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Impact de l'introduction de l'ETP sur les transformations des systèmes d'activités et les transformations identitaires des infirmières devenant aussi "éducatrices".

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par Malika Salhi-Bouyagoub
Paul-Valéry Montpellier II - Master 2 2015
  

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I- Présentation de l'éducation thérapeutique du patient

Quelle signification et quelle définition peut-on donner à l'éducation thérapeutique du patient ? Que se cache-t-il exactement sous cette expression ?

1- Les définitions de l'ETP

D'après J. Foucaud (2006), lorsqu'on aborde le terme de l'éducation dans le champ de la maladie ou du handicap, Deccache et Lavendhomme (1989) ont relevé plusieurs définitions utilisant des terminaisons différentes. Les plus fréquentes sont : « éducation du patient4 », « éducation thérapeutique5 » et « éducation thérapeutique du patient ». Ces termes ont été opposés durant plusieurs années, ils sont aujourd'hui considérés comme des synonymes dans la plupart des écrits (p. 19).

a) La définition étymologique de l'« éducation thérapeutique »

Pour nous éclairer davantage sur la signification de « l'éducation thérapeutique », nous nous sommes intéressé à l'étymologie des deux mots qui la composent.

Pour le terme « éduquer », tous les écrits que nous avons consultés évoquent deux origines : « educare et ex ducere ». Le premier mot « educare » traduit littéralement par « nourrir, élever, instruire par » : sa signification vise à inculquer chez un individu un ensemble de connaissances. Le deuxième, « ex ducere » traduit littéralement par « guider, conduire hors de, développer, épanouir, faire sortir de soi » : sa signification a pour but d'aider la personne à se découvrir et à utiliser au mieux ses potentialités. Dans ce sens, l'éducation thérapeutique « conduit la personne à grandir et à se dépasser. Elle implique également, un conseil et un soutien lesquels, selon les circonstances, peuvent être de nature psychologique ou sociale » (d'Ivernois et Gagnayre, 2011, p. 5).

Les deux origines de l'éducation semblent fondamentales et indissociables dans le cadre de l'ETP.

Le terme « thérapeutique » existe depuis le XVIIè siècle, il tient son origine étymologique du grec ancien « therapeia » traduit littéralement par « cure » : c'est le dérivé du terme « therapévô » qui signifie « servir, prendre soin de, soigner, traiter ». Il est aussi originaire du mot « thràpôn » qui veut dire « serviteur » et qui signifie « qui prend soin de ».

4 Cette notion est très proche de l'éducation thérapeutique du patient qui lui est postérieure.

5 Cette notion est répondue dans les écrits, renvoie à la partie de l'éducation liée au traitement, à l'apprentissage de techniques de soins et de surveillance.

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Le dictionnaire Larousse définit le mot « Thérapie » comme « une partie de la médecine qui s'occupe des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres, propres à guérir ou à soulager les maladies ». Il est défini aussi, comme « une manière choisie de traiter une maladie ».

A travers ces différentes significations, nous retenons que la notion de la thérapie est liée à l'éducation grâce à son action d'accompagner le patient à prendre soin de sa personne et à connaître son propre corps. Pour d'Ivernois et Gagnayre (2011), « cette éducation est thérapeutique, non seulement parce qu'elle accompagne la thérapeutique mais parce qu'elle est thérapeutique en soi par les effets positifs qu'entraîne tout apprentissage » (p. 5), du fait qu'elle rassure le patient par une meilleure compréhension de la maladie et du traitement en le mettant en confiance par les moyens d'apprentissage.

b) Les autres définitions de l'ETP

De nombreuses définitions de l'ETP ont été proposées dans les écrits. Celle que nous proposons émane du travail mené par un groupe d'experts de l'OMS- Europe. Cette définition a été publiée en 19966, traduite en langue française en 1998 et, reprise par la Haute Autorité de Santé :

« Elle vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Elle fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient. Elle comprend des activités organisées, y compris un soutien psychosocial, conçues pour rendre les patients conscients et informés de leur maladie, des soins, de l'organisation et des procédures hospitalières, et des comportements liés à la santé et à la maladie. Ceci a pour but de les aider (ainsi que leurs familles) à comprendre leur maladie et leur traitement, collaborer ensemble et assumer leurs responsabilités dans leur propre prise en charge, dans le but de les aider à maintenir et améliorer leur qualité de vie » (guide méthodologique de l'ETP, 2007, p. 10).

