
amorcés.
Il existait une cinquantaine de lieux différents
présents dans l'environnement virtuel dont les quatre cafés
sélectionnés, la probabilitéde choisir les cafés en
l'absence d'amorces était donc de 4/50. Toutefois, il faut nuancer ce
propos car certains lieux, parmi la cinquantaine présent dans
l'environnement virtuel, étaient plus à même d'attirer
l'attention que les autres, étant la population d'étudiants
citadins que nous avions choisie. Ainsi les musées, les boutiques, les
restaurants et les cafés font partis des lieux les plus
mentionnés par nos participants, tout groupe confondu, c'est à
dire les lieux oùil serait commun de se rendre en tant que citadin. Il y
avait dans l'environnement une vingtaine de boutiques, un musée, deux
places connues et enfin les quatre cafés sélectionnés.
A' la suite de la consigne, les participants ont dûfaire un
choix parmi ces lieux possibles, or dans les deux groupes, les participants ont
tous consciemment essayéd'inférer »raisonnablement» le
choix à faire. En effet, lors de notre questionnaire, l'ensemble des
participants, nous ont dit s'être basés sur des
éléments visuels tels que les couleurs, la position du lieu ou un
élément visuel marquant, qui aurait pu en faire un lieu
sélectionnépar l'expérimentateur. Que les participants
furent amorcés ou non, ils n'ont pas consciemment mentionnéles
indices présents dans l'environnement naturel. Pourtant, les
résultats montreraient une différence de corrélations
entre les deux groupes pour les ensembles »lieux»
84 7 Amorçage, traces mnésiques et intuition
et »cafés», et seraient en faveur d'un
phénomène d'amorçage dans la prise de décision. Ces
résultats sont compatibles avec une étude parue en 2013 de Qu et
al, montrant que l'amorçage dans un contexte de
réalitévirtuelle pouvait influencer le choix des réponses
des participants.
Une influence non-consciente des indices de l'environnement
naturel sur les prises de décision verbales des participants
amorcés pourraient expliquer cette différence de
corrélations entre les deux groupes et cette augmentation significative
du nombre de prises de décisions verbales.
Nous tenterons d'expliquer ces résultats à la
lumière du connexionnisme (Andler, 1990; Victori, 1995; McCulloch, 1949)
et de l'associationnisme (Hebb, 1949; Hopfield, 1982); mais tout d'abord nous
nous intéresserons aux participants qui ont eu un »insight»
afin de comprendre les processus cognitifs à l'oeuvre derrière
cette prise de conscience et ce que les participants ont pu nous en dire.
Certains des participants ont compris à un certain
moment de l'expérience que la solution au problème se trouvait
dans les cafés. Aucun des participants n'a pu faire le lien entre les
indices présents dans l'environnement (les affiches, la table de bar, le
thermos et les gobelets de café) et le problème posé, mais
58%(7 participants sur 12) d'entre eux ont déclaréavoir
étéattirés par les cafés et ont du eu un
»insight», et parmi eux, deux participants ont clairement su que la
réponse se trouvait dans les cafés. Un des participants a
d'ailleurs seulement nomméles cafés, ce qui montrerait la
décision sélective effectuée sur la base des indices. Il
dit à la fin de l'expérience qu'il savait que la solution
était »café», mais ne pouvait pas l'expliquer.
Nous allons dans les prochaines sections comprendre les liens
existants entre l'amorçage et la prise de décision intuitive
explorée dans cette étude.
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