§ 2. Comment obtenir un champ coutumier :
procédure
Chez le bashi l'homme qui désire un terrain, y
construire son habitation, s'y installer avec sa famille et cultivé le
sol, doit solliciter un « supérieur » pour obtenir le droit
d'occupation sur cette terre. Ce supérieur peut être un chef du
village, un chef de région ou même un chef de pays. Il peut
être aussi un homme riche, sans charge politique, et qui peut
céder un terrain qu'il ne cultive pas. En fait, celui qui donne est
toujours plus riche, et de ce fait socialement plus élevé que
celui qui sollicite. Être chef chez le bashi, écrira J.B. Cuypres,
c'est être « capable de procurer une terre » (CUYPRES, J.B.,
1967, p.225).
26 ÉMILIE Pèlerin, AURORE Mansion, PHILIPPE LAVIGNE
Delville, Afrique des Grands Lacs : droit à la terre, droit à
la paix Des clés pour comprendre et agir sur la sécurisation
foncière rurale, c o - édition CCFD-terre solidaire et gret,
p.18
27 OUCHINSKI A., Elément de codification
des coutumes foncières du Bushi, 1995, in P. MASSON, Trois
siècles chez les Bashi, la presse congolaise, s.c.a.r,
deuxième éduction, Bukavu, P.126.
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Mais comment solliciter un chef ? Deux stades sont
nécessaires et inséparable : courtiser d'abord, solliciter
ensuite, bien qu'il soit possible de courtiser sans solliciter. La
courtisanerie est caractérisée par un cérémonial et
un langage quasi immuables. L'homme se présentera avec une calebasse de
bière devant l'enclos du chef et priera un « intercesseur »
(Muganda) d'aller avec différence, saluer le chef de sa part : il
demande un impératif poli, d'aller saluer pour lui au « Bugale
». Bugale doit avoir deux significations : la richesse et l'habitation
d'un homme riche ; « Mugale » ; ce terme s'emploi a la circonstance
pour désigner le chef. Par le « Muganda », le chef
répond à son salut. Puis le courtisan attend jusqu'à ce
que le chef l'appelle pour le laisser entrer. Il pourra alors prendre place
parmi les autres courtisans « Basengezi ».
Le comportement du courtisan a pour but d'exprimer
publiquement sa soumission ou sa disposition à se soumettre. Le chef,
après avoir accepté l'hommage du courtisan, donnera de la
bière, signe qu'il apprécie le geste. La demande ne sera pas
toutefois, formulée directement par l'intéressé
lui-même ; c'est toujours par l'intermédiaire d'un intercesseur
parmi les fidèles du chef.
En cas d'accord de principe du chef, le rendez-vous est pris
pour visiter et délimiter le terrain qui pourrait être
accordé. Le chef envoi le « Baganda » qui ne sont pas
obligatoirement ceux qui ont introduit la requête initiale. Leur nombre
n'est pas non plus déterminer par la coutume.
Sur terrain, les baganda convoquent les occupants des terrains
limitrophes lesquels sont invités à indiquer leurs limites
respectivement afin d'éviter toute contestation ultérieure. Ils
déterminent habituellement les limites en suivant des repères
naturels tels que arbres, ruisseaux, pied de colline, ... c'est après la
délimitation que les Baganda déclarent le kalinzi à verser
au chef avant d'occuper et de jouir du fonds. Ce kalinzi n'est pas
négociable ; il est fixé discrétionnairement par les
baganda.
Quoique le chef n'apparaisse plus dans la suite des
opérations, une fois son accord donné, il n'en demeure pas moins
que ce lui indique aux baganda la superficie à concéder et la
substance du kalinzi.
L'homme qui occupe une parcelle est tenu de payer plus tard et
périodiquement une double imposition : un tribut en nature, «
kushegula » et un tribut en travail « kurhabala ». Le premier
appeler parfois aussi « kurhula mwaka » (offrir un cadeau du champ)
consiste en une dime sur le récolte et la bière brassée
(kasigsi), à remettre à celui qui à accorder un terrain.
L'occupant d'une parcelle importante donnera même du bétail. Le
« Ntumulo » (le cadeau) n'est cependant pas versé à
terme fixe, mais suivant les possibilités.
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Le chef de village envoie périodiquement une partie de
ses redevances au Mwami ou au chef de région ; ce dernier agit de
même vis-à-vis du Mwami.
Ne pas s'acquitter des tributs, c'est risquer de se voir
retirer le droit d'occupation de sa terre. Ainsi l'homme qui a sollicité
et reçu une terre, se place dans la situation matérielle et
morale d'apporter une aide quasi permanente au maitre de son terrain. Il lui
rendra de multiples petits services, sollicités ou proposés afin
de plaire28.
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