A. L'institution d'un exécutif régulier de
transition
Conformément à la petite constitution, est
désigné, et formé, un Chef d'Etat de transition et un
gouvernement provisoire. Le Chef de l'Etat veille au respect de la Constitution
de transition, assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics
ainsi que la continuité de l'Etat. Il veille à la mise en oeuvre
de la feuille de route de la transition par le gouvernement provisoire
formé.
Cependant, l'organisation du pouvoir exécutif de la
transition démontre le souci de procéder à sa
légitimation. Suite donc à l'adoption de la petite constitution,
le gouvernement de la transition cesse d'être « de fait »
puisqu'il crée un ordre constitutionnel, qui devient le baromètre
de la légalité de ses actions114. Il
faut alors
113 Selon les théories de la
légitimité élaborées par Jürgen
HABERMAS et Bernard MANIN, « la norme n'est
légitime que si elle est fondée sur des raisons publiques
résultant d'un processus de délibération inclusif et
équitable, auquel tous les citoyens peuvent participer et dans lequel
ils sont amenés à coopérer librement »
(BLONDIAUX L.et SINTOMER Y. «
L'impératif délibératif », Politix,
n°57, p. 18). En ce sens, nous partageons la conviction de Bernard
MANIN selon laquelle « la décision légitime
n'est pas la volonté de tous, mais celle qui résulte de la
délibération de tous : c'est le processus de formation des
volontés qui confère sa légitimité au
résultat, non les volontés déjà formées
» (MANIN B., « Volonté
générale ou délibération ? Esquisse d'une
théorie de la délibération politique », Le
Débat, 1985, n° 33, p. 82).
114
Maurice DUVERGER dans son article sur les
gouvernements de fait parle de légitimité de ces gouvernements et
non pas de légalité, puisqu'il ne considère pas que le
gouvernement provisoire fonde un ordre juridique. S'il affirme que les «
principes affirmés par un gouvernement de fait (...) peuvent
s'analyser, juridiquement, comme une sorte de Constitution coutumière
provisoire et rigide », il n'arrive pas aux conséquences
ultimes de son analyse affirmant que ces principes sont bien créateurs
d'un ordre juridique intermédiaire. Ainsi, pour lui, « un
gouvernement est légal dans la mesure où il se conforme aux
principes juridiques régulièrement exprimés et
formulés dans une Constitution. Un
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
rappeler que dans les périodes incertaines de
transition, la légalité de l'action gouvernementale est une
condition essentielle pour que le gouvernement provisoire acquière la
légitimité indispensable à son action. Ainsi, la
légitimité de l'exécutif provisoire dépend
essentiellement de deux facteurs :
D'abord, puisque l'exécutif provisoire s'engage,
s'autolimite au travers de la norme constitutionnelle de la transition, sa
légitimité est fondée sur la légalité de ses
actions, c'est-à-dire sur la conformité de ses actes aux
règles qu'il a lui-même édictées.
Ensuite, plus la petite constitution est en adéquation
avec les aspirations du peuple, plus le pouvoir en place sera perçu
comme légitime, suscitant l'adhésion et donc l'obéissance
des citoyens.
Cependant l'étude attentive du processus de transition
des pays en crise laisse apparaître que l'implication de la
communauté internationale n'est pas à ignorer. Le processus
repose le plus souvent sur un certain nombre de fait qui rendent compte d'une
réelle emprise des instances internationales. Il est donc
intéressant de noter que l'organe qui conduit la transition, notamment
l'exécutif, est soumis à une légitimation internationale.
La légitimation internationale de l'exécutif de la transition est
donc nécessaire non seulement à sa viabilité, mais aussi
à sa validité.
L'exécutif n'étant pas le seul pouvoir politique
de la transition, il est important de souligner que la petite constitution
détermine également l'organe législatif.
B. La détermination de l'organe
législatif
Très souvent les coups d'Etat et les mouvements
révolutionnaires entrainent la suppression de la structure
législative existante. La décision de supprimer
l'Assemblée nationale est généralement portée
à la connaissance du peuple en même temps que lui est
annoncé le coup d'Etat contre les autorités légales ou
à l'aboutissement de la révolution. Ce faisant, la suppression de
la structure législative qui accompagne généralement les
autorités de fait répond à l'écho invariable de
rompre avec les logiques de l'ancien régime. Ces mesures radicales
touchant l'organe législatif bien qu'exceptionnellement
gouvernement de fait est légitime dans la mesure
où il se conforme à des principes juridiques non encore inscrits
dans une Constitution régulière », DUVERGER
(M.), « Contribution à l'étude de
la légitimité des gouvernements de fait », RDP,
n°61, 1945 p. 81.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
commandées par les exigences du moment n'en sont donc
pas moins révélatrices d'une volonté manifeste des
nouvelles autorités d'épouser une nouvelle conception du pouvoir
politique.
On assiste alors à l'élaboration d'une
assemblée provisoire qui, des fois, concentre en son sein le pouvoir
législatif et le pouvoir constituant.
En effet, dans la période de transition, la petite
constitution détermine l'organe législatif qui dans la plupart
des cas est en même temps investi du pouvoir constituant. Il faut dire
que non seulement cet organe est compétent pour connaitre des
matières qui sont du ressort de la loi dans la période
transitoire, il est le plus souvent aussi chargé d'élaborer la
future Constitution. C'est donc l'exemple de la Tunisie et de la Centrafrique,
pour ne citer que ceux-là, qui, conformément à leurs
petites constitutions, instituèrent chacune un organe
législatif-constituant dénommé : Conseil National de
Transition (CNT).
Cependant, même si l'organe
législatif-constituant de la transition n'agit pas au nom du peuple
souverain, mais au non d'un consensus national, le plus souvent une attribution
tout à fait spécifique lui est assignée : celle de
l'élection du Chef de l'Etat de la transition.
Dans tous les cas, il faut dire qu'en cas de rupture avec
l'ordre juridique existant, la petite constitution assure la continuité
de l'activité juridique de l'Etat, en organisant la transition
constitutionnelle ainsi que les pouvoirs politiques de la transition. A
côté donc de cette fonction, en existe une autre : c'est celle de
la résolution des crises politiques.
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