C'est la définition qui revient souvent dans les écrits. Nous avons joint à cette définition de l'OMS-Europe quelques interprétations formulées par d'autres auteurs.

L'éducation thérapeutique du patient représente pour C. Bouchet (2000, p. 6) le moyen de mieux écouter, informer les personnes afin de leur apporter de l'aide selon leur besoin et leur degré de savoir et de savoir-faire afin qu'il puisse gérer au mieux leur santé, grâce aux démarches éducatives. Pour A. Deccache (1989), il s'agit d'un « processus par étapes,

6 Therapeutic Patient Education - Continuing Education Programmes for Health Care Providers in the field of Chronic Disease, 1996.

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comprenant un ensemble d'activités organisées de sensibilisation, d'information, d'apprentissage et d'aide psychologique et sociale... » (p. 45). Gagnayre et d'Ivernois (2011) considèrent l'ETP comme une pratique singulière qui suscite quelques interrogations sur la participation du patient à la gestion de sa maladie, pour devenir le médecin de lui-même (p. 1). C'est aussi le moyen de considérer le patient comme un sujet et non plus comme un individu (p. 36). Le fait que sa visée est de faire acquérir au patient les compétences nécessaires qui lui permettent de se prendre en charge et « concilier projet de vie avec les exigences de la gestion de la maladie et du traitement » (Gagnayre, 2002, p. 129). Elle favorise aussi « l'expression d'une norme thérapeutique nouvelle, redéfinie par le patient et le soignant, gage de la rencontre du projet médical de l'un et du projet de vie de l'autre » (Barrier, 2010, p. 214).

Si l'on reprend les différentes définitions, celle de l'OMS-Europe représente une référence fondamentale. Elle clarifie l'activité ETP et lui donne un cadre. Elle centre sa réalisation dans les établissements hospitaliers. Il s'agit d'une priorité de soins centrée sur le patient atteint d'une maladie chronique, le considérant comme un individu qui peut participer à la gestion de sa maladie. Toutes les autres définitions se rejoignent sur le but principal de l'ETP, dont la visée est l'accompagnement par une démarche éducative afin de promouvoir l'autonomie du patient et d'améliorer d'avantage sa qualité de vie. Donc, à travers toutes ces interprétations, nous retenons que l'ETP représente un outil incontournable pour la prise en charge des maladies de longue durée, nécessitant plus d'écoute et d'information de la part des soignants, en incitant une motivation à l'acquisition de connaissances, de compétences et d'attitudes appropriées par le patient. Les apports de ces connaissances doivent s'inscrire dans une démarche éducative. Ces définitions ont poussé notre curiosité à s'intéresser à l'émergence de l'ETP et dans quel contexte elle a été imposée aux professionnels de la santé.

2- Les fondements et les contextes d'émergence de l'ETP

L'étude de R. Gagnayre (2002) cité par d'Ivernois et Gagnayre (2011, p. 3) et l'écrit de J. Foucaud (2006, pp. 19-20) engagent des enjeux sociaux, philosophiques, économiques et épistémologiques comme quatre principaux facteurs pouvant être considérés à l'origine de l'émergence de l'ETP.

a) Le facteur social

Pour J. Foucaud (2006), l'ETP a émergé dans les pays industrialisés à partir du milieu du siècle précédent grâce à l'accomplissement de certains progrès dans le domaine médical. Des

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traitements complexes et de longue durée ont été proposés pour ces maladies qui ne se « guérissent » pas mais se « gèrent », nécessitant de la part du malade une participation active. Dans ces pays, l'ETP est historiquement liée au diabète (p. 19). Gagnayre et d'Ivernois (2011, p. 38) témoignent de l'étude de Miller et Golstein (1972), qui a démontré que l'utilisation de l'insuline dans le diabète représente un très bon exemple pour les chercheurs. Sa manipulation demande au patient la mobilisation de connaissance, de savoirs pratiques et d'aptitudes personnelles. D'après ces auteurs, l'ETP s'est, ensuite transposée et adaptée à d'autres maladies chroniques7.

