De la constitutionnalité de l'ordonnance n?° 15/081 du 29 octobre 2015 portant nomination des commissaires spéciaux et commissaires spéciaux adjoints en droit positif congolais.( Télécharger le fichier original )par Fred MUTOMBO MUBABINGE Université de Kinshasa - DIPLÔME Dà¢â‚¬â„¢ÉTAT (BACCALAURÉAT) 2016 |
INTRODUCTION GENERALELe contrôle de constitutionnalité des lois permet que l'ordre juridique soit pratiquement un ordre bien ordonné dans la mesure où la multiplicité de sources du droit impose que s'établisse de manière bien ordonnée une hiérarchie entre les normes sur lesquelles la Constitution surplombe. C'est le couronnement de la pensée de l'école de Vienne dirigée par M. Hans KELSEN qui considère que les normes juridiques dans un Etat sont soumises à une hiérarchie et chacune trouve sa validité dans sa conformité à une norme immédiatement supérieure jusqu'à la norme suprême qu'est la Constitution1. C'est ce qui se traduit aisément par le principe du « Présupposé fondamental » qui sou tend la suprématie de la Constitution considérée comme source originelle de la validité de tout l'arsenal légal. Ainsi, la loi fondamentale étant la sacralisation du vouloir populaire, elle conditionne par conséquent la validité de toutes les normes secondaires à leur conformité à ses prescrits. C'est ici l'acception même du principe de la constitutionnalité de lois. Dans la pratique, ce principe sous-entend également celui de la légalité de lois qui lui est consubstantiel, en ce qu'il rend rationnelle la relativité de la force obligatoire des lois d'après leur hiérarchie. C'est ce que M. Georges BURDEAU qualifie de la théorie de la validité de normes.2 D'où, les actes règlementaires des autorités administratives ne sont valides que quand ils sont autorisés par la loi et chaque loi à son tour ne tire sa force obligatoire que de sa conformité à la Constitution. Puis, se pose la question parce que la Constitution occupe le sommet pyramidal, de quoi tire-t-elle sa suprématie ?1(*) Tel que renseigné ci-haut, techniquement, dans une sphère démocratisée, le mode d'élaboration de la Constitution par excellence, c'est le référendum constituant qui a le mérite d'associer le peuple en amont et en aval dans le processus de son élaboration. De la sorte, pour autant qu'il soit géniteur de sa Constitution, la croyance qu'il place dans les dispositions qu'il sait être émanation de sa volonté justifie à suffisance sa suprématie.3 En République Démocratique du Congo, comme dans tout Etat moderne, le système juridique est formé d'un ensemble de normes au sommet desquelles trône la Constitution. Cette suprématie formelle de la Constitution se révèle par le contrôle de conformité qui s'impose à toutes les autres normes au sein de l'Etat. Par ailleurs, l'article 1erde la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo dispose que la République Démocratique du Congo est un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible. Cette disposition est une traduction de l'option qui a été levée par le Constituant, celle de bâtir au coeur de l'Afrique un Etat de droit fondé sur une véritable démocratie... l'Etat de droit, lui, repose sur le principe de l'autonomisation de l'Etat par le droit, débouchant ainsi par la soumission de tous ; gouvernants et gouvernés, au droit établi. L'Etat de droit ainsi conçu, comporte comme préoccupation finale la garantie et le respect des droits fondamentaux des membres de la communauté étatique. Jonction est ainsi faite entre l'Etat de droit et le contrôle de constitutionnalité des lois, étant entendu que celle-ci comporte comme ultime finalité, la protection des droits fondamentaux constitutionnellement garantis. Enfin, la constitutionnalité de l'Ordonnance n° 15/081 du 29 octobre 2015 portant nomination des Commissaires Spéciaux et des Commissaires Spéciaux adjoints du Gouvernement chargés d'administrer les nouvelles provinces, dont l'objet de cette étude s'inscrit dans l'Etat de droit. Pour y parvenir, le présent travail