1.4 L'intuition à la lumière des
neurosciences
1.4.1 L'intuition dans la résolution de
problèmes
La résolution de problème est très utile
pour étudier la sensation de savoir (Feeling of Knowing, FOK),
la sensation de l'avoir sur le bout de la langue (Tip Of the Tongue state,
TOT) ou encore la sensation de se rapprocher de la solution (Feeling
Of Warmth, FOW). Toutes ces sensations, ces états, sont similaires
à ce qu'on appelle communément l'intuition et peuvent être
regroupés dans les phénomènes métacognitifs. La
métacognition se définit comme une analyse ou un savoir à
propos des états cognitifs et des processus en jeux (Nelson et Narrens,
1994), c'est une observation de ce qui se passe en soi.
Le FOK correspond à une sensation de savoir sans
pouvoir toutefois livrer la réponse au problème posé. Le
participant est toutefois en mesure de reconnaître la réponse si
elle lui est présentée. Les processus métamnésiques
en jeu dans le FOK sont de deux types : l'accès à une trace et
l'inférence ((Nelson, Gerler, et Narens, 1984 citépar Dorfman,
Kihlstrom et Shames, 1996). L'accès à la trace (trace-access)
est un accès partiel à l'information stockée en
mémoire.
Dans le TOT, la personne aurait la sensation de l'avoir sur le
bout de la langue, elle peut d'ailleurs fournir des informations très
précises sur la syntaxe, la phonologie, ou encore les synonymes du mot
oublié. La sensation perçue de cet oubli est très intense
et souvent désagréable (Collier et Beeman, 2012). Les sciences
cognitives montrent que dans 96% des cas le mot traverse le seuil de la
conscience pour devenir connu, s'en suit alors un état de
détente, de plaisir (Bacon, Paire-Ficout, Izaute, 2001). Cet état
de plaisir peut être attribuéà une tension résolue.
Ce phénomène de tension de l'attention se retrouve dans
l'incubation : tant que la personne n'a pas résolu le problème,
elle serait comme sensibilisée à des représentations
associées à la réponse.
Dans le test de Yaniv et Meyer (1987), des phrases, qui
définissent un même mot, sont présentées au
participant, qui doit alors deviner la réponse. Par exemple
(tiréde Dorfman, Shames et Kihlstrom, 1996) :
Grand lumineux colorémouchoir, Couleur vive
carréde soie de rouge et de tâches jaunes,
portégénéralement autour du cou.
Les participants doivent donner leur sentiment de confiance
vis à vis de la solution proposée, ou dire s'ils ressentent une
sensation de savoir ou un Tip of the tongue s'ils ne trouvent pas de solutions.
A la suite de cela une seconde
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tâche de décision lexicale leur est
proposéoùdes mots et non-mots leur sont présentés.
Parmi cette liste la réponse de la tâche précédente
est insérée comme amorce. Par exemple :
Dépenser, dacrire, bandana, trisfer,
astéroïde, parapluie
Les participants remarquent aussitôt que bandana est la
réponse de la série précédente. Même
après un temps de latence entre ces deux séries, l'amorce est
découverte. Selon Yaniv et Meyer (1987) la présentation du
problème activerait des représentations contenues dans la
mémoire sémantique qui, par association, se propagerait de proche
en proche permettant d'arriver à la solution. Cette activation de champs
sémantiques pourrait durer, alors même que la personne est
engagée dans d'autres tâches cognitives, c'est ce qui se passerait
pendant l'incubation.
L'intuition a beaucoup étéétudiée
à partir de problèmes de type Remote Associates Tests
(RAT) créépar Mednick en 1969 dans le but d'étudier
la créativité. Pour Mednick (1962) et Koestler (1964) les
personnes créatives sont celles capables de trouver des liens entre des
idées oùd'autres ne verraient que des éléments
disparates. Dans le test RAT, trois mots sont proposés, et le
participant doit donner un quatrième mot reliéaux trois
précédents. Voici un exemple de ce test, inspirépour la
langue française : dîner, midi et rasage.
Ces trois mots peuvent tous trois être
précédés du mot : APRÈS.
Pour mettre en évidence le rôle de l'intuition
dans la résolution de problème de ce type, Bowers, Regerhr,
Balthazard et Parker (1990) ont crééune variante du RAT, le Dyads
of Triads (DOT) dans lequel le participant doit indiquer s'il pense la liste de
mots présentée cohérente, même s'il ne trouve pas le
mot faisant le lien sémantique. Les résultats montrent que les
participants peuvent significativement reconnaître la cohérence
d'une liste sans connaître la raison de cette cohérence.
L'intuition est donc bien présente pendant la résolution de
problème et plus particulièrement la phase d'incubation, qui est
rappelons le, la partie la plus implicite du processus de raisonnement. Par
conséquent il est difficile de dissocier l'intuition de la logique, car
l'un et l'autre se complètent dans le but de résoudre certains
types de problèmes.
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