En France, l'ETP est au coeur des débats des politiques et des professionnels de la santé depuis déjà plusieurs années. Le nombre de personnes vivant avec une maladie chronique est en augmentation constante. En 2007, le Ministère de la santé et de la solidarité a déclaré 15 millions de personnes atteintes de maladies chroniques8, soit près de 20% de la population française. Selon le rapport de l'OMS (1998), ce chiffre étant en progression continue dans un contexte de vieillissement de la population. Ce phénomène est lié aux comportements de santé en lien avec la mauvaise alimentation, la sédentarité, le tabagisme et autres addictions... qui semblent être à l'origine de nombreuses affections chroniques comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, le cancer et les maladies transmissibles (HAS, 2007).

La pratique de cette activité thérapeutique a été reconnue officiellement par la France en 2009, suite au constat de la Société Française de Santé Publique (SFSP) qui avait publié en 2008 : « La plus part des malades chroniques ne [bénéficient] d'aucun programme d'ETP... » (rapport HCSP, 2009, p. 2).

Le facteur social concerne alors les progrès de la médecine qui permettent aux patients de participer à la prise en charge de leur maladie, afin de vivre au mieux avec une pathologie chronique.

b) Le facteur philosophique

Pour J. Foucaud (2006), le facteur philosophique de l'émergence de l'ETP est lié au mouvement de la philosophie existentialiste et à son cortège de revendication de droit à l'égalité et à l'autodétermination, paru dès la fin des années 1950. Ces mouvements se développent et se concrétisent aussi dans le domaine de la santé, par la demande des malades à la participation aux décisions en matière de traitement. Emerge alors l'idée que tout être humain est capable d'autonomie, a des droits en tant que personne malade et, a des

7 Comme l'asthme bronchique (Gagnayre et al. ,1998), la broncho-pneumopathie chronique obstructive (Bourbeau, 2003), le syndrome d'apnée du sommeil (Engleman, 2003), les maladies cardiovasculaires (strömberg, 2005).

8 Plan d'amélioration de la qualité de vie des patients atteints de maladies chroniques (2007-2011).

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compétences en matière de décision. Il s'agit d'une nouvelle relation médecin/malade basée sur l'observance (p. 20). Pour d'Ivernois et Gagnayre (2011), « cette position philosophique du sujet rend à chacun sa possibilité d'être dans sa singularité » (p. 3). C'est-à-dire qu'elle octroie à la personne malade des droits et lui confère des capacités de décision. En France, cette apparition philosophique entreprend un changement de statut du patient, renforcée par la loi du 4 mars 2002, qui stipule le droit des malades à l'autodétermination et à l'information.

c) Le facteur économique

D'après d'Ivernois et Gagnayre (2011), l'étude de Tarquinio et al, (2007) témoigne que le plan économique français avait énoncé des effets « désastreux » liés à la non observance des maladies chroniques qui ont souvent pour conséquences : « de prolonger la durée des maladies, d'augmenter le nombre d'arrêts de travail, la fréquence de visite chez le médecin et la durée des hospitalisations des malades » (p. 25). Pour ces auteurs cette situation se traduit par l'insuffisance des réseaux de soutien pour les maladies chroniques en milieu urbain et rural menaçant le maintien à domicile des personnes isolées. Ce qui explique le retour massif de ces malades aux urgences hospitalières. Ce constat a obligé les organisations de santé à mettre en avant les pratiques de l'ETP.

