2.1 Une fonction d'anticipation
2.1.1 Le cerveau prédictif
Dans la définition de l'intuition nous retrouvons un
aspect qui n'a pas encore ététraité: celui du
pressentiment, de l'anticipation, comme lorsqu'on dit »j'ai
l'intuition que cela va arriver» ou à posteriori,
»j'avais l'intuition que...». Curieusement, l'anticipation
est une fonction commune et naturelle, elle nous permet de nous adapter
constamment à la réalitéen même temps que d'adapter
la réalitéà nos expériences passées. Le
travail conséquent
sur l'anticipation de Bar (2007) montre que le cerveau
générerait continuellement des prédictions sur des
situations àvenir en fonction des souvenirs, des
expériences passées, des connaissances et des associations,
plutôt que d'attendre
passivement les stimuli sensoriels. Ceci permettrait
d'économiser les efforts (automatisation des actions), de
faciliter les interactions avec l'environnement et
d'augmenter les chances de survie (Kveraga, Ghuman et Bar, 2007, p. 1).
Le modèle que propose Bar (2009) suppose que la
perception d'un objet entraîne immédiatement l'émergence
d'analogies, qui elles-mêmes impliquent des associations et finalement
une prédiction. Les analogies peuvent être
générées à partir de différents niveaux
perceptifs, conceptuels, sémantiques, fonctionnels etc. Bar (2004)
montre qu'il est possible d'extraire des informations à partir d'images
générées en basse fréquence. Ce type d'image se
projetterait des aires visuelles basses vers le cortex orbitofrontal (COF). Le
COF activerait ensuite les représentations mentales correspondantes
à cet objet dans le but de l'identifier rapidement et sans trop
d'effort. Bar (2009) suppose que le cerveau génèrerait
continuellement des prédictions de l'environnement, ce que ses travaux
(Bar et al, 2007) basés sur la neuroimagerie tendent à
démontrer : l'activitéde base du cerveau impliquerait les
régions corticales enrôlées dans les processus associatifs.
La mémoire serait alors encodée par association. La proposition
de Bar (2009) sur la mémoire associative rejoint les théories
connexionniste (résuméde Victori, 1995) pour qui les
représentations seraient liées les unes aux autres. Telle une
toile d'araignée, chaque n ?ud représenterait un concept
associéà une multitude d'autres. Par conséquent
l'activation d'un n ?ud via la perception ou l'imagination, activerait par
cascade une suite d'autres n ?uds. Toutefois on ne peut soustraire la
particularitésingulière de chaque mémoire, de chaque
structure subjective. Par conséquent, en fonction de nos
expériences passées, de nos préférences, de nos
domaines d'expertise, il est probable selon ce modèle, que des poids de
connexions soient attribuées à chaque association. Essayons de
comprendre à l'aide d'un exemple simple : si le mot
»étoile» est présentéà un astronome
aguerri, il
34 2 L'intuition : une fonction essentielle à l'Homme?
est fort probable que les images mentales, les mots
représentés seront de l'ordre de son intérêt
premier, on peut aisément s'imaginer qu'il pensera à des mots
comme plasma, naine jaune, Soleil, géante rouge, hydrogène etc..
Mais si ce même astronome est parti la veille de notre entretien, en
escapade amoureuse avec sa tendre et que pendant leur dîner en tête
à tête, une imposante météorite perça
l'atmosphère créant une magnifique étoile filante et de ce
fait, immortalisa leur dîner, il se peut que la première image qui
lui revienne soit celle de sa compagne et des chandelles. Cet exemple montre
toute la complexitéde cette toile mnésique qui n'est pas fixe
mais constamment changeante et il est fort probable que les émotions
associées aux représentations impact fortement sur le processus
de récupération et d'oubli.
Selon certaines théories, ces prédictions
cognitives proviendraient des capacités de calculs statistiques de
notre
cerveau. Ainsi notre cerveau pourrait être comparer
à une machine Bayésienne, qui permettrait d'inférer la
réalitéà partir de données sensorielles plus ou
moins fragmentées et de choisir automatiquement, non-consciemment, les
représentations les plus pertinentes dans la situations
présentes, en rapport à toutes les expériences
précédentes.
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