CHAPITRE III : IMPACT DES PRATIQUES FONCIERES LOCALES
SUR LA PRODUCTION AGRICOLE A WALUNGU/ CHEFFERIE DE NGWESHE
SECTION I : LES CONFLITS FONCIERS
La terre est actuellement la question politique la plus
importante et une source des multiplications des conflits fonciers dans les
milieux ruraux. L'accent qui est mis sur l'octroi et l'enregistrement de titre
de propriété des terres stimulent les tensions entre individus
qui causent des dégâts tant humains que
matériels.35
Les conflits fonciers sont les conséquences indirectes
des incertitudes foncières liées à l'utilisation du
système foncier dual, à une rareté croissante des terres.
Ils sont révélateurs des évolutions intervenues à
la fois dans le système foncier formelles. Les conflits fonciers sont
les produits des acteurs qui cherchent à occuper l'espace et à
s'y reproduire. Les acteurs se constituent, se développent autours du
foncier, de même leurs stratégies peuvent évoluer à
travers l'histoire36.
34 OUTCHINSKI, op. Cit. p.154-158.
35 BITONGWA MASUMBUKO jacques, Les conflits
coutumiers et fonciers défi au Développement
socioéconomique de Bunyakiri de 1945-2006, mémoire de
licence, ISDR, 2007, p.45
36 MUCHUKIWA RUKAKIZA Yussu Bosco, Les
autorités traditionnelle, pratiques et acteurs fonciers dans la plaine
de la RUZIZI au Sud-Kivu : Etude des stratégies individuelles et
collectives, Université Catholique de Louvain, Mémoire
présenté en vue de l'obtention du grade de Maitre en sociologie,
1992-1993, p.56
34
§1 ORIGINE DES CONFLITS FONCIERS
Les origines des conflits fonciers sont diverses. Mais une
observation attentive de l'évolution du domaine foncier au bushi en
général et dans la chefferie de ngweshe en particulier pousse
à considérer cinq grandes sources d'amplification du
phénomène de dépouillement des terres paysannes.
I. L'imperfection de la loi :
Du fait de la domanialisation des terres des
communautés locales (art. 387 de la loi foncière), les droits
fonciers traditionnels sur les terres villageoises ne constituent plus une
forme de maitrise foncière légalement reconnue et garantie par la
loi. La loi foncière précise, en son article 389, que le droit de
jouissance des villageois acquis sur les terres coutumières seront
fixés par d'autres règlementations. Mais celles-ci n'ont pas
encore été prises. Ce vide juridique a pour effet de laisser les
conditions de non maitrise et d'usage des terres villageoises dans une
situation ambiguë qui constitue une source de confusion et
d'insécurité pour la population exploitante.
II. L'ésotérisme judiciaire :
Ce phénomène n'est qu'une conséquence du
formalisme des instruments juridiques souvent ignorés par les
justiciables (paysannerie). Ce formalisme est à la base de nombreux cas
d'irrecevabilité des causes qui défendent les droits paysans.
C'est ainsi que ces irrecevabilités consacrent et rendent
exécutoires certains cas irréguliers et manifestement injuste.
Ils encouragent une justice dichotomique rendue par les juridictions
coutumières considérées comme incompétentes et par
les juridictions du droit formel. Deux justices planelles qui s'annulent et qui
rarement se confirment et se complètent ; deux justices fondées,
l'une sur le sens profond de l'homme et de la justice paysanne et l'autre un
protectionnisme singulier et individualiste de la propriété et
une conception athéiste de l'autorité de la chose
jugée.
35
III. L'ignorance et la mauvaise application des lois
foncières
A une population majoritairement analphabète, on
applique un droit foncier qu'elle ne connait pas, un droit qui ne cadre pas
avec sa conception coutumière de la propriété
foncière : ceux qui l'appliquent abusent surtout de son ignorance et
induisent volontairement l'autorité en erreur en lui fournissant des
fausses enquêtes de vacance des terres. A ceci, il faut ajouter une
mauvaise interprétation du contrat foncier par les contractants. Chacun
interprète le contrat à son profit.
IV. Les expropriations des terres par la nouvelle
bourgeoisie
Cette expropriation consiste en un détournement des
terres paysannes par les
« Nouveaux riches » n'appartenant à aucune
famille noble, avec la complicité de tous les services juridiques, des
affaires foncières et des hauts fonctionnaires. Disposant des moyens
financiers importants, les commerçants et les élites s'attirent
la sympathie de toute la classe politique et administrative, prête
à leur octroyer tout terrain demandé sur base des faux
procès-verbaux d'enquêtes de vacances des terres de complaisance.
Ce type d'expropriation est très fréquent compte tenue de la
barrière de la coutume d'occupation des terres des certaines
catégorie des gens et d'usage abusif de la nouvelle
réglementation foncière dont les administratifs exploitent les
ficelles pour se procurer de l'argent entre nouveaux riches et nobles
coutumiers représentant la population locale.
L'évolution du marché foncier et de
l'utilisation des réglementations formelles laisse percevoir une
tendance à la concertation des terres dans les mains de la classe de
nouveaux riches composée en grande partie de fonctionnaires et de
commerçants.
En effet, grâce à l'information
privilégiée et aux moyens financiers et relationnels dont elle
dispose, cette classe tire avantage du système foncier dual actuel.
37
|