Pour J. Foucaud (2006, p. 20), l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques et l'évolution technologique de la médecine ont contribuer à l'augmentation des coûts de santé. D'après cet auteur, dès les années 1970, « l'ETP va se montrer efficace pour réduire le nombre et la durée des hospitalisations ». Pour lui, l'étude de Miller et Golstein (1972) témoigne de l'efficacité de l'éducation thérapeutique par rapport à la réduction du nombre et de la durée des hospitalisations des personnes atteints de maladies chroniques.

d) Le facteur épistémologique

Pour J. Foucaud (2006), le facteur épistémologique est en lien avec le développement des comportements dans le domaine de la santé paru dès le début des années 1960 : « les théories développées dans le champ de la psychologie, de la psychologie sociale, de la santé publique et des sciences de l'éducation notamment, vont permettre de mieux connaître les variables en lien avec le développement de comportements protecteurs de la santé » (p. 20). Progressivement, les apports de ces différentes théories seront intégrés dans le cadre de démarches d'éducation thérapeutique du patient. Tous les écrits témoignent de l'influence des sciences de l'éducation par ces différentes théories. Cette influence représente pour Giordan (2010, p. 2) la source des fondements théoriques de l'ETP. Elle justifie la diversité de ses modèles d'enseignement et d'apprentissage, actuellement, regroupés en quatre modèles

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pédagogiques, à savoir : le modèle classique, le modèle béhavioriste, le modèle constructiviste et le modèle systémique, que nous avons développé et présenté en annexe 3.

3- La validation de la pratique de l'ETP

Le concept de l'ETP a été reconnu par l'OMS-Europe, décrivant l'éducation thérapeutique du patient comme une continuité indispensable à l'éducation à la santé (Charte d'Ottawa, 1998). En France, l'ETP a été reconnu officiellement en 2009, et commence à s'inscrire dans le parcours de soins du patient (Loi CSP, art. L. 1161-1 à L. 1161-4). Ses modalités de mise en oeuvre sont décrites dans l'article 84 de cette loi. Dans ce sens, la loi HPST (2009) a conçu des Programmes d'Education Thérapeutique du Patient (PETP), des Actions d'Accompagnement (AA) et, des Programmes d'Apprentissage (PA) pour les patients atteints de maladies chroniques. Ces actions thérapeutiques s'appuient sur un cadre législatif.9 La mise en oeuvre de ces actions a été confiée aux professionnels de la santé (HAS, 2007).

4- Les compétences requises pour dispenser l'ETP

Le décret n°2010-906 du 02 Août 2010, représente la première référence réglementaire qui décrit les compétences fondamentales pour pratiquer l'ETP. Il s'agit des formations continues10 destinées aux professionnels de la santé. Ces formations permettent aux soignants d'acquérir les compétences relationnelles, pédagogiques, organisationnelles et méthodologiques. Elles s'appuient sur les contenus et les objectifs pédagogiques définis par l'OMS (1998, p. 21), permettant la conduite de la séance éducative de l'ETP (HAS, 2007). La formation initiale doit préparer les soignants à mieux prendre en charge l'activité thérapeutique, elle aborde la psychologie, les méthodes pédagogiques, les modèles théoriques et les finalités de l'ETP. Dans ce cadre, suite à une enquête réalisée en collaboration avec un groupe d'expert international et la participation de nombreux acteurs de l'éducation thérapeutique,11 un référentiel12 de compétences pour pratiquer l'ETP a été initié par l'INPES en 2013. Les compétences recueillies regroupent trois domaines techniques (relationnelles, pédagogiques et organisationnelles).13Elles peuvent être reformulées selon les contextes, les

9 Joint en annexe n°1.

10 de sensibilisation de 8 à 15 h et des formations dites fondamentales de niveau 1, d'une durée de 40 heures d'enseignements théoriques et pratiques (OMS, p. 21).

11 Le pilotage du projet a été réalisé par Jérôme Foucaud (chargé d'expertise scientifique en promotion de la santé à l'Inpes).

