§2 les titres fonciers coutumiers
Suivant l'esprit du décret sur l'accession des
indigènes à la propriété foncière,
l'administration coloniale a entrepris, dans la deuxième moitié
des années 50, l'élaboration en marge de la législation en
vigueur, à l'époque, des « contrats-types », tel le
« contrat de location ou de cession définitive d'un droit
d'occupation pérenne » au Sud-Kivu dans le territoire de walungu en
général et chefferie de ngweshe en particulier l' « acte de
cession ». Il y a lieux de croire que partout ailleurs dans les
entités coutumières, ces nouveaux contrats coutumiers ont
existé et existent peut-être encore.
Ces titres fonciers coutumiers sont délivrés
uniquement par les chefs des entités administratives rurales (chefs de
chefferie et chefs de secteur) et se présentent sous forme de
formulaires stéréotypés. Les ayants droits coutumiers de
niveaux inférieure ne les délivrent pas.
Autant que les « titres » délivrés par
les autorités territoriales, ces titres fonciers coutumiers n'ont aucune
valeur juridique. Ils ont toutefois une efficacité symbolique dans la
mesure où ils font foi lorsqu'on entreprend l'enregistrement d'un
terra
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§3 les transactions foncières avec les
ayants-droits coutumiers : accord sur un malentendu
Toutes sociétés segmentaires sont aujourd'hui
confrontées à la difficulté d'adapter la
propriété clanique à l'évolution vers la
propriété individuelle et l'insertion à une
économie monétaire.
L'évolution observable est cependant sans
équivoque : le domaine clanique est désormais sur le
marché. Les actes d'aliénation, fort inspiré du
régime du certificat d'enregistrement, portent plusieurs
dénominations : « protocole d'accord », « convention de
cession de terre », etc. ils présentent tous les mêmes
caractéristiques :
1. Ils sont contresignés par plusieurs personnes au titre
d'ayants-droit ;
2. Ils sont limités dans le temps (25 ou 30 ans selon le
cas) ;
3. Ils comportent un cahier de charge ou des obligations
sociales envers le clan « aliénation » ;
4. Les contre parties dues par l'accipiens sont « conformes
à la coutumes ».
Ce qui se dégage de la plus part de ces conventions
conclues avec les ayants-droits coutumiers, c'est malentendu sur la nature et
la portée des engagements. Pour l'acquéreur, il s'agit d'une
cession des droits collectifs de jouissance, par ailleurs, limitée dans
le temps.
Ce qui est admis par tous et qui fera inévitablement le
lit du conflit à l'échéance du terme stipulé, c'est
que le nouvel acquéreur est autorisé à se faire
délivrer un certificat d'enregistrement. Or ce titre a pour effet de le
placer sous un régime statuaire très protecteur contre les
velléités de reprise par le clan aliénateur. Autant dire
qu'il s'agit d'un marché des dupes.31
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