INTRODUCTION GENERALE
L'harmonisation du droit des affaires en Afrique (dans la zone
franc notamment) a connu une grande évolution avec l'avènement de
l'OHADA1 il y a une vingtaine d'années (plus
précisément, le 17 octobre 1993, date de l'adoption du
Traité de Port Louis2, texte fondateur de l'OHADA). Bien plus
qu'une harmonisation, cette « unification progressive et
générale des législations »3 du droit
économique sous la houlette de l'OHADA, a déjà conquis
bien des domaines de l'activité économique, tant sur le plan du
droit substantiel que sur celui des procédures. Aujourd'hui, le corpus
juridique de l'OHADA est composé d'un Traité (Traité de
Port Louis) de cinq Règlements, et de neuf Actes Uniformes.
Le droit uniforme OHADA, bien que s'inspirant des droits
nationaux des Etats parties, a, somme toute, redéfini le système
juridique au sein de ces Etats, et redistribué les rôles dans
l'appareil judiciaire. Aussi, si certains maillons de la chaine judiciaire
(Notaires, Huissiers) ont vu leur rôle accroître, d'autres, les
juges notamment, ont dû se réinventer pour s'adapter à la
nouvelle donne qu'apporte l'OHADA. Car la fonction de jugement a mué
avec l'avènement du droit OHADA, oscillant entre soumission à la
volonté des parties et impératif de service public - de la
justice. De même la juridiction présidentielle dans ce nouvel
ordre juridique révèle de nombreuses subtilités, et ses
contours actuels méritent désormais de faire l'objet d'une
attention particulière, d'un examen en profondeur.
La présente étude se veut un travail
synthétique (comme son titre l'indique) et descriptif, combinant, tout
en les expliquant, l'ensemble des dispositions relatives à la
juridiction présidentielle en droit OHADA.
1/ DEFINITION DES CONCEPTS
De prime abord, l'expression « juridiction
présidentielle » renvoie au Président de la juridiction
considérée. Cette expression procède de l'association de
deux notions essentielles : « juridiction » et «
Président ». Celles-ci peuvent recouvrir plusieurs acceptions selon
le contexte dans lequel elles sont placées. Elles sont aussi souvent
confondues avec d'autres notions voisines. C'est pourquoi il est
1 Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires.
2 Révisé à Québec le
17/10/2008.
3 J. ISSA-SAYEGH, J. LOHOUES-OBLE, OHADA.
Harmonisation du droit des affaires, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 93.
indispensable de préciser le sens qui sera donné
à ces concepts et à l'expression « juridiction
présidentielle » dans le cadre de cette étude.
Ainsi, d'après le Larousse 2008, le Président
est la personne qui dirige les délibérations d'une
assemblée. Dans le domaine judiciaire, Le - Premier - Président
est le magistrat placé à la tête de la Cour Suprême,
d'une Cour d'Appel, d'un Tribunal de Grande Instance, ou d'un Tribunal de
Première instance. Mais, le Président de la juridiction est
différent du juge qui préside une formation de jugement, seul ou
en collégialité, puisque ce dernier ne le fait que «
ponctuellement » à l'occasion d'un procès dont il a la
charge, d'un litige qu'il doit trancher.
Le mot juridiction4, quant
à lui, est un synonyme un peu vieilli d'autorité, de
souveraineté5 (on dit par exemple qu'une entreprise
relève de la juridiction fiscale de tel ou tel Etat pour justifier que
cet Etat a le pouvoir de l'imposer). En matière judiciaire, «
Juridiction » est le terme utilisé pour, sans avoir égard
à la place qu'il occupe dans l'organisation judiciaire, désigner
une cour ou un tribunal pris en tant que service public de l'Etat ayant pour
fonction de juger les différends qui lui sont
déférés. La juridiction d'une cour ou d'un tribunal
renvoie aussi à son ressort, c'est-à-dire l'étendue de sa
compétence géographique et les matières dont elle peut
connaître. On classe généralement les juridictions
d'après leur nature en juridiction de droit commun et en juridiction
d'exception, et toute juridiction est située par le degré qu'elle
occupe dans la hiérarchie judiciaire.
Au total, dans la présente étude,
nous entendrons par « juridiction présidentielle » les
attributions qui relèvent de la compétence exclusive du
Président de la juridiction, ou du « magistrat
délégué » par lui. S'agissant du
degré de la juridiction étudiée (instance, appel,
cassation), la logique veut que les - Présidents des - juridictions
statuant en premier ressort (Tribunal de Grande Instance et Tribunal de
Première instance) fassent l'objet de l'essentiel de nos
développements, car c'est à eux que sont soumises, en premier
ressort, les demandes des justiciables. Bien évidement, nous
n'éludons pas les domaines qui relèvent - du Président -
de la Cour d'Appel ou des Cours de cassation nationales et communautaire
(CCJA). Ainsi, la juridiction présidentielle, désignera, le cas
échéant :
4 Voir sur l'ensemble de la question : R. GUILLIEN,
J. VINCENT (sous la direction de), Lexique de termes juridiques,
13e éd., Paris, Dalloz, 2001, pp. 327-328.
5 Dans un sens large, proche de celui du mot anglais
similaire, jurisdiction.
le Président du tribunal de Première instance,
le Président du Tribunal de Grande Instance, le Président de la
Cour d'Appel, le Président de la Cour Suprême, ou le
Président de la CCJA.
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