12 Décret n°2013-449 du 31 mai 2013.

13 Joints en annexe 2.

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situations, et les acteurs concernés. Elles ne correspondent ni à un seul métier de la santé, ni à un seul professionnel, elles concernent une équipe pluridisciplinaire.14 Parmi tous ces professionnels de la santé impliqués dans la pratique de l'ETP, nous avons voulu consacrer notre étude à l'implication de l'infirmière dans la réalisation de cette pratique éducative, étant donné que l'éducation pour la santé et l'ETP font partie intégrante de ses actes professionnels stipulés par l'article R. 4311-3 du code de la santé publique. Elle les exerce particulièrement dans le cadre de son rôle propre, auprès des personnes, à tous les âges de la vie. Que celles-ci soient en établissement de santé, au domicile, en entreprise, à l'école, au collège, au lycée...etc.

Dans ce cadre, l'ETP va-t-elle concourir à une nouvelle pratique infirmière ? Puisque cette pratique exige une démarche éducative. Sur quelle approche pédagogique se fonde-t-elle ? Afin de pouvoir répondre à ces interrogations, nous présenterons au chapitre suivant, la démarche pédagogique de l'ETP.

5- La démarche pédagogique de l'ETP

Avant d'aborder la démarche pédagogique de l'ETP, nous souhaitons citer l'étude réalisée par A. Giordan (2010), 15qui explique que le modèle de référence de l'enseignement en ETP était axé sur l'apprentissage de notions et de gestes thérapeutiques centré sur le biomédical, du fait qu'une maladie est supposée avoir une cause organique ou biologique (microbe, génétique, stress, etc.) L'acteur principal de l'action éducative serait le soignant. Celui-ci avait comme rôle principal d'intervenir sur la maladie et dispenser l'enseignement approprié aux soins. Le patient dans la situation avait plutôt un rôle passif, il appliquait et exécutait les conseils et les recommandations du soignant. Pour ces enseignements éducatifs, deux types de pratique étaient envisagés. La première approche reproduisait le modèle universitaire comportant des cours magistraux, accompagnés de travaux pratiques. La deuxième est moins en usage dans les pays francophone, elle repose sur un entraînement basé sur les principes. (Golay, Laggar et Giordan, 2010, pp. 1-2).

Progressivement, face à des maladies de plus en plus chroniques, s'est mise en place l'idée que le soignant ne peut plus se substituer au patient (faire à sa place ou penser pour lui). Et les idées de « faire faire » au lieu de faire, « faire dire » au lieu de dire et « faire construire » au

14 Médecins, diététiciens, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, pharmaciens, ...

15 Etude faite par le laboratoire de didactique et épistémologie des sciences à l'université de Genève, pour le service d'enseignement thérapeutique des maladies chroniques, dirigé par le Professeur A. Golay, Hôpitaux universitaires de Genève, Suisse.

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lieu de construire pour l'autre, ont incité la préoccupation des politiques publiques qui, ont commencé à encourager les professionnels de la santé à réfléchir comment accompagner le patient à assumer ses propres soins, en prenant des décisions concernant sa santé. Dans ce cadre, l'HAS a proposé aux professionnels de la santé une méthode pédagogique pour construire des programmes d'ETP. Ces programmes doivent s'adapter à l'âge de la personne, à sa fragilité et à ses besoins (HAS, 2007).

5.1- Les étapes de la démarche éducative

Selon les recommandations de la HAS (2007), la mise en oeuvre de la démarche éducative comprend principalement 4 étapes à mettre en oeuvre par les professionnels de la santé. Il s'agit d'élaborer un diagnostic éducatif, de définir un programme personnalisé d'ETP, de planifier et mettre en oeuvre des séances éducatives et enfin, de réaliser une évaluation des résultats.

a) Le diagnostic éducatif

Appelé aussi « anamnèse éducative », définit par l'OMS (1998) comme la première étape du processus pédagogique. Pour d'Ivernois et Gagnayre (2011), « il permet d'appréhender différents aspects de la vie et de la personnalité du patient, d'identifier ses besoins, d'évaluer ses potentialités, de prendre en compte ses demandes et son projet dans le but de proposer un programme d'éducation personnalisé » (p. 71). Il s'agit d'un recueil détaillé et itératif d'informations, réalisé par un soignant, « il est au mieux le fruit de la collaboration d'une équipe multi professionnelle... » (HAS/INPES, 2007, p. 27).