comporte les points suivants :la problématique (I), l'hypothèse (II), l'intérêt du sujet (III), la délimitation du travail (IV), les méthodes et approches du travail (V) et le plan sommaire. I.PROBLEMATIQUECette étude tente de démontrer le lien substantiel existant entre la Constitution et l'Ordonnance n° 15/081 du 29 octobre 2015 portant nomination des Commissaires Spéciaux et leurs adjoints du Gouvernement chargés d'administrer les nouvelles provinces tel qu'orienté par la Cour Constitutionnelle dans son arrêt R.Const.0089/2015. Il sied de relever, hier comme aujourd'hui, le rôle du juge constitutionnel n'est pas de dire si la loi est bonne ou mauvaise, utile ou inutile, morale ou immorale, juste ou injuste. Sa mission n'est pas non plus de dicter au parlement ce qu'il doit faire, mais son unique rôle consiste en dehors de toute influence, de dire si une loi n'a pas porté atteinte aux droits fondamentaux des citoyens4. Il faut par ailleurs, relever que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) dans sa requête du 29 juillet 2015 saisit la Cour Constitutionnelle en interprétation de l'article 10 de la loi de programmation n° 015/004 du 28 février 2015 déterminant les modalités d'installation de nouvelles provinces et l'article 168 de la loi n° 06/006 du 9 mars 2006portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011 et celle n°15/001 du 15 février 2015 au motif de ne savoir organiser l'élection de Gouverneurs et de vice-gouverneurs avant le délai butoir du 14 août 2015. En appui de sa requête, la CENI évoque la lettre n°25/cab/minintersec/EB/2183/2015 du 18 juillet 2015 par laquelle le Vice Premier Ministre, Ministre de l'intérieur et sécurité lui notifia l'installation effective des nouvelles provinces, ainsi que l'incompatibilité de son calendrier avec certains délais prévus par ladite loi de programmation notamment dans son article 10. Toujours dans le lot de ses difficultés, la CENI évoque également le manque du budget et la carence de certains matériels nécessaires à ladite élection. Au vu de toutes raisons évoquée ci-haut, qualifiées de force majeure par la Cour Constitutionnelle, cette dernière, dans son arrêt R.Const.0089/2015 ordonna au Gouvernement de la République Démocratique du Congo de prendre sans tarder les dispositions transitoires exceptionnelles pour faire régner l'ordre public, la sécurité et assurer la régularité, ainsi que la continuité des services publics dans les provinces concernées par la loi de programmation en attendant l'élection des Gouverneurs et Vice-gouverneurs, ainsi que l'installation des gouvernements provinciaux issus des élections prévues par l'article 168 de la loi électorale5. 2(*) Eu égard des observations précédentes, nous allons chercher à savoir dans la circonstance où la Cour Constitutionnelle a ordonné au Gouvernement de la République Démocratique du Congo de prendre sans tarder les dispositions transitoires exceptionnelles pour faire régner l'ordre public, la sécurité et assurer la régularité, ainsi que la continuité des services publics dans les provinces concernées ; quelles sont les incidences entrainées par l'ordonnance intervenue en droit positif congolais ? Cette pertinente interrogation exige quelques hypothèses en vue de bien orienter le raisonnement. * 1 Léon ODIMULA LOFUNGUSO, Cours d'introduction à la science politique, Faculté de droit UNIKIN, 2014-2015. 2 G. BURDEAU, Droit Constitutionnel, 22è éd., L.G.D.J, 1998. 3 La suprématie de la Constitution relève d'un aspect philosophique plus accentué que l'aspect technique c'est-à-dire, la croyance que son géniteur (qui est le peuple) place à ses prescrits, lui attribue le caractère fondamental et la place au sommet de la hiérarchie des lois ou des normes. (C'est nous qui affirmons). * 4 J. ROBERT, cité par MARIE CHRISTIANE STECKEL, Conseil constitutionnel et alternance, LGDL, Paris, 2002. 5 La Cour Constitutionnelle dans son arrêt : R.Const.0089/2015, p.8. |
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