Le diagnostic éducatif doit représenter un temps d'apprentissage pour le patient. Au cours de l'entretien, le soignant peut s'aider d'un questionnaire préétabli. Il s'agit d'un guide d'entretien et non d'un formulaire d'enquête, afin de permettre une discussion ouverte basée sur la confiance. Dans ce cadre, d'Ivernois et Gagnayre (2011), ont proposé un guide, aux professionnels de la santé sous forme d'une trame de questions.16 Ce guide doit être utilisé par le soignant comme un support structuré pour l'entretien avec le patient. Il doit être adapté également, aux spécificités de la maladie chronique et à la population concernée. Le soignant durant le diagnostic éducatif doit adopter une attitude d'écoute active favorisant l'expression du patient et l'encourageant à poser des questions à son tour, afin de pouvoir prendre des

16Qu'est-ce qu'il (elle) a ? Qu'est-ce qu'il (elle) fait ? Que vit-il (elle) ? Que sait-il (elle) et que croit-il (elle) ? Que peut-il (elle) faire ? Qui est-il (elle) ? Quels sont ses projets ? Dans quel environnement est-il (elle) ?

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décisions en commun et d'assurer la compréhension mutuelle du but du diagnostic éducatif. Aussi, à chaque entretien, le soignant doit transcrire l'ensemble des informations recueillies dans le dossier éducatif du patient, afin d'éviter d'éventuelles omissions ou répétitions. Le diagnostic éducatif n'est pas définitif, il est évolutif et progressif, il doit être réévalué par le soignant à chaque rencontre avec le patient. Il peut être établie en plusieurs séances car il requiert l'investissement d'un temps nécessaire à l'instauration d'un climat de confiance entre soignant/soigné (pp. 72-75).

b) La négociation des objectifs

Le soignant à travers le diagnostic éducatif doit identifier avec le patient les compétences à mobiliser, à maintenir ou à acquérir comme les compétences d'auto soins, de sécurité et les compétences à pouvoir gérer la maladie. Ces différentes compétences doivent aboutir à la constitution et à la réalisation du programme individuel de l'ETP. Le patient a toute la liberté de s'engager dans le parcours éducatif ou pas, il peut aussi redéfinir avec le soignant à tout moment les objectifs et les modalités du suivi thérapeutique. C'est pour cela qu'on parle de négociation des objectifs (HAS, 2007, encadré 4).

c) La planification et la mise en oeuvre des séances éducatives

A ce stade, le soignant propose aux patients une planification de séances éducatives, sous forme d'un contrat éducatif. La réalisation de ces séances se fait soit dans des structures dédiées aux soins (hôpitaux, réseaux de santé, cabinet libéral médical ou paramédical...) ; soit au domicile du patient ; elle peut être organisé aussi dans le milieu carcéral. La détermination de la nature des séances individuelles ou collectives dépendra de la disponibilité des locaux et des professionnels de santé (HAS, 2007, encadré 5).

- Les séances individuelles : sont destinées en priorité aux patients qui ont des difficultés à se retrouver en groupe, et qui ont une dépendance physique, sensorielle ou cognitive. La séance se déroule en face-à-face entre le soignant et le patient seul, ou accompagné de sa famille. Le soignant doit choisir le thème de la séance en fonction du projet du patient et des compétences à faire acquérir. La séance personnalisée doit se structurer en trois temps : La préparation avant la séance, la conduite de la séance et, l'analyse après la séance. La durée moyenne d'une séance est de 30 à 45 minutes (HAS, 2007, encadré 7).

- Les séances collectives : se caractérisent par la présence d'un groupe de patients au même moment, dans un même lieu. Ces patients ont en commun les mêmes objectifs éducatifs. L'avantage de ces séances, c'est le partage d'expériences entre patients. La séance doit être animée par plusieurs soignants, leur rôle est de favoriser les échanges entre les participants. La taille de chaque groupe est de 8 à 10 personnes y compris les accompagnants. Le nombre

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de participants varie selon le thème de l'activité éducative et la compétence à acquérir. La séance collective se structure aussi en 3 temps comme la séance individuelle. Sa durée est de 45 minutes à 1 heure, entrecoupée de pauses. Eventuellement, les soignants peuvent programmer plusieurs séances collectives au cours d'une demi-journée sans dépasser une durée de 3heures (AHS, 2007, encadré 7).

- Les séances en alternance : une alternance de séances individuelles et collectives peut être proposée à un patient par les soignants, selon la compétence à vouloir acquérir. Par exemple, pour l'acquisition de compétences d'auto soins complexes, une alternance de séances peut avoir un intérêt pour l'apprentissage. Cette alternance doit être planifiée dans le programme personnalisé du patient. (HAS, 2007).

d) La phase d'évaluation

Cette phase aborde l'évaluation des objectifs thérapeutiques définis dans le contrat éducatif. Par exemple, durant la phase d'évaluation, le soignant demande à un patient diabétique, d'expliquer sa maladie, les traitements qu'il prend, la réalisation d'un auto soin, ou vérifier la lecture d'une glycémie. C'est grâce à l'évaluation des objectifs que les soignants peuvent s'interroger sur l'adéquation des méthodes pédagogiques et sur les outils mobilisés pour l'activité thérapeutique. L'évaluation de l'ETP doit être utilisée de manière formative ne portant aucun jugement sur le patient. A travers un dialogue structuré, le soignant doit faire le point avec le patient pour l'aider à développer des compétences d'auto- évaluation. La visée de cette rencontre est l'actualisation du diagnostic éducatif, qui conduit les soignants à proposer au patient ; soit une offre de suivi de « reprise » pour approfondir et compléter l'éducation initiale ; ou bien, de nouvelles séances éducatives sous forme de « suivi régulier » ou de « renforcement », afin de maintenir les compétences ou de les actualiser. (HAS, 2007).

5.2- Les ressources et les techniques éducatives de l'ETP

Comme nous l'avons spécifié, la pratique de l'ETP mobilise des moyens humains comme les professionnels de la santé17 travaillant dans les établissements de soins formés spécialement à cette activité (HAS, 2007).

La pratique de l'ETP mobilise également des moyens techniques et des outils pédagogiques, facilitant les interactions et les médiations avec le patient et sa famille. L'ETP s'appuie sur les ateliers, les exposés interactifs, les tables rondes, les jeux de rôle, les stimulations de gestes et

17 Aux côtés de ces professionnels de santé travaillant dans les établissements de soins, il y a les personnels de secrétariat, administratifs et techniques, il y a également ceux qui interviennent dans les secteurs mutualiste, assurantiel et industriel aussi concernés par l'action de l'ETP (HAS, 2007).

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de techniques. Ces pédagogies s'appuient sur le vécu et l'expérience antérieure du patient. D'autres outils pédagogiques peuvent être sollicités (affiches, brochures, bande audio ou vidéo, matériel de soins, ...) Ces outils doivent compléter la séance éducative, mais pas l'interaction soignant/soigné. Le choix des ressources pédagogiques doit se faire en concertation avec toute l'équipe soignante qui met en oeuvre le programme de l'ETP. Ces ressources doivent être disponibles, accessibles et adaptées aux objectifs des séances éducatives (HAS, 2007). Puisque l'infirmière est impliquée dans la pratique de l'ETP, nous allons développer son métier pour le mettre en lien avec cette activité éducative.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille